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Huitième Année. Mercredi 29 Janvier 1896 N 110 Série— (VIe) 149. A1ARS ET SES CANAUX Un astronome américain de grande valeur Sir Lowel a présenté tout dernièrement à la Société Française- d'Astronomie, une série de photogra- phies obtenues par un ciel sans nuages, à une alti- tude de 2,800 métrés. Cette série représentait la dernière apparition de Mars. On sait que cette planète comporte des canaux, dont l'existence a été plus ou moins con- testée. Grâce aux travaux de Sir Lowel, l'existence des fameux canaux est aujourd'hui incontestable, puisque ils ont pu être photographiés à une échelle assez considérable pour permettre de voir leurs dimensions. On ne peut plus mettre en doute la réalité d'une bonne observation; il ne s'agit plus que de l'inter- préter. Or, cette interprétation est rendue très facile, puisque ces canaux affectent une disposition régu- lière, on ne peut les considérer que comme le résultat de l'action volontaire d'êtres intelligents. Mais les proportions qu'il faut attribuer à ces im- menses canaux sont si prodigieuses, elles dépassent tellement l'échelle de nos travaux les plus gigan- tesques, même des travaux de l'antique Rome, que le Canal de Suez par exemple, ne serait à côté d'eux qu'une minuscule rigole. Il faut donc admet- tre que ces merveilleux canaux sont construits par des êtres analogues à l'homme de la Terre, au Terrien, mais que ces êtres disposent de puissants moyens qui nous sont totalement inconnus ; ou bien faudrait-il admettre que Mars soit habité par des demi-Dieux ou Génies, comme l'ont admis, du reste, les astronomies de l'Antiquité et du Moyen-âge. Quelle que soit la supposition admise, le fait de l'existence d'immenses canaux dans Mars, paraît aujourd'hui démontré ; on peut donc supposer, sans trop d'invraisemblance, que ces canaux doivent servir à l'irrigation et à des transports de tous genres. Nous avons toujours combattu en laveur de ce mode de locomotion le plus sûr, le plus éco- nomique et le plus doux pour le déplacement des hommes, et c'est peut-être pour tous ces avantages combinés que les Compagnies de chemin de fer françaises se sont elforcées par tous les moyens imaginables d'empêcher la construction des canaux et l'aménagement des lleuves et rivières comme voies de transport et tout particulièrement du Canal des Deux-Mers qui permettrait la réunion si facile de notre flotte du Nord avec celle de la Méditerranée, sans avoir à saluer Gibraltar ! Le présent article est. aussi un commencement de preuves à l'appui de la Pluralité des mondes habités : ce dont se doutent depuis fort longtemps, tous les hommes véritablement instruits ! E. B. Avis. Avec le prochain numéro se terminera la. série VI" ; en conséquence, nous prions nos abonnés et les libraires de vouloir bien nous adresser leur renouvellement pour la série VIIa qui ira du numéro IJI à ijj. Soit 5 francs pour la France ou l'Etranger. On s'abonne sans frais dans tous les bureaux de poste. Les abonnés du LOTUS, de la REVUE SPIRITE et de /'AME, n'ont qu'à adresser à la Direction du journal 3 francs pour la France et 4 francs pour l'Etranger.

A1ARS ET SES CANAUX - IAPSOPQuelle que soit la supposition admise, le fait de l'existence d'immenses canaux dans Mars, paraît aujourd'hui démontré ; on peut donc supposer, sans

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Page 1: A1ARS ET SES CANAUX - IAPSOPQuelle que soit la supposition admise, le fait de l'existence d'immenses canaux dans Mars, paraît aujourd'hui démontré ; on peut donc supposer, sans

Huitième Année. Mercredi 29 Janvier 1896 N 110Série— (VIe) N° 149.

A1ARS ET SES CANAUX

Un astronome américain de grande valeur SirLowel a présenté tout dernièrement à la Société

Française- d'Astronomie, une série de photogra-phies obtenues par un ciel sans nuages, à une alti-tude de 2,800 métrés.

Cette série représentait la dernière apparitionde Mars. On sait que cette planète comporte des

canaux, dont l'existence a été plus ou moins con-testée. Grâce aux travaux de Sir Lowel, l'existencedes fameux canaux est aujourd'hui incontestable,puisque ils ont pu être photographiés à une échelleassez considérable pour permettre de voir leursdimensions.

On ne peut plus mettre en doute la réalité d'unebonne observation; il ne s'agit plus que de l'inter-

préter.Or, cette interprétation est rendue très facile,

puisque ces canaux affectent une disposition régu-lière, on ne peut les considérer que comme lerésultat de l'action volontaire d'êtres intelligents.Mais les proportions qu'il faut attribuer à ces im-menses canaux sont si prodigieuses, elles dépassenttellement l'échelle de nos travaux les plus gigan-tesques, même des travaux de l'antique Rome, quele Canal de Suez par exemple, ne serait à côtéd'eux qu'une minuscule rigole. Il faut donc admet-tre que ces merveilleux canaux sont construits

par des êtres analogues à l'homme de la Terre, au

Terrien, mais que ces êtres disposent de puissantsmoyens qui nous sont totalement inconnus ; oubien faudrait-il admettre que Mars soit habité pardes demi-Dieux ou Génies, comme l'ont admis,

du reste, les astronomies de l'Antiquité et du

Moyen-âge.Quelle que soit la supposition admise, le fait de

l'existence d'immenses canaux dans Mars, paraît

aujourd'hui démontré ; on peut donc supposer, sans

trop d'invraisemblance, que ces canaux doivent

servir à l'irrigation et à des transports de tous

genres. Nous avons toujours combattu en laveurde ce mode de locomotion le plus sûr, le plus éco-

nomique et le plus doux pour le déplacement des

hommes, et c'est peut-être pour tous ces avantagescombinés que les Compagnies de chemin de fer

françaises se sont elforcées par tous les moyens

imaginables d'empêcher la construction des canaux

et l'aménagement des lleuves et rivières commevoies de transport et tout particulièrement du

Canal des Deux-Mers qui permettrait la réunion sifacile de notre flotte du Nord avec celle de la

Méditerranée, sans avoir à saluer Gibraltar !Le présent article est. aussi un commencement de

preuves à l'appui de la Pluralité des mondes habités :ce dont se doutent depuis fort longtemps, tous les

hommes véritablement instruits ! E. B.

Avis. — Avec le prochain numéro se terminerala. série VI" ; en conséquence, nous prions nosabonnés et les libraires de vouloir bien nous adresserleur renouvellement pour la série VIIa qui ira dunuméro IJI à ijj. Soit 5 francs pour la France ou

l'Etranger. — On s'abonne sans frais dans tousles bureaux de poste.

Les abonnés du LOTUS, de la REVUE SPIRITE etde /'AME, n'ont qu'à adresser à la Direction du

journal 3 francs pour la France et 4 francs pourl'Etranger.

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LA CVR10S1TÉ

VOYAGE EN ASTRALou

VINGT NUITS CONSÉCUTIVES

DE DÉGAGEMENT CONSCIENT

Suite (i)

— Plus que lu ne crois, mon cher Robert,mais en général, ils évitent de faire connaître

leurs réunions, car la malveillance est grande à

leur endroit, plusieurs de ces spirites sont tribu-

taires du public ; ils appartiennent à la classe

moyenne de la population : entrepreneurs, bou-

tiquiers, marchands, épiciers, commerçants di-

vers, etc. — Toutefois à T., il y a quelques per-sonnalités indépendantes, qui font une étude

sérieuse et scientifique du spiritualisme ; tu en

connais une, Robert, de ces personnalités !— Moi, dis-je, non, pas du tout.— Je sais que tu ignores encore que ta spiri-

tuelle cousine Clairville est très avancée dans

ces questions,qu'elle est même un médium trans-

cendant, abordant les problèmes les plus ardus de

cette grande science occulte, dans laquelle tu

seras maître un jour, j'en ai la certitude.— Quoi, ma cousine s'occupe d'occultisme :

quel bonheur, je pourrai m'entretenir avec elle,dont l'esprit si lin . . .

— Chut, pas trop vite, j'ai sur elle beaucoup à

l'apprendre !— Oh ! sois sans crainte, lu n'auras rien de

désillusionnant à constater chez Mme Clairville ;son âme a la transparence du cristal, elle est

aussi pure que bonne ; c'est l'antithèse des gens

que nous venons de quitter.— .le respirais, j'avais toujours aimé et estimé

ma cousine et j'eusse éié le plus malheureux des

hommes d'avoir à revenir sur la bonne opinion,

que j'avais de son caractère.— A demain. Robert, attends-moi chez loi, je

viendrai te prendre. N'oublie jamais d'élever ton

âme à Dieu ; prie avec ferveur, afin que les flui-

des supérieurs ne nous fassent pas défaut !

Ce fut le dernier mot d'Henry ; puis, nous

nous quittâmes.

XIII

LE DOCTEUR MARMON

Je me relirais plus tôt que de coutume dans ma

chambre, laissant ma mère et Mina, qui avec

Ludovic jouaient au Whist.

(i) Voir les n" 141 à 148.

Mon père lisant avec sécurité désormais, au-tour de la table de marbre les ouvrages qu'il pre-nait dans ma bibliothèque oceuhique.— Ma mè-

re, en femme de coeur, ne lui faisait plus d'ob-servation à ce sujet ; elle constatait même, avecsa franchise ordinaire, que son mari devenait en-core plus aimable et bienveillant depuis qu'ilabreuvait son esprit à cette fontaine de perdition,ainsi que l'Eglise avait dénommé ces livres etrevues diaboliques, mises à l'Index par le Saint-

Siège.Prétextant une légère courbature, je m'étais

excusé auprès de mon jeune ami.

.l'éprouvais un désir violent de me dégager pourcauser et pérégriner avec Henry. Aussi dès queje fus au lit et que j'eus accompli mes préparatifsordinaires, je me projetais promptement hors demon corps matériel, .le vis alors Henry assis surle canapé, les jambes croisées et paraissantécouter.

— Te voilà donc, frère ; c'est donc ta penséequi m'appelait avant l'heure au rendez-vous. ?— Oui, Robert, je veux causer avec toi quel-

ques instants, avant de commencer notre excur-sion. — Ce soir nous irons trouver Marmonchez lui ; nous éveillerons ses souvenirs. Tuliras couramment dans cette destinée, qui futcelle d'un honnête homme en butte aux vicissi-tudes de la vie dans un milieu tel que celui decelte lin de siècle, du Kaly Yug (âge noir), où lemal domine et submerge les consciences, qui nesont pas fortement trempées.— De là nous ironschez le médium Franchie, nous inspecterons sonétat d'âme, afin delà protéger avec efficacité con-tre l'entreprise des infernaux, dont Julien doitêire l'instrument.

— J'ai déjà lié connaissance avec un de ses pro-tecteurs invisibles , son oncle et son parrainFrançois Delort, un brave sous-lieutenant, mortau Tonkin dans une action d'éclat.

— Dépouillé hâtivement de sa corporilé n'ayantpu par conséquent utiliser sur terre, la forcevitale qu'avait emmagasiné son individualité,

pour sa nouvelle incorporation, il achève enKama-Lokaà purger Karma, afin d'achever l'oeu-

vre interrompue par la mort physique. Cet élé-mentaire doué de coeur et d'une intelligence

moyenne a trouvé en astral, des amis, des parentsd'existences antérieures elle moyen de s'instruire

avantageusement dans la vraie science, celle des

secrets de la nature.11 étudie les fluides, leur for-

mation, leur puissance et leur appropriation au

bonheur, ainsi qu'à la conservation des Terriens.

Il reviendra probablement dans 3o ou 40 ans sur

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.A CVRIOSITE

la terre, où il se promet de combattre les partisansde la guerre impie entre les hommes et consacrersa vie à la mise en pratique des idées socialistes

sagement épurées, des utopies irréligieuses, quiles font rejeter en masse par les intelligences peuavancées.

— 11 m'intéresse ton jeune héros. Je suis cer-

tain, qu'il déjouera les artifices que les infernauxvont mettre en batterie contre sa filleule.— Nos efforts doivent se joindre aux siens, tu

ne peux concevoir combien le mal possèded'atouts dans le grand jeu des volitions humai-nes !

A ce moment Henry écouta encore.— Delort me prévient magnétiquement que

Julien a réussi à rencontrer sa nièce et que la

pauvrette a reçu en plein coeur, son fascinant

regard. 11 est temps d'intervenir. Demain, il yaura séance rue des Vignes n° 12, chez les Bar-rais, bons spirites, très convaincus.— Nous y serons, répond de Montzag.— Mon ami se leva,comme pour sortir ; veux-

tu, lui dis-je, que je t'adresse une question quedepuis hier, j'ai sur les lèvres?

Henry se rassit, je vais y répondre, dit-il,aussi brièvement que possible. 11est des noms

qu'il faut prononcer le moins souvent qu'onpeut, des personnages dont le seul souvenir évo-

que des fluidités malsaines. . . Tu désires savoir,quel est ce Pipert dont a parlé Joël ? 11 n'estautre que le trop fameux marquis de Sade, revenu

après sa désincarnaiion dans sa famille légitime :les Infernaux.— C'est du séjour qu'habite le maudit et sa lé-

gion, qu'il fut projette sur la surface du globe,comme ces champignons stercoraires, infectantl'air de leurs méphétiques effluves.— Le messager de l'ennemi du genre humain

n'a que trop accompli sa mission ; la perversitéqu'il a objectivée dans ses oeuvres néfastes en-

gendre toujours de nouveaux effluves empoison-neurs, que respirent successivement les jeunesgénérations de notre globe civilisé.— Aussi, malheur, reprit Henry, levant la main

droite pour jeter l'anathème, à qui imprime à

qui vend et à qui achète ces élucubrations pesti-lentielles, par lesquelles tant d'âmes ont perdu lanotion du bien !— Malheur aussi à ceux qui trouvant sous la

main les livres de cet infâme séducteur ne les jet-tent pas immédiatement dans le feu purificateur.

— Nous n'avons pas, grâce au ciel, lu l'un etl'autre, ces productions des basses régions, maisleur réputation est venue jusqu'à nous, et nous

avons eu l'âme trop haute pour nous laisser ten-ter par leur fumet !

— Pipert descendu aux Enfers n'exerce plusson énergie que dans une seule voie... Ceux quis'occupent de lui, en s'infusant sa prose sont-assurés de l'attirer lui ou ses compagnons, dansleurs demeures et les effets de leurs passages, ysont désastreux.— Partons, Robert et que jamais le nom de

cette odieuse personnalité ne souille nos lèvres,par sa seule énonciation.

Nous franchîmes rapidement l'espace qui nous

séparait de la demeure du Dr Marmon : notrevieil ami, se trouvait dans son cabinet ; depuisfort peu de temps, il était rentré chez lui, il reve-nait de l'hôtel Fontaine et il pensait à Thérèse,qu'il avait trouvée mieux.

Le Docteur semblait chercher la véritable rai-son des incidents survenus chez Augustin le-

quel, comme vieil ami lui avait raconté l'aven-ture du pavillon. — La physionomie de la

gouvernante me déplaît, pensait-il ; c'est elle quidoit avoir le mot de l'énigme. Si quelqu'un pou-vait inculquer celte opinion à Fontaine, ce seraitlui rendre service...

Le Docteur se renversa sur le dossier de sonfauteuil...

Henry venait par quelques mots imprimésdans son aura, de changer le cours de ses médi-tations. Marmon passa sa main blanche et

potelée sur son grand front agrandi encore parune calvitie avancée. Son crâne en partie dénudéde son ornement ordinaire permettait une étude

phrénologique intéressante ; toutes les proémi-nences annonçant l'expansion des facultés intel-lectuelles et affectives étaient fortement accusées;le caractère chez le Docteur ne s'élevait pas à lahauteur de son intelligence, et sa carrière avaitété souvent entravée par un manque d'énergieréactionnant l'âme aux jours d'épreuves.

Né dans une famille riche du midi, il avait

reçu une instruction soignée ; il avait fait une

partie de ses études de médecine à Montpellieret le reste à Paris. A cette époque, au momentoù il allait passer ses examens pour le doctorat,tous les malheurs l'accablèrent à la fois ; la mortde son père suivie d'une ruine complète. — Lamère veuve avec plusieurs enfants tous bien plusjeunes que lui. — Le retour forcé dans la villenatale, les préoccupations et les soucis jusque làinconnus, l'apprentissage si pénible,de la stricteéconomie pour ceux qui sont nés et ont vécu

1 longtemps dans l'abondance. — Des années delutte avec la nécessité de gagner sa vie et celle

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LA CVRIOSITE

des siens... puis une halte dans sa pénible situa- qttion. Le talent réel, l'activité du jeune docteur le to

font apprécier d'un confrère célèbre déjà âgé ; le

il le prend comme coadjuteur. Ses frères grandis se

prêtent à leur tour secours à la famille et déchar- d<

gent d'autant sa tâche.. . plus tard, il épouse parreconnaissance, la fille de son bienfaiteur et ami piMlle Séraphine Monti, dévote, caractère entêté,autoritaire. "'

Ayant perdu de bonne heure sa mère, elle a'

n'avait jamais supporté aucun joug ; l'esprit n

occupé de minuties et de puérilités ne comprit f£

jamais le pauvre Marmon, sa ligure était sans n

expression ; elle reflétait son âme, sans amour, c

son esprit sans facettes. Bref elle fut une lion- s

nête mais désagréable compagne, toujours prête °,

à rappeler à son mari qu'elle lui avait apporté en é

dot la fortune, ainsi que sa position ! Point d'en- î1

fants pour égayer le foyer, et le bon docteur les

avait toujoursadorés... Un amour sincère à peine '

ébauché.,, une jeune poitrinaire, une âme vi- '

branle celle-là et lumineuse, son combat acharné l

avec la mort pour retenir ici bas le cher ange. . . c

puis le deuil profond du coeur, le seul réel.... !

des larmes mouillaient les yeux de Marmon. 1

— Ah ! si je la revois après la mort, je serais lar- <

gement récompensé du peu de bien que j'ai fait

en ce monde !

Ai-je assez fait de bien ?

Voyons, et dans une rapide vision rétrospective,le docteur sembla satisfait.

— Oui, dit-il à demi-voix, j'ai fait ce que j'ai pu,mais ai-je assez empêché de faire le mal ? Ai-jeassez enrayé les méchants, dont j'ai surpris la

main criminelle r Et quelques-uns de mes con-

frères complaisants, que j'ai vu participer aux

crimes, n'ai-je pas eu tort de les épargner, de

garder un silence prudent, profitable à ma tran-

quillité, que dis-je à ma sécurité ? Car, c'étaient

souvent des puissants de tous ordres qui les em-

ployaient. .. .— Hélas! non, j'ai faibli égoîstement, lâchement,

j'ai laissé faire... j'avais tant lutté dans ma jeu-nesse, que j'ai fermé les yeux... Ah ! j'ai manquéde courage; je suis coupable. Oublions. . .et il se

leva, mais il retomba bientôt sur un fauteuil et

dit avec un soupir : « Ne serait-ce pas mondevoir de dévoiler cet ignoble Tripart, cet agentde je ne sais quelle main criminelle... ces cas de

folies subites... ces maladies de la moelle épi-nière, sans cause préparant leurs effets, faisant

d'une personne de moeurs honnêtes, d'une con-

duite rangée, un idiot, un gâteux incapable de

gérer ses affaires... il y a aussi un homme sur

qui se porte constamment mes soupçons et quetout le monde traite en brave et honnête citoyen,le sieur Ardol le pharmacien ; si je faisais uneseule allusion malveillante sur lui, ou me lapi-derait. . .

— Ah i que c'est triste de savoir et de n'avoir

pas le courage de parler.Monsieur Marmon songea à sa femme morte

depuis dix ans, il ne la regrettait pas, elle luiavait tissé des longs jours d'ennuis, de récrimi-nations et d'absurdes reproches ; elle étaitfemme et fille de docteur, sottement jalouse desintimités forcées de son mari avec ses clientes et

certes, il n'avait que très peu profilé des occa-sions si nombreuses pour lui de lui être infidèle;

quant à la jeune poitrinaire, le coeur seul avaitété en jeu. .. Je ne sais ce que j'aurais fait pensaMarmon, si le cher ange fût revenu à la santé ?

— Me voilà seul, vieux, sans enfants ; je m'estimeheureux d'avoir auprès de moi pour me soignerMme Bazin, la bonne créature fidèle et dévouéeune despote, c'est vrai ! Mais en vérité, lors-

qu'elle reste un jour sans gronder, ce qui esi fort

rare, je sens qu'il me manque quelque chose,tant j'ai pris l'habitude de la voir se fâcher pourdes riens, aller et venir marmottant de ne pou-voir être à la fois à la cuisine et dans l'anticham-bre pour répondre aux clients ; jamais elle netrouve que le domestique soit assez vigilant...

, Oui, cette bonne Mme Bazin, je ne l'oublierai

pas dans mon testament. . . je veux aussi laisser

, des souvenirs à plusieurs de mes amis ; les jeu-e nés surtout... Dosset et Montzag, ces chers en-a fants que j'ai vu naître,j'interrogerai leurs prédi-

lections particulières sur les objets d'art entassésx dans ce cabinet ; et il regarda autour de lui avece attention.

Nous nous serrâmes la main avec Henry !

it Bon docteur, comme son amitié, pour nous estsincère... Souhaitons lui de retrouver bientôt le

pur amour, qui seul a illuminé son existence et

t, qu'avant de quitter ce monde il ait le courage de

i- démasquer l'infamie, quoiqu'il puisse lui adve-

ié nir de fâcheux.

5e Et nous quittâmes Marmon, qui debout, son

et flambeau à la main, se disposait à aller se cou-

>n cher.

;n xivle

LE PÈRE LOISEAU

nt Nous parcourûmes lentement en observateurs

n- attentifs les rues les plus fréquentées à cette

de heure tardive. Henry ne laissait échapper au-

ur cune occasion de m'instruire.

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LA CVRI0S1TE S

Un homme âgé venait au-devant de nous, il nmarchait vite et fort préoccupé, une écorce d

d'orange se trouva sous son pied, et le vieillardserait infailliblement tombé la tête en avant sur pla bordure du trottoir au risque de se tuer. qHenry étendit son bras fluidique, l'homme à la rmoitié de sa chute se raidit deux ou trois fois en 1ressauts nerveux ; enfin il reprit tout-à-fait son

équilibre. Je reconnus le père Loiseau, le batteurde matelas de notre quartier. Deux personnes ;

près de lui en ce moment, se portèrent immédia- ytement à son secours et furent témoins de cetextraordinaire balancement qui l'avait sauvé .d'une chute imminente et terrible.— C'est vraiment miraculeux père Loiseau, que ,

vous ne vous soyez pas cassé la tête ! Diantrevous avez encore du nerf pour votre âge !— Je ne l'aurais jamais cru, moi-même, dit le

bonhomme.— Voyez, messieurs, c'est la sainte Vierge qui

m'a protégé. Je venais de chercher un remède |pour ma pauvre vieille qui étouffe de son as-thme. Merci, mes bons messieurs et le .vieillard

reprit sa marche ; nous le suivîmes.

Henry murmura à son oreille : « Père Loiseauà votre âge, il faut faire plus d'attention où l'on

pose le pied. »

Le vieillard avait entendu et machinalement,il répéta tout haut sans s'expliquer pourquoi, lamême phrase, et cela deux ou trois fois avec

complaisance, croyant que c'était lui même quil'avait formulée.

Précédant de quelques minutes, le Père Loi-seau dans sa demeure, nous trouvâmes sa femmeassise dans son lit et suffocant, la figure violacéeenfin dans un état à faire tout-à fait pitié.

Henry, après avoir levé les yeux au ciel dansune fervente invocation, me dit : Je puis retar-der l'instant fatal, il y a possibilité d'atténuer lacrise. — Les noirs esprits qu'attire toujours ledénouement final : la mort physique, sont déjàlà, tout prêts à recouvrir le cadavre et à s'amon-celer sur lui en colonnes serrées...Je ne voyais rien, moi!— Regarde bien, me dit Henry, ils sont là

collés aux murailles et au plafond !

Après quelques secondes d'une attention sou-

tenue, très intense, j'aperçus une grande quantitéd'êtres minuscules, comparables au taons quis'attaquent surtout aux chevaux, mais plus fon-cés que ces mouches grises et ayant de longuespattes velues. Je ressentis un grand dégoût, ainsi

qu'un sentiment d'effroi, en voyant le grouille-

ment de ces êtres immondes attirés par l'appâtde la mort.

Henry appliqua ses mains sur la poitrine de la

pauvre femme; ses lèvres prononcèrent des motsque je ne saisissais pas ; enfin la patiente jettaun soupir de soulagement et se renversa surl'oreiller.

Loiseau rentrait haletant.— Ah ! mon ami, je croyais ne plus te revoir ;

j'allais perdre connaissance, je me sentais mou-rir enfin, quand deux anges du Bon Dieu sontvenus près de moi. Je ne les voyais pas, mais le

plus blanc m'a touché la poitrine. Là, dit labonne femme, en montrant la place. J'ai senticomme un grand feu et l'étouffement s'en estallé comme par enchantement.

— Ah ! mon pauvre vieux, mon pauvre Loiseau,comme le Bon Dieu est bon ! Vois-tu, quand onest des honnêtes gens, il vient toujours à notresecours.

1 Et les deux vieux époux s'embrassaient en

pleurant.— Moi femme, dit Loiseau, j'ai été protégé

par la Bonne Vierge; et il raconta l'accident au-

quel il venait d'échapper.— Allons, ma bonne, veux-tu prendre le re-

mède que je t'apporte ?— Non dit la femme, lorsque le ciel s'en mêle,

faut rien ajouter soi-même ; couche-toi, cherhomme et que Dieu et les saints anges soientbénis !

Le retour inespéré à la vie, avait fait fuir lanoire cohorte des noirs élémentals, buveurs de

: fluide délétère.- — Qu'elles sont horribles, dis-je à Henry, ces

lugubres créations astrales ! Toutes les chambress mortuaires, sont-elles ainsi peuplées?

— Presque toutes répondit-il, mais l'âme desa êtres bons ne les voie pas, entourée qu'elle este par des entités secourables, par la présence desà anges de la dernière heure, ainsi qu'on les ap-i- pelle, à cause de la mission sainte qu'ils s'impo-

• sent eux-mêmes. — Du reste, mon cher Robert,il y a un très grand nombre de morts différentes ;

à la Kabbalah en reconnaît 900 ; à chacune d'elles,la mise en scène est modifiée.

1- — Mais la mère Loiseau me paraît une assezté bonne âme, dis-je, pourquoi, alors, cette quantitéti d'élémentals ?1- — Ah ! ce ne sont pas là, les plus mauvais, ils;s

'restaient éloignés attendant le départ de l'âme

si pour se précipiter goulûment sur sa dépouille,e- Ils ne sont pas plus coupables en cela que les

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LA CV RIO SITE

mouches vertes recherchant pour s'en repaître,les restes putrifiés.

— Laissons au repos ces bonnes gens, dit mon

ami, et allons porter nos soins où nous appellele lieutenant Delort.

XV

FRA.NC1NE MOUTET

En quelques minutes, nous fûmes transportés idevant la maison de Franchie Moutet.

Son parrain vint à nous : merci, messieurs, de a

venir à l'aide de ma chère nièce ; elle est vrai-ment en danger. Ce Laverdette est un fascinateur x

de premier ordre ; il est loin d'être beau et pour- ;

tant sa tournure, son regard le rendent un amantenviable aux yeux d'une jeunesse telle qu'est | :

Franchie. L'enfant ainsi que je vous l'ai dit déjà '

télépathiquement a été harponnée fluidiquementpar le coquin de Laverdette ; elle s'imagine avoirressenti, ce fameux coup de foudre qui a tantfait faire de sottises aux filles les plus sages ! Je

compte sur vous, M. de Montzag, et sur vousaussi prince de Lymac !Je regardais, près de moi, de tous côtés pour

voir celui que l'on interpellait ainsi.Et Henry, se menant à rire me dit : ne cher-

che pas tant ; c'est toi qui est le prince, monbon Robert ; Delon te reconnaît ; il est une detes connaissances du temps passé, dont le souve-nir est eflacé pour toi, par la présente incorpo-ration.— Oui, dit Delort, M. de Lymac et moi avons

rompu plus d'une lance ensemble ; mais il y abien longtemps de cela, c'était dans la Flandre

Française. .. nous avons eu pas mal de querellesensemble, mais tout est oublié ., vous le voyez,on se retrouve, mon prince !— Je ris de bon coeur de ce souvenir évoqué,

dont je n'avais, est-il besoin de le dire, nullesouvenance pour mon compte.

— Je tendis la main à Delon, lui promettantd'aider Henry dans son oeuvre protectrice de lavertu en danger.

Delort disparut, sans doute une force majeurel'attira ailleurs !

Nous regardâmes tous deux,Henry et moi,dansl'intérieur de la maison : au rez-de-chaussée se

trouvait un modeste salon, dans lequel M. Mou-

tet, ancien greffier déjà très âgé se trouvait avec

sa fille. Il venait de poser son journal sur la

table, près de laquelle sa fille Franchie, très joliefillette de 16 ans, aux bloucles blondes, au profil

gracieux dans toute la fraîcheur de son prin-temps, brodait un volant de robe au coton rouge.

Le greffier releva ses lunettes sur son front,ainsi qu'il avait coutume de le faire, quand ilavait fini de lire ou d'écrire et s'adressant à safille : « Mignonne lui dit-il, il est l'heure d'allerse coucher; tu sais que c'est demain soir qu'il ya séance chez les Barrais, et on compte sur toi.Tu es notre meilleur médium. Il faut que tu soisbien reposée. »

— Encore une minute, petit père, je voudraisachever cette aiguillée de coton. ..

L'enfant prenait ce prétexte pour donner le

temps à la pendule de sonner i i heures. Un passe fit entendre soudainement dans la rue déserte,..Franchie trembla légèrement ; elle venait dereconnaître le pas de Laverdette. Celui-ci en

effet, s'avança rapidement et fit une halte devantla fenêtre, les deux mains appuyées sur les vo-

lets, comme s'il les eût voulu magnétiser.La fillette se renversa sur le dossier de sa

chaise, les yeux à demi clos dans un ravissement

extatique.— Hé bien ! Hé bien ! dit le Père, voilà que tu

vas l'endormir à présent. Tu vois bien que j'avaisraison de l'inviter à aller faire dodo.

Le greffier, embrassa sa fille et ce paternel bai-

ser rompit le maléfice. . Tous deux se dirigèrentvers leur chambre respective.

Laverdette, bien qu'il n'eût rien vu, avait eu

cependant l'intuition, bien plus la sensation

d'avoir été senti et il en sourit machiavélique-ment ; aussi, se dit-il en frisant sa moustache :— Je réussirai, ce ne sera même pas trop long.

Et puis elle est gentille cette fille de greffier au

repos.. . Ah ! si celte sotte de Thérèse vous avait

cette jolie frimousse et surtout cette rare faculté

d'esprit volant !Ce serait pour moi, une fortune !

Enfin contentons-nous de celle qu'elle m'ap-

portera en dot. . .: j Elle sera respectable, surtout si Tripart, fait le

i croc-en-jambe à l'honnête Marmon et parvient à

si bien ramollir le bel Augustin, que je sois seul

: souverain maître de la caisse.

Oh ! alors, ça marchera comme sur des roulet-

s tes, je partirai pour Paris; là seulement j'auraie un théâtre assez vaste pour le jeu de mon activité.

Je puis aspirer à tout, aidé par les Frères de la

c la Mandagore etpoussé occultement parles Infer-

a naux.e Ace moment Julien Laverdette fredonna un

il air en vogue et reprit sa marche.

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LA CVR10SITE

Je voulus continuer à lire dans cet être abject ; pil reprit son monologue... g— Je voudrais que Franchie put prendre la

place de Thérèse, mais celle qui ferait tout à fait nmon affaire, mon bonheur complet et dont je gferais une compagne sérieuse, c'est une personne e

qui certes ne pense pas à moi et à qui je pense 1moi.

Et je frémis d'horreur, en voyant se fixer jdans le cerveau de ce Julien, la pure image de Lma soeur bien aimée. ' c

J'oubliais que j'étais en forme astrale, c'est-à- \dire invisible et que Julien n'avait fait que peu- ]ser. Je ne lui en appliquais pas moins un soufflet. 1 ;— Je n'entendis aucun bruit, cependant Laver-dette poussa une sorte de rugissement sourd et ,

porta sa main à la joue frappée par moi.

Henry me dit : « tu as tort, mais tu as frappérudement ; ta décharge électrique s'est portéesur la mâchoirede Julien où plusieurs dents sontmalades. Tu viens de lui occasionner une douleurdes plus vives... Le drôle ne mérite pas de pitié,mais comme ta soeur n'était pas en danger par la

pensée de cet homme, tu n'aurais pas dû le frap-per dans l'ombre.

— Je reconnais que j'ai agi arbitrairement, i

dis-je, je saurais mieux me contenir une autre

fois, en pareille occasion.— Quittons-nous, me dit mon ami, il est

nécessaire que je me transporte bien loin de T.et toi, mon cher Robert, regagne tes pénates... à

demain, à q heures, rue des Vignes, 12.— Encore un mot cher ami !— Oui je sais ta question, ce serait trop long

d'y répondre ; contente-toi de savoir que la mèrede Thérèse, Madame Fontaine a été réellement lavictime de la Pichon. lille lui a versé un narco-

tique qui a provoqué une attaque d'apoplexieséreuse à laquelle a succombé la pauvre dame.

Ce narcotique a produit un effet d'autant plusfoudroyant que depuis longtemps Madame Fon-taine était fort affaiblie.

— Ah ! l'horrible femme que cette Virginie !...Adieu à demain, c'est convenu.

XVI

AVANT UNE SÉANCE SP1R1TE

Dans la journée, je cherchais un motif plausi-ble pour quitter ma famille aussitôt après lele dîner, qui d'ordinaire se prolongeait jusqu'a-près huit heures. Je fus sorti d'embarras par mamère et Mina qui nous dirent qu'elles étaientinvitées pour le soir dans la loge des Montzag,

pour entendre Cossirael Martigny dans le Lohen-

grin de Wagner.Tu seras aux fauteuils d'orchestre avec Ludovic,

me dit Mina ; aux entr'acires tu nous enverras des

glaces, mon bon petit Frère, je les aime beaucoupet je les apprécie surtout au théâtre, d'autant quele glacier est très habile.

N'oublie pas que Pauline partage mon goût.Je me trouvais fort embarrassé de répondre parun refus à ma chère Mina, surtout à l'instant oùelle faisait appel à une gâterie à laquelle je l'avaishabituée. C'était mon lot en pareille circons-tance. Je regardais anxieux mon père qui s'était

approché de nous, — C'est moi qui remplaceraitRobert, ce soir, ma chère enfant ; ton frère pour-suit en ce moment une série d'expériences psycho-logiques d'une grande importance ; je pense qu'ilest préférable qu'il n'en soit point distrait. Jeremerciais mon excellent père du regard; heureuxd'être aussi bien deviné et compris.— Ma soeur, rieuse, murmura à mon oreille :

Je ne crois pas trop au motif invoqué par notrePère ; vous vous entendez ensemble, mais je medoute de quelque chose, Monsieur le sorcier,— Oh ! fi, le vilain mot, Mademoiselle.— Ah ! tu préfères M. le Mage, ou Sar c'est

mieux porté...— Je ne mérite pas encore ces titres, méchante

petite soeur, dis-je un peu vexe tout de même, on

prodigue trop facilement de nos jours cette appel-lation symbolique de Mage, qui ne saurait êtredonnée qu'aux véritables initiés, à ceux qui pos-sèdent en réalité la maîtrise et ils sont rares, fortrares à l'époque actuelle. — Aussi ce titre est-ildonné mal à propos aux étudiants de l'occultisme,simples aspirants à la science ésotérîque.— Et tu es toi-même, Robert, un de ces aspi-

rants, dit Mina, revenue sérieuse?— Hébien ! Oui,dis-je en la regardant fixement,

pour essayer de lire, comme dans le dégagement,sa pensée. Comme je m'y attendais du reste,Mina étant la franchise même, elle parla sa penséeet je lus dans son esprit : « Mon cher Robert,j'espère qu'un jour, tu voudras m'accepter pourdisciple, je me sens portée vers ces grands hori-zons de la pensée. Je voudrais le mot de bien des

énigmes, qui entravent mes petites spéculations...— Je l'embrassais tendrement ; ta belle âme a

e plus que la science, elle a la pureté et la charité,qui sont les deux ailes de l'ange pour remonter

a dans la plénitude de la sagesse,it — A son tour, ma soeur plongeait son regardj, dans le mien, elle vit que j'étais sincère dans ce

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8 LA CVRIOSiTl

qui aurait pu passer pour une flatterie sur d'au-tres lèvres.

— Frère, un jour je ferai appel à ton savoir,et elle alla retrouver ma mère occupée à préparersa toilette pour aller à l'Opéra.

Après le départ de ma famille pour le théâtre,je rentrais dans mon appartement. J'étais heureuxde n'avoir plus à m'ingénier désormais pour mo-tiver mon absence ici ou là, tant que dureraientnos excursions nocturnes. Tous les miens m'a-vaient compris, sans plus d'explications, signeirrécusable de leur véritable affection, d'uneexquisse délicatesse de coeur. I

Quelques minutes après, à peine couché etendormi, je retrouvais Henry rue des Vignes, i 2 ;il m'attendait devant l'habitation des Barrais.— Je te prive, me dit-il, d'une soirée à l'Opéra,

soirée agréable ; Ludovic est particulièrementprivé de ta société ce soir ; il espérait l'avoir àses côtés, puis aller aux entr'actes faire la cau-sette avec ta soeur ; Henry appuya surtout sur cemot. Je le regardais essayant avec lui. ma lecturede pensée, dans laquelle je faisais des progrès.Mais je fus déçu ; Henry s'en aperçut.— Ecoute, dit-il, la lecture de pensée bien que

difficile devient courante pour les natures biendouées, qui exercent cette puissance interne, quise diversifie et peut s'appliquer à tous usagespour l'initié complètement développé ; mais sicelui-ci ne pouvait dérober aux yeux indiscretsou malveillants les moyens d'action de sa puis-sance, ainsi que l'étendue de celle-ci, il seraittrès malheureux ; il aurait maintes fois à regretterde la posséder, il ne pourrait s'en servi]- quedans de rares circonstances ! L'anneau de Gygèsest le symbole de ce pouvoir indispensable quepossède l'adepte de se mettre à l'abri des curio-sités importunes des êtres secondaires de l'es-

pace, comme des embûches des Initiés de l'abîme.des Frères de Vombre qui possèdent eux aussi, lascience intégrale, sinon le droit et la puissancede s'en servir dans tous les plans de la naturemanifestée.—J'ai voilé à dessin ma pensée Robert, à pré-

sent : Regarde et lis !Et je vis que je ne m'étais pas trompé en soup-

çonnant le sentiment de Ludovic pour Mina. Enune seconde, je sus que leur mariage était arrêtéchez les ancêtres que le père d'Henry sollicitaitde devenir mon neveu. Je fus rempli de joie.

Henry ajouta : Ludovic est plus jeune de troisans que ta soeur, mais ce ne sera pas un obstacle ;il adore Mina et mon père est aussi fier qu'heu-reux de reprendre l'existence terrestre dans le

sein d'une créature possédant, outre la pureté du

sang, une vertu réelle, une âme si complètementhonnête, qu'une seule pensée impure ne saurait

prendre attache une demi-seconde dans sa loyalepersonnalité.J'embrassais ému jusqu'aux larmes le frère de

mon coeur, bénissant la providence du bonheur

qu'allaient goûter nos deux familles par cette

union. Je me jurais d'être pour de Montzag, mon

futur neveu, l'oncle le plus tendre et le plusactif à lui rendre la vie la plus agréable qui putexister sur la terre, et même déjà en un rapide

éclair, je songeais à lui inculquer de bonne

heure les vérités occultes, ainsi que les expérien-ces, fruits de mes efforts persévérants.

La main dans la main, nous entrâmes chez les

Barrais, dans la salle à manger, aménagée pourla circonstance. Plusieurs personnes se trou-

vaient réunies ; on parlait des expériences que

promettait la séance et chacun in petto pensaitêtre gratifié de la communication d'un être cher.

Deux médiums étaient encore attendus... Déjà à

la table servant de bureau étaient installés : le

président Fusier, un homme encore jeune, tête

intelligente, un des écrivains spirites, des pluszélés à qui on ne pouvait reprocher qu'un exclu-

sivisme absolu dans la manière d'expliquer les

manifestations spiritiques, ainsi que son fana-

tisme pour Allan-Kardee. le seul maître qui fut

au monde pour lui. plus étroit de jugement quele maître préféré, dont les oeuvres sont loin de

fermer définitivement la poi'te aux vérités ins-

crites dans d'autres doctrines- A ses côtés deux

autres messieurs, impatients du retard des deux

médiums.— Les voilà, s'écria Mme Barrais, la maîtresse

du logis.Son mari alla recevoir les retardataires: «Bon-

soir Mme Mouiet, bonsoir Franchie, ah ! vous

voilà, Mme Cbapitout ; êtes-vous souffrante quevous boitez sensiblement ?

La dernière venue se laissa tomber ou plutôts'abattit sur une chaise.

(A suivre). . M. A. B.