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___________________________________ à_d_ét_a_ch_e_r_ Les ondes électromagnétiques Faut-il en avoir peur? Faut-il avoir peur des ondes électromagnétiques émises par les téléphones portables, par les modems Wifi et par les antennes relais? La com- munauté scientifique est divisée sur l'impact sanitaire de la même manière qu'elle se trouvait divisée dans les années 1980 face aux dan- gers de l'amiante ou dans les années 1990 face aux chan- gements climatiques Le 5 avril, Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a annoncé la création d'un observatoire national s~r la ondes électromagnétiques à l'occasion du 37" congrès de France Nature En- vironnement. Pourtant, sa collègue Fleur Pellerin, ministre déléguée au re- dressement productif chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique avait qualifié en janvier de « peurs irrationnelles» la crainte des effets sanitaires nocifs des ondes élee- tro magnétiques. C'était la veille de l'examen par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi déposée par Laurence Abeille (EELV) pour la réduc- tion des expositions aux ondes élec- tromagnétiques. Des opérateurs rassurants Tous les opérateurs de télépho- nie mobile ainsi qu'une partie de l'establishment scientifique nient ou minimisent les effets sani- taires dangereux des ondes élec- tromagnétiques. En France, par exemple, l'Académie de médecine af- firmait en 2009, dans un rapport ré- digé par le professeur André Aurengo, ancien membre du conseil scientifique de Bouygues T élécom, que les ondes électo magnétiques n'avaient pas d'im- pact sanitaire nocif. Le professeur Aurengo, polytechnicien, chef du service de médecine nucléaire à l'hôpital de la Saipétri ère définit aussi l'électro hypersensibilité comme une maladie d'origine psychosomatique. En janvier, à l'occasion du débat à l'As- semblée nationale, l'Académie de mé- decine a dénoncé « une utilisation abu- sive et trompeuse du principe de précaution» et a manifesté son oppo- sition au projet de loi en affirmant que « réduire l'exposition aux ondes des antennes relais n'est pas justifié scienti- fiquement». L'étude internationale Interphone menée par 21 chercheurs du monde entier, publiée en 2010 et conduite pen- dant dix ans sur 13 pays a conclu à l'ab- sence de preuves suffisantes d'effet des téléphones portables sur la santé. Ce même groupe va mener une étude sur l'impact des ondes sur une population jeune. www.iarc.(r/enlmediacentrelpr/20 1OlpdfSlpr200EPd[ liaison n0152 . Avril 2013

à d ét a ch e r Les ondes électromagnétiques · Faut-il avoir peur des ondes électromagnétiques? Mise en garde des médecins Des médecins et des scientifiques français et

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Les ondes électromagnétiques

Faut-il• •en avoir

peur?Faut-il avoir peur des ondesélectromagnétiques émisespar les téléphones portables,par les modems Wifi et parles antennes relais? La com-munauté scientifique estdivisée sur l'impact sanitairede la même manière qu'ellese trouvait divisée dans lesannées 1980 face aux dan-gers de l'amiante ou dans lesannées 1990 face aux chan-gements climatiques

Le 5 avril, Delphine Batho, ministre del'écologie, du développement durable

et de l'énergie a annoncé la créationd'un observatoire national s~r la

ondes électromagnétiques à l'occasiondu 37" congrès de France Nature En-vironnement. Pourtant, sa collègueFleur Pellerin, ministre déléguée au re-

dressement productif chargée desPME, de l'innovation et de l'économie

numérique avait qualifié en janvier de« peurs irrationnelles» la crainte deseffets sanitaires nocifs des ondes élee-tro magnétiques. C'était la veille del'examen par l'Assemblée nationale

d'une proposition de loi déposée parLaurence Abeille (EELV) pour la réduc-

tion des expositions aux ondes élec-tromagnétiques.

Des opérateurs rassurants

Tous les opérateurs de télépho-nie mobile ainsi qu'une partie del'establishment scientifique nientou minimisent les effets sani-taires dangereux des ondes élec-tromagnétiques. En France, parexemple, l'Académie de médecine af-firmait en 2009, dans un rapport ré-

digé par le professeur André Aurengo,ancien membre du conseil scientifique

de Bouygues T élécom, que les ondesélecto magnétiques n'avaient pas d'im-

pact sanitaire nocif.Le professeur Aurengo, polytechnicien,chef du service de médecine nucléaire

à l'hôpital de la Saipétri ère définit aussi

l'électro hypersensibilité comme unemaladie d'origine psychosomatique. Enjanvier, à l'occasion du débat à l'As-

semblée nationale, l'Académie de mé-

decine a dénoncé « une utilisation abu-sive et trompeuse du principe de

précaution» et a manifesté son oppo-sition au projet de loi en affirmant que« réduire l'exposition aux ondes desantennes relais n'est pas justifié scienti-

fiquement».L'étude internationale Interphonemenée par 21 chercheurs du mondeentier, publiée en 2010 et conduite pen-dant dix ans sur 13 pays a conclu à l'ab-

sence de preuves suffisantes d'effet des

téléphones portables sur la santé. Cemême groupe va mener une étude surl'impact des ondes sur une population

jeune.

www.iarc.(r/enlmediacentrelpr/20 1OlpdfSlpr200EPd[

liaison n0152 . Avril 2013

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Faut-il avoir peur des ondes électromagnétiques?

Mise en garde des médecinsDes médecins et des scientifiquesfrançais et internationaux sans lienavec l'industrie accumulent de leurcôté les mises en garde. En France, 2500 médecins réunis dans l'Associationsanté environnement (ASEF)ont adresséle 8 octobre 2012 une lettre ouverte àtous les députés et sénateurs pour leurdemander de fixer par la loi des condi-tions d'implantation des antennes relaisplus respectueuses de la santé publique.L'Agence française de sécurité sanitairede l'environnement et du travail (AFS-SET) dans son rapport du 16 octobre2009 recommandait d'agir malgré lesincertitudes pour réduire les expositionsdu public aux radios fréquences.L'Institut national de l'environnement desrisques industriels (INERIS) a publié le 4

avril les résultats d'une étude menéeconjointement avec l'Université JulesVernes de Picardie montrant les effetssur la santé de jeunes rats des rayonne-ments électromagnétiques produits, parexemple, par les antennes relais: pertur-

'" bation de la régulation thermique, dusommeil paradoxal (période du rêve), del'appétit.Le groupe international derecherche Bioinitiative, composé de29 médecins et de chercheurs d'universi-tés de 10 pays, américaines (Harvardmedical school, Columbia) canadiennes(McGill) danoises, indiennes, autri-chiennes, suédoises, etc, a étudié 1800publications scientifiques. Il a publié endécembre 2012 un rapport alarmant surles dangers pour la santé des technologiessans fil : impact sur la fertilité, sur la bar-rière hémato-encéphalique et risqueaccru de cancer du cerveau . Déjà en2007, le premier rapport Bioinitiative met-tait en garde les usagers des téléphonesportables: www.bioinitiative.org

Dès 2003 les réassureurs mondiaux se sontdégagés de la couverture en matière detéléphonie mobile et de sa familletechnique.

On avait assisté dans les années 1930 au même désenga-gement pour l'amiante. En 2003, dans un article intitulé« Les assureurs se désengagent» le journal le Figaro écrivait:«Après les Lloyds de Londres et Swiss Ré, la plupart des réas-sureurs mondiaux ont exclu de leurs garanties les aléas deschamps magnétiques et autre radiations émises par les télé-phones portables et les antennes relais ».

Première à prendre cette décision, la compagnie de réas-surance LLOYD'S faisait suite à un rapport d'expertisequ'elle avait commandé. Elle a été suivie par les autrescompagnies de réassurance. Or les opérateurs ont l'obli-

gation légale d'être assurés. Dans les polices d'assurancecourantes, notamment celles d'Axa, on lit fréquemmentque font partie des exclusions générales les dommages detoute nature causés par l'amiante, les champs et ondesélectromagnétique, l'utilisation ou la disséminationd'OGM.

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Faut-il avoir peur des ondes électromagnétiques?

La vigilance des organismesInternationaux

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déjà jouer leur version du principe de pré-caution ».

En 1999 et en 2008, le Parlementeuropéen constatait que les limitesd'exposition aux ondes électromagné-tiques sont obsolètes et préconisait l'ap-plication du principe « Alara » (as low asreasonablyachievable).Dans un rapport du 13 février 2009, ilsouligne que « le Parlement est vivementinterpellé par le fait que les compagniesd'assurances tendent à exclure les risquesliés aux ondes électromagnétiques despolices de responsabilitécivile, ce qui signifie àl'évidence que lesassureurs euro-péens font

Le Conseil de l'Europe a préconiséen 201 1 l'application du principe de pré-caution et du principe « Alara » : « Leprincipe de précaution devrait s'appliquerlorsqùe l'évaluation scientifique ne permetpas de déterminer le risque avec suffisam-ment de certitude - d'autant que, comptetenu de l'exposition croissante des popula-tions, le coût économique et humain del'inaction pourrait être très élevé si les aver-tissements précoces étaient négligés ».

L'OMS (Organisation Mondiale dela Santé) a classé le 31 mai 20 Il lesradios fréquences venant des téléphonesportables, des antennes relais, de laWifiou des compteurs intelligents comme« potentiellement cancérigènes ».

Expérimentationen Ile-de-France

A la suite du Grenelle des Ondesen 2009, une expérimentation del'abaissement des puissances émisespar les antennes relais a été mise enplace à Courbevoie-La Défense(92), sur le territoire de PlaineCommune-Saint-Denis (93) ainsique dans les 14e et ISe arrondisse-ments de Paris, afin d'évaluer dansquelle mesure il serait possible dediminuer l'exposition de la popula-tion aux ondes électromagnétiquesen abaissant la puissance d'émissiondes antennes-relais à 0, 6V/m.Ce seuil, fonctionne sans dégrada-tion de la qualité du service dans laville de Salzbourg en Autriche. Ilestrecommandé par le Conseil de l'Eu-rope au nom du principe de pré-caution.Mais iln'est pas accepté par les opé-rateurs. Ils affirment qu'il leur fau-drait faudrait multiplier par trois lenombre des antennes à Paris pourêtre efficaces. Bernard Celli, direc-teur de la stratégie à l'AgenceNationale des fréquences, craintque « ça ne renchérisse considéra-blement le prix des abonnements»Les opérateurs excluent égalementde mutualiser les antennes relais cequi multiplie leurs installations.Les associations demandentsur ce sujet l'intervention desautorités publiques pour lacréation d'un réseau communcomparable à Réseau ferré deFrance pour le rail et à ERDFpour l'électricité.

La carte des antennes relais setrouve sur le site de l'agence natio-nale des fréquences:www.cartoradio.fr

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Faut-il avoir peur des ondes électromagnétiques?

Depuis une douzaine d'années, l'installa-tion des antennes relais dans les grandesvilles est théoriquement contrôlée parles municipalités. Des chartes avec lesopérateurs ont été signées, en particulierà Paris. Malheureusement, la politiqued'aménagement urbain l'a emporté sur laprise en compte des impératifs de santépublique.

Le triomphe des opérateurs à Paris

En 2009, la Ville de Paris a organisé laconférence « Ondes, Santé, Société ».Treize habitants de la capitale ont renduun avis après avoir reçu une formationintensive sur les ondes électromagné-tiques. Leurs recommandations préconi-saient la mutualisation de tous lesopérateurs pour l'installation des an-tennes ; l'usage privilégié du réseau filaireet un abaissement des seuils d'émissiondes antennes à 0,6V/m. Cette recom-mandation a été suivie par un vœuadopté à l'unanimité par le Conseil deParis en 201 1.

Une charte sur les antennes relais. a fait<',

l'objet de négociations entre la Mairie deParis et les opérateurs. Les associationsavaient accepté de participer à cette né-gociation.Après un an de négociations avec lesopérateurs, le Conseil de Paris a finale-ment approuvé le 16 octobre 2012 la si-gnature d'une nouvelle charte detéléphonie mobile. Mais l'accord trouvén'a 'pas permis d'atteindre l'objectif d'unseuil à 0,6V/m demandé par les associa-tions : l'accord limite l'exposition auxondes à SV/m pour la 3G et à 7V/M pourla4G.René Dutrey, adjoint (EELV) au dévelop-pement durable de Paris, chargé de l'en-vironnement et du plan climat et élu du14e arrondissement est persuadé que« la mutualisation des réseaux est l'ave-nir. Cela permettrait d'abaisser la puis-sance des émissions à O,6V/M ». Parailleurs l'article prévoyant un réseauunique des opérateurs a été suppriméde la charte.

Concurrencesauvage dans le 18e

arrondissement

Free, dernier venu des opérateurs detéléphonie mobile a annoncé en févriersa décision d'implanter de nouvellesantennes dans le quartier Porte Mont-martre-Porte de Clignancourt, en par-ticulier boulevard Ney, dans le 18e

arrondissement. Orange veut aussi ins-taller six nouvelles antennes dans lequartier, en particulier boulevard Ney.

Une pétition rassemblant 2 000 signa-tures contre les nouvelles antennesd'Orange, des opérations commandopour en empêcher la pose, n'ont pasobtenu de résultats.Pendant une réunion de concertation,organisée par la mairie du 18e le 13février, en présence d'une représen-tante de Free, les habitants se sontplaints d'être mis au pied du mur et den'avoir pas été informés. En particulierles locataires des HLM dans lesquelsles bailleurs sociaux se sont contentésd'apposer une affichette près de la logedu gardien.

12Dossier réalisé par Catherine Reinaud. Comité de sauvegarde de la Haute vallée de Chevreuse

lOFE,54 avenueEdison,75013 Paris, 1 01 45 82 42 34 1 idfe,[email protected] www,idfe.org