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Université de Rennes 1 Année 2001-2002 Examen DEUG Droit 2 ème année Economie d’entreprise Thierry PENARD (Durée : 1 heures) CORRECTION QUESTION 1 : LES STRATEGIES TARIFAIRE DU JOURNAL LE FIGARO Au 31 mai 2002, les formules tarifaires du Figaro étaient les suivantes : § Prix de vente au numéro (en kiosque) : 1 euro § Formules d’abonnement pour 6 mois, proposées à tous les lecteurs : - Le Figaro Complet (6 jours par semaine – soit 130 numéros plus 26 numéros spéciaux) : 189.00 euros ou 1239.79 F (19% d’économie sur le prix de vente au numéro) - Le Figaro Fin de semaine (vendredi, samedi) : 95.00 euros ou 623.16 F (26% d’économie sur le prix de vente au numéro) § Formule d’abonnement OFUP pour 6 mois réservée aux lycéens, étudiants et enseignants (Figaro Complet) : 178.37 euros (23 % d’économie sur le prix de vente au numéro). Comment peut-on analyser les offres tarifaires du journal Le Figaro ? Les offres tarifaires du Figaro peuvent s’analyser comme des pratiques de discrimination en prix. La discrimination en prix consiste à moduler les tarifs d’un bien ou d’un service en fonction de la disposition à payer des consommateurs. Pour une entreprise, l’objectif d’une telle pratique est d’extraire le maximum de surplus des consommateurs (le surplus d’un consommateur étant la différence entre sa disposition à payer un bien et le prix effectivement payé). Idéalement, une entreprise aurait intérêt à annoncer pour chacun de ces clients un prix exactement égal à sa disposition à payer, afin d’obtenir un profit maximum. Comme les clients sont hétérogènes dans leur disposition à payer, les prix pour le même bien seraient différents d’un client à l’autre. Toutefois, cette discrimination parfaite est impossible à mettre en œuvre, car la disposition à payer est une information privée détenue par les consommateurs et ces derniers n’ont aucun intérêt à la révéler à l’entreprise. En l’absence d’une connaissance parfaite des dispositions à payer des clients, les entreprises pratiquent alors une discrimination imparfaite, soit de deuxième degré, soit de troisième degré.

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  • Universit de Rennes 1 Anne 2001-2002

    Examen DEUG Droit 2me anne

    Economie dentrepriseThierry PENARD

    (Dure : 1 heures)

    CORRECTION

    QUESTION 1 : LES STRATEGIES TARIFAIRE DU JOURNAL LE FIGARO

    Au 31 mai 2002, les formules tarifaires du Figaro taient les suivantes : Prix de vente au numro (en kiosque) : 1 euro Formules dabonnement pour 6 mois, proposes tous les lecteurs :

    - Le Figaro Complet (6 jours par semaine soit 130 numros plus 26numros spciaux) : 189.00 euros ou 1239.79 F (19% dconomie sur leprix de vente au numro)

    - Le Figaro Fin de semaine (vendredi, samedi) : 95.00 euros ou 623.16 F(26% dconomie sur le prix de vente au numro)

    Formule dabonnement OFUP pour 6 mois rserve aux lycens, tudiants etenseignants (Figaro Complet) : 178.37 euros (23 % dconomie sur le prix de venteau numro).

    Comment peut-on analyser les offres tarifaires du journal Le Figaro ?

    Les offres tarifaires du Figaro peuvent sanalyser comme des pratiques dediscrimination en prix.La discrimination en prix consiste moduler les tarifs dun bien ou dun service enfonction de la disposition payer des consommateurs. Pour une entreprise, lobjectifdune telle pratique est dextraire le maximum de surplus des consommateurs (lesurplus dun consommateur tant la diffrence entre sa disposition payer un bien et leprix effectivement pay).Idalement, une entreprise aurait intrt annoncer pour chacun de ces clients un prixexactement gal sa disposition payer, afin dobtenir un profit maximum. Comme lesclients sont htrognes dans leur disposition payer, les prix pour le mme bienseraient diffrents dun client lautre.Toutefois, cette discrimination parfaite est impossible mettre en uvre, car ladisposition payer est une information prive dtenue par les consommateurs et cesderniers nont aucun intrt la rvler lentreprise.En labsence dune connaissance parfaite des dispositions payer des clients, lesentreprises pratiquent alors une discrimination imparfaite, soit de deuxime degr, soitde troisime degr.

  • La discrimination de 2me degr repose sur une tarification base sur le volumeou les quantits consommes. Lentreprise propose un menu de formules tarifaires,associant un prix et une quantit. Les consommateurs choisissent dans ce menu, loffrela plus adapte leur consommation. Cette forme de discrimination laisse auxconsommateurs le soin de rvler leur disposition payer (DAP). Les consommateursayant la plus forte DAP choisiront la formule la plus intensive (celle comportant levolume de consommation le plus lev) et les consommateurs ayant la plus faible DAPchoisiront la formule la moins intensive. Des formules intermdiaires permettrontdattirer des consommateurs ayant des DAP moyennes. Figaro pratique cettediscrimination de deuxime degr, en laissant le choix aux lecteurs entre la formulecomplte (6 numros par semaine un prix unitaire faible), la formule fin de semaineou la formule kiosque. Les lecteurs ayant une forte DAP choisiront la premire formuleet les lecteurs occasionnels, ayant une faible DAP la troisime. Le tarif fin de semaineest une forme intressante de discrimination de 2nd degr. Il permet de sparer les clients entreprises dont la DAP est trs leve et les clients particuliers qui ont une DAPplus faibles. Ces derniers sont plus intresss pour lire le Figaro le week-end, alors quepour les entreprises, il est surtout important de recevoir le Figaro en semaine (pour queleurs cadres puisse le lire). Cest pourquoi la formule fin de semaine qui sadresse despersonnes ayant une DAP plus faible quune entreprise, offre des rductions plusleves (-26% par rapport au prix au numro) que la formule complte (seulement 19%). Ces deux formules dabonnement sont similaires aux tarifs ariens qui sontmoins levs lorsque le voyageur reste sur place le week-end (ceci permet de distinguerle touriste de lhomme daffaire dont le billet est pris en charge par son entreprise).

    La discrimination de 3me degr consiste appliquer des tarifs des catgoriesspcifies de consommateurs, qui sont supposs homognes dans leur disposition payer. Dans ce cas, les clients ne peuvent pas choisir entre les formules tarifaires, ellesleurs sont imposes en fonction de leurs caractristiques. Les catgories doiventcependant reposer sur des caractristiques facilement observables et tre tanches (unepersonne appartenant une catgorie ne doit pas pouvoir bnficier dun tarif duneautre catgorie). Le tarif OFUP rserv aux tudiants et enseignants relvent de cetteforme de discrimination. Cette catgorie de lecteurs est facilement identifiable et a uneDAP plus faible que les autres catgories de lecteurs du Figaro.

    QUESTION 2 : Considrons un march avec deux entreprises ayant chacune deuxstratgies possibles : cooprer avec lautre firme ou ne pas cooprer. Le profit dechaque firme est gal 80 si les deux ont coopr et 20 si aucune na coopr. Si uneseule a coopr, le gain est de 100 pour celle qui na pas coopr et 0 pour celle qui acoopr.Reprsenter la matrice des gains de ce jeu concurrentiel. Quelle devrait lissue de cejeu, sil nest pas rpt ? Commentez.

    Ce jeu concurrentiel peut se reprsenter sous la forme suivante. Le premier chiffre danschaque case correspond aux gains de lentreprise 1 et le second chiffre aux gains delentreprise 2.

  • Cooprer Ne pas cooprerCooprer 80 ; 80 0 ; 100

    Ne pas cooprer 100 ; 0 20 ; 20

    Lissue de ce jeu non rpt est de ne pas cooprer pour les deux entreprises. En effet,ne pas cooprer est une stratgie dominante (une stratgie que lon a toujours intrt jouer quelle que soit la stratgie adopte par le ou les autres joueurs).Considrons par exemple lentreprise 1. Si elle pense que lentreprise 2 va cooprer, ellepeut gagner 80 en cooprant et 100 en ne cooprant pas. Elle a donc intrt ne pascooprer.Si maintenant elle pense que lentreprise 2 ne va pas cooprer, elle gagne 0 encooprant et 20 en ne cooprant pas. L encore, elle a intrt ne pas cooprer.Ne pas cooprer est donc bien sa meilleure stratgie. Le raisonnement tant identiquepour lentreprise 2, le couple de stratgies (ne pas cooprer, ne pas cooprer) constitueun quilibre de Nash, cest dire une situation stable, dans laquelle aucune des deuxfirmes ne souhaite modifier sa stratgie, compte tenu de la stratgie de lautre firme.Cette situation de non coopration est sous-optimale, car les firmes auraient pu obtenirdes gains suprieurs en cooprant. Cette situation met en vidence le dilemme entrelintrt priv de chaque firme (ne pas cooprer) et lintrt commun des deux firmes(cooprer) ; ce conflit dintrt est connu en thorie des jeux sous le nom de dilemme duprisonnier.En rptant le jeu, les firmes pourraient sortir de ce dilemme et russir cooprer, condition davoir une forte prfrence pour les gains futurs.

    QUESTION 3 : STRATEGIES DE PETIT BATEAU

    Aprs avoir lu larticle attentivement, vous essaierez de rpondre aux questionssuivantes en mobilisant vos connaissances thoriques (et en vitant de paraphraser letexte)a) En vous appuyant sur la thorie de lagence, expliquez quels peuvent tre les

    avantages pour une entreprise comme Petit Bateau davoir un actionnariat trsconcentr (96% contrl par Yves Rocher) ?

    b) Comment peut-on expliquer la russite de la nouvelle stratgie de Petit Bateauconsistant dvelopper son propre rseau de vente (boutique en propre), plutt quede recourir des distributeurs extrieurs, et limiter la sous-traitance de laproduction (cest dire lexternalisation) seulement 10%, le reste tant ralissen interne ?

    Entreprise 2

    Entreprise 1

  • Yves Rocher reprend en main Petit Bateau (LE MONDE | 11.05.02 | 17h14)

    Quelques jours aprs l'annonce de rsultats 2001 en forte hausse, Vincent Huguenin, lePDG de Petit Bateau, filiale du groupe breton de cosmtiques Yves Rocher, a t mis pied. Il a t remplac, jeudi 2 mai, par Stphane Bianchi, 37 ans, l'actuel directeurgnral d'Yves Rocher. Dans un communiqu laconique, la maison de La Gacilly(Morbihan) a justifi son intervention par " des divergences de vues importantes" entreles administrateurs "sur les conditions de mise en uvre de la politique d'externalisationde Petit Bateau en Tunisie".L'enseigne de mode enfantine a annonc, lors de son assemble gnrale du 26 avril, unchiffre d'affaires 2001 en hausse de 19 %, 209 millions d'euros, et un rsultat net de 17millions d'euros, en augmentation de 44 %. [] Petit Bateau [est] cot en Bourse maisdtenu 96,58 % par Yves Rocher. "Sur les cinq dernires annes, nous avons doubl lechiffre d'affaires et port la part de l'export 38 %", avait expliqu M. Huguenin.La situation catastrophique de l'entreprise troyenne (Aube), qui avait conduit sa vente Yves Rocher en 1988, suivie de longues annes difficiles, [nest] plus qu'un mauvaissouvenir. Changement du logo, multiplication des boutiques en propre (100 en France,dont 6 ouvertes en 2001), largissement de l'offre du sous-vtement au vtement de 0 18 ans : Petit Bateau n'a pas mnag ses efforts pour regagner le cur de son public,trs attach cette marque, symbole de l'enfance. [] [Selon M. Huguenin],"l'ouverture, fin 2000, d'une boutique de 250 m2 sur les Champs-Elyses, Paris, a tle point de dpart d'une nouvelle offensive pour dvelopper notre rseau de distribution.C'est important l'heure o les consommateurs de mode enfantine boudent lessupermarchs et les grandes surfaces textiles pour revenir dans les points de vente decentre-ville". Aprs New York, Londres, Tokyo et Berlin, Petit Bateau devait ouvrir unenouvelle boutique, en juin, sur l'avenue de la Toison d'Or, les Champs-Elysesbruxellois.La reprise en main de l'entreprise par Yves Rocher ne devrait pas changer cettestratgie. Les reproches faits M. Huguenin concernent l'augmentation de la productionsur diffrents sites, qui mettrait en pril la qualit des produits finis, selon une sourceproche du dossier. A Troyes, 800 personnes sur les 1 500 salaris en France (2 500 dansle monde) continuent d'acheter du fil, de tricoter, de teindre, de coudre et deconditionner les produits maille, qui reprsentent 90 % de la production. D'autres unitsde fabrication en maille ont t dveloppes au Maroc et en Tunisie. Et c'est cette"externalisation forcene" vers d'autres pays qui aurait conduit au dpart brutal de M.Huguenin.V. L. ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 12.05.02

    a) La relation actionnaire-manager peut sanalyser comme une relation principal-agentou relation dagence, o le principal sont les actionnaires et lagent le manager delentreprise. Dans une socit par action, les actionnaires dlguent au manager lepouvoir de grer lentreprise. Toutefois, cette dlgation se fait dans un contextedasymtrie dinformations et de divergence dintrts entre actionnaires etmanagers. Ainsi, les actionnaires souhaitent que le cours de leurs actions soient leplus lev possible et que les dividendes verss annuellement soient substantiels,alors que les managers peuvent avoir dautres objectifs en tte. Ils peuvent

  • privilgier la croissance de lentreprise pour accrotre le prestige de leur fonction etrenforcer leur pouvoir.Ces divergences dintrts posent dautant plus de problmes que les actionnairesont du mal observer les actions du manager et en valuer la pertinence. Lemanager peut profiter de cette asymtrie dinformation pour se comporter de faonopportuniste en poursuivant son intrt propre au dtriment des intrts desactionnaires. Face ce risque qui avait t peru dans les annes 30 par Berle etMeans, les actionnaires doivent renforcer les contrles. Lexistence dunactionnariat concentr facilite ce contrle. Un actionnaire dominant renforcera lescontrles des managers et sera prt en assumer les cots, alors quun petitactionnaire sera plus passif et moins vigilant. On devrait donc avoir moinsdopportunisme de la part des managers si les entreprises ont un actionnariatconcentr. A linverse un actionnariat diffus laisse plus de libert aux managers quipeuvent en profiter pour grer lentreprise selon un intrt plus personnel.

    b) La thorie des cots de transaction permet de mieux comprendre la russite de PetitBateau. Cette thorie sintresse aux frontires de la firme, travers les dcision defaire ou de faire faire. Une entreprise dcidera dinternaliser ou dintgrer uneactivit si le cot de production et le cot de coordination (cot bureaucratique) eninterne sont infrieurs aux cots de production et de coordination sur le march. Lescots de coordination sur le march sont appels cots de transaction.Gnralement, une entreprise dcide rarement dintgrer une activit pour desmotifs de cots de production (il existe la plupart du temps sur le march uneentreprise spcialise ayant des cots de production plus faibles). La dcisiondintgrer sexplique gnralement par des cots de transaction levs sur lemarch. Ces cots de transaction dpendent de la nature de la transaction ou de larelation entre les entreprises concernes. Williamson a mis en vidence trois critresimportants : lincertitude, la frquence et la spcificit. Une entreprise aura dautantplus intrt intgrer que la transaction est frquente, incertaine et mobilise desactifs spcifiques. En particulier, lexistence dactifs spcifiques chez un despartenaires peut gnrer des comportements opportunistes et de hold-up chez lautrepartenaire. Ce risque dcourage les investissements spcifiques et conduit desrelations marchandes inefficaces. Lintgration permet de scuriser lesinvestissements spcifiques et conduit des relations plus efficaces.Appliquons cette thorie aux choix de production et de distribution de Petit BateauLa production est certainement plus coteuse en interne quen externalisant enTunisie ou en Turquie. Mais, lentreprise a beaucoup investi dans son image demarque (qualit de ses produits), qui constitue un actif spcifique. De plus, il existebeaucoup dincertitude sur la demande (gots changeants). Pour bien grer cetteincertitude et rduire les risques dopportunisme sur la qualit de ses produits et sonimage, Petit Bateau a prfr produire en interne plus de 90%. La spcificit desactifs en jeu et lincertitude sur la demande rendent coteux le recours au march.

    Concernant la distribution, on retrouve de nouveau une forte spcificit dactifs,lie limage des produits Petit Bateau. Pour viter les risques dopportunisme dedistributeurs extrieurs qui pourraient utiliser cette image pour vendre dautresproduits, Petit Bateau a prfr dvelopper son propre rseau. Les relations entrePetit Bateau et ses distributeurs sont non seulement spcifiques, mais secaractrisent par une frquence leve et de lincertitude, qui plaident pour uneintgration du rseau de vente. Seules des boutiques en propre permettent de bienmettre en valeur la marque Petit Bateau