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Entre la réglementation (bords de cours d’eau, parcelles drainées), la disparition de produits et le développement de résistances, le désherbage des céréales devient dans nombre de situations un réel casse-tête. Alors que l’enjeu de la maîtrise des adven- tices n’a jamais été aussi important, la dispa- rition de l’isoproturon constitue un coup dur à la stratégie d’alternance et d’association de modes d’action. Cela augmentera inévi- tablement la pression technique et environ- nementale sur les molécules restantes en accélérant les phénomènes de résistance. Dans ce contexte, il est bien difficile d’imagi- ner pour le producteur des stratégies moins coûteuses de désherbage des céréales et permettant de répondre aux objectifs d’Eco- phyto, de réduction de l’usage des produits phytosanitaires. Le recours aux solutions agronomiques (tra- vail du sol, rotations, date de semis, déchau- mage,…) sera encore plus déterminant que par le passé car les solutions chimiques seules ne donneront des solutions satisfai- santes qu’avec l’aide de l’agronomie. Les solutions chimiques peuvent également être complétées par des moyens mécaniques : herse étrille, houe rotative ou roto-étrille, bineuse si les écartements adaptés sont pré- vus au semis. Désherbage d’automne : pas toujours facile cette année ! Les premiers semis de blé se sont déroulés dans de très bonnes conditions. Un grand nombre de ces parcelles a pu être désherbé dès le semis ou en post-levée précoce cet automne. Si ces parcelles présentent actuel- lement un aspect de propreté relativement satisfaisant, il faut bien être conscient que la rémanence des désherbants appliqués en octobre ou novembre a maintenant atteint sa limite. Une surveillance de ces parcelles reste donc de mise : un passage de rattra- page, afin de contrôler les dernières levées de mauvaises herbes, peut s’avérer nécessaire. Désherbage des céréales : faire les énergie volaille légumes lait porc bovin-viande environnement observatoire pondeuse ovin-caprin agrobiologie culture 9 février 2018 30 agronomie Intervenir sur les adventices jeunes permet une meilleure efficacité du désherbage, même à dose réduite. 1 2 Exemples de stratégie : stratégies avec applications uniquement en sortie d'hiver, sur flore classique (Flore sortie hiver : application mi à fin tallage, vérifier les stades limites d'utilisation de chaque produit) 1 Coût indicatif des produits, sans l’huile - 2 DFF = Diflufénicanil 3 Interdit sur parcelle drainée (selon le stade pour certaines spécialités). 4 DVP de 20 m – DVP = Dispositif végétalisé permanent le long des cours d’eau, pour limiter le ruissellement, sans possibilité de réduction. 5 Narak : arrêt utilisation au 30 avril 2018. * Archipel, Aloès, Absolu, Atlantis WG : arrêt utilisation le 1 er avril 2018 Base anti-graminées (pâturin) Complément anti-dicots à associer selon la flore présente Produit et dose/ha IFT Coût €/ha Cultures Flore cible Produit à associer et dose/ha IFT Coût €/ ha Coût €/ha IODOSULFURON + MESOSULFURON Archipel duo = Auzon duo = Aloès duo : 0.3 l à 0.4 l+ huile Archipe* = Aloès* : 75 g à 100 g + huile Absolu* = Atlantis WG* : 150 g à 200 g + huile Absolu pro : 0.5 à 0.6 l + huile 0.3 à 0.4 18-25 € Blé-triti- cale Mouron, matricaire, crucifères METSULFURON + THIFENSULFURON Allié Duo SX 3 : 30 à 40 g Harmony M SX 3 : 50 à 75 g Daytona TF = Racing TF : 30 g 0.4 à 1 0.4 11-15 € 18-26 € 18-23 € Blé Orge et Triticale Véronique, stellaire, pensée, capselle, géranium, crucifères, coquelicot METSULFURON + DFF2 Pélican Delta 4 = Polymer WG 4 = Alliance WG 4 50 à 75 g 0.6 à 1 28 € + repousses de colza, fumeterre PICOLINAFEN + DICHORPROP-P Picotop 4 = Dublett 4 1 à 1.2 l 0.75 à 0.9 16-20 € Véronique, stellaire, pensée, matricaire, lychnis dioïque, linaire TRITOSULFURON + PICOLINAFEN Narak 5 0.1 kg/haa 0.66 13 PINOXADEN Axial Pratic = Alkéra 0.6 l + huile 0.5 20 € Blé – orge triticale Stellaire, pensée DFF 2 Compil4, Mohican, Toiseau, Mamut, … 0.1 à 0.2 l 0.66 à 0.83 16-20 € DFF 2 + IODOSULFURON + MESOSULFURON Biscoto 3 = Kalenkoa 3 : 0.5-0.7 l + huile 0.5- 0.7 34-47 € Blé, triti- cale Pâturin, mourons, matricaire Pas de complément nécessaire sur flore simple > Produit complet

9 février 2018 agronomie Désherbage des céréales : faire

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Page 1: 9 février 2018 agronomie Désherbage des céréales : faire

Entre la réglementation(bords de cours d’eau, parcelles drainées), la disparition de produitset le développement de résistances, le désherbage des céréales devient dans nombre de situations un réel casse-tête.

Alors que l’enjeu de la maîtrise des adven-tices n’a jamais été aussi important, la dispa-rition de l’isoproturon constitue un coup dur à la stratégie d’alternance et d’association de modes d’action. Cela augmentera inévi-tablement la pression technique et environ-nementale sur les molécules restantes en accélérant les phénomènes de résistance.Dans ce contexte, il est bien diffi cile d’imagi-ner pour le producteur des stratégies moins coûteuses de désherbage des céréales et permettant de répondre aux objectifs d’Eco-phyto, de réduction de l’usage des produits phytosanitaires.Le recours aux solutions agronomiques (tra-vail du sol, rotations, date de semis, déchau-mage,…) sera encore plus déterminant que par le passé car les solutions chimiques seules ne donneront des solutions satisfai-santes qu’avec l’aide de l’agronomie. Les

solutions chimiques peuvent également être complétées par des moyens mécaniques : herse étrille, houe rotative ou roto-étrille, bineuse si les écartements adaptés sont pré-vus au semis.

Désherbage d’automne : pas toujours facile cette année !Les premiers semis de blé se sont déroulés dans de très bonnes conditions. Un grand nombre de ces parcelles a pu être désherbé

dès le semis ou en post-levée précoce cet automne. Si ces parcelles présentent actuel-lement un aspect de propreté relativement satisfaisant, il faut bien être conscient que la rémanence des désherbants appliqués en octobre ou novembre a maintenant atteint sa limite. Une surveillance de ces parcelles reste donc de mise : un passage de rattra-page, afi n de contrôler les dernières levéesde mauvaises herbes, peut s’avérer nécessaire.

Désherbage des céréales : faire les bons choix

énergie volaille légumes lait porc bovin-viande environnement observatoire pondeuse ovin-caprin agrobiologie culture

9 février 2018

9 février 201830 agronomie

Intervenir sur les adventices jeunes permet une meilleure effi cacité du désherbage, même à dose réduite. 1

2 Exemples de stratégie : stratégies avec applications uniquement en sortie d'hiver, sur flore classique(Flore sortie hiver : application mi à fi n tallage, vérifi er les stades limites d'utilisation de chaque produit)

1 Coût indicatif des produits, sans l’huile - 2 DFF = Difl ufénicanil 3 Interdit sur parcelle drainée (selon le stade pour certaines spécialités). 4 DVP de 20 m – DVP = Dispositif végétalisé permanent le long des cours d’eau, pour limiter le ruissellement, sans possibilité de réduction. 5 Narak : arrêt utilisation au 30 avril 2018. * Archipel, Aloès, Absolu, Atlantis WG : arrêt utilisation le 1er avril 2018

Base anti-graminées (pâturin) Complément anti-dicots à associer selon la fl ore présente

Produit et dose/ha IFT Coût €/ha Cultures Flore cible Produit à associer et dose/ha IFT Coût €/ha Coût €/ha

IODOSULFURON + MESOSULFURONArchipel duo = Auzon duo

= Aloès duo : 0.3 l à 0.4 l+ huile Archipe* = Aloès* : 75 g à 100 g

+ huileAbsolu* = Atlantis WG* : 150 g

à 200 g + huileAbsolu pro : 0.5 à 0.6 l + huile

0.3 à 0.4 18-25 € Blé-triti-

cale

Mouron, matricaire, crucifères

METSULFURON + THIFENSULFURON

Allié Duo SX3 : 30 à 40 gHarmony M SX3 : 50 à 75 g

Daytona TF = Racing TF : 30 g

0.4 à 1

0.4

11-15 €18-26 €18-23 €

BléOrge

et Triticale

Véronique, stellaire, pensée, capselle,

géranium, crucifères, coquelicot

METSULFURON + DFF2Pélican Delta4 = Polymer WG4

= Alliance WG4

50 à 75 g

0.6 à 1 28 €

+ repousses de colza, fumeterre

PICOLINAFEN + DICHORPROP-P Picotop4 = Dublett4

1 à 1.2 l

0.75 à 0.9 16-20 €

Véronique, stellaire, pensée, matricaire,

lychnis dioïque, linaire

TRITOSULFURON + PICOLINAFENNarak5

0.1 kg/haa0.66 13

PINOXADENAxial Pratic = Alkéra

0.6 l + huile0.5 20 € Blé – orge

triticale Stellaire, penséeDFF2

Compil4, Mohican, Toiseau, Mamut, … 0.1 à 0.2 l

0.66 à 0.83 16-20 €

DFF2 + IODOSULFURON + MESOSULFURON

Biscoto3 = Kalenkoa3 : 0.5-0.7 l + huile

0.5-0.7 34-47 € Blé, triti-

calePâturin, mourons,

matricairePas de complément nécessaire sur fl ore simple

> Produit complet

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nouveaux marchés vie des stations énergie volaille légumes lait porc bovin-viande environnement observatoire pondeuse ovin-caprin lait 31 9 février 2018

9 février 2018

Pour les semis plus tardifs, les fortes pluies arrivées dès le mois de novembre ont pu empêcher les traitements programmés en post-précoce, pour des raisons de portance des sols. De plus, les applications de pendi-méthaline ou prosulfocarbe réalisées juste avant les fortes pluies ont parfois provoqué des phytotoxicités sur la céréale (feuilles larges qui ont du mal à se déployer jusqu’à la perte de plants à la levée pour les situations les plus critiques). 1

Désherber le plus tôt possibleLa plupart des adventices annuelles lèvent en même temps que les céréales. La dynamique de levée des adventices est calquée sur le cycle des céréales. On peut ainsi considérer que 50 à 60 jours après le semis, la grande majorité des mauvaises herbes est levée. Le blé est alors au stade trois feuilles à début tallage et les applications de produits foliaires peuvent commencer.Parmi les principales exceptions, on peut noter des levées plus échelonnées du pâturin annuel qui peuvent apparaître jusqu’à 80 jours après le semis. Le contrôle de cette espèce par les produits foliaires (iodo-sulfuron, mésosulfuron) nécessitera donc de revoir son calendrier d’intervention, en le décalant de plus d’un mois par rapport à des interventions avec des produits à action racinaire.Si le vulpin et le ray-grass lèvent en même temps que le blé, il n’en est pas de même pour la folle-avoine qui peut lever jusqu’au mois d’avril : le contrôle de cette adven-tice nécessitera donc une approche très spécifi que.Quand le désherbage n’a pas encore été réa-lisé, dans certaines parcelles, la fl ore pré-sente actuellement est un véritable catalogue botanique : dans ce cas, le désir de vouloir tout désherber aura très certainement un coût. Parmi les espèces présentes il faut donc faire un choix privilégiant :- les plus nuisibles : en général il s’agit des

espèces à fort développement qui vont rapi-dement concurrencer le blé (gaillet, folle avoine, mouron blanc, matricaire, rumex et chardons) alors que les espèces de petite taille le sont beaucoup moins (pensées, séneçons, pâturins, véroniques…),

- les plus présentes : d’une manière géné-rale on essaiera de s’attaquer aux espèces les plus présentes sans oublier les espèces moins présentes mais très nuisibles ou gênantes dans le blé et les cultures suivantes,

- les rotations futures : certaines mauvaises herbes faciles à détruire dans le blé (rumex avec de l’Allié) poseront des problèmes les

années futures dans un RGA-trèfle. Par contre, la folle avoine, plus diffi cile à maî-triser dans le blé sera aisément détruite dans une culture de colza ou de pois.

- les vivaces (chardons et rumex) vont égale-ment demander une intervention tardive (un à deux nœuds) avec un produit contenant du metsulfuron méthyl ou du clopyralid. Dans tous les cas, la présence de vivaces augmen-tera sensiblement le coût herbicide. 2

Désherbage des céréales : faire les bons choix

Michel Falchieringénieur d'études protection des cultures et biodiversité

Prévenir l’apparition des résistances aux herbicidesLes espèces concernées sont particulièrement le ray-grass, mais égale-ment des dicotylédones : matricaire, coquelicot mais surtout de séneçon.Si le nombre de cas avé-rés reste pour le moment limité, cela doit nous amener à repenser les stratégies de désherbage avant que la situation ne devienne ingérable. En effet, le séneçon comme la matricaire développent des graines qui peuvent être disséminées par le vent, facilitant leur pro-pagation rapide sur de vastes territoires.Les résistances obser-vées concernent plus particulièrement la fa-mille des sulfonylurées (mode d’action HRAC B). Sont particulièrement concernés, le iodosulfuron et le mésosul-furon qui entrent dans la composition de nombreuses stratégies de désherbage de sortie d’hiver. Ceci ne doit pas remettre en cause leur utilisation, ils conservent toujours leur intérêt sur un très grand nombre de mauvaises herbes, mais doivent nécessairement être complétés par des produits ayant des modes d’action différents. La diversifi cation des moyens de lutte est une stratégie à part entière.

Dans le cas des espèces concernées, il s’agit de plantes qui peuvent germer à toute pé-riode de l’année : le déchaumage sera donc particulièrement effi cace pour diminuer le stock semencier pour les années futures. L’interculture après céréales est la période la plus propice dans une rotation pour utiliser ce levier, il serait dommage de s’en priver car la résistance une fois installée dans la parcelle ne la quitte plus.Par contre le labour, s’il permet de participer à la lutte contre la résistance des graminées, n’aura dans le cas présent aucun intérêt. En effet, les graminées perdent en quelques années leur capacité à germer et dans ce cas l’enfouissement des graines diminue sen-siblement leur développement. Les graines de séneçons ou matricaires peuvent après plusieurs dizaines d’années d’enfouissement germer dès lors qu’elles sont remises en surface par un nouveau labour : si les graines étaient résistantes lors de leur enfouisse-ment, elles le seront toujours 10 ou 20 ans plus tard.Par ailleurs, il est essentiel de désherber le plus tôt possible : plus les mauvaises herbes sont jeunes, plus elles sont aisées à détruire. De vouloir attendre la levée des folles avoines pour passer le désherbage est une grossière erreur : les dicots sont alors souvent bien trop développées et donc diffi ciles à détruire.

Séneçon au stade fl oraison.

INFOS

Pour les programmes de désherbage consultez la rubrique "Conseil cultures hebdomadaire" sur le site Synagri.com