Abel-la Juste Memoire

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  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    1/105

    LE CHAMP

    THIQUE

    . ,

    Mci

    -

    r Denis Mllier, avec la collaboration

    " " " " " T R I I Alberto Bondolfi,

    Jean-Daniel

    Causre,

    *

    B

    "

    , a

    S l t o we i et Florence Quinche.

    , JM,etla

    tendresse

    E

    ?acl

    ^lia-BiKb

    d.,

    Science sans conscience

    7

    U^^^/Xu/hetewc on,des histoires

    pliera

    et

    socialistes avant Mon

    \

    t^^S^JSmasexuel: unplaldoyer

    ,

    hMjthique

    et sanctification

    \ \ ^ M ^ transferts

    d'armements: une question morale

    ?

    E S

    P-A

    Son*

    Ai**

    ''**

    C Boni

    U-L'nergie

    au quotidien

    1

    Triischl ni taorerar

    la

    personne

    du vieillard

    N,v/btenton,Jwfcelits'embrassent

    D.

    Bonhotfftr,

    a%

    iM.Tbtnz, Entrenosmains ienwrjfon

    EDcbtay,

    B.

    Barrct-Kriegel d., Gatre/

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    2/105

    , (.(wfcw,,fcest( * V K C aeflrct

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    3/105

    L A JUSTE MMOIRE

    TROISIME PARTIE

    . . E M T A T

    ES DE LA

    MEMOIRE

    ET DE ^ p r n o N

    HISTORIQUE

    -

    to

    prmes de Paul Ricur

    169

    Jeanne-Marie

    G A

    . ^

    fondame

    ntal comme

    don.

    Ha.s-Chris.oph ASKAN'

    R i c w r

    :

    U

    mmoire,

    1

    histoire,

    A propos "

    v r e

    " 182

    l'oubli

    207

    Listedes

    auteurs

    Prsentation

    du

    Fonds Ricur

    #

    INTRODUCTION

    Olivier

    Abel

    et Sabina Loriga

    L'entre thique en histoire :

    en excs du politique, par l'inachvement

    La conversation entre l'histoire et la philosophie n'a pas toujours t

    des plus aises. Aussi bien, les sujets mcomprhension

    rciproque

    sont nombreux, d'autant que l'histoire comme la philosophie vient au

    dbat en ordre dispers, sous des figures et des dmarches diffrentes.

    Dans une uvre o Paul Ricur a rencontr l'histoire plusieurs

    reprises, et tout particulirement dans

    La mmoire, l'histoire, l'oubli',

    nous avons finalement adopt une entre en matire d'ordre thique,

    par l'ide ou la question d'une juste mmoire, qui nous touche

    autant comme historiens que comme philosophes.

    Ricur en effet cherchait dsigner cette juste mmoire par excs et

    dfaut, entre un trop de mmoire et un trop peu de mmoire. Malheu

    reusement, son diagnostic sur les abus de la mmoireat confirm par

    le rcent dbat politique, marqu par une lourdeinstrumentlisadon

    politique, mdiatique et judiciaire du pass (pour ne citer que le dernier

    cas franais, il suffit de penser la discussion sur la colonisation). La

    difficult de trouver une juste mmoire (quantitative et qualitative) est

    peut-tre l'un des symptmes de la monte rapide de la catgorie de

    prsent, mise en lumire par Franois Hartog : comme si, derrire la

    frnsie d'histoire qui agite les socits europennes, il n'y avait plus

    que du

    prsent,

    sorte de vaste tendue d'eau qu'agite un incessant

    clapot

    2

    . Mais,

    au-del

    du contexte historiographique et politique

    actuel, la rflexion de Ricur nous

    encourage

    aussi

    nous interroger

    1.Paul RICXEUR,

    La

    mmo*.l'histoire.

    W J *

    "-

    * l S f i f .

    2.

    Franois HARTOG.

    Rgimes d'historicit.

    Prsenta* et

    expnences

    temps.

    Fsris,

    Le

    Seuil,

    2003.

    http://ha.s-chris.oph/http://ha.s-chris.oph/http://ha.s-chris.oph/
  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    4/105

    LA JUSTE MMOIRE

    10

    , i'ufgencedesortirdud lire d une rflexion totale et

    sur lanecess"

    de |a ml

    Castelli-Qattinara,Hans-Christoph

    ul UIV1 d

    '"n dbat de Paul Ricur avec Giovanni

    INTRODUCTION U

    certain nombre d es textes ici ru nis avaient fait l'objetdecommu nica

    tions ce mom ent-l.

    Dans les quatre annes qui ont suivi, avec Enrico Castelli-Gauinara

    et Isabelle Ullem-W eit, nousavonspou rsuivi en sminaire

    collectif,

    l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, la recherche alors

    amorce:en explorant des points d'appui dans d'au tres uvres - les

    rflexions de Hannah Arendt sur le temps, la culture et l'histoire, par

    exemple, ou celles de Siegfried Kracauer sur le temps, l'histoire et les

    avant-d ernires ch ose s' -, et en largissant galement ce questionne

    ment au moyen d 'au tres su pports, comme le traitement

    de

    la m moire

    de

    l'histoire

    dans les grands procs politiques :Nuremberg,Eichmann,

    Papon.

    Dans ces pages, on trouvera galement la trace

    remanie

    de certains

    des exposs donn s d ans le cadre de ces sminaires successifs, jusqu '

    ceux qu e nou s faisons actuellement sur l'exprience d e la contempora-

    nit et d e l'anachronisme d ans l'tud e d u pass. Car cette exprience

    mle en core la question historiographiquedesavoir commentserendre

    contemporains des tres du pass ainsi que la question thique de la

    comprhension d'autrui.

    Ce n'est sans doute pas un hasard si ces tudes croises nous ont

    encore conduits dans les parages du rcent Parcoursde la reconnais

    sance de Paul

    Ricur

    6

    .C'est

    ainsi que le travail de rception et de

    relectu re assez libre de La mmoire,l'histoire,

    l'oubli

    se pou rsuit dans

    notre petit groupe. Il ne nous semble pas inutile de rappeler ici les

    grandes lignes de cet ouvrage, nos yeux significatives, avant d'en

    prsenter notre travail de lecture.

    Quelques l ignes d 'appui pour nos questions

    Dans u n livre prc dent, au fond galement compos comme un trip

    tyque,Temps etrcif,aprs avoir pos le problme de la ralit du

    5.

    H.

    ARENDT,

    Between

    Pas,

    and Future(1954-1968) New

    York.

    Penguin.19

    tr.

    ft.

    La crise de la culture,Paris, Gallimard, 1972.

    S ^ * * " S

    before the Lasl(posth.),NewYork, OxfordVttotWj^J:**-

    L l

    "

    s

    """

    i

    Des avant-dernireschoses,prsentationdeJ.RBVEL,Pans, Sto*2006.

    6.PaulRICUR,Parcours de lareconnaissance.Pans, Mwas, ^

    7.

    PaulRICUR,Tempsetrcit,tome1.

    Pans,

    U Seuil.{:

    T

    '

    m

    g ? J * * ^ ,

    configun,thnduten\psdanslercitdefic,ion,PmsM Seml,m4.Tempsetrec,,

    tome3.Le temps

    racont,Paris,

    Le

    Seuil,

    1985.

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    5/105

    12

    L A J U STE M M O I R E

    pass

    historique (qui n 'est plus mais qu i a t) , et avant d e

    ren

    He-el

    ( toute narration totalisante), Pau l

    Ricur

    avait traitl'h

    tke et

    la

    littrature comme rcits susceptibles de reprsenter

    conjoint

    ornent

    le pass.

    D

    s'agissait que la fiction (l'imagination) se mette

    au

    rvicedel'inoubliable

    (dans l'horrible ou l' ad mirable) et libre rtros-

    -ctivement

    certaines possibilits non effectues du pass historique

    our que l'historiographie s'gale la mmoire. La littrature tait

    ainsi

    pour l'histoire une rserve de refigurations possibles du temps.

    Jj

    faut rappeler

    cela,

    car l'objection qui a t faite La mmoire,

    l'hi

    s

    .

    loirel'oubli de prsenter une vision trop positiviste de la vrit histo

    rique comme exactitude factuelle, manque l'articulation avec ce travail

    antrieur sur lequel Ricu r ne revient p as : le travail historiographique

    s'effectue au travers d'une mise en intrigue narrative qui suppose la

    mise

    enjeu

    de points de vu e narratifs eu x-m mes situ s d ans le temps

    et l'histoire. Sans doute

    s'achve-t-il,

    en cela, dans la tche de l 'cri

    ture, savoir l'historiographie proprement dite.

    Revenant sur un sujet dj trs travaill, Paul Ricur semblait dans

    La

    mm oire, l'histoire, l'oubli prendre un malin plaisir montrer la

    discontinuit des problmes, les reprendre rebours. Il cherchait

    dsormaisdcoupler mthodiquement l 'ima gination et la m moire, la

    fiction de ce qui aurait pu tre et la ralit de ce qui a t . A

    dcoupler mthodiquement la mmoire, capable de reconnaissance

    (c'est bien lui, c'est bien elle ), et l 'histoire qu i ne s au rait trou ver d e

    reprsentation heureuse. Ces dissociations s'accomplissaient sur les

    trois plans d'une sorte de phnomnologie pluraliste de la mmoire,

    d'une pistmologie discontinue d e l 'histoire et d 'u ne herm neu tique

    dela condition historique qui cu lmine d ans u ne r flexion d e sty le berg-

    soniensu r

    l'oubli,

    nfaut remarquer cet gard qu e, s i Ricu r avoue

    Plus de complicit avec Bergson qu'avec Heidegger, ce n'est pas seu-

    cr i tT '

    T *

    ^ '

    U rcpr0Cbe

    *

    d e m i e r d e

    l iquider les problmes de

    mnrii

    n q U e

    '

    C,< St au COM raii

    e

    q ue ,

    trop aristotlicien pour

    s i t t e f i l

    P

    H

    S

    *

    V u l 8 a i r c

    *'

    a

    Perche prendre appui sur la diver-

    tempscosmi^e

    temporalit

    '

    eMre l e

    P temps vcu et le simple

    quels

    K c S r e c h e h ' ? '

    1

    ? "

    m o n t r l a

    d iversi t d es p lans sur les-

    rendue aux tres pas

    &

    ^ ' "

    m m o i i e e t d e

    l 'histoire, la vrit

    Capituler

    les autres

    et^

    T ? "

    d e CeS p l a n s n e

    P

    e u t

    r sum e r o u

    tension teUe que jamais

    ell"

    h i s t o r i

    1

    u e

    e ainsi

    place dans une

    9

    u e

    k

    reproche R i ,? "/

    8

    '

    a c h e v e

    -

    On peut signaler au passage

    _ de

    vouloir faire

    passer

    le

    pass

    est

    INTRODUCTION

    13

    d'autant plus malvenu qu'il n'en parle, lui, que pour le reprocher

    Ernst Nolte, et que tout son livre est d'abord un plaidoyer pour la

    mmoire.

    L'enchev trement de toutes ces problmatiques n'empche

    pas

    deux

    d 'entre elles de s'imposer, d ans un ordre syntaxique qui reste celui du

    livre : Qu'est-ce que la reprsentation du pass ?Et y

    a-t-il

    une juste

    m moire ? Ces deu x lignes, entre un ple pistmologique et un ple

    thique, d oivent tre distingues;mais

    l'apprentissage

    mme deladis

    tinction mthodique entre s'informer et juger n'est pas sans horizon

    politique et moral. Il ne faut d onc pas non plus que cette question quasi

    politique d e

    l'abus

    d e mmoire ou de

    l'abus d'oubli

    soit traitespar

    ment d e la qu estion primord iale de la reprsentance. Contrairement

    ce que des discussions htives et parfois malveillantes ont laiss

    entendre, l 'id e d 'u n devoir de mmoire est pour Ricur tout fait

    lgitime dans u ne perspectivedejustice*,m ais ce devoir

    s'adosse

    un

    travail dercognitioninaccessible

    l'impratif.

    Si l'on peut discerner ces deux lignes de lectures dansLa mmoire,

    l'histoire, l'oubli, la majeure portant sur le problme de la reprsenta

    tion du pass, la mineure portant sur la politique de la juste mmoire,

    les travau x rassembl s pou r le prsent ouvrage prennent donc ces deux

    lignes en d iagonale : ils tracent une ample variation non tant autour du

    livre de Paul Ricur, dont

    us

    s'cartent parfois beaucoup, qu'autour

    des qu estions mmes qu e ce livre indique et

    offre

    en partage.

    O r g a n i sa t i o n de l ' o u v r a g e

    Nous avons finalement dcid d'ouvrir ce

    volume

    J *

    conversation de nos d eux textes, qui resserrent a

    question

    a u t o * d e *

    dimension thique, au sens large, du rapporthistorique la m t o o u e .

    D'u n ct , la question d e la juste mmoire

    rencontre ceUe de

    la

    ctdto

    litdu tmoignage, et de la mise en uvre d'u n

    %"?%

    civique sur le fond d 'u n horizon de pardonquine sera*m une fusion m

    r^onciliation,

    mais qui soit une o n ant ipo^u ^ u e U e

    la liaison ne peu tse faire :la

    " T ? ? * ^ *

    m a

    X e un

    dans le d tail du mtier et de la tche de1historien que

    un autre que soi ,Paul

    RICUR,La

    mmoire,

    l

    >"*

    p.

    107et

    108.

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    6/105

    LA JUSTE MMOIRE

    14

    .j

    1afo

    i

    S

    critiqu eet thique vis--visde la vu lnrabilitmme det,

    *T r ce qui obUge largir la notion de vrit historique .,

    H nouveau inquite et politiquement inquitante.

    nTsecondensemble, plus pistmologique, ici encore au senslarge

    =mche de manire contraste l'approchepistm ologiquede Ricur

    Lue histoire et philosophie, ce sont trois textes qui se dmarqu

    em

    alement

    de la rception

    franco-franaise

    d eLa mmoire, l'histoire,

    /W>/i etde

    l'temel

    procspistmologiqu e en heid eggerianismeque

    les cricistes

    des tudes allemandes font

    l'hermneutique

    franaise,

    dans laquelle on a tent d'enfermer Ricur. La configuration que

    Giovanni Levidonne cette qu estion de laventhistorique est origi

    nale en ce qu'elle tente nouveaux frais de d esserrerl'alternativecom

    pliceentre le dogmatisme et le scepticisme rgnants. Enrico Castelli-

    Gatdnarareconstruit trs solidementl'arrire-plan bergsonien qui est

    un des apports essentiels de La mmoire, l'histoire, l'oubli, et qui

    devraitpermettred'ouvrir, ct des chemins heideggeriens, des pas

    sages plus

    deleuziens. Il marque ainsi une v ritable ou verture

    cognitive

    entre histoire et philosophieet fait cho aux qu estions antrieu res sur le

    rapport

    la

    mmoire comme tranget. Isabelle

    Ul lem-W eit ,

    faisant

    jouer le dcalage insurmontable de la discussion, cherche lire le

    contemporain de ce dbat et de ses enjeux en prenant la rflexion

    immanente de Ricur commecelle d 'u n au teur pris en interaction dans

    unesituation,entreles gnrations, dans u n travail inc essantd'attesta

    tionthico-poUtiqueetdedplacement philosophique.

    Le volume setermine par une troisime c onversation, sur les figures

    fondamentales de la mmoire et de l'oubli, avec Nietzsche en arrire-

    fondJeanne-MarieGagnebin,

    spcialiste de W alter B enjamin,

    relance le

    fonds philosophique moderne du rapport entre histoire et philosophie,

    mecu nesensibilitlittraire, voire esthtiqu e, qu i p ermet

    d'viter

    cer

    t e s impasses pistmologiques;elle propose ainsi une vraie potique

    mmpesve dela m moire.Hans-ChristophAskani, quant lui grand

    non de

    i-onH?

    6

    8

    '

    mvite

    me

    approche hermneu tique de la ques-

    ' ^

    l

    >dion historique quinous est donn e, avec, en

    "faMe. rhistoire. iJ^'T f

    0

    ?

    1

    ?

    3

    -- "Mmoires du xr sicle.Autour de La

    K-panier,p.Nora aKPomi

    "

    r

    *

    dans

    lequeldes historiens comme

    "Ptapardc iremeM

    \S^Sf^

    la

    P * "&lire etcommenterce livre,

    fejkf*"* P- K-23,

    a i rT iS

    i j ^

    1

    " ^ *

    Entre

    pistmologieet ontologie

    =tscua,ei

    >p

    .45-51). P-t'-ot (et le paragraphe Rponse

    INTRODUCTION

    15

    contrepoint, une mditation thologique

    d'une

    particulire densit

    interrogative.

    Nous tenons

    remercier tout particulirement

    Isabelle

    Ullem-W eit

    nour le travail minutieux qu'elle

    a

    fait su r

    ces

    textes et

    surl'ensemble

    nour en prparer la publication, ainsi

    que le Fonds

    Ricur

    etl'Ecole

    des Hau tes Etud es en Sciences Sociales pour

    l'accueil

    offert

    nos

    tra

    vaux.

    Paul Ricu r, qui avait accept le principe de rdiger une prface

    cet ensemble, est mort en 2005 :

    c'est

    en reconnaissance de ce qu'il

    nou s a offert qu e nou s laissons ce recueil inachev.

    " = -

    cre pour * ^ & 3 ^ ^ J ^ H

    theaue de travail

    et

    des~**X* F ^ T S t S U

    donner,

    deson

    vivant,

    la

    .

    U

    c o lloque

    de dcembre2000.bn

    naissance de ce

    K . *

    aura

    d

    c

    fi

    7"

    vo U

    V

    deprsentation,reproduite lafinde ce vot

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    7/105

    Premire partie

    LA D IMENSION THIQUE

    DU R A PPO R T LA MMO IR E

    EN PHILOSOPHIE ET EN HISTOIRE

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    8/105

    L ' I N D P A S S A B L E D E S E N S U S

    OlivierAbel

    Mon propos dans ces lignes est de dsigner brivement quelques-

    unes d es interrogations que La mmoire, l'histoire, l'oublim'a sugg

    res,

    comme en bordu re de l 'ouvrage

    '.

    Mon p ropos est cependant aussi

    d'en approfondir brivement deux. La premire touchela question de

    la crdibilit, qui me semble tre l 'un des thmes les plus profonds du

    livre, avec l 'ide que notre poque se caractrise davantage par un

    excs d ' incrdul i t et de mfiance que par un excs de crdul i t,

    notamment dans le tmoignage de la mmoire. La seconde touche

    l ' pilogu e su r le pardon, o certains ont voulu voir le fin mot d'u n sens

    ou d 'un sujet chrt ien de l 'histoire

    2

    . Avant d'en venir cette place

    du pardon dans l 'conomie du l ivre, je voudrais mobil iser dans le

    thme central de la reprsentation du pass tout ce qui touche au pro

    blme d es poli t iques d e la m moire et de l 'oub li , et qui culmine dans

    la question de la crdibil i t du tmoin. Au passage j 'essaierai de

    replacer La mmoire, l'histoire, l'oubli dans l 'horizon plus large des

    aut res t ravaux d e Paul

    Ricceur.

    L e pa s s r e p r s e n t

    Je dirais tout de suite qu'en distinguant le problme cognitif (on se

    souvient de quoi, comment ?) du problme pragmatique (qui se sou

    vient et pourqu oi ?),

    Ricur

    reprend un geste ancien chez lui, celui de

    la sparation-articulation des registres (smiotique, smantique, her

    mneut ique dans La mtaphore vive ; ou smantique, pragmatique,

    l.Paul

    RICUR,

    La mmoire,

    l'histoire,

    l'oubli,

    Paris, Le Seuil, 2000,

    p .I(cit

    2.

    Comme silechrtienconnaissaitle sens de

    l'histoire,

    et

    < ^

    *%"*'

    chrtien ou

    pas,

    pouvait se placer enpositionde dire ce qu est lesujet cnreuen.

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    9/105

    LA

    JUSTE MMOIRE

    . . dansSoi-mme comme un autre '). Au pou voi r

    n

    arwiologiq

    e

    .

    u

    r,,Lter

    des ac t ons, s 'a joute

    ici

    c e l u i d e

    faire

    ,_. A'aatr.de s __ ip i n i r i

    depar'

    e

    mmoire

    7 , v Hes'imP

    uter u

    " . . " ""r e

    er, d

    agir.

    ^ ^

    D a n s

    ce t te gigantesque varia t ion e idque

    r

    u d e S e

    . t i tue l 'u vre d e

    Ricur,

    nou s d e vons a ve c l u i

    sur le sujetque

    renoncerachte,

    constitue

    u vre d e R i c u r , nou s d e vons a ve c l u i

    idem-invariant , et nous intresser aux varia-

    - '"s dont l es cart s d s ignent un e ips i t j amai s ent ire -

    lions

    elles

    -

    mera

    s,:ntr0duit

    par l le thme toujours dj la fois pist-

    " " " L de la reconnaissance , reconnaissance d 'u n vi sage par

    rlvteurd'un t re ou d 'un moment : exp rience ord ina i re ,

    exemple,oe * ~

    miqueei

    lthique4

    ,t miracle de la rminiscence. Ricur parle significari -

    " T

    la fin du l ivre d ' un e odysse d e l ' e s pr i t d u pa rd on , e t d e s

    Itognitos d u pa rd on

    5

    , pou r d s i gne r j u s t e m e nt j u s qu e d a ns l e

    Ldon ce grand thme de la reconna issance - par ad ox ale ici et n ga

    tive, non par liaison d'un sujet son histoire, ses actes, mais par

    dliaison.

    Dansla reprsentationdu pass, Ricur privi l giera donc les varia

    tions

    d'chelle,

    de points de vue , de genres d e repr s entan ce (au sens

    quasi littraire

    4

    ) . D'une part parce que la varia t ion m me fa i t voi r

    ce que sinon l 'on ne percevrait pas, dans une vision en quelque sorte

    stroscopique qui donne souda in re l ie f une forme j usque - l inaper

    ue. D'autre part parce que c 'est l ' cart lu i - m me qu i est reprsentatif

    et l 'anomalie langagire normale, comme Ricur l 'avait dj montr

    dansLamtaphoreviveet comme i l l e raff i rme san s cess e :

    11

    faut

    revenir

    a la mthode bergsonienne de division qui invite se

    porter aux extrmes d'un spectre d e ph nom nes avant d e reconstru ire

    comme un mixte l 'exprience quotidienne, dont la complexit et la

    confusion font obstacle la description

    7

    .

    Parlant

    de la reprsentation du pass par l 'histoire, i l cri t :

    reprntat"

    enCea

    f

    Sertived e l a

    reprsentation historienne en tant que

    l'avoirM *?

    aut

    riserait

    de r ien d 'au t re que de la

    positivit

    d e

    _______

    *

    Vlse

    " * * la ngativit du n'tre plus

    ' .

    3-

    ftul

    RICUE j

    ^

    " Paul RICBJ, MHO"*."S*'">"Mre,Paris, Le Seu il, 1990 (cit S A).

    &

    6 3 7

    ^

    4 S

    e t P

    -

    6 8

    -

    -* ,

    p.257p .369

    8

    - " " - . p . 367 .

    L'INDPASSABLED1SSENSUS

    2

    1

    De manire t rs vois ine , dans La mtaphore vive,i lpariaitd u

    paradoxe indpassable qui s'attache une conception mtaphorique de

    vent. Le paradoxe consiste en ceci qu'il n'est pas d'autre faon de

    rendre justice la notion d e vrit mtaphorique que d 'inclure la pointe

    critique du n'est pas (littralement) dans la vhmence ontologique

    du est (mtaphoriquement)

    9

    .

    On touche ici la proximit et la distance entre reprsentation

    his torique e t f i c t ion po t iqu e : j us tement parce qu ' i l ne

    s'agit

    pas de la

    mm e absence , il ne peuts'agirexactement d e la mme affirmation, d e

    la mme vhmence, de la mme a t tes ta t ion. Nous y reviendrons en

    parlant de la co nfiance e t de s formes de la c rd ibi l it .

    Pour nous rapprocher maintenant d 'un pas vers not re su je t , nous

    devons remarquer que le geste cri t ique de dist inction des registres n'est

    pas spar chez Ricur, comme on vient de le voir, de leur rart i

    cu la t ion d ans u ne d ia lec tique en qu e lque sorte brise ou plu tt dans un

    zigzag sans fin assignable. En ce sens, le problme historique de la

    reprsentation est toujours dj aussi un problme polit ique, pragma

    t ique e t pra t ique . Pui squ ' i l s'agit de rendre intell igibles les interac

    t ions humaines

    l 0

    , i l ne suffi t pas de mixer l 'ordre externe de leurs

    causes e t l 'ord re interne de leu rs ra i sons, i l fau t comprendre comment

    leurs l iens et leur histoire sont t isss de discordances autant que de

    concordances " , de confl i t s au tant que d 'accords :

    Au tant lamacro-histoireest attentive au poids d es contraintes structu

    relles exerces sur la longue dure, autant la

    micro-histoire

    l'est l'ini

    tiative et la capacit de ngociation des agents historiques dans les

    situations

    d'incertitude

    13

    .

    R i c u r r e f u s e c e pe nd a n t qu e rincertitudedevienne son tour une

    cat gorie tout expl iquer

    13

    . C'est pourquoi, aprs avoir reconnu

    l'imprvisibilit dans laquelle se meut l 'acteur historique , fidle la

    9.Paul

    RICUR,Lamtaphorevive,

    Paris,Le Seuil,1975, p. 321 (cit MV).

    il.ES.aumcuR.Temps

    e ,

    rcit,

    tome 1. Paris, Le Seu il, %**

    premire partie sur la mise en intrigue. Cet ouvrage en trois tomes (Pans,LeMUU,

    1984-1985), sera cit TR (suivi du numrodetome).

    12. MHO.p.237.

    des voeux, d es promesses(voirles travauxdeArendtetNietzsche sur lapromesse).

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    10/105

    LA

    JUSTE MMOIRE

    . ,. romesse et du pardon,il q u i l i b re l'in

    Cer

    .

    polaritarendtienne* V

    r i r r e

    parable

    et

    l ' i r r versibi l i t .

    A cet

    I

    vi

    ,e sur le diffrend et le conflit , irr-

    itionnelle entre des choix, au tra

    ductibleune:

    * * " " * e u ^ r e un peu)

    endroit il passe " "

    m p

    t ion ratio

    f

    s

    ^ ? '

    a c t e

    u ra d se dbattre, interprter sa situ ation et

    sduquelcejnem ^ historiographique d es interprta tionset

    icit est ainsi fond sur les diffrend s historiques

    i Ricur fait , me semble-t-il , de l 'irrparable

    verso

    diffrerdes autres.

    des rgimes

    d'hisH

    eux-mmes,c

    s e u l e m e n

    t pour la reprsentat ion histor ique

    "

    n e

    r a comprhension des acteurs de l 'h isto i re , dont on oubl ie

    m

    rfl;Vm,'ilsportaient avec eux leurs propres d eu ils, leu rs p ropres irr-

    -e ^ p r o p r e s

    diffrends surl'irrparable.

    C'est un des centres de gravit de La mmoire, l'histoire, l'oubli,

    que de tenir avec Michel de Certeau l 'crit historiqu e com me ce qu i

    fait place lamort,l'irrvocable

    ,s

    ,ce sur qu oi on ne peu t agi r , au

    non-maniable selon Heidegger. Face

    la

    per te ,

    la

    m m o i r e , i n d i v i

    duelle ou collective, fait des embardes,etosci lle en t re let rop d ela

    mlancolie qui perd le sens du prsen t, ou le tro p peu del 'exorcisme

    facile. Ce n'est pas qu'i l y ait un juste milieu, ma is en se s paran t peu

    peu de lammoire, l 'histoire doit trouver pou r les m orts ces gestes de

    spulture, de mise au tombeau, qui accom plissent e n d tail l e trav ail d e

    mmoire, lequel est aussi un travail de de uil, d 'ac cep tatio n d 'u ne pr

    sence purement intrieure de ce qu i n e revien d ra j a m a i s

    1 6

    .

    Si la essemblance, a reconnaissance ou la rminiscence portent sur

    une sorte deprsence de l 'absent, l ' abse nce dud e u i l n ' e s tpas

    Fabsence de fiction. C'estla grande diffrence deperspec t ive ent re

    TempsetrcitetLammoire, l'histoire, l'oubli : ce dernier exerce un

    vritable dcouplage de l'imagination

    et de la

    m m o i r e . R i c u r

    ne

    S

    a

    "

    f

    Va te v a r i a t i o n s

    imaginatives par lesquel les, e t

    r i e t l lT r

    * * *

    ,

    '

    his,orien se

    figwe le Pass et cherche

    M ^ X *

    d>

    --"figurer l'intrigue,

    reprenant

    de

    absene au'T

    ?^

    q U 1 f o n t l e m i e u

    " voir la r al i t passe

    qU

    "

    C h e r c h e

    ** R ic ur c r it d ' a i l l e u r s delafiction:

    V

    v

    ritablemimsis

    moinssoucie

    15.MHO,

    16-/tat,

    |

    7

    TR3,p.l98ss

    18

    -MHO.p.2

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    11/105

    LA JUSTE MMOIRE

    24

    l-hisioire.

    l'oobli

    prsenMtjondupass

    I.

    d e

    classerla narration parmi d 'au tres procd s de

    t lanarrativitdela faonqu'ondira,jeveux mettrer,

    enreclassaiua' ^

    t e n a n l s d e

    l'colenarrauviste, et assum

    malentendu

    selon lequel

    l'acte

    configurant

    qui

    carac-

    unrrffllente

    "~Jim. ifiirs tnalentenou - ' - i - = ;

    i->

    >~U-JC-

    par sesd tracteurs. ^tueraiten tant que tel une alternative

    ^ n T p r i n c i p a l e r n e n .

    causale-

    , l 'explication causale historiqu e soit u n bloc d e posi-

    LSS e toute intrigue. C'est au contraire qu'el le comporte

    uwtirrducuniearoui

    1

    f

    mMim

    Kirm

    v i s e a i n s i

    ,__

    autant d'interprtation que

    la narration. Ricur vise ainsi montrer

    .erprtationjoue, mais sur d es registres cri t iques diffrents,

    tous lesplans de la recherche des documents jusqula reprsentation

    MsKirio^phique. en passant par les d iverseshypothses qui permet

    tent de rendre intelligibles les interactions h u main es. E t q u elanarra

    tion estu nefigureparmid 'autres de la reprsentation d e l 'absen t .C'est

    peut-treque l 'pope, que d'autres racontentden o u s latroisime

    personne, doit parfois laisser place

    la

    t ragdie ,

    o le

    t moin

    et

    l'acteurmmes'avancent en personne, qui peuvent dire:j ' y ta i s ,

    mmes'ilsn'y sont plus,etpartagerla responsabilitderendre au

    pass cequi lui est d.

    La justemmoire

    Nous avanceronsmaintenant encore d 'u n pas d ans n otre su jet , mme

    si

    depuis

    le dbut nous ne le quittons pas des yeu x. J 'a i pa rl d u pro

    blme politique dela juste mmoire, comme d e la l igne non secondaire

    mais seconde qu i traverse La mmoire, l'histoire, l'oubli. C'est sur

    cette ligne que Ricu r

    s'est

    jusqu' prsent att ir

    le

    plus d e lec tures

    ennques, propos dela notion de devoir d e m mo ire . Non qu 'i l la

    rejette

    catgonquement

    comme

    Todorov. Le devoi r d e m moire a pour

    lu. m|Mportance. etrelved 'u n proje t de j us t ice ,impratif s ' i l

    s'agit

    n o S r

    a U t

    *

    s o i S

    - remarquera d'ailleurs qu'il n'ya

    K S T

    7

    6

    T"

    triee M r e l am m

    ^

    l'oubli,

    et

    qu' U rcuse

    mais mme d a n l k l ^ H

    n

    "F?*" '

    p r 0 p 0 S d e

    ?***&*

    p r

    J

    e t

    Polit ique d e rtablissement d e la paix civile.

    22

    -MHO,p.236.

    a

    - M l .p.105-111

    2-.t,p.650-656

    L'INDPASSABLE DISSENSUS

    Pour ma

    part,

    je remarqueraiau passage qu'il existe pourtant

    quelque chose commeundevoir d 'oublier, mentionn au dbut du

    texte d e

    l'Edit

    d e Nantes, qui sort la France

    des

    gu erres

    de

    religions ou

    dans le serm ent d e ne p as rappeler les malheurs, qui sort Athnesdela

    guerre civile . C e sont d eux temps diffrents qui sont dans un ordre

    inverse d e ce que l 'on croit : i l y a d 'abord u ntempspour oublier pour

    sortir de la logiqu e d e gu erre et de reprsailles ; il y a ensuiteuntemps

    pour rouvrirlam moireetformu ler le plu s entirement possible les

    malheurs passs pour qu '

    ils

    ne se

    reproduisentpas.

    Ceci dit

    il

    n'y a pas

    de socit politique sans prescription, et l'imprescriptible est une

    notion mo ins juridiqu e qu ' thiqu e, la tche infinie de nous

    rendre

    sans

    cesse contemporain d e ce qui n'est plus

    -

    u n

    imprescriptible

    juridicis

    est un leurreou unmensonge.C'est pourquoi, dans une conception

    proprement poli t ique, queje distinguerais

    d'une

    conception mta-

    polit ique ou mme antipolit ique propre autragique,jeproposerais

    volontiers un plaidoyer modr de l 'amnistie, en dpit de la cri t ique

    que l u i adresse Paul Ricur .

    Mais ce dernier prfre ici mettre en avant l 'acceptation de la cit

    divise, sinon mm e le d issensus civique, un d issensus gnralis . On

    y reviendra. D 'o alors cette polmique au sujet du d evoir de mmoire,

    au-d el du fait q ue la plup art des d tracteurs n'ont pas lu le l ivre et se

    sont borns des allusions?C'estque Ricur exprime une rserve

    l 'gard du devoir d e mm oire, lorsqu 'i l est abusivement tendu au-d el

    de la sph re qu e nou s venons de d signer : cette rserve tient ladif

    ficult de comm and er la mmoire, et au danger

    de

    mettre en uvre une

    politique de la m m oire (au sens o certains rgimes onttentdes poli

    t iques d e la langu e) qu i l ' inscrive en termes d 'obligations, de droits et

    d ' interd i t s .C'estpou rquo i i l n'y a pas seulement des abus d 'ou bli mais

    des abus de mmoire , n

    y a

    des fausses mmoires, des mmoires en

    carton-pte. Et c'est pou rqu o i il prfre parler d'untravailde

    m moire , o la mmo ire du malheur, loin d 'assourdir au malheur des

    aut res , nousy ou vre

    26

    . C'est ainsi quelammoire indispensableet

    vitale ne court-circuite pas l 'histoire et la distanciation critique, mais

    au contraire rouvre son contact des mmoires refoules.

    25.

    Voir le livre de NicoleLORAUX,

    La citi

    divise.Paris,

    Pavot,1997,p.

    256

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    12/105

    L A

    JUSTE MMOIRE

    26

    C'est

    ici onthme

    L'INDPASSABLE DISSENSUS

    27

    fhrneancienen ^

    t e m p S )

    contre une hermneutiq

    Ue

    T-^HuqSe

    g

    .< l

    ueded,r

    ^autonomie de l'histoire par rapport

    l

    a

    a n t iq u e

    ou

    " " ' ^ S v i s m e

    critique, la dpendance irrductible

    mmoire, et

    contre

    unP-J"

    d o u b l e

    foyer d'appartenance et dedis-

    de

    l'histoire

    la mmoire

    _

    s

    .

    o n

    ^ ^

    m

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    13/105

    LA JUSTE MMOIKE

    28

    unse

    Are

    aoDui la fois sur

    l ' i r r vocabi l i t

    d e sfaits

    et

    Set lesautresP

    n

    ^ ^

    se lo

    n laquelle l'histoire n est pas finie ;

    sur cette

    *>**?*.

    Et il n 'y a pas d e tiers absolu qui

    p e r

    .

    maisUs le fi'

    mettede trancher .

    d s s e B S U S

    q u

    i forme d e sc i toyens capablesd e

    Orc'estjustement

    e n t d e r n

    i e r ,

    capables d eteni rl atension

    se tenir enrabsence"

    m

    e n t r

    e l ' imputa t ion s ingul i re de la

    dans le partage de

    T j ,

    l e s > e t s o n

    imputa t ion pol i t ique

    une corn-

    faute aux individus v^

    c i t o y e n

    a p p

    a r a t d a n s l er e f us q u e l a culpabi-

    munaut consentan ^ ^

    q u e t o u s

    les au t r es pu issent s e dcharger

    l soittellementsiig ^

    m i s s a i r e s

    . Mais U appara t au ss i dans le

    sur quelques P

    & s o i e n t

    cepoint dilu es, expliques, compa-

    rete9

    w-Ss nuepersonne ne soit plus responsable de rien". Le

    r e S e t

    E r e nour prendre sur lui et partager la responsabilit .

    c ' X i o i

    U me semble important de noter qu' ladiffrence d e

    M A

    Osiel Ricurne rdu it pas la fonction d u dissensus l'action

    X o r u e 'crmoniale

    et

    d'une

    certaine ma nire excep tionnelle des

    ands procs

    mdiatiss : ce qui l 'intresse, me semble-t-il ,c'est le

    dissensus gnralis, un dissensu s ord inaire etqui se d iffuse tous les

    plans de la

    conflictualit

    dmocratique . J ' i ra i j us qu ' di re qu e le poli

    tique est ici bord par un plan tragique, ventuellement antipolitique,

    qui autorise la plainte, et mme la ve ngean ce et le pard on qu e le poli

    tique ne saurait comprend re.

    Crdibilit et discordance de s tm oins

    Nousallons revenir ce point en repartant de tout fait ailleurs, et ce

    sera notre premire longue digression. L'un des problmes principaux

    que

    rencontre Paul Ricur dans ce livre, et qu e l 'on retrou ve autant sur

    leversant majeurdela reprsentation du pass qu e su r celu i, mineur, de

    lajuste mmoire(ni trop ni troppeu), est celui d e la cr dibi l i t .U rejoint

    36.MHO,

    p.

    413ss.

    37.

    Ibii, p.

    433.

    O owi m f n

    am6

    ,

    professeur The University ofIowa College ofLaw

    ,"?

    "."*

    a

    ? notamment publi

    un

    livre

    internationalement trs

    remarqu dans le

    Colleah, w

    ques

    "

    ons

    "P" par

    Ricur

    dans

    MHO : M ark

    OSIEL,

    Mass

    Atrocity,

    C ^ S , ^ *

    I

    ~ -

    N e w

    ' y (USA), Transaction Publishers, 1999

    & L

    .7-C"?

    T .

    -515 ' publiM ass Atrocity,

    Ordmary Evil,

    a nd

    Hamah

    epuis,

    ^ ^ ^ ^ ^ ^

    T O i S ' ' , S f ^

    ^g'ntim'sDrry'war,

    New fav en (USA), Yale

    'ymss. 2002 (ote de

    l'diteur,

    I .U.-W.) .

    L'INDP AS S ABLE DIS S ENS US

    2 9

    pa r

    l

    l'alternative qui effraye Giovanni Levi, que les hommes croient

    pouvoir tout connatre, tout reprsenter , tout dire,

    e t

    basculent alors

    d a n s lescepticisme g nral, soit par impossibili t ,soit,ce qui est Dire

    avec le sentimen t qu e n' impo rte qu elle hypothse, si

    elle

    est assez puis

    s a m m e n t q u i p e , p e u t sevr if ier. R icur crit:

    Ce

    qu i

    finalement fait

    la

    crise

    d u

    tmoignage,

    c'est

    que son irruption

    jure avec

    la

    conqute inaugure par Lorenzo Valla dansLa

    donation

    de

    Constantin :ilsag issait alors d e lutter contre la crdu lit et l'imposture-

    ils'agitmaintenant de lutter contre l'incrdulit et la volont d'oublier'.

    C ' e s t cette remarque que je voudrais mditer dans les l ignes qui sui

    vent, parce q u eR i c u r y touche u n point sensible de l a condition

    contempora ine , non seu lement la condition historique, mais langagire

    e t pol i t ique e n gn ra l . E t j e c rois important d epointer tout ce quis'y

    r appor te dans l e l ivre , pa rce qu ej e crois que c 'est une des principales

    ques t ions que l e livre nous laisse, une question commune qu' i l ouvre.

    D a n s l e passage c i t Ricur par la i t d e s archives. Mais plus large

    m e n t

    il

    s ' a g i t

    bien

    s r d e la

    c r d ibi l it

    d e s

    tmoignages,

    q u i

    deman

    dent , pa r - de l l a confrontation crit ique, u n minimum d'approbation

    mutue l le , l ' accepta t ion qu ' i l pu isse y avoir pour chacun quelque chose

    d ' i n d u b i t a b l e : N o u s n ' a v o n s p a sm i e u x q u e l etmoignage,e nder

    ni re ana lyse , pour nous assure r q u e que lque chose s 'est p a s s

    40

    .

    C ' e s t l at h s e d efond d u livre.

    J e d i sd ' a b o r d a p p r o b a ti o n m u t u e l le ,c ar le tissu d e confiance dans

    cette institution

    d e s

    ins t i t u t ions qu ' es t

    la

    parole, dans

    la

    possibilit

    d e

    parler

    e t

    d 'agir , est comme nourr i par une confiance mutuelle et fonda

    menta le dans l a simple existence les uns des autres.

    L'approbation mutuelle exprime

    le

    partage

    d e

    l'assertion que chacun

    faitd e se spouvoirset de sesnon-pouvoirs,c eque j'appelleattestation

    dans Soi-mme comme unautre. Ceque j'attend s de mes proches,

    c'est

    qu' i ls approuvent

    c e q ue

    j 'atteste

    : qu e je

    puis parler, agir, raconter,

    m'imputermoi-m me la responsabilit de m es actions [...]A mon tour

    j ' inclus parmi m e s proches ceux qu i dsapprouvent mes actions, mais

    non mon existence

    41

    .

    39. MHO,p.223.

    40.

    Ibid.,

    p. 182.

    4 1 .

    OU , p. 162-163.

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    14/105

    30

    L A

    JUSTE MMOIRE

    L'INDPASSABLE D1SSENSUS

    , .

    C

    ette attestation mutuelle. Cette confi

    anc

    J

    Le tmoignage suppo ^

    c o n t r a i r e

    elle1 autorise : on

    e

    nedsarmepas

    I J J P ^

    s u r

    ^

    fo

    d de confiance. Cettece

    peut critiquer

    31

    e u . ,

    q u e

    sur u ,.

    ;

    nfiance

    peutcritiquervraunenu

    j M a i s v ra

    imentrem plis : le premier est

    est alimente par de u x.

    g e s l e

    second est leur pluralisme,

    i

    e

    la cohrence

    ^ *

    lais

    se r place d 'au t res t m oins " :

    fait qu'ilsse poussentpo

    i w r les oppositions les plus manifestes qu i distinguent

    Avantdesouligner ^

    e

    ,

    s o n

    ^ge

    aux archives,ilest permis

    l'usage

    du tmoignage eommuns

    aux deux usages : le souci de

    u

    ^ X a m e f c r i t i q u e

    de la crdibilit d es tmoins ".

    ii

    iuee et l'historien,c'est donc bien sr leur

    Ce qui est com mu n^

    j ^

    ^

    m a n i e m e n t

    r gl du soupon, mais

    pratique

    de " " rh tor ique commu n, mme si les rgles

    aussi1'mstallationdun espa ^ ^

    m m e

    ^ ^

    ^ " ^ T n

    0

    ^ n

    "

    e S c t e / l a vrit historique, et l 'histoire,

    X r e s X - d r e c h a c u c e

    q

    u i l u i e s

    t

    d , n ' e s t p a s u n

    tribunal oblig de trancher. _>' v, .'- ,

    En ce qui concerne lacrdibitdu t moin, faut porterled oute au

    curdutmoin et dutmoignage lui-mm e, si l 'on veu t toucher lesen

    timent de certitude indubitable que porte avec eUe

    1

    exprience de la

    reconnaissance du pass :

    Cest

    sur cet acte queconverge le faisceau de prsomptions de fiabilit

    ou de non-fiabilit point sur le souvenir. Peut-tre avons-nous misle

    pied sur la mauvaise empreinte, ou avons-nous saisi le mau vais ramier

    dans lavolire. Peut-tre avons-nous t victime

    d'une

    fauss e reconnais

    sance, tel celui qui de loin prend u n arbre pour un personna ge connu. Et

    pourtant qui pourrait branler, par des soupons adresss du dehors, la

    certitude attache aubonheur

    d'une

    tellereconnaissance, que nous tenons

    en notre cur pour indubitable ? Qui peut prtendre n'avoir jamais

    fait

    confiance

    de telles

    retrouvailles de la m m oire" ?

    42.Jai

    dpli ce

    d ouble trait dans

    Les

    tmoins de l'histoire

    ,

    dans H.

    BOST et

    P.

    D E ROBERT

    (dir.),

    fxm

    Bayle,

    citoyen du

    monde,Paris, H. Champion, 1999,

    p .343-

    362, en le compltant par une au tre oscillation profonde, issu e

    d'uneremarque

    de

    Maurice Halbwachs : Tout tmoignagedevrait satisfaire ces conditions contradic

    toires que le tmoin sont en quelquesorte du groupe lorsqu 'il observe d es faits sen-

    S lb

    ? '^ f

    PO"

    ' rapporter U y

    entre.

    43.MHO,p.416.

    44.

    Ibid.,

    p.

    557.

    Ce n'e st pas u n hasard si Ricur commence ce chapitre surl'oubli

    et la persistance des traces , et sur le petit miracle de la reconnais-

    ance" , par un long dveloppement sur la confiance et la mfiance

    dans lespossibilits d e la m moire, qui

    s'accompagnent

    ets'autorisent

    mutuellement sans que

    l'une

    prenne le pas dfinitif sur l'autre. Non,

    Rcurne rduit pas la mmoirelabonnemmoire.

    Et mme le thme de la reconnaissance est bord par celui de la

    mconnaissance, qui suit ce petit miracle de la mmoire heureuse,

    1 ce petit bonheur de la perceptioncomme son ombre,la page

    ivante" .

    C'est

    ici que se greffe le futur

    Parcours

    de la reconnais-

    sous la forme

    d'une

    enco re brve variationproposdela plura-

    rt ds types de reconnaissance, prenant appui sur Platon et les tra-

    es grecs, su r K ant et Hu sserl insistant plutt sur la rcognition, et

    bien videmment sur Hegel qui place la reconnaissance au cur de sa

    rf lectique, la lutte contre la mconnaissance ou pour se faire recon-

    I re tant ce quifait avancer les

    choses.

    Ricur

    d'abord

    insiste surle

    r t au ' il

    s'agit

    av ec la remm oration d 'expriences

    d'une

    prsence de

    absent

    Com men tant B ergson , Deleu ze crit que le paradoxe de la

    mmoire estduele pass y est contemporain du prsent qu'i l a t . La

    mmoire est

    un pass

    qui

    ne passe pas,

    qui est encorel dont

    nouspou-

    S

    nou s rendre contemporains. Cet anachronisme

    la

    reconnais

    s e

    c^mme rminiscence, galement cher

    Walter

    Benjamin, dort

    superposer les figu res, tirerune ligne d ^ * temps, et

    reconnaissance rapproche d es e x p n e n * * e t d e s l p a i s -

    p

    r o

    u v e l a r s i s t

    m

    c e d e s m s t a n c e s , d e

    S

    i n t ^ e ^ ,

    d o n t R

    .

    c o r

    seurs traverses. Elle opre

    ce

    all

    ^^

    twsK

    desressem-

    parlaitpour la

    mtaphore, qui

    fait voir

    l e se m b l a b l e ^

    blances inaccessibles et d es dissemblances ind ites.

    ^ ^ ^

    Et puis il y a une vritable inquitude car u

    " '

    F

    m c o n n a i s s a

    n c e ,

    sance qui n 'ait se frayer la

    voie

    au

    tta

    ^

    re

    )e

    _

    olda t qu i

    revient

    de

    la

    jusqu 'au bout . Celui qui devrai t t re reconnu, le .

    45. MHO,p .555.

    46.

    Ibid.,

    p .556-557.

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    15/105

    L A

    JUSTE MMOIRE

    32

    I

    ,

    Messie,sera-t-il rejet

    par

    mgarde

    laL

    rreUlysse ou

    le

    Mes .

    'est-ce

    pas justem ent lui

    "^. /dont

    le retoure s t a c c l a m ,

    o u

    .

    o u r s

    ^ ^ . ^

    L

    r ue ?

    Ou

    usui .

    ,

    U I J

    e s t

    acclame u - - .-- -

    Celui dont le retour

    e

    t o u j o u r

    s sont possibles.Le d o

    ote

    pateur?

    L'usurp^-J".

    . . ^

    m o i

    , l 'usurpateur

    ? Et si le

    me

    bien celuia"""--. . mprise, toujuu *

    r

    - - " w . ^

    a o

    S u r ?

    L ' ^ ^ e t

    S

    if ta is , moi , l 'usu rpateur

    ? Et si le

    m o

    me

    peut

    fai*

    * * * " L

    t

    letriomphe

    d'un

    mensonge

    que

    plus rien *

    L ia reconnaissance euu

    r u m s s o n

    ?

    R,

    en

    n 'est

    ni.

    eut raire , -,i

    e

    mompne u - = - -

    r

    ma

    delareconnaissance ^ ^

    s)nt

    l 'un isson

    ?

    Rien n 'est ph,

    conteste parce que ^ ^ j U a t i o n , l o r sq u 'o n c ro i t e nf in

    s'tre

    prilleuxque les ?

    i t v e m e n t

    reconnus.

    La

    reconnaissance vritable

    compltementet denn..

    s a n s

    ^mbler

    un

    p e u .

    Je

    pense

    la

    r

    igan

    ne

    s'avance

    pas sans

    _.. .

    b d i / l l i e a s s e z a u e

    j

    a

    ^raig .,;

    ~**we

    compieiei"- ^

    s a n s

    tremoier unp e u .Jepense la figu

    ne

    s'avance

    passans

    v ^

    jajiqae

    a s s e z

    que lavraie reconnais-

    de Cord lia

    d a n s

    "

    s i n c e r e i

    peuttremanque

    et

    m c o n n ue ,n

    i

    ui

    sance,la

    M

    * f

    tmp

    et

    e

    ,

    et il

    n 'est pas sr que

    l'on ne

    sortepas

    fautalors traverseru

    ^ ^

    0

    n

    ne

    peu t d onc forcer la recon,

    foud'avon-manqularec ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^

    " S * comporte

    une

    part

    de

    grce,cela arrive :

    il

    mente.La reconn

    e t u

    reconnatre

    u

    S 2 r S S ^

    ?-

    f ?

    Td

    orteme

    S m d e . n n'est jamais certain, mme quandonl e v e u tdepartet

    Vautre

    que l'on parvienne transgresser ensemble la solitude,

    attester

    mutuellement nos existences. Mais qu and cela am ve ,

    par je n

    attester mutuellement nos existences. Mais quand cela amve, par

    je ne

    sais quel zigzag,

    il y a

    toujours l 'm otion

    de

    l 'altrit traverse. Seule

    unereconnaissance qui fait voir son manqu e d 'as su ranc e" peut attester

    l'autre qu'il

    est

    vraiment reconnu.

    C'esten

    por tant

    le

    t rouble

    de la

    non-assurance

    que la

    reconnaissance peut combattre

    le

    scep ticisme

    l'gard du tmoignage

    d'autrui,le

    scepticisme

    de

    croi re

    la

    reconnais

    sance soit garantie soit im pos sible ".

    Le d issensushistorique

    La confiance est insparable du so up o n , et cet te question

    de

    confiance

    4

    'estlie la possibilit effrayante mais incontournable,

    non seulementdumensonge, maisdel ' i m p u i ssa n c e tmoigner,

    se

    faire entend re:

    47.

    L'aptre

    Paul,

    somm de

    prsenter

    des

    preuves de sa crdibilit, rpond

    en

    pro

    testant mes lettres de

    ecommandation,maisc'estvous

    (2 Corinthiens 3).

    48.

    U passage,rdigpouruneconfrence Tu nis en avril 20 02, auraitmente

    ample dveloppement aprs

    la

    parution de Paul

    RicuR,Parcours

    de la

    reconnu

    smee.

    Pans,

    Stock,

    2004

    49.MHO,

    p.

    172.

    L'INDP AS S ABLE DISS ENSUS

    33

    Cequelaconfiancedans la parole d'autrui renforce, ce n'estoas

    lement

    l'interdpendance

    mais

    la

    similitudeen humanit des S

    de

    la

    communaut.Lchange

    des

    confiances spcifie

    le

    lieentre

    te

    tres semblables. Cela dort

    ta

    dit

    in

    fine pour compenser fexc

    d'accentuation d u thme

    de

    ladiffrence dans maintes

    thories contem

    poraines d elaconstitution d uliensocial.La rciprocitcom te l'insubs-

    tituabilit

    des

    acteurs. L'change rciproque consolide le sentiment

    d'exister

    au

    milieu

    d

    autres hommes

    -

    inter hommes

    esse-

    comme

    aime

    dire Hannah Arendt. Cetentre-deux ouvre lechamp au dissensus

    autant qu'au consensus.Cest mmeledissensusque lacritiquedes

    tmoignages potentiellement divergentsvaintrodu ire surlechemindu

    tmoignage l'archive.

    En

    conclusion,

    c'estde la

    fiabilit,donc

    de

    l'attestation biographiqu e,

    de

    chaque tmoin pris un par un que dpend

    en dernier ressort

    le

    niveau moyen d e scu rit langagire

    d'une

    socit.

    Cestsu r ce fond de confiance prsume que se d tache tragiquement

    la

    solitude des tmoins historiques dont l'exprience extraordinaire

    prend

    en

    dfaut

    la

    capacit de comprhension moyenne, ordinaire,

    B.

    est

    des tmoins qui

    ne

    rencontrent jamais l'aud ience capable d e les couter

    et de les entendre

    50

    .

    Je pense

    que

    nous tenons

    ici le

    point proprement d'angoisse,

    qui

    tient

    en

    haleine

    et

    exige

    la

    riposte courageu se d e l 'attestation : tmoi

    gnerend p itdusent imentquecela n 'estpasentendu.Acelail me

    semble qu'i l faudrait ajouter que l'attestation exigeet appellenon

    moinslec o ur a g e d ' e n t e n dr e , d ' c o u t e r .Et ilfaut aussique lesaudi

    teurs soient crdibles, capablesdereconstruire leur cohrence exis

    tent iel le d 'audi teurs en tenant vraiment compte de ce qu ' i l sont

    entendu,etcapablesdefaireensorte qu e cette exp rience, loin de les

    fermer, les o uv r e la possibi l i t d 'aut res expr iences d ' coute .La

    rceptiondu t moignageest unl ment critique aussi importantque

    sa fiabilit . Toute la quest ionestd ' a ug m e n te r la facult publique

    recevoir vraiment le t moignage. Ce point me semble tout fait

    important,

    et il me

    semble l gi t ime d 'est imer

    que

    Ricur

    le

    suggre

    implicitement.

    Dans l 'angoisse solitaire

    que

    nous venons

    de

    pointer,

    se

    glisse

    une

    question philosophique tout

    fait terrible,

    la

    qu estion

    du

    scepticisme,

    qu i

    est

    aussi celle

    du

    solipsisme.

    On se

    rapproche

    ici de

    W ittgenstein,

    et

    de la

    question

    du

    scepticisme, c 'est--dire

    du

    retrait d echacundans

    sa langue pr ive, d ans

    le

    do u t e

    que

    quoi

    que ce

    soit puisse vraiment

    tre connu

    ou

    c o m m u n i q u .

    Il ne

    faut pas croire que nous puissionssi

    facilement partager

    nos

    expriences,

    et

    encore moins

    les

    imposer aux

    50.

    MHO,

    p.208.

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    16/105

    LA

    JUSTE MMOIRE

    ,

    souvient pas tout seul , et l 'histoire est

    Une

    jtonocs&

    34

    a u

    w s .Cependan

    uvreplusieu"-

    ,

    miers

    souvenirs rencontres sur

    ce

    chemin

    son t ]es

    A **" " ' * a v e n i r s communs(ceuxque Casey place sousfe

    souvenus p arages,

    le

    R e t t e n td'affirmerqu en raht nous

    dB

    e Reminiscing

    )

    * ^ ^ carte d entre

    d e

    jeu ,mme

    esommes janffls : se u u ^^ ^ ^

    d u

    .npsjsme

    [. . . ] . Au trement dit

    on

    ,

    H - . ,

    i

    a

    partie sur l 'extriorit d e la m mo ire selon

    C

    '

    K t J

    f u^ chnu ' i n t e r v i e

    n

    t cette formule. Ricur pou r s u i t

    pa r

    Maance Halbwacn H ^

    J a c o h s i o n d u

    souvenir chre

    rssW SSL*

    par

    ri

    t

    quasi

    $

    t

    e n n eque

    ctauemmoire individu elle est unpouvtd e v u e s u r la mmoirecol-

    wuve et que cepoint de vue change selon la place qu ej y oc c u pe?.

    La crdibilit apparat ds lors comme iridissociablement lie

    l'preuve et l 'exercice du dissensus, du sentimentd'une discordance

    des

    voix. Cette discordance peut tre repre au plan des grands procs

    historiques:

    Osiels'attache

    au

    dissensussuscitpar la tenue pu blique d esproces-et

    la

    fonction ducative exerce par ce dissensus mme au plan de l'opi

    nion publique

    et de

    la mmoire collective qui tout la fois s'exprime

    et

    se

    forme

    ce

    plan.

    La

    confiance place dans les bienfaits attendusdune

    telle culture

    de

    la controverse se rattache au credomoral et politique de

    l'auteur quant l'instauration

    d'une

    socit librale, au sens politique

    que lesAnglo-Saxons

    d onnent au terme libral

    53

    .

    Dnes'agitcependant pas que d e la c rd ibi l i t d es t m oignag es d ans

    l'espace juridiqu e

    du

    procs, mais aussi plu s large men t d e la crd ibili t

    (et de l' incrduli t) rciproque d e l 'histoire et d e la m mo ire. On

    retrouve cet gard l 'oscil lation classique chez Paul Ricur entre un

    Dle

    ^"rneutique d 'appartenance au monde dj l et un ple cri -

    hque dedistance et de pluralisme - avec ce d ou ble rapp ort d 'au to

    nome delhistoire critique et comparative par rapport la mmoire, et

    - * c e

    de

    l 'histoire l 'gard de la mmoire de l ' incomparable,

    51.

    MHO,

    p.147-148

    S'

    M*-P-149et

    151.

    M-'oui,

    p.

    424.

    L ' I N D P A S S A B L E D I SS E N SU S

    35

    de ce qui a t e t d emand e t re racont

    .

    La rhabiv,

    mmoire

    dans l 'hi s toi re suppose d e trouver un

    pointd ' a u m K

    n

    "*

    l a

    que l 'excs de c rdul i t dansl'uneentrane le total sceoticiZ : " ^

    a

    l 'au t re . Au passage on comprend, pour

    complter

    la

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    17/105

    LA

    JUSTE MMOIRE

    ,

    t e

    si tuation incertaine, d ecettei nqu i t a n t e t r a nge *

    confiante de cette s u

    m & m t a t q u

    e

    l 'on parvienne s , souvent

    de l 'ordinaire, oau ^ ^ ^

    & i c e

    c o r i

    f j a nc e , s a ns j a m a i s DOUV:.

    .andmmesente

    tobliger. Rappelor

    L ' I N D P A S S A B L E D I SS E NS U S

    des proccupations chez moi anciennes

    5

    preuwuy'"-

    1

    ""' ww mu anciennes" etiesuistri

    l'ordinaire,

    f ^ ' " 7 ^ ' c o n f i a n c e ,

    s a ns j a m a i s p o u v ^ rem a rqu a b lequivoqued a n slaquelle

    R i c

    M

    p l t o l f f l

    ^ Ma

    quand mme f ^ ' i o Z l : N ou s n ' a vo ns pa s m i e u x

    q u e

    situe bien 1 int r ieur desonl ivrecommequelquechose I ' ^

    s'y obUger. R a p p e ^

    s e

    ,

    p o u r

    n o u s a s s u r e r q u e q u

    e l

    ^

    le tmoignage,' ,

    a n n r 0

    cherais volont iers ce la du

    m.

    f L T Je rapprochera is volont iers ce la du

    mo t

    C b

    S e

    T f o h n L Aust in, dans

    Quand dire

    c'est

    faire-

    :

    N o t r e

    * T S engagement . Comm ent fa i re confian ce au i

    an

    .

    S 'ma i s nous n 'avons pas mieux. Comment ne pas fa i re c rd i t

    la capacitdesacteurs , locuteurs , narra teurs or d ina i res exprimer

    peu prs ce qu'i ls font et prouvent, et comprendre et vouloir ce

    qu 'ils disent ? |

    D'o, peut-tre, la place du pa rdo n pou r

    arrter 1

    inflation d e paroles

    inutiles,'recommencer

    en faisant fond nouveau sur la possibil i t de

    parler. Ici le pardon ne prsente aucu ne conn otation religieu se, mais

    appartientdedroit,comme le reproche ou la grati tu d e, la pragm atique

    de l 'action et d e la parole :

    Lepardon pose une question principiellement distincte de celle qui a

    motiv notre entreprise entire, celle de la reprsentation du pass [...]

    c'est d'une

    part l'nigme

    d'une

    faute qui paralyserait la pu issance

    d'agir

    de cet hommecapableque nous sommes ; etc'est,en rpliqu e, celle

    de l'venmelle leve de cette incapacit existentielle, que dsigne le

    terme de

    pardon.Cette double nigme traverse de biais celle d e la repr

    sentationdupass".

    L'horizon du pardon

    Pouvons-nous faire un dernier pas vers no tre su jet sa ns q u e celui -ci ,

    se retournant brusquement vers nous, nous renvoie au pied du mur,

    nous;

    obbgeanl: tout recommencer autrem ent ? N ou s a llons rev enir au

    yj?

    e

    "

    repartantcette fois encore

    >

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    18/105

    L A JUSTE MMOIRE

    38

    fficuenifacile, ni imposable.Il met le sceau d e

    r i u

    ^

    pardon dltticue.

    L ie nt sur l 'cntrepnseenure .

    . ^oit nlus

    haut qu ' i l fallait placer le pardon

    ho I S , e x , e

    * ' . , J U

    t s

    comme tou tes les situation s limites

    " T t S ' n c h e n pilogue. On objectera qu e s'il e

    s'agi,

    su rlesquelles il s P" ^

    ptse

    ntationd u p ass absent, nous

    PlUS

    t b ie ^aZd S i s l grande queson,ceUed 'une

    S S g m e i r e et del'oubti.MaisRicurrcuse,'ide

    d'unVpobtiquedu pardon : les peuples sont incapab les d e pardonner,

    de sortir de la relation ami-ennemi. Et puis sans doute y

    a-t-il

    des

    chosesqui ne sedcidentpas ainsi, et sur laquelle la coercition n'a pas

    de prise.

    Pour bien comprendre ce point, il importe de mesurer 1extrme

    mfiance de Ricur l 'gard de l 'amour, et plus exactement

    l'gard de toutesynthseprmature entre l ' thique religieuse de la

    rconciliation ou mme simplement de

    Vagap

    compatissante, et

    l 'thique d u magistrat

    68

    . S'i l n'y a pas de polit ique du pardon, c 'est

    qu e l 'amour s'avre tranger au mond e et pou r cette raison , non

    seulement apolitique mais antipolitique. Ricu r, par un aut re

    chemin comme toujours, converge ici avec Hannah Arendt, dans

    cette mfiance l 'gard de la compassion qui ne laisse pas de place

    audbat, la distance, la pluralit, au co nflit m me - et d onc ses

    rgles. Mais d'u n au tre ct il ne

    s'agit

    pas non plus tou t uniment de

    ramener le curseur de la synthse dans l 'his toire ou la ju stic e ;juste

    ment il y a diffrentes formes d'impartialit, il n'y a pas de tiers

    absolu,commes 'i l tait important justement de laisser pla ce pou r une

    b,

    r

    0 , P

    ' ?

    3

    '"J"t""

    1

    "

    P

    ,u sloin

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    19/105

    un*

    1

    *

    M M O I R E

    . . S p a r e

    rt\'Z&** ***

    tj e

    c e t t e h i s t o i r e c u l t u r c l i

    le .

    i

    a

    ^ f

    g l e * " "

    5

    et de r eipro.

    .

    e u r un

    principe d e

    justice^

    i-*SSS

    sS

    -

    ,B

    ""

    r:

    citqui,spare j ^

    e

    n effet, la rgle

    d

    '

    r

    _.

    t

    f

    du

    comroanoe

    .

    ut

    aitai dont la formule

    ^ ^ ^ ' " ^ S r g l e :

    donne parceg?

    le juste peut tantt comprendre l'opposi-

    Cest

    sans doute P

    01

    "* ^

    o p p o s

    aubon qu i pointe rai t alors

    liondu M

    el d u

    ^ ? . ' Tour excde alors de tou te part le ju ste . De la

    versl-amourinfim .L ,

    6t

    horizontalement c o m m eune

    mmemanireicile.P

    2

    "

    d A les e t d es

    condit ions. Tantt

    o m i s s e

    non seulement

    le

    commander

    m a i s le

    faire

    - s en

    S

    capable. Il faut donc

    la fois sans ce sse

    sed p l a c e r

    p o u r

    assu

    mer

    l a responsabilitd e

    la demande du pardon, s 'en ren dr e ca pable (ce

    q u i e s tsoumis

    condition), et dans le mm e t emp ss'en accepter inca

    pable, impuissant (il faudrait quelepardon soit enti rem ent dsint

    resse t

    on

    n e

    sait jamais s'il l'est

    79

    ).

    Comme toujours,et un peu comme dansun d ia logue p latonic ien ,

    Ricur

    met en scne cette disproportiont ravers lesl ect u res qu ' i l

    oppose

    e t

    conjugue, par lesquelles il se laisse en q u el qu e s or te intrig ue r

    avant

    d e l e s

    mettre

    e n

    intrigue et d e les plier son montage. C'est ainsi

    qu'il

    emprunte

    certains lments de mon analyse des d ile mm es morau x

    du pardon horizontal,etqu'il emprunteaD e r ri d a q u e l q u e s - u n sdes

    oractresessentiels delahauteurdu pardon vert ical . Et c 'est ainsi

    q u construit son cadre,r ^

    :

    ^^

    m

    C ' e s t u n e i d e k a n t ie n i'

    '

    l u i

    es t

    c o m m e l ' i d e l i m i t e du l i v r e e n t i e r .

    c o n c em v , .

    n n e

    '

    e t

    ^ ^

    comme

    s'il

    prenait

    la

    d f e n s e d ' u n e

    me d i'wsJ .

    e de l'histoire

    humaine.

    TUS

    ^ f ^^^ ^

    " " " - - - ,PUF.

    , , ,

    p

    . . . , . _ _

    l

    /m

    "" du politique,Paris, Le

    SeuU,

    1991.

    PSSisS?*-

    '^^^

    im

    L'INDPASSABLE DISSENSUS

    i ,

    cadre kantien

    Derrida avait crit jadis un trs beau

    texte

    sur le

    parerga",

    par

    .

    v ou

    drais

    faireundernier dtour.Il yanalysaitla

    lequel

    ;l

    m t e r e s s

    ,

    dfendant le dsintressement contre N:

    notion de

    contre Nietzsche et

    MHo,

    P-607.

    plaisir

    a e - g

    le

    plaisir contre Heidegger

    ;

    m a i s

    auss i

    il

    pointai t

    la

    mfiance d e Kant

    pourle

    parerga,

    ce suppl ment non organiquede l 'uvre, commele

    cadre

    des t ab leaux ou le vtement des s t a t ues ' , ce supplment

    superflu- C e c a d r e , q u i n ' e s tm intrieur ni extrieur, un peu commele

    joueur qui n 'estni d a n s s o n j e u ,nihorsde son jeu s ' i l joue vraiment,

    Derrida le re t r o u v e d a n s la cons t i t u t ion mme de la Critique de la

    facult djuger, oKa nt impo rte d ans l ' analy t ique d u j ugement es th

    tiquelat ab le de s j u geme nts i s su ede la

    Critique

    de la

    raison pure.

    Le

    cadre s 'ajuste mal,

    [...]

    on transpose

    et

    fait entrer de force un cadre logique pour l'imposer

    une structure non logique,

    une structure qui ne concerne plus essen

    tiellement

    un

    rapport

    l 'objet comme objet

    de

    connaissance. Le juge

    ment esthtique, Kant y insiste, n'est pas un jugement de

    connaissance

    82

    .

    Selon Derrida,

    la

    seule just ificat ion de cette transposit ion rside dans

    une hypotht ique l i a i son ave c l ' en tend ement . F ai sant a l lu s ion

    la Cri

    tiquede

    la

    facult

    djuger ( 1, p.

    49), Derrida commente ainsi

    :

    Le cadrede cette analytique du beau, avecsesquatre moments, est

    donc fourni parl 'analytique transcendantale pour laseuleetmauvaise

    raison que l 'imagination, ressource essentielle du rapportla beaut, se

    liepeut-tre

    l 'entendement '

    83

    .

    Liai son hypotht ique, donc incer ta ine, embarrasse (mme page)

    :

    Le rapport l 'enten d emen t, qui n 'est ni sr, ni essentiel, fournit donc

    le cadretoutced i scours; et enlu ilediscours su r le cadre

    [ . . J

    tout le

    cadre de

    l 'analytique

    du beau fonctionne, par rapport ce dont

    i l

    s'agitde

    dterminer

    le

    contenu ou

    la

    structure interne, comme

    u n

    parergon.

    8 0 . J a c q u e s D E R R I D A ,

    La v r i t en p e i n t u r e ,

    P a r i s , F l a m m o r i o n -G t o n j B ,

    1 9 7 8 -

    8 1 .E m m a n u e l K A N T ,

    C r i t i q u e de h fa c u l t d j u g e r ,

    P a r i s , V r i n , 1 9 7 4 ,

    p .

    w i s>

    i J a cq u e s D E R R I D A ,

    L a v r i t . . . , op. cit.,

    p . 8 1 .

    "

    ' b u t . ,

    p .

    8 3 .

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    20/105

    LA JUSTEMMOIRE

    42

    un exempled e c e qu ' i l pe r m e t d e consi-

    LeoKfce devient s o n ^ ^

    ^ . j ,

    p e r m e

    t d e c ons id r e r

    d r e r

    c o m m e e x e m p l e . ^

    c e t t e

    co n

    i p o s i t i o n

    b a r o q u e d e c a dr e se n

    commeparerga.

    c

    "

    %

    '

    ^ ^

    lui s

    jKant

    ne

    repousse le cadre sup-

    abmc que se V**.^

    c a d r e

    su pplmentaire, c 'est qu e le juge-

    plmentaue qu a

    P ^ "

    , modle d 'u ne prsence pu re, d l i-

    r d f , o ^ p S e ^

    T =

    sedrobe-,oMed^

    fnLinnndans ses pages 92 94, o l 'exprience esth-

    mme un travail

    du

    deuil. Un peu plus lom,

    Dernda ,observant que

    le

    beau nedpendplusd'aucu ne existence empirique(mce l le de1objet,

    ni celle du sujet), crit que

    [...]leplaisir suppose nonpas ladisparition pure et simple, mais la neu-

    ttaiisaiion.

    non pas

    simplement

    la

    mise mortmaisla mise en crypte

    de

    tout cequiexisteenlant

    qu'il existe".

    On lesait,on vient de le redire,

    Ricur

    considre

    la

    notionde

    travail de m moire

    comme plus ample que celle de devoir de

    mmoire .Hla met en rapport avec le travail de d eu il, et no u s avon s

    vu combien les notions de deuil

    et

    de s pulture taient constantes

    dansLammoire,l'histoire,l'oubli IIy aura i t a insi , comme dansLa

    recherche du temps perdu, une sortedesouveni r qu i revient du

    deuil, un orphisme de la mmoire. On ne retrouve dans sa mmoire

    que ce

    qu'on a vraiment perdu. I l y a cependant u n a u tre versant du

    travail de mmoire, un versant plus vif,

    incboatif,

    un versant de la

    mmoire naissante, en quelque sorte.

    Et

    c 'es t par

    l

    q u e Ricur

    s'carte de Derrida : on pourrait en effet rapprocher

    le

    travail

    de

    mmoirede cequ 'il estime dansLa mtaphore vivetre le travail de

    la ressemblance-qui ne semble pas treson tour t rs loign de

    5 59 ^ oT d w L '^ r " ' ?

    q

    "

    ca

    1

    n i

    rtPO"

    au peut-tre

    c'est

    lata

    du

    Possbfc

    sans m ^ Z i

    l^

    na

    "

    ,

    e

    ,',

    8aieSl

    -l

    Ie

    S

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    21/105

    LA JUSTE MMOIRE

    44

    blanche ".

    voit

    l a

    m ta physique oc c ide nta le

    tra.

    dans la mymo'ogie

    p b U o s o p

    h i q u e m o d e rn e p a r l e biais de

    vailler 1 ensemble

    ^

    r o d e

    s , apparemment abolies, nais

    mtaphores uses. ^

    d e

    matre,

    i c i . e s t

    d ' e n t r e r da ns

    le

    q ui

    syent s'articule

    la

    matrise sur

    le

    temps

    et le

    nuracledela natalit?

    C'est

    exactement cette question qui relance toute

    S X Z S S s ? '

    ,odyssede1,espritdu

    >

    ^

    w

    du nanta, ,. .

    ? " '

    m o n

    avis, manquel' interprtation politique

    Z ^ ^s* symtrie avec la prome sse au niveau mme de

    88.Jacques D E R RI D A L a K

    giilosophfc). P B B ,u ' s tn i l m

    **.

    * * '

    d

    M s

    Potique a

    5(Rhtorique

    et

    m . Minuit, 1572. '>. p. 1 -52;repris dansMarges de la philosophie.

    * * S tejelte

    TSZ

    ^logiqaesd e la prsence, de la demeure, du

    (cn dja, y.p.3 $

    *"

    """um m

    les

    Heures

    de la philosophie depuis Platon

    w. MV,

    p.362,

    L'INDPAS S ABLE DIS S ENS US

    45

    ,,..

    n

    e rflexion sur

    l 'acte

    de dlier propos comme condi-

    l'change. c.' " .

    on de Mi de lier .

    u

    f a cu l t d e

    d l i e r

    rdon introduit la fois une lia ison,

    u n

    lien de dette

    e t d e

    deuil, e t

    ^ j ^ ' s o n u n e r u p tu r e ,l a f a c u l t de r e c om m e nc e r * .C ' e s t pour quoii l

    "fr irait pas majorer la naissance jusqu ' en faire une sorte de tr iomphe

    I1C

    1"

    .

    _

    : u i / . n nl n i w a c c i i c

    Ao. r o n n t i u o l mn n t fa a u ~

    d e l a vie,

    c o m m e u n i n c e s s a n t p r o c e s s u s d e r e n o u v e l l e m e n t , c e q u i e n

    uer it

    c ompl te m e nt le t r a g iqu e " . L e th m e

    d e

    la naissance appara t

    " f " ?

    giontaire

    et l'involontaire c om m e p lus ra d ic a l e nc or e qu e c e lu i de

    ort" et comprenant la fois celui de la joie vive du nouveau, e tcelui

    , .

    ujj L a naissance aussi est orpheline, e lle est un en d e ncessaire d e

    toute

    exprience, une limite fondatr ice . Et je dirais volontiers que les der

    nires pages d eLa mmoire, l'histoire, l'oubli, q u i mettent e na va nt l e

    caractre ihdcidable d elapola r i t q u i di vise l 'ou bli entre l 'entropie

    endeuille d e l 'effacement

    et

    la c onf ia nc e he ur e u se e n c e q u e R ic ur

    appelle l'ou bli d er se r ve , por te n t c e t qu ivoqu e

    son paroxysme.

    Si l ' o n fait cr dit a u x c o m p t e n c e s d e s t r e s or d ina i r e s f a c eau

    temps, on n epe nse r a don c pa s l e d e u i l s a n s p e n s e r l ana issa nc e , c ' es t -

    -direle dsir d ' t r e

    -

    c ' e s t i c i q u e l ebe r gso nism e r e c le sa ns dou te u n

    spinozisme discret,

    u n e

    or ie n ta t ion pr of on d m e nt a f f i r m a t ive , a ppr o -

    bative d el ap e n s e d e P a u l R i c u r , q u it e r m i n e s o n l iv r e su r l a notion

    de v ie , d ' ina c h ve m e nt . Ma i s c e t te c ont in u i t v iva nte qu ' a ve c

    l ' i d e

    tonnante d 'un oubli d er s e r v e i l o p p o s e l ' o u b l i

    d ' e f f a c e m e n t ,

    l a

    discontinuit des m orts

    e t

    de s na issa nc e s , c om m e ta n t de m m e f or c e ,

    n e d s igne pa s que lqu e c hose qu i se r a i t

    not r e d ispos i t ion ( s inon c e

    n e

    serait pas d el ' o r d r e d e l ' o u b l i ) m a i s q u e l q u e c h o s e q u inou s d ispose .

    Plus encore

    :

    c e t

    g a r d ,

    il

    n ' y

    a

    p a s d e

    r e pr se nta t ion

    d u

    pa ss

    q u i

    91.MHO.P.636.

    M . Cette dliaison est un thme

    mtapolitique

    tout fait capital, qui renvoiela

    . t, " Puritaine, au droit de rompre l'alliance et le contrat.

    C'est

    en mme temps un

    trat

    COmi,,

    "

    e

    '

    nn

    ""eme

    de la sagesse :or

    Ricur

    d veloppe ailleurs des thses plus

    de I V i "

    p lns

    piques, qu i ne permettent pas de penser aussi facilement la d liaison

    Samedi "

    a c t e

    ?" e Badiou reproche Ricur comme une conception chr-

    gd

    "

    5n)a

    ;

    De

    PUis lors je m'en suis expliqu

    :

    Le d iscord originaire. Epope, tra-

    p . comdie

    *

    dans

    M .R E V A U L T D 'A L L O U E S

    e t

    F.

    Azouvi

    (dit) ,

    A wf

    Ricur,

    C e S - ' ' Hem e . 2004,

    p .

    229-236.

    *> P a u l^ ^

    U S S 1

    nel e c t u r e

    errone

    d'Hannah

    Arendt

    Q E U R

    -

    u

    volontairee tl'involontaire, Paris, Aubier, 1963.

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    22/105

    L A JUSTE MMOIRE

    .

    >

    a

    rsurrection, ce que

    v o udra i t

    sans doute un travail

    de

    O Tp K le demiest lpoursparer le pass du pr

    se r i t

    l 'insouci, l 'oubli dese

    puisses

    mmoire

    accompli .-

    ^ ^ . ^

    y i

    pour faire place

    au

    a

    ^

    f i n a

    j

    e

    .

    n es

    t

    en effet

    un

    pointo

    r

    on

    Do

    la note kerkeg ^ ^

    e t

    Ricceur cite

    alors les

    pages

    peut parler

    d u n

    s u r te

    lys des chants et les oiseaux du

    maptfiquesdeK*

    g

    c o m p a r e

    t pas, s 'oublient eu x-mmes*.

    ? '

    qU

    ' l h n cette

    dliaison du souci de soi, est encore un th

    me

    d

    T

    P

    X n o ^ u t m e n .comme

    place faite soi-mme comme un

    1 l i

    aussi comme

    effacement

    d e

    soi-mme

    devant autre

    que

    s o i " ' e t

    qui vient natre,para tre an mo nd e.

    C'est justement parce qu'ily a lamla ncolie , 1 impos sibil it mme

    de faire entirement

    le

    de u i l , qu ' i ly a lana issa nc e ,

    qu i

    n 'achve ni ne

    supple ce travail, mais le d suv r . L a diff icult d u pard on est d e ne

    cder ni au vertige de l 'entropie, de l 'oubl i d ' u su re, l ' ha bi tua t ion qu i

    relativise tout et par lequel tout retourne l ' ind i f f r e nc e " ;n i de cd er

    au prestige de la nguentropie, de cette entropie ngative par laquelle la

    mmoire voudrait pouvoir tout reprendre, trier

    e t

    c o m p u t e r j u s q u ' c e

    que rien ne soit jamais perdu, dans une rcollection

    e t

    u ne r de m pt ion

    totales du pass entier". Tel est le point ju squ 'o il m e se mbl e possible

    de conduire l ' ide que l ' pilogue

    s u r l e

    p a r d o n

    e n

    parergon

    d e

    La

    mmoire, l'histoire, l'oubli

    e s t une l im ite , un pa r a d oxe ,

    u n

    horizon,

    le

    l ieu de tension, de torsion ou de volte-face de tous les discours.

    L'pilogue

    de Ricceur place

    l e p ard o n

    l w

    sur une limite qui en fait une

    notion justement trs kantienne

    -

    au sens de

    l a

    que s t ion

    :

    Qu e m'est- il

    permis d 'esprer ? Pour reprendre l 'approximatio n philo sophiq ue du

    vocabulaire thologique

    d eLa

    religion dans

    les

    limites

    de la

    simple

    95.MHO,p.649.

    9 6 .Ce sontd'ailleurs les pages sur lesquelles, pendant d es an nes , j' ai achev mes

    Nuits de

    1

    thique.

    yn

    J

    p ^ ^

    t r

    ^

    : r t W

    *

    W (

    ^

    3 M a W )

    ' ^ ^

    m

    ^ '

    t e

    P

    m t a s

    ^ ^

    S S S S t a f f i S . * * g W * j * - g 1 -ti que

    du

    dtache-

    Lecture,

    d'enfiuuTtASe

    T o m " *

    i " I t a

    lo Svevo, Franz

    r o

    f na listep o ^ ^ l f d a n s V

    Ulysse

    :

    l'histoire

    est un c a u -

    **?

    par Stepheo D e W ^

    w h

    \

    c h

    1 am tryingtoawake

    ) .

    ^

    P

    o u b U e r ( i s a m g h t n w e ^ ressentie c om me u n e

    * *

    l a

    r ^ m S S o n

    profonde d e l 'expr ience

    -

    e n t r a V

    " V ia T d u p a ss , l es d r o it s du p r se n t ' .

    humaine

    :

    e t on < W

    sensibles ces reproches, d 'au tant p lus

    . . urfnriens ont ete u - m u n m o esorer

    ^ historiens *

    f

    d c e n n

    i e s ,

    i l s ont commenc esprer

    labits

    de la rflexion

    ni

    us tincelants, de la

    se

    jees

    de la nature .

    Plusi

    ^ c d e r a u n iv e a u du c o n c e p t1

    ^justement dans.1

    pouvoir

    w

    P'

    05

    " " r S f S S c e T X T n ^ t r l

    Plusieu rs parmi eu x ont pens

    l W

    w d e r a u

    niveau du concept

    et de

    la vr i table science,

    i l

    Cementdansles u

    irauitter les habi ts de la r f lexion morale pour endosser ceux,

    at nius t incelants, de la science sociale , modele sur

    l'en

    vue

    d'accder auniveau .

    r

    -

    Suit soumettre la mmoire, dissoudre son nergie incontrlable dans

    le

    champdel 'h istoi re , ou qu ' i l ta i t temps d 'en f in i r avec el le u ne fois

    pour

    toutes, en brisant toutes sortes de liens.

    Cet tat de choses a profond m ent chan g d ans

    les

    dernires

    dcennies. Au cours des ann es 1970, a eu lieu u ne sorte d e rv olte

    contre

    la soi-disant

    histoire officielle, ac cu s ed'tre ar t i f ic ieuse et v io

    lente.

    et l, on a mme voqu u ne revanche d e la M moire su r

    l 'Histoire. Alors que Ralph Samuel, l 'un des principaux fondateurs de

    History

    W orkshop, a n i la di f f rence ent re la mmoire populai re et

    l 'histoire', Philippe Aris a vu d ans la m mo ire (ind ivid u elle et c ollec

    tive) le moyen de mettre de c t la chro nolog ie officielle d es

    v

    nements publics

    et,

    finalement, de saisi r le mond e d e la v ie qu ot idienne

    ^P

    rof

    s>onnaliser

    l'histoire

    ,

    Dialectique,

    1980.

    30

    ;

    Ralph

    Tni"*' '"

    " ^

    Pr

    ""

    a

    *"

    Comm

    P

    Tar

    ?

    Culture.

    London.

    W

    k

    "

    H

    ^ ^ ^

    r t o

    *

    ?

    * " * Paris,

    Le Seuil.

    1982.

    Su r

    Aris .

    cf.

    w

    E-gland,

    199}

    "on as an

    Art

    ^

    Mtmmy

    ^

    Hamwer.R H , University Press of

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    25/105

    L A T

    A C H E D E L ' H .

    S

    T O R . E N

    53

    S i , , , (iilsmeniM i >ntfMter l 4,.,

    i,,diiK* " f

    ...

    wrvlci I pouvoln

    d .

    u t a ibw

    ' ,

    N ,

    1 S

    , -.... p ' "

    ' '

    i w l

    ' ' ; ; ; ; H M I I ^ I

    > ^

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    w

    ,'s*ii^iPi,

    iusllsn i"

    |,

    "

    M

    .,

    |,

    Ddosd ii 4(4 nboll jtiflflii'h hier V

    S'il H I I I V I I

    1 *>rif>, unisIn

    |d il n "

    n l

    , ' ' , ,.,

    | | M l l

    |H n iU,IIIUS lM id il li t* ontHun,,,,

    I W M U

    T , . , . mul modlnM.Ki li proeusus oonilnuo tin

    Z r r V . i i w

    aiiitiw bjictlvi

    no

    aurvlvini q ui

    pt r

    |

    , , , . ;

    iiiKiiiniif w bornmia.

    Mitao o m n parti

    ta

    contre

    M d lom I N

    outimwiid* l'eenrlid i

    m i r at o i i , Il i oi.m ii

    S i, U s n

    r

    qu e li Piiril vw i A

    kvtm

    \ V O X H M M , ,

    Kfftvtefjj s,

    r,-Hi,

    dans

    M. vv|

    ,,

    ; ; i " ' i i , i

    "

    ,

    '

    mHm

    "S v'i'Wi

    1*. IV.

    I1K OUUmnnl IVlto

    w

    lUAwtJsmUt Mtl.mkoxi-m,((whi.v(tMv.fwls,Q*IUwi--W

    .

    )orsqu

    .n crivait queUmmoire, le besoin de

    d

    j > ' . C ^ ^ - P r ^ s ^ ub l i , que"mme l'horreur pmsse se

    Ce'I"' f i t t om b er ^

    1

    ^

    r e c o u v e r t

    les fosses com-

    *"t

    P

    e

    ODM*" ^ 1 ^ ' V ^ o r t des Armniens en AnatoUe,

    ***"li*

    ' "

    C h 8 f f l

    ^

    -

    - - - " ' M des Hereros tus en

    et le ^

    n t

    each leTcorps des Hereros tus en

    ^ HuiTde la

    N

    a m

    j

    b ,"

    w

    "

    1

    TJ;

    ?'""","

    '"""n*Jeun Moulin le 21 juin

    1943.

    le journal W '""

    . l < , i l ? r *

    ,

    .

    , w

    * *"" *

    over

    the University

    ,The New York

    Review ofBooks,

    avant ci

    M H o " '

    U mimoin

    -

    l'Histoire, l'oubli, Paris, Le Seu il. 2000. p. 223 (dor-

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    27/105

  • 7/25/2019 Abel-la Juste Memoire

    28/105

    LA JUSTE MMOIRE

    58 ...

    _

    , urologiedes abus possibles. En ce qu i

    c o

    TL *" "

    me< PartCUlere,nent

    *

    eux de i *Q

    /ornire-

    e [esaoobia

    d'une

    mmoire empche,

    c

    T

    h t S e oalVde,examine pa rSigmundFreud,dansfe

    fmon-e

    blesse.

    (

    nh/ira&m (m4)

    et

    dans

    Di

    et Mil

    estI;

    ^^^ z ^^^ ;:

    r-p

    j T ^ i s le pass. En premier lieu, la mlancolie

    Sllotetd'aniourd-unepersonneou

    d'uneide,

    telle que ,

    apa |n

    ^

    TaStmb

    aussi

    d'une

    image

    du

    pass)provoqueune mortificatio,

    1 ntimert de

    soi.

    Ensuite,la compulsion de rptition d W efe

    rfe

    .

    ) conduit la personne subsfluer le passe

    l'acte

    au

    so.

    venir vritable :

    e

    patient nereprodu it

    pas

    De fait oubli] sousforme *

    venirmais sousforme d'action : il le rptesans videmment savoir

    qu'il

    le

    rpte

    ".

    Dans

    les

    deuxtextes, Freud ne

    se

    borne pas prononcer

    on

    d iagnostic,

    il

    'interrogeaussi sur

    la

    possibilit d e favoriser

    que le

    sujet

    dcroche de

    ses

    mcanismes de rptition, de faon susciter une rcon

    ciliation avec

    te

    e f o u l .

    A

    cet gard, il sou ligne de u x po ints extrmement

    importants, qui seront repris parRicur propos d e la mm oire collec

    tive.Dans Remmoruon, rptition, perlaboration,

    l'analyste

    es tpri

    de

    montrer

    une

    grandepatience l'gard des rp titions, car le transfertcre

    un

    espaceintermdiaire entre

    le

    malade et la vie r elle, u ne sorte d'arne,

    qui garantit l'expression d es cond u itescompulsionnelleset leur perlabo

    ration (Diircharbeitung).Mais il y a aussi une d emand e pou r lepatient :

    au

    lieu

    de

    considrer

    son

    malaise commequelqu e chose m priser,

    il

    doit

    le

    traiter comme

    un

    adversaire digne d'e stime, co mm e u ne partie

    de lui-

    mme dont la prsence est bien motive et o il co nvie nd ra d e puiser

    de

    prcieuses d onnes pour sa vie u ltrieure

    a

    . Dans Deuil et Mlancolie,

    Freud soulignel'opposition existant entre la m lanc olie e t le d eu il

    (au

    lieu

    du deuil, la mlancolie...), pour insister su r le pou voir (coteusement

    )

    librateur

    du

    travail

    de

    deuil.

    Deuximement,en ce qui concerne les manipulations concertes

    du

    ut.

    Ricur pense la mainmise sur la m mo ire op r e par le nga-

    tionnisme ainsi qu' l'puration force de la mmoire, exerce sans

    K^mm^V^T"-

    B

    6n

    - WcdcrholenundDurcharbeiien(1914),

    al f

    S Z T L ^ * " ' mis. Arln,1995,p

    Convaincu que noire litoio dpend d e notre capacit a intgrerle

    pwn dan l eprtent, Rlcotur penie que, dans l'espace public, le travail

    de mmoire peut, doit avoir son fondement dans lesens d el'quit.