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La reconversion de l’irrigation gravitaire vers l’irrigation localisée a connu un certain engouement au Maroc. Fin 2006, les agriculteurs marocains auraient équipé environ 141 570 ha en irrigation localisée (figure 1), soit 9,7% de la superficie totale aménagée, selon les chiffres du Ministère de l’Agriculture, du Dévelop-pement Rural et des Pêches Maritimes (2007). Ce chiffre sous-estime probablement la superficie totale aménagée en irrigation localisée, car il ne tient pas compte systématiquement des superficies aménagées sans le recours financier de l’Etat. Actuellement, l’Etat marocain s’est fixé comme objectif la substitution du mode d’irrigation gravitaire par le goutte-à-goutte sur 550 000 ha à l’horizon de l’année 2025 (ibid). Ceci nécessitera des investissements estimés à 37 milliards de dirhams dont l’Etat prendra en charge 22 milliards de dirhams, soit 60%. L’investissement moyen par hectare correspond donc à 67 000 DH dont environ 27000 à la charge de l’agriculteur. L’irrigation localisée est une option coûteuse pour les irrigants et sa valorisation exige une intensification des cultures existantes voire l’introduction de cultures à plus forte valeur ajoutée. Cette reconversion est risquée à double titre: sur le plan technique car il faut maîtriser de nouvelles pratiques d’irrigation voire la conduite de nouvelles cultures; et sur le plan financier car la reconversion exige un investissement important. Enfin, la reconversion amène souvent les agriculteurs à s’insérer dans des marchés moins sécurisés (maraîchage, fruits, …). Jusqu'à présent, dans le périmètre irrigué du Tadla, cette reconversion a concerné essentiellement les grandes exploitations (superficies équipées supérieures à 5 ha) ou des exploitants privilégiés. Les agriculteurs plus modestes, ayant une assise foncière inférieure à 5 ha ont, en revanche, plus de difficultés à moderniser leur système d’irrigation. Dans le Souss, périmètre ayant connu un développement plus rapide de l’irrigation localisée, on observe pour cette catégorie d’exploitations le développement récent de projets collectifs de reconversion au sein de coopératives de réforme agraire et des Associations d’Usagers de l’Eau Agricole (AUEA). 38 Revue HTE N°137 • Juin 2007 RECONVERSION VERS DES SYSTEMES D’IRRIGATION LOCALISEE AU MAROC QUELS ENSEIGNEMENTS POUR L’AGRICULTURE FAMILIALE ? Y. Bekkar 1 , M. Kuper 2 , A. Hammani 3 , M. Dionnet 4 , A. Eliamani 5 Résumé Les agriculteurs marocains ont fait preuve d’imagination et de détermination pour mettre en place des techniques d’irrigation économes en eau sur plus de 140 000 ha dans un contexte de pénurie croissante de l’eau. Dans cet article, il sera question d’expliciter les motivations et les projets des agriculteurs « pionniers » du Tadla et du Souss qui ont franchit le pas de cette reconversion qu’elle soit individuelle ou collective. Ces deux zones sont confrontées à des pénuries d’eau sérieuses, tout en montrant une dynamique agricole importante. Ces deux zones sont donc logiquement précurseur dans l’adoption de techniques d’irrigation localisée et constituent des cas intéressants pour analyser les expériences des agriculteurs dans des projets de reconversion vers l’irrigation localisée. Les conditions de réussite de tels projets seront précisées et l’origine des connaissances nécessaires à ces changements sera identifiée. Ces éléments apparaissent pertinents pour définir les modalités d’accompagnement de tels projets de modernisation, notamment pour les petits agriculteurs, qui représentent une part important des exploitations marocaines en agriculture irriguée. I. INTRODUCTION Figure 1: Evolution de la superficie (ha) équipée en irrigation localisée au Maroc (source : Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des Pêches Maritimes) 1. Ingénieur en Développement Rural de l’ENA Meknes (Maroc) 2. Chercheur au Cirad/IAV (Maroc) 3. Enseignant-Chercheur à l’IAV Hassan II (Maroc) 4. LISODE (France) 5. Ingénieur au Ministère de l’Agriculteur et de Pêches Maritimes (Maroc) 0 20000 40000 60000 80000 100000 120000 140000 160000 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Superficie (ha) équipée

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reconversion des systèmes d'irrigation

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  • La reconversion de lirrigation gravitaire vers lirrigationlocalise a connu un certain engouement au Maroc. Fin2006, les agriculteurs marocains auraient quip environ141 570 ha en irrigation localise (figure 1), soit 9,7% dela superficie totale amnage, selon les chiffres duMinistre de lAgriculture, du Dvelop-pement Rural etdes Pches Maritimes (2007). Ce chiffre sous-estimeprobablement la superficie totale amnage en irrigationlocalise, car il ne tient pas compte systmatiquement dessuperficies amnages sans le recours financier de lEtat.

    Actuellement, lEtat marocain sest fix comme objectifla substitution du mode dirrigation gravitaire par legoutte--goutte sur 550 000 ha lhorizon de lanne2025 (ibid). Ceci ncessitera des investissements estims 37 milliards de dirhams dont lEtat prendra en charge22 milliards de dirhams, soit 60%. Linvestissementmoyen par hectare correspond donc 67 000 DH dontenviron 27000 la charge de lagriculteur.

    Lirrigation localise est une option coteuse pour lesirrigants et sa valorisation exige une intensification descultures existantes voire lintroduction de cultures plusforte valeur ajoute. Cette reconversion est risque double titre: sur le plan technique car il faut matriser denouvelles pratiques dirrigation voire la conduite denouvelles cultures; et sur le plan financier car lareconversion exige un investissement important. Enfin,la reconversion amne souvent les agriculteurs sinsrer dans des marchs moins scuriss (marachage,fruits, ).

    Jusqu' prsent, dans le primtre irrigu du Tadla, cettereconversion a concern essentiellement les grandesexploitations (superficies quipes suprieures 5 ha) oudes exploitants privilgis. Les agriculteurs plus modestes,ayant une assise foncire infrieure 5 ha ont, en revanche,plus de difficults moderniser leur systme dirrigation.Dans le Souss, primtre ayant connu un dveloppementplus rapide de lirrigation localise, on observe pour cettecatgorie dexploitations le dveloppement rcent deprojets collectifs de reconversion au sein de cooprativesde rforme agraire et des Associations dUsagers de lEauAgricole (AUEA).

    38 Revue HTE N137 Juin 2007

    RECONVERSION VERS DES SYSTEMES DIRRIGATION LOCALISEE AU MAROC

    QUELS ENSEIGNEMENTS POUR LAGRICULTURE FAMILIALE ?

    Y. Bekkar1, M. Kuper2, A. Hammani3, M. Dionnet4, A. Eliamani5

    Rsum

    Les agriculteurs marocains ont fait preuve dimagination et de dtermination pour mettre en place des techniquesdirrigation conomes en eau sur plus de 140 000 ha dans un contexte de pnurie croissante de leau. Dans cetarticle, il sera question dexpliciter les motivations et les projets des agriculteurs pionniers du Tadla et du Soussqui ont franchit le pas de cette reconversion quelle soit individuelle ou collective. Ces deux zones sont confrontes des pnuries deau srieuses, tout en montrant une dynamique agricole importante. Ces deux zones sont donclogiquement prcurseur dans ladoption de techniques dirrigation localise et constituent des cas intressantspour analyser les expriences des agriculteurs dans des projets de reconversion vers lirrigation localise. Lesconditions de russite de tels projets seront prcises et lorigine des connaissances ncessaires ces changementssera identifie. Ces lments apparaissent pertinents pour dfinir les modalits daccompagnement de tels projetsde modernisation, notamment pour les petits agriculteurs, qui reprsentent une part important des exploitationsmarocaines en agriculture irrigue.

    I. INTRODUCTION

    Figure 1: Evolution de la superficie (ha) quipe enirrigation localise au Maroc (source : Ministrede lAgriculture, du Dveloppement Rural et desPches Maritimes)

    1. Ingnieur en Dveloppement Rural de lENA Meknes (Maroc)2. Chercheur au Cirad/IAV (Maroc)3. Enseignant-Chercheur lIAV Hassan II (Maroc)4. LISODE (France)5. Ingnieur au Ministre de lAgriculteur et de Pches Maritimes (Maroc)

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    ) q

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    e

  • Les projets collectifs dirrigation correspondent unregroupement de plusieurs agriculteurs pour la cration etla gestion des infrastructures collectives permettant dedesservir leau pour lirrigation localise. Ces projetsengendrent dautres types de risques: sur le planorganisationnel, il faut construire et concevoir des rglesde gestion collectives; sur le plan relationnel, il sagitdun groupe dindividus avec diffrents points de vue etdiffrents intrts. En contrepartie, ces projets offrent uncertain nombre davantages, principalement la rductiondu cot de linvestissement, lapprentissage collectif et lamutualisation des diffrents risques cits antrieurement.

    Dans cet article, il sera question dexpliciter lesmotivations et les projets des agriculteurs pionniers du Tadla et du Souss qui ont franchit le pas de cettereconversion quelle soit individuelle ou collective. Cesdeux zones sont confrontes des pnuries deausrieuses, tout en montrant une dynamique agricoleimportante. Ces deux zones sont donc logiquementprcurseur dans ladoption de techniques dirrigationlocalise et constituent des cas intressants pour analyserles expriences des agriculteurs dans des projets dereconversion vers lirrigation localise. Les conditions derussite de tels projets seront prcises et lorigine desconnaissances ncessaires ces changements seraidentifie. Ces lments apparaissent pertinents pourdfinir les modalits daccompagnement de tels projetsde modernisation, notamment pour les petits agriculteurs,qui reprsentent une part important des exploitationsmarocaines en agriculture irrigue.

    Au Tadla, ltude a commenc par une analyse de la basede donnes de lORMVAT. Elle documente lesexploitations ayant prsent une demande de subventiondans le cadre du programme national dconomie deau.Cette base de donnes contient lensemble des projetsprsents lOffice entre 2002 et 2006 (154 au total), etdistingue les projets de reconversion raliss (100), et lesprojets de reconversion abandonns ou reports (54)malgr lapprobation du dossier technique par lOffice.Aprs vrification sur le terrain, il a t constat quunnombre limit de projets a t abandonn aprsralisation. Par ailleurs, il est vite apparu quil existedautres projets de reconversion dans le Tadla, mises enplace sans subvention et qui ne figurent pas dans la basede donnes. Ce sont en gnral des exploitations situesen zone bour qui nont pas obtenues dautorisation pourleur puits ou forage, condition ncessaire pour obtenir lasubvention. Ces difficults expliquent le fait que lamajorit des projets raliss avec le soutien financier delEtat sont situs en zone amnage (81 sur 100).

    Le choix dtudier lensemble des cas rencontrs (cf.figure 2) a t fait afin de mieux cerner les conditionsayant permis aux exploitants de mener bien leurs projetsde reconversion. Un total de 24 projets a fait lobjet denotre tude dont :

    3 projets qui nont pas t raliss (a),

    39 Revue HTE N137 Juin 2007

    II. METHODOLOGIE

    Projets nonraliss

    Projets Fonctionnels

    Projets acceptspour subvention

    Projets nonsubventionns

    e. 4 exploitationssitues en bour

    Projetsraliss

    Zonenon amnage

    d. 1 exploitation

    Zone amnage

    c. 13 exploitations

    b. 3 exploitations

    a. 3 exploitations

    Projetsabandonns

    aprsralisation

    Figure 2: Echantillonnage pour ltude de projets individuels de reconversion dans le Tadla

  • 3 projets qui ont t abandonns aprs ralisation (b),

    14 projets raliss et qui figurent dans la base dedonnes de lORMVAT (dont 13 en zone amnage)(c) et 1 en zone bour (d),

    4 projets raliss sans subvention (e).

    Les 20 exploitations figurant dans la base de donnes delORMVAT (catgories a, b, c, d) ont t choisies defaon alatoire. Les 4 exploitations de la catgorie (e)ont t identifies grce des visites de terrain.

    Les projets collectifs examins se situent dans leprimtre du Souss dans la zone daction de lasubdivision de Taroudant dont la principale ressource estleau souterraine. Quatre coopratives de rformeagraire et trois AUEA ont fait lobjet de notre tude. Lesprincipales diffrences entre les projets des cooprativeset ceux des AUEA concernent le mode dirrigation lorigine et la taille des superficies concernes, commele montre le tableau 1.

    Afin datteindre les objectifs de ltude des entretiensouverts ont t mens auprs des agriculteurs. Une grilledanalyse a structur ces entretiens autour des aspectssuivants :

    Lvolution des systmes de production avant et aprs laralisation du projet ;

    Lvolution du projet initial des agriculteurs ; Les motivations et les raisons derrire la reconversion ; La caractrisation des liens et des rles des diffrents

    partenaires, principalement lOffice, les entrepreneurset les autres agriculteurs ;

    Le niveau de formation et dinformation concernant latechnique, le march et les changements du systme deproduction ;

    Limportance de lactivit agricole pour mesurer ledegr de risque pris et la possibilit de mobiliserdautres sources financires ;

    Perception et valuation par les agriculteurs de leursprojets de modernisation.

    Pour les projets collectifs, quelques points suppl-mentaires ont t abords :

    Les motivations pour la dimension collective du projet; Les contraintes lis la dimension collective du projet; Les rgles de gestion et de fonctionnement de ces

    projets.

    3.1 Les pionniers du goutte--goutte au Tadla sontsurtout de grandes exploitations agrumicolesLe paradoxe dune dynamique agricole importante dansune zone semi-aride rend le Tadla une zone propice lareconversion du systme dirrigation gravitaire par desquipements conomes en eau , notamment le goutte--goutte. Elle tait donc particulirement concerne parles diffrents programmes successifs de lEtat ayantpour objectif dencourager la mise en place de telsquipements. La reconversion de lirrigation gravitairevers lirrigation localise est en effet une optionprivilgie au Maroc pour faire face la rarfaction desressources en eau. Dans cette optique lEtat marocain amis en place plusieurs dispositifs pour promouvoir cettereconversion. Tout dabord lexonration des droits ettaxes applicables limportation de certainsquipements et matriels destins lirrigation entre1982 et 1984. Ensuite, la mise en place depuis 1996 dundispositif de subvention de matriel dirrigation conome en eau allant de 10% 30% selon les travauxet les quipements raliss. A partir de 1999, en plus dela subvention, une prime linvestissement (2000DH/ha) a t institue au profit des agriculteurs ayantralis des amnagements permettant lconomie deau.

    En juillet 2002, le lancement du programme nationaldconomie deau, fixa comme objectif la reconversionde 22 % de la superficie nationale (114 000 ha). Ainsi unnouveau dispositif dincitation visant la promotion delirrigation localise et de complment a t mis enplace. Ce dernier se distingue par le relvement des tauxde subventions de 30% (bassins hydrauliques du Norddu Maroc) 40% (bassins hydrauliques du Sud) du cottotal des projets raliss (tenant compte de lensembledes composantes du projet). Il est signaler quun retardau niveau de la publication des textes de lois relativesauxdites subventions a engendr un dcalage dans la

    40 Revue HTE N137 Juin 2007

    Tableau 1: Caractristiques des projets collectifs tudis.

    Entit Mode dirrigation lorigine SAU (ha) Nombre dagriculteurs Superficie quipe (ha)

    Cooprative A Aspersion 138 29 60

    Cooprative B Aspersion 355 71 204

    Cooprative C Aspersion 231 34 70

    Cooprative D Aspersion 150 29 133

    AUEA A Gravitaire 430 200 240 (en cours de ralisation)

    AUEA B Gravitaire 550 209 480 (en cours de ralisation)

    AUEA C Gravitaire 450 180 250 (en cours de ralisation)

    III. RESULTATS

  • mise en uvre des projets de reconversion. Pour leTadla, lobjectif tait dquiper 5000 ha en goutte--goutte lhorizon de lanne 2005. Ainsi, paralllementaux incitations financires de lEtat plusieurs actions ontt menes par lORMVAT (Kobry et Eliamani, 2004) :

    Cration dune cellule charge de ltude et du suivide la ralisation de projets dirrigation ;

    Organisation de journes dinformation et desensibilisation;

    Organisation de salons professionnels dirrigation ; Cration et encadrement de lAssociation Tadla de

    lirrigation localise (ATIL) ; Ralisation des essais de reconversion de lirrigation

    gravitaire en irrigation localise, comme support devulgarisation des nouvelles techniques dirrigation.

    Lensemble de ces interventions a permis une volutionnotable des superficies dote du systme goutte--goutte, comme le montre la figure 3. Jusqu novembre2006, environ 4 600 ha ont t quips dans le cadre desdiffrents programmes dconomie deau et ayant doncbnficie de subventions, dont 1572 ha ont t quipdans le cadre du programme national dconomie deaude 2002 2006. Il est prciser que la superficie relleen goutte--goutte dpasse les 4 600 ha, en tenantcompte des ralisations effectues sans le recoursfinancier de lEtat.

    La plupart des projets financs par lEtat au Tadla ontt raliss dans la zone amnage. Seulement, 194 sur1572 ha quips avec la subvention de lEtat concernentla zone non amnage en raison de la difficult dobtenirune autorisation de pompage. Les ralisations de ceprogramme ont concernes principalement les grandsagriculteurs, ainsi que quelques exploitants ayant desliens de proximit avec ladministration tels que les

    prsidents des coopratives de rforme agraire. En effet,prs de 95% de la superficie quipe en goutte--goutteavec le soutien financier de lEtat entre 2002 et 2006 aconcern des parcelles suprieures 5 ha (1487 sur 1572ha). Plus de 80% de la superficie quipe est mmeconstitue de parcelles suprieures 10 ha. Les parcellesde moins de 5 ha ne reprsentent donc que 5,5% desralisations, alors quau Tadla les exploitations ayantdes superficies de moins de 5 ha reprsentent 82% desexploitations soit lquivalant de 34% de la superficietotale du primtre (ORMVAT, 2004).

    Les projets ont essentiellement concern les agrumes(83%) et le marachage (8%), mme si on commence observer une diversification de cultures telles que lemas ensilage, lolivier et la vigne (figure 4).

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    Superficie qu

    ipe (ha)

    Figure 3: Evolution de la superficie quipe (ha) en irrigation localise dans la zone daction de lORMVAT (source :ORMVAT)

    Figure 4: Cultures prvues par les agriculteurs dans lesdossiers de projets de reconversion en irrigationlocalise pour obtenir le soutien financier delEtat (2002-2006) dans le Tadla

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    Agrumes Marachage Vigne Mas Grenadier Olivier Rosaces

    Supe

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    )

  • 3.2 De la russite des expriences de reconversionindividuelle

    Un nombre de 24 expriences de reconversionindividuelle ont t examins pour cerner lesmotivations des exploitants, les facteurs ayant contribu une reconversion russie et donner un aperu sur lesrsultats obtenus par les exploitants.

    3.2.1 Les motivations des exploitations pour faire lareconversion

    Dans le primtre du Tadla, trois principales contraintesont incit quelques centaines dagriculteurs envisageret formaliser un projet de reconversion en irrigationlocalise :

    Des problmes de main duvre

    Lirrigation gravitaire mobilise beaucoup de mainduvre. A titre dexemple, selon les donnes delORMVAT, un hectare dagrumes ncessite environ 10hommes jours par an pour lirrigation, 12 hommes jourspour la confection de cuvettes (systme du robta) et 6hommes jours pour lpandage dengrais. Depuis uncertain nombre dannes, les chefs dexploitation dans leTadla ont une difficult grandissante mobiliser de lamain duvre pour de tels travaux qui sont peruscomme tant moins attractifs par rapport aux activitsdu secteur secondaire et tertiaire. Cette indisponibilitest particulirement prononce pendant lhiver, surtoutsi le tour deau est accord pendant la nuit. La fortemigration des jeunes que connat la zone a accentucette rarfaction de la main duvre agricole, trssollicite pour lirrigation gravitaire.

    La technique de lirrigation localise assure dans lespritdes agriculteurs une importante amlioration desconditions de travail travers la facilit des manuvreset la facilit de suivi et de contrle de lirrigation. Il esten outre plus facile de suivre les travaux des ouvriers.Par ailleurs, lexploitant peut viter dirriguer la nuit etmieux rpartir les irrigations dans le temps afin dviterdes pics de travail. En revanche, ce systme ncessiteune prsence plus frquente, parfois mme quotidienne,sur lexploitation.

    Ces avantages ont constitu de fortes raisons pour quecertains agriculteurs sengagent dans des projets dereconversion, y compris les agriculteurs les plus gsqui ont de moins en moins de force pour travailler etdont les enfants ont quitt lexploitation, ainsi que ceuxqui oprent dans dautre domaines (commerce ousecteur priv) et ne sont par consquent que peu prsentssur lexploitation.

    Des problmes dinsuffisance de dotation en eauen irrigu

    La libralisation des assolements suite lavnement duplan dajustement structurel au dbut des annes 1990 aoffert aux agriculteurs lopportunit dopter pour desspculations haute valeur ajoute, souvent plusexigeantes en eau et plus sensibles aux stress hydrique.Cependant, le primtre irrigu du Tadla a connu depuisles annes 80 une diminution trs importante desdotations en eau accordes au primtre (figure 5), lie la succession de plusieurs annes de scheresse etlaffectation des rserves en eau de surface lalimentation des centres urbains et dautres primtresirrigus (Doukkala et la Tessaout Aval).

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    Bni Amir

    Bni Moussa

    Dotation schma directeur

    Figure 5: Dotations en eau dirrigation accordes au primtre du Tadla (Bni Moussa et Bni Amir) de 1978/79 2004/05

  • En effet la dotation par hectare est passe denviron 10200 m3/ha, dfinie par le plan directeur, moins de 4000 m3/ha dans les annes de scheresse (3 300 m3/haen 2002/2003, par exemple). Dans le primtre des BeniAmir, cette situation est encore plus tendue avec unedotation de 2 700 m3/ha en 2002/2003. Ceci a induitessentiellement une restriction des superficies irrigues,surtout pendant lt. En parallle ces rductions dedotations, les coupures deau suite aux pannes et auxproblmes du rseau sont devenus un grand handicappour lirrigation au sein du primtre surtout en priodesde pointes. Lensemble de ces problmes a limit leschoix des agriculteurs pour ladoption des cultures haute valeur ajoute, qui sont plus consommatrice eneau et surtout plus sensibles au stress hydrique d lirrgularit des irrigations.

    Des cots importants pour lirrigation avec leseaux souterraines

    Dans ce contexte, les ressources en eaux souterrainesont constitu une alternative pour combler le dficit eneau. 12 400 puits et forages ont t installs dont 8400en zone amnage et 4000 en zone non amnage autourdu primtre selon une enqute mene en 2006(Hammani et al., 2007). Ceci a permis de scuriserlirrigation et permettre ainsi lintensification descultures au sein du primtre amnag, mme si il estestim que seulement 50 % des agriculteurs bnficientde cette manne (ibid).

    Depuis quelques annes, suite au rabattement de lanappe engendrant des frais nergiques plus levs et laugmentation des cots du gasoil, cette optioncommence devenir moins pertinente du point de vueconomique, incitant les agriculteurs conomiser leausouterraine.

    Une meilleure valorisation des facteurs deproduction

    Une autre motivation pour une grande partie desagriculteurs enquts consiste en laugmentationattendue dune meilleure valorisation des facteurs deproduction (travail, capital). Ce sont des exploitationsagricoles cherchant la performance sur lexploitation, enaugmentant les rendements et en diminuant les cots(eau, lectricit).

    3.2.2 Les facteurs de succs de la reconversion

    Les contraintes deau et de main duvre et le souhaitdvoluer vers des exploitations agricoles valorisantmieux les facteurs de production sont communs ungrand nombre dagriculteurs du Tadla. Lide que laremise en cause du mode dirrigation gravitaire est undes moyens privilgis pour y arriver a t largementrelaye par les services de ladministration. Cependant,seule une minorit a pu franchir le pas de lareconversion. Lanalyse des facteurs qui ont permis larussite dun projet de reconversion par cette minorit,montre limportance de leur capacit de mobiliser desressources financires, et de leur proximit avec

    ladministration et des agriculteurs ayant russis unprojet de reconversion. Ces facteurs ont permis derduire les risques financiers et techniques engendrspar un tel changement :

    Limportance des ressources financires horsagricoles

    La reconversion demande dimportants investissements,jusqu 60 000 dirhams/ha, qui sont souvent assurs parlaccs des agriculteurs dautres sources definancement provenant de lmigration, ou plusgnralement dune autre activit hors agricole. Ainsi,sur les 21 projets raliss de notre chantillon, 10exploitants ont des revenus rguliers hors agricoles(commerce, salari, fonction publique, ) et 2 sontrentrs de ltranger avec des fonds pour investir.

    Laccs la subvention du fond de dveloppementagricole - en complment de la subvention pour lareconversion vers lirrigation localise - est aussi unlment important pour la rduction des risquesfinanciers. Les subventions associes des primes deplantation et certaines aides supplmentaires accordespar lORMVAT dans le cadre dun programme depromotion et de vulgarisation de la technique dirrigationen goutte - - goutte, ont galement aid certainsagriculteurs changer leur mode dirrigation.

    Des risques techniques attnus par la proximitde ladministration ou des acteurs privs

    Lirrigation en goutte--goutte est une techniquecomplexe et son adoption demande une matrisetechnique et un changement de certaines techniquesculturales. Ceci constitue pour les agriculteurs un risquemajeur dans un projet de reconversion, en particulierparce quils ont gnralement peu de connaissances decette technique. La majorit des agriculteurs qui ontralis des projets de reconversion, et en particulier lesgrandes exploitations, sest donc rapproch des acteursoprant dans le domaine (grants et ouvriers de grandesfermes, entrepreneurs et socits damnagement), maisaussi des agriculteurs leaders qui les ont prcd.Dabord pour obtenir un bagage technique nonngligeable pour mettre en place, grer et entretenir lenouveau systme dirrigation, mais aussi pour avoir despersonnes ressources pour des appuis en cas de besoin.LORMVAT a appuy ces grands agriculteurs pionniers,mais a aussi cibl des agriculteurs proches , ayant desexploitations de taille plus modeste, et quil estimaitdtre en mesure de russir ce genre de projet, commeceux faisant partie des coopratives de rforme agraire.Dans notre chantillon, quatre projets ont t en effetraliss par des prsidents de telles coopratives.

    Une prudence dans la conception et la mise enuvre du projet

    Une analyse des 21 projets raliss montre une mise enuvre progressive de la reconversion vers lirrigationlocalise. Dune part, presque aucun exploitant naquip la totalit de la superficie de lexploitation,

    43 Revue HTE N137 Juin 2007

  • comme le montre la figure 5. En moyenne, ils ont quipseulement les deux tiers des superficies exploites.Dautre part, un certain nombre dentre eux a quiplexploitation en 2 ou 3 tranches. Un des agriculteurs a,par exemple, commenc quiper 6 ha pour aboutir aufinal 45 ha en irrigation localise. Ces agriculteurs onten consquence mont plusieurs dossiers pour lademande de subvention. Cela leur permettait de faire unapprentissage progressif de la technique dirrigationlocalise et de vrifier sa pertinence pour lexploitation,mais aussi dchelonner les investissements dans letemps.

    Par ailleurs, la figure 5 reflte bien la tendance gnraledans le Tadla dune surreprsentation des grandesexploitations dans la reconversion en irrigationlocalise. La taille moyenne des parcelles quipes pournotre chantillon de 21 exploitations est de 12,8 ha.

    Un mot sur ceux qui nont pas concrtiss leurprojet

    Un nombre non ngligeable dagriculteurs na pas puraliser le projet de reconversion en irrigation localise.Dans la base de donnes de lORMVAT plus dun tiersdes exploitants (54) ayant eu lapprobation de leurdossier technique nont pas concrtis leurs projets.Dans les interviews avec ces agriculteurs, le problmede financement et notamment daccs au crdit estsouvent voqu comme raison principale de cesabandons. En effet, il est difficile dobtenir les

    financements complmentaires (60 % du cot du projetau moins) la subvention de lEtat. De plus, lesagriculteurs doivent galement avancer la part de lEtat,qui leur rembourse aprs ralisation du projet etprsentation des factures. Certains agriculteurs on putrouver des solutions qui consistent obtenir desentrepreneurs des facilits de paiement ou raliserleurs projets en plusieurs tranches. Dautresagriculteurs, souhaitant mettre en place de nouveauxvergers dagrumes nosent pas sengager dans descrdits dont ils doivent payer les traites ds la premireanne alors que leurs vergers nentrent en productionquaprs quelques annes.

    Un autre problme souvent voqu est le statut foncier.Il existe un grand nombre de parcelles en indivisiondans le Tadla. Ces parcelles ont un seul matricule, maisde facto plusieurs exploitants. Sur ces parcelles, unprojet de reconversion ncessit laccord de tous leshritiers pour sa ralisation, ce qui pose dautant plus deproblmes que ces projets engagent des investissementstrs importants.

    En zone bour se posait avec acuit le problmedautorisation de creusement et dusage des eauxsouterraines. En consquence, les agriculteurs en bournavaient pas accs systmatiquement la subvention, cequi rend la ralisation du projet plus difficile. Certainsagriculteurs ont pu raliser des projets dirrigationlocalise sans laide de lEtat. Il est signaler que

    44 Revue HTE N137 Juin 2007

    Figure 6: Nombre dexploitations par classe de taille dexploitation (< 5 ha, 5-10 ha, > 10 ha), les superficiesquipes en irrigation localise et les superficies totales des exploitations enqutes.

    8,6

    72

    188

    15

    246

    0

    50

    100

    150

    200

    250

    300

    10 ha

    126

    Supe

    rficie (ha

    )

    Superficie quipe

    Superficie xploite

    3 exploitations

    6 exploitations

    12 exploitations

  • laurisation de pompage nest plus ncessaire dans lanouvelle procdure mise en place en 2007.

    Il existe aussi une petite minorit dexploitants qui ontabandonn leur systme dirrigation localise aprsralisation. Trois catgories de problmes ont trencontrs. Il y a dabord ceux qui ont t convaincu pardes subventions de lORMVAT se rajoutant la sub-vention de lEtat sans pour autant avoir de vritableprojet de mise en valeur accompagnant la reconversiontechnique de leur systme dirrigation. Ils se sontretrouvs avec un systme dirrigation qui ncessite uneprsence quotidienne sur lexploitation et des frais defonctionnement quotidiens difficiles assumer (gasoilnotamment). Certains exploitants ont aussi rencontrdes problmes techniques souvent lis des anomaliesde conception, en particulier des dfauts dans le systmede filtrage avec des consquences dsastreuses surlquipement (bouchage des goutteurs, etc.). Enfin, lamultiplicit de centres de dcisions (pre, fils, frres)dans une exploitation avec le problme du statut foncier(indivision) a t fatale dans une des exploitationstudies.

    3.2.3 Un aperu sur les changements engendrs par desprojets de reconversion

    Les changements intervenus dans les exploitations ayantinstall un projet de goutte--goutte sont en gnralprogressifs mais nanmoins perceptibles ds la premireanne.

    Moins de main duvre

    Etant donn la facilit de la tche dirrigation en goutte--goutte (moins deffort physique et de mobilisation), cesont souvent les exploitants eux-mmes qui senoccupent. Parfois, ils la confient au mtayer au lieudemployer de la main duvre extrieure commectait le cas pour lirrigation gravitaire. La pratique dela fertigation a rduit la demande de main duvrencessaire la ralisation de la fertilisation mcaniqueou manuelle pratique autre fois. La reconversion aengendr aussi une diminution des travaux dentretiendes cultures. Ladoption de lirrigation localise a doncattnue les problmes lis la disponibilit de la mainduvre. Ce constat est peut-tre nuancer si on intgrela demande accentue de main duvre suite lintensi-fication des systmes de cultures et linstallation denouvelles cultures haute valeur ajoute. Par ailleurs,une nouvelle demande commence merger pour lamain duvre qualifie.

    Plus de superficie irrigue et une bonne matrisede lirrigation

    Il est difficile dimputer lvolution des superficiesirrigues de lensemble des exploitations tudies auxprojets de reconversion, cause des diffrents chan-gements intervenus dans ces exploitations (diminutiondes volumes deau fournis par lORMVAT, installationdun puits ou forage, amlioration de la trsorerie delexploitation, etc.). Il est clair, en revanche, que la

    totalit des exploitations a maintenu voir augment lasuperficie irrigue. Pour un certain nombre dentre elles,cette augmentation est directement lie au projet dereconversion. Avec les mmes volumes deau, cesexploitations arrivent irriguer plus que double de lasurface initiale et assurer une rgularit des irrigationsdans le temps.

    Cultures pratiques

    Aprs la reconversion, la totalit des agriculteurs optentpour une augmentation de la superficie des cultures haute valeur ajoute. En dautres termes, ces agriculteursnintroduisent pas de nouvelles cultures aprs recon-version mais accentuent simplement limportance detelles cultures au sein de leurs exploitations. Ils optentsoit pour des cultures marachres (le melon, la courgette,la niora, la pomme de terre et la tomate industrielle), soitinstallent des vergers, principalement des agrumes. Dansla majorit des cas, les jeunes vergers sont associspendant les trois premires annes des culturesintercalaires (marachage). Sur une des exploitationstudies, la surface dagrumes a augment de 1,6 5 ha,ce qui correspond la totalit de la SAU delexploitation. La consquence immdiate de cetteorientation est la rduction des superficies affectes auxgrandes cultures (principalement les crales) et lescultures fourragres (surtout la luzerne) dans le Tadla.Ces cultures, quand elles sont maintenues surlexploitation, sont toujours conduites en irrigationgravitaire.

    Le changement dans les orientations des exploitationsest expliqu par le fait que le passage en goutte--goutteassure une bonne matrise des quantits deau disponibleet donc une rgularit des irrigations. Ceci permet auxagriculteurs daugmenter lassolement de cultures plussensibles au stress hydrique.

    Commercialisation

    La reconversion en irrigation localise a permis auxagriculteurs daccorder plus dimportance aux cultures haute valeur ajoute (agrumes et marachage) dans leurssystmes de production. A lexception des cultures souscontrat telle que la tomate industrielle, ladoption delirrigation localise na pas affect le mode decommercialisation pour linstant. Les agriculteursrestent fidles la vente sur pied o les intermdiairesviennent la recherche des productions. Ceux-ci sechargent de la rcolte, du transport et de la commercia-lisation de la production au niveau du march. Lesagriculteurs continuent a oprer selon ce schma, vulimportance des cots de la rcolte et du transport etune prise de risque plus importante avec la fluctuationsdes prix sur les marchs et un grand nombre de blocagesperus sur ces marchs. Ce comportement permet auxagriculteurs de rduire les risques, mais leur fait perdreune grande marge de profit dont bnficient souvent lesintermdiaires. Un seul agriculteur a chang de mode decommercialisation, en prenant en charge la rcolte etlacheminement vers le march.

    45 Revue HTE N137 Juin 2007

  • Par ailleurs, on commence observer un engouementdes intermdiaires pour les productions obtenues enirrigation localise, qui selon leur point de vue sontmeilleures en qualit.

    3.3 Des projets collectifs de reconversion dans leSouss

    3.3.1 Des coopratives de rforme agraire : duneinitiation la matrise douvrage

    Face une forte pnurie deau et porte par unedynamique agricole vigoureuse, plus de 40 000 ha ontt quips en irrigation localise depuis la fin desannes 1980 dans le Souss. En parallle une fortedynamique de reconversion individuelle, unedynamique plus timide de projets collectifs a commenc se mettre en place depuis le dbut des annes 1990.

    Dans ce contexte lORMVASM a initi et soutenu lespremiers projets de reconversion collectifs dans le Soussauprs des coopratives de rforme agraire, notamment parle biais des directeurs de coopratives, agents dtachs delOffice. Il y avait une importante motivation chez lesagriculteurs, car la forte restriction des ressources en eauavait engendr une importante rduction des superficiesirrigues, une baisse remarquable des rendements et uneforte diminution des revenus. De plus, le prix de leau avaitaugment de 0,05 dhs/m3 en 1982 0,63 dhs/m3aujourdhui.

    Aprs deux ans de sensibilisation et de ngociation, lesattributaires dune premire cooprative se sont engags quiper une partie de leurs parcelles individuelles travers un projet collectif de reconversion. Lareconversion consistait la substitution de lirrigationpar aspersion par le goutte--goutte. Ces projets se sontgreffs sur des structures et des infrastructuressolidement implantes et dont le mode de gestion(notamment le tour deau et la facturation) taient grspar lOffice. Le projet a t mis en uvre en 1992 et apermis lquipement dun hectare par adhrent (sur 3,75ha) en parcelle individuelle de la cooprative A, soit 30ha en tout. Devant le succs rencontr, les adhrents dela cooprative ont tendu individuellement lessuperficies quipes sur leurs parcelles. De plus, lesadhrents de la cooprative se sont engags dans unsecond projet collectif dirrigation localise pourquiper les 30 ha de la parcelle commune. Cette parcellenavait plus t irrigue depuis 1988 cause de lapnurie deau et on y cultivait des crales en sec. Lesadhrents de la cooprative ayant acquis une solideexprience dans la mise en uvre et la gestion dun telprojet, ont dcid de mener bien leur projet sans appuitechnique extrieur. Le projet a t ralis en plusieurstapes depuis linstallation dun forage en 1998 jusqulquipement la parcelle et un bassin collectif en 2003.

    Trois autres coopratives dans la mme zone ont suivicet exemple. Dans lensemble des coopratives desprojets collectifs ont vu le jour la fois dans lesparcelles individuelles et dans les parcelles communes.Ces projets se sont chelonns dans le temps. Dans la

    cooprative B, par exemple, aprs un premier projetconsistant remplacer la canalisation principale enaluminium par une conduite en PVC en 1996, cinqmembres du bureau de la cooprative ont dciddinstaller 1 ha chacun dirrigation localise. Leurexprience a convaincu le reste des adhrents de lacooprative qui ont, partir de l, dcid de mettre enuvre un projet collectif. En 1998, une premire tranchede 71 ha a t ralise, suivie dune 2me tranche de 71ha en 2000 et une 3me de 62 ha en 2004. Une 4metranche est en cours de ralisation.

    En termes de gestion, il faut distinguer entre les parcellesindividuelles, dont le tour deau et la facturation deaucontinuent tre gr par lORMVASM, et les parcellescommunes. Pour ces dernires, les coopratives ont dumettre en place des rgles de gestion (tour deau,tarification, facturation) et des procdures dentretien etde renouvellement de matriel. Elles ont aussi recrut unouvrier pour assurer le tour deau.

    La russite de ces projets collectifs, qui est assezoriginal lchelle nationale, peut tre attribue plusieurs facteurs :

    Les coopratives ont jou un rle dterminant dans lemontage financier des projets. Ces coopratives ont unaccs au crdit priv relativement ais, bas sur unesolide rputation auprs des banques. Par ailleurs, cescoopratives disposent dun fonds de roulement travers la production des crales semences, cultivessur les parcelles individuelles mais commercialises parla cooprative. Ceci permet la cooprative davancerla part individuel des projets aux agriculteurs, qui estpar la suite prleve sur les comptes des adhrents unefois que la cooprative est paye.

    Le cot dinvestissement pour la reconversion delaspersion en goutte--goutte reste abordable (12 000dirhams/ha en moyenne) surtout avec loctrois dessubventions (6 000 dirhams/ha en moyenne). Cesmontants sont comparer avec le cot de reconversion partir de lirrigation gravitaire qui peut aller jusqu60 000 dirhams/ha. Le risque financier est doncmoindre et le retour vers laspersion en casdinadaptation de lirrigation localise reste possible,les deux techniques fonctionnant sous pression.

    La mise en place progressive de tous ces projetscollectifs selon les moyens techniques, financiers etorganisationnels disponibles. Elle a permis auxagriculteurs dexprimenter la nouvelle techniquedirrigation et par consquent daccumuler un savoirfaire technique et organisationnel. Cet chelonnementdans le temps a aussi laiss la latitude aux agriculteursde sadapter financirement aux changements dansleurs systmes de production. Finalement, la similitudedes situations des adhrents, notamment en ce quiconcerne les superficies exploites, la localisation desparcelles et les systmes de production, a simplifi laconfiguration des projets, qui sont plus facile concevoir et grer.

    46 Revue HTE N137 Juin 2007

  • Contrairement au Tadla, ces projets de reconversion ontdabord permis une intensification des systmes deproduction existants avec une augmentation derendements, grce une meilleure matrise de lirrigationet de la fertilisation. Pour les crales les rendements sontpasss de 25 40 qx/ha en moyenne, alors que pour lemas fourrage les rendements sont de 40 T/ha. Les projetsde reconversion nont pas eu beaucoup dimpact sur lesvolumes deau facturs ni sur les superficies irrigues.Ces deux paramtres nont pas volu, exception faitepour les parcelles communes qui ont pu renouer avec uneagriculture irrigue, aprs 10-15 ans de coupure. Bienquon observe une volution dans le choix des cultures,notamment une diminution de la luzerne et uneaugmentation du mas fourrager, on a limpression queles projets de reconversion en irrigation localise ne sontpas le facteur dclenchant de ces volutions, maisaccompagnent des changements en cours. Un autrersultat de ce processus de reconversion est incontesta-blement lapprentissage collectif et individuel desirrigants. Aujourdhui, les coopratives sont capables demettre en uvre et grer de nouveaux projets dereconversion collectifs sans aucun appui technique, enassurant la matrise douvrage. Le rle de lentrepreneurse limite les fournitures des quipements ncessairesnotamment les canaux en polythylne et les gaines avecgoutteurs.

    3.3.2 Dambitieux projets collectifs initis par desbailleurs de fonds et repris par les agriculteurs

    Plusieurs associations dusagers de leau agricole(AUEA) dans le Souss ont initi des projets collectifs dereconversion de leur systme dirrigation gravitaire verslirrigation localise. Ces projets visent lquipement degrandes superficies avec des systmes modernesexigeant ainsi la mobilisation dimportants investis-sements dpassant de loin les capacits financires deces AUEA. La conception technique de ces projets estconfi de grandes socits nationales voir interna-tionale oprant dans le domaine vu limportance dessuperficies quiper et la complexit des situations:morcellement et clatement des parcelles desagriculteurs, diffrents systmes de productions, ...

    Lide des projets collectifs pour ces AUEA a merg la fin des annes 1990, encourags par lagence debassin et de lORMVASM, relevant des opportunits definancement partiel travers des bailleurs de fondstrangers. Lide a t formule dabord par desagriculteurs leaders et ensuite dbattue et valide enassemble gnrale des diffrentes AUEA partir delanne 2000. Le cheminement de chaque projet dpendensuite du dynamisme de lAUEA concerne et de lacomplexit du projet.

    Une des AUEA tudies tait parmi les premires formuler le projet et a ainsi rencontr de nombreuxproblmes. Aprs lapprobation de lide parlassemble gnrale de lAUEA, un projet ambitieux de440 ha a t conu par une socit pour un cot total deplus de 10 millions de dirhams. Une contribution

    financire importante a t obtenue dun bailleur defonds tranger, ce qui a permis de raliser les forages, lebassin, la station de tte et le canal damene.

    Aprs la ralisation de ces uvres, des discussions onteu lieu dans le bureau de lAUEA sur lopportunit deschoix techniques du projet. Il a t alors dcid de passerdune gestion manuelle, telle que prvue dans le projet,vers un systme totalement automatis. En mme temps,le montage financier du projet a t revu compltement.Initialement, il tait prvu que le bailleur de fondsassurait 50% du cot du projet, les 50% restant tantfournis par lAUEA. Devant laugmentation du cot duprojet (rvision des choix techniques), la difficult delAUEA dassurer le complment du financement etlapparition de nouvelles opportunits de financement,un nouveau montage financier simposait. LAUEA aalors dcid de rduire dans un premier temps la tailledu projet (de 440 ha 240 ha) dune part, et de solliciterune subvention de lEtat dautre part. Ce dossier estencore en instance, ce qui retarde la mise en place desquipements la parcelle, seule composante du projetpas encore ralise.

    Le dossier de demande de subvention est suivi avecbeaucoup dintrt par dautres AUEA, qui sontgalement intresss par de telles subventions. Il existeen effet des changes importants dinformations entreAUEA, notamment travers la fdration des AUEA delOued Souss. Cre en 1995, celle-ci regroupe 39AUEA couvrant une superficie dpassant les 22 000 haet grant plus de 130 forages. Ces changes ont permis dautres AUEA de tirer des enseignements delexprience de cette AUEA pionnier et de prendrequelques raccourcis. Cela se traduit par :

    Des choix techniques bien rflchis afin derpondre aux spcificits de chaque AUEA(configuration des parcelles, systmes deproduction prvus, systme de facturation souhait,) ;

    Une implication de plus en plus forte des AUEAdans la conception technique et financire desprojets, linstar des coopratives de rformeagraire. A titre dexemple, une des AUEA tudiessest procur une pelleteuse afin de diminuer lecot du projet en effectuant elle-mme les travauxde terrassement (creusement du bassin et destranches) ;

    Une mise en uvre par tranche afin de rduirelampleur du projet, en particulier son cot maisaussi son pilotage. Ceci permettra loctroi dessubventions chaque fois quune tranche est acheveet par la suite disposer de fonds pour initier lestranches suivantes ;

    Un montage financier plus diversifi; lAUEAsadresse plusieurs guichets pour obtenir descontributions et diminuer la contribution desadhrents.

    47 Revue HTE N137 Juin 2007

  • La plupart des projets de reconversion des AUEA dansle Souss sont aujourdhui dans leur dernire phase deralisation malgr leur ampleur qui rend les AUEAdpendant des contributions externes, occasionnant desretards importants dans leur mise en uvre.

    4.1 Comment les agriculteurs ont pu franchir le pasde la reconversion en irrigation localise ?

    Lanalyse dune vingtaine de projets individuels amontr trois conditions essentielles qui ont permis auxagriculteurs de mener bien des projets de reconversionen irrigation localise :

    Des projets qui sont rflchis et mis en uvre de faonprogressive ;

    Des projets de reconversion adapts aux orientationsde lexploitation agricole ;

    Un apprentissage actif depuis la conception et lamise en uvre du projet, qui permet denvisagersereinement la gestion et lentretien des quipements.

    Les projets de reconversion stalent souvent sur 2 ansentre lmergence de lide et linstallation delquipement. Ce temps est mis profit par lesagriculteurs pour progressivement dominer le projet surle plan technique et ainsi intervenir dans les choixtechniques avec assurance et de faon constructive. Celaa permis aux agriculteurs daffiner le projet et deremettre en cause les choix techniques proposs par desentreprises pour les adapter aux spcificits de leursexploitations: laccs leau, la configuration desparcelles, les systmes de cultures prvus et la facilit degestion, etc. Ces interventions tmoignent de lappro-priation des projets par les agriculteurs. Ce ne sont plusles techniciens des entreprises ou des administrationsqui conoivent un projet cl en main pour lagriculteur.Le projet propos par ces techniciens est modifi etadapt en fonction des exigences de lagriculteur, quimatrise de mieux en mieux limplication des choixtechniques du projet. Ce temps relativement long estaussi ncessaire pour lagriculteur pour sorganiser dansson exploitation agricole: rorganisation du mainduvre, adaptation des itinraires techniques, volutiondes besoins financiers tout au long du campagneagricole et dirrigation. Enfin, lagriculteur recherchesans cesse le montage financier le plus appropri, quitte retarder de quelques mois la mise en uvre du projet.Au final, on peut constater que la rflexion et la mise enuvre progressive des projets de reconversion ontpermis aux agriculteurs de minimiser les risquestechniques et financiers lis ladoption de cesnouvelles technologies.

    La russite dun projet de reconversion dpendgalement des orientations et de la viabilit delexploitation agricole. En effet, les exploitationsengages dans de tels projets tendent vers une

    intensification de leurs systmes de production avec uneaugmentation importante des rendements obtenus. Dansle Tadla, les exploitations agricoles dlaissent lesgrandes cultures (crales, luzerne, ) et soriententvers de larboriculture (agrumes, notamment) ou lemarachage. Dans le Souss, les exploitations onttendance intensifier les systmes de productionexistants, notamment les fourrages et llevage laitier. Ilest intressant de noter que le changement desorientations des exploitations agricoles se fait par desajustements progressifs. Mme dans le Tadla o lesexploitations sorientent vers de nouvelles cultures,lagriculteur procde par petites tapes pour sassurer dela pertinence de ses choix. Lagriculteur exprimente,par exemple, le marachage ou les agrumes sur unepetite superficie en mode gravitaire et profite de lareconversion vers lirrigation localise pour augmenterprogressivement la superficie de ces cultures. Cesvolutions progressives ncessitent cependant deprofonds changements dans la conduite delexploitation. Ceci explique en partie la rticence desagriculteurs pour linstant de changer de mode decommercialisation (vente sur pied, en gnral) ou desinsrer dans de nouveaux marchs, mme si cela estsans doute galement li aux blocages persistant sur lesmarchs agricoles, notamment dans le Tadla o ilnexiste pas de coopratives agricoles lchellergionale comme dans le Souss. Enfin, les exploitationsayant russies la reconversion ont du mobiliser desressources financires non ngligeables, souvent issuesdes revenus hors agricoles, pour financer leur quote-partet avancer la part subventionne par lEtat. Lasubvention de lEtat a cependant jou un rle importantdans la dcision de reconversion des agriculteurs. Aufinal, on se rend compte que le temps ncessaire pourmettre en uvre le projet de reconversion est aussiutilis par les agriculteurs pour dfinir un projetdexploitation.

    Les agriculteurs engags dans des projets dereconversion ont montr des attitudes dapprentissageactif tout le long du processus. Ils se sont assurs davoirun accs facile des personnes ressources pouvantfournir des appuis et conseils techniques pour laconception technique du projet, le montage du dossierde financement, le financement du projet, et enfin laconduite et lentretien des quipements. Il sagitnotamment dautres agriculteurs ayant conduit de telsprojets, des grants et ouvriers des grands domaines deleur zone, des techniciens des socits damnagementainsi que des agents des Offices Rgionaux de Mise enValeur. Cela permet aussi de croiser des informations etdacqurir un bagage suffisant pour confronter lestechniciens et commerciaux des entreprises de travaux.Les agriculteurs ont fait des voyages dtudes au Maroc,notamment dans le Souss et ltranger pour observer insitu les expriences de reconversion et interroger lesexploitants sur les avantages et inconvnients de telsquipements. Certains agriculteurs ont aussi fait desformations pour mieux se prparer aux nouvelles

    48 Revue HTE N137 Juin 2007

    IV. DISCUSSION

  • technologies. Les rsultats de cet apprentissage actif nesont pas seulement visibles sur les exploitationsconcernes travers une conduite russie de lirrigationlocalise. Ces agriculteurs deviennent leur tourpersonnes ressources pour dautres agriculteurssouhaitant sengager dans un projet de reconversion.Certains groupements ont acquis une telle exprience enla matire quils assurent aujourdhui la matrisedouvrage de tels projets, les entrepreneurs se limitant la fourniture des matriaux (canalisations, pompe,filtres).

    4.2 Quel avenir pour des projets collectifs dereconversion?

    Les conditions de russite des projets collectifs

    Dans le Sous plusieurs projets collectifs de reconversionvers lirrigation localise ont russis. Ces projetscollectifs dirrigation au sein des primtres amnagsvisent comme premier objectif de permettre aux petitsagriculteurs laccs aux nouvelles techniquesdirrigation. Rien que dans les sept groupements tudis(quatre coopratives de rforme agraire et 3 associationsdusagers de leau agricole) plus de 750 agriculteurs ontmis en place progressivement des quipements enirrigation localise sur une superficie de presque 1 500ha.

    Les conditions intrinsques de la russite dun projetcollectif ne sont pas trs loignes de celles voquesdans la section prcdente, mais mener un tel projetdemande en plus des capacits de coordination, decommunication et de ngociation par les dirigeants desgroupements dagriculteurs. Ces exigences suppl-mentaires rendent dautant plus ncessaire la conditionde rflchir et mettre en uvre le projet progressivementpour quil soit convenable pour lensemble desagriculteurs concerns. Il faut galement du temps pourque tous les agriculteurs comprennent la porte deschoix techniques faire et leurs consquences sur lagestion, lentretien et le renouvellement desquipements.

    Dans la phase de conception du projet collectif,lensemble des agriculteurs est amen rflchir sur lesorientations de leurs exploitations. En contre partie desinvestissements consentis par les agriculteurs, uneintensification ou une modification des systmes deproduction simpose pour rentabiliser ces investis-sements. Dans le cas des coopratives de rformeagraire la situation tait plus simple, car les adhrentscultivaient les mmes superficies avec les mmescultures. En revanche, pour les AUEA les projetscollectifs doivent prendre en compte une configurationparcellaire morcele et disperse et des choix de culturesradicalement diffrents. Partant du principe que le projetcollectif doit sadapter aux exigences individuelles etnon vice-versa, on peut aisment comprendre que laconception dun tel projet demande un peu plus dedbats et ngociations, car en rgle gnral plus unprojet est flexible pour lindividu plus il est cher. Reste

    alors trouver un compromis acceptable pour lesirrigants.

    Lanalyse des projets collectifs de reconversion montreun apprentissage actif par les agriculteurs concernspour matriser les nouvelles technologies, linstar desprojets individuels. Plus tonnant est le parcoursdapprentissage des dirigeants de ces groupements quise chargent en gnral de la partie collective du projet.Dans tous les projets un noyau dur de 4 ou 5 personnessest partag les tches pour mener bien le projet : 1)les relations avec ladministration (Office Rgional deMise en Valeur, Agence de Bassin) pour le dossiertechnique, laccs leau et le dossier de subvention, 2)la conception technique du projet, 3) le montagefinancier du projet, 4) les relations avec lesentrepreneurs et les fournisseurs de matriel, 5) lacommunication interne avec les adhrents mais aussiavec les douars concerns. Parfois plusieurs tchestaient assumes par un seul individu, mais les projetsntaient jamais ports par une seule personne. Ainsi, leschoix techniques, financiers ou organisationnelspouvaient tre discuts et construits lintrieur de cesnoyaux durs avant de proposer des alternativeslabores et crdibles aux adhrents. Ces noyaux dursont su tisser des rseaux de connaissances dans leurzone et mme lchelle nationale. Ils sont donc nonseulement au courant des expriences et de ltatdavancement des autres groupements mais ils saventaussi qui contacter en cas de problme.

    Les revirements acts lors de la phase de conception ontt importants. Une des AUEA a, par exemple, dcid dedcouper le projet initial en 4 projets spars, parce quela taille du projet initial dpassait les capacitsfinancires et organisationnelles de lAUEA. Une autreAUEA a dcid de se procurer une pelleteuse pour faireles travaux de sols elle-mme. Au final on constate queles groupements ayant mis en uvre de projets collectifsde reconversion ont dvelopp des comptencestechniques et managriales qui leurs permettentdassumer le rle de matre douvrage sur de tels projets.Ils ont aussi montr une relle capacit laborer desrgles de gestion et de lentretien des quipements enirrigation localise. Ces rgles sont diffrentes dungroupement un autre, en fonction des contraintestechniques et des ngociations menes au sein de cesgroupements.

    De la rationalit du choix dun projet collectif

    Notre analyse montre que le choix de faire un projetcollectif et non pas un projet individuel est un choixraisonn par les concerns. Premirement, ils y voientun intrt financier. Certains quipements, et notammentle bassin qui reprsente souvent 30-40 % du cot duprojet, peuvent tre mutualiss. Ceci rduit le cot duprojet lhectare pour chacun denviron 15 % et viteque chaque agriculteur consacre une partie de sonexploitation au bassin. Se lier des structures existantes,telles que des coopratives de production ou de rformeagraire, peut en plus faciliter lobtention de crdits.

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  • Deuximement, un projet collectif peut fournir lesconditions pour mutualiser les risques lis lareconversion. Le projet de reconversion est un dossiercomplexe (conception technique, montage financier, )et lirrigation localise est une technique nouvelle.Souvent son adoption est associe par les agriculteurs une prise de risques lie cette complexit, quilconvient alors de mutualiser. Dune part, on peutsassocier avec dautres plus mme de mener bien untel projet sur le plan technique et financier, en vitant aupassage de perdre trop de temps dans ce dossier. Dautrepart, le collectif facilite la diffusion de linformation etlapprentissage. Le collectif constitue souvent uneplateforme intressante pour des agents dedveloppement (ORMVA, ONG, ) pour des activitsde formation et de vulgarisation. Il entrane donc uneprise de risque collectif qui donne aux diffrentsadhrents du groupe plus de confiance, de scurit etdassurance. Cela amne les agriculteurs prendre desrisques techniques et financiers lis la reconversion,quils oseront moins confronter individuellement.

    Quel accompagnement pour des projetscollectifs de reconversion ?

    Les expriences du Souss montrent que les projetscollectifs reprsentent un moyen intressant pourfaciliter laccs de lagriculture familiale de nouvellestechniques dirrigation conome en eau. Si ce postulatest vrifie, il nen reste pas moins un retardconsidrable de cette agriculture au Maroc dans la miseen place de ces technologies et dans laccs auxsubventions, comme le montrent nos analyses mais aussiles donnes du Ministre de lAgriculture. Lenjeu est decapitaliser sur les expriences individuelles etcollectives de reconversion pour concevoir desmthodes et des outils pour accompagner des groupesdagriculteurs intresss par la reconversion dans laralisation de tels projets.

    Cest dans cette optique quune dmarche daccompa-gnement de projets collectifs de reconversion a tconue (Dionnet et al., 2006) et teste dans le cadre duprsent travail au primtre du Tadla. Sinscrivant dansun processus participatif destin accompagner la miseen uvre des projets collectifs, un jeu de simulation at dvelopp. Des groupes dagriculteurs et degestionnaires de leau ont pu simuler les diffrentestapes de la mise en uvre dun projet depuis le bassinjusqu la parcelle. Destin dvelopper, enanticipation, un savoir commun sur les projets collectifsde reconversion en irrigation localise, cet outil a permisde renforcer les connaissances des agriculteurs, tout enfacilitant les tapes ultrieures du processus enformalisant les attentes de ces derniers et les questionsproblmatiques. La dmarche a conjugue des sancesde travail des agriculteurs sur le projet travers le jeu desimulation avec des voyages dtudes et des rencontresavec des personnes ressources (administrations, ONG,) pour aboutir un avant-projet sommaire. Ladmarche a permis de dboucher sur deux projets

    collectifs, qui sont aujourdhui en cours de ralisation.Lenjeu est bien sr de proposer des mthodes pouvantservir dautres groupements intresss par cettetechnique concevoir et mettre en uvre de tels projets.Dans un contexte de redfinition du mandat de lEtat, ilfaudra au-del de la conception et testage de tellesmthodes, mener une rflexion sur le statut et le rle desanimateurs de ces projets, que lon trouve aujourdhuidans ladministration, le secteur priv, voir dans lesecteur associatif.

    Les agriculteurs marocains ont fait preuvedimagination et de dtermination pour mettre en placedes techniques dirrigation conomes en eau sur plus de140 000 ha dans un contexte de pnurie croissante deleau. Une diversit dexploitations agricoles a franchi lepas : des grandes domaines horticoles, mais aussi desproducteurs familiaux plus modestes approvisionnantdes marchs domestiques en fruits et lgumes et desindustries agro-alimentaires en lait, sucre, etc. Une telinnovation technique induit des changements profondsdans les orientations dune exploitation agricole :intensification des systmes de production, introductionde nouvelles cultures, insertion dans de nouveauxmarchs, rorganisation de la main duvre Lareconversion de lirrigation gravitaire vers le goutte--goutte sur une exploitation agricole ncessite donc engnral au moins 2 ans depuis lmergence de lidejusqu la mise en place de lquipement. Ce temps estmis profit pour faire voluer les orientations delexploitation agricole et pour adapter la conception dunouveau systme dirrigation aux spcificits delexploitation. Lambition du Maroc est daboutir 450000 ha en irrigation localise lhorizon de lanne2025. Pour que les projets de reconversion soientdurables et que le taux de russite de ces projets restelev, il va falloir viter de rendre cl en main denouveaux amnagements en goutte--goutte, commectait le cas lors de la mise en place des secteurs enaspersion dans les diffrents primtres de grandehydraulique. Il est ncessaire de continuer laisser letemps aux exploitants de sapproprier ces projets etdadapter la configuration technique aux spcificits deleurs exploitations. Adapter un savoir-fairetechnologique une demande manant des agriculteursau cas par cas, demandera la profession de nouvellesformes dingnierie.

    Lanalyse dun nombre limit dexpriences dereconversion a montr les principaux obstacles lareconversion pour les irrigants : laccs au crdit, lemontage du dossier de subvention, difficult de mesurerlimplication des choix techniques sur la conduite delexploitation, la dfinition dun projet dexploitation,les ngociations avec les entreprises, etc. La constitutionde petits collectifs, regroupant plusieurs agriculteurs, apermis dans certain cas de dpasser les obstaclessignals. Des projets moins chers et une mutualisation

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    V. CONCLUSION

  • du risque technique et financier sont autant de raisonspour les agriculteurs de se regrouper autour dunquipement collectif, bien quil demande aussi descapacits de gestion (tour deau, tarification) et deplanification (maintenance, renouvellement desquipements). De plus, la conception dun tel projetse doit dtre un compromis finement labor entre lesprojets individuels dexploitation et la configuration delquipement collectif. Si ces projets collectifs semblentavoir de belles perspectives, il faudra veiller laissersuffisamment de marge de manuvre des groupesmotivs par la reconversion de dterminer le primtrede leur projet, qui ne recoupera pas toujours des secteurshydrauliques prexistants, et de construire un projettechnique adapt. Enfin, de nouveaux modesdaccompagnement de tels projets devraient voir le jourpar des animateurs de dveloppement qui ne disposentpas aujourdhui de mthodes et doutils pour contribuer lmergence de projets collectifs.

    Face une pnurie deau de surface, on assiste undveloppement considrable de lexploitation des eauxsouterraines par pompage, mme lintrieur de lagrande hydraulique. On remarque quun grand nombrede projets de reconversion sont directement li unaccs leau souterraine, soit comme source principalesoit comme appoint en cas de pnurie deau dans lerseau de surface. Ces eaux souterraines ont permis unedynamique agricole indniable en saffranchissant enpartie des alas climatiques. Cependant, de nombreusesnappes semblent tre menaces par une surexploitation,notamment pendant des annes de scheresse. Il faut sedemander si le processus de la reconversion au Marocnoffre pas de possibilits de mettre en place descontrats ngocis entre ladministration et desgroupements dagriculteurs pour une gestion plusdurable des nappes souterraines. En favorisant la miseen place de projets collectifs de reconversion, parexemple travers des subventions plus importantes pourde tels projets, lEtat serait en mesure dexiger desconomies lchelle des nappes en dpassant lesrelations individuelles avec les pionniers de lareconversion en goutte--goutte.

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