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A propos de syntagme et synthème Author(s): Mortéza Mahmoudian Source: La Linguistique, Vol. 11, Fasc. 1 (1975), pp. 51-73 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30248276 . Accessed: 15/06/2014 08:39 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.126.118 on Sun, 15 Jun 2014 08:39:30 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

A propos de syntagme et synthème

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A propos de syntagme et synthèmeAuthor(s): Mortéza MahmoudianSource: La Linguistique, Vol. 11, Fasc. 1 (1975), pp. 51-73Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30248276 .

Accessed: 15/06/2014 08:39

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A PROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHEME

par Mortiza MAHMOUDIAN

I. - LIMINAIRES

Le problkme que pose le classement des divers groupements d'unites significatives est connu de longue date, et les grammaires traditionnelles y apportent une solution intuitive en distinguant entre syntaxe et formation des mots. Dans son article << Syntagme et synthbme a1, Andrd Martinet se propose d'expliciter cette intuition et de fournir des definitions dont decoulent des critbres operationnels pour distinguer entre synthtmes (composes et

deriv6s) et syntagmes. Nous nous proposons d'examiner ici la

port6e et les limites de ces definitions et de ces crittres. Le probl6me peut &tre pos6 de la fagon suivante2 : le signe lin-

guistique 6tant la combinaison d'un signifiant avec un signifi6, le moneme peut &tre defini comme la plus petite unitd doude d'une expression phonique et d'un contenu semantique. En appliquant a la lettre cette definition, on doit reconnaitre l'existence de plus d'un mondme dans les segments de I) au meme titre que dans ceux de 2) :

(I) chercheur, fumeur, lIve-tdt et lave-glace; (2) mange-ait et travaille mal.

En effet, les constituants de ces complexes entrent tous dans d'autres combinaisons o0i ils apportent le meme effet de sens.

Par ailleurs, toute unite - qu'elle soit distinctive ou signifi- cative - est definie par le choix qu'elle implique au sein de l'unit6

I. Cf. La linguistique, 1967, 2, p. 1-14. 2. Ce r6sume est fait ' partir de A. MARTINET, Eliments de linguistique gendrale, Paris, Colin, 1967 ; MARTINET, Langue etfonction, Paris, Denotl, 1969, et << Syntagme et syn- theme >>, cit6 ci-dessus.

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sup6rieure. L'identification du mondme doit donc tre effectude dans le cadre de la phrase ou, en simplifiant quelque peu, dans le cadre d'une fonction determinde.

Si l'on plagait les exemples ci-dessus dans des phrases, on se rendrait vite compte des diff6rences considerables que presente le choix des constituants pour chaque complexe. Dans c'est un grand chercheur, une fois cherch (e) choisi, -eur est le seul el6ment possible; en outre, la presence de -eur est indispensable 'a l'integrite de la

phrase. -eur n'impliquant pas de choix, n'a pas le statut d'unit6

independante dans ce contexte. Cette restriction du choix des constituants se manifeste de fagon variable dans le cas des trois autres complexes de (i), quand ceux-ci sont places dans le contexte (3). (3) c'est un...

En revanche, si l'on place les complexes (2) dans une phrase, par exemple dans le contexte (4), chacun des constituants sera commutable avec toute une serie d'elements : -ait commute avec -ra, -rait, a... , etc.; mal avec beaucoup, encore, plus, etc.; mange et travaille avec march(e), nag(e), chant(e), etc.

(4) Ce garfon... aujourd'hui.

I1 convient de noter que l'ensemble des rigularitis digagdes pour mang (e) et travaill (e) vaut aussi pour fum (e), cherch (e), de (i) quand ceux-ci sont places dans le contexte (4). Mais aucune d'entre elles n'est valable pour ces memes monemes (fum(e) et cherch(e)...) dans le contexte (3). Si maintenant on rapprochait les complexes (i) du segment garfon, on verrait qu'ils sont bien commutables : ce chercheur mangeait aujourd'hui; ce lIve-tot travaille aujourd'hui, etc.

Tout semble indiquer qu'on a affaire a deux types bien dis- tincts de combinaisons de monemes dans I) (= synthbme) et 2) (= syntagme). Quelles sont les caractiristiques qui les distinguent ?

La rdponse de Martinet peut tre resumbe comme suit : toute description linguistique vise a degager quels sont les enoncis possibles dans une langue, et quelles combinaisons de monemes sont exclues. En d'autres termes, l'analyste essaie de dicrire les latitudes dont dispose le locuteur, et les contraintes auxquelles il est soumis. Toute unite impliquant un choix, on a autant d'unites

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A PROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHEME 53

dans un segment de la chaine qu'il y a de choix possibles. Dire qu'un segment consiste en une unite dans un contexte, mais en deux (ou plusieurs) dans un contexte diff6rent, n'est qu'une fagon de formuler les restrictions que subissent certains choix sous la pression du contexte. La consequence du choix unique est le comportement unitaire du complexe (synthbme) : il apparait dans les memes contextes qu'un moneme, et suit les memes regularit6s combinatoires. Et, de ce fait, les synthemes occupent une position intermidiaire entre syntagme et moneme. Les assemblages de monemes qui menent aux synthbmes reposent sur un type diff6rent d'activite linguistique : creation (ou expansion) paradigmatique (ou lexicale), distincte de la combinaison (ou expansion) syntag- matique qui est combinaison libre de monemes. Ces traits defini- toires sont obtenus a partir des considerations gendrales, indd- pendantes de la structure des langues particuli'res, et valent donc pour toutes les langues. Dans le cas d'une langue d6termin6e, d'autres criteres, sp6cifiques, ceux-ci, seraient a rechercher. Nous examinons d'abord les critbres g6neraux de distinction entre syntheme et syntagme, a savoir : choix, expansion paradigmatique, comportement unitaire.

II. - CHOIX

Comme il ressort des Eldments, a 2. 19-20, le choix est le rapport qui relie les membres d'un paradigme. Implique un choix tout

dment qui figure dans une phrase, mais qui aurait pu ne pas etre ai, c'est-a-dire, etre remplace par un autre eldment ou etre supprime tout simplement. II faut en outre que ce remplacement ou cette suppression (commutation) entraine une modification dans la phrase. Au niveau des monemes, le choix implique que :

(5) une fraction du signifiant de la phrase doit etre remplagable ou supprimable;

(6) cette suppression ou ce remplacement entraine une modifi- cation dans le sens de la phrase;

(7) cette operation n'altbre pas la structure de la phrase, c'est-a- dire : a) la suite resultante sera une phrase; b) l'identite et les rapports des monemes restent les memes

avant et apres l'operation.

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54 MORT&ZA MAHMOUDIAN

L'application stricte de cette definition nous conduit a admettre l'unicite du choix dans proviseur. Dans le contexte (3), l'absence de l'un ou l'autre des deux segments, provis- et -eur aboutit B une suite non-phrase, ne satisfait pas la condition (7 a); ni provis-, ni -eur

n'impliquent un choix independant. Il n'en est rien de couche-t6t, oh les segments sont tous deux commutables dans le meme contexte : c'est un couche-tard, c'est un ive-tOt. Ni non plus d'auto- route. C'est une autoroute / c'est une auto; c'est une route. Ni enfin de chemin de fer. Cf. c'est un chemin de fer; c'est un bras de fer; c'est un chemin de terre. Force nous est de reconnaltre que proviseur du point de vue du crit6re de choix se comporte autrement que couche-tOt, autoroute, chemin de fer. Si dans le cas de ces derniers on parle de choix unique, c'est sans doute que le terme << choix >> a une accep- tion diffdrente de celle dont nous sommes partis. Notons que le critbre de choix ne semble pas avoir une grande importance dans la distinction entre syntagme et syntheme, et n'est pas considere comme un critbre operationnel dans l'optique de Martinet.

III. - EXPANSION PARADIGMATIQUE

Considdrer qu'un assemblage de mondmes provient d'une expansion paradigmatique ne fournit pas de critere objectif pour distinguer les syntagmes des synthemes. IL semble difficile de degager sur ce point des textes mentionnes plus haut des criteres ayant une valeur operationnelle.

IV. - COMPORTEMENT UNITAIRE

Le veritable critere de distinction dans la dichotomie syntagme/ syntheme est fonda sur les latitudes combinatoires. C'est le comportement unitaire du synthtme dans ses rapports avec les autres monemes qui le distingue du syntagme.

Les latitudes combinatoires d'un moneme peuvent &tre groupies en trois types : fonction, coordination, subordination.

Un mondme etant donne, ses latitudes combinatoires peuvent &tre caractdrisdes de la fagon suivante :

(8) Latitudes fonctionnelles : a) le(s) moneme(s) au(x)quel(s) il peut se rapporter (les

noyaux possibles); b) la (les) relation(s) qu'il peut contracter avec ce(s)

moneme(s).

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A PROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHIME 55

(9) Latitudes coordinatoires :

a) le(s) moneme(s) au(x)quel(s) il peut etre coordonne; b) les coordinatifs possibles.

(io) Latitudes subordinatoires : a) le(s) mondme(s) qu'il admet comme subordonn6(s); b) la (ou les) relation(s) admise(s) avec le(s) subordonne(s).

Consid&rCes du point de vue de la hierarchie fonctionnelle, les latitudes fonctionnelles caractdrisent les rapports possibles avec

l'aa1me superieur; les latitudes subordinatoires correspondent aux rapports avec les unites inf6rieures, alors que les latitudes coordinatoires sont les rapports virtuels entre les unites d'un meme rang. Ceci peut etre schematise comme suit :

hier

fonc

M2

Latitudes fonctionnelles

I

M1

Latitudes subordinatoires

I

M4

Latitudes coordinatoires M3

FIG. I. - Schema des latitudes combinatoires. Exemple des rapports d'un moneme Mi avec un noyau M2, un coordonne M3 et un subordonn6 M4.

Pour v6rifier I'identite du comportement syntaxique de deux segments (dont l'un est un groupement d'unites et l'autre une unite simple) en toute rigueur, il faut d'abord en ddgager les latitudes combinatoires et ensuite les comparer entre elles. C'est

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56 MORTAZA MAHMOUDIAN

cette confrontation qui nous montrera dans quelle mesure les latitudes combinatoires des deux se recouvrent, et, si elles different, dans quelle zone.

V. - SYNTH'ME VS MONAME

Examinons maintenant les exemples de (I). Le segment cher- cheur et le mondme garfon ont les mimes latitudes fonctionnelles, ils peuvent tous deux assumer les fonctions sujet, objet, quasi-prd- dicat, subordonne a indicateur de fonction, etc. Dans chacune de ces fonctions leurs latitudes expansionnelles sont aussi les memes. Dans le r61e pr'dicatif, le contexte (3) par exemple; ils admettent les memes coordonnes (substantifs) et les memes coordinatifs (ou, mais, etc.). Dans le meme contexte ils admettent les memes subordonnis : modalites : un, le, ce...; adjectif, relatif, etc. Ces observations peuvent etre recapituldes dans le tableau (11) :

(11) Gargon Chercheur

Latitudes fonctionnelles

Latitudes coordinatoires

Latitudes subordinatoires

N. B. - = marque l'identit6 des latitudes en cause.

L'examen de chercheur, lhve-tot, lave-glace montrera l'identitd de leurs latitudes combinatoires avec celles de monemes uniques.

VI. - SYNTAGME VS MONEiME

Mais cela ne suffit pas pour caractdriser ces complexes comme

synthemes, et les distinguer des syntagmes. Pour cela, il faut

ddmontrer qu'un tel examen mend sur les groupements appelds gendralement syntagmes donne des rdsultats tout ' fait diffkrents. On confrontera done les latitudes combinatoires des groupements de (2) - c'est-A-dire mangeait et travaille mal - avec celles des mon6mes uniques qui apparaissent dans le meme contexte

mange et travaille respectivement.

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A PROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHhME 57

On remarquera que mange et mangeait ont les mrmes latitudes combinatoires, alors que travaille et travaille mal different considd- rablement du point de vue de leurs expansions, tout en ayant les memes latitudes fonctionnelles. C'est ce que resument les tableaux (12) et (13).

(12) (13)

Mange Mange-ait Travaille Travaille mal

Latitudes fonctionnelles

Latitudes coordinatoires =

Latitudes subordinatoires =

Le tableau (12) ne montre pas une diff6rence entre mange et mang-eait dans leurs latitudes subordinatoires : au premier on peut ajouter -ait (mange > mange-ait), -ra (mange > mange-ra), etc.; ce qui n'est pas possible dans le cas de mangeait. Si nous n'en avons pas tenu compte, c'est parce que cela ne peut pas servir de critbre de distinction entre syntagme et syntheme. On sait que parmi les combinaisons, il en est qui aboutissent ' la saturation3. Et certains groupements reconnus comme synthbmes partagent cette carac-

tiristique, dont ditenir qui, a la diff6rence de tenir, ne peut pas s'adjoindre entre- ni sou-.

Quant au tableau (I3), il ne semble pas necessaire d'insister sur toutes les diffdrences qu'on peut constater. Signalons-en quel- ques-unes : travaille mal admet presque toutes les expansions qu'ad- met travaille, cf. (14) a), mais aucune des expansions spdcifiques de mal n'est admise pour travaille, cf. (14) b).

(14) a) Ce garfon travaille vs Ce garfon travaille mal Ce gargon travaille le bois vs Ce garfon travaille mal le

bois Ce garfon travaille aujourd'hui vs Ce garfon travaille mal au-

jourd'hui Ce garfon travaille et re'ussit vs Ce garfon travaille mal et

riussit

3. Cf. Closed construction de BLOOMFIELD, in Language, 1933, a 12. I1.

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58 MORTiZA MAHMOUDIAN

b) *Ce garGon travaille si vs Ce garGon travaille si mal *Ce garfon travaille tres vs Ce garfon travaille tres mal *Ce garfon travaille mais vite vs Ce garfon travaille mal

mais vite *Ce garfon travaille ni ni vite vs Ce garfon travaille ni mal

ni vite

Cela veut dire que la definition du syntheme comme complexe de monemes ayant un comportement unitaire suffit a caracteriser des groupements comme chercheur, lIve-tOt, lave-glace, ainsi qu'd les

distinguer de syntagmes du type travaille mal. Mais elle ne permet pas la distinction entre soutient (ou chercheur) et mangeait.

VII. - COMPORTEMENT UNITAIRE

Parfois, le concept de comportement syntaxique unitaire est

dlargi; il implique alors l'absence de relation entre constituants et

6Ilments ext'rieurs d'une part, entre les constituants eux-memes de l'autre. Ces deux crittres peuvent etre formulas plus explicite- ment comme suit :

(15) Rapports internes : rapports des constituants du complexe les uns aux autres : a) soit ces rapports sont invariables; b) soit ils peuvent changer, les divers rapports peuvent &tre

releves suivant (8-Io) supra. (16) Rapports individuels : rapports de chaque constituant avec

les dlements exterieurs selon (8-Io) supra.

VIII. - RAPPORTS INTERNES

Du point de vue interne, on peut dire que les deux complexes un garfon et maisonnette se comportent de la meme facon. Dans les deux cas on peut identifier un noyau (garfon et maison) et un subordonn6 (un et -ette) respectivement. Les constituants peuvent etre relies entre eux, dans un cas comme dans l'autre, par un type de rapport et un seul. On ne peut distinguer entre un garfon et maisonnette par recours au critere de rapport invariable. Un examen

rapide montrera que le critbre est egalement inoperant pour dis-

tinguerfumeur, tlve-tdt, lave-glace d'une part et travaille bien de l'autre. A noter que si l'unicite de rapport (15) a) entre constituants

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n'est pas une spdcificitd des synthbmes, la multiplicit' des rap- ports (15) b) n'est pas non plus reserv'e aux syntagmes. Ainsi, angl. hair-root << racine de cheveu >> vs root-hair << radicelle >>. Dans le premier cas, root est noyau et hair subordonnd; dans le second les rapports sont inverses. Soit dit en passant, si ces deux constructions sont consid'rdes comme synthbmes c'est parce que l'un de leurs constituants (= le subordonn6) perd la quasi-totalite de ses latitudes combinatoires; par exemple, on ne peut lui adjoindre aucune modalite.

IX. - RAPPORTS INDIVIDUELS

II convient d'examiner maintenant si les constituants des syn- themes ne peuvent pas entretenir de rapport avec des elements exterieurs au complexe.

Pour ce qui est de fonction, il est certain que le rapport ne

s'dtablit pas directement entre campagne et le reste de I'dnonce dans : il est retourne' dans sa belle maison de campagne. De deux choses I'une. Ou bien campagne se rattache A l'nonce par l'intermidiaire de maison. C'est aussi le cas de belle. La suite maison de campagne n'a, de ce point de vue, rien de particulier qui la distingue de belle maison. Ou alors, c'est le complexe maison de campagne (et non l'un ou l'autre de ses constituants) qui entretient des rapports avec le reste de la phrase. Ceci vaut aussi pour la terre tourne dans l'idie que la terre tourne n'est pas nouvelle; et pourtant on admet commundment que c'est un syntagme.

Quant aux latitudes coordinatoires, il est des composes et

ddrives oii les elements constitutifs ont certaines latitudes. Par exemple en allemand, on peut dire ein- und aus-gehen, Raub- oder Sing- Vigel. Dans certains usages du frangais aussi la coordination des prdfixes est admise : im- ou a-moral.

D'autre part, I'impossibilite de coordination se manifeste dans certaines modalitis au meme titre que dans certains affixes. Si l'on ne dit pas *c'est un fumeur et -iste, il n'est pas usuel non plus de coordonner << l'imparfait >> et le << futur >> : *il travaillait et -ra.

Il en est de meme pour ce qui est des latitudes subordinatoires dans le cas de certains synthemes. Cf. all. Langstreckenldufer, kleinbiirgerlich, oih il est difficile de voir autre chose qu'un rapport de subordination entre lang et Strecke ou klein et Biirger. Que l'd61- ment all. -er de Biirger, Ldufer ou -lich de Biirgerlich ne soit pas

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60o MORTIZA MAHMOUDIAN

expansible, ce n'est pas 1a une caracteristique des affixes seuls. Bien des modalitis participent elles aussi a cette caracteristique : ainsi -ait de travaillait et -te d'all. (ich) arbeitete.

X. - R#CAPITULATION

Dans ce qui pricede nous avons examind successivement quatre types de criteres d'ordre gendral, qui se sont montres insuffisants

pour la distinction entre syntagmes et synthbmes. Il n'y a 1a rien d'6tonnant; cela est meme presque partout previsible comme nous le verrons ci-dessous :

Choix unique

On peut vouloir definir le synthtme par le choix unique qu'il implique. Deux segments constituent alors un synthbme dans la mesure oh l'un presuppose l'autre (a a+ b) par exemple maison 4- ette ou les deux se presupposent mutuellement (a b : cherch A eur). Par ailleurs, on definit le subordonne comme une

adjonction qui se rattache a un terme - et non a l'ensemble - de

l'6nonc6. Le subordonne presuppose done le noyau (a ' b; par exemple modalite 4~ substantif). Dbs lors, il est privisible que la distinction entre un subordonn6 (dans le syntagme) et un mondme

conjoint (dans le syntheme) ne puisse se faire. A cela s'ajoute un autre facteur : certains subordonnis sont obligatoires; on aura alors subordonne noyau comme c'est le cas dans c'est un garfon (un :- garfon).

Notons que Martinet ne retient pas le choix unique comme critere d'identification des synthemes. C'est sans doute en pensant a ces difficultes qu'il formule des reserves quant a la valeur

operationnelle de ce critdre4.

Comportement unitaire

La definition du subordonne implique que sa presence ou son absence n'altbre pas les rapports de son noyau avec les autres

16'ments de la phrase. II en decoule que le noyau accompagne de subordonne peut figurer dans les contextes o0t figurerait le noyau seul. Si nous definissons le synthbme comme groupement pouvant

4. Cf. Andr6 MARTINET, Mot et syntheme, Lingua, 21 (1968), p. 294-302. Voir notamment p. 299.

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apparaitre dans les memes contextes que le mondme simple, il va sans dire que la distinction synthbme/syntagme se heurte A des difficultes.

Rapports internes

Dire qu'un synthbme est une expansion (ou creation) para- digmatique, c'est dire que chaque constituant est identifiable comme une unite combinant un signifid et un signifiant. C'est dire aussi que cette combinaison repose sur un rapport determind entre les constituants. De la sa productivitd. Si l'on tente de ddfinir les synthbmes par leur caractere asyntaxique, on doit s'attendre que les complexes productifs restent en dehors de l'ensemble ainsi

ddfini. Rapports individuels

On peut certes inclure dans la definition du syntheme (ab) l'exigence que les constituants (a et b) n'entretiennent pas de rapports individuels avec un autre dedment (c). Pour que ce trait caracterise le syntheme, il faut que le syntagme se comporte neces- sairement de faCon diffhrente. Or, rien dans la definition de l'expansion n'implique que les elements adjoints regoivent des expansions 'a leur tour. Et nous avons vu que dans les combi- naisons dites syntagmatiques, on trouve des elements inexpansibles.

XI. -- PROPRIITIES DES INVENTAIRES

Malgrd l'insuffisance de ces criteres, on ne doit pas renoncer - nous semble-t-il - ' la distinction entre travaillait, un garfon et couche-tdt, chercheur, soutient.

Dans ce qui precede abstraction est faite d'un phenombne important : c'est que ni dans l'dpreuve de la commutation ni dans l'examen des latitudes combinatoires on ne tient compte des inventaires qui se digagent.

Reprenons nos exemples (i) et (2) et verifions les caractdris- tiques des inventaires qu'on peut obtenir de part et d'autre.

Soit le complexe mangeait. Dans le contexte (4), -ait est commu- table avec zero, -ra, -rait, a...e', aura...e, aurait...d, avait...1, etc. Cet inventaire constitue le paradigme des modalites verbales, ensemble restreint de monemes diterminant le lexime verbal et se rappor- tant aux dimensions mode, temps, aspect. La commutation de

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62 MORTgZA MAHMOUDIAN

mange livre le paradigme des verbes : travaille, marche, etc., qui lui, est un inventaire illimite. A remarquer que tous les membres de ce paradigme sont, au meme titre que mange, combinables avec tous les membres du paradigme des modalites, a l'exception de

quelques verbes dits << difectifs >. Il ne semble pas necessaire d'insister sur le fait que parmi les constituants des complexes (i), cherche, fume, live, lave, ont dans le contexte (4), un comportement en tous points identiques a celui de mange, travaille, marche, etc. Autrement dit, ils appartiennent au paradigme verbal : ils sont commutables avec les autres verbes et combinables avec les memes modalitis qu'eux.

Si nous soumettons les complexes (i) au meme examen, les

risultats seront considerablement diff6rents. D'abord, dans le contexte (3), -eur de fumeur est commutable avec -iste dans fumiste (cf. c'est un fumeur et c'est un fumiste), alors que le meme segment n'est commutable avec rien dans chercheur. Ensuite, il y a des verbes qui ne sont pas du tout combinables avec -eur. Ainsi ennuy(er), mendi(er). En revanche, ceux-ci se combinent dans le meme contexte (3), avec des elements non combinables avec cherche, fume tels que -eux : ennuyeux ; -ant : mendiant.

Si nous comparons des complexes comme fumeur, chercheur d'une part et mangeait de l'autre, c'est que nous voulons r6duire au minimum (A un si possible) le nombre des variables pour isoler ce qui est responsable des diffirences qu'on constate dans le compor- tement syntaxique des deux types de complexes. En effet, affixe (-eur, -iste) et modalite (-ait, -ra) appartiennent tous deux aux inventaires limitis. La diff6rence de leur comportement combina- toire ne tient done pas au caractere limite de leur paradigme.

Quand on compare les proprietis des inventaires illimitis dans les syntagmes d'une part et dans les synthemes de l'autre, on retrouve le meme type de diff6rence combinatoire. Soit travaille bien oh nous examinons le comportement combinatoire de bien. Nous constatons que bien est toujours dans le meme contexte commutable avec mal, plus, moins, encore, tot, tard, trop, etc. Cet inventaire illimite correspond a une sous-classe des adverbes. De son c6te travaille est commutable avec tous les elements du para- digme verbal, y compris ceux des complexes (I).

Il n'en est rien de lIve-tOt ni de lave-glace oh n'importe quel element du paradigme verbal ne peut figurer. Dans le contexte (3), love de lIve-tot est commutable avec couche; t6t avec tard. Et 1l

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A PROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHEME 63

semblent se terminer les deux paradigmes. On n'a ni *travaille-bien ni *lIve-encore comme constructions admissibles dans (3). Cela vaut aussi pour lave-glace ofi les deux termes sont commutables : lave-vaisselle et essuie-glace. Il n'y a par contre pas de *essuie-vaisselle ni de *lave-linge, mais plut6t torchon et machine a laver. De meme il n'y a pas de *machine a tondre pour tondeuse.

On peut formuler cette diff6rence de la manieire suivante. Les

rbgles combinatoires dCgagdes pour (2) valent, dans un contexte donne pour tous les paradigmes que livrent les procedds d'analyses dans le meme contexte. A l'oppose, dans (I), chaque complexe implique des restrictions particulibres aux combinaisons de ses constituants.

La conclusion a laquelle nous sommes arrive est fondde sur I'observation d'une partie tres limitee des latitudes combinatoires. Nous nous sommes en effet content6 de rechercher l'ensemble des subordonnes possibles pour un noyau donnd, ainsi que l'ensemble des noyaux possibles pour un subordonne determind. Et ce dans un seul contexte. Restent toutes les latitudes coordinatoires et bon nombre de latitudes fonctionnelles, ainsi que les autres contextes. Un examen plus pouss6 confirmera, a notre avis, la

regularite gendrale du comportement combinatoire dans les

syntagmes et les restrictions particulieires que prdsentent les latitudes combinatoires des synthemes.

XII. -- GENERALIT1E ET RESTRICTION COMBINATOIRES

Avant d'aller plus loin nous voudrions nous attarder un moment sur l'importance que nous croyons devoir attribuer 'a la gendralitd des combinaisons syntagmatiques opposde au caractbre restreint des combinaisons synthdmatiques.

Dans les combinaisons syntaxiques deux p6les sont A distinguer : d'une part les combinaisons dont I'un des constituants est gram- matical et appartient & un inventaire limitd. Nous ddsignerons ces

groupements comme combinaisons grammaticales. D'autre

part, il y a des constructions qui ne comportent que des eldments lexicaux, que nous appellerons combinaisons lexicales. Les deux

types de combinaisons obeissent certes A des rlgles. Mais ce qui frappe dans les combinaisons grammaticales c'est la gendralitd des

regles qui les rigissent. Tout substantif frangais est combinable avec << singulier >, << pluriel >>, << defini >. Voila une ragle qui vaut

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Page 15: A propos de syntagme et synthème

64 MORT1ZA MAHMOUDIAN

pour tous les membres du paradigme substantival, ainsi que pour tous les membres du paradigme des modalitis. S'il existe quelques dlements marginaux faisant exception t cette reigle, ils sont en nombre restreint et bien connus : ainsi gens, funerailles. De meme, tout lexeime verbal anglais est combinable avec la modalite infi- nitivale. Les rares exceptions "a cette r~gle sont connues comme verbes ddfectifs : can, must, shall, etc.

Pour les constructions lexicales, on peut certes formuler des

regles de combinaison en termes de classes. Mais elles ne valent

pas toujours ni n6cessairement pour tout individu du paradigme en cause. Ainsi, les substantifs admettent des subordonnes adjec- tivaux : on peut dire avocat vireux, pomme vireuse, avocat venal. Mais dira-t-on pomme vinale, pie vereuse, chat ve'reux ? Ce n'est pas toujours l'incompatibilite semantique qui rend certaines combinaisons impossibles ou improbables. On ne dirait pas volontiers sereinement puissant ou tranquillement fort, bien que les concepts < sdrenitei a et << puissance a)

ou < tranquillita >> et aforce >>puissent tre rapproches dans puissance sereine et force tranquille. Les combinaisons lexicales semblent etre fonction directe de i'experience des locuteurs et presenter d'amples fluctuations, indecisions et varidtes, beaucoup plus vastes que ce qu'on rencontre dans les combinaisons gram- maticales. Ceci n'est qu'une autre fagon - peut- tre plus expli- cite - de dire que les combinaisons grammaticales constituent un domaine fortement structure, ta la diff6rence des combinaisons lexicales qui forment une zone de faible structuration. Il en decoule que pour le bon maniement des combinaisons gramma- ticales il suffit de connaitre le paradigme, les regles de combinaisons et les quelques exceptions. Pour les combinaisons lexicales, il faut

connaitre les classes et les rbgles, et une masse importante de

caracteristiques combinatoires correspondant au comportement particulier de chaque monime lexical.

Dire que les constructions synthematiques occupent une posi- tion intermediaire entre les combinaisons grammaticales et les combinaisons lexicales signifie que l'on n'y trouve pas de rdgula- rites aussi generales que dans les premieres, ni des comportements combinatoires aussi particuliers et varies que dans les secondes. Et c'est A partir de ce moment-la qu'on pourra dire que la crdation des synthbmes est un type d'activite distinct de la construction des syntagmes, et donner une acception precise et opdrationnelle au terme d' << expansion paradigmatique )>.

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Page 16: A propos de syntagme et synthème

APROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHEME 65

XIII. - ECONOMIE

On sait que l'existence des classes et des regles de combinaisons a l'avantage de 1'dconomie dans le maniement de la langue. Une regle n'est dconomique que si elle se rapporte ta un ensemble d'5llments. Elle est d'autant plus 6conomique qu'elle concerne un

plus grand nombre d'dldments. La constance des paradigmes (= integration des regles)

accroit l'dconomie du systhme : si deux regles RI et R2 concernent exactement le meme ensemble A, elles sont plus dconomiques que deux regles R3 et R4 dont chacune se rapporte g un sous-ensemble de A; par exemple R3 est applicable aux e1lments aI, a2, mais non a3, alors que R4 s'applique aux el6ments a2, a3 et non ai. Si le nombre d'exceptions augmente et le nombre d'dlements des ensembles decroit, cela entraine une baisse dans l'6conomie des rbgles. Sous certaines conditions, le maniement global des combi- naisons d'le1ments peut tre aussi iconomique, voire plus econo-

mique, que le maniement des memes combinaisons en termes de classes et de rtgles5.

Un exemple pourra mieux illustrer ce point. Pour manier des

complexes d'e1kments, on peut recourir A deux procedds diffdrents :

(17) procidd global, qui consiste ' traiter chaque complexe comme une nouvelle unitd.

(18) articulation, c'est-a-dire, analyser les complexes en elements, constituer des classes d'dlements et des regles de combinaisons (avec leurs limitations ou exceptions).

Considerons les combinaisons binaires qu'on peut obtenir a partir de trois classes :

- classe A comprenant a , a2, a3; - classe B comprenant bI, b2, b3; - classe C comprenant cI, c2, c3.

La question qu'on se pose est de savoir dans quelle mesure l'un ou l'autre des deux procedds (17), (18) est dconomique. On sup- posera que le maniement d'une r6gle de classement ou de combi- naison implique le meme effort que celui d'une combinaison.

5. Cf. Luis PRIETO, Messages et signaux, Paris, Presses Universitaires de France, I966.

LA LINGUISTIQUE, I 3

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Page 17: A propos de syntagme et synthème

66 MORTEZA MAHMOUDIAN

(19) A supposer que tout element d'une classe est combinable avec tout 616ment d'une autre classe. Cela donne 27 combi- naisons binaires. Ces combinaisons peuvent 6tre obtenues

t partir de 6 r~gles dont 3 enumbrent les e16ments contenus dans chaque ensemble, et 3 autres precisent que tout a est combinable avec tout b, tout a est combinable avec tout c, tout b est combinable avec tout c. (Nous supposons que l'ordre des 616ments dans la combinaison n'est pas pertinent, et que tout el6ment a une existence ind6pendante en dehors des combinaisons consid6ries ici.) On voit l'6conomie que pre- sente, dans ce cas, le maniement par articulation des combi- naisons : 6/27.

(20) Supposons maintenant que toutes choses igales d'ailleurs, la combinaison souffre les exceptions suivantes : - a3 n'est combinable avec aucun b; - a2 n'est combinable avec aucun c; - b n'est combinable avec aucun c.

De ce fait le nombre des r6gles monte a 9 alors que le nombre des combinaisons descend I18. Ici encore, l'arti- culation presente une iconomie evidente : 9/18. Elle est dans (20) moins iconomique que dans (i9).

(21) Supposons enfin que les exceptions suivantes s'ajoutent aux 9 rbgles ci-dessus : - a2 n'est pas combinable avec b i, b2; - ai n'est pas combinable avec C2, c3; - b3 n'est pas combinable avec ci, c3.

Les combinaisons seront riduites I12, alors que les rkgles ont atteint le nombre de 12. Il semble que dans ces conditions, pour le maniement (acquisition, memorisation) des combi- naisons, le procede global est aussi economique que le recours a l'articulation (c'est-4-dire classes et regles).

On peut bien envisager des cas o0i le procede global sera plus economique que le procede articulatoire.

XIV. - ASPECT SIGNIFIE DES COMBINAISONS

Nous avons jusqu'ici examine les complexes uniquement du

point de vue de la compatibilit6 (ou de l'incompatibilitd) des

d1Cments constitutifs. II convient d'insister sur le fait qu'une

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Page 18: A propos de syntagme et synthème

A PROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHEME 67

co-occurrence n'est un phenombne syntaxique que si elle corres- pond A un rapport constant entre les constituants sur le plan du signifid. Aussi pour que les suites Sai Sa2 et Sa3 Sa4 relevent du meme type de combinaison syntaxique, il faut que la proportion

signifiee suivante soit vraie Sir Si3 Si2 Se'4

Faute de cela, le

signifie du complexe ne sera pas previsible '

partir du signifi6 des constituants. Cette proportionnalit6 constante se realise dans les syntagmes (verbe + modalitis, par exemple), mais non dans les synthemes. Le sens d'un quelconque syntagme verbal peut etre bien dlduit a partir du sens de ses constituants. Si le sujet d'une langue connait le sens d'lmonde et des modalites verbales et les r6gles de leur combinaison, il comprendra sans probleme le sens des syntagmes verbaux comme ii emondait, imonderait, a imondd, etc. Meme s'il les entend pour la premiere fois. Il en va autrement des synthemes. Meme si l'on connait le sens des constituants entre, prendre, lacer, tenir, ouvrir on ne pourra gubre 6tablir le sens des complexes entreprendre, entrelacer, entretenir, entrouvrir. C'est que dans ces complexes l'exigence de proportionnalite semantique n'est pas respect6e. II est vrai que ces complexes ressortissent ' une combi- naison peu productive. Dans les synthbmes qui reposent sur une combinaison productive se manifestent aussi des variations impr&- visibles du signifi6. Qu'on considbre le lexeme verbal /ba(t)/ << battre >> dont le signifid prisente des variantes dans les syntagmes. Toutes les variantes ne sont pas 6galement rialisables dans le synthbme batteur.

Soit encore un autre exemple : construire > constructeur et

bdtir > bdtisseur. Alors que constructeur et bdtisseur proviennent du meme processus de derivation, leurs sens varient de fagon impr6- visible. On ne saurait dire pourquoi bdtisseur - a la diff6rence de constructeur - comporte les traits simantiques < causatif >> et << intensif >> (< qui fait beaucoup bitir >>6); ou comment il en arrive a signifier << fondateur a>>; ni pourquoi constructeur seul sert a disi- gner celui << dont le mitier est de construire >>8.

Cela Itant, on pourra estimer l'lconomie qu'apporte l'arti- culation h la combinaison syntagmatique, en ce sens que celle-ci est bien le domaine des classes aux elements nombreux. Elle est

6. Cf. Le petit Robert. 7. Cf. Le petit Robert et Le petit Larousse. 8. Cf. Le petit Larousse.

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Page 19: A propos de syntagme et synthème

68 MORTEZA MAHMOUDIAN

aussi le domaine ohi les ragles sont de grande g6ndralitd et presente peu de limitations particulibres.

Le lexique peut judicieusement etre assimilk au domaine oii le

proced6 global est le plus economique, 6tant donne qu'A la limite tout lexbme a un comportement qui lui est propre.

Les synthbmes partagent certaines particularites des syntagmes, en ce sens que des rtgles regissent des ensembles (plus ou moins grands) d'unites. Ils pr6sentent aussi des diff6rences avec les syntagmes pour autant que les restrictions rencontr6es dans les

synthbmes ne trouvent aucune contrepartie dans les combinaisons

syntagmatiques. Les recherches de Georges Mounin confirment ce point de vue.

Mounin etudie les d6riv6s potentiels de douze noms d'animaux

domestiques (Ane, cheval, mulet, chevre, porc, cochon, chat, chien, lapin, poule, canard), designant : femelle, jeune, parturition, gardien specifique, adjectif, local d'dlevage. Le tableau qu'il dresse ainsi du champ d6rivationnel presente des cases vides dans toutes les lignes et toutes les colonnes sans exception. Cela signifie que les rkgles de derivation ne sont integralement applicables a aucun de ces substantifs. Le processus qui permet de construire dnesse a partir d'dne est d6faillant dans le cas de porc. A-t-on, pour designer le local d'elevage du canard, un procedd derivationnel analogue a celui qui mene de porc

' porcherie ? Il n'y a pas, pour designer la

parturition du cheval, un verbe sur le module cochonner < cochon9.

XV. - CRITERES DE DISTINCTION SYNTAGME/SYNTHEME

Une fois admis que le simple fait de la commutabilit6 des constituants ne suffit pas a mettre sur le meme plan les complexes qui en rdsultent, et reconnu le rble que jouent l'importance et la constance du paradigme dont relkvent les constituants, nous

pouvons rdexaminer les crit de distinction entre syntagme et

synthbme sous un angle nouveau. Ces critbres reposent tous sur l'hypothese de la gendralite des constructions syntagmatiques et la restriction des combinaisons synthematiques. Soulignons que nous ne proposerons pas ci-dessous une liste exhaustive des cri- thres. Notre intention est de rechercher la justification des critbres

ddji proposes et d'en donner une formulation plus precise.

9. Cf. Georges MONINm, La d6nomination des animaux domestiques, in La linguis- tique, I, 1965 (repris dans Clefs pour la simantique, Paris, Seghers, 1972).

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Page 20: A propos de syntagme et synthème

A PROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHEME 69

XVI. - APPARTENANCE DU MONAME AU PARADIGME

Pour caracteriserfumeur on ne pourrait recourir ni au critere de la perte des latitudes combinatoires de fum (e) ni au caractere

exocentrique de fum(e), ni au caractbre diverbatif du suffixe -eur. Car tous ces traits supposent la primaut' de certaines occurrences de fum (e) (emploi verbal) sur d'autres (emploi nominal), sans justifier cette primautd. La consideration de l'importance et de la constance des paradigmes auxquels ressortit fum (e) dans chaque cas fournit cette justification.

Soit un dment fum(e) qui apparait dans deux types de complexes dont l'un (22) prdsente des ragles gendrales, et

l'autre (23) un nombre considerable de ragles particulieres 'a des

6l6ments donnis (c'est-?a-dire des exceptions et des exceptions aux

exceptions, etc.) :

(22) fum-ait (23) le fum-et cherche-rait la re-cherche mange-ra la mange-aille port-ez le port.

Dans le cas de (22) il est raisonnable de supposer que le carac- tare dispendieux du maniement global et la grande iconomie de l'articulation conduit le sujet parlant a traiter les complexes par recours aux classes et aux regles. Tant et si bien que les elements fum (e), cherch (e), mang (e), sont etroitement associds 'a ces latitudes combinatoires. Dans la mesure oih le verbe est ddfini en termes de ces latitudes combinatoires, ceci revient 'a dire que ces elements seront considdres comme verbes.

Il va sans dire que cette association n'est pas possible dans (23) oii le maniement articulatoire n'est pas toujours Cconomique, et le maniement global est par consequent aussi (sinon plus) probable. Car prdfixe, suffixe et radical presentent des paradigmes si variables d'un contexte B l'autre que le classement n'en est pas toujours economique.

Dire quefum (e) est avant tout un verbe implique qu'il partage les latitudes combinatoires d'une classe de monemes appelks verbes, et qu'il est tellement plus frequent (ou probable) dans ces contextes (22) que ceux-ci en deviennent ses occurrences << nor- males >>. Mais cela n'exclut pas que fum (e) figure dans d'autres

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70 MORTiZA MAHMOUDIAN

complexes comme (23), oh chaque r~gle souffre de serieuses limitations. Ces limitations font que l'ensemble fum(e), cherch(e), mang (e), port(e) n'est pas associd aux latitudes combinatoires qui sont sous-jacentes a (23). Et c'est bien ce que nous entendons par la

primautd des emplois verbaux defum (e) sur ses emplois nominaux.

XVII. - PERTE DE LATITUDES COMBINATOIRES

Le critere de perte de latitudes combinatoires ne permet pas toujours de distinguer entre syntheme et syntagme, etant donne

que, dans les syntagmes aussi, les mondmes ont des latitudes combinatoires variables dues aux influences contextuelles.

Ainsi dans il ne permet pas que tu ailles & Marseille, << aller >> n'admet aucune autre modalit6 que le subjonctif. Mais cela n'est

pas une raison suffisante d'y voir un syntheme. Il est interessant de remarquer que cette perte de latitude combinatoire n'est pas spdcifique 'a aller. D'abord, tout verbe est - sous r6serve d'in-

compatibilit6 s6mantique - susceptible d'apparaftre dans cette

position. Ensuite, ce verbe - quel qu'il soit - est egalement sujet a la perte de ses possibilit's de combinaison avec les modalit6s verbales. Et c'est la% un trait qui caracterise les r6gles syntagma- tiques 'a la diff6rence des ragles de combinaisons synthematiques. Cette remarque vaut non seulement pour la combinaison des lexemes avec les modalitis, mais aussi pour tout autre type de latitude combinatoire que ce soit subordination, coordination ou fonction (cf. supra (8)-( o)).

XVIII. - CONSTRUCTIONS EXOCENTRIQUES

De meme la dichotomie endocentrique/exocentrique n'est pas en elle-meme un critbre de distinction entre syntagme et syntheme. D'abord toute construction syntagmatique n'est pas endocentrique et les exemples de Bloomfield le montrent bien. Soit un syntagme predicatif (24) Pierre travaille, qui est par definition une construc- tion inddpendante. Dans certaines conditions il peut faire partie d'une construction plus vaste. Ainsi dans (25) et (26) ohi il assume

respectivement les fonctions sujet et objet :

(25) il ne sait pas que Pierre travaille

(26) que Pierre travaille est itonnant.

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A PROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHEME 71

Pourtant on ne peut dire qu'il s'agit 1l d'un cas de synthme, etant donne que Pierre et travaille commutent dans (25) et (26) avec les memes monemes que dans (24).

Il est evident que travaille perd dans (25) et (26) certaines des latitudes combinatoires qu'il avait dans (24); par exemple tous les << temps >> et les << modes >> ne sont pas admis pour travaille dans (25) et (26). Mais les restrictions seront les memes quand travaille est remplace par un autre membre du paradigme dont il fait partie :fume, change, etc.

Il en va autrement de l'adjectif malheureux provenant du subs- tantif malheur. Les restrictions sont particulibres aux monemes qui entrent dans la constitution du complexe : on a adjectif : chanceux < substantif : chance, mais non *diveineux (ni *diveinard) < diveine. Il y a substantif : tigdeur < adjectif : tilde, mais non *torrideur < torride.

XIX. - ASSEMBLAGES SEMI-SYNTAXIQUES OU ASYNTAXIQUES

Enfin, considdrer certains assemblages de monemes comme

asyntaxiques ou semi-syntaxiques par opposition 'a d'autres, enti&- rement syntaxiques, pose un problkme fondamental : comment mesurer le caractbre syntaxique d'un complexe de mondmes ? Si la syntaxe << normale >> est ddfinie - comme nous le proposons - en termes de la gendralite des regles combinatoires, on pourra dire qu'un type de construction s'dcarte d'autant plus du syntaxique qu'il est plus soumis aux restrictions particulieres. Les termes semi- syntaxique et asyntaxique cesseront de renvoyer a des notions vagues.

XX. - FIGEMENT

Ce qu'on appelle le figement n'est qu'un aspect - nous dirons le cas extreme - de regles combinatoires particulieres : la oh a un nombre restreint d'elements ou ' un ilement unique s'applique une r6gle; ainsi bon marche. II faut s'attendre a ce qu'entre figement et combinaison synthematique productive de multiples gradations se manifestent. Et c'est en termes de cette gradation qu'on doit envisager un premier classement de ces complexes, classement qui reponde

' la question : < Ce complexe est-il senti comme tel par

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72 MORTAZA MAHMOUDIAN

le sujet parlant (moyen) ou traitd comme unite simple de sa part ? >> Car s'interroger sur la classe de constituants d'un complexe non productif presente peu d'int&ret en synchronie. Ce classement n'est intdressant que dans la mesure oii le maniement global est exclu ou peu probable.

Qu'on ne se meprenne pas sur notre intention. Dire qu'un complexe est manid globalement et ne provient pas -

' la diff6- rence de syntagme - d'une activitd combinatoire n'implique pas que le sujet n'ait - ou ne puisse prendre - conscience de l'unite

(eil par exemple) dans le complexe (ceil-de-perdrix ou ail-de-bouf). Cela veut simplement dire que cette conscience - pour autant

qu'elle existe - est due au fait que dans d'autres contextes ceil est choisi et combine librement avec d'autres monemes, comme elle a

l'eil gauche rouge; il a itd opired de son ceil valide, etc.

XXI. - COMBINAISONS POSSIBLES ET IMPOSSIBLES

On pourrait nous faire valoir que les combinaisons synth6ma- tiques que nous avons considerdes comme impossibles ne le sont

pas tout a fait, et que des francophones pourraient proceder a des assemblages comme essuie-vaisselle, lave-linge, torrideur, divei- nard; assemblages qui seraient comprdhensibles. Ii convient de noter qu'aucune combinaison n'est totalement impossible. Preuve les emplois dits metalinguistiques ois tout segment (j'ai fini, par exemple) peut paraitre dans des fonctions (comme sujet) dont il est normalement exclu, et avec des subordonnes (le << ddfini >>, par exemple) qu'il n'admet dans ses emplois normaux. (Exemple : << le j'aifini de j'aifini; j'accours a un sens diff6rent de celui de j'ai

fini, hier soir, a cinq heures >>.) D'autre part, contexte et situation aidant, toute combinaison innovee - quelque improbable qu'elle soit - peut etre comprise. Que signifie /a'ez6/ ou /af6tcej~/ hors contexte ? Ces memes segments sont tris faciles a comprendre dans un contexte comme /il s so atabl6 asyit il s so... pyi il s so alitd/ ils se sont attable's, ensuite ils se sont..., puis ils se sont alitis. Il semble

cependant abusif de considerer + /aseze/ achaiser et /af6tcej6/ afauteiller comme des synthemes existant dans l'usage normal de la

langue. A ce compte-kl, on risque de consid6rer toutes les combi- naisons de mon6mes comme possibles. Ce serait nier l'existence des classes de mondmes fondees sur les restrictions combinatoires.

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A PROPOS DE SYNTAGME ET SYNTHEME 73

XXII. - VARIATIONS SOCIO-GeOGRAPHIQUES

Nous avonsjusqu'ici fait abstraction des varidtes que prdsentent les synthemes dans les divers groupes sociaux au sein d'une meme

communautd linguistique. II est certes interessant d'dtudier ces phenomenes en termes socio-gdographiques. Mais il faut remarquer que ces variations ne sont pas specifiques des synthemes. Les combinaisons syntagmatiques sont egalement sujettes A des variations sociales. Par exemple, l'usage savoyard et l'usage parisien se distinguent dans l'expression de l'antdrioritd dans le passe d'une action par rapport a l'autre. Les Savoyards ont gend- ralement recours au << passe surcompos >a; cf. (27).

(27) Quand il a eu fini son travail, il est sorti.

Chez les Parisiens, deux usages diff6rents sont attestis : certains locuteurs emploient dans les deux verbes un << passe compose >>

(cf. 528), alors que d'autres se servent, a l'instar des Savoyards, du

<< passe surcompos a>>o.

(28) Quand il afini son travail, ii est parti.

Mais personne ne s'aviserait a traiter a fini et/ou a eu fini de

syntheme en raison de leurs variations socio-geographiques. Un autre exemple : a Paris, les sujets parlants reagissent diff6-

remment a l'agard des combinaisons du a partitif >> avec le substantif en fonction sujet. Alors que tout le monde admet (29), des phrases comme (30o) et (3i) sont accepties par certains Pari- siens, et rejetees par d'autres.

(29) Du vin ne me conviendrait pas. (30) Du monde est entrd. (31) De la flicaille arrive.

Pour les unites signifiantes comme pour les unites distinctives, l'&tude des variations sociales presuppose un appareil d'analyse capable de decrire un usage linguistique homoghne. C'est ce qui nous a conduit a orienter notre discussion vers les criteres qui rendent possible la distinction syntagme/syntheme.

Universiti de Lausanne.

Io. Voir Andr6 MARTINET, Reflexions sur le parfait en frangais contemporain, La Revue canadienne de linguistique romane, I (1973), fasc. I, p. 49-53.

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