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A Avignon, la mise en scène d'un "crime contre l'humanité" Avignon, 7 juil. 2018 (AFP) - C'était un peu l'apocalypse vendredi soir à l'ouverture du Festival d'Avignon: le metteur en scène français Thomas Jolly a fait frissonner le public avec "Thyeste" de Sénèque, l'une des pièces les plus noires du répertoire classique. "Je n'ai jamais lu un texte aussi violent", affirme-t-il à l'AFP. Et pour cause: déterminé à se venger de son frère Thyeste (Damien Avice) qui a eu une relation avec sa femme, le roi Atrée (Jolly), lui fait manger à un banquet la chair de ses enfants. "Un crime contre l'humanité", "cannibalisme" sont des mots qui résonnent dans cette pièce "immontrable", selon Jolly. Pourtant, sur la scène de la Cour d'honneur du palais des Papes, R se produit chaque année la pièce inaugurale, il y a très peu d'actes brutaux: à aucun moment on ne voit d'enfants tués ou Thyeste en train de manger sa progéniture et même deux "têtes" ensanglantées sont rapidement dégagés de la vue du public. "C'est un voyage mental, c'est une pièce vénéneuse qui vient infecter l'esprit même des spectateurs", explique Thomas Jolly, une des principales figures de la nouvelle génération de metteurs en scène français. "Si on montrait la violence, on la réduirait", ajoute-t-il. "Même si j'utilisais des litres de faux sang, même si je partais dans une mise en scène trash, n'importe quel moyen serait moins impactant que ce qu'un spectateur peut imaginer". La création sonore de Clément Mirguet, tantôt tonitruante tantôt digne d'un film d'horreur, un jeu de lumière saisissant qui se glisse sur les murs de la Cour de papes, des confettis lancés dans l'air pour faire croire à un essaim d'insectes viennent ponctuer le texte de Sénèque, R le crime est raconté hors champ. Pour tout décor, un banquet et deux sculptures géantes, l'une représentant un masque avec la bouche grande ouverte comme saisi d'effroi devant le crime qui va êre commis. "Tout sombrera, la religion, la justice et la confiance entre les hommes", annonce la Furie (Annie Mercier) qui donne le ton en prélude. - Echo avec l'actualité -A des moments, des phrases de la pièce sont chantés en mode rap, comme pour accentuer le côté contemporain de cette tragédie. "Cette pièce a des échos très forts avec l'actualité, elle peut nous rappeler une histoire personnelle, un conjoint, un frère, une famille, mais aussi les conflits internationaux dont on n'arrive plus à en sortir", explique Thomas Jolly. "Ce que nous pose Sénèque, c'est que la violence et la vengeance mènent à une impasse", poursuit le metteur en scène révélé après avoir monté la trilogie de "Henri VI" --spectacle marathon de 18 heures à Avignon 2014-- puis "Richard III" de Shakespeare (2016). Mais si la pièce ressemble à une version de la fin du monde, Jolly souligne que l'auteur a voulu à travers cette pièce atteindre les plus bas instincts humains pour faire un plaidoyer en vue d'un monde meilleur. La pièce est conclue par une phrase de Sénèque, qui résonne comme un appel à tolérance toujours d'actualité: "Une seule chose peut nous rendre la paix; c'est un traité d'indulgence mutuelle". ram/ao Afp le 07 juil. 18 à 07 00. TX-PAR-SQG59 Tous droits de reproduction réservés PAYS : France SURFACE : 79 % PERIODICITE : Quotidien 7 juillet 2018 - Edition Fil Gen

A Avignon, la mise en scène d'un crime contre l'humanité · 2018-10-10 · A Avignon, la mise en scène d'un "crime contre l'humanité" Avignon, 7 juil. 2018 (AFP) - C'était un

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A Avignon, la mise en scène d'un "crime contrel'humanité"Avignon, 7 juil. 2018 (AFP) -

C'était un peu l'apocalypse vendredi soir à l'ouverture du Festival d'Avignon: le metteur en scène français ThomasJolly a fait frissonner le public avec "Thyeste" de Sénèque, l'une des pièces les plus noires du répertoire classique."Je n'ai jamais lu un texte aussi violent", affirme-t-il à l'AFP. Et pour cause: déterminé à se venger de son frèreThyeste (Damien Avice) qui a eu une relation avec sa femme, le roi Atrée (Jolly), lui fait manger à un banquet lachair de ses enfants."Un crime contre l'humanité", "cannibalisme" sont des mots qui résonnent dans cette pièce "immontrable", selonJolly.Pourtant, sur la scène de la Cour d'honneur du palais des Papes, Rù se produit chaque année la pièce inaugurale, ily a très peu d'actes brutaux: à aucun moment on ne voit d'enfants tués ou Thyeste en train de manger saprogéniture et même deux "têtes" ensanglantées sont rapidement dégagés de la vue du public."C'est un voyage mental, c'est une pièce vénéneuse qui vient infecter l'esprit même des spectateurs", expliqueThomas Jolly, une des principales figures de la nouvelle génération de metteurs en scène français."Si on montrait la violence, on la réduirait", ajoute-t-il. "Même si j'utilisais des litres de faux sang, même si jepartais dans une mise en scène trash, n'importe quel moyen serait moins impactant que ce qu'un spectateur peutimaginer".La création sonore de Clément Mirguet, tantôt tonitruante tantôt digne d'un film d'horreur, un jeu de lumièresaisissant qui se glisse sur les murs de la Cour de papes, des confettis lancés dans l'air pour faire croire à unessaim d'insectes viennent ponctuer le texte de Sénèque, Rù le crime est raconté hors champ.Pour tout décor, un banquet et deux sculptures géantes, l'une représentant un masque avec la bouche grandeouverte comme saisi d'effroi devant le crime qui va êre commis."Tout sombrera, la religion, la justice et la confiance entre les hommes", annonce la Furie (Annie Mercier) quidonne le ton en prélude.- Echo avec l'actualité -A des moments, des phrases de la pièce sont chantés en mode rap, comme pour accentuerle côté contemporain de cette tragédie."Cette pièce a des échos très forts avec l'actualité, elle peut nous rappeler une histoire personnelle, un conjoint, unfrère, une famille, mais aussi les conflits internationaux dont on n'arrive plus à en sortir", explique Thomas Jolly."Ce que nous pose Sénèque, c'est que la violence et la vengeance mènent à une impasse", poursuit le metteur enscène révélé après avoir monté la trilogie de "Henri VI" --spectacle marathon de 18 heures à Avignon 2014-- puis"Richard III" de Shakespeare (2016).Mais si la pièce ressemble à une version de la fin du monde, Jolly souligne que l'auteur a voulu à travers cettepièce atteindre les plus bas instincts humains pour faire un plaidoyer en vue d'un monde meilleur.La pièce est conclue par une phrase de Sénèque, qui résonne comme un appel à tolérance toujours d'actualité:"Une seule chose peut nous rendre la paix; c'est un traité d'indulgence mutuelle".ram/ao

Afp le 07 juil. 18 à 07 00.

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PAYS : France SURFACE : 79 %PERIODICITE : Quotidien

7 juillet 2018 - Edition Fil Gen

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“7HYE67E” DE THOMAS JOLLY À LA COUR D’H211E85 DU PALAIS DES PAPES-8648’A8 15 JUILLET

Sombre et lumineuse tragédieThomas Jolly investit la CourG’KRQQHXU comme V’LO était chez luiet, de fait, la grande façade de laCour devient le Palais G’AWUpH, TX’LOLQWHUSUqWH ! En mêlant grandesimplicité, belle lumière et quelquestraits spectaculaires, il offre saversion de “7KyHVWH”, la tragédie deSénèque, et se place tout droit dansla lignée du spectacle populaire telque souhaité par Jean Vilar.“7KyHVWH” est sans doute la plusbrutale et sauvage des pièces dugrand dramaturge grec. Sénèque,merveilleusement bien traduit parFlorence Dupont, qui rend limpideet fulgurante son écriture, nousraconte le terrible crime G’AWUpH surson frère Thyeste, convoquantcelui-ci à un festin de choix TX’LO acuisiné lui-même, le divin civet deses propres enfants. Atrée pousse levice à contempler la gloutonnerie deson frère et le regarder souffrir decette morbide ingestion une fois soncrime révélé. Sous le ciel, la nuit etla pierre glorieuse, la tragédie peutV’LQVFULUH au de O’KXPDQLWpmais le vent est également en ce soirde première de la SDUWLH« il joue lesProspero, met le théâtre un brin entempête, enchante la cruauté sur leplateau.Des images fortes et de beauté sedéchaînent, comme O’DSSDULWLRQ dufantôme de Tantale recouvertG’DUJHQW tout droit sorti des enfers,le palais G’AWUpH qui recrache unhuitième fléau en une noirebourrasque, un «  WUDJLVODP  » quirythme les pensées secrètes et défieles cieux, un G’HQIDQWV

consolateur, qui noie de ses bellesnotes O’LQGLFLEOH.Le trait reste poétique, le gesteest noble et purAu plateau, à jardin une têterenversée bouche béante, à cour unemain JpDQWH  : «  LD bouche qui parleet la main qui SURPHW  ». ThomasJolly en costume dandy jaune canariet couronne royale vert fluo osetoutes les extravagances, y comprisun très long banquet et pourtant letrait reste poétique, le geste estnoble et pur.Un spectacle sombre et lumineuxpar son interprétation sans faille, unéclairage éclairé de PhilippeBerthomé et Antoine Travert, unepartition à O’XQLVVRQ de ClémentMirguet, F’HVW odieusement tragiquemais tellement EHDX !“7KyHVWH” de Sénèque, mise enscène Thomas Jolly dans la CourG’KRQQHXU du Palais des papes,MXVTX’DX 15 juillet à 21 K 30.Relâche le 11. DXUpH  : environ2 K 30. Retransmission en direct surFrance 2 et Culturebox le 10 juillet.Dialogue artiste-spectateurs le8 juillet à 16 K 30, site Louis Pasteur.

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PAYS : France PAGE(S) : 6SURFACE : 21 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : E84DIFFUSION : (9135)

8 juillet 2018 - Edition Avignon et Carpentras COiTuez iFi SRuU YRiU OD SDge sRuUFe Ge O’DUtiFOe

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FESTIVALAVIGNON

Une tragédie noire de Sénèque pourune ouverture de fureur

C’pWDLW un peu O’DSRFDOySVH vendredisoir à O’RXYHUWXUH du FestivalG’AYLJnRn  : le metteur en scèneThomas Jolly a fait frissonner lepublic avec Thyeste, de Sénèque,O’XnH des pièces les plus noires durépertoire classique. À voir auxCélestins la saison prochaine«  -H n’DL jamais lu un texte aussiYLROHnW  », affirme-t-il. Et pourFDXVH  : déterminé à se venger de sonfrère Thyeste (Damien Avice), qui aeu une relation avec sa femme, le roiAtrée (Jolly) lui fait manger à unbanquet la chair de ses enfants.«  8n crime contre O’KXPDnLWp  »,«  FDnnLEDOLVPH  » sont des mots quirésonnent dans cette pièce«  LPPRnWUDEOH  », selon Jolly.Pourtant, sur la scène de la CourG’KRnnHXU du palais des Papes, Rù seproduit chaque année la pièceinaugurale, il y a très peu G’DFWHVEUXWDXx  : à aucun moment on nevoit G’HnIDnWV tués ou Thyeste entrain de manger sa progéniture, etmême deux “WrWHV” ensanglantéessont rapidement dégagées de la vuedu public.«  C’HVW un voyage mental, F’HVW unepièce vénéneuse qui vient infecterO’HVSULW même des VSHFWDWHXUV  »,explique Thomas Jolly, O’XnH desprincipales figures de la nouvellegénération de metteurs en scènefrançais. «  6L on montrait laviolence, on la UpGXLUDLW  »,ajoute-t-il.La création sonore de ClémentMirguet, tantôt tonitruante tantôt

digne G’Xn film G’KRUUHXU, un jeu delumières saisissant qui se glisse surles murs de la Cour de Papes, desconfettis lancés dans O’DLU pour fairecroire à un essaim G’LnVHFWHVviennent ponctuer le texte deSénèque, Rù le crime est racontéhors champ. Pour tout décor, unbanquet et deux sculptures géantes,O’XnH représentant un masque avec labouche grande ouverte comme saisiG’HIIURL devant le crime qui va êtrecommis.echo avec l’actualitpÀ des moments, des phrases de lapièce sont chantées en mode rap,comme pour accentuer le côtécontemporain de cette tragédie.«  CHWWH pièce a des échos très fortsavec O’DFWXDOLWp, elle peut nousrappeler une histoire personnelle, unconjoint, un frère, une famille, maisaussi les conflits internationaux donton n’DUULYH plus à en VRUWLU  »,explique Thomas Jolly.«  CH que nous pose Sénèque, F’HVWque la violence et la vengeancemènent à une LPSDVVH  », poursuit lemetteur en scène, qui a été révéléaprès avoir monté la trilogie deHenri VI – spectacle marathon de 18heures à Avignon 2014 – puisRichard III, de Shakespeare (2016).La pièce est conclue par une phrasede Sénèque, qui résonne comme unappel à tolérance toujoursG’DFWXDOLWp  : «  8nH seule chose peutnous rendre la paix, F’HVW un traitéG’LnGXOJHnFH PXWXHOOH  ». ႑

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PAYS : France PAGE(S) : 47SURFACE : 30 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : Tl 69DIFFUSION : 192749

8 juillet 2018 - N°n.c. - Edition Lyon - Villeurbanne - Caluire COLTuez LFL SRuU YRLU OD SDge VRuUFe Ge O’DUtLFOe

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Thomas Jolly secoue le festivald’AviJnon

C’pWDLW un peu l’DSRFDlySse,vendredi soir, à l’RuYeUWuUe duFestival d’AYLJnRn : le metteur enscène rouennais Thomas Jolly a faitfrissonner le public avec Thyeste deSénèque, l’une des pièces les plusnoires du répertoire classique. « Jen’ai jamais lu un texte aussi violent» , affirme-t-il. Et pour cause :déterminé à se venger de son frèreThyeste (Damien Avice) qui a euune relation avec sa femme, le roiAtrée (Thomas Jolly), lui faitmanger à un banquet la chair de sesenfants. « Un crime contrel’humanitp », « cannibalisme » sontdes mots qui résonnent dans cettepièce « immontrable » , selonThomas Jolly.

Thomas Jolly en roi Atrée

Pourtant, sur la scène de la Courd’KRnneuU du palais des Papes, Rù seproduit chaque année la pièceinaugurale, il y a très peu d’DFWesbrutaux. « C’HVt un voyage mental,une pièce vénéneuse qui vientinfecter l’HVSUit même desspectateurs » , explique ThomasJolly, une des principales figures dela nouvelle génération de metteursen scène français. Des phrases de lapièce sont chantées en mode rap,comme pour accentuer le côtécontemporain de cette tragédie. «Cette pièce a des échos très fortsavec l’actualitp, elle peut nousrappeler une histoire personnelle,un conjoint, un frère, une famille,mais aussi les conflitsinternationaux dont on n’aUUivH plusà sortir , explique Thomas Jolly. Ceque nous pose Sénèque, c’HVt que laviolence et la vengeance mènent àune impasse » , poursuit le metteuren scène révélé après avoir monté latrilogie d’ Henri VI , spectaclemarathon de dix-huit heures àAvignon 2014. ႑

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PAYS : France PAGE(S) : 16SURFACE : 14 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : France-mondeDIFFUSION : 40197

8 juillet 2018 - Edition Liberté Dimanche

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ON A VU

"Thyeste" glace la Cour d'honneurd'effroi et de beautéUne puissante tragédie, dans la grande tradition avignonnaise, en ouverture duFestival

Chantal MalaureI l n'y a pas de limite au crime deshommes". Vendredi soir, pourl'ouverture du Festival d'Avignon, lasentence de Sénèque a retenti dansun Palais des Papes traversé par unballet d'acteurs habilléshaute-couture, et par la folie et labarbarie des mots de Sénèque. C'estdans les tréfonds de l'humanité, ouplutôt de la déshumanité, que nousentraîne Thyeste , du jeune metteuren scène Thomas Jolly, révélé augrand public à Avignon il y a quatreans. Il signe une nouvelle mise enscène brillante, une épopée serviepar douze acteurs et quarantechanteurs de la maîtrise de l'OpéraGrand Avignon, parfaitementorchestrée et taillée pour la Cour, Rùtout, lumière, décor, costumes, jeu etchant, est mis au service d'un textemagistral, mais froid et sansémotion.Thyeste marque un grand retour autexte, déclamé, slamé, chanté. À36 ans, le metteur en scène salue lesfantômes d'Avignon, du maître JeanVilar à Véronique Nordey, à qui ildédie la pièce.Après Shakespeare, il choisitSénèque et un épisode de l'épopéefamiliale des Atrides, cette famillemaudite pour des générations et desgénérations jusqu'à la fin des temps,pour explorer une nouvelle fois la

figure du monstre, de l'humain quicommet l'irréparable. Atrée (ThomasJolly) imagine "un crime contrel'humanité" pour se venger de sonfrère Thyeste (Damien Avice), qui aséduit sa femme pour lui prendreson trône. Il offre le pardon à sonfrère exilé. Puis s'empare de ses troisfils et lui offre en banquet, avant delui révéler qu'il a dévoré saprogéniture. Le crime est tel que lesoleil fait demi-tour, et le monde estplongé dans l'obscurité. Déjà dansLe radeau de la méduse de GeorgKaiser, Thomas Jolly avait exploréle thème du cannibalisme et del'enfance. Il y ajoute ici l'infanticidepour provoquer encore davantaged'effroi au spectateur.La fable antique sonne étrangementà nos oreilles de spectateursen 2018, car les codes théâtraux nesont plus les mêmes. Mais, grâce àla finesse de la traduction et à destrésors d'inventivité de mise enscène, Thomas Jolly nousaccommode aux conventions de latragédie antique. Ainsi, au début dela pièce, une prêtresse déclame lamalédiction qui va frapper Thyesteet Atrée. Tout ce qui va se déroulersous nos yeux a été dit, la tragédiene sera que ressassement etdéploiement, essor des mots et desimages.Celles-ci nous hanteront longtemps.

Celle d'un homme qui, les yeuxbandés, escalade le décormonumental de la pièce, un visagedéformé par un cri, et une main,symboles de l'humanité. Celle de lamontée de la vengeance et de lafolie, figurée par un essaim quienvahit la scène, d'abord par le son,puis par des milliers de papillonsnoirs voltigeant dans les airs. Et bienVûU, la scène du banquet : Thyesteattablé, lèche ses doigts et sesbabines, se saoule de vin et de chairavec bêtise et innocence, sanscomprendre qu'il s'agit du sang deses enfants. Le frisson qui noustraverse alors part du même effroi etde la même incompréhension quel'on ressent face aux grands faitsdivers ou à la barbarie.Une expérience de la catharsisthéâtrale unique et exceptionnelle, àpartager avec les milliers despectateurs rassemblés dans la nuit,sous les étoiles, ces astresprotecteurs invoqués par Sénèque."Thyeste " jusqu'au 15 juillet à21 h 30 à la Cour d'honneur.Festival-avignon. com ႑

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PAYS : France PAGE(S) : 2SURFACE : 30 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : LocaleJOURNALISTE : Chantal Malaure

8 juillet 2018 - Edition Grand Vaucluse COLTuez LFL SRuU YRLU OD SDJe VRuUFe Ge O’DUtLFOe

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AvignonDémesureetbarbariedu«Thyeste»deThomasJolly

L e formidable spectacle deThomas Jolly a ouvert, ven-dredi 6 juillet, le festival

G’$vLJQRQ, avec Thyeste, la tragé-die barbare et tout en démesurede Sénèque./’DLPDEOH Thyeste mange ses

trois fils, tués, dépecéset cuisinés

par son frère, avant de se retrou-ver «enceint » de sesenfants Tu’LOsent bouger dans ses entrailles./’RutrDQFH et la violence du texterésonnent dans un monde Rù lasauvagerie est de retour, dansune mise en scène qui fera date.

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Annie Mercier, dans le rôle de la Furie. BORISHORVAT/ AFP

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PAYS : France PAGE(S) : 1,19SURFACE : 73 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : Premiere pageDIFFUSION : 275310JOURNALISTE : Brigitte Salino

8 juillet 2018 - N°22857

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CULTURELaviolencede«Thyeste»déchireAvignonThomas Jollymet en scèneavecbrio toute la démesure de la tragédie deSénèquedans laCour G’hRQQHuU

7HeÂ75Eavignon - envoyéespéciale

Il faisait encore jour quandune nuée G’HQIDQtV est en-trée dans la Cour G’hRQQHuU,vendredi 6 juillet. Portant

des masques blancs et des che-veux noirs, ils couraient en toussens, et cela aurait pu être unejoyeuse sarabande si des motsQ’ptDLHQt venus la trouer, tels uneépée V’HQIRQoDQt dans un corps.Desmots terribles, comme jamaisil Q’HQ fut entendu entre les mursdu Palais des papes : ceux deThyeste, de Sénèque, dans unemise en scènedeThomas Jolly,quise joue juVTu’Du 15 juillet et quifera date, et VûUHPHQt débat.

François Hollande et FrançoiseNyssen, la ministre de la culture,étaient dans les gradins, à côtéG’2OLvLHU Py, le directeur du festi-val, et il soufflait juste assez demistral pour que les élémentssoient de la partie, dans unepièce Rù le soleil inverse sacourse en plein jour, tant lemonde est perturbé.

Par quoi ? La barbarie. Totale,définitive, brute. De celles quifont que les mots manquent,comme Sénèque lui-même le ditdans sa tragédie à nulle autre pa-reille, Rù O’LQQRPPDEOH Q’HVt pasmontré, mais relaté : Thyestemange sestrois fils, que son frèreAtrée a tués, dépecés et fait cuisi-ner, parce Tu’LOV sont nés de lafemme Tu’LO aimait et queThyeste lui a pris. Cela pourraitsuffire à O’hRUUHuU si Thyeste ne seretrouvait pas «enceint» de ses

enfants, Tu’LO sent bouger danssesentrailles.

Rythme, images simples, effetsAinsi le veut la malédiction deTantale, qui Q’D pas de limites et àqui Sénèque donne les habitsnoirs G’uQH langue, extraordinai-rement traduite par Florence Du-pont, qui ne se refuse aucune fu-reur et Q’hpVLtH devant rien, niO’LPSUpFDtLRQ, ni le lieu commun,ni le sentimentalisme.

Il y a une outrance insenséedans Thyeste, et il très probableque seul un metteur en scènecomme Thomas Jolly pouvaitDujRuUG’huL nous plonger danscet univers Rù il vaut mieux écar-ter la question de pourquoi labarbarie advient, pour ne retenirque celle de comment elle ad-vient. Sur ce point, la tragédie deSénèque, si éloignée dans letemps Tu’HOOH nous paraisse, re-tentit étrangement dans notremonde Rù une barbarie «mo-derne » bute sur la question du«pourquoi ?», et V’ptDOH jour aprèsjour, avecses« comment ?».

Une pièce aussi particulière queO’HVt Thyeste arrive rarement sansraison, consciente ou incons-ciente, sur le trajet G’uQ metteuren scène, et les égarements denotre époque ont pu dicter sonchoix, quand une époque moinsopaque aurait préféré la ligneclaire G’uQH tragédie grecque.

Et puis, dans le cas de ThomasJolly, il y a une autre raison évi-dente, sans cesse mise en avantquand il V’DJLt de son travail, en

particulier celui sur les Henry VIde Shakespeare qui O’RQt révélélors de leur création à Avignonen 2014: le JRût pour un théâtreinspiré par les séries téléviséesavec lesquelles il agrandi, avecdurythme, des images simples etdes effets frappants.

Folies, splendeurs, excèsDe ce point de vue, la démesurede la Cour G’hRQQHuU lui sied : ilne cherche pas à la dompter, ilV’HQ sert comme G’uQ décor Tu’LOaurait dessiné à grands traits,avec sur le plateau un immensevisage couché G’uQ côté, et surO’DutUH une immense main. Aufond, la façade se dresse, noiredans le ciel, avecses fenêtres G’Rùflambe le feu des enfers et sespierres sur lesquelles brillent despluies G’ptRLOHV.

Il y a même la cendre du mal-heur, qui prend la forme G’uQHmultitude depapillons noirs lan-cés sur les spectateurs, et propul-sés par le mistral avec O’DQDUFhLHqui convient, comme convient lesouffle qui enfle les costumes etdonne aux comédiens O’DOOuUH desilhouettes tremblées.

Bravo au mistral, parfaitementdans son rôle : on pourrait O’LQ-clure dans les effets de lumièresblanches qui zèbrent O’HVSDFH, età la musique qui fait « pulser » laCour, particulièrement quand ar-rivent lesvingt-cinq enfants de lamaîtrise populaire de O’2SpUD-CR-mique et de la maîtrise de O’2SpUDGrand Avignon. Thyeste offrealors un moment qui saisit le

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8 juillet 2018 - N°22857

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: les enfants chantent tan-dis Tu’AQQLe Mercier profère leslamentations du soleil. Dans lerôle de La Furie, cette comé-dienne est au zénith :avec elle re-tentit une voix à faire tremblerles pierres, dans la lignée de cellede Maria Casarès.

Annie Mercier V’LQVFULt dansune distribution que l’DdhpVLRQ àla mise en scène de Thomas Jolly,qui joue Atrée, rend homogène.Avec ce metteur en scène, ce quicompte avant tout, F’eVt l’plDQ gé-néral, une croyance simple en laforce des mots, un désir louablede tout faire entendre pour quetout soit compris, ce qui, dans lecas de Thyeste,revient à se laissertranspercer, sans chercher de rai-son là Rù il Q’y en a pas, sinondans le fait d’rtUe ensemble et decompatir à un destin horrible.

Il V’DJLt au fond de magnifierune forme de la tragédie, ses fo-lies, ses splendeurs, ses excès etses pleurs, qui Q’RQt rien à voiravec le théâtre habituel – V’Ll enexiste un : ils sortent comme dessuées,le corps pense avant la tête,il est «enceint » d’uQe histoire quile dépasse et l’eQJlRutLt.

Voilà pourquoi Thyeste risquefort de faire débat : F’eVtbeau et onQ’D jamais entendu texte aussiviolent, diront certains, mais àquoi bon ? D’DutUeV, dont noussommes, penseront la mêmechose, àune nuance capitale près :F’eVt beau, on Q’D jamais entendutexte aussi violent, et on a vu du

théâtre comme parfois il est salu-taire d’eQ voir. Un théâtre Rù la dé-mesure frôle une injustice queseul un cri vers le ciel sans fondpeut combler. p

brigitte salino

Thyeste, de Sénèque,mise enscène Thomas Jolly.Avec DamienAvice, Eric Challier, EmelineFrémont, Thomas Jolly,AnnieMercier, Charline Porrone,Lamya Regragui. Durée : 2h 20.Cour d honneur du Palais despapes,à 21h 30. -uVTu’Du 15(relâche le 11).De 10€ à 40 €.festival-avignon. com

Une pièce aussiparticulière

arrive rarementsans raison,consciente

ou inconsciente,sur le trajet d’uQmetteur en scène

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8 juillet 2018 - N°22857

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Annie Mercier (au centre), joue La Furie dans « Thyeste », de Sénèque, lors d’uQH répétition le 5juillet à Avignon. BORISHORVAT/AFP

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8 juillet 2018 - N°22857

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THOMAS JOLLY MONSTRE EN AVIGNON

Thomas Jolly (assis) et Damien Avice dans « Thyeste », au palais des Papes d'Avignon, vendredi, PATRICK ROUX/MAXPPP

COUR D'HONNEURDans « Thyeste »,tragédie désespérée deSénèque Rù il joue Atréele furieux, le metteuren scène fricoteavecle fantastique

Que la fête commence ! Ce ven-dredi 6 juillet, le mistral souffle endésordre dans la Cité des papes.Dans la Cour d'honneur, ça cognesans vergogne. Le vent en aurait-il contre cette tête de géant queThomas Jolly et satroupe, La PiccolaFamilia, ont curieusement couchéelà, avec sa bouche bée démesurée,côté jardin, sua

-l'immense scèneem-

blématique du Festival d'Avignon ?Côtécour, c'estlamain gauche duditgéant qui trône, tout aussi colossaleet fixe, également peinte de façonà passer pour un rocher millénairesur lequel certains des comédiensne tarderont pas à grimper.

Dans l'attente, la vision est puis-sante, mystérieuse. Car entre cesdeux blocs (du polystyrène, en fait)dont on ne saurait dire s'ils sontantiques, bouddhiques ou apo-calyptiques, il y a un trou dans lesol : un puits. Les derniers specta-teurs prennent place- Parmi eux,François Hollande, assis non loinde Françoise Nyssen. Le spectacleCommence sans tarder dans unsilence apaisant mais vite trou-blé lorsque des sonorités tour-mentées, grincements et bour-donnements inquiétants à la clé,s'invitent au programme. Voici queTantale (eULF Challier), fils deZeus condamné aux Enfers, sort

de ce trou... Enduit de paillettesargentées tel un Dark Vador vague-ment glamour, il selamente de sondestin de pater cannibale en plusd'être infernal. Il estbientôtrejointpar une Furie sans pitié (AnnieMercier). Voix rauque à souhait,robe tachée de sang, celle-ci seré-jouit d'annoncer la couleur... « Toutsombrera, la religion, la justice etla confiance entre les hommes »,prédit-elle, avant de décrire par lemenu un dérèglement climatiquequi fera vaciller le soleil.

Bienvenue dans Thyeste, tragé-die de Sénèque écrite au temps deJésus-Christ, montée cette annéepar Thomas Jolly dans une traduc-tion superbe de Florence Dupont.La production aurait FRûtp 1 milliond'euros, mobilisé 115 personnes. Unechose estVûUH, la Cour d'honneur estune consécration pour ce metteuren scènerouennais de 36 ans,enfantprodige du théâtre public, aimé àAvignon, Rù il a déjà fait sensationdeux fois plutôt qu'une. En 2014,avec le Henry VI de Shakespeare

monté sous forme de saga sansfin. En 2016, avec un feuilleton en16 épisodes sur l'histoire du Festival,joué en plein jour au jardin Ceccano.

De la cruauté de Shakespeare àla vision de Sénèque s'emparantdu mythe de Thyeste et d'Atrée,deux frères maudits et happéspar une violence dantesque auxconfins du gore, il n'y a qu'un pas.Thomas Jolly le franchit aveccette aisance limite agaçantequ'on lui connaît. Après l'avoirvu jubiler en machiavélique

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8 juillet 2018 - N°3730

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Richard III, on ne s'étonne pasde le voir ici s'épanouir dans lerôle d'Atrée fou de colère. Faceà lui, Thyeste (Damien Avice)rumine ses remords. Aveuglé parses espoirs de réconciliation, ilne devance pas le projet de sonabominable frère : lui faire ingérer,à son insu, la chair de ses enfants.

Disparition du soleilAmateur de jeux vidéo et de

Lady Gaga, Thomas Jolly a le bonJRût de ne jamais utiliser d'écransdans ses productions. Pour autant,il adore les effets de sons et de lu-mières surlignant l'intensité desscènes importantes. Son Thyeste,dont les musiques passent desambiances techno-disco au chantchoral, et les lumières du néon auclignotement laser, y puise des cli-mats fantastiques mais en paraîtparfois surchargé. Non pas quel'action et les enjeux passent àl'as,icii toutt demeureelisible,, accessibleeic tou demeur lisible accessiblet grand public avec certains effets- comme celui de la disparitiondu soleil - imposant leur magie.Mais la beauté des tirades et biensûr la singularité des voix dechaque comédien (sonorisées enplus d'être poussées) paraissentparfois brouillées par un deseffetsscénographiques là Rù on s'attendà être sous le charme du texte, dela poésie des mots seuls. Quoi qu'ilen soit, le génie impérissable dustoïcien Sénèque est bien là, aurendez-vous, porté par la fouguede la Piccola Familia. •

ALEXIS CAMPION

« Thyeste », au Festival d'Avignon

jusqu'au 15 juillet à 21 h 30.

En tournée à partir de fin septembre.

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DIFFUSION : 225362JOURNALISTE : Alexis Campion

8 juillet 2018 - N°3730

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CULTUREAu de O’hRUUHuU et de sa représentation

festivalG’AvLJQRQ

t 6’HPSDUDQt G’uQ faitdivers, le supplice G’uQhomosexuel à Liège, MiloRau DᚎURQWH la grandequestion de cette 72e pGLtLRQ :que faire sur scène avecO’DEMHFtLRQ ?

La Reprise –histoire(s) du théâtre (I)de Milo RauGymnase du lycée Aubanel

AvignonDe notre envoyé spécial

Une interrogation traverse les pre-mières heures du Festival G’AvLJQRQ2018.Comment représenter le mal ?Comment, sur une scène, en décrireO’hRUUHuU ?Montrer ?Ne pasmontrer ?

Comme dans Thyeste (lire pageprécédente) , mais G’uQH tout autrefaçon, ce dilemme est au dufoudroyant spectacle, reçu commeun coup de poing, de Milo Rau,metteur en scène suisse, directeurdu Théâtre national de Gand, enBelgique. La Reprise, Histoires duthéâtre (I) s’HPSDUH G’uQ HᚎUR\DEOHfait divers qui s’Hst déroulé à Liègeet Seraing, la ville des frères Dar-denne. En avril 2012, à la sortie G’uQbar, Ihsa, jeune homosexuel, montedans une voiture. Dix jours plus tard,

soncorps est retrouvé, dénudé, dansun bois. L’HQTurtH établira Tu’,hsD aététorturé et que son agonie a été in-terminable.terminable

Un comédien de Liège, présent surscène et ᚏOP« en gros plan, racontecomment, troublé par les circons-tances de ce drame, il a tout enregis-tré en douce au procès et tout noté.Milo Rau met en scène la séance de

casting, insolite et très drôle, quia présidé au choix des acteurs, desnon-professionnels, à la retraite ouau chômage. La question initialedemeure : « Comment pouvons-nousmettre cette DᚎDLUH sur une scènedethéâtre ? Comment jouer un meur-trier ?Comment battre TuHOTu’uQ ? »

Après une série de dérivatifs, as-tucieux dans leur composition, quimènent à cette terrible soirée, vientle moment Rù le dramaturge doit ré-pondre, trancher. Comment « passe-t-il à O’DFtH » ? De la façon la pluscrue, la plus dérangeante, à la limitede O’DEMHFtLRQ, par la crudité des dé-tails étalés sur scène et O’HxhLELtLRQde ce corps souillé, ainsi que O’LPSOL-cation de O’DFtHuU qui s’HxSRsHainsi.Comme un précis G’DQDtRPLH de O’LQ-nommable.

Mais ce reproche ou cemalaise estdissipé par la hauteur morale Rù MiloRau et sescomédiens – la pièce est lerésultat G’uQH élaboration collective,à partir des témoignages desprocheset des tueurs – placent la suite. La ᚏQrevient sur la responsabilité de la re-présentation au théâtre et sa part decatharsis pour purger les sombresinstincts de O’huPDQLtp. Cette mé-thode, qui procède de O’LPPHUsLRQpour comprendre la part maudite

qui conduit au meurtre, impliquele spectateur dans ce Tu’LO voit etconsent à voir, à subir, àaccepter. Saposition Q’Hst ni accessoire, ni déri-soire. Un sixième acte, inattendu, àforte charge symbolique, boulever-sant de simplicité, de sobriété, estun hommage PDJQLᚏTXH à cet art siétrange qui, depuis O’DuEH de O’huPD-nité, plonge acteurs et spectateursdans un simulacre partagé.

On sort groggy de cette pièce,sonné, ébranlé mais reconnaissantà ses créateurs de Q’DvRLU pas reculéface au devoir de témoigner. Sur-plombés par une certitude qui obligeà la dignité. « On ne peut pas dialo-guer avec lesmorts mais ils nous en-tendent », dit O’uQ des personnages.Jean-Claude RaspiengeasÀ 18 heures (durée 1 h 40). -usTu’Du

14 juillet (sauf le 11).Reprise pendant la

Festival G’AutRPQH, à Paris.

On sort groggy, sonné,ébranlé mais reconnaissantà ses créateurs de Q’DvRLUpas reculé face au devoir de

témoigner.

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9 juillet 2018 - N°41146

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La tragédie de Sénèque est le dernierpari théâtral de Thomas Jolly présentéà AvignonThéâtre. La tragédie monstre de Sénèque est le dernier pari théâtral de Thomas Jolly.Le metteur en scène rouennais a fait O’ouverture du festival d’AvLJQoQ avec Thyeste. Onvous le raconte.

Véronique BaudDans le temple du plus grandfestival de théâtre au monde, gisentune main et une tête géantes (grâce àO’DWHOLHU du Grand T de Nantes). À36 ans, le metteur en scènerouennais Thomas Jolly accède avecThyeste de O’DuWHuU romain Sénèqueau plus prestigieux plateau Tu’uQmetteur en scène puisse rêver.Mais ce décor fabuleux déploie biendes pièges. En montant une piècesur le monstre Atrée Tu’LO interprète,Thomas Jolly a Gû affronter unpremier géant capricieux etindomptable, la cour G’KRQQHuUelle-même, Rù le vent s’HQJRuIIUHavec caprice. Alors que le publicentre au son de la trompette quidécline le compte à rebours, et quela nuit tombe peu à peu sur le murde 25 mètres du palais en fond descène, enveloppant les 2 000spectateurs, le silence Q’HsW troubléque par le pépiement des oiseaux.Du fantastiqueBientôt un autre oiseau de mauvaisaugure entre sur cette scène de 40mètres sur 16, petit être aveuglé parun bandeau rouge escaladant le frontdu géant échoué pour aller se postersur une petite estrade en vigie.Accourent alors aux sons despercussions les furies annonciatrices

de la malédiction. Au centre O’pWRLOHdessinée au sol semble cacher uncloaque. En surgit de dos, Tantale(Eric Challier), père G’AWUpH(Thomas Jolly) et de Thyeste(Damien Avice), luisant comme unlézard, celui par qui le fatum estscellé, quand pour satisfaire lesdieux il leur a offert son fils enpâture.Grâce à une bonne maîtrise dugigantisme qui correspond aussi authéâtre de O’pSRTuH antique, larivalité des deux frères jumeauxpour le trône de Mycènes prendtoute sa puissance atroce. Deuxièmecontrainte dans la cour, O’REOLJDWRLUHsonorisation qui change la donne.Thomas Jolly s’HQ saisit pourmodifier les voix dans cetteatmosphère lugubre et fantastique RùAtrée va faire manger ses enfants àThyeste. Costume jaune et couronnevert fluo, il traverse ces deux heurestrente de tragédie en majesté, lavengeance chevillée au corps malgréles tatouages qui le lient à son frère.Les dieux sont absents et le soleil afui sous la YRûWH étoilée du pur cielavignonnais. Sans trop G’HIIHWs, cedérèglement des astres et de lanature elle-même face à la bêtise deshommes est rendu par des jeux delumière (lasers, projections) qui sont

la signature du metteur en scènerouennais.

Thomas Jolly joue Atrée qui parvengeance fait manger ses enfants à

son frère Thyeste « On est dansl'irreprésentable »

Du slamLa musique occupe une placeimportante dans le spectacle.Thomas Jolly O’D confiée à son amiClément Mirguet, musicienvernonnais avec lequel il travailledepuis longtemps. Il y a le slam queEmeline Frémont habite dans cesmoments de Rù la tensionsemble s’DOOpJHU un peu. Et lemagnifique ensemble avec lesenfants, sorte de requiem qui rendencore plus palpable O’KRUULEOHperpétuation des crimes G’LQIDQWLFLGHet de cannibalisme.Dans Shakespeare O’DuWHuU parlequel Thomas Jolly a été couronné,O’LPPRQGH se pare souvent des

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RUBRIQUE : Temps libreDIFFUSION : 40197JOURNALISTE : Véronique Baud

9 juillet 2018 - Edition Dieppe Littoral

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attributs de la folie voire de labouffonnerie. Ici, Sénèque nousplonge dans la nuit et traduit parFlorence Dupont parle de « crimecontre O’humDnLtp » ORUVTu’Rn atteintce niveau de violence. Une pluie depapillons noirs V’DbDt sur les gradinsquand O’LUUpSDUDbOe est commis. Rienne sera plus comme avant.Véronique Baud

v. baud@presse-normande. com

Au festival G’AvLJnRn MuVTu’Du 15juillet. ¬ la Villette à Paris le 26,27, 28, 30 novembre et 1erdécembre 2018. Au théâtre deCaen les 6, 7 et 8 mars 2019 etdiffusé sur France 2 le mardi 10

juillet à 23 h 15.« La première chose qui se dégagedu texte de Sénèque F’eVt la cuissondes enfants. Tout cela est trèsanatomique. Je me considère commeun traducteur scénique (plus quecomme un metteur en scène) donccomment se saisir de cette matière ?On est dans O’LUUeSUpVentDbOe doncon va rendre la monstruosité par lesmots plus que par les images. Il y aaussi cette scénographie périlleuseréalisée grâce aux équipes du GrandT, tête et main énormes. J’en ai mistrois ou quatre à la poubelle et puisje suis allé au Louvre et je me suisinspiré de la statue de Melpomène.Cette mythologie de la pièce permetle surgissement du fantastique. Il y a

cette disproportion entre les petitsêtres et les grands et cette manièrenon géolocalisée, non datée, de direque la tragédie est toujours là. Nouson a appelé ça « Le dîner de cons dela mort » car on est 2 100 à toussavoir que Thyeste a mangé sesenfants sauf lui. On finit comme lesRomains le faisaient, on coupe lesODUmeV« Mais la traduction deFlorence Dupont dit que cet attentatcorrompt notre manière de vivreensemble. On veut être un peusalvateur à la fin G’Rù le texte deSénèque projeté « De la colère ». ႑

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RUBRIQUE : Temps libreDIFFUSION : 40197JOURNALISTE : Véronique Baud

9 juillet 2018 - Edition Dieppe Littoral

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art & cultureIDEES & DEBATS

Le« Thyeste »furieuxdeThomas Jolly

Philippe Chevilley@pchevilley

L’hRUUHuU ! La Cour d’hRQ-neur frissonne. Un essaimde papillons noirs s’DEDt surle public, des faisceaux delumière transpercent le ciel, le soleil meurt,la nuit DvHuJOH« Thomas Jolly a fait de« Thyeste », tragédie de Sénèque écrite auI er siècle après Jésus-Christ, un geste furieuxet opératique qui convoque tous les artificesdu théâtre : un décor choc (une tête coupéeet une main mutilée, géantes), des musi-ques électroniques lancinantes, un quatuorà cordes et des poignants. A la pre-mière seconde, le spectateur est saisi à lagorge et ne connaîtra aucun répit.

Il faut bien ça pour représenter O’LQQRP-mable – cette haine entre deux frères quivient du fond des âges. Le roi Atrée, pour sevenger de son jumeau Thyeste, lui donne àmanger, lors d’uQ banquet, la chair de sespropres enfants et à boire un vin mêlé de leursang. Pas d’pSLORJuH consolateur : dans unmonde déserté par les dieux et le soleil, il nereste plus que la douleur immense deThyeste et la haine insatiable d’AtUpH. Juste lafin du PRQdH« Thomas Jolly ne cherche pasle décalage, il plonge sans filet dans le tragi-que et ne recule devant aucun effet. Chacunfait sens : Tantale surgissant des enferspailleté d’DUJHQt ; le mur du Palais des papesqui s’HPEUDsH ; le sublime desenfants de la Maîtrise populaire éclairéepleins feux avant que le soleil ne s’HQIuLH etque ne s’DEDttHQt les ténèbres ; le banquet

macabre qui s’ptLUH MusTu’jO’pSuLsHPHQt« Et cette idéeosée, judicieuse, de confierle à une comédiennevirtuose (Emeline Frémont)slamant le verbe sauvage deSénèque sur fond de rap et

de techno. Les comédiens doivent être aussigrands que la tragédie, aussi grands que laCour d’hRQQHuU devenue elle-même per-sonnage : le palais antique de Pélops souffremille maux.

Mal personnifiéLa troupe réunie par Thomas Jolly estcomme enragée, les voix amplifiées cou-vrent la musique et le mistral. Annie Mercierest une magistrale Furie, Damien Avice unThyeste fracassé. Thomas Jolly lui-mêmeincarne avec superbe O’LJQREOH Atrée. Il aimeles PRQstUHs« Tour à tour larmoyant, caute-leux et froid, il est le mal personnifié.« Richard III », son lointain cousin, Q’D Tu’jbien se tHQLU«

On peut çà et là déceler quelques baissesde régime, s’DJDFHU du trop d’HPShDsH, trou-ver la fin du spectacle encore IORttDQtH« maisO’HssHQtLHO est là : la poésie crue de Sénèque,remarquablement traduite par FlorenceDupont, claque comme le fouet du destinentre les murs du Palais des papes : refletd’uQ monde qui, depuis son commence-ment, tutoie la barbarie et dévore sesenfants.Une lune noire s’Hst levée sur la Cour enouverture du Festival d’AvLJQRQ. La 72e édi-tion commence fort, commence grave, com-mence bien. n

7HeÂ75(Thyestede Sénèque, MS ThomasJolly. Palais des Papes,du 6 au 15 juillet.(04 90 14 14 14), 2 h 20.

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RUBRIQUE : Idées et débatsDIFFUSION : 123636JOURNALISTE : Philippe Chevilley

9 juillet 2018 - N°22733

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Thomas Jolly a fait de « Thyeste » un geste furieux et opératique qui convoquetous les artifices du théâtre. Photo Christophe Raynaud de Lage / Hans Lucas

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RUBRIQUE : Idées et débatsDIFFUSION : 123636JOURNALISTE : Philippe Chevilley

9 juillet 2018 - N°22733

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CULTURE

ARMELLE+eL,[email protected]

Affrontant pour la premièrefois la Cour G’KRQQHuU duPalais des papes et ayantchoisi une pièce vieille dedeux mille ans, taillée dans

un tissu de cruauté et G’HIIURL presqueinsoutenables, Thomas Jolly en fait unopéra grandiose dans lequel la musique,le chant, le son, les voix, la lumière, lesinterprètes déploient magistralement lapuissance de O’pFULtuUH de Sénèque ma-gnifiée par la traduction de FlorenceDupont de cet « attentat contre O’KuPD-nité », de ce « crime ».

Une réussite, pasde doute. Une gran-de réussite et un spectacle qui resteralongtemps dans lesmémoires par safor-ce, sa beauté, son inventivité. Sa cohé-rence. Pas simple pourtant de représen-ter cette qui raconte une histoiretellement atroce que le soleil lui-mêmepréfère GLVSDUDvtUH«

Thyestedate du Ier siècle de notre ère etce qui frappe immédiatement, par-delàO’LQtULJuH, O’pSRuvDQtDEOH vengeanceG’$tUpH qui tue ses neveux et les sert enbanquet à son frère Thyeste, F’HVt la forcedesaconstruction, la beautéG’uQH languequi charrie des images superbes,ne cesseG’HQ appeler au monde, à la nature, auxdieux, aux éléments, aux mouvementscosmiques.

Lesmétéores sont toujours des prota-gonistes dans la Cour G’KRQQHuU : le cielétoilé par-dessus les têtes, le vent, par-

fois. Le mistral soufflait sans trop de vio-lence, ajoutant son lyrisme à lareprésen-tation, soulevant les costumes, grondantsourdement parfois sur les Deuxformations G’HQIDQtV, conduites ferme-ment par Sarah Koné : la Maîtrise popu-laire de O’2SpUD-CRPLTuH, la Maîtrise deO’2SpUD Grand Avignon. Invisibles audébut, sur la musique très présente deClément Mirguet, puis surgissant aude la nuit, comme une constellationbouleversante avec lesquatre musiciens.

Univers de démesure'’HQtUpH de jeu, Thomas Jolly, qui in-

terprète Atrée, nousrappelle quenous pé-nétrons dans un univers dedémesure. PasG’DutUH décor Tu’uQH main et un visagedegéantavec sabouche G’RPEUH, fragmentsG’uQH statue monumentale, Melpomène,peut-être, la muse du chant et de la tragé-die, qui gisent au pied du grand mur. Lahaute paroi percée de fenêtres nombreu-sespalpite de lumières oudemots, phrasesprojetées (Philippe Berthomé et AntoineTravert), éclats, fracas.Au centre, un om-bilic étoilé G’Rù surgit, vert comme unecréature deseaux infernales, Tantale.eULFChallier endonne immédiatement la notetragique déchirante, voix, corps, densitéface à la Furie terrorisante G’$QQLH Mer-cier, avecson timbre extraordinaire et en-vRûtDQt, saprésenceunique.

On est immédiatement jeté dansO’KRUUHuU fantastique antique et, tout aulong des deux heures trente, stridencesdes oiseaux, froissements G’DLOHV denuées de papillons noirs, une image hal-lucinante tout concourt à nous médu

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9 juillet 2018 - N°nc

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ser. Mais le plus beau, par-delà les effetsd’uQH inventivité continue, F’HVt O’LQFDr-nation. Le d’ePHOLQH Frémont, leCourtisan de Charline Porrone, le Mes-sager de Lamya Regragui sont idéauxdans les costumes colorés de SylvetteDequest. Répétons-le : diction, timbre,chacun est fort de sapersonnalité uniqueet force O’DdPLrDtLRQ.

Thyeste, Damien Avice, effrayé etdouloureux comme Atrée, Thomas Jolly,frères jumeaux, ennemis intraitables, ap-portent le supplément d’uQH émotion dé-chirante. Le metteur en scène ne craintpas, et il a raison, le caractère « gore » de

deSénèque,mais segarde d’LOOuV-tration et, comme sescamarades, il offredes moments de nuances très subtiles,humaines.Pour lacatharsis,onestVHrvL«« Thyeste », Cour d’hRQQHur du Palaisdes papes, Avignon (84), à 21 h 30,MuVTu’Du 15juillet, relâche le 11.Durée : 2 h 30.Tél. : 04 90 14 14 14.Reprise en tournée àpartir de septembre. Texte Actes Sud Papiers.

Damien Avice, un Thyeste effrayéet douloureux. BORISHORVAT/AFP

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9 juillet 2018 - N°nc

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Latragédiedel'effondrementselonSénèqueThomasJollylivre la courd'honneurdu palais desPapesd'Avignonàla mythologie pourquestionner le mal.Une mise enscèneexacerbéequi posetoute l'actualitéde la tragédieantique.

THEATRE«Thyeste», de Sénèque••••6%Mise en scène de Thomas Jolly.

SYLVESTRESBILLEEN AVIGNON

day est. Comme chaque été,cette petite région deFrance a amorcé sa trans-formation en un incompa-rable aimant culturel. Auxquatre coins de l'ancienneProvincia Romana réson-nent les chants, les danses,

les notes, les cris, les murmures. Des mil-liers d'artistes, débutants ou mondiale-ment célèbres, suivis par des dizaines demilliers d'anonymes avides de culture(s),ont entrepris leur transhumance.

LJnequête de sens et d'émotion que re-cherche tout festivalier. À Orange, l'attendl'opéra (LesChorégies). ÀArles, les Rencon-tres de la photographie. ÀNîmes, la variétéet le rock dans les arènes. À Aix-en-Pro-vence, la musique ancienne et l'opéra avecle Festival international d'art lyrique.Et puis bien VûU, il y a Avignon. La Mecquedu théâtre. Mille spectacles en 25j ours. Unpassageobligé siprestigieux que tous veu-lent en être, jusqu'aux artistes américainsou japonais qui inventent de nouveauxtypes de narration pour s'adressera un pu-blic essentiellement francophone.

Le antique(parfois en rap!)est maîtrisémalgré sonexplosivitésublime.Mais Thyeste, etd'autres, en fontbeaucoup trop.

© CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE / HAN

Le saint dessaints, c'estbien VûU le palaisdes Papes,et sacour d'honneur. C'estlà queJean Vilar imagina un «Richard II» en 1947en convoquant «le ciel, la nuit et la pierreglorieuse». L'austérité magnifique desmoellons dorés et des créneaux, alliée à lacharge de l'Histoire, créent l'arrière-scènepar excellence. Depuis les gradins en fortepente, on sent encore vibrer l'âme de ceuxqui sesont produits ici, de Peter Brook àAriane Mnouchkine, en passant par PinaBausch ou Maurice Béjart.

La démesure de ThyesteCette année, c'est une pièceantique qui dé-fie le poids du lieu - et qui récoltera leshonneurs (ou l'opprobre) car la cour dupalais peut aussi être un couperet. Sopho-cle, Euripide? Non: Sénèque. Les pièces dustoïcien, proche de Caligula, précepteur deNéron, sont moins jouées que celles desGrecs de l'Athènes classique. Et pour cause:elles sont encore plus terribles.

Lin ancien roi dégoulinant d'eau vertesurgit du sol: c'est Tantale (eULF Challier),l'ancêtre, maudit par les dieux, condamnéà une soif éternelle. Vision à la «Game ofThrones», voix d'outre-tombe (c'est le casde le dire), vibrante, gravissime, qui faittaire les dernières hirondelles. Des enfantsaux masques ensanglantés, comme dessi-nés par Tim Burton, envahissent la scèned'une démarche syncopée de zombies.Line Furie (Annie Mercier) gironde maissans âge, apocalyptique, joint savoix et

maudit à son tour lesambitions desrois ju-meaux. Fureur. Longues phrases. Musiqueépique. Et rappel des faits. Ily ades années,Thyeste (Damien Avice) avolé le bélier sa-cré àAtrée (Thomas Jolly ),en même tempsque safemme, et que la Toison d'or. Pourrétablir l'ordre, Jupiter en personne a Gûstopper le soleil dans sacourse. Atrée règneaujourd'hui, dévoré devengeance. Laser.Musique. Voici Atrée, roitelet en costumejaune étriqué et couronne en plexi fluo.Il rumine, puis annonce son crime: il invi-tera son frère à un festin et lui servira lachair de sespropres enfants. Une f emmeen bleu lui demande si cen'est pas un peuénorme. Atrée exposeune nouvelle fois sesgriefs de savoix de stentor. Musique. Laser.Ainsi sera fait...

Pour nous donner un aperçu de l'in-croyable force despièces antiques, ThomasJolly prend le risque du too mitcli. Et celafonctionne. Le palais des Papes sefait my-cénien, des hordes de mouches noirestourbillonnent et seprennent dans les che-veux des spectateurs, comme pour maté-rialiser la peste qui gangrène le deshommes. Les vibrations d'une musiqueaussi lyrique que dissonante saturent lessens.Nous voilà prêts à écouter l'horreur,encore et encore.

Parce que c'est ça, la dramaturgie pré-chrétienne: on ne connaît pas encore la po-lyphonie du dialogue, on utilise desmasques et de longs monologues pétristout à la fois depolitique, de symbolique,de poésie. Les choses sont répétées deux,trois, dix fois. Le but: faire entrer le specta-teur dans un partage sans entraves, dansun véritable rituel cathartique, presque re-ligieux, G'Rù il ressortira exténué mais,pour un temps, guéri de son humanité.

À cepetit jeu, le metteur en scène doitêtre dans le même geste audacieux et trèsprécis. On pouvait compter sur le jeuneNormand ThomasJolly, habitué de Shakes-peare, pour y aller àfond. Hélas, il est un in-grédient dont il ne retient pasassezles che-vaux: le jeu. Il incarne lui-même un Atréesplendide de subtilité exubérante.Le choeurantique (parfois en rap ! ) est maî-trisé malgré son explosivité sublime. MaisThyeste, et d'autres, en font beaucoup trop.Effets de voix. Mélopées sous formes d'in-jonctions mêlées de cris ininterrompuspour 20 minutes face au public.

Mais le jeu en valait la chandelle, et lesfulgurances nombreuses méritaient d'êtretentées. Cespectacle total dénote une am-bition im m ense.Et seul Avignon, son pa-lais ettoutes sescouches de scénographiele permettent. Tant que des créationscomme celles-ci existeront, on ne pourrapas dire - malgré Trump, malgré la ban-quise qui fond et les smartphones qui nousbouffent - que la civilisation est morte.

«Thyeste», jusqu'au 15/7.Festival d'Avignon, jusqu'au 24/7.www.festival-avignon.com

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PAYS : Belgique PAGE(S) : 12SURFACE : 39 %PERIODICITE : Quotidien

DIFFUSION : 120647JOURNALISTE : Sylvestre Sbille

10 juillet 2018 - N°nc

Page 20: A Avignon, la mise en scène d'un crime contre l'humanité · 2018-10-10 · A Avignon, la mise en scène d'un "crime contre l'humanité" Avignon, 7 juil. 2018 (AFP) - C'était un

Q Q RQU'EST-CE QU'ON REGARDE

- t E H I H * -

Magnifique monstreàAvignon

©©©©©

j E B E I C'est une part d'effer-| FRANCE2 | vescence avignonnai-se qui s'invite ce soir sur France 2

avec « Thyeste », spectacle

d'ouverture de la 72e

édition duFestival d'Avignon, tragédie de

Sénèque particulièrement

noire mise en scène

par Thomas Jolly. Lavengeance d'Atréesur son frère Thyes-

te, enlevant et tuantses enfants pour les

lui servir lors d'un

banquet...

Brillant dans la noir-ceur, Jolly en livre une ver

sion pop et grandiose, un

spectacle débor-dant de fulgu-

rances es-

thétiques, l'ancêtre Tantale sor-tant de terre telle une rock star en

costume de lumière, des nuées de

papillons noirs s'abattant sur la

cour, le antique scandé, en-tre slam et rap, sur fond de musi-

que électronique...

Après la description du crime,

on est médusé par l'apparitiond'une chorale d'enfants, cer-

tains costumés comme pourun JRûtHU d'anniversaire. A

l'horreur répond la voix del'innocence, le contraste estsaisissant. Monstre magnifi-

que dans son costume cintréjaune, Jolly est un Atrée gla-

çant. D'humani-

té et de folie.

SYLVAIN

MERLE

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PAYS : France PAGE(S) : 34SURFACE : 13 %PERIODICITE : Quotidien

DIFFUSION : 250095

10 juillet 2018 - N°22969