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lettre La sommaire L’édition néerlandaise recherche la croissance Plein phare sur la littérature de Flandre et des Pays-Bas Les Journées sur le livre traduit à la Maison Descartes d’Amsterdam Les échanges de traductions en non-fiction : vers une symétrie La poésie néerlandaise en France Présence de la fiction française aux Pays-Bas Les échanges de droits : les tendances fournies par les statistiques SNE/Centrale, commentées pars les éditeurs français La BD en Hollande et en Flandre : similitudes et différences Le marché du livre flamand : les points forts La littérature pour la jeunesse flamande a de quoi séduire à l’international Le livre d’art dans le monde néerlandophone lettre d’information de l’Office de promotion internationale 60 Office de promotion internationale Même si la Flandre et les Pays-Bas, étroitement imbriqués par une langue et une géographie communes, représentent un petit marché en Europe pour ce qui est de l’exportation des ouvrages français, leur tradition bien connue d’ouverture aux cultures d’ailleurs, confirmée par l’importance des traductions dans leur production éditoriale, donne envie d’y être publié et lu. Certains auteurs français y rencontrent effectivement le succès, les statistiques montrent un doublement des cessions de droits depuis dix ans, mais nos partenaires des Plats Pays ressentent comme une perte d’influence de la France dans leurs milieux intellectuels. Dans l’autre sens, on serait plutôt dans une période faste depuis un peu moins de dix ans, avec un bond en avant des traductions du néerlandais vers le français et un lectorat français de la littérature de la Flandre et des Pays-Bas qui s’élargit lentement mais de manière constante. On pourrait donc qualifier ces échanges éditoriaux de dis- tendus mais – et les différentes contributions à ce dossier en témoignent – ils expriment aussi une forte attente des différents partenaires pour « apprendre de l’autre ». Après déjà de nom- breuses rencontres entre professionnels du livre et auteurs néerlandophones et français (Foire de Francfort, Belles Étrangères,…), l’invitation d’honneur au Salon du livre de Paris 2003 et la présence d’une cinquantaine d’auteurs représentant l’ensemble des genres littéraires devraient largement y répondre, en per- mettant d’affiner la connaissance que le public a des textes et des œuvres reflétant l’esprit de ces Phares du Nord. Plein phare sur les échanges avec la Flandre et les Pays-Bas pp. 2-5 pp. 11-12 pp. 7-10 p. 13 pp. 14-15 pp. 16-17 pp. 18-20 pp. 21-22 pp. 23-26 pp. 27-28 pp. 30-31 De gauche à droite : Guus Kuijer, Renate Dorrestein, Hans Maarten Van den Brink, Anna Enquist, Bert Keizer, Moses Isegawa www.officedepromotion.com Spécial Salon du Livre mars 2003 « entre les éditeurs néerlandophones et français le dialogue ne manque ni de richesse, ni de paradoxe » numéro Ce dossier a été réalisé avec la contribution de La Fondation pour la production et la traduction de la littérature néerlandaise et le Fonds flamand des lettres.

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lettreLasommaire

L’édition néerlandaise recherche la croissance

Plein phare sur la littératurede Flandre et des Pays-Bas

Les Journées sur le livre traduit à la Maison Descartesd’Amsterdam

Les échanges de traductions ennon-fiction : vers une symétrie

La poésie néerlandaise enFrance

Présence de la fiction françaiseaux Pays-Bas

Les échanges de droits :les tendances fournies par les statistiques SNE/Centrale,commentées pars les éditeursfrançais

La BD en Hollande et en Flandre : similitudes et différences

Le marché du livre flamand :les points forts

La littérature pour la jeunesseflamande a de quoi séduire àl’international

Le livre d’art dans le mondenéerlandophone

lettre d’information

de l’Office de promotion

internationale

60 Office de promotioninternationale

Même si la Flandre et les Pays-Bas, étroitement imbriquéspar une langue et une géographie communes, représententun petit marché en Europe pour ce qui est de l’exportationdes ouvrages français, leur tradition bien connue d’ouvertureaux cultures d’ailleurs, confirmée par l’importance destraductions dans leur production éditoriale, donne envie d’yêtre publié et lu.Certains auteurs français y rencontrent effectivement lesuccès, les statistiques montrent un doublement des cessionsde droits depuis dix ans, mais nos partenaires des Plats Paysressentent comme une perte d’influence de la France dansleurs milieux intellectuels.Dans l’autre sens, on serait plutôt dans une période fastedepuis un peu moins de dix ans, avec un bond en avant destraductions du néerlandais vers le français et un lectoratfrançais de la littérature de la Flandre et des Pays-Bas quis’élargit lentement mais de manière constante.On pourrait donc qualifier ces échanges éditoriaux de dis-tendus mais – et les différentes contributions à ce dossier entémoignent – ils expriment aussi une forte attente desdifférents partenaires pour « apprendre de l’autre ».

Après déjà de nom-breuses rencontresentre professionnelsdu livre et auteursnéerlandophones et

français (Foire de Francfort, Belles Étrangères,…), l’invitationd’honneur au Salon du livre de Paris 2003 et la présenced’une cinquantaine d’auteurs représentant l’ensemble desgenres littéraires devraient largement y répondre, en per-mettant d’affiner la connaissance que le public a des texteset des œuvres reflétant l’esprit de ces Phares du Nord.

Pleinphare

sur leséchanges

avec laFlandre

et lesPays-Bas

pp. 2-5

pp. 11-12

pp. 7-10

p. 13

pp. 14-15

pp. 16-17

pp. 18-20

pp. 21-22

pp. 23-26

pp. 27-28

pp. 30-31

De gauche à droite :Guus Kuijer, Renate Dorrestein,

Hans Maarten Van den Brink,Anna Enquist, Bert Keizer,

Moses Isegawa

www.officedepromotion.com

Spécial Salon du Livre mars 2003

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Ce dossier a été réalisé avec la contribution de La Fondation pour la production et la traduction de la littérature néerlandaise et le Fonds flamand des lettres.

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lettreLa

L’édition néerlandaise :

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groupe, les principales maisons d’édition sont Querido, deArbeiderspers et surtout De Bezige Bij, qui est devenue la maisond’édition d’ouvrages de fiction destinés aux adultes la plus prospèredes Pays-Bas sous la direction de Robbert Ammerlaan. WPG possèdeégalement une maison d’édition d’ouvrages éducatifs Zwijsen,ainsi qu’une importante division de magazines. WPG a récemmentacquis la maison d’édition Balans, c’est-à-dire la plus grande maisonindépendante.Ces trois groupes veulent tous tirer profit de l’élargissement del’échelle. La synergie représente le but recherché essentiellementpar PCM et VBK. PCM a créé des filiales qui poursuivent des objectifscommuns. La filiale Pockethuisse charge de l’édition de livresde poche, Special Products doitdécouvrir de nouveaux marchés et Rights.nl vend les droits detraduction aux pays étrangers(seule la maison d’éditionPrometheus/Bert Bakker s’encharge elle-même). Et les grou-pes ont réorganisé leurs fondsafin d’obtenir une répartitionplus logique.Les maisons d’édition étrangèresactives sur le marché néerlan-dais sont peu nombreuses. Àl’exception de Bertelsmanngrâce au club du livre ECI. Enrevanche, les maisons d’éditionnéerlandaises jouent un rôleprépondérant sur le marché fla-mand. D’après les estimations,60 % des livres généraux vendusen Flandre sont publiés par des

Trois groupes dominants

Les principaux groupes sont ReedElsevier (7,3 milliards d’euros en 2001) etiWolters Kluwer (3,8 imilliards id’euros

en 2001), qui opèrent au niveau mondial.Depuis qu’ils ont cessé leurs dernières activitéssur le marché général, au début des annéesquatre-vingt-dix, ils sont cependant de moinsen moins importants pour leur marché intérieur. Ainsi Wolters Kluwer s’est défait, enpeu de temps et successivement, de KluwerAcademic Publishers, Bohn Stafleu Van Loghumet Ten Hagen & Stam.Les regroupements de sociétés se produisentsurtout sur le marché généraliste. Celui-ci estmené par PCM, qui se compose de trois divisions : les journaux (avec Trouw, de

Volkskrant, NRC Handelsblad et Algemeen

Dagblad, quatre des cinq quotidiens nationaux), les livres éducatifs(Thieme Meulenhoff) et les livres de littérature générale. Cette der-nière division inclut des maisons d’édition prédominantes tel-les que J.M. Meulenhoff, Het Spectrum et A.W. Bruna, ainsique Vassallucci, maison encore récente qui s’est bâti une renom-mée grâce à un marketing aussi novateur qu’original.La majeure partie du chiffre d’affaires de PCM, 734 millions d’euros(2001), provient des journaux. La part représentée par les « livres »,qui atteint actuellement environ 20 %, doit augmenter pour attein-dre 50 %. L’an dernier, une étape importante dans cette stratégiefut le rachat de Bohn Stafleu Van Loghum de Wolters Kluwer,qui édite principalement des ouvrages destinés aux professionsmédicales.Après PCM, Veen Bosch & Keuning (VBK) se place confortablementen deuxième position avec un chiffre d’affaires annuel de 121 millionsd’euros en 2001. Ce groupe, créé il y a deux ans par la fusion de VeenUitgevers Groep et Bosch & Keuning, se compose d’un groupementde maison d’éditions de littérature générale et d’un petit segmentde maisons d’édition d’ouvrages éducatifs et de magazines.L’assortiment va de l’éditeur de dictionnaires Van Dale jusqu’àl’éditeur d’ouvrages religieux J.H. Kok. Les principales éditionsgénérales au sein du groupe sont Ambo/Anthos et Contact.Le plus petit groupe, qui a réalisé un chiffre d’affaires annuel de 103,5millions d’euros en 2001, est WPG Uitgevers. Au sein de ce

rechercherla croissancedans un marchéstagnant

Les plus grandes maisonsd’édition en 2000

(soit exclusivement le chiffre d’affaires des livres aux Pays-Bas)

1. Wolters Kluwer2. PCM Uitgevers3. Malmberg4. Bosch & Keuning5. Veen Uitgevers Groep6. WPG Uitgevers7. Sdu Uitgevers8. Elseviers Bedrijfsinformatie9. The Reader’s Digest10. Koninklijke Boom

Depuis, Wolters Kluwer a vendu plusieurs entreprises, en partie à PCM. Bosch & Keuning etVeen ont fusionné. Et WPG a racheté Balans.Malmberg est une maison d’édition d’ouvrageséducatifs, Sdu publie des documents professionnels.

Source : Enquête auprès des membres de KVB

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La maison d’éditionMeulenhoff

par Maarten Dessing

Rappelons que Reed Elsevier et Wolters Kluwer

dominent en France l’édition technique, juridique

et médical. (ndlr).

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La Fondation pour la promotion collective du livre néerlandais parvient à attirer quasiment en permanence l’attention du public sur le livre, sous toutes ses formes.

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Néerlandais. Avec Standaard, PCM possède sa propre maison d’édi-tion flamande et les deux autres groupes disposent de leur propreagence en Belgique. Les maisons d’édition plus modestes ontrecours aux services de distributeurs flamands.

La librairie aux Pays-BasLe paysage de la librairie est de plus en plus dominé par les chaînes.La plus impressionnante est le Boekhandels Groep Nederland(BGN), qui réalise un chiffre d’affaires annuel de 178 millionsd’euros (2001). Cette chaîne possède la plus grande librairied’Europe, Donner à Rotterdam, qui s’étend sur une surface de 6 000 m2 et compte sept étages. Cette chaîne, qui appartenaitautrefois à Kluwer, détient également les plus grandes librairies dansd’autres grandes villes : Scheltema (Amsterdam), Broese (Utrecht)et Verwijs (La Haye). Après avoir connu un déficit en 2000, la chaînea dû se réorganiser, en se concentrant sur la vente institutionnelleet aux étudiants. L’entreprise est parvenue à redevenir bénéficiairedès avant cette réorganisation : 221 000 euros en 2001.La principale chaîne en nombre de points de vente est Bruna quicompte 482 établissements. Les petites librairies, dont la surfaceatteint en moyenne 150 m2 et qui sont implantées dans des sites

privilégiés sur l’ensemble dupays, vendent aussi de la pape-terie. À l’avenir, Bruna souhaiteaccroître le chiffre d’affairesréalisé avec les livres et a pourprojet l’ouverture de 150 librai-ries supplémentaires, tout en seheurtant à la difficulté de trou-ver des personnes compétentes.Le principal concurrent de Bruna

est AKO, qui fait partie du groupe Audax qui publie aussi des maga-zines tous publics, importe des livres et distribue des magazines.Cette chaîne, qui est principalement implantée dans la conurbationde l’ouest des Pays-Bas, dans les gares, dans les sites high traffic

(très fréquentés) et, depuis déjà 75 ans, à l’aéroport de Schiphol, secaractérise encore plus que Bruna par des magasins qui se présen-tent sous la forme de kiosques. La chaîne connaît une forte crois-sance depuis un an et demi. Actuellement, AKO compte environ 70établissements. Son objectif est de disposer d’une centaine depoints de vente d’ici 2004.La chaîne la plus récente est Plantage. Elle est née de la fusion desmagasins de la Koninklijke Boom Pers et des établissementsnéerlandais de la chaîne flamande Standaard, et accomplit unecroissance fulgurante. Le groupe possède 24 établissements demoyenne importance dans les petites et moyennes villes. Lesmagasins Plantage se font connaître par leur collaboration avec leclub du livre ECI et l’agence de voyages Kras qui gèrent leur propreboutique à l’intérieur de certaines librairies. Le chiffre d’affairesannuel s’élève actuellement à environ 25 millions d’euros.Les librairies Libris, Blz et Boekenpartners se sont rapprochées,elles, pour obtenir des conditions de vente favorables et ellesréalisent une promotion commune. En ce qui concerne ces établis-

sements, on constate un renversement de la tendance : vers ladécentralisation. De nombreux libraires désirent suivre leurpropre cap et profiter uniquement d’une puissante force d’achat.Parmi ces chaînes de magasins, c’est principalement Libris qui aune réputation à défendre. Des magasins exemplaires, tels que DeDrukkerij (Middelburg) et Adr. Heinen (Bois-le-Duc), des petitsgroupes tels que De Kler (région de Leyde) et Stumpel (région deHoorn), font partie du groupement d’achat. De Drukkerij sertnotamment de parangon pour tout libraire désirant réaménagerson magasin, grâce à son offre complète, aux nombreuses activitésorganisées et à l’atmosphère culturelle qui y règne.

La collectivité :des institutions uniquesLes Pays-Bas comptent quelques institutions uniques pour ce secteuréconomique, mais qui n’ont pas non plus d’équivalent auniveau international. La plus remarquable est la CentraalBoekhuis (CB), propriété commune de l’édition et de la librairie,qui se charge de la distribution pour ces deux secteurs. CB possèdeun très grand entrepôt à Culemborg (près d’Utrecht) à partirduquel, en 2001, 59,4 millions d’exemplaires ont été expédiés. Ledistributeur concurrent, Scholtens, qui récupère un grand nombrede clients de CB grâce à ses excellentes prestations de services,obtient lui-même, au départ, ses livres à partir de Culemborg.De plus, la Stichting Collectieve Propaganda voor het NederlandseBoek (CPNB, Fondation pour la promotion collective du livrenéerlandais) mérite également de susciter la convoitise des profes-sionnels de l’étranger. Grâce à la participation financière deslibrairies, des éditeurs et depuis peu aussi des bibliothèques, cettefondation parvient à attirer quasimenten permanence l’attention du publicsur le livre. À cet égard, la Semaine dulivre constitue depuis 1932 la manifesta-tion-vedette de la fondation. La Semainedu livre d’enfant (depuis 1955), le Moisdu livre à suspense (depuis 1989) etd’autres actions procurent égalementbeaucoup de publicité gratuite au livre.KVB, la plus ancienne association professionnelle, fondée en 1815, estresponsable de l’application du prixfixe des livres, mais elle se définit deplus en plus comme un pôle d’informa-tion, avec en partie l’édition de la revueprofessionnelle Boekblad et l’analysedu marché par le biais de la fondationStichting Speurwerk, et de formationpour les professions du livre. La nou-velle législation sur le prix fixe deslivres (cf. encadré 3) a des conséquen-ces graves pour ces institutions. Ainsi,le cadeau offert par CPNB lors de la

«»

Les plus grandes librairies en 2000

(soit exclusivement le volume devente des livres aux Pays-Bas)

1. Boekhandels Groep Nederland (BGN)

2. Van Dijk Studieboeken3. Nederlandse Bibliotheek

Dienst (NBD)4. Vroom & Dreesmann5. Heutink enseignement

primaire6. Bruna7. Ako8. De Bijenkorf9. Standaard Boekhandel

10. Broekhuis

V&D et De Bijenkorf sont des grands magasinsqui disposent d’un rayon de livres. Van Dijk etHeutink sont des librairies scolaires spécialisées.

Source : Enquête auprès des membres de KVB

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C’est aux Pays-Bas que se trouve la plus grande

librairie d’Europe :Donner

à Rotterdam

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Semaine du livre sera-t-il proposé dans les supermarchés ? À qui CBsera-t-il autorisé à livrer, et selon quels tarifs ? Toutes ces questionsdevront obtenir une réponse aux cours des dix-huit mois prochains.

Les autres organisationsParallèlement à ces institutions collectives, le secteur néerlandais dulivre connaît un grand nombre d’autres associations d’intérêts etd’organisations qui se dévouent pour défendre la cause d’un largeéventail d’intérêts de groupes.Ainsi, le Nederlands Boekverkopersbond (NBb, Syndicat des vendeursde livres néerlandais) a pris l’initiative de l’article le plus souventvendu dans les librairies des Pays-Bas : le chèque-livre (proposéde 5 à 40 euros). La Schrijvers School Samenleving (SSS) se charged’organiser 90 % des prestations d’auteurs dans tout le pays. LaStichting Lezen soutient la promotion de la lecture, principalementauprès de la jeunesse. La Fondation pour les Lettres subventionnedes écrivains et des traducteurs afin d’accroître la qualité de lalittérature aux Pays-Bas.

Citons encore l’Association des auteurs et des traducteurs (Verenigingvan Letterkundigen en Vertalers, VVL), qui est parvenue à convaincreles éditeurs de signer un nouveau contrat-type, au bout de quaranteans : le pourcentage des droits d’auteur de best-sellers, à partir de100 000 exemplaires vendus, a augmenté de 15 à 17,5 %. De même,pour les éditions de poche et de clubs de livre, l’auteur touche desdroits plus importants. En contrepartie, l’éditeur conserve le droitd’exploitation d’un titre pour une période prolongée.Enfin, la Fondation pour la production et la traduction de la littérature néerlandaise (Nederlands Literair Productie- enVertalingenfonds, NLPVF) est également très prospère. En effet,depuis 1993, date à laquelle les Pays-Bas et la Flandre étaientinvités d’honneur lors de la Foire du livre de Francfort, elle arendu la littérature néerlandophone célèbre à l’étranger. Depuisque des auteurs de grande envergure tels que Harry Mulisch et Cees Nooteboom se vendent bien à l’étranger – ainsi que, dansleur sillage, des écrivains tels que Leon de Winter, Hella Haasse etMargriet de Moor – les Pays-Bas caressent un sérieux espoir quele Comité du Prix Nobel choisisse l’un de ses auteurs, pour la première fois.

Un marché stagnantDepuis des années, les éditeurs et librairesnéerlandais racontent tous la même his-toire : le marché néerlandais stagne. Aprèsle triomphe remporté par les livres sur lesrégimes de Michel Montignac, lancés àgrand renfort de publicité en 1997 et dontplus d’un demi-million se sont vendus enun an, il semblerait qu’il n’y a plus demarge de manœuvre. Le chiffre d’affairesmaximum de l’ensemble du marché dulivre atteindrait 1,4 milliard d’euros pour2001 (cf. encadré 4). De même, le succèsfracassant de Harry Potter a représentéun volume de substitution et non pas unchiffre d’affaires supplémentaire.La crise économique de 2002 ne fait quetroubler la vision de la régénération de lacroissance. Les chiffres annuels définitifsn’ont pas encore été présentés, mais lesdonnées provisoires accusent une baisse.La vente au détail indiquait une baisse de3 % jusqu’au troisième trimestre inclus. Lavente des cent livres les mieux vendus l’andernier est de 6,8 % inférieure à l’annéeprécédente : 4,96 millions par rapport à5,32 millions.Néanmoins, les entreprises pessimistes aupoint de jeter l’éponge sont rares. Aucontraire, le nombre de maisons d’éditioninscrites auprès de la KoninklijkeVereniging van het Boekenvak (KVB),

Le prix fixe des livres sera-t-il maintenu aux Pays-Bas ?Cette année sera une année capitale pour le secteurnéerlandais du livre. Dans les mois prochains,le gouvernement devra déterminer l’avenir de ce secteur à partir de 2005, lorsqu’il examinera le projet de loi portant sur le prix fixe des livres.Aux Pays-Bas, le prix fixe des livres est réglementédepuis 1904. Ce système va à l’encontre des principes sur la libre concurrence, mais il a ététoléré depuis lors par le gouvernement.Le règlement sur les échanges commerciaux, qui définit le prix fixe des livres, a obtenu à chaquefois une exemption provisoire de la loi sur la libre concurrence. Cependant, il y a quelquesannées, la loi a été modifiée, ce qui rend une nouvelle exemption impossible. C’est pourquoi le système actuel appartiendra au passé à compterdu 31 décembre 2004.Par quoi sera-t-il remplacé ? La KoninklijkeVereniging voor het Boekenvak (KVB) a fait pressionpendant longtemps auprès du gouvernement. Ellea fini par rallier les suffrages de deux députés :Boris Dittrich du parti Démocrate libéral D66 etFemke Halsema des Verts-Gauche, qui ont déposéensemble un projet de loi en faveur du prix fixedes livres.Ce projet de loi correspond le mieux possible à lapratique actuelle. Ainsi, les éditeurs peuvent fixer

un prix qui serait en vigueur pendant au moinsdeux ans. Pourtant, le projet de loi entraîneégalement quelques modifications radicales.Par exemple, tout le monde sera autorisé à vendredes livres, et non plus exclusivement les librairiesaffiliées à la KVB. En outre, les entités collectives,telle que la Centraal Boekhuis, seront autorisées àétendre leur domaine d’activité.L’article 12 de ce projet de loi représente unemodification capitale et a donné lieu à de nombreuses discussions au sein de cette branche.Cet article contraint les éditeurs à faire tout leurpossible pour accorder les meilleures marges d’achat aux librairies bien achalandées. Les librairiesconsidèrent cette disposition comme une arme quileur permettrait d’affronter les grandes chaînesde supermarchés, tandis que les éditeurs protestentcar cela limiterait leurs possibilités commerciales.Les partis politiques D66 et Verts-Gauche n’ont,respectivement, que 6 et 8 sièges au parlementnéerlandais qui en compte 150 au total. Pourtant,il semblerait que leur proposition jouira du soutiend’une majorité. En effet, les deux plus grands partis,le CDA (44 sièges) et le PvdA (42 sièges) veulentmaintenir le prix fixe des livres. Néanmoins, uneexception sera faite pour les livres scolaires. Unemajorité aspire à libérer les prix des manuelsscolaires obligatoires afin de limiter les frais scolaires.Selon les attentes, la Commission de l’enseignementet de la culture de la Chambre des Députés débattrale projet de loi de Dittrich et Halsema pour lapremière fois au printemps. On apprendra alorségalement ce que les parties retiennent de cefameux article 12, tristement célèbre auprès deséditeurs.

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L’édition néerlandaise

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50 000 à 75 000 exemplaires

35 000 à 50 000 exemplaires

30 000 à 35 000 exemplaires

5

l’organisation de coordination du secteur, reste stable : 499(2001). Il en est de même en ce qui concerne la librairie. Le carnetd’adresses de la KVB compte 1 587 librairies et plus de 500 autrespoints de vente (2001).L’industrie du livre recherche la solution dans le regroupement desociétés et l’agrandissement de l’échelle. Les trois grands groupesd’éditeurs sur le marché généraliste ont connu une croissanceconsidérable ces dernières années grâce à des acquisitions. Sur lemarché de la librairie, le nombre d’établissements indépendantsqui se rattachent à une chaîne augmente constamment. L’offre estsi importante que les chaînes ne peuvent pas répondre positive-ment à toutes les demandes de reprise, loin s’en faut. Une étude dela Hoofdbedrijfschap Detailhandel révèle que 44 % des librairies sontencore indépendantes.La découverte de nouveaux canaux de vente offre une autresolution. La part du marché de la librairie ne diminue pas. Depuisdes années, la librairie prend environ 65 % de la vente au détail àson compte. Cependant, les éditeurs essaient de vendre des livreslors de journées promotionnelles et proposent des livres dansd’autres surfaces de vente, ou encore s’efforcent d’attirer l’atten-tion sur la liste de leurs ouvrages disponibles par l’intermédiairede la librairie en ligne Bol.com.

Les lecteurs parmi les plus acharnés d’EuropeQuoi qu’il advienne, les éditeurs peuvent faire confiance auxlecteurs. Les Néerlandais sont parmi les lecteurs les plus acharnésd’Europe. 74 % des interviewés en 1997 ont déclaré que la lectured’un livre était « en principe agréable ». 36 % estimaient en outreque lire un livre était plus agréable que regarder la télévision, lirele journal, un magazine, jouer sur un ordinateur ou explorerInternet. Pourtant, la défection des lecteurs sous l’influence de latélévision et d’Internet s’accroît. En 1975, les jeunes de 12 à 19 anslisaient des livres pendant 2,2 heures par semaine, alors qu’en 2000,

ils ne consacraient plus que 0,6 heure à la lecture. En ce quiconcerne les retraités, le temps de lecture est passé de 1,7 à 1,5 pourla même période.L’étude de la vente de livres révèle que les Néerlandais préfèrentles ouvrages littéraires. En 2000, ce genre a représenté 27,8 % duchiffre d’affaires des livres généraux. Les autres genres sont, succes-sivement, les romans à suspense (17,6 %), psychologie, société etsanté (17,2 %), autres ouvrages de non-fiction (13,1 %), livres pourenfants (9,9 %) livres sur les loisirs (8,8 %), fiction romantique (4,3 %)et autres ouvrages de fiction (1,2 %). Depuis toujours, les Néerlandais lisent de nombreux livres dansla langue originale. En 2000, 6,7 % des exemplaires vendus à desconsommateurs individuels étaient écrits dans une autre langueque le néerlandais (2,2 millions de livres). Il s’agit, pour la grandemajorité, d’ouvrages écrits en anglais. En conséquence, les éditeurss’efforcent de convaincre les auteurs de leur permettre de publierd’abord la traduction néerlandaise. Cela fut le cas pour Martin Amis,John Irving et Ian McEwan. À cet égard, The Little Friend de DonnaTartt constitue un exemple frappant. La maison d’édition DeBezige Bij en publiant d’abord la traduction néerlandaise, a rem-porté un franc succès : le livre s’est placé en seconde position dutop 100 de l’année.Il faut espérer pour le marché néerlandais du livre que l’appétitde lecture augmente. Les éditeurs et les libraires pourront alorsdéclarer autre chose que la conclusion principale, toujoursapplicable : le marché stagne.

Maarten Dessing est journaliste

au magazine littéraire Boekblad.

75 000 à 100 000 exemplaires

1. Leon de Winter - God’s gym (De Bezige Bij, 2002)

2. Hella S. Haasse – Sleuteloog (Querido, 2002)

3. Connie Palmen – Geheel de uwe (Prometheus, 2002) – à paraître chez Actes Sud

4. Kees van Beijnum – De oesters van Nam Kee (Nijgh & Van Ditmar, 1999)

5. Adriaan van Dis – Familieziek (Augustus, 2002) – paru chez Gallimard sous le titre Fichue Famille

6. Harry Mulisch – De ontdekking van de hemel (De Bezige Bij, 1992) –paru chez Albin Michel sous le titre La découverte du ciel

7. M. Vasalis – De oude kustlijn (G.A. van Oorschot, 2002)

8. Marten Toonder – Het beste van Bommel (De Bezige Bij, 2002)

9. Vonne van der Meer – Laatste seizoen (Contact, 20020)

10. Carry Slee – Dochter van Eva (Prometheus, 2002)

Les meilleures ventes de 2002

éditeurs

Total 890 633Livres généraux 264 366

Livres éducatifs 315 167Livres scientifiques 100 73

À feuillets mobiles 143 28Exportation 68 11

librairies

non-fiction 123 184fiction 102 137livres pour enfants 39 45do

nt:

(y comprisnon-books)

Chiffre d’affaires des membres de la KVB en 2001(en millions d’euros)

Source : Enquête réalisée par Speurwerk auprès des membres de la KVB

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Quoi qu’il advienne, les éditeurs peuvent faire confiance aux lecteurs. Les Néerlandais sont parmi les lecteursles plus acharnés d’Europe.

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«»

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La Fondation pour la production et la traduction de la littérature néerlandaise(NLPVF)

La Fondation s’emploie activement à promouvoir la littérature delangue néerlandaise à l’étranger. Elle entretient des contacts avecun vaste public international d’éditeurs et occupe un stand lors dessalons internationaux, en particulier celui de Francfort.

Des outils d’information sur les livres, les auteurs,l’actualité éditorialeChaque année, en vue de la Foire du livre de Francfort, la Fondation réalise des dossierscontenant des extraits, en traduction, d’œuvres qui présentent un grand intérêt, tant dupoint de vue créatif que commercial. Elle met également à disposition des fiches, enanglais, sur la plupart des écrivains flamands et néerlandais. Elle publie trois fois par anun bulletin, le Nieuwsbrief Letteren, qui contient une synthèse commentée de l’actualitééditoriale en Flandre et aux Pays-Bas, ainsi que la liste des lauréats des prix littéraires etdes dernières parutions en traduction. Il est distribué auprès des spécialistes dudomaine néerlandais à l’étranger, des traducteurs du néerlandais et de tous les lecteursqui en formulent la demande. En collaboration avec la Fondation flamande pour lalittérature néerlandophone, la NLPVF fait également paraître, deux fois par an,10 Books from Holland and Flanders, qui propose aux éditeurs étrangers une sélec-tion d’œuvres écrites en néerlandais, retenues à la fois pour leurs qualités littéraires etleur intérêt commercial. La Fondation abrite aussi un centre de documentation, qui comp-rend notamment une bibliothèque où on trouve la littérature de langue néerlandaiseen traduction. Il est possible de se procurer, sur simple demande, une liste des traduc-teurs par langue, et celle des œuvres déjà traduites. Tous les documents et ouvragesde référence disponibles peuvent être consultés, sur rendez-vous, par les traducteursou autres personnes intéressées professionnellement.

Des subventions pour la traductionLes éditeurs étrangers désireux de publier en traduction des œuvres littéraires néerlandaises et frisonnes, incluant la littérature pour l’enfance et la jeunesse, peuventdéposer une demande de contribution financière aux frais de traduction, à conditiond’avoir déjà acquis les droits de l’ouvrage. La demande doit être accompagnée d’unecopie du contrat passé avec les ayants droit néerlandais et une copie du contrat passéavec le traducteur.Lors de l’examen de cette demande, la Fondation prend en considération la qualitélittéraire de l’ouvrage, celle de l’éditeur et celle du traducteur. Le montant de la subvention ne pourra excéder 70 % du coût total de la traduction. Si le traducteur n’estpas connu auprès de la Fondation, l’éditeur doit joindre à sa demande de subvention un extrait de l’œuvre traduit. La NLPVF peut exceptionnellement décider d’accorderune aide aux frais de production.

Une participation aux événements internationauxDes subventions ont été mises en place, afin de favoriser la participation des auteursd’expression néerlandaise ou frisonne aux divers événements littéraires et activités promotionnelles, qui se déroulent à l’étranger. Elles peuvent être accordées aux organismes littéraires, universités et éditeurs, pour couvrir les frais de voyage des écrivains sollicités. Par ailleurs, la Fondation se charge de coordonner les différentesmanifestations organisées autour d’un écrivain néerlandophone, rattaché comme lecteurà une université étrangère pour une période déterminée. Les frais de voyage et de séjourainsi que la bourse accordée à l’écrivain sont entièrement pris en charge. Parallèlement,et en collaboration avec les organismes et éditeurs étrangers intéressés, la Fondationorganise, à l’étranger, d’importantes manifestations-rencontres autour et avec des écrivains d’expression néerlandaise.

La Maison des traducteurs1991 a vu la création de la Maison des traducteursd’Amsterdam, qui offre à des traducteurs de littérature d’expression néerlandaise (y compris la littérature pourl’enfance et la jeunesse) la possibilité de venir travailler un ou deux mois, à condition d’avoir signé un contrat detraduction avec un éditeur. Les traducteurs-résidents peuventéventuellement bénéficier d’une bourse de séjour.Les Flamands ont eux aussi ouvert une Maison des traducteurs, à Louvain.

Coordonnées

Singel 464 - 1017 AW AMSTERDAM Tél. : 31 20 620 62 61 Fax : 31 20 620 71 79e-mail : [email protected]

Hafid Bouazza

Hans Maarten Van den Brink

Avec Les pieds d’Abdullah,Hafid Bouazza, d’originemarocaine mais de languenéerlandaise, a connu un très grand succès auxPays-Bas et a été traduit en plusieurs langues.La traduction françaiserevient à la maison d’édition trouvillaise Le Reflet.

Anna EnquistAnna Enquist est traduite chez Actes sud,dont le catalogue comprend un domainenéerlandophone.Son roman Les porteursde glace est déjà traduiten 6 langues.

Hans Maarten Van denBrink a fait son entréesur le marché littéraire

français en 1995.Ses deux derniers

ouvrages parus enFrance sont Sur l’eau

et Cœur de verre (chez Gallimard).

Renate Dorrestein

Adriaan van DisAdriaan van Dis est l’un des auteurs les plus lus aux Pays-Bas,400 000 exemplaires vendus de Indische Duinen(Les Dunes coloniales).Fichue famille paraît cette année chez Gallimard,comme l’ensemble de sestraductions en français.

Renate Dorrestein,publiée chez Contact

aux Pays-Bas et traduite par les éditions Belfond,

a reçu un bon accueil de la presse française.

Son dernier ouvrageSans merci paraît

à l’occasion du Salon du livre.

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Si un grand nombre d’entre eux ne sont plus des inconnus enFrance, cette concentration des auteurs va permettre auxlecteurs français de découvrir la grande diversité littéraire,

le contexte socio-politique des Pays-Bas et de la Flandre, voiremême la langue dans laquelle est écrite la littérature des Plats pays.

On peut se rappeler que le best-sellerdu Néerlandais Maarten ’t Hart, La

Colère du monde entier, fut qualifiédans un magazine français de« quelque peu déconcertant, sansdoute parce que la Hollande et seshabitants ne nous sont guère fami-liers ». Heureusement la plupart descritiques littéraires français sont unpeu mieux informés, mais le travailreste grand pour affiner la connais-

sance que le lecteur français moyen a de la littérature néerlan-daise. « Les Phares du Nord » – ainsi s’intitule la présentation deslettres néerlandophones au Salon du livre de Paris 2003 – y contri-bueront certainement.

Des moyens renforcés pour promouvoir la traduction en languefrançaisePas mal de chemin a cependant été parcouru depuis une quinzained’année, et la promotion de la littérature néerlandaise en France aconnu un coup d’accélérateur grâce à la création, en 1991, duNederlands Literair Produktie - en Vertalingenfonds (NLPVF -Fondation pour la production et la traduction de la littératurenéerlandaise), en collaboration avec le ministère de la Communautéflamande de Belgique.Comment sont stimulées les traductions depuis 1991 ?Tout d’abord par la publication de Six livres des Pays-Bas et de

Flandre (Six books from Holland and Flanders) ainsi que de laNieuwsbrief letteren (Lettre d’information sur l’actualité littéraire),la première destinée à tous les éditeurs étrangers qui ont déjà publiéou comptent publier un ouvrage de langue néerlandaise en tra-duction, la deuxième destinée aux traducteurs étrangers, afin qu’ilspuissent se tenir au courant de l’actualité littéraire en Flandre etaux Pays-Bas. À l’occasion de la Foire du livre de Jeunesse de Bologne et de laFoire du livre de Francfort, la Fondation a également mis en placeun système d’extraits de traduction, qui permet à l’éditeur étrangerde décider rapidement si l’auteur correspond ou non à son

catalogue. Depuis 1991, je me déplace une fois par an à Paris afinde m’entretenir avec les éditeurs français de la littérature néer-landaise, plus longuement qu’au cours des vingt minutes dont ondispose à Francfort. En outre, « Les Belles Étrangères », qui ontinvité les lettres néerlandaises en 1994 et les lettres belges en1997, ont éveillé l’intérêt et ainsi préparé le terrain pour le Salondu livre 2003.

Des paramètres divers influentsur la présence des traductions dunéerlandais en France Quels sont, en fait, les écrivains qui ont retenu l’attention deséditeurs français ? Pourquoi ont-ils décidé d’acheter tel auteurplutôt qu’un autre? Tout le monde pense que ces initiatives sontliées à une politique particulière, mais ce n’est qu’une illusion. Ilexiste bel et bien une politique concernant la promotion de lalittérature néerlandaise, mais non pour sa commercialisation.Quelques exemples. Un édi-teur a mal dormi et n’aenvie de rien. Il tombe surun collègue allemand pas-sionné de littérature néer-landaise. D’accord, ilpubliera l’ouvrage lui aussi.Il reçoit un rapport de lec-ture positif, un autre néga-tif, mais son intuition lui ditde tenter l’aventure. Unautre roman néerlandais aété tiré à un nombre d’exem-plaires impressionnant ? N’empêche, il ne croit pas aux chances dece roman en France. L’ouvrage est typiquement néerlandais ouflamand ? Il a donc pour les Français un parfum d’exotisme. Va pourla publication. La Révolution française tient-elle une place dans telroman néerlandais, ou s’agit-il d’un roman à la Francis Ponge ou à laJules Renard ? Laissons tomber, les Français font mieux dans legenre. Bref, il n’y a aucune politique précise.Une ligne conductrice cependant chez les éditeurs français : ils ont,comme tout éditeur digne de ce nom, pour unique but la recherched’une littérature de qualité. C’est pourquoi, avant tout, les grandsnoms tels que Hugo Claus, Hella S. Haasse, Harry Mulisch et CeesNooteboom sont traduits. Mais le marché français évolue lui aussi,surtout ces sept dernières années, maintenant que les Françaisont abandonné l’illusion que leur langue est la première au monde,

Le travail restegrand pour affiner la

connaissance que le lecteur

français moyen ade la littérature

néerlandaise

Plus de cinquante écrivains d’expression néerlandophone sont invités au Salon du livre de Paris 2003, représentant l’ensemble des genres littéraires : fiction, littérature jeunesse,poésie, non-fiction littéraire, théâtre, bande dessinée.

Hella S. Haasse

Plein pharesur la littérature de Flandre et des Pays-Bas

par Rudi Wester

La quasi-totalité de l’œuvre de Hella Haasse est parue en traduction française au Seuil etchez Actes Sud.

lettreLa

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lettreLa

Répartition par domaine :• Fiction : 120 traductions entre 1987-1995 ; 144 entre 1995 et 2002• Non-Fiction : 7 traductions entre 1987 et 1995 ; 29 entre 1995 et 2002• Poésie : 19 traductions (dont 5 anthologies) entre 1987 et 1995 ;

15 entre 1995 et 2002• Livres pour la jeunesse : 27 traductions entre 19987 et 1995 ;

85 entre 1995 et 2002

8

et que seule la littérature en langue française peutavoir un rayonnement mondial.La France s’ouvre en effet de plus en plus aux tra-ductions, principalement aux romans écrits enanglais et, dans leur sillage, aux romans néerlandais.Tous les grands quotidiens, hebdomadaires et men-suels de l’Hexagone publient aujourd’hui des cri-tiques sur des œuvres littéraires traduites, ce qui est incontesta-blement de nature à promouvoir l’image et la notoriété de lalittérature néerlandaise en France.Il est vrai aussi que plus de livres ont été proposés à la critique cessept dernières années. Le centre de documentation du NLPVF aréalisé deux listes faisant le point sur la littérature flamande et néer-landaise en traduction française, dans le domaine de la fiction, de lalittérature jeunesse, de la poésie et de la non-fiction littéraire. Lapremière liste couvre la période de 1987 à 1995, la seconde de 1996à 2002, cette dernière comprenant les titres à paraître avant leSalon du livre, soit plus de 60.À remarquer, entre 1987 et 1995, les 23 titres de Hugo Claus, parmilesquels romans, poésie, pièces de théâtre et rééditions en formatpoche. Durant la même période, neuf titres de Hella S. Haasse, et ce,comme c’est encore le cas aujourd’hui, tant au Seuil que chez ActesSud. Présent, avec 14 titres, Cees Nooteboom, et, avec seulement 3 titres Harry Mulisch, le tout aux éditions Actes Sud. Un nombrerelativement élevé d’auteurs flamands ont été traduits, notammentLieve Joris, Eric de Kuyper, Hubert Lampo et Ivo Michiels. À signaler

Les traductions du néerlandais en français (fiction, non-fiction, livres pour la jeunesse et poésie) au cours des 15 dernières années

année Nombre de titres

dont rééditions

Plein phare sur la littérature de Flandre et des Pays-Bas

le best-seller de Connie Palmen, Les Lois, chez ActesSud, ainsi que deux romans de J. Bernlef chezCalmann-Lévy.Concernant la non-fiction littéraire, seuls sept titressont parus en traduction française durant cettepériode, avec en particulier les lettres de VincentVan Gogh et les journaux de Etty Hillesum. Le

NLPVF a commencé en 1997 à promouvoir la non-fiction littérairenéerlandaise et les résultats concrets sont visibles dans la période1995-2002, que nous développerons plus loin.Il est frappant de trouver dans le bilan 1987-1995 un nombre relati-vement élevé de traductions de poésie, 14 au total, parmi lesquellesfigure même le poète frison Gysbert Japicx édité chez Gallimard. Onrelèvera également six anthologies de poèmes néerlandais. Dans le domaine de la littératurejeunesse, seuls quasiment lesauteurs néerlandais de livres pourenfants ont eu l’honneur d’être traduits en français, comme GuusKuijer et Els Pelgrom. Pour cettepériode, 21 traductions ont étédénombrées.

Les Pays-Bas possèdent une longuetradition d’éditeurs littéraires :Querido, De Bezige Bij, Meulenhoff,Contact, Prometheus/Bert Bakker, DeArbeiderspers, Van Oorschot, DeGeus et beaucoup d’autres. LaFlandre possède une riche expé-rience dans l’édition de livres d’art,de livres jeunesse illustrés et debandes dessinées. Il existe un climatlittéraire vivant aux Pays-Bas et enFlandre : les écrivains se produisent devant des salles combles,interviennent dans les écoles, participent à des débats sur dessujets littéraires ou socio-politiques, écrivent dans les journaux etmagazines. On lit énormément aux Pays-Bas. Plus de 350 000 exem-plaires de De ontdekking van de hemel (La découverte du ciel) deHarry Mulisch ont été vendus, environ 400 000 exemplaires deIndische duinen (Les Dunes coloniales) de Adriaan van Dis, 100 000exemplaires pour le premier tirage du dernier livre de ConniePalmen Geheel de uwe, au moins 80 000 exemplaires pour l’ensem-ble de l’oeuvre de Hella S. Haasse, et au moins 40 000 exemplairesde chaque livre de Kristien Hemmerechts. Même des auteurs denon-fiction littéraire comme Midas Dekkers, Geert Mak et TijsGoldschmidt se situent à plus de 100 000 exemplaires par titre. LesPays-Bas sont le deuxième marché, après le marché anglophone,pour la littérature de langue anglaise. The Secret History de DonnaTartt s’est arraché à plus de 700 000 exemplaires, c’est pourquoison dernier roman, longtemps attendu, est tout d’abord paru auxPays-Bas avant de paraître aux États-Unis.En Allemagne, le marché le plus important pour la littérature néer-landaise en traduction, des auteurs tels Cees Nooteboom, HarryMulisch, Anna Enquist, Leon de Winter, Maarten ’t Hart et ConniePalmen, romanciers de grand talent, sont régulièrement best-sellersavec des tirages atteignant plus de 100 000 exemplaires.

Un nombre relativement élevé

d’auteurs flamands ont été

traduits en français

De Cees Nooteboom paraissent trois titres – dont le roman Le Jour desmorts chez Actes Sud, qui a été fortement salué par la critique française.

1987 20 1

1990 20 21991 15 4

1989 11 1

1992 16 21993 36 01994 15 21995 21 01996 32 21997 41 51998 24 21999 39 12000 35 62001 31 32002 41 62003 49 2

Source : Fondation pour la Production et la Traduction de la littérature néerlandaise (janvier 2003).

1988 23 1

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Le bond en avant depuis 1995

Qu’en est-il à présent de la littérature néerlandaise en France dansla période 1995-2002 ? Comme je l’ai déjà dit, le bilan est nettementplus positif, grâce à la persévérance des Néerlandais et desFlamands, la création de la Fondation de la Littérature flamande en2000, et à un changement d’attitude des milieux français de l’édition.L’assise déjà importante due à Hugo Claus, Hella S. Haasse, HarryMulisch et Cees Nooteboom s’est sensiblement étendue à desauteurs jeunes, voire débutants, mais elle allait aussi bénéficier d’unapport croissant d’écrivains « grand public » tels que Jef Geeraerts(Actes Sud, Castor Astral, Éditions des Syrtes), Elle Eggels (Denoël),Heleen van Royen (Albin Michel) et Lulu Wang (Grasset). La quasi-totalité de l’œuvre de Hella Haasse est parue en traduction française. En 1995, le Nouvel Observateur la surnomme« la Marguerite Yourcenar néerlandaise ». Haasse se tient en hautde l’affiche, suivie de près par Hugo Claus, en qui la presse fran-çaise reconnaît « le meilleur écrivain de la Belgique flamande » ouencore un « écrivain nobélisable ». Cinq de ses titres sont éditésdurant cette période, ainsi que le quatrième volume de ses œuvrescomplètes pour le théâtre. DeCees Nooteboom paraissenttrois titres – dont le romanLe Jour des morts chez ActesSud, objet de maintes cri-tiques élogieuses – et troisrééditions en livre de pocheFolio. En 2000, le magazineLire classait Cees Nooteboomavec Le Jour des morts troi-sième (!) dans la catégorie des

« meilleurs livres de l’année », avec le qualificatif suivant : « CeesNooteboom, romancier, poète etessayiste néerlandais, est l’un desgrands écrivains européens contem-porains. À l’égal de Claudio Magris,l’Italien, et de Günter Grass,l’Allemand ».Harry Mulisch a entamé une nouvellecarrière littéraire chez Gallimard, où ila effectué une rentrée littéraire reten-tissante avec La Découverte du ciel

et La Procédure. Le Point du 4 juin 1999 écrivait à propos de La

Découverte du ciel : « Il est rarement donné à un critique littérairede lire un roman qui suscite avec autant d’évidence le sentiment delire un chef-d’œuvre. Avec ce roman, un auteur des Pays-Bas rejointl’ombre assez gigantesque du Thomas Mann de La montagne

magique ». À noter que la critique française, sans doute pour four-nir des repères à ses lecteurs, compare très souvent les auteursnéerlandais à d’autres grands noms de la littérature européenne.

Harry Mulisch, écrivain déjà très célèbre, a effectué une rentrée littéraire retentissante avec ses deux derniers livres La Découverte du cielet La Procédure…

Harry Mulisch

Le lectorat français dela littérature des Pays-Bas et de Flandre s’é-largit lentement maisde manière constante.Témoin, la critique queLe Monde consacrait en

mai 2002 à La Danse du léopard de Lieve Joris, estimant que celivre, après quatre autres titres « s’impose comme un momentmajeur dans une œuvre qui déjà se profile », et ajoutant que « peu àpeu le lectorat de Lieve Joris s’élargit ».

Les éditeurs français suivent la nouvelle tendance de la littératurenéerlandaise Curieusement non représentée dans la littérature flamande, cettetendance correspond à l’arrivée en force d’auteurs d’originesétrangères. Leur apport à la littérature néerlandaise est sans pré-cédent. Ainsi l’écrivain néerlando-marocain Abdelkader Benali a vuson livre Noces à la mer publié chez Albin Michel, et son compa-triote Hafid Bouazza arrive aux Éditions du Reflet avec Les pieds

d’Abdullah. Publié avec beaucoup de succès par Gallimard, KaderAbdolah, d’origine iranienne (Libération : « un physicien iraniendevenu écrivain batave ») et Moses Isegawa d’Ouganda chez AlbinMichel. Même Fouad Laroui (Julliard) écrit de temps à autre en néer-landais. Pourtant, les tout premiers écrivains néerlandais « entredeux cultures » restent encore à découvrir pour le marché françaisde l’édition, notamment ceux originaires des îles Caraïbes, duSurinam ou encore d’Indonésie.Beaucoup d’autres auteurs ont fait leur entrée sur le marché litté-raire français depuis 1995 : Anna Enquist, Hans Maarten van denBrink, Adriaan van Dis, Margriet de Moor, Arnon Grunberg,Kristien Hemmerechts, Maarten ’t Hart, Frans Kellendonk, GerardReve, Leon de Winter et Renate Dorrestein, pour n’en citer quequelques-uns au vol. Eux aussi sont très bien accueillis. Dans lemagazine Lire, une critique commune de Enquist et ’t Hart estintitulée « La Hollande, pays de consensus et de progrès social ? Ilfaut des romanciers pourdénoncer le mythe. Mais leurleçon vaut aussi pour cheznous ».Les traductions françaises delivres pour enfants et pour lajeunesse réalisent elles aussientre 1995 et 2002 un étonnantbond en avant, passant de 21 à85 ! Parmi ces auteurs, le plustraduit est Paul van Loon avecses contes fantastiques (10 titres),suivi de Guus Kuijer, BartMoeyaert, Rindert Kromhout,Annie M. G. Schmidt, Ted vanLieshout, Anne Provoost et biend’autres.Il y a également tout lieu de seréjouir du nombre de traductionsde non-fiction, qui est passé de

Le lectorat français de la littérature des

Pays-Bas et de Flandre s’élargit lentement mais

de manière constante

Publié avec beaucoup de succès par Gallimard, Kader Abdolah est « un physicien iranien devenu écrivainbatave ».

Kader Abdolah

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Les traductions françaises de livrespour la jeunesse réalisent elles aussientre 1995 et 2002 un étonnant bonden avant, passant de 21 à 85 !

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lettreLa 10

7 à 29 durant cette période 1995-2002. Il est pourtant réputé diffi-cile de rivaliser sur ce terrain, car les Français sont intimementpersuadés que les meilleurs essayistes, les meilleurs historiens, lesmeilleurs philosophes et les meilleurs sociologues sont invariable-ment les leurs. C’est souvent vrai, en effet, mais ils commencent à serendre compte qu’il existe aussi, dans ce domaine, des auteursnéerlandais qui ont quelque chose d’original et de probant à dire.Une étape importante a été la publication chez Fayard en 1999d’une Histoire de la littérature néerlandaise, permettant aulecteur de replacer la littérature néerlandaise dans un contexte.Il pourra bientôt découvrir Le vivier de Darwin du biologiste TijsGoldschmidt, Danse avec la Mort ; Journal d’une liaison fatale

du médecin Bert Keizer et L’affaire 40/61 de Harry Mulisch, unévènement pour le lecteur français éclairé.Avant le Salon du livre de Paris, il pourra se plonger dans un flot denouvelles traductions. Je n’en donnerai ici qu’un petit aperçu : troisnouvelles d’Hugo Claus, et une réédition poche du Chagrin des

Belges (Éditions du Seuil), deux titres de Hella S. Haasse, Siegfried

et L’affaire 40/61 de Harry Mulisch (Gallimard), deux titres deStefan Hertmans (Bourgois), Fichue famille de Adriaan van Dis(chez Gallimard), deux titres de Oscar van den Boogaard (SabineWespieser Éditeur) et deux titres de Erwin Mortier (Fayard), Le

rendez-vous de Margriet de Moor (Seuil), Écritures cunéiformes

de Kader Abdolah (Gallimard), Les pieds d’Abdullah de HafidBouazza (Le Reflet), Douleur fantôme d’Arnon Grunberg (Plon) etHistoire de ma calvitie de Marek van der Jagt (Actes Sud) (Van derJagt étant le pseudonyme de Grunberg). Au total, une soixantainede titres : un joli score, assurément.Au-delà du nombre croissant de traductions, un signe d’autant plusencourageant pour l’avenir est l’arrivée de nouveaux éditeursfrançais s’intéressant à la littérature de langue néerlandaise, tels LeReflet, Sabine Wespieser Éditeur, Comp’act, Bourgeois, Le Passeuret AlterEdit. Pour la littérature néerlandaise, le Salon du livre 2003 peut débou-cher sur une percée en France, comme celle qu’elle a effectuéeen Allemagne en 1993 en tant qu’hôte d’honneur de la Foire du livrede Francfort. La promotion pour les invités d’honneur au Salon dulivre est toujours impressionnante, les actions dans les librairiesfrançaises largement suivies, et les critiques littéraires françaisse tiennent prêts.Je suis convaincue que la présence d’auteurs néerlandais etflamands, tous traduits en français, au Salon du livre 2003 aidera lelecteur à mettre le doigt sur l’essentiel, à savoir la grande qualité dela littérature et de la non-fiction littéraire néerlandaise. Une litté-rature tout à fait originale, authentiquement néerlandaise.

Rudi Wester est directrice de la Fondation pour

la production et la traduction de la littérature

néerlandaise ; elle est également critique littéraire.

(Ce texte est paru en néerlandais dans la revue Ons Erfdeel et,

pour partie, en français dans la revue Septentrion.)

Plein phare

La Maison Descartes à Amsterdam,a été créée en 1933 à l’initiative deGustave Cohen, ancien professeurde littérature française à l’Universitéd’Amsterdam. Devenue la maison-mère de l’Institut Français des Pays-Bas, elle a pour vocation d’être lecentre de rencontre privilégié entreles universités néerlandaises et françaises, à travers colloques,échanges de chercheurs et d’étudiants, programmes de recherches communs. Dans ce cadre,elle met l’accent sur la littératureavec sa bibliothèque et l’organisationrégulière de rencontres-débats avecdes écrivains et intellectuels de toutes origines, ainsi que de colloques internationaux. Elle centralise, en outre, les demandesde bourses de séjour en France pourles traducteurs néerlandais accordéespar le ministère français de laCulture, et s’efforce de promouvoirles 60 à 80 livres français de littérature générale traduits chaqueannée aux Pays-Bas. De plus, ellepropose des cycles de films françaisrécents.

Le Centre Français du Livre

L’ensemble des activités de laMaison Descartes dans le domainedu livre sont fédérées dans une nouvelle structure : le CentreFrançais du Livre (CFL). Le but de ce projet, pour lequel la MaisonDescartes, avec l’aide du ministèrefrançais des Affaires étrangères, adégagé des moyens financiers supplémentaires importants, est dedévelopper la coopération entre nosdeux pays dans un secteur clef de lavie culturelle qui recouvre bien desaspects : traductions, édition,conférences, colloques, expositionsdocumentaires, bibliothèques…Tous ces modes d’action sont désormais rassemblés autour dethèmes ou d’auteurs précis. Depuis1990, ce sont environ 150 écrivainset intellectuels des deux pays quiont été reçus à la Maison Descrates.Un accord de coopération a étéconclu avec la célèbre librairieAthenaeum.Mais l’échange culturel entre laFrance et les Pays-Bas passe également par des débats de sociétésur des sujets communs à nos deuxpays, allant de l’avenir de la protection sociale à l’accueil des réfugiés, de l’environnement

à la construction européenne,de l’aménagement urbain à la bioéthique.

Un centre de cours de spécialité en pleine expansion et un centremultimédia

Plus de 1200 étudiants suiventchaque année les cours de la MaisonDescartes, dont l’enseignement estde plus en plus tourné vers le françaisde spécialité (commercial, juridique,touristique) pour répondre auxbesoins variés, notamment dans lemonde de l’entreprise.Les ressources multimédia (accèsInternet, vidéos, CD-Rom) désormaisdisponibles dans notre bibliothèque/ médiathèque (25 000 documents)constituent le centre de ressourcesdocumentaires de référence sur laFrance aux Pays-Bas.

Des résidences d’artisteset de chercheurs

La Maison Descartes accueille enrésidence des artistes, écrivains etchercheurs, dont le travail porte surles Pays-Bas. Ces séjours, dequelques semaines à plusieurs mois,permettent, au-delà des manifestations ponctuelles,d’animer en profondeur les relationsculturelles entre les deux pays.

La Maison Descartes à Amsterdam: un lieu de débat franco-néerlandais

CoordonnéesMAISON DESCARTESVijzelgracht n02A - 1017 HRAmsterdamtél. : 31 20 53 19500e-mail : [email protected] des informations détaillées, on peut consulter le site www.maisondescartes.com

Il existe aussi un Centre culturel français

à Groningue

Installée depuis 1971 au cœur d’Amsterdam,dans l’ancien hospice wallon, construit par le célèbre architecte A. Dorstman, la MaisonDescartes occupe, avec le Consulat généralde France, l’un des plus vastes monumentsdu Siècle d’or.

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Comment mieux préparer l’avenir qu’en l’articulant surle passé ? C’est ce qu’ont décidé de faire les responsables de la

maison Descartes en organisant du 28 au 30 novembre 2002 en

collaboration avec le NLPVF, des rencontres autour des échanges

culturels entre la France, les Pays-Bas et la Flandre, et plus précisé-

ment en matière de traductions en littérature et non-fiction, thème déjà au centre

d’un colloque qui s’était tenu en 1987, organisé par Jean Galard, alors directeur de la

maison Descartes.

À l’époque, le constat était pessimiste : globalement peu de traductions, et nettement

moins encore du néerlandais vers le français. De l’eau a coulé dans les canaux et

aujourd’hui, le tableau est moins sombre. Les cessions d’ouvrages français vers

le néerlandais ont doublé depuis 10 ans et si, dans l’autre sens, on déplore encore

le peu de pénétration des auteurs néerlandophones, certains d’entre eux parmi les plus

connus peuvent atteindre dans l’Hexagone des chiffres de vente de 10 000, voire de

20 000 exemplaires. C’est sur cette note encourageante que se sont déroulées ces

journées, en préambule à l’invitation d’honneur au Salon du livre de Paris 2003.

Ecrivains, traducteurs, éditeurs, journalistes, responsables des institutions publiques

et privées, professeurs (plus d’une centaine de participants) ont mêlé étroitement

leurs voix, dans un besoin d’écoute réciproque, d’où était exclu tout a priori, toute

tentative de typologie hâtive de littérature dans l’un ou l’autre pays, dans un lieu

que son actuel directeur, Christian de Vogdt, définit lui-même comme « un lieu neutre,

de libre débat », ce qu’il fut. Plus qu’avec des certitudes, les participants en sont

repartis avec une foule d’éléments, n’excluant ni les paradoxes, ni la contradiction,

permettant d’enrichir la compréhension des relations entre ces pays européens voisins,

mais où existe une importante barrière de langue et des tropismes différents.

L’influence de laFrance en perte de vitesseaux Pays-BasC’est ce thème qu’a développé l’écrivain etcritique littéraire Michaël Zeeman. Selon lui,après une période où, au-delà des traduc-tions de ses auteurs, la France jouait un rôlede « fenêtre sur le monde » pour la décou-verte des autres littératures étrangères,« elle n’existe plus pour l’élite culturellenéerlandaise,… les Pays-Bas se sont fermésà la culture française, ou plus généralementà la culture romane », se tournant plutôtvers la partie germanique de l’Europe. Enmême temps, les Pays-Bas sont devenus« une colonie culturelle du monde anglo-saxon ».Au-delà de cette perte d’influence, MichaëlZeeman a évoqué la différence entre la lit-térature néerlandaise récente, où leréalisme est toujours au premier plan, alorsque la majorité de ce qui se publie en Francesont « des récits d’expérience personnelleen forme d’auto-thérapie ». D’après lui,

Houellebecq et Toussaint sont traduits auxPays-Bas, mais ils n’y auraient pas été édi-tés. La désaffection des Néerlandais pour laproduction littéraire française serait donc lefruit à la fois d’un rejet de la « latinité » et dela nature des ouvrages.

Les chiffres montrent pourtant une augmen-tation du nombre d’ouvrages traduits dufrançais vers le néerlandais. Il est à notertoutefois que cette augmentation s’est faiteau profit d’autres genres que la littérature,comme le livre pratique et pour la jeunesse,les échanges dans le domaine de la fictionpour adultes restant à peu près stables.

Du néerlandais vers le français : des creux etdes picsDu côté des traductions des ouvragesnéerlandais vers le français, on observeun redressement dans les années 90.Avant, seulement environ 6 titres traduitspar an, alors que depuis 2001, pas moins de

70 ouvrages traduits ou en cours de traduc-tion. Pendant la même période, une soixan-taine de titres français ont été traduits auxPays-Bas, marquant une inversion de ten-dance, qu’il faut prudemment rapprocherde l’ « effet Salon du livre ». Dans le cadre de leur mémoire, deux étu-diantes ont établi une liste bibliographiquequi recense toutes les traductions du néer-landais en français dans les domaines de laprose, de la poésie et du théâtre au cours dudernier demi-siècle : 360 titres en totalité1.Sur toute la durée, on observe « des creux etdes pics », des années qu’on pourrait quali-fier de désertiques (aucun ouvrage traduit)à des années fastes, dues parfois à desinitiatives individuelles, comme par exem-ple le travail important de traduction despoètes belges flamands par les éditionsl’Age d’homme. Pour Rudi Wester, directricede la NLPVF, ce rôle fondamental joué pardes éditeurs enthousiastes explique l’aspect« accidentel » plutôt que « structurel » decette courbe de l’évolution : une collectiondisparaît parfois avec son créateur.

En ce qui concerne les raisons des choix édi-toriaux, Jean Mattern (Gallimard) a souhaitéinsister sur « le sens du narratif » des auteursnéerlandophones. Anne Freyer (Le Seuil) aprécisé, elle, que la décision de traduiretelle ou telle œuvre peut être influencée parune traduction en allemand, qui permet dese faire un avis au moment de la réceptiondu texte traduit.Pour détailler le contenu de ces échanges –leur développement possible, mais aussi lesobstacles auxquels ils se heurtent – quatreateliers se sont déroulés : à propos de lafiction, de la non-fiction, de la critique litté-raire, de la traduction.

Rencontres de la MaisonDescartes :le livre traduit

lettreLa

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que dans le palmarès 2001 du journal Lire,dont on connaît l’écho auprès des lecteurs,Le jour des morts de Cees Notebom setrouvait à la 3e place. Et que certainsouvrages traduits du néerlandais ontobtenu des prix littéraires en France,comme Rouge décanté qui a obtenu le prixFemina Etranger en 1995.

Alors, n’exagère-t-onpas trop les différencesculturelles entre les deuxpays ?Ce que l’on trouve de commun en tout cas,c’est la mise en question de la langue et del’identité, à travers l’expression et les thèmesdes écrivains post-coloniaux et des écrivains

allochtones, originaires du Surinam, desCaraïbes et de l’Ouganda pour les Pays-Bas,du Maghreb, d’Afrique, des Antilles pour laFrance, ce qui fut au centre dialogue trèsvivant et très riche entre Adriaan van Dis etAmin Maalouf. Et si ces écrivains occupent une place parti-culière dans la production littéraire desdeux pays, elle en occupe une particulièreaussi dans les traductions respectives de lafrancophonie et de la néerlandophonie.Pour favoriser ces échanges parfois disten-dus, l’invitation d’honneur au Salon du livrede Paris représente bien sûr une formidableoccasion de mieux se connaître. Mais cesjournées ont aussi voulu mettre en évi-dence, à juste titre, le rôle fondamental desorganismes et des institutions. Du Côténéerlandophone : le Nederlands LiterairProduktie-en Vertalingenfonds, le NederlandFonds voor de Letteren, le Vlaams Fondsvoor de Letteren. Du côté français, laMaison Descartes, le Centre français dulivre, le Centre National du livre (ministèrede la culture), autant d’intervenants qui per-mettent aux éditeurs d’inscrire leur poli-tique éditoriale dans la durée. Ces journéesen furent une belle illustration.

Catherine Fel

1« La littérature néerlandophone en France », Mémoire

d’Esther Walkenburg et Margo Westerbeek, soutenu à

l’université d’Utrecht en juillet 2001.

Maison Descartes :le livre traduit 15 ans après

Existe-t-il une placepour la littérature néerlandaise en France?Le plus souvent, la France apparaît commeun « rayon fermé » aux auteurs néerlandais,pour reprendre une expression d’HellaHaasse, dont pourtant 15 titres ont ététraduits dans notre langue, et dont le titrede l’intervention était : « Comment j’ai étédécouverte en France, 40 ans après mesdébuts littéraires. ».Elle a rappelé que, lors de son passage àBouillon de culture au moment de la paru-tion des Liaisons dangereuses, BernardPivot lui avait demandé – non sans provo-cation sûrement – s’il existait une littératurenéerlandaise. Des intervenants ont rappelé

L’idée de départ de Yves Douet, économiste de formation,a été de créer à Nantes en 1982 avec l’aide de subventionsaccordées par la Région, le Cecofop, une association pour desformations professionnelles, dont deux sont consacrées auxmétiers du livre, et qui a pour principe pédagogique de faireen même temps qu’on apprend à faire. Mais si Yves Douet estun passeur, c’est un passeur de témoin. Car tout dans l’histoirede cette expérience originale s’est fait par étape, et si chacuned’entre elles marque une progression, elle contient aussi toutesles autres.Au cours des quinze sessions qui se sont déjà déroulées, leCecofop a modifié ses objectifs tout en gardant son principe –« il fallait que ça se complique un peu pour garder sa dynamique », précise Yves Douet : les participants sont passés

de la production d’un objet livre non commercialisé à 7-8 titres par an présents en librairie,qui se partagent entre de nouvelles éditions augmentées d’auteurs français et étrangers classiques et la publication d’œuvres d’auteurs contemporains, français et étrangerstoujours, mais inédits cette fois. Aujourd’hui les éditions Le Passeur-Cecofop comptent 90 titres à leur catalogue, diffusés par les Belles Lettres et est l’un des éditeurs de l’écrivain irlandais Seamus Heaney, prix Nobel de littérature 1995.Un autre cap important a été la décision de mettre en valeur un pays européen différent chaque année, autour duquel sont organisées des rencontres littéraires, dans la continuité d’ailleurs de l’esprit feu le Salon du livre de Nantes.

Nantes avant AmsterdamC’est ainsi que le Cecofop a organisé les 21, 22 et 23 novembre 2002 des rencontres néerlandaises, où étaient présents les éditeurs Suzanne Holtzer (De Bezige Bij), Lex Spans, directeur commercial de Vasalucci, Joost Nissen,directeur de Podium et Rudi Wester, directrice de la NLPVF et dont le contenu a d’ailleurs donné lieu à un numéro de la revue Passeport, édité par le même Cecofop-le Passeur, consacré à la littérature, au cinéma et à la peinture néerlandaiseset flamandes. C’est à partir de ces rencontres et d’un voyage dans les plats paysqu’Yves Douet a proposé au comité de lecture constitué par les étudiants plusieurstextes pouvant donner lieu à une traduction (effectuée elle par des professionnels).Ainsi sont parus en mai Le matelot sans lèvres, histoires tropicales de CeesNooteboom, recueil de nouvelles de l’auteur néerlandais déjà largement reconnu enFrance (publié alternativement chez Actes Sud et Calmann-Lévy), Le bon à rien, unrécit de Frans Kellendonk publié en français 22 ans après sa sortie en Hollande,l’histoire d’un fils qui part à la recherche de son père méconnu, et Autoportrait avecparents de Nicolas Matsier, où le narrateur retourne sur les lieux de son enfanceaprès la mort de sa mère, publiés tous les trois avec l’aide de la Fondation pour la production et la traduction de la littérature néerlandaise et tous trois réimpriméspour le Salon du livre de Paris après l’incendie du dépôt des Belles Lettres. Trois livresà la couverture rouge sombre, concoctés dans les ateliers du Cecofop, « ah, oui sombre, vous trouvez, c’est vrai je suis attiré par les écritures pessimistes et joyeusement désemparées »…, conclut Yves Douet. C. F.

CoordonnéesÉDITIONS LE PASSEUR/CECOFOP :20, rue du Calvaire - BP 41217 - 44012 Nantes Cedex 1Tél. : 02 40 12 02 38 Fax : 02 40 12 01 48 - www.cecofop.com

Les Éditionsdu Passeur ou commentla notion de pédagogieactive peutdébouchersur l’éditiond’auteursnéerlandais

« des écritures pessimistes et joyeusementdésemparées »

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Vers une symétrie :Les échanges de traductions de non-fiction entre la France et les Pays-Bas

Bontekoe et HavelaarEn ce qui concerne les traductions du néerlandais vers le français,la percée qu’a connue le roman n’a pas eu lieu dans le domaine dela non-fiction. Depuis 1987, seulement une quarantaine de livres denon-fiction a été traduite en français.Toute catégorisation de ceux-ci relèverait ici d’une « Encyclopédiechinoise » chère à Borges et Foucault ; on peut donc s’aventurer etproposer les thèmes prédominants suivants : le dix-septième siècle,avec des livres comme Le naufrage de Bontekoe et autres aven-

tures (éd. Chandeigne 2001) ou le Livre des peintres de Carel vanMander, le Vasari des Plats Pays (éd. Belles Lettres 2002) ; les spé-cialités du terroir, comme l’euthanasie ou la culture gay ; laDeuxième Guerre mondiale, avec des témoignages sur la Shoah dontceux d’Anne Frank et d’Etty Hillesum ; la politique, avec desChroniques yougoslaves d’un ancien ambassadeur ou L’aventure

du commerce équitable où les fondateurs du café Max Havelaarproposent « une alternative à la mondialisation », transformant ainsil’ancien pays colonisateur du temps de Bontekoe en donneur deleçons ; des Hollandais « universels » (Van Gogh, Huizinga) ; desHollandais « français » (le documentariste Johan Van der Keuken).Les efforts institutionnels pour promouvoir la « non-fiction littéraire »

néerlandaise portent fruit, mais le marchéfrançais semble plus hésitant que celui d’autres pays. Ainsi, les essais scientifico-littéraires du biologiste Thijs Goldschmidt(Darwin’s hofvijver,1994) et du médecin BertKeizer (Het refrein is Hein, 1996), qui ont trèsvite connu un succès international, ne paraî-tront qu’en 2003 en traduction française. Ilreste également des absences remarquables,comme le très beau Metaforenmachine, une« histoire de la mémoire » du psychologueDouwe Draaisma : ce titre est traduit chez

Cambridge et jusqu’au Japon mais n’a pas trouvé preneur parisien.Côté positif, il y a le succès du Partage de l’Afrique : 1880-1914 del’historien Henri Wesseling (éd. Denoël 1996), récemment consacréeavec une reprise en Folio.

Montaigne, Montaillou, MontignacEn ce qui concerne les livres français traduits aux Pays-Bas, la situa-tion était traditionnellement beaucoup plus favorable.L’essor des sciences humaines à Paris dans les années 60 et 70 avait

donné lieu à de nombreuses traductions. La philosophie françaiseétant encore une marque, on traduisait Sartre, Lévi-Strauss,Foucault, ou Derrida. Ensuite, l’école des Annales, dans sa versiontardive d’histoire des mentalités, a pris le relais : des dizaines demilliers de lecteurs hollandais connaissent ce village occitan quis’appelle Montaillou.Ces dernières années, il n’y a plus eu de succès pareil de traductionen sciences humaines, mis à part Le passé d’une illusion de Furet.Certes, en philosophie, on traduit toujours des valeurs sûres commeBaudrillard, Onfray ou Finkielkraut, on réédite des classiquescomme Montaigne et Voltaire, certains ont même pris goût à tra-duire Leiris et Barthes. N’empêche que les tirages sont moins impor-tants et que tout indique un déclin relatif du livre français traduit. Àmoins qu’on veuille ranger des livres de cuisine comme lesMontignac en non-fiction (des centaines de milliers d’exemplairesconsommés)…La sociologue Pascale Casanova a pu dire de Paris que c’est un« lieu de consécration » : l’élite littéraire parisienne a la capacité de« consacrer » des textes littéraires issus des « petites langues », et de les relancer ensuite dans d’autres pays. Selon l’auteur de La République mondiale des lettres*, les cas de Joyce, Ibsen ou Kisprouvent qu’une reconnaissance à Paris vaut un billet d’entrée aumonde. Pour la non-fiction, Paris n’a clairement pas (ou n’a plus ?)cette fonction. Un éditeur étranger ne découvre pas tel historienalbanais, tel linguiste estonien à Saint-Germain-des-Prés.Pour se faire traduire à Amsterdam, les Français eux-mêmes doiventdésormais passer par les grandes presses universitaires américaineset britanniques. Il peut même arriver qu’un éditeur néerlandaispublie une biographie de Robespierre écrite aux États-Unis, passantoutre de bien meilleures vies de l’Incorruptible parues en France…Bref, en non-fiction, ce sont les Harvard et Cambridge qui fontmaintenant figure de « lieu de consécration ».Cette évolution s’accentuera sans doute : dans le domaine dessciences humaines, le français et le néerlandais seront bientôtchacun une langue de taille moyenne dans un monde globalisé. Unéquilibre, certes, mais est-ce un progrès ?

Luuk Van Middelaar,

historien et philosophe néerlandais, est notamment l’auteur de

Politicide. De moord op de politiek in de Franse filosofie (éd. Van Gennep, Amsterdam 1999).

Par Luuk van Middelaar

Avec le masochisme culturel propre aux habitants des Plats Pays, l’historien Johan Huizinga a contribué à répandre

l’idée selon laquelle les Hollandais ne seraient que des « transmetteurs d’idées ». Situés entre trois grandes aires

culturelles, l’originalité des Néerlandais résiderait historiquement dans le brassage de ce qui venait de l’Allemagne,

de la France et de l’Angleterre. Ni penseurs, ni écrivains, ils seraient en quelque sorte les traducteurs de l’Europe.

Ce lieu commun, fut-il vrai un jour, devient de plus en plus faux. Ainsi peut le montrer un bref aperçu de l’évolution

des échanges qui ont lieu actuellement entre les Pays-Bas et la France dans le domaine de la non-fiction.

Une symétrie s’y instaure. Les flux de traduction vont désormais dans les deux sens – même s’ils restent modestes

et doivent passer parfois par le détour de l’Océan anglo-saxon.

lettreLa* Elle était l’une des intervenantes des Journées de la Fondation Descartes.

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lettreLa 14

Les

écha

nges

Il y a quelques années seulement, ilsemblait impossible que la France et lesPays-Bas s’ouvrent l’un à l’autre, mais

depuis 1998 les deux côtés ont lancé une« offensive du sourire », comme on dit dansle milieu des diplomates. Une offensive danstoute sa violence ! En matière de culture,chacun des deux pays considère l’autrecomme prioritaire. Les thèmes sociaux etéthiques jadis si pénibles qui ont fait que,durant des années, les Pays-Bas et laFrance se sont tourné le dos, constituentaujourd’hui le point de départ d’un vérita-ble dialogue. L’Institut néerlandais à Parisa organisé ces dernières années de grandscolloques avec des spécialistes français etnéerlandais traitant de sujets tels que l’eu-thanasie, la drogue, l’emploi, l’avenir del’audiovisuel public, les seniors, etc. On adécidé – à juste titre – qu’on voulaitapprendre de l’autre. En mai prochain seramis en place le Conseil de Coopérationfranco-néerlandaise, où politiques, penseurs

et artistes néerlandais et français siègerontensemble, pour déterminer les points surlesquels les deux pays peuvent faire routecommune, sur un plan international.L’intérêt pour la culture de l’autre s’est eneffet considérablement accrû ces dernièresannées, surtout en ce qui concerne legraphisme, l’architecture, le design et laphotographie, où l’on peut parler d’unéchange florissant. Artistes, musées, galerieset mécènes forment un réseau fonction-nant à merveille pour ces disciplines. Dansce contexte, le prochain Salon du livre deParis constitue une véritable apogée. Iloffre à un grand nombre d’auteurs néerlan-dais et flamands la possibilité de percer surle marché français. Mais alors qu’aux Pays-Bas, la littérature française souffre del’idée que depuis les années soixante ellen’aurait pas connu de véritable renouveau(aux yeux des Néerlandais – mais tout àfait à tort – le siècle s’est clos avec les exis-tentialistes), la littérature néerlandaisedans les librairies françaises se retrouvequelque peu perdue comme une étrangèredans les rayons « pays nordiques ». Où ellen’a pas à proprement parler sa place.

L’intérêt des éditeurs français pour la litté-rature néerlandaise est pourtant aussidébordant que gratifiant. Il est vrai qu’auxPays-Bas il existe une collection « biblio-thèque française » chez l’éditeur indépen-dant Van Oorschot. Une autre maisond’édition, elle aussi indépendante, Coppens& Frenks, se spécialise dans des auteurs trèsparticuliers qui en France ne sont connusque de fins connaisseurs. Cependant, auxPays-Bas, la littérature française d’aujour-d’hui n’est pas évocatrice de grande qua-lité. Il faut le dire – malheureusement, iln’y a que peu de lecteurs qui soient encoreattachés à la latinitas, aux langues roma-nes, à la culture du Midi. Ici encore, nouspayons la rançon de la domination et del’orientation anglo-saxonnes. Pour moi,une des tâches de l’Institut est de tendreune main latine en direction du Nord, etpas seulement une main calviniste endirection du Sud. En France, les change-ments de cap jouent même en ma faveur –

depuis quelques années, je m’étonne de lapolitique française, proclamée et appliquéeconsciemment, qui vise à soutenir lespetites langues et cultures européennes.Cette tentative de donner de la couleur et du relief aux différentes anciennesidentités européennes pour sauvegarderainsi la diversité, je la considère commeextrêmement précieuse. L’Europe pourraitmontrer plus de reconnaissance à la Franceà cet égard. C’est aussi sous ce jour que jevois l’intérêt récent pour la littératurenéerlandaise et la poésie néerlandaise enparticulier.

Une taupe dans les cénacles : La poésienéerlandaise en FranceComment expliquer que la poésie néerlan-dophone soit, ces dernières années, siremarquablement présente en France ?Des poètes néerlandais donnent des lecturesà Paris et en province, des revues littérairesfrançaises (Java, Quaderno, Action

Poétique, NRF, Poésie 2003, If) consacrentdes dossiers entiers à la poésie néerlan-

daise, l’on voit même paraître en traduc-tion des recueils (Kouwenaar, Duinker,Claus, Barnard, Nolens) et des anthologiesde poésie néerlandaise et flamande. Celas’explique en partie par un heureux concoursde circonstances. Si les traducteurs JanMysjkin et Pierre Gallissaires n’avaient paseu l’arrogance de commencer un aperçu dela poésie néerlandaise d’après-guerre, nousn’aurions sans doute guère disposé aujour-d’hui que des traductions des œuvres deFaverey. Sur leurs traces, les traducteursosant s’attaquer à la poésie néerlandaisesont depuis devenus nombreux (KimAndringa, Daniel Cunin, Kiki Coumans et al.). Le Fonds néerlandais pour laProduction et les Traduction Littéraire soutient cette hubris, ne serait-ce queparce que la poésie néerlandaise, du pointde vue international, est en effet de hautniveau (c’est en fin de compte le facteur leplus important).Et puis il y a le poète Erik Lindner, qui s’estprésenté par une sombre matinée à monbureau rue de Lille, à l’Institut néerlandais.Une silhouette aussi sombre que le ciel. Ilavait entendu parler de mes intentions dedonner un podium en France à la poésienéerlandaise, et il voulait m’aider. Sous ladevise de Lucebert, « Ywosyg », nous noussommes mis au travail. Je facilitais, je m’em-ballais, et je participais à la réflexion. ErikLindner fouissait la poésie française, ce quiétait d’après nous le seul moyen de donnerune voix à la poésie néerlandaise. Telle unetaupe perspicace et à la vue perçante, Erik aappris à connaître les cénacles, les bandeset les sociétés, ainsi que la poésie française.Il a rencontré des schismes, des guerreslittéraires, des pactes scellés par le sang ;ce qu’on appelle aux Pays-Bas « la vie litté-raire ».Nous avons décidé qu’il n’y avait pas desalut dans un travail à sens unique, et nousavons mis en place des programmes oùpoètes néerlandais et poètes français pour-raient se rencontrer. (C’était d’ailleursaussi la seule façon d’attirer un public fran-çais intéressé et ciblé.) C’est ainsi qu’ont eu

«On a décidé – à juste titre – qu’on voulait apprendre de l’autre»

Par Henk Pröpper, conseiller culturel auprès de l’Ambassade des Pays-Bas et directeur de l’Institut néerlandais

Erik Lindner fouissait la poésie française,

ce qui était d’après

nous le seul moyen

de donner une voix

à la poésie néerlandaise.

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cultu

rels

lieu des soirées légendaires, qui se termi-naient par des dîners où les poètes néer-landais et français étaient parfois assisaussi silencieux les uns en face des autresque jadis à Amsterdam, en 1892, les poèteset coryphées Willem Kloos et PaulVerlaine. (Les seules paroles de Verlaine :« Monsieur Kloos... aimez-vous la salade ? »résonnent encore, à plus d’un siècle dedistance.)Souvent, ce silence était un signe éloquentde respect. L’on se regardait. Il ne s’agissaitpas d’épier, mais de mesurer, non, d’écouterle silence qui s’était fait après la poésie. Undes poètes français m’a avoué lors d’un deces dîners, qu’il se sentait nu quand il lisait,et qu’après, il ne pouvait plus vraiment

manger. Il était épuisé. J’entendais dansses paroles plus que du respect pour lesmots et la poésie. C’était de la déférence.La déférence qu’avaient les Grecs ancienspour les dieux qui se manifestent dans lanature. Plus que sa propre poésie, c’étaitaussi et surtout la poésie néerlandaisequi l’avait littéralement saisi. Le lende-main, il connaissait des strophes entièresdu poète néerlandais K. Michel par cœur.Et les revues publiaient de plus en plussouvent des contributions néerlandaises.Ces poètes français croient (encore) aucaractère sacré des mots, le mélange d’iro-nie (d’espièglerie) et de sérieux qui carac-térise si souvent la poésie néerlandaiseétait pour eux une révélation. Non pas unedésacralisation, mais néanmoins un boule-versement. Un bouleversement qui faitbafouiller (une expression de déférence).Sous le titre Le verre est un liquide lent,Erik Lindner et moi publierons en mars auxéditions Farrago une anthologie de plus de trente poètes venus lire au cours desdernières années à l’Institut néerlandais.La revue Poésie 2003 publiera par ailleursdes poèmes de Willem van Toorn, Martin

Reints, Ben Zwaal, Mustafa Stitou et MennoWigman (traductions de Jan Mysjkin etPierre Gallissaires). En juin, juste avantmon départ du poste de directeur, nousorganiserons ensemble une dernière soiréeà l’Institut néerlandais. Les galeries ont étécreusées, les ponts ont été jetés.Mais en fin de compte, toute cette opéra-tion – aussi réussie qu’elle soit du point devue néerlandais – est quand même restée àsens unique, car à quel point a-t-elle donnésoif de poésie française aux Pays-Bas ? Ilserait temps, pour commencer, que lefestival Poetry International s’intéressesérieusement à la poésie française qui, cesdernières années, n’y était pas représentéeou presque. Il serait temps de répondre« oui » – chose que Willem Kloos, la bouchepleine, manqua de faire – aux descendantsde Verlaine.

(traduit par Kim Andringa)

Henk Pröpper est chargé de la coordination des journées autour de l’invitation d’honneur des pays néerlandophones avec Jos Allvoet,délégué du gouvernement flamand en France, journées qui doiventconcerner tous les domaines littéraires et artistiques. L’idée est d’utiliserl’intérêt suscité au moment du Salon du livre pour l’élargir à l’ensemblede la production culturelle des pays concernés.

Ayant été sollicité avec Rudi Wester, directrice de la Fondation pour la production et la promotion de la littérature néerlandaise, pour coéditer le supplément du magazine Lire sur la littérature néerlandophone etses auteurs, il a souhaité mettre en valeur de jeunes auteurs peuconnus, aux côtés d’écrivains déjà très renommés en France, commeHarry Mulisch, Hella Hasse ou Hugo Claus, tout en retraçant l’histoirede cette littérature, de la constitution de son fonds.

Lier les différentes vagues entre ellesAinsi, si la Foire de Francfort 1993 a été un des moments clés pour la traduction des écrivains néerlandais, il faudrait expliquer aussi ce qu’ily a eu avant, les auteurs importants qui ont précédé cette vague. Parlerpar exemple de la littérature post-coloniale, et aussi de la littératuremaghrébine hollandaise. Un autre objectif est de les démarquer des

Institut néerlandais - Centre culturel des Pays-Bas121, rue de Lille - 75007 Paris. Tél : 01 53 59 12 40 - Fax : 01 45 56 00 77. [email protected] - www.institutneerlandais.com

Henk Pröpper souhaite« faire durer un momentéphémère »

écrivains scandinaves, à côté desquels ils sont le plus souvent rangésdans les étagères des librairies, en montrant leur identité spécifique,entre autres en constituant une « bibliothèque idéale ».

Un double pari réussi pour lui serait de faire découvrir et d’inscriredans la durée, « continuer un moment éphémère ». D’où l’importancede travailler avec la presse littéraire des deux pays (lui-même a été critique littéraire). La littérature néerlandaise est plutôt mal diffusée en France, en tout cas plus mal que les écrivains français ne le sont enHollande. La poésie lui semble occuper une place à part, il a choisi de la privilégier au sein de l’Institut néerlandais, en organisant régulièrement des rencontres entre poètes néerlandais et poètes français, destinées là aussi à créer des sortes de « vagues » autour dece genre. (voir texte ci-contre) * C. F.

… nous avons mis en place des programmes où poètes néerlandais et poètes français pourraient se rencontrer

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Présence de la fiction quelques tendances

lettreLa 16

Dans les universités, le nombre d’étudiants en langue et litté-rature françaises a diminué en l’espace de vingt ans jusqu’àne plus atteindre que le dixième du chiffre d’autrefois (de

200 à 20 étudiants pour l’université d’Amsterdam par exemple), cequi a de graves conséquences pour les UFR de français. À cet égard,la fermeture de la librairie Allert de Lange à Amsterdam, quiproposait traditionnellement un choix très large en littératurefrançaise, est significative.Bien que la langue et la culture françaises aient perdu leur positionhistorique et leur rôle naturel de chef de file, il n’est pas questiond’une perte d’intérêt pour la France en général. Elle reste la desti-nation favorite des vacances pour une majorité de Néerlandais, et quelques milliers de compatriotes sont aujourd’hui les heureuxpropriétaires d’une résidence secondaire dans la campagne fran-çaise. On continue à vanter le film français et à juger systémati-

quement que la littérature française est de haut niveau. Tout auplus, dans le contexte de mondialisation actuel, peut-on constaterun accroissement de la concurrence avec les langues et cultures desautres parties du monde. Il faut notamment songer à l’influence desÉtats-Unis et à l’intérêt croissant pour les pays hispanophones.

Les données les plus récentes concernant le livre, mises à disposi-tion par l’institut de recherche Stichting Speurwerk, révèlent qu’en1997, l’ensemble des 16 millions de Néerlandais ont acheté 35millions de livres, soit en moyenne un peu plus de deux par per-sonne. En revanche, le Néerlandais emprunte en moyenne entre 40et 50 ouvrages par an à la bibliothèque. Les bibliothèques publiquesreçoivent chaque année plus de 300 millions d’euros de subventionsgouvernementales, leur permettant de prêter à leurs abonnésenviron 170 millions d’ouvrages par an. Il est évident que nombred’éditeurs n’apprécient pas beaucoup les subventions gouverne-mentales et le rôle prépondérant de la bibliothèque aux Pays-Bas.

Les traductions du français occupent la troisième place derrièrel’anglais et l’allemand

Comme nous l’avons dit, de moins en moins de Néerlandais étantcapables de lire des livres français dans le texte, l’importance destraductions augmente. Des recherches ont montré qu’en 1997, 17 000 ouvrages de toutes catégories, y compris des ouvragesgénéraux, scientifiques et scolaires, ont paru aux Pays-Bas. Le totalde 17 000 se subdivisait en 12 000 titres nouveaux et 5 000 réimpres-sions. 10 000 de ces titres étaient des ouvrages néerlandais origi-naux, 5 000 titres étaient des traductions, les autres étaient publiésdirectement dans une langue étrangère. Parmi ces traductions, 21 %provenaient de l’anglais, 3 % de l’allemand, et 2 % du français, qui seplace donc à la troisième place.D’autres informations intéressantes concernant la répartition et legenre de fiction et de non-fiction traduites du français peuvent êtredéduites des données du Fonds Néerlandais pour les Lettres. CeFonds fut créé en 1965 dans le but de favoriser la qualité et ladiversité des lettres de langue néerlandaise et frisonne, ainsi que latraduction littéraire dans ces deux langues. Il dispose d’un budgetde 5 millions d’euros pour subventionner plus de 200 auteurs deprose, de poésie, de non-fiction littéraire et de théâtre, ainsi queplus de 100 traducteurs de littérature étrangère (jamais directementles éditeurs). Entre 1987 et 2002, le Fonds a subventionné environ550 traductions du français (fiction et non-fiction), soit unemoyenne de 36 par an. Le nombre de titres proposés pour cessubventions s’élevait à 660 environ ; à peu près 20 % des demandesn’ont pas été retenues. Le nombre de titres subventionnés sembleaugmenter : en 1999, 54 bourses de travail et honoraires complé-mentaires ont été attribués, contre 47 en 1988. En ce qui concerne lalittérature française, nous constatons que ces dernières années,entre 40 et 50 romans français en moyenne sont traduits chaqueannée. La non-fiction, la poésie et le théâtre sont manifestementrelégués au second plan*.

La littérature française a une réputation difficile

Si nous nous penchons sur le choix des œuvres littéraires françaisestraduites, nous voyons que les classiques et la littérature françaisemoderne se disputent la première place. Victor Hugo, Jean-PaulSartre, Marguerite Yourcenar, Michel Foucault, Marcel Proust,Stendhal, Gustave Flaubert, Charles Baudelaire, Belle van Zuylen,Jean Racine, Simone de Beauvoir, Saint-Simon et Louis-FerdinandCéline sont largement représentés, mais cela vaut tout autant pourdes auteurs tels que Jean-Philippe Toussaint, Annie Ernaux, JeanRouaud, Sylvie Germain, Christophe Donner, Malika Mokeddem,Andreï Makine, Eric Holder et Michel Houellebecq. Eric Visser, éditeur pour la maison d’édition De Geus, qui publiebeaucoup de traductions littéraires, a dans son fonds des auteurstels que Andreï Makine, Malika Mokeddem, Claude Simon et MaryseCondé. En 2003, il publiera 14 titres français sur un total de cent

Alors que tout Néerlandais ou presqueparle et écrit assez couramment l’anglais,beaucoup de jeunes savent à peine lire un texte ou mener une conversation enfrançais. Les élèves choisissent de moinsen moins souvent le français, privilégiantl’anglais ou l’espagnol.

« Il est plus difficile d’introduire des auteursfrançais que des anglaispar exemple »

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française aux Pays-Bas :

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livres édités. « Il est plus difficile d’intro-duire des auteurs français que des anglaispar exemple », dit-il, « lorsqu’on regardeles chiffres de vente des auteurs français,il n’y a pas beaucoup de pics vers le haut. »Il n’y a que les livres ayant fait l’objetd’une large promotion, comme ceux deMichel Houellebecq ou de CatherineMillet, qui marchent vraiment bien aux Pays-Bas. Par ailleurs,estime Eric Visser, la littérature française a la réputation d’êtreintrospective, ce qui est difficile à vendre.Peter Nijssen des éditions De Arbeiderspers, une maison d’éditionde fiction et de non-fiction littéraires, n’est « en moyenne pasmécontent » des chiffres de vente de son fonds français, « même sion peut bien sûr toujours faire mieux ». Les chiffres de vente pourune traduction du français oscillent entre les 1 000 et les 10 000exemplaires, dernier chiffre atteint par la traduction des Particules

élémentaires de Michel Houellebecq, par exemple. De Arbeiderspersveut publier des livres qui « disent quelque chose sur le monde », etcelui de Houellebecq en était un bon exemple, dit Peter Nijssen. 30 %des traductions qu’il publie proviennent du français, à peu prèsautant de l’anglais. Cette année, De Arbeiderspers publiera 15 titrestraduits du français, soit 12,5 % du total. Il n’y a pas que le roman deHouellebecq qui soit réimprimé : Emmanuel Carrère, Annie Ernauxet Flaubert font également l’objet de réimpressions.

Des traducteurs de qualité reconnus

Le niveau des traductions aux Pays-Bas est généralement bon, enpartie grâce aux activités du Fonds pour les Lettres et du Point deSoutien à la Traduction Littéraire, qui est rattaché à l’université

d’Utrecht. Il existe un groupe de traduc-teurs de français professionnels, qui seconsacrent quasiment à temps plein à latraduction, certains d’entre eux se spéciali-sant en outre dans l’œuvre d’un auteurparticulier ou dans un parler spécifiqued’une région ou d’un pays francophone.Tous les deux ans, une somme importante

est attribué au lauréat du prix Elly Jaffé, décerné à la meilleure tra-duction du français, par Mme Jaffé, qui finance également quelquesbourses d’encouragement pour les jeunes traducteurs. Depuisenviron cinq ans déjà, les éditeurs néerlandais peuvent faire desdemandes de subventions pour leurs traductions du français auprèsdu Programme du Perron, qui est géré depuis peu par le Centre fran-çais du livre de la Maison Descartes. Il a été baptisé du nom de l’au-teur et intellectuel Eddy du Perron, l’homme qui jadis écrivit : « Jesuis Français par atavisme, colonial par éducation, Hollandais parma langue et certaines de mes habitudes. » Grâce au ministère desAffaires étrangères français et à la Banque Nationale de Paris, ceprogramme dispose d’un budget de 30 000 euros par an, utilisésurtout pour favoriser les traductions de classiques français, delittérature française contemporaine, et de non-fiction française, enparticulier dans le domaine des sciences sociales.Le Centre du livre français constitue un instrument dans le dialogueet l’échange d’informations entre les éditeurs de France et des Pays-Bas, et deviendra à terme un service d’information où les éditeursnéerlandais pourront obtenir des renseignements concrets etd’actualité sur les nouvelles parutions françaises dans les domainesde la fiction et de la non-fiction. Le Centre du livre françaisregroupe, au sens thématique, les manifestations littéraires etculturelles de la Maison Descartes et leur donne un dénominateurcommun. La Maison Descartes dispose également de quelques

chambres qui peuvent servir de lieu de travail temporaire àAmsterdam, destinées aux chercheurs, écrivains et autresartistes. En novembre 2002, en collaboration avec le Fondspour la Production Littéraire et avec le soutien du Fonds pourles Lettres, la Maison Descartes a organisé en guise d’amorcedu Salon du livre, un colloque autour du Livre traduit, où un grand nombre d’éditeurs, de traducteurs, d’auteurs et d’autres professionnels du livre des deux pays ont pu nouerdes contacts et discuter de sujets ayant trait aux métiers dulivre**.

(traduit par Kim Andringa)

Margot Dijkgraaf est directrice du

Centre français du Livre de la

Maison Descartes et critique littéraire.

* Stichting Fonds voor de Letteren, Huddestraat 7, 1018 HB Amsterdam

([email protected]).** voir compte rendu pp.12 et 13

« Je suis Français par atavisme,colonial par éducation,

Hollandais par ma langue et certaines

de mes habitudes. »Eddy du Perron

Deux auteurs traduits aux Pays-Bas :Anna Gavalda chez Bert Bakker et Patrick Modiano chez Meulenhoff.

Par Margot Dijkgraaf

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Les données chiffrées 2000-2001Pour l’établissement des statistiques exté-rieures portant sur l’année 2001, environ 90éditeurs ont transmis leurs chiffres à laCentrale de l’Edition et au SNE.Nous avons retenu ici ceux qui portent sur levolume des échanges de droits et de coédi-tions entre les éditeurs français et les édi-teurs néerlandophones (Pays-bas et Flandre)pour la période cumulée des années 2000-2001, dernières statistiques disponibles aumoment de la rédaction de ce texte. Si ceschiffres contiennent une part de relativité –tous les éditeurs ne répondent pas –, ilspermettent d’établir des tendances et desuivre des évolutions.

Baisse des cessions vers la Flandre, aux Pays-Bas le pratique passedevant la littératureAvec 250 titres cédés pour la langue néerlan-daise (sur 5736 au total), dont 192 pour lesPays-Bas et 58 pour la Flandre, l’année 2001a marqué un léger recul par rapport à l’an-née précédente (256 titres cédés) quiconcerne la Flandre, puisque les Pays-Basont acheté une vingtaine de titres en plus.

Si l’on regarde par domaine pour les Pays-Bas : 71 titres cédés en livres pratiques, tou-risme, guides, 35 en BD, 31 en littérature, 23en jeunesse, 13 en actualités, documents etbiographies, 11 en sciences humaines, 4 enreligion, spiritualisme, 4 en STM (dont droit),l’année 2001 marque le passage de la caté-gorie pratique au sens large au 1er rang deces cessions.Avec 58 coéditions vendues, la langue néer-landaise vient en 3e position derrière l’italienet l’anglais. Celles-ci concernent presqueexclusivement des titres de BD vers laFlandre.La répartition par domaine pour la Belgiqueflamande – 37 en BD, 11 en livres pratiques,tourisme, guides, 5 en littérature, 2 ensciences humaines, 2 en religion, spiritua-lisme, 1 en jeunesse pour l’année 2001 –reste la même, mais en 2000, ce sont 62titres de BD qui avaient été cédés. Le chiffrefaible des cessions en littérature (5 titressur les deux dernières années) s’expliquepar la prépondérance des éditeurs desPays-Bas dans ce domaine.Dans un contexte général d’augmentationdes acquisitions par les éditeurs français, lenombre de titres achetés à des éditeursnéerlandophones montre un doublemententre 2000 et 2001 : 18 titres dont 13 des Pays-Bas (6 en littérature, 4 en actualités, 2 enjeunesse et 1 en sciences humaines), 4 de

Flandre (3 en jeunesse et 1 en actualités)contre 9 titres en 2000 et 1 d’Ouganda (enlittérature).Néanmoins, ce chiffre montre un volumed’achats qui se situe assez loin derrièred’autres pays européens proches et ne cor-respondent probablement pas à la réalité.Si on les compare aux chiffres fournis parla Fondation pour la production et la pro-motion de la littérature néerlandaise de 36titres soutenus en traduction française pour2000 et 34 pour 2001 (chiffre qui atteint 56en 2002 avant le salon du livre), on peutpenser qu’un certain nombre d’éditeursconcernés par ces achats n’ont pas réponduau questionnaire initial.

Une quarantaine d’éditeurs français travaillent avec les Pays-Bas et la FlandreEn matière de cessions de droits ( 571 autotal pour les années cumulées 2000-2001,incluant les coéditions), 17 éditeurs françaisont signé de 4 à 186 contrats avec des édi-teurs néerlandophones. Très nettement entête, on trouve Hachette Illustrated (quiregroupe BD, pratique, tourisme, jeunesse),suivi des éditeurs de BD Dargaud et Delcourt(une cinquantaine de contrats), puis deséditeurs de littérature générale, commeAlbin Michel, Le Seuil, Laffont/Fixot,Gallimard (autour de 30), puis pour unemoindre part Fayard, Grasset, PUF,Flammarion, Minuit, Plon-Perrin, Lattès,Stock, Pearson et l’éditeur de jeunesse l’Écoledes loisirs et Assimil (entre 4 et 20 contrats).

L’achat et la vente de droits entre les éditeurs français et les éditeurs néerlandophones

Chez Plon-Perrin on souligne le succès desouvragesde FrédériqueHébrard,publiés aux Pays-Bas par Archipel.

Catherine Fel(à partir des données fournies par la Centrale de l’Édition et le SNE)

De 2000 à 2002, ce sont 31 titres qui ont reçu ces aides à la traduction,principalement des œuvres de fiction, puis des essais, des documents et des sciences humaines et deux livres de médecine.Auteurs de fiction :Jean-Christophe Rufin, Assia Djebar, Jean Echenoz, Philippe Djian, PhilippeJaenada, Fariba Hachtroudi, Lydie Salvaire, Jean-Christophe Grangé, PercyKemp, Ahmed Abodehman, Paule Constant, Jean-Claude Izzo, Andreï Makine,Robert Pinget, John La Galite, Raymond Queneau, Franz-Olivier Giesbert,Dominique BaudisAuteurs de sciences humaines, essais, documents :Boris Cyrulnik, Tzvetan Todorov, Claude Lévi-Strauss, Bernard-Henry Lévy, Patrick Lescot, Roland Barthes, Breton/Soupault, Robert Antelme,Michel Onfray.

Aides du Centre national

du livre (DLL)à la traduction

d’ouvrages français

en néerlandais(Ministère

de la culture et de la communication)

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L’autre moitié des éditeurs a une activité plusfaible avec entre 1 et 3 titres cédés par an,dont Actes Sud, Milan, Odile Jacob.Certains éditeurs ont indique leurs chiffrespour 2002, ils sont alors plutôt en augmenta-tion (effet probable du Salon du livre).

Selon les statistiques, portant sur les achats(33 au total incluant les coéditions pour lesannées cumulées 2000-2001), on dénombreune dizaine d’éditeurs français à avoir achetéles droits de traduction d’ouvrages en néer-landais : Fayard, Albin Michel, Delagrave,Actes sud, Gallimard, Magnard (entre 4 et 8 contrats), et on tombe à 1 seul titre pour Belfond, Desclée, Lattès, Solar et laDécouverte. Travaillent dans les deux sens : Albin Michel,Fayard, Gallimard, Actes sud, Lattès, Belfond.C’est à l’ensemble de ces éditeurs que nousavons envoyé un questionnaire devant per-mettre de détailler ces échanges avec les édi-teurs néerlandophones. Un peu moins de la

moitié a répondu et les éléments qui suiventsont extraits de leurs réponses.

Les partenaires néerlandophones cités

Pour la vente, les éditeurs le plus souventcités sont De Arbeiderspers, de Geus, Atlas, Manteau, Contact, Standaard, Archipel,Byblos, De Boekerij, Van Oorschot, Ijzer,Prometheus, Van Gennep, Meulenhoff,Ambo, Weneldbiblioteek, ZNU (Flandre),Voltaire, Dargaud/Benelux et Arboris, Talent,Assimil Benelux.Pour l’achat : L. J. Veen, Vassallucci, De BezigeBij, Meulenhoff, De Geus, Augustus, Clavis.Les contacts avec ces éditeurs s’établissent,d’après les professionnels interrogés, priori-tairement lors des foires de Londres et deFrancfort (et à Angoulême pour la BD). Ilsemble par ailleurs que les éditeurs néerlan-dais se déplacent assez souvent à Paris toutau long de l’année, plus que leurs homolo-gues français ne leur rendent visite.

Les éditeurs travaillent parfois avec desagents qui sont peu nombreux à s’occuper dece marché : Arabella Cruse basée à Paris,Linda Michaels aux États-Unis et Laura Susjinà Londres.

Les intérêts des éditeurs néerlandophonespour la production françaiseCôté cessions, on est frappé par la place« discrète » occupée par la littérature fran-çaise en traduction, impression qui se ren-force encore quand on sait que les Pays-Basest l’un des pays les plus ouverts à la littéra-ture étrangère (environ 50 % de la produc-tion). On trouve des éléments d’explicationtout au long de ce dossier, dont principale-ment la perte de l’influence culturelle de laFrance et l’approche prudente des auteursfrançais, qui ne rencontrent pas souvent lesuccès. Pour Heidi Warneke (Plon-Perrin),

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Prometheus, l’une des plus importantes maisons d’éditionaux Pays-Bas, est une filiale du groupe PcM.Parmi les 180 nouveautés qu’elle publie par an, la majeurepartie est de la littérature – dont 80 % d’auteurs néerlandais–, mais elle publie aussi de la non-fiction. C’est d’ailleurs des deux domaines confondus que s’occupe Job Lisman,avec une prédilection pour les livres d’historiens, comme Le partage de l’Afrique (sur la politique coloniale du XIXe siècle) de H.L. Wesseling ou l’ouvrage Village dans le polder de A.Th. van Deursen, sorte de «Montaillou» des Pays-Bas, best-seller en Hollande, mais qui n’en a pasconnu la répercussion internationale.Les traductions (de l’anglais, de l’italien, de l’espagnol,du français, des pays scandinaves) représentent environ 35 % de la production.

L’une des caractéristiques de la politique éditoriale de lamaison est de faire se côtoyer Jonathan Franzen, UmbertoEco avec Bridget Jones, une sorte de «combinaison tactique», de «cross over»entre littérature sérieuse et commerciale. Ce sont 4 à 5 titres par an que l’onfait traduire du français, dont le plus récemment Les adieux à la reine deChantal Thomas, Un soir au club de Christian Gailly, Sartre une biographie

de Bernard-Henry Lévy, Les 1000 maisons du rêve et de la terreur del’écrivain afghan Atiq Rahimi, traduità l’origine du persan aux éditions POL,dont Prometheus avait déjà publiéTerre et Cendres. « La vente moyennedes livres français tourne autour de 3 à 4000 exemplaires, le seuil de rentabilité se situe autour de 2000exemplaires ; ils ne trouvent pastoujours facilement leur place dansnotre catalogue. Nous essayons deconcilier la qualité littéraire du livre à traduire et l’estimation des chancescommerciales sur notre marché.»

Comment explique-t-il le succès plus important decertaines traductions du français aux Pays-Bas,comme par exemple celui de Je voudrais que quelqu’unm’attende quelque part d’Anna Gavalda, publié par BertBakker, et vendu environ à 6 000 exemplaires : «Parce quec’est jeune et drôle, comme le Journal de Bridget Jones,qui s’est vendu à 45 000 exemplaires sur un an et a atteint,après cinq années, plus de 250 000 exemplaires vendus,et aussi probablement parce que les mères le lisent !»

Pour s’informer des parutions françaises, Job Lisman rencontre les éditeurs à Londres et à Francfort et il a aussiune interlocutrice privilégiée en la personne d’ArabellaCruse, de l’agence littéraire Wandel Cruse. «Elle a les droitsde beaucoup de livres français pour les marchés nordiques ethollandais. Elle sait exactement ce que je cherche, et elle esthonnête sur le qualité des livres. Quand elle me dit que jedois lire un livre, je sais que c’est nécessaire que je le fasse.»

Avant de rentrer chez Prometheus, Job Lisman, qui a fait à l’origine des étudesde droit, a travaillé dans des maisons universitaires sur des ouvrages spécialiséstraitant de la philosophie médiévale ou de l’histoire de l’antiquité, il est aussipassionné par le XIXe siècle. Pourquoi s’intéresse-t-il au français? Peut-être parcequ’il a passé beaucoup de vacances chez sa grand-mère qui habitait dans leLanguedoc…

Qu’en est-il, d’après lui, de l’intérêt des éditeurs et des lecteurs français pour les auteurs néerlandais?«Je pense que l’intérêt est plus grand aujourd’hui que dans les années passées,cela est vrai pour plusieurs pays et cela s’explique probablement par “l’ouverture” de la littérature hollandaise : jusque-là, il s’agissait surtout de livres autobiographiques, écrits par des hommes de 50 ans ou plus, sur des sujets très restreints et fortement ancrés dans notre culture. Les choses ontchangé, et il n’est pas rare par exemple de voir une traduction du néerlandaisdevenir un best-seller en Allemagne. J’espère que cela pourra devenir une tradition internationale. Quelques-uns des auteurs du catalogue de Prometheustraduits en français sont Connie Palmen (Les Lois chez Actes sud), Hafid Bouazza(Les pieds d’Abdullah aux éditions Le Reflet) et Tijs Goldschmidt (Le drame dulac Victoria au Seuil) dont l’auteur est biologiste.

C. Fel

«Comme pour l’ensemble

du catalogue,les ouvrages

traduits du français

doivent répondre à

“une combinaison tactique”»

Entretien avec Job Lisman,éditeur chez Prometheus/Bert Bakker :

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« le marché néerlandais est un petit marché,où la présence des ouvrages anglo-saxonsest très forte. Etant donné le nombre deromans français en augmentation publiéschaque année, les éditeurs néerlandais semontrent de plus en plus sélectifs, et choi-sissent les titres adaptés à leur marché », cedont est persuadée aussi Eva Bredin (Lattès) :« La littérature française les intéresse demoins en moins. Les Pays-Bas sont enavance pour la littérature anglaise/améri-caine et ils ont du mal à présenter, voirevendre des auteurs français qui pour euxsont plus difficiles ».À Francfort, les auteurs français ne s’affi-chent pas sur les stands des éditeurs desPays-Bas. Ils n’ont pas l’air d’être des écri-

vains vedettes des catalogues, avec peut-êtreune exception pour les écrivains femmescomme Anna Gavalda, Alina Reyes,Catherine Millet. Heidi Warneke souligneaussi le succès de Frédérique Hébrard, avecson dernier roman Esther Mazel, « une bellehistoire sur une femme et une famille ».Il y a un interêt pour la jeune littérature del’autre pays, considérée comme un élémentdynamique des échanges et cela est vrai desdeux côtés. Pour des auteurs comme ceuxcités par Anne-Solange Noble (Gallimard) :Sébastien Ortiz, Guy Coffette, NicolasMichel, ou encore ce qu’Eva Bredin appelle« la fiction jeune branchée ».Peuvent être choisis des best-sellers litté-raires, comme Jean-Chritophe Rufin, Jean-Claude Izzo, Dai Sijie, l’éditeur néerlandaispeut se fier à un succès rencontré par l’ou-vrage en France, mais si les auteurs sontinconnus, la conviction de l’éditeur acqué-reur joue un rôle fondamental pour lacarrière éditoriale de l’ouvrage. Ainsi pourAnne-Solange Noble, le très bon accueil dulivre de Laure Adler À ce soir (De Bezige Bij)doit beaucoup à la conviction de l’éditeur, demême qu’Eva Bredin pense que le livre La

chambre des officiers, outre son sujet, areçu lui aussi un bon accueil, parce que l’édi-teur hollandais y croyait beaucoup. Encoremême son de cloche chez CatherineVercruyce (Minuit) à propos du succès deJean Rouaud, « grâce à son éditeur VanOorschot qui l’a fait venir sur place et qui apublié tous ses titres alors que les ventesrestaient faibles ». En ce qui concerne l’augmentation des ces-sions des titres pour la jeunesse, « oui, c’estvrai » constate Evelyne Joureau-Oriol (Milan),« nous sommes passés de 3 contrats (2000-2001) à 19 contrats en 2002, en majorité dudocumentaire et de la philo ». La philo quiintéresse aussi les éditeurs de non-fictionpour adultes. Claire Teeuwissen, responsabledes droits étrangers chez Odile Jacob, et quia développé récemment les cessions de titresvers les pays néerlandophones a vendu 101

Expériences de philosophie quotidienne deRoger-Pol droit et La force des émotions deFançois Lelord et Cristophe André. De soncôté, Martine Bertéa (Fayard) annonce lesuccès de l’ouvrage d’Anne Nivat sur laTchétchénie.Pour Sylvain Coissard (Delcourt), c’est laFrance qui donne le ton en matière de BD etles succès sont les mêmes qu’en France.Même avis de Sophie Castille pour qui « lemarché BD néerlandais est très similaire aumarché français et donc reflète les tendan-ces à la hausse que l’on trouve également enFrance ».

Les éditeurs néerlandais s’intéressentau documents d’actualité comme l’ouvrageChienne de guerre d’Anne Nivat (Fayard).

Les intérêts des éditeurs français pour la production néerlandophone

Une des différences évidentes est que leséditeurs français ne peuvent pas lire lesouvrages directement dans le texte. Le rôledes traducteurs et des lecteurs devient pri-mordial. Ce sont eux qui souvent propo-sent d’introduire en France tel auteur outelle oeuvre du domaine néerlandophone,voire construisent peu à peu un catalogue.Ce sont de véritables conseillers, ambas-sadeurs d’une langue et d’une culture peuaccessible par ailleurs par les interlocuteurshabituels des maisons d’édition.Françoise Triffaux (Belfond) ne s’intéressepas à un courant en particulier, mais à « ununivers singulier, à des voix originales ».Pour Jean Mattern (Gallimard), « c’est sur-tout la variété de la littérature néerlan-daise » qui l’intéresse, et « le fait que lesauteurs produisent souvent une littéra-ture très narrative sans pour autant êtredémodée ».De son côté Albin Michel s’est investirécemment dans ce domaine néerlando-phone. Tony Cartano attribue le très bonacceuil en France de l’auteur Moses Isegawaà la qualité et au thème de ses textes(l’Afrique). En revanche, le domaine dessciences humainessemble largementcouvert par lesauteurs français,les éditions LaDécouverte vonttoutefois faireparaître l’ouvrageDanse avec la

mort du médecinBert Keizer.Aussi bien en fic-tion qu’en non-fiction, les diffé-rentes aides à latraduction des deux côtés sont essentiellesmais pas décisives, comme le rappelleBertrand Py (Actes Sud).Les attentes par rapport à cette invitationsont de renforcer les liens, mais aussid’évaluer la réception de cette productionéditoriale néerlandophone auprès dupublic, le salon du livre ayant alors enquelque sorte valeur de test pourconquérir de nouveaux lecteurs.

Cette maison de création récente (mais son fondateur travaille dans l’édition depuis 17 ans) a pour objectif de publier à part égale desauteurs néerlandais et étrangers en fiction et non-fiction. En 2002, sur la vingtaine de publications,trois étaient traduites du français : Le Portail deFrançois Bizot (3/4000 exemplaires), Ali le magnifique de Paul Smaïn (3000 exemplaires) etLes Immémoriaux de Segalen (1500 exemplaires).

Quand on l’interroge surson choix, Roland Fageltrouve comme pointcommun à ces troislivres de relater desexpériences hors ducommun, d’être enquelque sorte de nature« excentrique ». Cechoix-là représente à la fois le privilège et le défi d’un « petitéditeur » dit-il.

Les éditions Fagel :le privilège d’être petit

■ Remerciements à Jean Mattern (Commissioninternationale du SNE), Jean-François Albat(SNE), Josiane Castelbou (Centrale de l’Édition)

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La bandedessinée en Hollande et enFlandre :

similitudes et différencesLa bande dessinée

néerlandphone ia une tradition

aussi ancienne que la BD elle-même puisqueles premières histoires en images en néer-landais apparaissent dès 1493. De même,une tradition d’imagerie comparable auxImages d’Epinal existe de longue date : dèsle début du XIXe siècle, les éditions Brepols àTurnhout (Belgique) impriment des estam-pes qui sont parfois des traductions detravaux des éditions Pellerin à Épinal.L’industrie des bandes dessinées, née enEurope rappelons-le, suit en Hollande et enFlandre le même chemin que celui des autresmarchés du continent. Les éditeurs impor-tent parfois les œuvres des pays proches,comme en témoigne l’édition néerlandaisedes albums du Suisse Rodolphe Töpffer, l’in-venteur de la BD moderne, dès 1866. Audébut du siècle suivant, comme partoutailleurs, l’influence américaine se fait sentir,en partie grâce au développement ducinéma, déjà. Les premières BD modernesnéerlandophones du classique hollandaisMarten Toonder (né en 1912) doivent pas malà Walt Disney. Avant la Seconde Guerremondiale, ces BD comportent rarement desbulles dans les images, comme c’est le cas enFrance. Dès cette époque, la productionautochtone est vivace. Sous l’influence amé-ricaine, elle est essentiellement orientéevers les quotidiens et les magazines mêmes’il existe, comme chez nous, quelques sériesd’albums. On notera la série Sjors de FransPiet (1938) et surtout, à partir de 1940, Tom

Poes de Marten Toonder ou des auteurscomme Hans Kresse (1921-1992, auteur deEric de Noorman) dont les qualités gra-phiques et scénaristiques sont parfaitementaux normes des meilleures productionsinternationales.

L’hégémonie de la bande dessinéebelge (air connu)Le parallèle historique avec le marchéfrançais ne s’arrête pas à ces débuts promet-teurs. Comme pour la France, le marché desalbums se met à exister à partir des années1950-60. Il prend, en Hollande comme enFrance, une ampleur phénoménale.Toutefois, le fait mérite d’être observé,comme en France, l’après-guerre voit fleurirune bande dessinée belge inventive et dyna-mique qui conquiert le marché et se place,pour de longues années, en position hégé-monique. Les vecteurs sont cependant trèsdifférents. Si en France, les productions dujournal Tintin et Spirou prennent une placeéminente, celles-ci, pourtant présentes sur lemarché néerlandophone, ont un adversairede taille : la série Suske en Wiske (1945) duBelge Willy Vandersteen (1913-1990), connueen Belgique et en France sous le nom de Bob

& Bobette (Editions Standaard). Cet Anversoissaura très vite prendre l’ascendant sur tousses concurrents dont le Flamand Marc Sleen(né en 1922), auteur de Nero qui remporteégalement un grand succès. Il doit sa supré-

matie à une ardeur infatigable et des talentsde conteur exceptionnels qui lui permettentde produire des scénarios en continu tandisqu’une équipe d’assistants organise autourde lui ce qui deviendra très vite un studio.Ce qui est frappant chez Vandersteen, faitunique en son genre qui n’a aucun équiva-lent en France, c’est qu’il est capable demener de front une dizaine de créationsparmi lesquelles les séries Suske en Wiske etBessy remportent un succès considérable.Depuis les années cinquante, la série Bob &

Bobette produit quatre albums par an etcomporte aujourd’hui plus de deux centstitres qui frisent actuellement au total chaqueannée les cinq millions d’exemplaires, sanscompter le magazine hebdomadaire éponymequi écoule plus de 30 000 exemplaires parsemaine, essentiellement en portefeuillesde lecture. Son autre série célèbre, Bessy

(Editions Standaard), une aimable démarquede Karl May dont le héros est un chienLassie, un temps traduite en France et dessi-née par ses assistants Jef Broeks (né en 1943)et Karel Biddelo, est une commande del’Allemagne où elle a été vendue entre lesannées cinquante et soixante-dix, pasmoins de 400 000 exemplaires par semaine !

Bob & Bobettedu Flamand Willy Vandersteen vend près de cinq millions d’albums chaque année.

Nérodu FlamandMarc Sleenest un autresuccèsmillionnaireen albumsvendus

Cette histoire belgo-belge est restée relativement ignorée des observateurs français. En octobre2000, la maison d’édition belge Dupuis a acquis la société de bande dessinée flamandeInfotex, éditeur du best-seller Jommeke créé par le dessinateur Jef Nijs en 1955. Au cataloguefiguraient également The Simpsons, K3, Cowboy Henk, Biep en Swiep, Rugrats et X-Files.Jommeke est l’une des séries les plus populaires de Flandre (un moment publiée en Francepar Glénat) qui jouit de nombreuses adaptations dérivées (Imagerie, réclame, CD-Rom, jeuxvidéo…). Cette acquisition est un signe fort de la part de la maison carolorégienne illustrantsa volonté d’entrer sur le marché néerlandophone. Et effectivement, depuis deux ans, sous lahoulette d’Alexis Dragonetti, responsable du développement dans ce secteur, le chiffre d’affairesde l’éditeur du journal Spirou (lequel paraît toutes les semaines en néerlandais, sans discontinuerdepuis la guerre sous le nom de Robbedoes) a été multiplié par trois sur son secteur néerlandais.

D.P.

La campagne hollandaise des Éditions Dupuis

par Didier Pasamonik

lettreLa

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22lettreLa

Vandersteen tenta à plusieurs reprises des’implanter sur le marché francophone.Maîtrisant la langue de Voltaire avec lamême aisance que celle de Vondel, il s’inté-gra à l’équipe du journal Tintin dans lesannées cinquante, non sans passer sous lesfourches caudines d’un Hergé trouvant sondessin « trop vulgaire », ses personnagesrecevant pourtant un accueil favorable de lapart du public, et il finira par partir.

Une diffusion particulièrePlusieurs points fondamentaux distinguentle marché de la BD néerlandophone de celuide la BD francophone. Le premier est le système de diffusion.L’essentiel de la diffusion de la BD passe parles kiosques, ce qui explique en partie lasuprématie des séries flamandes commeSuske & Wiske, Nero, ou encore Jommeke

de Jef Nijs : chaque trimestre, elle s’alimented’une nouveauté alors qu’une série franco-phone comme Les Tuniques bleues (Dupuis)produit au mieux un nouvel album chaqueannée.La deuxième caractéristique de ce marché,qui découle de la première, est que les BDnéerlandophones sont le plus souvent bro-chées. Ce format souple les rapproche de laforme du magazine, aussi bien d’un point devue physique (elles se placent facilement àcôté des mensuels dans les rayonnages deskiosques) que pécuniaire : les BD flamandeset hollandaises sont bien moins chères qu’enFrance : 4,10 euros contre 8.55 euros enmoyenne pour nos albums cartonnés. C’estpourquoi, contrairement aux autres marchéseuropéens, les mangas ont eu des difficultésà s’introduire en Hollande : le positionne-ment prix des produits japonais n’entrant enaucune façon en concurrence avec les pro-duits locaux.

Les opérateurs francophones très présentsNe croyons pas pour autant que les éditeursfrancophones soient absents. Implantéedepuis 1961, grâce aux Éditions du Lombard,alors associées à Dargaud, la collectionAstérix est un best-seller en Hollande et enFlandre. Ses ventes dépassent les 300 000exemplaires par nouveauté et les ventestotales depuis son apparition se comptent enmillions d’exemplaires.

Mais à la différence des autres marchésd’exportation où les éditeurs se contententde céder des licences à des opérateurslocaux, en Hollande et en Flandre – et c’estlà encore une caractéristique de ces pays –les principaux leaders francophones publienteux-mêmes en néerlandais. Rien de biensurprenant à cela : les éditeurs belges(Casterman, Dupuis, Lombard), longtempsleaders sur le marché français pouvaient,grâce à un bilinguisme naturel, contrôlersans grand effort ce marché proche. Bien

avant que Dargaud ne fit partie du mêmegroupe que les Editions du Lombard, l’édi-teur du journal Pilote créa, sous l’impulsionde l’agent Jacques De Kezel, sa filialeDargaud Benelux. Les éditions Glénat netardèrent pas à l’imiter, soutenues en celapar leur diffuseur belge La Caravelle et lespécialiste belge devenu sa chevilleouvrière, l’éditeur Paul Herman. Les éditionsAlbert René et Marsu Productions procédè-rent de la même façon, cette dernière parl’intermédiaire de son agent pour leBenelux, Artistes Associés. Seuls, parmi lesgrands éditeurs français, Delcourt, Soleil,Humanoïdes Associés et Fluide Glacial,continuent à vendre des licences essentiel-lement aux éditions Talent et Arboris, cequi explique que leur présence sur le marchénéerlandophone est moindre. La plupartdes séries francophones qui ont un certainsuccès en Flandre sont traduites en néer-landais, dans une proportion que l’on peutestimer à plus de 50 %. Un pourcentage quiest énorme si on le compare aux autresdomaines du livre et que ne traduisent pasles statistiques officielles, seulementconcernées par les cessions contractuelles.

La bande dessinée en Hollande et en Flandre :similitudes et différences

À la différence des autres marchés

d’exportation,les pricipaux leaders

francophones publient eux-mêmes

en néerlandais

Des auteurs néerlandais appréciés enFranceMalgré les multiples tentatives des éditionsStandaard pour implanter Bob & Bobette

outre-Quiévrain et le fait que cette collectionvende plus de 200 000 exemplaires par anseulement en Belgique francophone, l’accli-matation du best-seller flamand en Francen’a jamais pu se faire. Les rares traductionsfrançaises d’auteurs néerlandophones sontle fait de quelques individualités souventatypiques : Léon La Terreur de Théo van denBoogaard, découvert par Magic-Strip, est

présent dans le catalogue AlbinMichel. Franka de Henk Kuijpers apendant quelques années figuré aucatalogue des Humanoïdes Associésavant de disparaître (la série conti-nue de paraître en Hollande). Lesauteurs Joost Swarte, le théoricien

hollandais de la « Ligne Claire », ce styleHergé modernisé qui a fait fureur à la fin desannées soixante-dix, et le graphiste belgeEver Meulen ont fait les beaux jours de lamaison parisienne Futuropolis avant dedisparaître corps et biens. De même, l’hu-moriste flamand Kamagurka, actuellementpublié par Glénat, après avoir figuré au cata-logue d’Albin Michel, n’est vraiment appréciéque par un cénacle de spécialistes. On sou-haite le meilleur succès pour Rampokan

Java de Peter van Dongen publié au prin-temps par Vertige Graphic, dont le thème (ladécolonisation de l’Indonésie) et le dessin(un style Hergé d’une incroyable virtuosité)devrait rencontrer un public d’amateurséclairés. Seul un dessinateur de BD hollan-dais recueille, depuis de longues années, lafaveur des Français : le dessinateur depresse Willem dont les dessins illustrenttous les jours les chroniques de Libération.Rappelons qu’après avoir été l’un des dessi-nateurs underground les plus en pointe desPays-Bas, Willem habite depuis plus de vingtans… la France. Ses œuvres figurent aussibien au catalogue de Mille et Une Nuits quecelui de l’Association.

Didier Pasamonik est journaliste et éditeur.

Joost Swarte, dessinateur hollandais et théoricien de la « Ligne Claire », mouvementartistique inspiré du style

d’Hergé.

©D.

Pasam

onik

Willem Holtrop, alias Willem,sans doute le dessinateur hollandais le plus connu enFrance grâce à son travail quotidien pour Libération.

Il y réside depuis plusieursdécennies.

©D.

Pasam

onik

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Le marché du livre néerlandophonecompte 21 millions de consomma-teurs potentiels – 15 millions aux

Pays-Bas et 6 millions dans la partienéerlandophone de la Belgique, c’est-à-dire en Flandre et dans la Région bilin-gue de Bruxelles-Capitale. La languecommune de ces pays limitrophes donnelieu à un marché du livre fortement imbri-

qué, les Pays-Bas occupant, il est vrai, une position dominante. Unesituation semblable se présente dans la partie francophone de laBelgique – la Wallonie et la Région bilingue de Bruxelles-Capitale -qui est fort intégrée au marché du livre français : plus de 80 % dumarché de l’édition générale sont importés de France. La languecommune qui permet un échange maximal ne donne pas lieu à unmarché ni à des développements semblables. Dans cet article,nous tenterons d’expliquer les similitudes et les différences.

Un dépassement indispensableDans le contexte politico-culturel de la Belgique, le néerlandais n’apas un long passé. Ce n’est que depuis 1930 que le néerlandais estune langue d’enseignement officielle à l’université. De même, cen’est que depuis 1973 que, par le biais de l’autonomie culturellerésultant de la création du Conseil culturel flamand, la Flandre peutdévelopper sa propre politique culturelle (et linguistique). Le livreen Flandre et ses indispensables acteurs économiques – maisonsd’édition et librairies – ont par conséquent un dépassement à réali-ser par rapport à la tradition du livre aux Pays-Bas qui est beaucoupplus importante. Le développement de bibliothèques publiques,solidement soutenu par le gouvernement, le développement cons-tant de maisons d’édition flamandes, la position des chaînes et desgrands groupes de librairies, l’attention croissante consacrée à la

littérature et à l’information littéraire dans les médias sont autantde réalités d’un secteur qui tente d’atteindre le niveau quantitatif etqualitatif du marché du livre néerlandais. La grande dépendance ducapital familial – en restant à l’écart de groupes financiers et en sedétournant du capital tous publics – détermine cependant beau-coup trop le rythme de croissance.

La triple influence des Pays-BasL’implantation et la création de filiales en Flandre

C’est essentiellement dans le marché de l’édition générale que lesimportations des Pays-Bas jouent un rôle important. Un peu plus de60 % du chiffre d’affaires des prix à la consommation sont réalisésgrâce à des livres produits par des maisons d’édition établies auxPays-Bas. Les trois grands groupes – PCM, WPG et Veen-Bosch &Keuning – qui représentent ensemble plus de la moitié du marché dulivre tout public aux Pays-Bas, sont aussi bien représentés en Flandrepar l’intermédiaire de leurs filiales. PCM (PerscombinatieMeulenhoff) avec des maisons d’édition telles que Bert Bakker,Prometheus, Meulenhoff, Unieboek, Pockethuis, Spectrum,Bruna… WPG (Weekblad Persgroep) avec des fonds commeArbeiderspers, Querido, De

Bezige Bij, Nijgh & Van

Ditmar, Ploegsma, Leopold…Et un groupe plus récent Veen-Bosch & Keuning, né de lafusion entre l’ancienne divi-sion de Wolters Kluwer, VeenUitgeversgroep, et l’anciengroupe Combo - Bosch &Keuning, avec des labels telsque Contact, Atlas, Zomer &

Keuning, Luitingh-Sythoff,Augustus, Anthos, Ambo,Cantecleer…La deuxième influence financière est perceptible dans les filiales demaisons d’édition néerlandaises créées (ou achetées massivement)en Flandre. PCM est propriétaire à 100 % de Standaard Uitgeverij

qui, outre l’importation des fonds PCM néerlandais, développeégalement ses propres activités d’éditeur sur le marché général,sous le label SU et Manteau, et qui, sur le marché de la bandedessinée, représente une part importante avec les séries Suske enWiske (Bob & Bobette), Kiekeboe, Nero, De Rode Ridder, etc.WPG-Flandre est responsable de la commercialisation et de ladistribution des fonds de WPG-Pays-Bas. Ce groupe n’exerce pasd’activités d’édition propres depuis l’établissement flamand endehors d’un département d’acquisitions pour les livres de jeunesseQuerido.L’établissement flamand de Veen-Bosch & Keuning se concentreaussi sur le renforcement de la position des fonds de groupes néer-landais sur le marché flamand. Son activité d’édition est concentréesous le label Houtekiet.

un marché

dans un autre

Un peu plus de 60 % du chiffre

d’affaires sur les ventes

sont réalisés grâce à des livres produits par

des maisons d’édition établies aux Pays-Bas

lettreLa

Le marchédu livre flamand

BELGIQUE

WALLONIE

LA FLANDRE

PAYS-BAS

BRUSSEL

BRUGGE ANTWERPEN

HASSELT

LEUVENGENT

MER DU NORD

par Carlo van Baelen

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LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU FONDS FLAMAND DES LETTRES

« Le FFL souhaite

en premier lieu

toucher les éditeurs

des grandes régions

linguistiques d’Europe :

la France, les pays

anglo-saxons,

l’Allemagne

et l’Espagne. »

Le Fonds flamand des lettres (Het Vlaams Fonds voor de Letteren)est une institution publique autonome,

fondée en 1999 et opérationnelle depuis2000. Cette très jeune organisation est doncencore en pleine croissance.Le FFL gère les subventions publiquesallouées par le gouvernement flamand ausecteur de la littérature. Il répartit ces fondsaux écrivains, traducteurs, auteurs de bandesdessinées, illustrateurs, associations etrevues littéraires, éditeurs qui en font la demande. En Belgique et à l’étranger.Le Fonds flamand des lettres attache beaucoup d’importance au développementde ses relations internationales. Sa politiqueextérieure est entrée dans une phase plusactive en août 2002. Jusqu’alors, le Fonds se contentait d’accorder, sur demande, desaides à la traduction aux éditeurs étrangersqui décidaient de publier l’œuvre d’auteursflamands.S’efforçant de multiplier les traductions,cette politique extérieure, en cours de développement, veut aider les auteurs flamands à trouver leur place dans la littérature internationale. Bien sûr,à l’étranger, Hugo Claus n’est pas une personnalité inconnue des lecteurs intéressés.Mais de nombreux autres écrivains possèdentun grand potentiel international. Ceux-là nesont pas encore suffisamment renommés endehors de Flandre, alors qu’ils mériteraientlargement d’être découverts.Malgré la frontière qui les sépare, la Flandreet les Pays-Bas partagent la même langue.Ces deux États ont donc logiquement décidé d’élaborer une politique extérieure

commune pour la littérature d’expressionnéerlandophone. Concrètement, le FFLcoopère étroitement avec le Fonds néerlandais de production et de traductionbasé à Amsterdam (Het NederlandsProduktie- en Vertalingenfonds).Les deux organisations conservent bienentendu la liberté de faire valoir leurs singularités. Comme la Flandre commence àcombler son retard, elle doit fixer ses proprespriorités. Ainsi, le FFL souhaite en premierlieu toucher les éditeurs des grandes régionslinguistiques d’Europe : la France, les paysanglo-saxons, l’Allemagne et l’Espagne.Sans négliger l’Europe centrale qui est enpleine évolution. Le Fonds souhaite profiterdu renouveau que l’on y constate et stimulerl’intérêt des lecteurs de ces pays pour lesauteurs flamands.Pour enregistrer les meilleurs résultats àcourt et à long terme, le Fonds néerlandaisde production et de traduction et le Fondsflamand des lettres coordonnent leurs

interventions dans la mesure du possible.Ils s’entendent notamment sur les manifestations extérieures auxquelles ilsparticipent. En veillant à assurer la continuitéde fonctionnement et le suivi des contacts,en participant à des événements littéraires,le Fonds flamand des lettres espère générerdavantage de traductions à l’avenir.Le FFL s’attache concrètement à constituerun réseau efficace. Il entretient des contactssuivis avec les auteurs et diffuse largementles informations sur son fonctionnement et sur les possibilités de subventions.Dans ce contexte, l’invitation au Salon dulivre de Paris 2003 constitue une occasion exceptionnelle. Le Fonds flamand des lettresa donc prévu des budgets supplémentairespour assurer une présence optimale desauteurs flamands au Salon.

Pour quelles raisons un éditeurpeut-il s’adresser au Fonds flamand des lettres ?Un éditeur qui souhaite publier l’ouvraged’un auteur flamand peut introduire auprèsdu FFL une demande d’aide à la traduction.En principe, le montant de la subvention nedépasse pas les deux tiers des frais engagéspour la traduction. Il doit s’agir d’un travaillittéraire représentatif (destiné à un publicd’adultes, d’adolescents ou d’enfants).L’éditeur doit disposer de bons canaux dedistribution et de promotion. Et la traductiondoit être de qualité. Si le traducteur n’estpas connu du FFL, un extrait de la traductionsera demandé pour être soumis à des spécialistes externes. Les éditeurs peuvents’adresser au Fonds en toutes circonstancespour se faire conseiller sur les auteurs et lestraducteurs.Dans certains cas particuliers, il est possiblede prévoir des aides à la production, parexemple pour les éditeurs des pays quiconnaissent des difficultés économiques oupour la traduction de poèmes, un genre quia toujours du mal à trouver sa rentabilité.Le Fonds ne réserve pas ses interventionsaux traductions. Il entend aussi stimuler la participation des auteurs aux festivals, auxdébats ou aux conférences afin de permettreau public de les rencontrer. Les auteurs qui sont invités par l’organisateur d’un événement à l’étranger peuvent donc obtenir le remboursement de leurs frais de voyage.

Les formulaires de demande, les critères de subvention et toutes les informations sur le Fonds flamand des lettres peuventêtre consultés en anglais sur le site :www.fondsvoordeletteren.be

Greet RamaelGen. Capiaumontstraat 11 - b. 5B - 2600 AntwerpenTél. : 00.32-3-270.31.61/68Courrier :[email protected]

En participant

à des événements

littéraires,

le Fonds flamand

des lettres espère

générer davantage

de traductions

à l’avenir.

par Greet Ramael

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Bon nombre d’auteurs flamands sont édités pardes maisons néerlandaises.La troisième présence moins visible du capital néerlandais sur lemarché du livre flamand réside dans le fait que bon nombre d’au-teurs littéraires originaires de Flandre sont édités par des maisonsnéerlandaises. Hugo Claus chez De Bezige Bij par exemple, toutcomme, entre autres, Leonard Nolens, Leo Pleysier, Eddy Van

Vliet… Stefan Hertmans chez Meulenhoff, ou Monika Van

Paemel, Luuk Gruwez… ; Erwin Mortier et ses nouveauxrecueils chez Cossee ; les auteurs pour la jeunesse, Bart Moeyaert

et Anne Provoost, chez Querido. Prometheus accueille Tom

Lanoye et Herman Brusselmans. Atlas assure la production et lapromotion de Geert Van Istendael et de Kristien Hemmerechts.La position puissante des maisons d’édition néerlandaises sur lemarché de la fiction littéraire, tant aux Pays-Bas qu’en Flandre,exerce une force d’attraction supplémentaire sur les auteursoriginaires de Flandre qui accèdent plus facilement au marchéconcurrentiel et actif des Pays-Bas sous un label néerlandais. Unmarché qui est en outre très ouvert aux traductions (+ ou - 50 %du chiffre d’affaires sur le marché général).

Les points forts des maisons d’édition flamandes : le livre d’art,le livre pour la jeunesse et éducatifLa réalité de l’influence néerlandaise sur le marché du livre flamanda fait opter les maisons d’édition flamandes pour des créneaux spéci-fiques ayant une solide position. Pour le livre d’art, des labels commele fonds Mercator, Ludion et Lannoo sont aussi des garantiesinternationales de qualité pour une impression professionnelle, destextes innovateurs et des illustrations à valeur ajoutée. Le succèsd’éditeurs flamands de livres pour enfants et pour jeunes – faisantappel à des illustrateurs créatifs comme Klaas Verplancke, CarllCneut, Gerda Dendooven, Ingrid Godon – est également internatio-nal. Des maisons d’édition comme Clavis, Davidsfonds/Infodok,De Eenhoorn, Bakermat, Averbode réussissent de mieux enmieux à imposer leurs productions traduites à l’étranger.

Le marché éducatif – livres scolaires et manuels – est un marchétypiquement national. Les structures scolaires propres au pays, laconnaissance indispensable de l’organisation et les programmesscolaires, la nécessité d’une collaboration avec les auteurs locaux etles professionnels font que les maisons d’édition établies en Flandrecomme Wolters - Plantijn (Wolters Kluwer Groep), De Boeck(Standaard Educatief et De Sikkel), Van In, Pelckmans, domi-nent ce marché. Quant au segment en pleine expansion de l’ensei-gnement supérieur, il est en majeure partie pris en charge par desmaisons d’édition flamandes comme Acco, Garant et VUB-Press.Le marché spécialisé de l’information professionnelle est dominépar l’établissement flamand de Wolters Kluwer.Le marché de la bande dessinée est historiquement le fer de lancede la Belgique. Des spécialistes belges (francophones) commeDupuis, Lombard, Casterman, Dargaud ont une orientation inter-nationale et publient également la traduction de la plupart de leurs

séries en Flandre et aux Pays-Bas. Les maisons d’édition ayant unelongue tradition de la bande dessinée sont Standaard Uitgeverijet Stripuitgeverij (propriété depuis 2000 de Dupuis), l’accentétant mis sur la bande dessinée familiale et les produits de studio.Les documents et les livres qui traitent de thèmes sociaux flamands/belges sont aussi publiés par des maisons d’édition flamandes.Van Halewyck, Houtekiet, Roularta Books sont les principauxacteurs dans ce domaine.Ce qui est étonnant, c’est le manque quasi total de participationsdans le secteur du livre d’autres groupes de médias. Les grandsgroupes de journaux financiers flamands – Vlaamse UitgeversMaatschappij, Persgroep, Regionale Uitgevers Groep – et lesmagazines dominants – Roularta Media Group et Sanoma – n’ontaucune participation significative dans l’industrie du livre.

En ce qui concerne le commerce de détail de livres, c’est StandaardBoekhandel qui domine le marché avec 72 magasins – groupefinancièrement détenu par De Zuid Nederlandse Uitgeverij / Deltas– dont au moins un établissement dans chaque ville de Flandre. LaFNAC compte six filiales en Belgique, dont quatre en Flandre(Anvers, Gand, Leuven, Wijnegem), une à Bruxelles et une enWallonie (Liège). Comme troisième maillon de la chaîne, on trouveles magasins CLUB - anciennement GB Group, devenu Mitsika.

Un marché total de 420 millions d’eurosLe total des dépenses consacrées aux livres en 2001 – en prix à laconsommation – s’élevait tous marchés confondus à 410 millionsd’euros. Par rapport à l’année 2000, il s’agit d’une légère hausseabsolue qui, en euros constants, représente même une baisse pourcertains marchés partiels (éducatif et général).Près de deux tiers – 260 millions d’euros – ont trait au marché partieldu livre tous publics, dont plus de 60 % sont importés des Pays-Bas et7 % sont en langue étrangère.Le marché des livres scolaires – un marché intérieur comme nousl’avons déjà dit – représente un chiffre d’affaires de 60 millionsd’euros, dont plus de 90 % proviennent de productions de maisonsd’édition établies en Flandre.Le marché spécialisé du livre d’information scientifique – total : 65millions d’euros – est à 50 % un marché intérieur (entre autres leslivres d’étude pour l’enseignement supérieur), à 50 % un marchéd’importation, dont 80 % en langue étrangère et 20 % importés desPays-Bas. Le marché de la bande dessinée – dépenses : 35 millionsd’euros – est réparti entre les maisons d’édition flamandes (60 %)et l’importation de traductions (35 %) et des Pays-Bas (5 % du chiffred’affaires total).

Offre, production,producteurs de titresD’après les estimations, le fichier de titres actifs des maisonsd’édition flamandes comprend 30 000 titres et celui des maisonsd’édition établies aux Pays-Bas, 80 000. Réciproquement, ces titres

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lettreLa

ne sont pas tous échangés : les livresscolaires, les sujets propres au pays, lestitres n’ayant qu’une signification régio-nale ne sont distribués que dans leurpays d’origine.Chaque année, 13 000 à 14 000 nou-veaux titres néerlandais font leur appa-rition sur le marché. Parmi ceux-ci,

environ 3 000 sont proposés par des maisons d’édition établies enFlandre. Un peu plus d’1/3 fait partie du domaine « science et tech-nique », 30 % sont des livres de jeunesse, y compris des bandes dessi-nées, un peu plus d’1/6 est constitué de livres pédagogiques. En cequi concerne le genre langue et littérature, la production repré-sente 10 % du total. Les autres genres – livres d’art, loisirs, sport… –représentent ensemble 7 % de la production de titres.55 maisons d’édition produisent 98 % des titres – 11 d’entre ellescombinent les fonctions d’éditeur et d’importateur. Par ailleurs, 13sociétés s’occupent uniquement d’activités d’importation, princi-palement en provenance des Pays-Bas.Les maisons d’édition flamandes ont exporté pour 71,2 millionsd’euros en 2001 – soit 27 % de leur chiffre d’affaires total. Un peu plusde la moitié de l’exportation de livres est destinée aux Pays-Bas. Prèsde deux tiers des exportations sont des livres tous publics - les titresde De Zuid Nederlandse Uitgeverij axés sur le marché international,avec des personnages tirés de bandes dessinées et de récits àépisodes dominant fortement. Près de 30 % du chiffre d’affaires desexportations sont constitués de titres d’information scientifique ; 7 %du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger proviennent des bandesdessinées (principalement à destination des Pays-Bas).

Organisation professionnelleLa situation du marché se reflète dans la structure de l’associationprofessionnelle. À côté de l’association des éditeurs (VlaamseUitgevers Vereniging) et de l’organisation des libraires (VBB),l’importante partie de marché des importateurs pour la Flandre estorganisée en un groupe distinct (VBI). En ce qui concerne les thèmeset intérêts propres au secteur, une collaboration a lieu au sein del’organisation syndicale de coordination boek.be, où chacun desgroupes du marché détermine 1/3 des représentants et du processusdécisionnel.Des actions promotionnelles collectives sont organisées en communet sont entre autres axées sur les livres pour enfants et pour jeunes(mars), sur les livres traitant de hobbies (mai), sur le livre à suspense(juillet-août), sur le livre littéraire (avril) et sur les livres à offrir(décembre).Chaque année, début novembre et depuis plus de 70 ans, a lieu àAnvers la Foire du livre (Boekenbeurs) pour la Flandre, un salon toutpublic qui attire plus de 160 000 visiteurs.Le secteur a également développé un système électroniqued’information et de commande – www.boekenbank.be – qui sertde moyen de commande dans la relation librairie/fournisseur etqui offre aux particuliers des possibilités de recherche de titres ennéerlandais, avec possibilité de commander via la librairie.

Tant au niveau des entreprises individuelles – surtout dans larelation import/export – qu’au niveau des organisations profes-sionnelles, les concertations entre la Flandre et les Pays-Bas sonttrès fréquentes.

Politique du livreLa structure fédérale de l’État belge ne facilite pas la tâche au secteurdu livre. « Le livre – les lettres – la littérature – la politique » fontpartie des matières fédéralisées et ne relèvent donc pas de lacompétence du gouvernement de la Région flamande. Les affairestelles que le travail des bibliothèques publiques, les subsidesoctroyés aux auteurs et éditeurs, les prix littéraires, la promotionde l’exportation… font donc partie du domaine de la Flandre. D’unpoint de vue structurel, des aspects aussi importants que la législa-tion économique (prix fixe du livre), les thèmes socio-fiscaux(statut d’auteur adapté), la législation concernant les auteurs(droit de prêt, reprographie), font partie des compétences du gou-vernement fédéral et reçoivent dans la pratique trop peu d’atten-tion, ils sont souvent le théâtre d’oppositions entre Flamands etWallons et ne sont pas nécessairement en phase avec les choixpolitiques plus culturels des gouvernements des régions.Dans le domaine culturel, le gouvernement flamand a accordé unegrande attention à l’infrastructure (bibliothèques publiques, centresculturels) et à la fréquentation. Ainsi, la position du producteurculturel auteur, éditeur, artiste – et celle du distributeur intermé-diaire – librairie, musée, constitution de collections – sont restéessubordonnées. Un dépassement dans les limites des budgets cultu-rels limités n’est pas évident.La création récente du Vlaams Fonds voor de Letteren (voir encadré

page 24) est un premier pas vers une prise de décision autonome ausujet des subsides dans le secteur culturel.

Un avenir plein de défisTout comme dans d’autres pays, une mission permanente s’appliqueau secteur du livre en Flandre afin de repositionner le livre en tantque support sur le marché informatif-récréatif par rapport auxnouveaux produits et services faisant leur apparition sur ce marché.Les efforts qui ont été fournis dans le passé pour réaliser le dépas-sement nécessaire et faire face à la concurrence avec les éditeursnéerlandais ont été une bonne préparation pour affronter cettenouvelle phase. Bien que l’infrastructure soit encore fragile et lesoutien du gouvernement juridiquement et économiquement limité,bien qu’il faille en grande partie s’autofinancer, que la profession-nalisation soit trop peu soutenue par la formation et la recherche…,les résultats (internationaux) obtenus montrent qu’un investisse-ment cohérent dans des créneaux, dans le savoir-faire et l’espritd’entrepreneur offre des chances de survie et de développement.Surtout pas d’autosatisfaction, donc.

Carlo Van Baelen,

économiste spécialisé dans le secteur du livre est

directeur du Vlaams Fonds voor de Letteren.

55 maisons d’édition

produisent98 % des titres

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« Les géants flamands », ainsi

s’intitulait l’exposition consacrée

aux illustrateurs flamands à Bologne

en 1998. De 1990 à 2000 la littérature

enfantine et pour la jeunesse

a connu un essor extraordinaire :

le nombre de livres publiés a plus

que doublé. De plus en plus de livres

flamands pour enfants sont traduits,

jusqu’au Japon et en Corée. Les atouts

principaux sont les livres d’images

et les romans pour adolescents.

Les livres d’images :une grande diversité

créatriceLa sorcière malicieuse de Patou la mêle-

tout (Nieuwsgierig Lotje) de Lieve Baeten,édité chez Clavis en 1992, est à l’origine de lapercée internationale, avec un style qui secaractérise par des tons doux, des décorspleins d’ambiance et des détails amusants.En 1996, cette maison d’édition, en collabo-ration avec la ville de Hasselt, a créé un prixpour illustrateurs, qui entraîne souvent desretombées à l’international pour ses diffé-rents lauréats comme Riske Lemmens avecLa boîte à monstres (Doosje Monsters) ouGuido Van Genechten et ses histoires dulapin Rikki, qui stimulent les enfants dans

leur développement émotionnel. De jeunesillustrateurs, participant au concours, ont eula chance de publier leurs albums. Parmi lesplus populaires figurent Peter Brouwers,Hilde Schuurmans et Paul Verrept.Un pionnier dans le marché des albums estla maison d’édition De Eenhoorn, vivierpermanent pour de nouveaux talents : ainsiKlaas Verplancke qui a reçu le BolognaRagazzi Award pour ses illustrations dansOzewiezewoze, un livre de chansons popu-laires pour enfants, et Carll Cneut également

primé. Le premier réalise des illustrationsexubérantes, qui regorgent d’humour et defantaisie, le deuxième utilise une paletteriche en couleurs et des figures massives surde petits pieds, d’où se dégage une imagina-tion provocatrice. Il s’ est fait connaître avecL’étonnante histoire d’amour de Lucien le

chien, parue en 2002.Les productions De Eenhoorn révèlent unegrande diversité de styles et de techniques.Ainsi, les figures effilées et les couleursbigarrées de Tom Schoonooghe forment uncontraste étonnant avec les enfants sages etles pastels de Leen Van Durme, avec lesgalopins ou les géants comiques de JohanDevrome ou avec les couleurs chatoyanteset les figures coquines et tendres de AnCandaele. Actuellement, les illustrateurscherchent avant tout leur propre style etutilisent plusieurs techniques et matériauxà la fois, des combinaisons de couleurs, desperspectives et des compositions, en parfaitaccord avec le texte.La maison d’édition Davidsfonds/Infodokaussi publie de plus en plus de livres d’ima-ges. Klaas Verplancke y a publié Jot etWortels, sur les thèmes de la créativité, lacommunication et la recherche d’une iden-tité. Les livres de Wally de Doncker avec desdessins de Gerda Dendooven, qui combi-nent humour et émotion, sont remarqua-bles. Dans Je me manque (Ik mis me), lepetit « je » se pose la question de savoircomment aurait été le monde s’il n’avait pasété là. Parmi les meilleures illustratrices enFlandre, elle a déjà obtenu trois fois leBoekenpauw, la plus importante distinctionpour les illustrateurs, qu’on égalementobtenu Ingrid Godon et André Sollie pourleur livre Wachten op matroos (Querido),lauréats par ailleurs du Gouden Griffel.

Le roman pour adolescents s’est

développé depuis dix ans

Le piège (Vallen ) de Anne Provoost, porté àl’écran, a été le premier de ce domaine àpercer sur le marché international. L’œuvrede cet auteur pour la jeunesse est uniquepar la construction ingénieuse et la langueimagée de ses récits, que l’on retrouve aussibien dans son adaptation de La Belle et la

Bête que dans son interprétation de l’his-toire biblique du Déluge. Bart Moeyaert estun autre auteur important, il a été nominépour le prix H.C. Andersen en 2002. Il maî-trise l’art de créer une ambiance singulièreavec peu de mots, comme par exemple cellequi règne dans une famille avec sept frères,sujet de son livre Broere. Ces deux auteurs sont édités par Querido,qui publie aussi des auteurs comme Maritade Sterck, Jan Simoen et Kathleen Vereecken.Le dernier roman de Marita de Sterck Op

kot relate la vie estudiantine dans une uni-versité. Jan Simoen a percé avec Met mij

gaat alles goed, oú il lie le sida et la guerreen ex-Yougoslavie. Kathleen Vereeckenemploie, elle, un style de la narration trèsimagée dans ses romans historiques.

Davidsfonds/Infodok est un autre éditeurimportant de romans pour adolescents. Sesauteurs Gerda Van Erkel et Ina Van deWeyer figurent parmi les derniers lauréatsdu prix Knokke-Heist, le plus important prixsur manuscrit. Avec son expérience depsychothérapeute, Gerda Van Erkel s’atta-che dans ses livres à des jeunes qui cher-chent leur voie, avec toutes les difficultésque cela entraîne. Dans son nouveau roman,Een dubbel vuurteken, qui se situe auJapon, Saya est une fille rebelle qui chercheson chemin entre la tradition et les influen-ces occidentales et entre son devoir et sonintuition. Witte pijn est le premier romanremarqué de Ina Vandeweyer. Il se situechez les Inuits, de même que son dernierroman Merg en bloed. D’autres auteursappréciés des jeunes lecteurs sont KarelVerleyen, Patrick Bernauw, Guy Didelez etDirk Bracke, qui traite du sida, de l’abussexuel, des gamins des rues et des enfants-soldats dans un style très direct.De son côté, l’éditeur Clavis publie surtoutdes romans pour adolescents sur des problèmes comme le divorce, l’inceste oul’anorexie. Il convient en dernier lieu designaler la série Valentin (Valentijnreeks,Averbode), une étonnante série d’histoiresd’amour dans laquelle Ed Franck s’essaieaux grands classiques comme Roméo etJuliette, Carmen et Salomé. Il les adapted’une manière magistrale pour les jeuneslecteurs.

La littérature enfantine et la littératurepour la jeunesse en Flandre :une bibliothèque riche qui a de quoi séduire à l’international

lettreLa

Carll Cneut est l’un des nouveaux auteurs de la maison d’édition De Eenhoorm

Jan Van Coillie

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Des auteurs qui n’hésitent pas à

traiter de sujets gravesDes livres relatant des histoires pour les pluspetits sont plutôt rares. Les recueils de KaatVrancken (Querido) font exception. L’auteurpossède la rare capacité de s’identifier aujeune lecteur, et elle décrit avec beaucoupde finesse des événements banals et drama-tiques dans la vie de la petite Hannah. Ellen’évite pas des thèmes plus délicats à traitercomme la folie, la sexualité ou la mort. Il y a bien plus de livres pour les enfants quicommencent à lire. Le succès des livres deVos en haas de Sylvia Vanden Heede(Lannoo) est très grand, grâce à ses histoiresqui débordent de vie et d’humour dans unlangage très simple.Marc de Bel est assurément l’auteur le pluspopulaire chez les jeunes lecteurs de huit àdouze ans (Davidsfonds/Infodok ; Tingel). Ila publié plus de cinquante livres dont deuxont été portés à l’écran. Du suspense, del’action, de l’humour, un peu de romantismeet un message positif sont les clés de sonsuccès. La plupart des histoires pour leslecteurs à partir de huit ans sont réalistes. Lamaladie, la mort et la souffrance sont desthèmes récurrents dans l’œuvre de JaakDreesen (Averbode), que l’on retrouve aussidans l’œuvre de Ed Franck. Mijn zus draagt

een heuvel op haar rug raconte d’unemanière profonde le conflit entre le désird’affection d’un garçon et l’amertume de sasœur handicapée. Duivelsteken de HeidiBoonen (Querido), une histoire qui traite duharcèlement, est aussi très suggestif.Pour la catégorie des douze ans, il est frap-pant de constater le nombre élevé deromans historiques publiés par des maisonscomme Davidsfonds/Infodok, Averbode etLannoo. Les livres de Karel Verleyen et FransLeys nous offrent une combinaison originaleentre information et narration. De zilveren

dolk (Davidsfonds/Infodok) combine desdonnées historiques sur les conquêtesd’Alexandre le Grand avec des mythes, dessagas et des histoires épiques.Henri Van Daele occupe une place à partavec des histoires inspirées par sa propreenfance. La Résistance et laprès-guerre dansun petit village sont les principaux thèmes deWoestepet. Een moffenkind (Lannoo).

La poésie et la non-fiction

Geert De Kockere (De Eenhoorn) est le poètele plus productif, qui écrit pour les petits desvers dans la tradition des vieilles comptines.Riet Wille (Averbode), orthophoniste deformation, est fascinée par les possibilitésludiques de la langue. Les vers de FrankAdam (Querido) sont branchés et rebelles :les mioches ont une coiffure punk, piratentl’ordinateur de papa et jouent de la musiquerap dans la rue. Plusieurs poètes s’adressentaux adolescents – comme Daniël Billiet(Averbode, Divers), Gil Vander Heyden(Divers), André Sollie (Querido) et Ed Franck(Averbode) – dans des poèmes qui tradui-sent les sentiments conflictuels entre l’en-fance et l’âge adulte.Le livre documentaire éprouve des difficultésà se maintenir dans un petit domaine linguis-tique. Schapenvellen en ganzenveren deKatharina Smeyers (Davidsfonds/Infodok)raconte l’histoire du livre médiéval, A is een

koetje (dat staat op zijn kop), paru dans lamême collection, celle de l’écriture et del’alphabet. La collection Vragen van en voor

kinderen, de la maison d’édition Clavis estaussi innovatrice. Les livres prennent pourpoint de départ des questions d’enfants etabordent des sujets comme l’hôpital, la mort,la télévision, l’argent et la politique. Mon

chien Patouf de Caroline Heens est déjàparu en onze langues.

Une nette augmentation des

traductions en françaisLa langue des illustrations est nettement plusinternationale que celle du texte. Les livresd’images occupent 90% des traductions versle français. Les pionniers sont Kleine Adam

de Mariette Van Haelewijn et Rita Van Bilsen(Et Adam refit le monde, Éditions deLevain, 1989) et Nieuwsgierig Lotje de LieveBaeten (Patou la mêle-tout, ÉditionsMijade, 1999). Jusqu’en 1999, seuls quelqueslivres flamands pour enfants étaient traduitsen français. Mais à partir de 1999, ce nombre

s’est envolé à presque trente traductionspar an. Cette année-là, la traduction deBlote handen (À mains nues, Seuil) de BartMoeyaert s’est avérée importante pour l’image de marque de la littérature pour lajeunesse en Flandre.C’est à la maison d’édition Clavis que l’ondoit le nombre croissant de traductions versle français, à l’origine actuellement de plusde 50 % d’entre elles. En 1999, De Eenhoorns’est aussi lancé sur le marché français avecle livre d’images Muu (Geert De Kockere/Marjolein Pottie). Heksenfee, le livre illustrépar Carll Cneutt, avec des textes de BrigitteMinne (La fée sorcière, Pastel, 2000) est àl’origine de la percée internationale. Leséditeurs (bilingues) Averbode et Castermanpublient aussi des traductions en français.Chez Averbode, la collection Nelly et Césaravec des illustrations de Ingrid Godon attirel’attention (en traduction chez Casterman). La traduction de De adem van de woestijn deCarine Verleyen (Flammarion), une histoirequi se situe chez les Touaregs, est peut-êtrerévélatrice du goût qu’ont les jeunes lecteursfrançais pour les histoires poétiques.

Il y a peu de traductions du français vers lenéerlandais mais leur nombre augmenteconsidérablement ces dernières années. Lamaison d’édition Querido est un pionnier. En1992, Bart Moeyaert traduit le recueilHistoires au bord du lit de Pili Mandelbaum,avec des illustrations de Gabrielle Vincent.En 1997, le même auteur-traducteur s’estfrotté au Magazin zin zin, le livre quasiintraduisible de Frédérique Clément avant dese lancer dans la traduction des livres deChris Donner. Il est frappant de constaterqu’un grand nombre de traductions sont deshistoires profondes sur des thèmes difficilesdans une langue poétique et imagée. Celavaut entre autres pour les romans deChristophe Honoré (Querido) et de l’auteurcanadienne Charlotte Gingras (Averbode). Lesmédias ont prêté beaucoup d’attention à latraduction de l’œuvre de Pierre Coran parJan Simoen (Houtekiet). Les livres d’imagesde Malika Doray (Averbode), GhislaineBiondi et Rebecca Dautremer (Davidsfonds/Infodok) et Eric Battut (Davidsfonds/Infodok et De Eenhoorn) sont très poétiques.Davidsfonds/Infodok sort avec succès depuisquelques années des livres documentairesde Nathan et Mila Editions.

(traduit par Daphne Devriendt)

Jan Van Coillie, universitaire et enseignant, est

président du Centre national de la littérature pour

la jeunesse. Il est l’auteur de plusieurs livres et

articles consacrés à ce domaine.

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Le Piège(Vallen ),porté à

l’écran, a étéle premier

roman pouradolescents à percer surle marché

international

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dans le monde néerlandophone

« Le baroque n’existe pas aux Pays-Bas, yvendre Rubens est très difficile ». Même si lesmentalités évoluent rapidement, il subsisteaux Pays-Bas un léger désintérêt, voire uneméfiance, envers le livre d’art en raison tantde son contenu que de son caractère luxueuxqui en fait un produit réputé onéreux et unrien superflu.

Ajoutons le poids économique de la créationet de la pensée architecturale néerlandaise,sa renommée à l’échelon internationalqu’illustre la ville de Rotterdam, berceauactuel de l’architecture néerlandaisemoderne. La création graphique et dans ledomaine du design étant également trèsriche, il existe de fait aux Pays-Bas un largebassin d’acheteurs de livres se rapportant àces domaines (professionnels, étudiants,simples particuliers avertis).

Une même langue,deux marchés du livre Ces divergences culturelles entre Flamands etNéerlandais ont contribué (parmi d’autresraisons) à façonner deux marchés du livredistincts dans leur organisation (systèmes dedistribution, réglementation des prix, nombrede librairies…) et dans l’offre disponible. Lesprofessionnels des deux pays s’accordentcependant sur l’intégration progressive desdeux ensembles. Ainsi, à l’image des autreséditeurs, les maisons d’art flamandes et néer-landaises ont depuis longtemps intégré lanotion de marché « global » et ont régulière-ment recours à des importateurs pour lapartie de leur catalogue pouvant intéresser lepublic situé de l’autre côté de la frontière.THOTH, éditeur de la banlieue d’Amsterdam,réalise ainsi 7 % de ses ventes en Flandre.Quant à Hilde Peleman, directrice de lalibrairie spécialisée anversoise Copyright, elleannonce 10 % de son fonds constitué d’ou-vrages néerlandais. Les liens ne se limitentcependant pas à l’exportation, des accords decoéditions transfrontaliers voient ainsi le jour(THOTH/Lannoo, Fonds Mercator/AmsterdamUniversity Press…) qui permettent à la fois dedécupler les opportunités commerciales dansle pays tiers (commercialisation et promotionmieux adaptées puisque gérées in situ) et deminimiser l’ampleur de l’investissement initialde chacun des éditeurs.

De plus, à ces collaborations occasionnelless’ajoute parfois la mise en place de politiquesdestinées à disposer d’outils éditoriaux actifsdans les deux pays. Cela se réalise essentiel-lement par le rachat de maisons d’édition dupays tiers. Deux exemples : le groupe néer-landais de presse et d’édition Weekblad Persacquiert Ludion (Gand) en 1998, l’éditeurflamand Lannoo reprend en 1999 les acti-vités du Néerlandais Terra (spécialisé dans lebeau livre et le livre pratique illustré). Si dansle premier cas, l’opération est assimilable àla volonté de diversification de WeekbladPers (le groupe est déjà présent dans l’édu-catif, la littérature et le livre de jeunesse), laseconde acquisition procède plus d’unelogique éditoriale. Le postulat de LucDemeester est en effet « que beaucoup delivres [de la maison qu’il dirige] sont ”tropflamands” et de ce fait pas suffisammentadaptés aux Néerlandais ». L’antenne Terra,avec son équipe de 12 personnes, y remédieen permettant de faire avec une soixantainede titres par an du « local for locals ».

Cependant, même unifié, le lectorat potentieldu livre d’art néerlandophone s’avère encoreréduit. Cette caractéristique du marché,conjuguée à la modération des prix devente (les d’éditeurs déplorent les consé-quences négatives de l’irruption du duoTaschen/Köneman et la constitution d’unprix psychologique situé aujourd’hui auxalentours des 35 euros), rend la publicationde livres d’art imprimés à 2500-3000 exem-plaires potentiellement périlleuse. Une autrecontrainte pesant sur l’activité des éditeursd’art consiste en la forte pénétration desouvrages anglo-américains dans une zonegéographique où la maîtrise de l’anglais par

lettreLa

Jan Martens,directeur du

Fonds Mercatorà Anvers :

« le baroquen’existe pas

aux Pays-Bas,y vendre

Rubens est très difficile »

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Une même langue,deux culturesSi de prime abord la Flandre et les Pays-Basforment un bassin linguistique unique depresque 22 millions d’habitants, il sembleraitnéanmoins qu’à y regarder de plus près lesfracas de l’histoire européenne aient en faitdonné naissance à deux communautés cultu-rellement distinctes entretenant chacuneavec le livre une relation qui lui est propre.Une situation que résume avec style LucDemeester, directeur général des ÉditionsLannoo, à Gand : « Amsterdam constitue lecentre de la langue, la Flandre est la périphé-rie de la langue ». De cette différence, naîtune complémentarité – les Néerlandaisexcellent dans le texte, les Flamands dansl’image – et une spécialisation presque natu-relle des tissus éditoriaux : pour faire simple,aux Pays-Bas la littérature et les scienceshumaines ; à la Flandre, le livre de jeunesse,la bande dessinée… le livre d’art aussi. C’estsous cet angle que doit être entendue laremarque non dénuée d’humour de JanMartens, directeur du célèbre FondsMercator d’Anvers (Flandre) : « Le livre d’artn’est pas la tasse de thé des Néerlandais ».

De fait, une étude attentive des cataloguesdes éditeurs et des rayons des librairies spé-cialisés de part et d’autre de la frontière laisseentrevoir des centres d’intérêt différents.Ainsi, les lecteurs néerlandais portent-ilsprincipalement leur curiosité vers des discipli-nes contemporaines (architecture, design,arts plastiques, graphisme) et, en général,vers la création actuelle. A contrario, le publicflamand présente des goûts plus tradition-nels, prenant plus en compte le patrimoine,des goûts pour les beaux-arts (peinture,sculpture) et l’art sacré, plus proches de ceuxdu public français. Cette divergence seconcrétise dans les chiffres de vente.

Comment expliquer cette situation ? Pourl’essentiel, les éditeurs avancent la raison desinfluences religieuses distinctes qui ontimprégné ces deux régions, opposant catholi-cisme et protestantisme. Comme l’indique JanMartens, « deux visions du Beau s’opposent »,l’une empreinte de triomphalisme et de jouis-sance, l’autre imprégnée de sobriété et d’hu-milité face au divin ; et l’éditeur d’ajouter :

Jean-Christophe Arnold

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le public est remarquable. La part de marchédu livre d’art importé (principalement anglo-américain) est ainsi estimée à 50 % aux Pays-Bas. Enfin, il serait illusoire de penser que lephénomène d’inflation des droits d’accès àl’image n’affecte que les éditeurs français.Selon Jan Martens, « ces droits ont triplé enmoins de dix ans », mettant en péril l’activitédes maisons spécialisées.

L’approche du marché par les éditeursd’artLes points énumérés précédemment pour-raient augurer d’un marché du livre d’artatone et en repli dans chacune de ces deuxrégions. Les éditeurs et libraires parlentpourtant d’un marché aujourd’hui relative-ment stable même si les inquiétudes sontvives au regard des incertitudes écono-miques internationales1. Pour l’heure, on sefélicite chez Ludion (Flandre) de « 3 annéesconsécutives de croissance des ventes » alorsque THOTH (Pays-Bas) annonce une augmen-tation de 30 % de son chiffre d’affaires en2002. En effet, si les contraintes affectantl’activité des éditeurs d’art de Flandre et desPays-Bas ne sont pas minces, ceux-ci n’enont pas moins appris à composer avec elles.Leur action se base ainsi sur un certain nom-bre de principes et d’objectifs : raisonner entermes de bassin linguistique néerlando-phone, publier en anglais pour contourner lafaiblesse de leur lectorat national, recouriraux aides financières extérieures, notam-ment à travers des collaborations avec lesmusées et les fondations, s’appuyer sur desactivités connexes comme l’activité d’impri-meur (les cas du Néerlandais Waanders et duBelge Snoeck-Ducaju) et bien sûr, recouriraux coéditions.En effet, la taille réduite du marché, larichesse artistique de ces deux régions, uneculture fortement ancrée des échanges com-merciaux internationaux se conjuguent pourrendre les coéditions internationales parti-culièrement fréquentes. Chez Ludion parexemple, la production annuelle d’une qua-rantaine de titres comprend en moyenne

une coédition achetée et trois à quatre ven-dues à l’étranger (Skira, Belser Verlag,Abrams…). Chez THOTH, ce sont cinq à sixtitres (sur vingt-cinq publiés) qui sont annuel-lement achetés dans le cadre de coéditionsinternationales (Thames & Hudson, Phaidon,Laurence King Publishing…). Autre illustra-tion, NAI Publishers, éditeur d’architecture etd’art contemporain, qui collabore régulière-ment avec plusieurs de ses homologueseuropéens comme Editorial Gustavo Gili, enEspagne ou Hatje Cantz Verlag pour la langueallemande.

Quelle place pour lelivre français ?

La commercialisation du livre d’art en fran-çais en Flandre et aux Pays-Bas est pénaliséepar le recul unanimement constaté de lalangue française. L’ampleur du mouvement

est cependant inégale puisque le françaiscontinue d’être en Flandre la « première lan-gue seconde » et à ce titre appris dès l’âge de10 ans. Alors que les ouvrages en françaisconstituent 15 % du fonds de la librairieCopyright, ceux-ci ne comptent que pour 5 %des stocks des librairies spécialisées Nijhof &Lee et Kunst Boekhandel d’Amsterdam etmoins de 3 % du rayon de la grande librairieinternationale généraliste Athenaeum.Comme l’explique Franck Nijhof, « on neprendra un livre en français que si aucunéquivalent n’existe en néerlandais, anglaisou allemand ». Outre le frein constitué par lalangue, les libraires pointent l’argumentrécurrent de la cherté des livres français(malgré le passage à l’euro, une tabelle de10-15 % subsiste) en comparaison de leurshomologues anglo-américains.En définitive, les ouvrages français vendusdans les librairies d’art amstellodamoises

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t dans le monde néerlandophone

Éditeur d’art localisé à Gand, Ludion symbolise remarquablement ledouble visage d’une édition flamande bilingue et biculturelle. Acquiseen 1998 par le groupe de presse et d’édition néerlandais WeekbladPers, la maison est dans le même temps diffusée en France parFlammarion, pays dans lequel elle entretient de très bons rapportsavec plusieurs musées. À l’origine de ce grand-écart éditorial, PeterRuyffelaere, le directeur général de Ludion.

Quelle idée a présidé à la création de Ludion en 1991 ?Peter Ruyffelaere : La maison s’est construite sur le postulat qu’il existe un patrimoine artistiqueet pictural commun entre la Flandre et les Pays-Bas. Pensons par exemple aux primitifs flamandsou au Siècle d’or hollandais. Cette richesse, nous avons voulu l’offrir à une communauté linguistiquede plus de 20 millions d’habitants qui ont également en commun un degré d’éducation et unniveau de vie élevés.

C’est une ligne éditoriale que vous continuez à tenir ?Exactement. Aujourd’hui les deux tiers de notre production annuelle d’une quarantaine de titrescorrespondent à des ouvrages de beaux-arts, dont beaucoup portent sur des artistes de la région(Bruegel, Van Eyck, Rembrandt, Jerôme Bosch…) ou des collections issues des nombreux muséesde Belgique et des Pays-Bas (Bruges, Anvers, Utrecht, Amsterdam…). Très vite nous avons ouvertnotre catalogue à l’art du XXe siècle (Picasso, Magritte, Matisse, Duchamp…) et à des créateurscontemporains comme Panamarenko. Le dernier tiers de notre production se décompose enphotographie, design, architecture et mode. En tous cas l’alchimie semble correcte puisque nousavons enregistré 3 années consécutives de croissance des ventes. En 2002, notre chiffre d’affairess’est élevé à 3,75 millions d’euros, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2001 ! D’unemanière générale, le marché se porte bien.

Et en termes de langue de publication ?Seule la moitié des titres de Ludion n’est publiée qu’en une seule langue, le néerlandais. Nouspublions couramment en d’autres langues, le français notamment. Par exemple, le catalogue de

« »Mon marché va de Marseille à Groningen

1Les derniers chiffres disponibles de la production de livres d’art aux Pays-Bas relèvent de 1996 et le dernier chiffre des ventes de livres d’art calculéen prix public date de 2000 (13,6 millions d’euros). Quant aux statistiquesde l’Association des éditeurs flamands, elles ne distinguent pas à l’intérieurde la catégorie general publications la production spécifique de livres d’art.

entretien avec Peter Ruyffelaere

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sont pour l’essentiel les catalogues desexpositions en cours dans les grandsmusées parisiens, les livres centrés sur unsujet spécifiquement français et pas ou peutraité par d’autres éditeurs (type sujet relatifà l’archéologie au Proche-Orient), desouvrages et revues très spécialisés (design,photo, création contemporaine) s’adressantà un public ciblé (publications du CentreNational de la Photographie, du Palais deTokyo ou celles de l’Institut Purple…). L’offrefrançaise proposée à Anvers par Copyrightest plus large (s’y ajoutent principalement lesmonographies d’artistes) sous le double effetd’un public francophone plus important etde ses attentes en termes de livres d’artmieux en adéquation avec les sujets traitéspar la production française.La traduction en néerlandais, au mieuxdans le cadre de coéditions internationales,permettrait-elle de pallier la faiblesse du

Cet article est une synthèse du dossier « Le livre d’art dans le mondenéerlandophone » publié par l’Office de Promotion Internationale, enfévrier 2003 (contact : [email protected])

on ne prendra un livre en français que si aucun équivalent n’existe en néerlandais, anglais ou allemand.

l’exposition consacrée à Magritte à la Galerie nationale du Jeu de Paume sera publié directementen trois langues, et outre le français, en anglais et en allemand, pour un tirage total de 40 000exemplaires. Par ailleurs, il nous arrive de publier des ouvrages exclusivement en anglais,principalement sur des sujets plus confidentiels s’adressant à un public restreint. C’est le cas parexemple des correspondances de Marcel Duchamp.Notre principal débouché reste néanmoins le marché domestique. Un tirage moyen d’un livre ennéerlandais, disons 2500-3000 exemplaires, s’écoule à 60 % en Flandre.

Vous étiez l’un des fondateurs de Ludion. L’idée de perdre votre indépendance à l’occasion du rachat de la maison par un groupe néerlandais n’était-elle pas difficile à admettre ?Je ne considère pas voir perdu mon indépendance. D’accord Ludion est maintenant intégré auxactivités de Weekblad Pers mais je conserve toute mon autonomie éditoriale. J’ajoute que lavente de Ludion s’est faite sur mon initiative : je voyais cela comme un moyen d’étendre nosactivités en dehors de la Belgique. Aujourd’hui je peux dire que le marché de Ludion va deMarseille à Groningen !

Et plus loin aussi…Effectivement, étant une maison de « créations » plus que « d’acquisitions », nous vendonsrégulièrement (3 à 4 fois par an) des coéditions à des maisons étrangères bien connues commeSkira (Rizzoli), Thames and Hudson, Rizzoli USA, Abrams ou Belser Verlag. Notre succès en lamatière reste notre collection encyclopédique intitulée « Les Essentiels de l’Art ». Un titre decette série comme le « Van Gogh » a été imprimé en 5 langues pour un tirage total de 27 000exemplaires, dont 7 000 vendus à Flammarion. À titre de comparaison, Ludion en a conservé 3 000exemplaires destinés au marché néerlandophone.Par ailleurs, dans un autre genre, notre accord avec Beaux Arts Magazine nous permet de reproduirepour le marché néerlandophone ses hors-séries spéciaux régulièrement consacrés à un artiste ouune exposition.

Vos projets pour l’avenir ?Tout en conservant l’image d’éditeur d’art attachée à Ludion, donc sans aborder l’univers dupratique, j’aimerais explorer la voie du beau-livre. Les premiers titre à paraître seront des monographies sur des végétaux : l’une sur le laurier, l’autre sur le chêne.

Propos recueillis par Jean-Christophe Arnold

lectorat francophone ? En la matière, il fautbien admettre que le développement descoéditions avec les éditeurs d’art néerlan-dophones se heurte à des obstacles multi-ples. D’abord le nombre relativementlimité des acteurs, puisque tout au pluspeut-on dénombrer dans chacune des deuxrégions cinq éditeurs d’art au sens largeayant une activité significative. Ensuite, ceséditeurs sont avant tout des créateurs.Ayant accès à un patrimoine artistiqueriche et une création contemporaine foi-sonnante, à des auteurs de grand talent(universitaires, historiens d’art, conserva-teurs, architectes et designers), à desfinancements en amont (musées et fonda-tions) et, enfin, à un outil d’impression dequalité (le recours à l’imprimeur Snoeckpar les éditeurs français est par exemplerépandu), il s’avère que leurs besoins sontrelativement limités.

L’exploration des marchés du livre d’art deFlandre et des Pays-Bas laisse de touteévidence entrevoir un décalage entre lescaractéristiques de l’offre française et lesconditions locales de ces deux marchés, uneinadéquation qu’illustrent dans le senscontraire les propos de Hans Oldewarris,cofondateur de 010 Publishers, lorsqu’ildéplore le manque d’intérêt des éditeursfrançais à l’égard de l’architecture. Les facteurs limitatifs des échanges éditoriauxentre France et monde néerlandophonesont-ils fatals ? Premiers éléments deréponse au Salon du livre de Paris ?

Le « Van Gogh » a été imprimé en 5 langues pour un tirage total de27 000 exemplaires,dont 7 000 vendus à Flammarion.

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Fondée en 1985 à Bussum,dans la banlieue d’Amsterdam,THOTH est la petite maisond’édition d’art qui monte,se permettant de venirconcurrencer le leaderWaanders sur le marchéattractif des catalogues d’expositions. THOTH disposed’un fonds mêlant beaux-artset architecture, ouvrages haut

de gamme et collections de poche encyclopédiques. La maison s’essaye aussi,pour un tiers de sa production, à la littérature et à l’essai/document, en publiantrécemment par exemple la traduction du livre d’Alain Gresh Israël-Palestine, vérités sur un conflit, édité en France chez Fayard.Kees van den Hoek, son directeur général, explique que « 2002 a été une bonneannée pour sa maison qui a augmenté son chiffre d’affaires de 30 %.Globalement le marché du livre d’art aux Pays-Bas se porte bien. Les visiteurssont de plus en plus nombreux aux expositions, et d’autre part le livre reste uncadeau de Noël toujours prisé. »

Quels sont les genres qui intéressent le public néerlandais?Ce sont principalement les monographies d’artistes néerlandais contemporainscomme Theo van Doesburg, Kees Verweij ou Otto B. de Kat. Par ailleurs, les collections encyclopédiques sur les mouvements artistiques fonctionnent bien.La nôtre, intitulée « Stromingen in de moderne kunst », acquise auprès de TATEPublishers (série World of Art) devient progressivement une référence (avecune vente moyenne de 5 500 exemplaires par titre).D’une manière générale le marché du livre d’art ici est assez tranché et schématiquement l’offre s’articule autour des petites collections de poche illustrées en couleur abordables en termes de prix (12 euros) et les beaux-livres,en grand format vendus entre 35 et 39 euros, ce qui est encore relativementabordable. Tout le monde vous le dira, les prix ont été radicalement tirés versla bas avec l’irruption du duo Taschen/Könemann.Nous-mêmes, nous publions plusieurs titres d’une collection de livres de pocheillustrés de 400 pages : « De kunst van de 20ste eeuw » ( L’art du xxe siècle),«De architectuur van de 20 ste eeuw» (La maison du xxe siècle) et «Design van de20ste eeuw». Nous les vendons 12,50 euros en librairie, avec une PLV appropriée.

La part des coéditions est-elle importante?Compte tenu de la taille restreinte de notre marché domestique, du niveau de tirage initial (3000 exemplaires ) et de notre équipe réduite (nous sommes à peine 6 personnes pour quelque 25 nouveautés annuelles), le fait de joindreune coédition internationale présente un intérêt indéniable. Nous achetons en moyenne 5-6 titres par an, pour l’instant seulement à des éditeurs anglo-américains.Il nous arrive également de nous associer à un coéditeur flamand pour la versionnéerlandaise d’un titre étranger. L’objectif est de répartir les coûts et minimiserle risque financier. Ce fut le cas par exemple pour le livre de Laurence King« Het huis in de 20ste eeuw » , coédité en Belgique avec Lannoo.

Vous collaborez aussi beaucoup avec les musées…Oui, c’est bien évidemment une situation idéale, avec des tirages plus élevés,disons entre 6000 et 8000 exemplaires. Point positif, les musées diversifient deplus en plus leur collaboration et s’ouvrent à des éditeurs autres que le leaderdu marché, Waanders, dont le poids reste cependant écrasant. Parmi les musées

partenaires, je citerais le Rijksmuseum d’Amsterdam,le Gemeentearchief d’Amsterdam, le Dordrechts Museum,le Singer Museum de Laren, ou le Chabot Museum deRotterdam et j’en oublie.Nous réalisons 4 à 5 catalogues d’exposition par an. Notresuccès en la matière reste « The Colourful World of theVOC » réalisé avec le Scheepvaartmuseum d’Amsterdam et le Maritiem Museum de Rotterdam à l’occasion du 400e anniversaire de la Compagnie des Indes Orientales.Nous en avons déjà vendu 47 000 exemplaires en deux langues : néerlandais et anglais. C’est à ce titre aussi uneexception : 90 % de nos livres ne sont en effet disponiblesqu’en néerlandais.

…et à ce titre vendus en FlandreLa Belgique doit représenter 7 % de notre chiffre d’affaires. Nous n’exportonspas en Afrique du Sud où les locuteurs du néerlandais sont finalement très peunombreux.La vente en club de livres constitue également une ressource additionnelle.En cas de succès ECI (Bertelsmann), le principal club aux Pays-Bas, peut nouscommander jusqu’à 7 000 exemplaires d’un même titre.

Propos recueillis par Jean-Christophe Arnold

Lire en français des livres importés semble deveniraux Pays-Bas une activité de plus en plus marginale.iLes libraires néerlandais sont unanimes quand ils constatent que le

lectorat du livre français vieillit et se fait d’année en année plus rare. Àl’université d’Amsterdam, les effectifs d’étudiants en littérature et civili-sation française ont diminué par 10 en l’espace de 20 ans. Un phénomènequi n’épargne pas d’autre langue, tout aussi voisine comme l’allemand. Etc’est la même dégringolade qui est observée dans les écoles où le françaisa perdu depuis longtemps son statut de langue obligatoire. Au vu des sta-tistiques fournies par la Centrale de l’Édition, la chute de cette présencefrançaise serait pourtant à relativiser. En 2001, les éditeurs françaisauraient ainsi exporté pour l’équivalent de 10,8 millions d’euros contre11,2 l’année précédente et 12,9 en 1999. Une lente érosion sans doute maisce serait oublier que le niveau des exportations était en 1993 d’à peine69 millions de francs, soit 10,5 millions d’euros. Pas de quoi s’inquiéter ?Ces chiffres, qui proviennent des douanes sont pourtant trompeurs carils comprennent de fait les impressions confiées par des éditeurs néer-landais. Et de l’avis de plusieurs importateurs, le montant des ventes delivres français aux Pays-Bas ne dépasserait pas les 2 millions d’euros, etserait l’affaire d’une petite dizaine de librairies dans tout le pays.

Dans ce contexte, la librairie Atheneumd’Amsterdam se qualifie elle-même d’heureuseexception. Le chiffre d’affaires qu’elle réalisedans le domaine du livre français est en pro-gression constante et atteint aujourd’hui plusde 6 % du chiffre d’affaire global. Sa clientèledonne une image du portrait type des acheteursde livres français. Majoritairement universi-taires, ils se tournent aussi bien vers les œuvrescomplètes de Barthes que vers le dernier essaide Revel sur l’anti-américanisme en France.En littérature, les plus gros succès de ces

dernières années ont été enregistrés avec Michel Houellebecq et sesParticules élémentaires « mais également avec quelques classiques,Modiano en tête ». Pierre Myszkowski

L’Office de promotion internationale invite, avec le soutien de la Maison Descarteset l’association des libraires flamands (Vlaamse Boekverkopersbond),

une douzaine de libraires néerlandais et flamands au Salon du livre de Paris.Pendant une semaine, ils rencontreront des éditeurs français (notamment des éditeurs d’art) et participeront à des débats.

FLANDREMichel Kemp (librairie CORMAN), Oostende. Yvonne Steinberger (DE REYGHERE),Brugge. Elsa Prevenier (FNAC GAND), Gand. Koen De Meester (BRUGSE BOEKHANDEL DE MEESTER), Brugge. Geertrui Schoeters (BOEK.BE), Berchem.Diane Vangeneugden (DE GROENE WATERMAN), Antwerpen.

PAYS-BASA. Koster (librairie BOEKHANDEL SCHELTEMA), Amsterdam. Renée Van Heerwaarden(ATHENAEUM BOEKHANDEL), Amsterdam. Frank Nijhof (NIJHOF & LEE librairie internationale), Amsterdam. Marcel Schneijderberg (COUVEE librairie française),La Haye. Gerdi Boor et Irène Dirkes (GROUPE NILSSON & LAMM, importateur), Weesp.Tine Reijmerink et Corry Hilterman (BOEKHANDEL VAN ROSSUM), Amsterdam.

Kees van den Hoek,directeur général des Éditions Thoth :« le marché du livred’art aux Pays-Bas se porte bien».

Le livre en français

Des

libr

aire

s

néerlandophones à Paris

115, boulevard Saint Germain - 75006 Paris.Tél. : 01 44 41 13 13 - Fax : 01 46 34 63 83 E-mail : [email protected]

Directeur de publication : Jean-Guy BoinSecrétaire général : Marc FranconieRédactrice en chef : Catherine FelConception graphique : Evelyne StiveA collaboré à ce numéro : Michèle Lancina

Cette publication bénéficie de l’appui du ministère de la Culture et de la Communication (Direction du livre et de la lecture).

Nous remercions tout particulièrement Greet Ramael (Fonds voor de Letteren)et Tiziano Perez (Nederlands Literair Produktie-en Vertalingenfonds) pour l’aidequ’ils nous ont apportée.

Office de promotioninternationale

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