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En région PACA, si l’essentiel de la surface des sapinières est localisé dans des zones où les influences méditerra- néennes sont très réduites, on peut ren- contrer, dans la partie méridionale des Préalpes, des peuplements souvent de faible surface, dans des localités où ces influences sont encore nettement sensibles. Il s’agit le plus souvent d’îlots relic- tuels de peuplements surexploités au cours des siècles, mis à part quelques rares peuplements d’importance notable (massif de Lambruisse - 04, forêt de St-Auban - Bleyne - 06). Mais à l’instar de la remontée biologique générale, le Sapin, avec le dynamisme qui le caractérise, repart à la conquête de ses anciens territoires : les semis envahissent souvent les peuplements de hêtres ou de pins sylvestres situés à proximité des sapinières. Se pose alors à l’heureux propriétaire ou gestionnaire de ces régénérations, la question de l’avenir de ces semis : en effet, les conditions climatiques des Pré- alpes sèches sont difficiles pour le Sapin pectiné, et même si des semis sont observés un peu partout, tous les milieux n’y sont pas aptes au dévelop- pement d’une sapinière adulte. Il est donc nécessaire de connaître les seuils (altitude, exposition, réserve hydrique du sol) au-delà desquels une jeune régénération naturelle est sans avenir. De même, il est utile, quand le maintien de cette régénération est envisageable, de savoir si elle a des chances de devenir un peuplement sain et productif, ou bien une sapinière pérenne, mais constituée d’arbres à croissance faible et à faible durée de survie. Pour répondre à cette interrogation, nous avons réalisé, pour les seules Préalpes sèches, une soixantaine de relevés phytoécologiques (300 pour la région PACA), accompagnés de 127 Adaptation des sapins au milieu L e S ap i n pect i né dan s l e s P r éa l pe s s èche s Stat i on s f o r e s t i è r e s - c r o i ss ance - état s an i ta ir e Po ssi b ili s d’exten si on pa r Dan i e l NOUA LS* En Provence - Alpes - Côte d’Azur, la Cellule Régionale d’Appui Tech- nique de l’Office National des Forêts réalise actuellement une étude de typologie des stations forestières sous sapinières, doublée d’une étude des relations entre milieu, croissance et état sanitaire sur l’ensemble de la région. Le présent article constitue une première restitution des résul- tats, uniquement pour ce qui concerne la partie de la zone d’étude exposée aux influences méditerra- néennes. Le rapport d’étude définitif n’ayant pas encore été publié, les résultats présentés ici sont suscep- tibles de modifications. Photo 1 : Semis de Abies alba en Forêt Domaniale de Clans (06) Photo C. Nouals /CEMAGREF Aix t. XIX, n° 2, mai 1998 * Office national des Forêts, Direction régionale, Cellule régionale d’appui tech- nique, Acti Plus, Z.I. Saint-Joseph, BP 612, 04106 Manosque Cédex.

A d a p t a t i o n d e s s a p i n s a u m i l i e u Le ...€¦ · (RIPERT et al, 1988, OZENDA 1985). Il s’agit d’une région dont le régime plu-viométrique présente un caractère

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En région PACA, si l’essentiel de lasurface des sapinières est localisé dansdes zones où les influences méditerra-néennes sont très réduites, on peut ren-contrer, dans la partie méridionale desPréalpes, des peuplements souvent defaible surface, dans des localités oùces influences sont encore nettementsensibles.

Il s’agit le plus souvent d’îlots relic-tuels de peuplements surexploités aucours des siècles, mis à part quelquesrares peuplements d’importancenotable (massif de Lambruisse - 04,

forêt de St-Auban - Bleyne - 06). Maisà l’instar de la remontée biologiquegénérale, le Sapin, avec le dynamismequi le caractérise, repart à la conquêtede ses anciens territoires : les semisenvahissent souvent les peuplementsde hêtres ou de pins sylvestres situés àproximité des sapinières.

Se pose alors à l’heureux propriétaireou gestionnaire de ces régénérations, laquestion de l’avenir de ces semis : eneffet, les conditions climatiques des Pré-alpes sèches sont difficiles pour le Sapinpectiné, et même si des semis sontobservés un peu partout, tous lesmilieux n’y sont pas aptes au dévelop-pement d’une sapinière adulte.

Il est donc nécessaire de connaîtreles seuils (altitude, exposition, réservehydrique du sol) au-delà desquels unejeune régénération naturelle est sansavenir. De même, il est utile, quand lemaintien de cette régénération estenvisageable, de savoir si elle a deschances de devenir un peuplementsain et productif, ou bien une sapinièrepérenne, mais constituée d’arbres àcroissance faible et à faible durée desurvie.

Pour répondre à cette interrogation,nous avons réalisé, pour les seulesPréalpes sèches, une soixantaine derelevés phytoécologiques (300 pour larégion PACA), accompagnés de

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A d a p t a t i o n d e s s a p i n s a u m i l i e u

Le Sa p in p e c tin é d a ns l esPr é a l p e s s è c h e s

St a tio ns fore sti è re s - c ro iss a n c e - é t a t s a n it a irePossi b ilit é s d ’ e xt e nsio n

p a r D a n i e l N O UALS*

En Provence - Alpes - Côte d’Azur,la Cellule Régionale d’Appui Tech-nique de l’Office National des Forêtsréalise actuellement une étude detypologie des stations forestièressous sapinières, doublée d’une étudedes relations entre milieu, croissanceet état sanitaire sur l’ensemble de larégion. Le présent article constitueune première restitution des résul-tats, uniquement pour ce quiconcerne la partie de la zone d’étudeexposée aux influences méditerra-néennes. Le rapport d’étude définitifn’ayant pas encore été publié, lesrésultats présentés ici sont suscep-tibles de modifications.

Photo 1 : Semis de Abies alba en Forêt Domaniale de Clans (06)Photo C. Nouals /CEMAGREF Aix

t. XIX, n° 2, mai 1998

* Office national des Forêts, Directionrégionale, Cellule régionale d’appui tech-nique, Acti Plus, Z.I. Saint-Joseph, BP612, 04106 Manosque Cédex.

mesures d’âge et de hauteur des arbresdominants, ainsi que d’observationssur l’état de santé des houppiers.

Cet échantillonnage nous permet dedécrire des types de stations fores-tières sous sapinière, mais devrait nouspermettre aussi de prévoir le compor-tement du sapin dans des situationsanalogues à celles qu’il occupe actuel-lement.

Le s Pr é a l p e ss è c h e s :d é lim it a tio n ,c a r a c t è re s g é n é r a ux

La délimitation approximative decette région, telle qu’elle figure ci-des-sus (Cf. Fig.1), repose sur divers tra-vaux réalisés sur des donnéesclimatiques ou phytosociologiques(RIPERT et al, 1988, OZENDA 1985). Ils’agit d’une région dont le régime plu-viométrique présente un caractèreméditerranéen marqué du fait de laprésence d’un creux estival net. La

pluviométrie totale peut cependant êtrerelativement abondante car les reliefsinduisent des précipitations plusimportantes. L’autre caractère prédo-minant de cette zone est le fortaccroissement de la pluviométrie avecl’altitude. Cela différencie d’ailleurs leclimat des Préalpes externes, de celuides Alpes internes, dont la pluviomé-trie est faible mais moins fortementinfluencée par l’altitude.

Sur le plan géologique, cette zonecomprend presque exclusivement desroches calcaires, et surtout des cal-caires argileux et des marnes ; àl’exception de la partie orientale où lescalcaires durs prédominent.

O ù tro uv e-t-o nd e s s a p in i è re sd a ns l e s Pr é a l p e ss è c h e s ?

Les sapinières se rencontrent dansun compartiment bioclimatique trèsbien défini par des critères d’altitudeet d’exposition dans cette région : laquasi totalité des peuplements est

située entre 1100 et 1600 m, en expo-sition de secteur Nord.

En effet, bien que notre moded’échantillonnage nous pousse àrechercher les conditions extrêmes,nous n’avons réalisé que deux relevésen dessous de 1100 m (la limite supé-rieure de 1600 m est plutôt due au faitque rares sont les altitudes supérieuresdans cette région), et deux relevés enexposition de secteur Sud, au-dessusde 1500 m. Les expositions intermé-diaires (Est et Ouest) sont elles-mêmesrares (2 relevés).

Pour ce qui concerne les substrats,la palette est par contre très largepuisque les peuplements arrivent àvégéter sur des matériaux très caillou-teux, et parfois même rocheux. Ils’agit le plus souvent de calcisols oucalcosols plus ou moins épais, plusrarement de rendosols ou rendisols.Les horizons A sont toujours biologi-quement très actifs (mulls) même siles litières sont souvent épaisses, sur-tout dans les stations les plus sèches(amphimulls actifs).

Q u e ls so ntl e s f a c t e ursq u i c o n d itio nn e ntl a c ro iss a n c ee n h a ut e ur ?

En mesurant l’âge et la hauteur desarbres dominants sur chaque relevé, onpeut, en utilisant un modèle de crois-sance en hauteur, ramener tous lesrelevés à un même âge de référence, etcalculer la hauteur supposée atteinte àcet âge.

Cette hauteur calculée permet decomparer les relevés entre eux, malgrédes âges disparates, et constitue ainsil’indice de fertilité du relevé.

Cette méthode a été maintes fois uti-lisée par le passé, et nous noussommes servis ici du modèle de crois-sance en hauteur réalisé pour le Sapinpectiné en région PACA par la STIRSud-Est et le département desrecherches techniques de l’ONF en1994.

Remarque : la capacité qu’a lesapin de végéter sous couvert pendantde nombreuses années, le fait que les

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Fig. 1 : Situation de la zone d’étude et des points de relevés

sapinières soient souvent traitées enfutaies jardinées, nous ont posé desérieux problèmes méthodologiques.L’exposé de ces problèmes et desgarde fous qui ont été nécessairespour y pallier n’entrent pas dans lecadre de cet article. Il faut simplementsavoir que la précision des résultatspeut en être affectée.

La moyenne des indices de fertilitécalculés sur l’ensemble des 300 relevésde la région PACA est de l’ordre de24 m à 100 ans, et n’est que de 20 mpour les Préalpes sèches. Cela traduitbien sûr des conditions généralementplus difficiles. La fourchette des indicesde fertilité y est néanmoins relativementouverte (de 13 m à 30 m), et montre queles conditions de croissance sont trèsvariables à l’intérieur de la région.

Divers traitements statistiques ont

permis d’identifier les principaux fac-teurs écologiques gouvernant la crois-sance des sapins : ils concernent tousle bilan hydrique local.

Il s’agit de deux groupes de facteurs :- les uns décrivant les circulations

d’eau sur la pente (bilan des apportsd’eau par rapport aux pertes, valeur dela pente),

- les autres exprimant la réservehydrique du sol, notamment par lapierrosité (pourcentage d’élémentsgrossiers entre 25 et 35 cm, profon-deur à partir de laquelle on observeplus de 60 % d’éléments grossiers).

Les valeurs de ces deux groupes defacteur sont d’ailleurs bien souventliées : les topographies convexes ouirrégulières (pente en gradins) corres-pondant fréquemment aux sols minceset pierreux.

Les combinaisons topographie -charge en éléments grossiers - valeurde la pente suffisent à expliquerl’essentiel des différences de crois-sance en hauteur dans les conditionsclimatiques des Préalpes sèches.

Q u e ls so ntl e s f a c t e ursq u i c o n d itio nn e ntl’ é t a t d e sa ntéd e s s a p ins ?

O bse rv a tio nse t not a tion d e l’ é t a t d e s a nt é

Sur chaque relevé, 10 arbres choisisdans l’étage dominant ont été obser-vés. L’état des houppiers de chaquearbre a été noté selon une échelle de 1(arbre très sain) à 4 (arbre dépéris-sant), sur des critères morphologiques(forme de la cîme, branches sèches,longueur des aiguilles, etc…).

En outre, la présence ou l’absencede gui du sapin (Viscum album subsp.abietis) a été systématiquement consi-gnée. En effet, ce parasite, lorsqu’ilcolonise massivement les houppiers,affecte sérieusement la vitalité desarbres. Il peut provoquer ainsi des des-centes de cîmes, et même la mortalitédes sapins.

A chaque relevé a ainsi pu être attri-bué une note moyenne d’état deshouppiers (plus cette note est élevée,moins l’état est bon), ainsi qu’une noted’infestation par le gui.

Résu lt a tsLa première constatation qui

s’impose est que la note moyenne d’étatdes houppiers est nettement plus mau-vaise pour les Préalpes sèches (2,7) quepour l’ensemble de la région (2,35). Demême, la proportion de relevés compor-tant des arbres guités est bien plusimportante que pour l’ensemble del’échantillon (32 % pour les Préalpessèches, 19 % pour la région PACA).

Ce résultat montre que les condi-tions climatiques difficiles rencon-trées par le Sapin dans cette zone

A d a p t a t i o n d e s s a p i n s a u m i l i e u

Photo 2 : Sapin déperissant (Riou Bourdou)Photo C. Nouals /CEMAGREF Aix

Fig. 2 : Proportion de sapinières touchées par le gui, par classe d’altitude enmètres - Préalpes sèches

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affectent sensiblement son état sani-taire.

Sur le plan stationnel, à l’intérieur dela région, il est plus difficile de mettre enévidence l’action d’un facteur, en parti-culier sur l’état des houppiers. Il apparaitpourtant que la conjonction de facteursdéfavorables affecte la santé des arbres(basses altitudes sans compensation éda-phique, ou altitudes moyennes et condi-tions édaphiques défavorables).

En ce qui concerne les infestationspar le gui, il apparaît très nettementune relation avec l’altitude, comme lemontre le graphique (Cf. Fig.2).

Par ailleurs, lorsque le gui apparaîtau-dessus de 1300 m, il s’agit le plussouvent des situations topographiquesdéfavorables, ou de sols minces trèschargés en cailloux.

On peut dire schématiquement que :- au dessous de 1300 m les sapins

sont très sensibles au gui,- entre 1300 et 1500 m, le gui

affecte plus particulièrement les sta-tions sèches,

- au dessus de 1500 m, les attaquesde gui sont nulles ou négligeables.

D’une façon générale, il est clair quele bilan hydrique global (altitude etconditions topo-édaphiques), en affec-tant l’état physiologique des sapins, aune nette influence sur la sensibilitédes arbres aux agents parasites oupathogènes.

Un e a p pro c h esynth é tiq u e d um ili e u : ty p o lo g i ed e s st a tio ns so uss a p in i è re

La définition de types de station faitappel à l’étude du tapis végétal d’une

part, à la mise en relation des formesdu relief et des caractéristiques dessols (géomorphologie) d’autre part, etenfin à la recherche des correspon-dances entre flore et caractères phy-siques du milieu.

El é m e nts stru c tur a ntl a flore

Tout d’abord, il faut signaler que lessapinières des Préalpes externes pré-sentent une composition floristiquetout à fait particulière par rapport aureste de la région. Cela a amené cer-tains auteurs à parler de série submédi-terranéenne du Hêtre et du Sapin(BARBERO et QUEZEL, 1975).

Mais au sein de cette petite région,les analyses floristiques montrent quele tapis végétal est structuré essentiel-lement par deux facteurs : l’altitude etla localisation géographique.

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Photo 3 : Relevé en sapinière en Forêt Domaniale deClans (06)

Photo C. Nouals /CEMAGREF Aix

Photo 4 : Geranium nodosum

Photo C. Nouals /CEMAGREF Aix

Influence de l’altitudeLa présence d’espèces typiquement

supraméditerranéennes comme Cra-taegus monogyna, Acer opalus, Coro-nilla emerus, Quercus pubescens esttrès fréquente dans les Préalpes du sudet exprime bien les conditions chaudeset sèches dans lesquelles croissent cer-taines sapinières. Mais ces espècestendent à disparaître au-delà de 1300m. A l’inverse, on ne rencontre Gera-nium sylvaticum, Gentiana lutea, Acerpseudoplatanus, Ranunculus platani-folius qu’au-dessus de 1500 m. Cegradient altitudinal est égalementimportant pour de nombreuses espèceset constitue donc un bon indicateur desconditions climatiques locales.

Influence de la situation géographique

Deux groupes de relevés se distin-guent assez nettement l’un de l’autrequant à leur composition floristique : ils’agit d’une part des sapinières situéesdans les Alpes maritimes, au nord deGrasse, et d’autre part des relevés lesplus occidentaux de la zone d’étude :

Lure, Ventoux, Rosannais. Un troi-sième groupe peut être distingué,intermédiaire entre les deux précé-dents, situé surtout au nord de StAndré les Alpes.

Le s e ns e m b l e s g é o m orp h o lo g iq u es

Trois formes de paysage assezcaractéristiques peuvent être distin-guées là encore aux trois localisationsgéographiques énoncées plus haut.

Nous avons donc individualisé 3grands ensembles, se distinguant tantpar la flore que par la géomorphologie.

1. Préalpes sèches orientales : lehaut Esteron

2. Préalpes sèches occidentales :Lure - Ventoux - Rosannais

3. Préalpes sèches centrales : Pré-alpes de Digne à St-André

1. Les Préalpes sèches orientales : le haut Esteron

Dans cette sous région, les sapinièressont situées exclusivement sur versant

Nord. Le substrat géologique est uncalcaire dur jurassique en gros bancscompacts, en pendage conforme, sou-vent affleurant, avec quelques niveauxmarneux en bas de pente (Cf. Fig.3).

Les matériaux engendrés par cessubstrats sont soit des argiles de décar-bonatation, plus ou moins épaisses,plus ou moins continues, soit des col-luvions très caillouteuses issues decalcaire dur. Dans tous les cas, il s’agitde matériaux filtrants, à faible réservehydrique.

Ces conditions hydriques difficiles,malgré une pluviométrie annuelle rela-tivement abondante, engendrent unfaciès de sapinière très particulier, lasapinière à Buis, avec un cortèged’espèces associées telles que : Cyti-sus sessiliflorus, Daphne laureola,Daphne mezereum, Teucrium lucidum,Euphorbia amygdaloïdes.

Les stations à bilan hydrique plusfavorable sont signalées par l’appari-tion d’espèces mésophiles commeSanicula europea, Geranium nodo-sum, Epilobium montanum, ou l’abon-dance plus grande de certaines espècesà large amplitude (Rubus idaeus, Pre-nanthes purpurea).

Les espèces à tendance hygroscia-philes sont rares ou absentes.

2. Préalpes sèches occidentales :Lure, Ventoux, Rosannais

A l’exception du haut de versant sudde la montagne de Lure, les sapinièressont situées ici au pied de barres cal-caires, sur des versants marno-calcairesen pendage inverse, le plus souventrecouverts de colluvion (Cf. fig.4).

Les substrats sont soit des altérites decalcaire argileux peu épaisses, soit descolluvions très épaisses et caillouteuses.Celles-ci, très sèches en pied de falaise,s’enrichissent en éléments fins àmesure que l’on descend sur la pente.

La sapinière à buis est présente loca-lement, notamment dans le Rosannais,mais ces sapinières sont enrichies ducortège de la hêtraie avec Fagus sylva-tica, Lonicera alpigena, Galium odora-tum, Acer pseudoplatanus, Calaminthagrandiflora, Rosa pendulina. Cesespèces, plutôt mésophiles, se rencon-trent surtout à des altitudes moyennes àhautes, mais n’indiquent pas forcémentdes stations favorables sur le plan éda-phique.

131

A d a p t a t i o n d e s s a p i n s a u m i l i e u

Fig. 3 : Les Préalpes sèches orientales - le haut Esteron

Fig. 4 : Les Préalpes sèches occidentales. Lure - Ventoux, Rosannais

3. Préalpes sèches centrales :Préalpes de Digne à St Andréles Alpes

Les sapinières occupent ici des ver-sants sur roche calcaire plus ou moinsargileuse, en pendage quelconque,avec intercalations marneuses fré-quentes (Cf. Fig.5). Cette hétérogénéité

fait que les bancs calcaires sont le plussouvent disloqués et ne s’opposent pasà la pénétration racinaire. Ils sont fré-quemment masqués de colluvionscaillouteuses limono-calcaire.

Le tapis végétal ne présente pas decomposition très caractéristique, maisse rapprocherait plutôt de la régionoccidentale (Calamintha grandiflora,

Rosa pendulina). Là encore, la sapi-nière à Buis est localement présente,sur les calcaires les plus compacts.

Des espèces peuvent indiquer desstations mieux alimentées en eau, maisc’est surtout l’abondance des espècesmésophiles à large amplitude (Gera-nium nodosum, Rubus idaeus) quimarquent ces stations plus favorables.

Le s ty p e s d e st a tio nsfore sti è re s

Compte tenu de tout ce qui précède,nous pouvons maintenant proposerune structuration des sapinières entypes de stations forestières, selon lesprincipes suivants :

- Un premier découpage bioclima-tique sépare d’une part les relevéssitués au-dessous de 1300 m en Ubac,des relevés situés au-dessus. Cette

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Fig. 5 : Les Préalpes sèches centrales. Préalpes de Digne à St André lesAlpes.

Photo 5 : Teucrium lucidum en Forêt Domaniale de Clans(06)

Photo C. Nouals /CEMAGREF Aix

Photo 6 : Galium odoratum. Sapinière de la Forêt doma-niale de Boscodon

Photo C. Nouals /CEMAGREF Aix

limite approximative de 1300 m est lalimite supérieure de la plupart desespèces supraméditerranéennes (lesrelevés d’exposition chaude ou inter-médiaires ont été regroupés avec lesaltitudes basses).

- Un deuxième découpage, réalisépour chacun des secteurs géogra-phiques décrits plus haut, classe lesrelevés selon leur niveau hydrique en2 ou 3 groupes différents.

Ce deuxième découpage est fait à lafois sur des critères floristiques, éda-phiques et topographiques, et sa perti-nence est vérifiée, autant que faire sepeut, par la valeur moyenne desindices de fertilité des relevés.

Enfin, une phase de synthèse nous aconduit, pour chacun des trois massifs,à comparer les types de station ainsiobtenus. Nous avons pu constater queles relevés des Préalpes sèches cen-trales sont, au vu des indices de ferti-lité et, dans une moindre mesure, desnotes de santé des houppiers, nette-ment plus productifs que leurs homo-logues. Cela peut s’expliquer par lefait que les substrats y sont souventplus favorables, mais aussi parce quece secteur est le moins "externe" de lazone, et se rapproche des conditionsdes Alpes non méditerranéennes.

Cette mise en parallèle nous aconduit à regrouper en un seul les

types de stations de fertilité équiva-lente, l’appartenance à l’un ou l’autredes massifs constituant simplementune variante géographique.

Les principales caractéristique destypes sont résumées dans le tableau I.

Extr a p o l a tio n a uxp e u p l e m e nts sus c e p ti b l e sd ’ être c o lo n is é sp a r l e Sa p in

En nous appuyant sur ce que nousavons appris de la localisation dessapinières existantes, ainsi que de leurcroissance et état de santé, nous pou-vons maintenant dégager une marche àsuivre pour estimer l’avenir d’unerégénération naturelle de sapin sous unpeuplement d’une autre essence.

1. Localisations à exclure :En ubac en-dessous de 1100 m.Aux autres expositions en-dessous

de 1500 m.Les sapins ont de grandes chances

d’y devenir rapidement dépérissants.

2. Localisations limites sur leplan sanitaire :

En ubac, en-dessous de 1300 m.En condition topo-édaphique défa-

vorable, ou en exposition chaude, au-dessous de 1500 m.

La sapinière pourra s’installer defaçon pérenne, mais les arbres aurontune faible durée de survie. Ces locali-sations, en conditions limites pour-raient en outre devenir des foyers depropagation du gui du sapin.

Remarque : les stations présentantdes compensations hydriques favo-rables en-dessous de 1300 m en ubac(type IM) peuvent avoir un bon niveaude productivité, mais restent fragilessur le plan sanitaire. L’objectif deproduction y est possible, à conditionde choisir un âge d’exploitabilité bas(80 - 100 ans).

3. Localisations possibles sansobjectif de production :

- Lure, Ventoux, Rosannais, en ubacau-dessus de 1300 m, en conditions

133

A d a p t a t i o n d e s s a p i n s a u m i l i e u

Tab. I : Les types de stations forestières dans les Préalpes sèches

topo-édaphiques défavorables ouneutres (types MX et MMX),

- Tous secteurs en adret au-dessusde 1500 m.

Dans ces conditions, les sapins ontune croissance très lente, et une formesouvent très défectueuse, mais ils peu-vent vivre très longtemps. Les sapi-nières existantes dans ces conditionsont d’ailleurs souvent une haute valeurpatrimoniale (peuplements reliques,niveau de biodiversité élevé).

4. Localisations possibles avecobjectif de production :

En ubac, au-dessus de 1300 m- Haut Esteron, Lure, Ventoux,

Rosannais, en conditions topo-éda-phiques favorables (type MM),

- Préalpes de Digne, en conditionstopo-édaphiques neutres à favorables(types MM et MMH).

D.N.

Bi b li o g r a p h i eBARBERO M. et QUEZEL P., 1975 - Les

forêts de Sapin sur le pourtour méditer-ranéen, Anal. Inst. Bot. Cavanilles.XXXII (2), 1245-1289.

DELPECH. R., DUME G., GALMICHEP., 1985 - Vocabulaire typologie des sta-tions forestières - IDF.

NOUALS D., 1997 - Autécologie du Sapinpectiné et typologie des stations fores-tières sous sapinières. Rapport d’étudeintermédiaire, ONF - PACA, CelluleRégionale d’Appui Technique, 72 p.

ONF, 1995 - Le Sapin pectiné en régionPACA (résumé) 12 p. + annexes.

OZENDA P., 1981 - Végétation des Alpessud-occidentales, Notice détaillée desFeuilles 60 Gap- 61 Larche- 67 Digne-68 Nice- 75 Antibes. Edition du CNRS,Paris, 258 p.

OZENDA P., 1985 - La végétation de lachaîne alpine - MASSON 243 p.

RAMEAU J.C., 1992 - Dynamique de lavégétation à l’étage montagnard des Alpesdu sud. Première approche d’une typolo-gie des hêtraies et hêtraies-sapinières. Lesapplications possibles au niveau de la ges-tion. R.F.F., XLIV, 393-413.

RIPERT C., NOUALS D., 1988 - Proposi-tion de découpage interrégional en sec-teurs écologiques homogènes dans lazone méditerranéenne française - Cema-gref, 44 p. + annexes.

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Photo 8 : Sapin pectiné, F.D. Clans (06)Photo C. Nouals /CEMAGREF Aix

Photo 7 : Lonicera alpigena. Sapinière de la Forêt domaniale de BoscodonPhoto C. Nouals /CEMAGREF Aix

RésuméLa Cellule régionale d’appui technique del’O.N.F. réalise actuellement une étude detypologie des stations forestières soussapinière et d’autécologie du Sapin pec-tiné sur l’ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.Les résultats présentés ici concernent uni-quement les parties de la région où leSapin pectiné est présent à l’état naturel,et dont le climat présente de nettesinfluences méditerranéennes : chaînes del’Esteron, Préalpes sèches de Castellane àGap.Dans ces zones, le sapin n’occupe que defaibles surfaces, îlots relictuels de peuple-ments surexploités au cours des siècles.Avec la remontée biologique généraleobservée actuellement, le sapin fait preuvede beaucoup de dynamisme et envahit sou-vent les peuplements existant à proximitédes sapinières (hêtraies, pinèdes syl-vestre). Tous les milieux ainsi colonisés nesont pas forcément aptes à porter des sapi-nières adultes pérennes, et il est nécessairede connaître les seuils (altitude, exposi-tion, réserve hydrique du sol, etc.) au delàdesquels une jeune régénération naturelleest sans avenir.L’étude des sapinières existantes, de lacroissance et de l’état sanitaire des sapins,permet d’obtenir des éléments transpo-sables aux peuplements susceptibles d’êtrecolonisés, pour évaluer les possibilitésd’extension du Sapin pectiné dans les Pré-alpes sèches.Les résultats présentés ici :* structurent les sapinières en types de sta-tions forestières à partir des divers élé-ments décrivant le milieu (climat, substrat,tapis végétal),* présentent les facteurs du milieu auquelle sapin est le plus sensible, tant sur leplan de la croissance que sur celui del’état sanitaire général.Ces résultats doivent permettre ainsi dediagnostiquer si une régénération natu-relle de sapin sous hêtraie ou sous pinèdesylvestre :* ne pourra constituer une sapinièrestable,* pourra devenir une sapinière pérenne,mais peu productive ou à faible durée desurvie,* constituera un peuplement sain et pro-ductif.

Summary

The National Forestry Commission’sregional technical back-up group is cur-rently carrying out a study of the typologyof forest areas under fir and the specificecology of the common silver fir throu-ghout the Provence-Alpes-Côte d’Azurregion of south-east France.The results presented here concern onlythose areas where the common fir is natu-rally present and whose climate showsdefinite Mediterranean influences : theEsteron range and the Pre-alps rangefrom Castellane to Gap.In these areas, the fir occupies only verysmall zones, all that has survived of centu-ries of over-use of the fir woods there.Given the evidence of its present biologi-cal resurgence, the fir has shown proof ofa dynamic nature, frequently invadingneighbouring stands (beechwoods, Scotspine). All such colonised areas are notnecessarily suitable for long-lasting adultfir forest and there is clear need for identi-fying the limits (altitude, exposition, soilmoisture etc…) beyond which naturalregeneration offers no perennial future.The study of existing fir forest, tree growthand state of health has revealed informa-tion relevant to an appraisal of otherwoodland likely to be invaded and, thus,gives an insight into the possible extensionof common fir stands in the dry alpine foo-thills (Préalpes).The results presented here :* give a structured typology of forest loca-tions under fir, basing classification onaspects of habitat (climat, soil, plantcover…)* state those environmental factors towhich the fir is most sensitive, in respect toboth growth and general state of health.These results should enable those respon-sible to forecast the outcome of a naturallyregenerated stand of firs under beech orScots pine :* it will fail to become a stable fir forest* it will survive as an ongoing forest, butwith low productivity or short life expec-tancy* it will end up as a productive, healthy firwood.

RiassuntoL’abete bianco nelle prealpi secche : eco-logia, crescita, stato sanitarioLa Cellula regionale di appoggio tecnicodell’O.N.F. realizza attualmente uno stu-dio di tipologia delle stazioni forestalisotto abetaia e di autecologia dell’abetebianco sull’insieme della regione Pro-venza, Alpi, Costa Azzurra.I risultati presentati qui riguardano unica-mente le parti della regione dove l’abetebianco è presente allo stato naturale, e dicui il clima presenta influenze mediterra-nee chiare : catena dell’Esteron, Prealpisecche da Castellane fino a Gap.In queste aree, l’abete occupa soltantodeboli superficie, isolati residuali di popo-lamenti sovrasfruttati durante i secoli.Colla risalita biologica generale osservataattualmente, l’abete da prova di moltodinamismo e invade spesso i popolamentiche esistono nelle vicinanze delle abetaie(faggete, pinete a pino silvestre). Tuttiquesti ambienti così colonizzati non sononecessariamente adatti a portare abetaieadulte perenni, ed è necessario conoscerele soglie (altitudine, esposizione, riservaidrica del suolo, ecc…) aldilà dei qualiuna rigenerazione naturale giovane èsenza futuro.Lo studio delle abetaie esistenti della cres-cita e dello stato sanitario degli abeti, per-mette di ottenere elementi che si possanotrasporre ai popolamenti suscettibili diessere colonizzati, per valutare le possibi-lità di estensione dell’Abete bianco nellePrealpi secche.I risultati presentati qui :• Strutturano le abetaie in tipi di stazioniforestali partendo di vari elementi che des-crivono l’ambiente (clima, substrato, tap-peto vegetale),• presentano i fattori dell’ambiente alquale l’abete è più sensibile, tanto sulpiano della crescita quanto su quello dellostato sanitario generale.Questi risultati devono permettere così didiagnosticare se una rigenerazione natu-rale di abete sotto faggeta o sotto pineta apino silvestre :• non potrà costituire un’abetaia stabile,• potrà diventare un’abetaia perenne, mapoco produttiva o di breve durata disopravvivenza,• costituirà un popolamento sano e produt-tivo.

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A d a p t a t i o n d e s s a p i n s a u m i l i e u

t. XIX, n° 2, mai 1998