A la rencontre du lambiUn reportage d’Alex Plorateur

Notre petit reporter Alex Plorateurvous livre en exclusivité sa rencontreavec le lambi.

Ce ne fut pas simple. Après avoir cher-ché l’animal partout, sans succès, je mesuis assis, dans l’eau du lagon, les piedsdans les algues, en me demandant ce quej’allais bien pouvoir raconter sur lui.

Voyons, c’est un grand coquillage dontl’intérieur est nacré de rose. Dans lescimetières (10), il décore encore certainestombes. Pendant le carnaval, on l’utili-se parfois comme instrument demusique(9).

Notre petit reporter vous livre en exclusivitésa rencontre avec le lambi.

Fiche technique:

Le lambi est un mollusque : son corps, sans squelette estmou, alors il le protège avec une coquille. C’est aussi ungastéropode, comme l’escargot, un nom bien savant quiveut dire « estomac sur pattes » ! Son corps suit les spiralesde sa coquille et y est attaché par un muscle.

1. Epines2. Apendice du tentacule3. Bouche4. Tentacule avec l’œil à l’extrémité5. Manteau : peau orangée plaquée contre la coquille6. Pied7. Lèvre ou pavillon8. Opercule attaché au bout du pied

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9. Coquille de lambi utilisée comme instrument de musique10. Lambi décorant une tombe11. Bien sûr, le lambi se mange

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Et bien sûr, le lambi se mange(11). J'ai vu grand-mère et tante Suzette battre sa chair blanche et brillante pour la rendre tendre. Grand-mère préfère le lambi pêché en Guadeloupe à celui congelé et importé ; mais il est vrai-ment trop cher et on n'est jamais sûr d'en avoir.Eh bien, ça ne m'étonne pas. Je com-mençais sérieusement à me demander s'il y en avait encore dans ce pays !J'en étais là, quand un petit rocher cou-vert d'algues m'a tapoté le pied : un lambi en tenue de camouflage !

«Bonjour, jeune homme, alors tu veux faire un reportage sur le lambi ? Professeur Strombus gigas pour te ser-vir, mais ne t'avise pas d'essayer de m'emporter chez toi pour faire plaisir à ta grand-mère !»

«Giga méga top ! Un lambi ! Dites-moi, professeur Strombus, où est-ce que vous habitez, vous autres les lam-bis ? Je vous ai cherchés dans tous les coins, sans résultat.»

«Ah, ha, nous vivons dans les herbiers.»

«Les herbiers ? C'est quoi ça ? Le seul herbier que je connaisse, c'est l'espèce de classeur dans lequel on colle des plantes séchées !»

«Hi hi hi, mais non, un herbier c'est aussi une sorte de plage sous l'eau sur laquelle poussent des herbes marines qui forment une prairie.»

«Mais, dans ces prairies, il n'y a que de l'herbe, qu'est-ce que vous mangez alors ?»

«Eh bien de l'herbe ! En fait, grâce à une râpe située dans la bouche, les lam-bis raclent les parties tendres de cer-taines algues et le film de bactéries et de microscopiques algues qui se déve-loppent sur les herbes et sur les grains de sable. Ce qui signifie qu'il faut une grande quantité d'herbe pour nourrir un lambi adulte.»

«Ah, d'accord. Autre chose, est-ce que vous pouvez sortir de votre coquille ?»

«Ha, ha, ha, non, pour rien au monde je ne laisserais ma coquille pour aller faire bronzette sur la plage comme vous ! C'est ma maison, gamin, j'y suis en sécurité et elle a grandi avec moi.»

«Ah bon ? Comment ça ?»

«Une partie de mon corps, appelé le manteau, sécrète un liquide qui durcit pour former la première couche d'une nouvelle spirale, plus grande. En addi-tionnant les couches les unes sur les autres, j'obtiens un nouveau tour à ma coquille (a)(13a). Maintenant que j'ai atteint l'âge adulte, je ne développe plus de nouvelles spirales, mais je fabrique une levre de plus en plus épaisse (b)(13b).»

«Dites moi, il y a encore une chose que je ne comprends pas. Vous n'avez pas de belles épines et une splendide lèvre rose comme celles des lambis qu'on voit parfois chez les marchands de souvenirs.»

«Ah, mon petit bonhomme, je me fais vieux. A force de bourlinguer dans le sable, d'affronter les tempêtes et les prédateurs, mes épines se sont usées et ma coquille s'est épaissie et couverte de ces algues qui, certes, me camouflent mais fragilisent aussi ma coquille. Tu vois, gamin, je suis un vieux grand-père maintenant avec mes 6 ans d'âge. C'est un peu pour ça que j'ai accepté de répondre à tes questions : pour te transmettre ce que je sais.»

«Merci. Mais, ça a l'air plutôt cool d'être un lambi, vous passez vos jour-nées à manger et à vous prélasser dans l'eau tiède.»

«Oh, détrompe toi, petit. Dans le camouflage de grains de sable qui entoure les oeufs, nous sommes à peu près à l'abri des voraces qui peuplent la mer. Mais une fois éclos, nous sommes à la merci des innombrables mangeurs de plancton. Ce n'est pas avec nos ridi-cules petits cils qu'on peut espérer nager à toute vitesse pour leur échap-per !Enfouis dans le sable, c'est déjà mieux mais ensuite, dans les herbiers, le dan-ger nous guette en permanence car bien

(Suite page 4)

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13.AT T E N T I O N

Ces individus sont dangereux, ils dévorent

les jeunes lambis12. Lambi karaté ka face à un escargot de mer13. evolution de la coquille du lambi

Jeune lambi

(a)(b)

Lambi âgé

Bernard-l’Ermite

Baliste et Capitaine

Crabe

Langouste

des prédateurs sont capables de nous dévorer.»

«Mais il faut vous défendre !»

«Oh, j'ai bien une porte blindée (l'opercule) pour m'enfermer à double tours dans ma coquille ; mais elle s'ajuste mal alors ce n'est pas toujours très efficace. D'ailleurs, je crois que je vais faire une réclamation pour qu'on me la change, ça ne va vraiment pas !Je pourrais aussi m'enfuir ; mais tu avoueras que courir avec un seul pied ce n'est pas facile. Par contre, face à certains prédateurs, je peux sortir le grand jeu du lambi karaté ka !» (12)

«Qu'est-ce que c'est que ça ?»

«Je vais t'expliquer. Quand je suis face à l'escargot de mer - un mangeur de

viande et lointain cousin - je peux prendre appui sur ma coquille et lui décrocher un coup de pied en pleine figure puis je me barricade tout au fond de ma coquille !»

«Whaou, dites donc, trop top ce coup de karaté ! Et maintenant que vous êtes adulte avec votre épaisse coquille et votre camouflage, vous ne craignez plus personne !»

«Oh que si, jeune homme. J'ai eu beau-coup de chance jusque là. Je dois, néan-moins, encore me méfier des chatrous, des tortues caouanne et de certaines raies qui dégusteraient bien volontiers ma chair. Et puis, il y a vous, les hommes, nos plus terribles prédateurs !»

Respectez les règles suivantes :La pêche au lambi est réservée aux pêcheurs professionnels

1 - on ne pêche pas de lambis de février à septembre ;

2 - on ne pêche que des lambis adultes : ceux qui ont une lèvre bien développée et épaisse ;

3 - on ne pêche pas de lambis jeunes : ceux qui ont le bord de la coquille mince et coupant ; ils n’ont pas eu le temps d’avoir des petits ;

4 - on laisse des adultes dans la mer pour être sûr d’avoir des lambis l’année suivante.

Protégez les herbiers et respectez les réserves marines qui les abritent.

Refusez d’acheter du lambi si le vendeur met plus de 4 lambis dans la balancepour faire un kilo : un lambi adulte doit peser au moins 250 g.

A T T E N T I O NP R E DAT E U R S

Homme

Chatrou

Raie

Tortue caouane

«Comment ça ?»

«Vous êtes trop gourmands. Autrefois, il y avait beaucoup de lam-bis. Chacun en mangeait de temps en temps, comme un repas de fête. Puis de plus en plus de gens ont voulu en man-ger et de plus en plus souvent. Les pêcheurs se sont mis à pêcher les lam-bis avant qu'ils soient des adultes. Du coup d'année en année, les lambis sont devenus de plus en plus rares puisque les lambis pêchés n'avaient pas eu le temps d'avoir des bébés.»

«Ah oui, je vois, c'est comme si, dans un troupeau de vaches, on mangeait tous les veaux sans en laisser grandir quelques uns qui feront à leur tour des veaux.»

«Exactement ! Et c'est ce qui est arrivé en Floride, aux États-Unis. Les lambis ont tout simplement disparu. On a essayé de les élever en laboratoire, mais les bébés lambis relâchés dans les her-biers ne savaient pas se cacher et se sont, donc, tout de suite, faits manger par les prédateurs. En plus, comme les lambis aiment la compagnie, les bébés relâchés ont beaucoup de mal à vivre dans un milieu où il n'existe plus de lambis.»

«Mais alors, que peut-on faire pour vous aider ? »