Upload
others
View
7
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
1
Vendredi 27 mars 2015, École normale supérieure, salle des Résistants – A.-C. Baudoin
Textes sans frontières 1 :
transmission indirecte et constitution de corpus
dans l’Antiquité tardive
Matinée (9h30) : libre circulation des textes ou surveillance des frontières ?
Présidence : Alain LE BOULLUEC (directeur d’études émérite, ÉPHÉ)
Arnaud PERROT (doctorant, Paris Sorbonne) : « Inclure ou exclure ? Questions de
méthode posées par quelques lettres problématiques de la correspondance de Basile de
Césarée »
On s’intéressera à quelques exemples de lettres très bien attestées dans les corpus
grecs médiévaux de la correspondance de Basile de Césarée, attestées également, à date haute,
voire très haute, dans les collections d’œuvres de Basile traduites en latin et en syriaque, et
qui pourtant suscitent chez les commentateurs modernes, puis contemporains, une certaine
suspicion. Quels critères adopter pour déterminer s’il faut intégrer ou exclure de l’oeuvre
authentique de l’évêque de Césarée de Cappadoce une pièce de cette nature, qui n’a pas
contre elle de relever d’une insertion tardive ? C’est à cette question que nous voudrions
apporter des éléments de réponse...
Thibault MIGUET (élève, ÉNS) : « Le texte grec du Viatique du voyageur d’Ibn al-
Jazzar : un corpus aisément délimitable ? Tentative d’analyse formelle à partir de
quelques témoins manuscrits »
Le texte grec du Viatique du voyageur est transmis par quarante témoins manuscrits.
Comme il s’agit d’une traduction en grec d’un traité originellement écrit en arabe, se pose la
nécessaire question de la cohérence de ce corpus : ce traité est divisé en plusieurs livres qui
forment une structure a capite ad calcem, chacun de ces livres étant structuré en chapitres qui
traitent d’une maladie en particulier. La forme adoptée par la version grecque est-elle
exactement reprise de la version arabe ? Est-elle la même entre les différents témoins
manuscrits ? Trouve-t-on cette division dans d’autres encyclopédies de médecine grecque
comme celle de Paul d’Égine, Rufus d’Éphèse, Alexandre de Tralles ou Jean Zacharias
Actouarios ? Il va s’agir dans cette intervention de présenter ce corpus inédit, préciser ses
enjeux et s’interroger sur sa cohérence, par l’analyse de sa structure telle qu’elle est transmise
dans quelques témoins manuscrits. Cette analyse passera par l’examen et la comparaison des
pinakes présents la plupart du temps dans les témoins. Observe-t-on une cohérence de ce
corpus, ce qui permettrait d’en établir la fixité ? Ou bien la variation observée pourrait faire
penser à un gonflement du texte sous l’influence de copistes-médecins ? Étant aux prémices
de notre travail de thèse, nous n’aurons pas l’ambition de répondre à ces questions de façon
définitive ; notre but sera plutôt d’éclairer les enjeux d’un aspect important au seuil de notre
travail.
2
Cecilia ANTONELLI (Université de Genève) : « Le passionnant parcours de la
transmission des textes en fragments, et de leur étude : le cas des passages d’Hégésippe
chez Eusèbe, Histoire ecclésiastique, aux origines du christianisme »
On va aborder le problème complexe de l’édition et de l’étude des ouvrages anciens
transmis de manière fragmentaire à travers le cas concret de l’auteur chrétien de langue
grecque Hégésippe, qui écrit au IIe
siècle un ouvrage hérésiologique appelé Hypomnèmata,
dont plusieurs passages sont cités dans l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée deux
siècles plus tard. Une introduction méthodologique mettra en évidence les difficultés
concernant l’aspect philologique et littéraire : y a-t-il du sens à parler d’« édition » d’un texte
transmis en fragments ? Quelle est la signification d’une telle opération ? À quel résultat peut-
elle aboutir ? Quel est le rapport entre la source ancienne que l’on veut étudier et l’auteur qui
l’a transmise, presque toujours de façon incomplète et asystématique, et en l’utilisant à ses
propres fins, différentes de celles de la source elle-même ? Quel résultat peut atteindre le
chercheur moderne qui s’efforce d’extraire et d’isoler les fragments du nouveau contexte
littéraire qui les contient ? Et encore, du point de vue historique : est-il possible de faire une
analyse historique « objective » du contenu des fragments ? Comment tenir compte des
différents niveaux de composition et de tradition à l’intérieur même du texte cité ? À ces
questions, et à d’autres similaires, on essayera de répondre, à l’aide de quelques-uns des
passages les plus significatifs de notre auteur, qui illustrent bien les différents problèmes à
affronter et les situations variées qui peuvent se produire lorsque l’on étudie un texte en
fragments.
Après-midi (14h) : un contrôle d’identité à la frontière linguistique
Présidence : Jean-Daniel DUBOIS (directeur d’études, ÉPHÉ)
Anne-Catherine BAUDOIN (ÉNS) : « Questions d’attribution et de traduction : que
reste-t-il d’Origène dans la section 122 de la Commentariorum Series in Mattheum ? »
Dans la Commentariorum Series in Matthaeum, qui circule sous le nom d’Origène, la
section 122 est consacrée au commentaire du verset évoquant la femme de Pilate : celle-ci a
souffert en songe à cause de Jésus et exhorte son mari à ne pas se mêler de l’affaire
concernant ce « juste » (Mt 27, 19). Le commentaire origénien nous est parvenu en grec, dans
des scholies sur Matthieu et dans une chaîne exégétique de Pierre de Laodicée – deux modèles
de transmission fondés sur l’éclatement du texte – et en traduction latine. La comparaison du
grec et du latin permet de distinguer trois passages, l’un où le grec et le latin s’accordent, l’un
où le grec n’est pas transmis ou n’a jamais existé, et un dernier où le latin présente une
version glosée du texte grec. La juxtaposition des passages dans l’édition de référence
contemporaine présente ainsi un état du texte qui n’a jamais existé dans l’Antiquité.
Que reste-t-il alors du commentaire d’Origène sur la femme de Pilate ? Quel crédit
peut-on concéder aux scholies qui circulent sous son nom ? Quel regard peut-on porter sur
une traduction latine qui élargit considérablement le commentaire conservé en grec ? Proposer
des réponses invitera à remettre en question l’autorité de la compilation imprimée pour
réattribuer à chaque passage une valeur propre.
3
Aurélien PÉROYS (diplômé de l’ÉPHÉ) : « Une homélie copte attribuée à Cyrille de
Jérusalem : sous la réécriture, une véritable origine cyrillienne ? »
Parmi les dix homélies coptes attribuées à Cyrille de Jérusalem, celle qui est intitulée
In Passionem Domini (Orlandi) ou bien Sulla Passione α (Campagnano) se révèle être une
véritable homélie pascale sur la passion et la résurrection. Cette traduction copte d’un original
grec montre des traces de réécriture des VIe et VII
e siècles : comment repérer ces ajouts ?
Certains éléments de l’homélie renvoient à un contexte hiérosolymitain du IVe siècle.
L’hypothèse qu’il puisse s’agir d’une authentique homélie de Cyrille de Jérusalem, en partie
réécrite par la suite, doit donc être étudiée.
Cette homélie a été systématiquement analysée par les historiens en référence au
corpus anciennement constitué des homélies attribuées à Cyrille de Jérusalem : cette méthode
est nécessaire mais elle présente des limites qu’on peut dépasser par une remise en cause du
corpus lui-même, qui est à redéfinir. Cette homélie entretient en effet davantage de liens
intertextuels avec des homélies du Pseudo-Évode qu’avec certaines du cycle cyrillien.
Damien LABADIE (doctorant, ÉPHÉ) : « De la légende chrétienne à la sourate
coranique. Itinéraires littéraires du récit des Sept dormants d’Ephèse »
La légende des Sept dormants d’Éphèse fut une des plus populaires de toute l’histoire
du christianisme antique et médiéval. Elle raconte que sept jeunes nobles chrétiens d’Éphèse,
craignant les persécutions de Dèce, se réfugièrent dans une grotte et y moururent. Deux
siècles plus tard, les dormants se réveillèrent et purent témoigner auprès de l’évêque de la
ville et de l’empereur chrétien Théodose des tribulations qu’ils avaient endurées avant leur
long sommeil. Bien que le récit originel, écrit par Étienne d’Éphèse (évêque de 448 à 451),
soit perdu, la légende des Sept dormants est connue par de très nombreux témoins textuels
transmis sous des formes et dans des langues diverses. Fait remarquable, la légende a traversé
aussi bien les frontières linguistiques que les frontières confessionnelles. En prenant place
dans la dix-huitième sourate du Coran, al-Kahf (“la Caverne”), elle a trouvé un écho tout
particulier en Islam dès le VIIe siècle de notre ère.
L’exposé présentera l’intrigue et les traits marquants de cette légende. Dans un
deuxième temps, il tracera brièvement l’histoire complexe de sa transmission textuelle en
domaine chrétien et traitera plus en détail quelques témoins conservés en syriaque, grec, copte
et arménien. L’étude de ces cas particuliers sera également l’occasion d’observer les
différents modes de réécriture propre à la littérature hagiographique. Enfin, la recension
coranique de la légende sera l’objet de commentaires sur quelques-uns de ses aspects les plus
originaux : le chien qui garde les dormants, le mystérieux al-Raqīm et la valeur symbolique
du nombre d’années de sommeil.
Contact : [email protected]
Site : http://2doc.net/tsf_2015