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nucléide provient d’une part desretombées de Tchernobyl, et d’au-tre part des retombées des essaisnucléaires militaires1. Tchernobyl aégalement entraîné des retombéesde césium 134. Sachant qu’en mai1986 le césium 137 était deux foisplus abondant que le césium 134, ledosage de ces deux isotopes a per-mis d’estimer la part de césium 137imputable à Tchernobyl.

Le césium 137 a une périoderadioactive de 30 ans : cela signifieque son activité diminue de moitié

tous les 30 ans. Lorsqu’on considèreun milieu donné, le sol par exemple,divers mécanismes de transfert peu-vent amplifier la décroissance intrin-sèque de ce radionucléide : migra-tion du césium vers les aquifèressouterrains, phénomènes de lessi-vage et d’érosion favorisant l’éva-cuation vers les ruisseaux et rivières,prélèvements associés aux récolteset cueillettes…

30 ans après Tchernobyl, afin derépondre aux questions de sesadhérents et, plus largement, des

1. Entre 1945 et 1981, les Etats-Unis, l’Union Soviétique, le Royaume-Uni, la France et la Chine ont faitexploser de très nombreuses bombes atomiques, provoquant l’injection massive de substances radioacti-ves dans la troposphère. Les radionucléides retombaient progressivement au sol, contaminant la chaîne ali-mentaire et les populations. Le maximum a été atteint au début des années 60. En 1963, le Royaume-Uni,les Etats-Unis et l’Union Soviétique signèrent un traité interdisant tout nouvel essai atmosphérique. LaFrance poursuivit ses essais jusqu’en 1974, la Chine jusqu’en 1980.

le Poët Laval - Lieu de cueillette de chanterelles jaunissantes, lactaires délicieux, pieds de mouton Photo : CRIIRAD

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consommateurs de champignons,la CRIIRAD a débuté une mise à jourde l’état des lieux fait en 1987-1997,en analysant 38 échantillons cueillisen Rhône-Alpes à l’automne 2015.

MéthodologieL’étude a principalement porté sur 9espèces de champignons parmi lesplus consommées, pour lesquelles de2 à 6 échantillons ont été récoltés :bolet bai, cèpe de Bordeaux, chante-relle en tube, chanterelle jaunissante,lactaire délicieux, pied de mouton,tricholome prétentieux (localementappelé charbonnier), tricholome ter-reux (localement appelé petit-gris) ettrompette des morts. Pour trois autresespèces, un seul échantillon a étéanalysé : agaric des trottoirs, armillairecouleur de miel et tricholome éques-

tre (localement appelé canari)2.Parmi les 38 échantillons récoltés, 26 ont été cueillis par 17 bénévoles, 9 ont été achetés aux marchés deSaint-Bonnet-le-Froid, Montélimar etDieulefit, et 3 ont été cueillis parl’équipe salariée de la CRIIRAD.

14 échantillons proviennentd’Ardèche, 16 de la Drôme, 3 del’Isère, 2 de la Loire et 3 de Haute-Savoie.

Une fois récoltés, les champignons ontété séchés à l’air libre3 puis en étuve à45°C, mixés et conditionnés en pétri.Chaque échantillon a été analysépar spectrométrie gamma au labora-toire de la CRIIRAD.

Résultats : césium 137Parmi les 38 échantillons analy-sés, 36 présentent une teneurmesurable en césium 137. Lesactivités massiques sont com-prises entre 4,4 Bq/kg sec pourdes trompettes des morts cueil-lies à Saint-Gervais-les-Bains(Haute-Savoie) et 3 020 Bq/kgsec pour des bolets bais cueillisau Bessat, dans le massif duPilat (Loire).

Pour les 9 espèces dont plu-sieurs échantillons ont été ana-lysés :

2. Le tricholome équestre, auparavant considéré comme un très bon comestible, est depuis 2001 classédans la catégorie des champignons toxiques, suite à des cas d’empoisonnement parfois mortels après uneconsommation excessive ou répétée.3. Excepté 9 échantillons transmis déjà séchés au laboratoire de la CRIIRAD.

Tricholome terreux (petit gris)Photo : Nathalie DUBY

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- tous les échantillons de bolet bai etde chanterelle en tube dépassent 500Bq/kg sec,

- tous les échantillons de trompettedes morts sont inférieurs à 50 Bq/kgsec,

- les 6 autres espèces (cèpe deBordeaux, chanterelle jaunissante, lac-taire délicieux, pied de mouton, tricho-lome prétentieux ou charbonnier, tri-cholome terreux ou petit gris) présen-tent des teneurs hétérogènes. Le cas leplus disparate est le petit gris : l’échan-tillon cueilli à Saint-Dizier-en-Dioiscontient 16 Bq/kg sec de césium 137,tandis que l’échantillon cueilli àBouvante en contient 2 200 Bq/kg sec ;

- 3 échantillons dépassent 1 000Bq/kg sec : outre les bolets bais duBessat et les petits gris de Bouvante, leschanterelles en tube cueillies à Saint-Priest-la-Prugne (Loire) qui contiennent 2 700 Bq/kg sec de césium 137. Pourtrois autres échantillons, les teneurs encésium 137 sont proches de 1 000 Bq/kg sec (bolets bais cueillis àLarringes en Haute-Savoie : 960 Bq/kgsec ; chanterelles en tube cueillies enArdèche, à Saint-André-en-Vivarais :930 Bq/kg sec, et à Arcens : 910 Bq/kgsec).

Pour les 3 espèces ayant fait l’objetd’une seule analyse (agaric des trot-toirs, tricholome équestre et armillairecouleur de miel), la teneur en césium137 est inférieure à 20 Bq/kg sec.

Il est difficile de comparer directe-ment les résultats de la campagne de

2015 et ceux des campagnes précé-dentes, réalisées entre 1987 et 1997.Outre le fait que les quantitésd’échantillons sont très différentes (38en 2015 contre 900 entre 1987 et1997), les mêmes espèces n’ont pasété cueillies exactement aux mêmesendroits, et les écosystèmes ont pufortement varier en 20 ans. De plus,une étude récente4 montre que lateneur en césium 137 de la mêmeespèce de champignons cueillie aumême endroit peut varier de plusd’un facteur 10 le long d’une saisonde croissance.

Signalons tout de même que pour 11 échantillons pour lesquels les cueil-lettes de 2015 et de 1987-1997 ont puêtre faites sur la même espèce et surla même commune (ou sur deuxcommunes voisines), si l’on tientcompte uniquement de la décrois-sance du césium 137, la teneur obser-vée en 2015 est comparable à celle de 1987-1997 pour 5 échantillons, inférieure pour 5 échantillons et supérieure pour 1 échantillon.

Autres résultatsLe césium 137 est le seul radionu-cléide artificiel émetteur de rayonne-ments gamma détecté (dans 36 échantillons sur 38).

Pour le césium 134, toutes les activitésmesurées sont inférieures à la limitede détection, qui est de l’ordre de 2 Bq/kg sec. Ce radionucléide attei-

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4. N. Zarubina, « The influence of biotic and abiotic factors on 137Cs accumulation in higher fungi after theaccident at Chernobyl NPP”, Journal of Environmental Radioactivity 161 (2016) 66-72

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gnait plusieurs milliers de Bq/kg sec surcertains échantillons analysés par lelaboratoire de la CRIIRAD avant1990, mais compte tenu de sapériode radioactive (2 ans), l’acti-vité du césium 134 issu deTchernobyl a été divisée par plus de20 000 entre 1986 et 2015.L’absence de césium 134 dans les38 échantillons analysés en 2015laisse penser qu’il n’y a pas eu d’ap-ports récents de césium 134 dans lessols où ont poussé ces champi-gnons.

Pour 6 échantillons, un dosage destrontium 90 (émetteur bêta pur nepouvant être détecté par spectro-métrie gamma) a été sous-traité. Ceradionucléide possède une périoderadioactive de 29 ans. Sur les solsfrançais, il provient principalementdes retombées des essais nucléairesatmosphériques des années 50/60,et dans une moindre mesure desretombées de Tchernobyl. Il fait parailleurs partie des radionucléidesartificiels rejetés par les centrales enfonctionnement normal. Les échan-tillons choisis correspondent aux 6espèces pour lesquelles la teneurmaximale en césium 137 était la plusélevée lors de la campagne 2015.Le strontium 90 est détecté danschaque échantillon. Les activitésmesurées sont comprises entre 0,53± 0,48 Bq/kg sec dans les petits griscueillis à Bouvante et 2,4 ± 0,7 Bq/kgsec dans les charbonniers prove-nant de Coucouron. La teneur enstrontium 90 des échantillons analy-sés est de plusieurs centaines à plu-sieurs milliers de fois plus faible quela teneur en césium 137.

Risques liés à la consomma-tion des champignonsLe risque lié à la consommation deces champignons peut être estiméen utilisant les facteurs de conver-sion Becquerel / Sievert prescrits parla directive Euratom 96/29. Il fauttoutefois garder à l’esprit le fait queces coefficients sont entachés denombreuses incertitudes. A titred’exemple, selon les modèles offi-ciels, le césium 137 se répartit demanière homogène dans les diffé-rents organes du corps humain, alorsque les travaux du professeurBandajevsky ont révélé des différen-ces entre organes, le césium s’ac-cumulant notamment dans le cœuret les reins. Le risque réel pourraitdonc être plus élevé que celuiestimé à partir des facteurs officiels.Malgré cela, on constate que pourles trois échantillons les plus conta-minés en césium 137 (bolets bais duBessat, chanterelles en tube deSaint-Priest-la-Prugne et petits grisde Bouvante), la consommation de 3 à 8 kg de champignons frais (oude quelques centaines de grammesde champignons secs) entraîneraitpour l’adulte une exposition nonnégligeable (supérieure à 10 µSv). Acette exposition il faudrait ajouterl’impact du strontium 90 : bien quesa teneur soit beaucoup plus faibleque celle du césium 137 dans leséchantillons analysés, ce radionu-cléide a la particularité de s’accu-muler dans l’organisme en se fixantdans les os.

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5. Règlement (CEE) n°1707/86 du Conseil du 30 mai 1986 relatif aux conditions d’importation de produitsagricoles originaires des pays tiers à la suite de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl.6. Les 38 échantillons de la campagne 2015 ont été analysés en « sec ». L’activité par masse de produit fraisa été calculée à partir de leur taux de matière sèche (ce taux a été déterminé par pesée des champignonsfrais puis secs dans 29 cas, et par extrapolation pour les 9 autres échantillons qui nous ont été transmissecs).

RéglementationLa réglementation relative à lacontamination des aliments par lecésium radioactif est complexe,pour ne pas dire kafkaïenne.

En France, pour des aliments pro-duits sur le territoire national, il n’y ajamais eu et il n’y a toujours pas delimite applicable à la contamina-tion, qu’elle provienne deTchernobyl ou des essais nucléairesatmosphériques.

En revanche, selon un règlementeuropéen adopté le 30 mai 19865 etd’application obligatoire en France,un champignon contaminé parTchernobyl, cueilli par exemple enUkraine ou au Belarus et importé enFrance ne doit pas dépasser 600 Bq/kg frais6. Malgré la diminu-tion de la contamination due à ladécroissance des césiums 137 et134, cette limite n’a jamais étérevue à la baisse. S’ils étaient importés de ces pays, les 38 échantillons analysés en 2015 neferaient l’objet d’aucune restriction,l’échantillon le plus contaminé(bolets bais du Bessat) présentantune teneur en césium 137 de 241Bq/kg frais.

Si les champignons étaient cueillissur le sol japonais et contaminés parles retombées de Fukushima, les 2présentant les teneurs en césium

137 les plus élevées (bolets bais duBessat, mais également chanterellesen tube de Saint-Priest-la-Prugne)ne pourraient pas être consommésen France car ils ne respecteraientpas la limite sanitaire fixée à 100Bq/kg frais depuis avril 2012.

Mais pour les autorités, les seuils éta-blis suite à Tchernobyl et Fukushimasont trop restrictifs. C’est pourquoi, siun nouvel accident nucléaire sur-vient en France ou dans un autre pays membre de l’UnionEuropéenne, le niveau maximal decésium 137 dans les champignons,mais également dans la viande, leslégumes, les céréales sera de … 1 250 Bq/kg.

Si vous souhaitez en savoir plus surles limites de contamination, nous vous renvoyons vers les documentsde la campagne NMA (http://crii-rad.org/aliments-nma-accidentnu-cleaire/sommaire.html) et, plusrécemment, de l’appel à mobilisa-tion contre l’adoption de niveauxde référence très élevés pour la gestion des accidents nucléai-res et leurs conséquences (voir article dans ce TU ethttp://cri i rad.org/euratom/eura-t o m 2 0 1 3 - 5 9 - n i v e a u x -exposition.html).

Rédaction : Julien Syren

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