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184 REVUE DE LIVRES après la thérapie. Vient alors la définition des objec- tifs thérapeutiques déclinés dans différents domai- nes : l’alimentaire, le soi et les relations sociales. La priorité est donnée à l’alimentaire mais, très vite, le travail porte sur le perfectionnisme, l’estime de soi, le sentiment d’échec et les mises à l’épreuve sur le plan cognitif et comportemental. L’auteur et les patientes défendent l’importance d’avoir sur soi un œil bienveillant, tenant compte de ses qualités et de ses limites. Il s’agit de développer son propre regard et non plus de se voir par les yeux des autres. La thé- rapie passe aussi par le fait de prendre soin de soi, la patiente se réconciliant avec elle-même et son corps. Il s’agit de s’accepter puis, au fil de l’ouvrage, de sor- tir de l’isolement, d’apprendre à se détendre. Les trois derniers chapitres (12 à 14) sont plus spéci- fiques. Un chapitre entier est destiné à la famille et rédigé sous la forme de questions couramment posées par l’entourage. Le suivant aborde de façon succincte les liens entre l’anorexie et les événements de vie douloureux ou traumatismes d’un point de vue à la fois étiologique et thérapeutique. Enfin, ce self-help présente les divers cadres de soins et les types de thérapies possibles. Cet ouvrage est un « indispensable ». Il est poly- valent dans le sens où, rédigé comme un self-help et fort bien conçu dans ce cadre, il constitue égale- ment une source d’informations tant pour les aidants familiaux et professionnels que pour les thérapeutes. Les familles, souvent isolées faute de dispositifs les concernant, et parfois même stigmati- sées, y puiseront les conseils qui leur manque ainsi que des pistes de compréhension. Les psychothéra- peutes confirmés trouveront quantité d’astuces, de méthodes, d’exercices cognitifs et comportemen- taux la plupart illustrés par des exemples. Enfin, l’ouvrage constitue évidemment une référence de bibliothérapie à indiquer aux patientes, en parallèle des séances. Pascal ANTOINE How to write a lot. A practical guide to productive academic writing Paul J. SILVIA, Washington, American Psycholo- gical Association, 2007, 149 pages. Procrastinateurs de tout poil, ce livre est fait pour vous (bon, d’accord, pour nous !). Quoi de plus insupportable que de savoir qu’on doit terminer un compte-rendu, rédiger une exper- tise, rendre un rapport ou un mémoire, envoyer un résumé pour un colloque ou finir un article pour une revue ? La « motivation » de respecter une date limite constitue un contrôle environnemental bien punitif ! D’ailleurs, l’étymologie du terme « deadli- ne » est suffisamment éloquente… Comment rédi- ger sereinement en pensant que la mort nous attend au tournant ? Paul Silvia est Professeur de psychologie à l’Uni- versité de Caroline du Nord à Greensboro et a consacré beaucoup de ses recherches à la psycholo- gie des émotions, particulièrement à ce qui rend les choses intéressantes et motivantes. Il est parti d’un double constat : les cursus universitaires n’appren- nent pas à écrire aux étudiants, et nombreux sont ceux qui se lamentent sur leur manque de producti- vité. Chacun se forme sur le tas, bon an, mal an. Les professionnels comme les étudiants passent beau- coup de temps et d’énergie à regretter de ne pas par- venir à se mettre devant leur clavier et remettent souvent au lendemain (jusqu’à la fameuse « dead- line »). C’est pour leur venir en aide que Paul Silvia a décidé d’écrire ce livre utile et distrayant. Son ouvrage s’adresse spécifiquement aux psycho- logues et aux psychiatres, et décrit quelques aména- gements comportementaux qui permettent de dépasser les difficultés de production écrite. Ce livre concis et efficace commence par battre en brèche les excuses spécieuses que nous nous trouvons pour retarder le moment de l’écriture (« je ne trouve pas le temps », « il me faut un bureau plus grand », « je dois encore lire quelques articles », « j’attends d’avoir de l’inspiration », etc.). Paul Silvia décrit ensuite les outils qui augmentent la motivation à écrire, dont beaucoup font partie de la boite à outils des TCC, et les applique à la production d’articles ou de chapi- tres de livres. Un chapitre est consacré à l’améliora- tion du style et présente quelques écueils de syntaxe à éviter. Enfin, l’auteur décrit comment reproduire une initiative qu’il a prise dans son équipe: créer un « groupe d’agraphie » dans lequel les participants présentent leurs objectifs d’écriture, se fixent des buts concrets à court terme, et profitent des avanta- ges de tout groupe thérapeutique (effets du mode- ling et renforcement social). Paul Silvia nous offre donc un livre qui viendra en aide à ceux d’entre nous qui luttent quotidienne- ment contre la difficulté d’écrire. L’ouvrage est des- tiné aux psychologues et aux psychiatres, cliniciens ou chercheurs, et fourmille d’exemples qui émaillent notre quotidien de professionnels. Last but not least, l’ouvrage est rédigé avec beaucoup d’humour. On y apprend par exemple que le monde est injuste (p < .001), et que les Grecs n’ont pas désigné de muse pour écrire un article qui respecte le style APA ! Un livre donc à la fois léger et très utile qui mérite incontestablement d’être traduit (dès que quelqu’un trouvera le courage de s’y coller !). Jean-Louis MONESTES

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REVUE DE LIVRES

après la thérapie. Vient alors la définition des objec-tifs thérapeutiques déclinés dans différents domai-nes : l’alimentaire, le soi et les relations sociales. Lapriorité est donnée à l’alimentaire mais, très vite, letravail porte sur le perfectionnisme, l’estime de soi,le sentiment d’échec et les mises à l’épreuve sur leplan cognitif et comportemental. L’auteur et lespatientes défendent l’importance d’avoir sur soi unœil bienveillant, tenant compte de ses qualités et deses limites. Il s’agit de développer son propre regardet non plus de se voir par les yeux des autres. La thé-rapie passe aussi par le fait de prendre soin de soi, lapatiente se réconciliant avec elle-même et son corps.Il s’agit de s’accepter puis, au fil de l’ouvrage, de sor-tir de l’isolement, d’apprendre à se détendre. Lestrois derniers chapitres (12 à 14) sont plus spéci-fiques. Un chapitre entier est destiné à la familleet rédigé sous la forme de questions courammentposées par l’entourage. Le suivant aborde de façonsuccincte les liens entre l’anorexie et les événementsde vie douloureux ou traumatismes d’un point devue à la fois étiologique et thérapeutique. Enfin, ceself-help présente les divers cadres de soins et lestypes de thérapies possibles.

Cet ouvrage est un « indispensable ». Il est poly-valent dans le sens où, rédigé comme un self-help etfort bien conçu dans ce cadre, il constitue égale-ment une source d’informations tant pour lesaidants familiaux et professionnels que pour lesthérapeutes. Les familles, souvent isolées faute dedispositifs les concernant, et parfois même stigmati-sées, y puiseront les conseils qui leur manque ainsique des pistes de compréhension. Les psychothéra-peutes confirmés trouveront quantité d’astuces, deméthodes, d’exercices cognitifs et comportemen-taux la plupart illustrés par des exemples. Enfin,l’ouvrage constitue évidemment une référence debibliothérapie à indiquer aux patientes, en parallèledes séances.

Pascal A

NTOINE

How to write a lot. A practical guide to productive academic writing

Paul J. S

ILVIA

, Washington, American Psycholo-gical Association, 2007, 149 pages.

Procrastinateurs de tout poil, ce livre est faitpour vous (bon, d’accord, pour nous !).

Quoi de plus insupportable que de savoir qu’ondoit terminer un compte-rendu, rédiger une exper-tise, rendre un rapport ou un mémoire, envoyer unrésumé pour un colloque ou finir un article pourune revue ? La « motivation » de respecter une datelimite constitue un contrôle environnemental bien

punitif ! D’ailleurs, l’étymologie du terme « deadli-ne » est suffisamment éloquente… Comment rédi-ger sereinement en pensant que la mort nousattend au tournant ?

Paul Silvia est Professeur de psychologie à l’Uni-versité de Caroline du Nord à Greensboro et aconsacré beaucoup de ses recherches à la psycholo-gie des émotions, particulièrement à ce qui rend leschoses intéressantes et motivantes. Il est parti d’undouble constat : les cursus universitaires n’appren-nent pas à écrire aux étudiants, et nombreux sontceux qui se lamentent sur leur manque de producti-vité. Chacun se forme sur le tas, bon an, mal an. Lesprofessionnels comme les étudiants passent beau-coup de temps et d’énergie à regretter de ne pas par-venir à se mettre devant leur clavier et remettentsouvent au lendemain (jusqu’à la fameuse « dead-line »). C’est pour leur venir en aide que Paul Silviaa décidé d’écrire ce livre utile et distrayant.

Son ouvrage s’adresse spécifiquement aux psycho-logues et aux psychiatres, et décrit quelques aména-gements comportementaux qui permettent dedépasser les difficultés de production écrite. Ce livreconcis et efficace commence par battre en brèche lesexcuses spécieuses que nous nous trouvons pourretarder le moment de l’écriture («

je ne trouve pasle temps

», «

il me faut un bureau plus grand

», «

jedois encore lire quelques articles

», «

j’attends d’avoirde l’inspiration

», etc.). Paul Silvia décrit ensuite lesoutils qui augmentent la motivation à écrire, dontbeaucoup font partie de la boite à outils des TCC, etles applique à la production d’articles ou de chapi-tres de livres. Un chapitre est consacré à l’améliora-tion du style et présente quelques écueils de syntaxeà éviter. Enfin, l’auteur décrit comment reproduireune initiative qu’il a prise dans son équipe: créer un« groupe d’agraphie » dans lequel les participantsprésentent leurs objectifs d’écriture, se fixent desbuts concrets à court terme, et profitent des avanta-ges de tout groupe thérapeutique (effets du mode-ling et renforcement social).

Paul Silvia nous offre donc un livre qui viendra enaide à ceux d’entre nous qui luttent quotidienne-ment contre la difficulté d’écrire. L’ouvrage est des-tiné aux psychologues et aux psychiatres, cliniciensou chercheurs, et fourmille d’exemples qui émaillentnotre quotidien de professionnels. Last but not least,l’ouvrage est rédigé avec beaucoup d’humour. Ony apprend par exemple que le monde est injuste(p < .001), et que les Grecs n’ont pas désigné demuse pour écrire un article qui respecte le styleAPA ! Un livre donc à la fois léger et très utile quimérite incontestablement d’être traduit (dès quequelqu’un trouvera le courage de s’y coller !).

Jean-Louis M

ONESTES