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En quoi l'agriculture urbaine constitue un moteur de constitution des villes ? Comment peut elle générer du profit ? Comment peut elle sauver l'avenir de nos villes ? Agriculture urbaine Urban Agriculture Permaculture Vertical Farming Ferme Verticale Autosuffisance Alimentaire
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MÉTROPOLES À CROQUEREn quoi l'agriculture urbaine constitue un moteur de constitution des villes ?
Presente par
Abel GUILLAUME
Suivi par Elodie Nourrigat
Jury :
Laurence Kimmel
Daniel Delgado
Isabelle Berthet-Bondet
Elodie Nourrigat
Semestre 09 - Janvier 2015
2
3
SOMMAIRE :
– INTRODUCTION
– PARTIE I : Un constat alarmant
1.1 Une population mondiale en plein expansion.
1.2 Des ressources qui s'epuisent.
1.3 Des villes qui souffrent.
– PARTIE II : L'agriculture urbaine
2.1 Les grands enjeux de l'agriculture urbaine.
2.2 Les differentes methodes.
2.3 Vers une relation symbiotique durable.
– PARTIE III : La ville agricole.
3.1 Une viabilite economique.
3.2 Les leviers potentiels .
3.3 Des prospectives differentes.
– CONCLUSION
– BIBLIOGRAPHIE
4
INTRODUCTION :
5
Depuis 2006, plus de 50% de la population
mondiale vit dans les villes1. Ce chiffre ne cesse
d'augmenter à tel point que l'Organisation des Nations
Unies prevoie que celui-ci devrait depasser les 70% d'ici
20502.
Parallèlement, la population mondiale subit un
accroissement demographique sans precedent. Depuis les
annees 1960, le nombre d'individus sur Terre est passe de
3 à 7 milliards de personnes en 2011 et devrait depasser les
9 milliards en 2050.
Nourrir les populations devient alors un problème majeur
et l'agriculture doit repondre à une demande de plus en
plus forte tout en beneficiant de moins en moins d'espace.
En effet, l'expansion des villes ne peut se faire sans
empieter sur le territoire agricole, complexifiant ainsi les
limites periurbaines et la relation ville-nature dejà mise à
mal.
Le territoire urbain et le territoire agricole sont donc
amenes à cohabiter, à s'imbriquer en donnant naissance à
un nouveau territoire hybride, lieu d'une relation
symbiotique ville-nature.
Si l'agriculture urbaine est encore à l'etat de pratique
emergente, elle est pourtant l'une des solutions proposees
et recommandees par l'ONU et la FAO ( Food and
Agriculture Organization )3 pour faire face aux besoins de securite alimentaire et aux defis de
l'urbanisation.
Presentee comme solution miracle à tous les maux de la ville, la pollution de l'environnement
1 Donnees de la Banque Mondiale2 Conference Rio+20 sur le developpement durable. http://www.un.org/fr/sustainablefuture/index.shtml 3 Rapport de prospective sur l’urbanisation, World Urbanization Prospects, rendu public en octobre 2006 4 101eme Conference Interparlementaire – Bruxelles – 15 Avril 1999
6
à l'interieur et autour des zones urbaines, la gestion de l'eau, la congestion de la circulation,
l'insecurite alimentaire, le traitement des dechets, le chômage, l'etalement urbain ou encore
la pollution de l'air4, l'agriculture urbaine existe pourtant depuis l'aube de l'humanite et c'est
avec le phenomène de « Mondialisation »5 et d'industrialisation que l'agriculture s'est vue petit
à petit exclue de nos villes, au profit d'une agriculture intensive privilegiant la quantite à la
qualite, epuisant les ressources inutilement et devenant de plus en plus polluante. Profitant
des progrès technologiques dans le domaine du transport de frets longue distance,
l’agriculture s’est vue delocalisee là où elle etait le plus rentable, en fonction des climats,
offrant ainsi une identite locale nouvelle à des regions toutes entières (exemple : la Floride
avec les oranges, les fraises espagnoles, les tomates marocaines etc.).
Cependant, fatigue de voir la qualite des produits s’affaiblir et de voir les prix augmenter, de
plus en plus de personnes ont decide de trouver des solutions pour reintroduire l’agriculture
dans les villes, parfois à des fin sociales, comme dans les interventions de Richard Reynolds
et de son groupe de guerilleros jardiniers 6, et parfois à visee economique, comme c'est le cas
avec Mohamed Hage, initiateur du projet des fermes urbaines Lufa à Montreal au Canada.
L’agriculture urbaine semble offrir une reponse à la demande de facon locale, par le biais
d’une production responsable et respectueuse de l’environnement. Non seulement le gain
environnemental est immense, mais ces types de cultures et l’abolition du transport
permettent une amelioration de la production mais aussi de la qualite du produit, qui se
retrouve à passer des mains du producteur à celles du consommateur sans intermediaires.
Cet etude vise à etablir en quoi l'agriculture urbaine peut constituer un moteur de conception
et de reflexion urbaine et architecturale dans les annees à venir. Prenant le parti que celle-ci
constitue une des solutions aux problèmes de la ville cites ci-dessus mais aussi plus
largement à ceux d'un territoire entier, il s'agira de demontrer que son integration intelligente
au projet peut permettre une evolution dans la facon de vivre la ville mais aussi d'ouvrir la
porte vers de nouvelles dynamiques sociales, culturelles et economiques.
Afin de bien comprendre l'importance de la question de l'agriculture urbaine dans le
processus de la conception du projet urbain et architectural, nous nous concentrerons dans
5 Olivier Dollfus, en 1997: «La mondialisation, c’est l’echange generalise entre les differentes parties de la planète, l’espace mondial etant alors l’espace de transaction de l’humanite»
7
un premier temps sur la realite de la situation globale mondiale actuelle, et des crises
auxquelles nous devons et devrons faire face vis à vis de l'alimentation et du modèle agricole
intensif. Ce constat sera dresse par le biais d'analyses de datas recueillis mais aussi à travers
la pensee de Frederic Lemaître, editorialiste au journal le «Monde», dans son livre «Demain la
faim !»7 qui donne une prospective mondiale de la question de l'alimentation dans les annees
à venir.
Il s'agira dans un second temps d'introduire la notion d'agriculture urbaine et d'en presenter
ses differentes formes partout dans le monde par l'intermediaire de l'analyse de plusieurs
projets types. Cela permettra de degager differentes thematiques qui visent la mise en place
de solutions plus ou moins durables et ciblant differents types de populations, les specificites
des pays du Sud n'etant pas les même que ceux des pays du Nord. Il s'agira dans cette partie
de mettre en avant le caractère local de ces interventions, tout en questionnant son impact à
une echelle territoriale.
Enfin, nous presenterons des prospectives en lien avec les thematiques les plus
prometteuses pour essayer de comprendre comment l'agriculture urbaine peut devenir
generatrice d'espaces publics et de projets urbains visant à ameliorer la relation ville-nature
dans une volonte productiviste liee au contexte economique des metropoles d'aujourd'hui et
de demain.
7Frederic Lemaître, Demain la fin !, Edition Grasset, 2009, 138 pages.6 Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, Editions Yves Michel, 2010
8
PARTIE I : Un constat alarmant.9
1.1 Une population mondiale en pleine expansion
Il suffit de regarder des vues aeriennes des ville historiques du debut du siècle et
d'aujourd'hui pour se rendre compte de l'ampleur du phenomène de l'expansion des villes,
intimement liee à la croissance demographique globale.
Qu'il s'agisse des villes des pays developpes du Nord ou des villes en voie de developpement
des pays du Sud, la croissance urbaine touche toutes les agglomerations de la planète.
La population mondiale n'a jamais augmente aussi vite que durant le siècle dernier, passant
de trois à sept milliards d'habitants entre 1960 et 2011, les specialistes nous promettent une
population mondiale de plus de neufs milliards en 2050 et presque quinze milliards d'humains
en 21002.
Los Angeles en 1920 et 2010 – USC Librarie's Los Angeles Examiner Collection
Ce qui rend cette croissance demographique exponentielle possible est en grande
partie lie à la question de l'agriculture moderne. En effet, l'industrialisation du monde debutee
dans les annees 1840 a permis la construction d'un nouveau modèle agricole que l'on qualifie
aujourd'hui d'intensif.
Basee sur une notion de rendement maximum, l'agriculture intensive est definie par le
dictionnaire Larousse comme « se disant d'une culture, d'un système agricole pour lesquels
sont appliquees de fortes quantites de travail et de capital par unite de surface, et dont on
obtient, en consequence, de fortes quantites de produits par unite de surface. »
Si elle est avant tout motivee par le profit direct, l'agriculture intensive permettait jusqu'à
present de repondre à la demande mondiale croissante.
2 D'après les prospectives de l' ONU revisee en 2010/2011 et publiee le 3 mai 2011
10
Malgre cela, aujourd'hui, plus d'un milliard de personnes souffrent de sous-nutrition et
près de deux milliards sont atteints de mal-nutrition, caracterisees par des regimes
alimentaires desequilibres et carences1. Cela represente aujourd'hui plus d'un tiers de la
population mondiale et ce chiffre ne cesse d'augmenter.
Si ce sont avant tout les pays pauvres ou en voie d'emergence qui sont les plus touches par la
mal-nutrition, cela ne signifie pas pour autant que les pays riches en soit à l'abri.
En effet, la securite alimentaire des villes autrefois garantie par la culture de proximite ne
dependait pas forcement de la richesse de celle-ci, or, avec l'apparition du modèle industriel,
l'agriculture s'est vue delocalisee, et la ville jusqu'alors productrice devint uniquement
consommatrice et donc dependante du marche et de la richesse de ces habitants.
La Sous-nutrition dans le monde – Source : l’Atlas de l’agriculture, comment pourra-t-on nourrir le monde en
2050?
Ainsi, lorsque que l'industrie automobile se retira de Detroit aux Etats-Unis, la population n'eut
plus les moyens d'acheter de la nourriture importee et ce fut le debut d'une crise alimentaire
au sein de la première puissance mondiale.
Aujourd'hui, plus de vingt-huit millions de personnes aux Etats-Unis ont besoin de tickets
1 FAO – Le Spectre de la mal-nutrition.
11
alimentaires pour se nourrir3.
Ce qui caracterise egalement l'agriculture intensive d'un point de vue plus
geographique, c'est aussi que celle-ci est intimement liee à la notion d'exode rural. Car si
cette agriculture moderne demande beaucoup de travail, celui-ci est effectue par des
machines et engins agricoles en majeure partie.
Ainsi, un seul homme peut exploiter des centaines d'hectares de terres agricoles, ce qui a
pour consequence une diminution du nombre de fermes, et donc de moins en moins de travail
pour les hommes au sein de l'industrie tertiaire.
Les campagnes n'ayant plus de travail à offrir, la fuite des terres agricoles dans les pays
industrialises a offert aux territoires de nouveaux paysages, demographiquement vides et
appauvris au profit de la monoculture et de l'elevage de betail.
Cet exode rural a egalement eu pour consequence la mise en place d'une dependance des
villes aux filières d'approvisionnement mondiale, beneficiant des avancees technologiques
dans le transport de frets mais nuisant considerablement à la qualite des produits dans un
premier temps puis à l'environnement dans un second temps.
Aujourd'hui, la ville est vue comme une entite qui s'oppose radicalement à la
campagne, assimilee au territoire agricole, qui met en avant des espaces qualifies d'artificiels
en opposition avec les espaces cultives qui sont encore consideres comme « naturels » par
l'imaginaire collectif.
Pourtant les villes semblent n'avoir jamais ete aussi attractives puisque celles-ci abritaient en
2006 50% de la population mondiale et qu'elles devraient abriter plus de 70% de celle-ci d'ici
2050 si l'on en croit les pronostics de la Banque Mondiale4.
La centralisation des populations dans les villes à pour effet non seulement de faire prendre
de la hauteur aux villes, mais aussi et surtout de provoquer un etalement urbain.
En effet, l'etalement urbain, aussi appele communement urban sprawl dans les pays
anglophones ou à l'international, consomme le territoire agricole au profit du territoire urbain.
Cet etalement reconfigure sans cesse le statut des banlieues peri-urbaines et en efface peu à
peu les limites. C'est avec cet etalement urbain que nait le conflit entre ville et nature, entre
territoire urbain et territoire agricole, voues à se melanger au detriment de ce dernier.
3 Frederic Lemaître, Demain la fin !, Grasset, 20094 Perspectives d'urbanisation du monde, Nation Unies, Banque Mondiale
12
Le problème etant que la croissance d'une ville se fait d'une facon beaucoup plus
rapide que sa croissance demographique. En effet, pour accueillir de nouveaux habitants, une
ville à besoin de nouvelles habitations mais pas seulement, elle doit aussi fournir tout un
nombre d'infrastructures de services, de reseaux routiers etc. C'est pour cette raison que
l'urbanisation des terres constitue un des enjeux majeurs des annees à venir, car il ne sera
pas possible de continuer à empieter sur le territoire agricole tout en continuant à nourrir des
villes de plus en plus grandes.
En France, ce sont plus de 15% du territoire agricole national qui furent rendu artificiels entre
les annees 1994 et 2004 alors que la population n'a augmente que de 5%5 dans le même laps
de temps .
Source : service de la statistique et de la prospective (SSP), Enquetes Teruti
Il suffit de peu de donnees pour se rendre compte que le modèle d'urbanisation et
agricole que nous suivons est voue à un epuisement global dans les prochaines decennies, de
plus son evolution corollaire à celle de la croissance demographique semble nous plonger
dans une problematique mondiale d'un futur proche ou il faudra nourrir plus de 14 milliards
d'êtres humains. «Et si cela etait impossible ?6 »
5 IFEN, Ministère de l'agriculture, enquête Terruti 6 Frederic Lemaître, Demain la faim ! , Grasset, citation resume à propos de nourrir la population mondiale future.
13
1.2 Des ressources qui s'épuisent
C'est dans les annees 1950, après la Seconde Guerre Mondiale dans les pays
developpes et un peu plus tard dans les annees 1960 dans les pays en developpement, à
travers ce qu'on appel la Revolution Verte, que le système d'agriculture intensive à reellement
explose.
«La Revolution verte est une politique de transformation des agricultures des pays en
developpement ou des pays les moins avances, fondee principalement sur l'intensification et
l'utilisation de varietes de cereales à hauts potentiels de rendements.
Cette politique combine trois elements:
- les varietes selectionnees à haut rendement;
- les intrants, qui sont des engrais ou produits phytosanitaires;
- l’importance de l'irrigation.
Le terme «revolution verte» designe le bond technologique realise en agriculture au
cours de la periode 1960-1990, suite à la volonte politique et industrielle, appuyees sur les
progrès scientifiques et techniques realises dans le domaine de la chimie et des engins
agricoles durant la première guerre mondiale et poursuivis durant l'entre-deux-guerres. Elle a
aussi ete rendue possible par la mise au point par les semenciers de nouvelles varietes à haut
rendement (hybrides souvent), notamment de cereales (ble et riz), grâce à la selection
varietale. L'utilisation des engrais mineraux et des produits phytosanitaires, de la
mecanisation et de l'irrigation ont aussi contribue à la revolution verte.»
Definition d'après l'encyclopedie en ligne Wikipedia.
Encourage par les politiques de l'epoque, cette pratique productiviste devait avoir pour but de
nourrir la population mondiale croissante, mais aussi et surtout d'assurer une securite
alimentaire nationale pour chacun des pays concernes, tout en s'assurant une place sur le
marche economique agricole mondial.
Cette technique de culture permettait et permet encore aujourd'hui une production
abondante de denrees alimentaires.
Solution miracle pour soutenir la croissance demographique, ce modèle intensif n'est
pourtant possible qu'au prix du sacrifice d'une grande partie de nos ressources planetaires et
de notre environnement.
14
Ce type d'agriculture represente aujourd'hui un tiers des emissions de pollution de la
planète7, elle est sur-consommatrice d'eau, polluante au niveau des sols, de l'air mais aussi
destructrice de biodiversite des espaces agricoles et des paysages, elle provoque egalement
l'erosion des sols, les rendant en même temps moins fertiles.
Ce sont les applications agricoles qui en decoulent telles que la monoculture d'OGM à l'aide
d'engrais chimiques ou encore l'elevage animal intensif qui ont l'impact negatif le plus lourd
sur l'environnement.
Ce modèle agricole est energivore et il depend de l'importation et de l'exportation des
denrees alimentaires, et donc de leur transport.
La crise energetique risque d'impacter à court mais egalement à long terme le modèle actuel
de l'agriculture intensive qui n'a su se developper que grâce à l'evolution des outils de
transports de frets, de la mecanisation des exploitations et de la fabrication des engrais, tous
très gourmands en energies fossiles.
Ainsi, une tonne d'engrais chimique necessite trois tonnes de petrole brut à sa fabrication, et
il faut en moyenne bruler douze calories d'energie fossile pour reussir à produire une seule
calorie alimentaire8.
À titre d'exemple, l'agriculture consomme à elle seule 17% de toute l'energie fossile utilisee
aux Etats-Unis, et il fallait dejà en 1994 environ 1800 litres de petrole pour nourrir un americain
pendant un annee complète9.
Conscient de cette dependance energetique, l'une des solutions de substitution à
l'utilisation de petrole fut la production d'agro-carburant, egalement appeles autrefois bio-
carburant en vertu des performances environnementales qui leur etaient attribuees mais qui
sont aujourd'hui dementies ( notamment à cause des operations de brûlage necessaires à la
plantation des champs dedies qui libèrent de fortes concentrations de gaz à effet de serre ).
7«Transition energetique pour tous – ceux que les politiques n'osent pas vous dire.» BFM Story – 27 Septembre 2013
8Donnees recueillies par Pierre Rhabi de l'ONG Terre et Humanisme 9 D. Pimentel et M. Giampietro. Food, Land, Population and the U.S. Economy. Rapport technique, Carrying Capacity Network, novembre 1994. http://www.dieoff.com/page55.htm.
15
Brûlage dans des champs de canne à sucre creant une pollution atmospherique importante.© Remi Jouan
Ce carburant realise soit à base d'ethanol issu de la culture de la canne à sucre soit à
base d'huiles issus de la culture d'oleagineux ( colza, palme, etc... ) permet une reduction des
emissions de dioxyde de carbone qui varie entre 20% et 60% selon son utilisation.
En theorie cette solution semble ideale mais la realite est tout autre. En effet, la production
des agro-carburants necessite de consacrer de grands espaces agricoles à la culture des
plantes concernees, et donc à reduire la surface d'exploitations destinees à l'alimentation. De
plus, la transformation des huiles en carburant necessite un lourd apport energetique.
Dans son ouvrage «Demain la faim !», Frederic Lemaître explique que «Si l'Europe, les
Etats-Unis et le Canada veulent vraiment que les bio-carburants diminuent de 10% leur
consommation d'essence, il faudrait, selon les calculs, y consacrer entre 30% et 50% des
surfaces cultivables.10», il s'agirait alors de choisir entre nourriture ou carburant.
En effet, d'après la Banque Mondiale, il faudrait environ 240kg de maïs pour produire 100 litres
d'ethanol ce qui correspond à la capacite moyenne du reservoir d'une grosse voiture. Ces
240kg de cereales permettrait d'un autre cote de nourrir une personne pendant une annee
entière.
Suites à ces constats, certains pays dont l'Union Europeenne ont decide de limiter leur
production d'agro-carburant, alors que d'autres ont fait le choix delibere de l'augmenter,
comme par exemple le Bresil ou les Etats-Unis, se basant sur sa rentabilite financière plus
10 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.41
16
importante.
Dans sa consommation exponentielle d'energie, l'agriculture ne deroge pas à
l'emission de gaz à effet de serre (GES). En effet, celle-ci participe à hauteur de 21% des
emissions mondiales des GES11.
Les gaz responsables du rechauffement climatiques sont nombreux à être liberes par la
production agricole intensive, parmi eux se trouvent en particulier le protoxyde d'azote, issu
du traitement des sols via des engrais chimiques riches en azote, le methane, emis par
l'elevage des ruminants qui ont un processus digestif qui degage ce gaz en forte quantite,
mais egalement le dioxyde de carbone, qui est issu de la fabrication des engrais de synthèse,
des pesticides, de l'exploitation des fermes et des terres, de la production de nourriture pour
les animaux d'elevage et du transport des marchandises.
Pour exemple, une vache produit autant de methane en un an qu'une voiture qui parcourt une
distance de 20 000km.12
Si ce sont celles dont on parle le plus dans les medias, les energies fossiles ne sont
pourtant pas les seules ressources qui s'epuisent. En effet, à travers l'artificialisation des
terres et l'exploitation agricole intensive, ce sont aussi les ressources foncières, les matières
premières et les ressources en eaux qui sont mises à mal.
Accorde à la FAO, alors qu'au cours du XXème siècle la population a quadruple passant
de 1,6 milliard à 6 milliards d'habitants, la consommation d'eau a, elle, ete multipliee par huit,
passant de 500 à près de 3800 kilomètres cubes et que plus de la moitie des zones humides
11 Donnees d'après le rapport CITEPA pour ADEME en 200912 D'après une etude du Ministère de l'agriculture et de l'agroalimentaire du Canada
17
de la planète ont disparu dans le même laps de temps.
Toujours accorde à la FAO, ce serait l'agriculture intensive qui serait responsable de cette
augmentation de la consommation, puisque celle-ci utilise 80% de l'eau dans les pays en
developpement et 40% de l'eau dans les pays riches. Au sein de l'agriculture, c'est celle dite
irriguee qui est la plus forte consommatrice d'eau.
Definie par le dictionnaire de biologie comme des zones auxquelles on fournit artificiellement
de l'eau, autre que l'eau de pluie, afin d'ameliorer les pâturages ou la production agricole,
l'agriculture irriguee representerait actuellement la source de 40% de la production
alimentaire mondiale13.
Source : l’Atlas de l’agriculture, comment pourra-t-on nourrir le monde en 2050?
L'agriculture en terre irriguee est de loin la plus rentable en terme de rendements à
l'hectare. Pourtant, celle-ci ne peut pas être utilisee dans toutes les regions du monde,
notamment à cause de raisons sanitaires lies à l'eau stagnante et en particulier au risque de
paludisme, mais aussi à cause de sa demande en eau très importante.
13 Donnee de la Banque Mondiale.
18
Après l'agriculture irriguee, le plus gros consommateur agricole d'eau peut surprendre, il
s'agit en realite de la branche de l'elevage, en particulier des bovins.
En effet, «Il faut 1m3 d'eau par jour pour nourrir un vegetarien, 4m3 pour un adepte de viande
blanche et 6m3 pour un adepte de viande rouge.14»
Cela est dû en grande partie au fait qu'il faut pour nourrir les bêtes produire de grandes
quantites de cereales qui demandent elles aussi beaucoup d'eau.
«Entre une voiture dont la construction necessite 300 000 litres d'eau et un boeuf dont
l'alimentation a necessite 15 000 litres par kilogrammes, le consommateur devra sans doute
choisir. Autres chiffres qu'il est toujours interessant d'avoir en tête: alors qu'une personne a
besoin de 20 à 50 litres d'eau par jour, un americain en consomme 600 litres et un Europeen
environ 150 ! Comme on commence à calculer son empreinte ecologique, il est vraisemblable
que nous serons bientôt amenes à calculer notre «waterfootprint», notre empreinte
ecologique de l'eau. Où l'on s'apercevra qu'un vegetarien qui roule en 4x4 consomme moins
d'eau qu'un cycliste carnivore.15»
Ainsi, l'agriculture que ce soit à travers la production alimentaire vegetale ou animale puise
enormement dans les ressources en eaux. Qui plus est, le traitement des sols aux engrais et
pesticides pollue egalement ces ressources, que ce soit par infiltration dans les nappes
phreatiques ou par l'ecoulement dans les cours d'eau.
14 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.7315 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.77
19
Les ressources naturelles mises à mal par l'agriculture intensive ne sont pas
seulement d'ordre materiel, l'impact de celle-ci sur les ressources paysagère est aussi très
important.
En effet, la monoculture caracteristique de l'agriculture productiviste et la mecanisation des
exploitations a eu de forte incidences sur la fabrication du paysage agricole mondial depuis le
debut du siècle.
Souvent, la monoculture privilegie la culture de la denree qui est la plus rentable et c'est ainsi
que le paysage devient monotone et repetitif, tous les agriculteurs recoltant les mêmes
produits dans des champs identiques, aux surfaces de plus en plus gigantesques.
Accentue par le phenomène d'erosion des sols et par la destruction progressive de la
biodiversite, la transformation du paysage agricole passe aussi par la perte des repaires
visuels agricoles traditionnels caracteristiques qui le structure, tels que les haies de bordures
de champs, le bocage ( on appelle bocage la region où les champs et les pres sont enclos par
des levees de terre portant des haies ou des rangees d'arbres qui marquent les limites de
parcelles de tailles inegales et de formes differentes, et où l'habitat est disperse
generalement en fermes et en hameau. Definition wikipedia ), les bosquets...
La disparition des haies et des arbres est en grande partie due à la mecanisation des
exploitation, il fallait rendre les surfaces agricoles plus facilement exploitable par les
machines, la suppression des arbres permet egalement d'augmenter la surface cultivable
d'une parcelle.
20
Photographie du Bocage du Boulonnais dans le Nord de la France par Matthieu Debailleul
Monoculture en Californie, photographie de Jupiterimages
Pourtant, l'utilite de ces arbres et haies est sous-estimee. En effet, s'ils occupent
certes une surface non negligeable des espaces agricoles cultivables, ils n'en jouent pas
moins un rôle important. Servant de protection naturelle aux cultures ou troupeaux, ils se
comportent à la fois comme brise vent mais aussi pare neige, et peuvent permettre de
masquer les odeurs. Ils previennent egalement l'erosion des sols grâce à leur système
21
racinaire et permettent d'accueillir la biodiversite necessaire aux brassage des espèces.
Leur suppression augmente egalement les risques d'inondations.
Si le paysage agricole souffre aujourd'hui enormement de son exploitation intensive, il
demeure pourtant dans l'imaginaire commun synonyme d'une qualite de vie, d'un rapport
plus proche à la nature qu'en ville. Cette vision du paysage faussee par les publicitaires et des
decennies de mensonges et habiles camouflages de la realite reste pour l'instant qualitative.
Il est donc reellement temps d'alerter de l'etat actuel des choses les autorites politiques
d'avoir à prendre en consideration ce problème.
Le paysage urbain et agricole est transforme. Il apparait depuis quelques decennies la notion
de tenir tête à deux etats du paysage : la rarete et le delaissement.
En effet, comme explique par Richard Reynolds, activiste et precurseur du mouvement de
Guerilla Jardinière, « la terre n'est pas repartie en fonction des besoins, mais utilisee comme
actif financier.16»
Car s'il est une chose à laquelle l'agriculture doit faire face, c'est à l'epuisement des
ressources foncières lie à l'expansion des villes qui met en place une speculation à long
terme sur les surfaces arables periurbaines.
Historiquement, les villes se sont developpees sur les terres les plus fertiles, la valeur
d'une terre etant alors calculee en fonction de son rendement agricole potentiel. Ainsi, les
villes du monde entier sont bâties sur les terres aux meilleures capacites agronomiques d'un
territoire, les terres les plus facilement irrigables, et donc exploitables. Pourtant, avec
l'evolution des methodes de productions agricoles, il devient facile de rendre de nouvelles
terres arables (se dit d'une terre qui peut être labouree et donc cultivee) et donc possible
d'eloigner la production agricole des villes tout en augmentant les surfaces cultivees.
C'etait sans compter sur le phenomène d'etalement urbain.
Ce phenomène est lie à la forte croissance demographique globale et surtout à la
desertification de l'espace agricole du fait d'un exode rural fort.
En effet, depuis 2006, plus de la moitie de la population mondiale est urbaine17, et ce chiffre
16Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, citation p.6417D'après les donnees de la Banque Mondiale.
22
ne cesse d'augmenter. On retrouve à l'origine de cette evolution des migrations du rural vers
l'urbain, la recherche de moyens de subsistance ou d'une meilleure qualite de vie. Car pour
beaucoup dans les campagnes, la ville represente l'accès à l'emploi, mais aussi à l'education,
aux soins, à la consommation... Si le phenomène est suffisamment ancien dans les pays
developpes pour être en grande partie contrôle, ses consequences dans les pays en
developpement sont beaucoup plus alarmantes, outre la desertification de l'espace rural,
cette migration accroit la formation d'habitats informels en banlieue des villes, l'insalubrite,
l'insecurite mais aussi la pollution.
Favela au Bresil – Photographie Pulsa Merica
Des villes de plus en plus peuplees et etalees sur le territoire se constituent tout autour
du monde, celles-ci sont souvent depassees par la vitesse de leur expansion et se retrouvent
incapables d'en gerer les consequences. Il en decoule un manque notoire de ressources,
d'infrastructures mais aussi de services urbains. Ces difficultes à surmonter sont par ailleurs
d'autant plus compliquees à gerer que le niveau de vie du pays est bas.
De part la proximite historique des villes avec le territoire agricole, la croissance de ces
dernières ne peut se faire qu'à travers l'urbanisation des campagnes et donc l'artificialisation
des sols agricoles, contribuant ainsi à la disparition des zones agricoles peri-urbaines.
23
La progression des surfaces artificialisees est en moyenne quatre fois plus rapide que
celle de la croissance demographique. En effet, lorsqu'une famille s'installe dans une ville, il
ne faut pas seulement lui construire une habitation, mais il faut creer des routes, des
services, des espaces de stationnements, etc.
Ainsi, à l'echelle mondiale, il faudra d'ici 2030 construire plus de 400 000km2 de ville
supplementaire afin de faire face à la demande. C'est l'equivalent de la surface de toute la
zone urbaine mondiale en l'an 200018.
En France, l'etalement urbain provoque l'artificialisation de plus de 600km2 chaque annee 19.
Ce sont les territoires agricoles qui constituent la première ressource foncière necessaire à
cet etalement, y contribuant à hauteur de 80% sur la periode comprise entre 1992 et 200420.
Cette consommation des terres agricoles represente sur la même periode une surface totale
de 400 000ha, soit l'equivalent de 1% du territoire national pour la seule construction de
maisons individuelles.
À l'international, la consommation de terres agricoles represente environ 500 000 hectares
par an aux Etats-Unis, plus de 800 000 hectares par an en Chine et entre 4 et 5 millions
d'hectares par an à l'echelle mondiale.
Dans cette annexion du territoire agricole par le territoire urbain, c'est l'agriculture
peri-urbaine qui en fait le plus les frais. Si cette dernière ne represente que 40% du territoire
agricole francais, elle realise pourtant plus de 50% de la production totale.
Situee en bordure des villes, elle est directement impactee par l'etalement urbain.
Source : SOeS-Gis Sol, 2010.
18 Donnees de la Banque Mondiale dans le rapport Eco2cities19 Donnees recoltees par le Ministère de l'ecologie, du developpement durable et de l'energie en France20 Chiffres issues du rapport Teruti pour Agreste
24
Cette pression exercee par les villes sur les territoires agricoles provoque un
phenomène d'abandon des exploitations. En effet, la speculation sur le prix du foncier se fait
desormais par rapport à la valorisation foncière potentielle dans le cadre de programmes
d'urbanisation plutôt que par la valorisation agricole.
De plus, le morcellement du territoire agricole peri-urbain rend son exploitation de plus en
plus difficile.
En effet, le phenomène de mitage de ces espaces fait que les agriculteurs doivent traverser
des voies rapides, des zones habitees, commerciales, avec des engins agricoles lourds,
tracteurs, troupeaux... De plus, les services lies à la production alimentaire tels que les
cooperatives de stockages, les abattoirs, ou fermes se retrouvent souvent plus eloignes,
moins accessibles, et par consequent moins efficaces.
Ainsi, dans son dossier sur l'etalement urbain en France, le ministère de l'ecologie, du
developpement durable et de l'energie concluait par un bilan alarmiste : «Le recul progressif
de l'exploitation agricole par rapport aux centres urbains degrade l'empreinte ecologique des
zones urbaines et ne favorise pas la mise en place de boucles alimentaires locales ( i.e.
L'approvisionnement preferentiel d'une zone par la production des terres les plus proches
geographiquement ), destinees à diminuer le bilan carbone des activites liees à l'alimentation
des populations.21»
Nefaste sur de nombreux points, cet etalement urbain necessite une prise de conscience
globale des politiques engages, car l'expansion des villes a pour consequence directe la
disparition des limites entre la ville et la campagne, au detriment de l'espace agricole peri-
urbain mais aussi de la qualite de vie dans les villes.
Parallèlement à la croissance des villes, les espaces peri-urbains se dessinent de plus
en plus autour et entre les agglomerations urbaines. Ces espaces très vastes participent à
promouvoir l'influence sociale, culturelle et economique des villes car ils constituent les
nouveaux dortoirs des villes. Liees aux migrations pendulaires, les habitants de ces zones ont
adopte les modes de vie citadins car c'est au sein des villes que se trouvent leurs emplois et
les centres de divertissements principaux.
21 Etalement Ubain, Ministère de l'environnement, du developpement durable et de l'energie. 18 Janvier 2010
25
Ainsi, la rarefaction des terres agricoles via l'expansion des villes fait non seulement
grimper le prix du foncier dans les zones peri-urbaines, mais egalement dans les espaces
agricoles eloignes. «Dejà en 2007, pour la première fois en trois decennies, le prix des terrains
agricoles à davantage progresse que le prix des logements à Londres ou à New York.22»
Cet etalement urbain provoque donc une perte de pertinence dans l'opposition entre l'urbain
et le rural dans la caracterisation des territoires. De plus, la centralisation des services dans
les agglomerations urbaines rend l'eloignement de celles-ci d'autant plus difficile à vivre. En
effet, les services, les emplois, les administrations, etc, se retrouvent tous centralises dans
les villes au detriment des campagnes. Il faut donc consommer plus d'energie lorsque l'on
habite et vit en dehors des zones urbaines23, ce qui devient un problème face à la hausse des
prix de l'energie, rendant l'occupation des espaces moins egalitaire.
Globalement, l'epuisement des ressources fossiles mondiales n'est qu'un des symptômes de
l'epuisement du modèle agricole intensif actuel. La croissance du territoire urbain posant lui
aussi de nouvelles problematiques à prendre en compte dans l'evolution agricole, les enjeux
de l'agriculture urbaine semble aujourd'hui au coeur des preoccupations.
Frederic Lemaître resume parfaitement bien la situation lorsqu'il declare : «Dans les
decennies à venir, l'agriculture va être confronte à un triple defi. Faire face à la croissance
demographique, tout en respectant davantage l'environnement et en integrant la rarefaction
des energies fossiles.24»
Reims Ville Campagne – Credit photo CroisRouge
22 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.9323 Rapport Territoire 2040, Gouvernement Francais. 24 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.48
26
1.3Des villes qui souffrent :
Si le modèle agricole semble s'epuiser, la croissance effrenee des villes donne
naissances à de nouvelles problematiques urbaines. Grandissant plus vites que nos modèles
urbains evoluent, la ville semble aujourd'hui de moins en moins adaptee à la vie.
En effet, symbole de reussite et de qualite de vie pour les populations rurales, la ville
d'aujourd'hui doit faire face à de nombreux maux. C'est lors de la 101ème conference
interparlementaire à Bruxelles le 15 avril 19991 qu'ils furent recenses. Parmi eux, on comptait,
la pollution de l'environnement à l'interieur et autour des zones urbaines, le manque de
ressources en eaux et en traitements des eaux, la congestion de la circulation urbaine,
l'insecurite alimentaire, la vulnerabilite accrue face aux catastrophes naturelles, le
traitements des dechets, le chômage et la pollution de l'air.
Si tous ces problèmes necessitent des solutions diverses et variees, il en est une qui interesse
fortement les politiques. Mise en avant et recommandee par la FAO, il s'agit de l'agriculture
urbaine. En effet, loin de resoudre tous les problèmes, elle permettrait de facon efficace et
durable d'ameliorer plusieurs d'entre eux.
Aujourd'hui, les villes sont les plus grandes consommatrices de denrees alimentaires.
Seulement, celles-ci ne produisent pas ce qu'elles consomment et dependent donc
majoritairement des filières longues d'approvisionnement en nourriture. Cette dependance
est d'autant plus problematique que les villes semblent de plus en plus negligentes vis à vis
de l'agriculture.
De plus, cette forte dependance rend les villes directement exposees aux risques
d'insuffisance de l'approvisionnement qui ne semblent dorenavant plus cantonnes aux pays
extrêmement pauvres tels que l'ont demontres les revoltes de la faim en 2008 un peu partout
dans le monde ( Maroc, Mexique, Senegal, Argentine, Philippines... ).
Face à la mise en danger des villes, les politiques urbaines tardent à prendre la dimension
globale du problème et à appliquer des solutions de production de proximite à l'echelle plus
locale, ne serait-ce que nationale. Aujourd'hui, seuls quelques rares pays montrent de vrais
volontes politiques strictes vis à vis de la protection de leurs espaces agricoles nationaux, si
1 LE PROBLEME DES GRANDES VILLES EN TANT QUE DEFI GLOBAL, AUQUEL LES PARLEMENTAIRES SONT APPELES A FOURNIR UNE REPONSE, EN TERMES A LA FOIS DE CIVILISATION URBAINE ET DE DEMOCRATIE - Resolution adoptee sans vote par la 101ème Conference interparlementaire (Bruxelles, 15 avril 1999)
27
c'est le dejà le cas du Canada ou de la Suisse, la grande majorite des pays developpes
repondent toujours absents.
La dependance des villes vis à vis du monde agricole semble egalement d'ordre social et
culturel. En effet, la vision d'un territoire agricole idealise offre à la campagne la notion d'une
qualite de vie plus proche de la nature. De plus, aujourd'hui, l'hyper densite des villes est de
plus en plus percue comme une degradation de la qualite de vie, plus le sol est artificialise et
moins la qualite de vie dans les villes semble bonne. Ainsi, cette densite urbaine accroit un
certain besoin de «nature» chez les citadins. Il s'agit alors de revenir verdir la ville.
Comme le remarque Richard Reynolds, «Si l'on cree encore de nouveaux parcs de nos jours, la
priorite est plus souvent accordee à des projets phares qu'à des espaces communautaires
plus petits là où la population en à besoin.2», il ne suffit donc pas de creer de gros
programmes urbain «vert» mais il s'agit egalement de repondre à un besoin social des
habitants, toujours d'après Richard Reynolds, « L'aspect communautaire est un element
essentiel de la reussite d'un espace.» et il est important de prendre en consideration des
solutions peut être plus locales à l'echelle des quartiers et des rues plutôt que des projets
urbain aux echelles citadines et territoriales.
Central Park, New York – Photographie de Sergey Semonov
2 Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, Editions Yves Michel, 1 mars 2010
28
Ainsi, les considerations liees à la mise en place d'espaces verts dans les villes
semblent être à revisiter, en se posant des questions plus d'ordre sociales mais aussi
paysagères via les structures urbaines et peri-urbaines, il s'agira de requestionner la place de
l'agriculture.
La proximite avec la nature dans les villes est aujourd'hui vendue comme un atout. Il suffit de
constater les prix de l'immobilier dans les villes pour les habitations qui ont une vue degagee
sur un parc pour s'en rendre compte. Par ailleurs, le developpement des activites de jardinage
et la reappropriation des espaces urbains delaisses par des initiatives individuelles et/ou
associatives met en relief un regain d'interêt dans l'exploitation agricole. Cependant, cette
vision idealisee des fermes et de l'agriculture en general tend à releguer la question de
l'agriculture urbaine au rang d'utopie, de passe-temps, au lieu de la promouvoir au rang d'une
reelle production agricole economiquement viable.
Jardin communautaire Le peuple des Abeilles à New York – Photographie de BeesinNYC
Car si aujourd'hui la protection et la preservation des sites paysagers dans les espaces
urbains est la plupart du temps due à des facteurs de protection de l'environnement plutôt
qu'à des facteurs agricoles, cette volonte de preserver le patrimoine paysager du territoire
29
semble de bonne augure. Il s'agit dorenavant de ne plus envisager la ville commue une simple
consommatrice mais de realiser son veritable potentiel.
«Nous devons produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons.3»
Car si la ville est la première consommatrice des denrees alimentaires, elle est aussi remplie
de ressources qui pourraient entrer dans le processus de production de ces dernières.
En effet, la ville produit l'energie et la plupart des produits necessaires à l'agriculture ( engins
agricoles, engrais, pesticides, formations par les ecoles... ) et par le phenomène d'etalement
urbain et de disparition des limites ville-campagnes le territoire agricole se retrouve aux
portes de la ville, dans une simple relation de voisinage alors qu'il existe de veritables enjeux
à la mutualisation des ressources, des besoins et des savoirs.
Les ressources de la ville sont avant tout humaines, de par la forte croissance
demographique urbaine, il existe une forte presence de main d'oeuvre disponible, accrue par
le chômage. Cette main d'oeuvre est non seulement disponible, mais elle peut egalement très
rapidement devenir qualifiee grâce à la diversite des savoirs qui reside dans les espaces
urbains ( ecoles, facultes, laboratoires de recherches... ). De cette manière, la vie en tant
qu'agriculteur regagne en attrait vis à vis des jeunes populations, la possibilite de travailler
dans le secteur primaire sans avoir à quitter les grandes villes apportant un plus indeniable.
Par ailleurs, la proximite des lieux de cultures et de transformation des denrees alimentaires
faciliterait les contrôles sanitaires et la tracabilite des produits grâce notamment à la mise en
place de circuits courts, se passant d'intermediaires.
La production locale permettrait egalement de fournir une reponse plus appropriee à la
demande.
Du point de vue des ressources en energies et matières premières, la ville n'est pas non plus
en reste.
Sans même parler de la production d'energies electriques ou du traitements des energies
fossiles, la ville, par la production et la valorisation de ses dechets peut contribuer à de
3 Andre Gorz, Ecologica , Galilee, 2008 - Citation
30
grandes economies d'energies. La plupart des dechets organiques issus de la consommation
des citadins peut être transformee en compost, et les boues liees aux traitements des eaux
usees peuvent être reutilisees. Les eaux usees elles même offrent un potentiel immense, dejà
en partie exploitees dans une grande partie des pays en voie de developpement, même si ce
que deviennent les eaux usees des villes demeure assez flou.
Pourtant, dans 80% des cas, ces eaux non traitees ou très peu sont utilisees afin d'irriguer les
champs et les jardins peri-urbains4. Ces espaces agricoles arroses avec une eau impropre à la
consommation representent dejà plus de 20 millions d'hectares de terres urbaines et peri-
urbaines, principalement presentes en Chine, Inde, Vietnam, Afrique subsaharienne, et les
grandes villes d'Amerique Latine.
«À Accra, la capitale du Ghana ( 2 millions d'habitants ), 200 000 personnes achètent chaque
jour des legumes produits sur 100 hectares seulement de terre agricoles urbaines irriguees
avec des eaux usees selon l'IWMI.5»
Ces eaux usees sont contaminees à la fois chimiquement et biologiquement, pourtant, elles
sont indispensables à la survie de centaines de millions de personnes. En effet, les villes qui
sont concernees par l'utilisation des ces eaux en agriculture urbaine et peri-urbaine n'ont pas
la possibilite aujourd'hui d'irriguer avec une eau saine.
Il semble alors plus que pertinent de commencer à prendre en compte le devenir des eaux
usees afin de pouvoir les rendre, si non propre à la consommation directe, au minimum propre
à l'irrigation des espaces agricoles.
Irrigation à l'eau usee à Ouagadougou au Burkina Faso - Source: IWMI
4 D'après les chiffres de l'IWMI (International Water Management Institute).5 Frederic Lemaître, Demain la faim !, Grasset, 2009, citation page 84
31
La valorisation des dechets organiques permettrait egalement la production d'un
compost à destination de l'agriculture, ameliorant les rendements de la même facon que le
fait les engrais chimiques, le compost à le merite d'être moins cher à produire que ces
derniers. De plus, son bilan environnemental est bien plus ecologique et il s'inscrit donc dans
une demarche de developpement durable.
Au delà des besoins de loisirs et de bien être des citadins, l'agriculture urbaine peut
egalement constituer un moyen de subsistance pour les populations les plus pauvres des
espaces urbains. En effet, l'agriculture est dejà un moyen de subsistance pour 86% des
habitants des espaces ruraux dans les pays en developpement ce qui represente pas moins
de 5,5 milliard de personnes en 20086. Or, il y a aujourd'hui dans le monde plus de pauvres
urbains que de pauvres ruraux et la mobilisation de l'agriculture urbaine semble une priorite
en vue de reduire la pauvrete dans les villes.
Comme explique par Frederic Lemaître, «Favoriser l'autosubsistance ou permettre à des
menages, tant à la campagne qu'en peripherie des villes, d'avoir accès à un bout de terrain
peut constituer une reponse assez simple et très rapide aux problèmes alimentaires que pose
l'augmentation des prix agricoles.7»
La question de l'agriculture urbaine est aujourd'hui au coeur de plus en plus de reflexions sur
l'evolution et l'expansion des villes, pourtant, celle-ci demeure pour le moment encore
meconnue de grand public et son potentiel vraiment sous-estime par les instances politiques.
Après avoir constate que le monde va mal et que les villes en sont en grande partie
responsables, il semble plus que temps de se tourner vers de nouvelles solutions, de
nouvelles methodes, et l'agriculture urbaine semble en faire definitivement partie.
6 Donnees de la Banque Mondiale7 Frederic Lemaître, Demain la faim !, Grasset, 2009, citation page 136
32
PARTIE II : L'agriculture urbaine.
33
Ce constat alarmant de l'etat de l'humanite et de la planète nous laisse entrevoir une
perte de plus en plus forte du lien qui existe entre l'agriculture et la ville. Cet effet se fait
sentir au sein des villes et divise aujourd'hui les opinions publiques.
L'agriculture urbaine et periurbaine presente une piste possible à une stabilisation de la
situation dans les espaces urbanises afin de garantir un developpement plus durable et
surtout viable d'un point de vue metropolitain mais egalement territorial.
Au delà de ce potentiel, l'agriculture urbaine offre aussi une solution à la securite voire à la
souverainete alimentaire que ce soit à l'echelle des territoires locaux ou nationaux, mais
egalement à l'echelle de l'individu lui même.
Il s'agira dans cette partie d'etablir les enjeux de l'agriculture urbaine et periurbaine à travers
des definitions et la mise en relief de ses avantages et limites puis d'en presenter les
differentes formes et usages à travers l'exploration de projets existants ou en devenir. Cela
permettra de mettre en avant certaines thematiques agro-urbaines et d'en identifier les
acteurs et outils potentiellement utile au developpement de villes plus durables et agreables.
Ces projets allant d'initiatives locales et personnelles à la planification territoriale permettront
par leur analyse d'etudier par la suite diverses prospectives de l'evolution des villes
conjointement à l'agriculture urbaine.
2.1Les grands enjeux de l'Agriculture Urbaine :
L'agriculture dans les villes est aujourd'hui valorisee à travers trois grands points de vu,
economique, environnemental et socio-culturel. Elle participe à la modification des facons
d'habiter la ville tout en integrant les questions d'amenagement du territoire urbanise.
S'il semble aise d'en visualiser l'expression urbaine, la diversite de ses formes et de ses
representations complexifie considerablement la mise en place d'une definition.
Il s'agit de percevoir l'agriculture urbaine comme un concept qui a vocation à rapprocher deux
systèmes : la production alimentaire et la ville.
Dans ce travail, c'est l'agriculture en tant que concept à la croisee des echelles urbaines et
periurbaines qui va nous interesser plus que sa vocation de production alimentaire. Il s'agit ici
de mettre l'accent sur les liens qui unissent la ville et cette production alimentaire, à travers
34
le developpement spatial au sein du territoire urbain et les relations entre ses differents
acteurs.
La FAO definie l'agriculture urbaine comme ce qui designe toute activite de production
agricole ( culture ou elevage ) à des fins de consommation privee ou pour les circuits
commerciaux au sein d'une aire urbaine. Cependant, cette definition reste vague, car elle ne
distingue ni les acteurs de celle-ci ni leurs statuts. Elle se base sur la simple localisation
«dans» la ville sans pour autant considerer les fonctionnalites de l'agriculteur à l'egard de
celle-ci. Or c'est bien là que se trouve l'essence même de l'agriculture urbaine, c'est dans
l'interaction avec les differents acteurs du processus de production alimentaire que resident
ses points forts, celle-ci ne se limite pas à une localisation urbaine mais ces espaces
agricoles s'inscrivent dans un système particulier au sein d'un territoire qui regroupe à la fois
ville, franges periurbaines et campagne.
Dans ce sens, la definition dressee par Fleury et Donnadieu va un peu plus loin car elle intègre
cette dimension periurbaine et met l'accent sur les rapports fonctionnels reciproques entre
l'agriculture et la ville.
«L'agriculture periurbaine, au strict sens etymologique, est celle qui se trouve en peripherie
de la ville, quelle que soit la nature de ses systèmes de production. Avec la ville, cette
agriculture peut soit n'avoir que des rapports de mitoyennete, soit entretenir des rapports
fonctionnels reciproques. Dans ce dernier cas elle devient urbaine et c'est ensemble
qu'espaces cultives et espaces bâtis participent au processus d'urbanisation et forment le
territoire de la ville.1» En plus de sa dimension spatiale, c'est au travers des echanges et des
flux provoques par l'agriculture avec la ville que reside son caractère urbain. De cette
manière, une agriculture semble pouvoir être «plus» ou «moins» urbaine du point de vu de ses
fonctionnalites reciproques avec l'aire metropolitaine qu'elle occupe.
Avant de commencer à presenter ses fonctionnalites et enjeux, il convient de re-situer
l'agriculture urbaine dans son histoire. Si beaucoup la presente comme phenomène recent et
tendance, il faut savoir que celle-ci commence pourtant avec l'ère neolithique ( -9000 AV-JC ).
En effet, c'est à travers la sedentarisation des populations que se met en place les premières
co-construction entre les villes et l'agriculture2. Plus tard, on observe au Moyen-Age avec la
1 Andre Fleury et Pierre Donadieu 19972 Mazoyer et Roudart, Histoires des agricultures du monde. Du neoloithique à la crise contemporaine, 1997
35
separation creee par les fortifications, des espaces agricoles colles aux remparts et des
espaces intra-muros avec des vocations uniquement nourricières. Ceux-ci pouvaient servir
toute l'annee comme c'etait le cas dans les abbayes (autosuffisance) mais etaient egalement
très importants en cas de siège de la cite.
Livre des merveilles du monde, Maître de Charles d'Angoulême (Robinet Testard), France, fin du XVesiècle
C'est un peu plus tard, au XIXème siècle que l'expansion des villes et le developpement des
transports à travers la revolution industrielle qu'une rupture se cree dans la relation entre la
ville, l'espace agricole et la nature.
Ainsi, herites d'une histoire ou bien recomposes par divers acteurs territoriaux et locaux, les
espaces cultives contribuent depuis toujours à la structuration de la ville. Ce travail va essayer
de comprendre comment, au travers des trois axes economique, environnemental et socio-
culturel.
Aujourd'hui, la FAO mise sur de developpement de l'agriculture urbaine pour renforcer
la securite alimentaire et l'accès à la nourriture de qualite grâce à cet approvisionnement
alimentaire de proximite. Pourtant, l'agriculture urbaine offre bien plus que cela.
Certes, la production alimentaire est la vocation même de l'agriculture, qu'elle soit urbaine ou
qu'elle ne le soit pas, mais le rayonnement de ses fonctionnalites au sein d'une ville est bien
plus large.
36
Tout d'abord d'un point de vue environnemental, l'agriculture urbaine offre trois
benefices primaires ne serait-ce que par sa simple mise en place. Elle aide à preserver la
biodiversite, permet de diminuer le gaspillage ( avec l'utilisation des ressources de la ville :
compost, etc, voir première partie ) et de reduire la quantite d'energies et de ressources
utilisees dans la production et la distribution alimentaire à travers la reduction des distances
( concept du «food miles» ), la diminution du nombre d'intermediaires et les methodes de
cultures specifiques.
Distance moyenne parcourues par les productions d'après les chiffres de la BBC
Ces benefices directs environnementaux sont completes par les effets secondaires lies à la
mise en place de l'agriculture urbaine, ainsi la preservation de la biodiversite permet la
resilience de la nature en milieu urbain mais même au delà, elle permet la fabrication d'une
coherence ecologique des territoires.3 Au sein des collectivites elle contribue à la diminution
des emissions des gaz à effet de serre (GES) et permet une re-localisation de la production
alimentaire et le developpement des chaines de distribution courtes.
Agissant comme un frein à l'etalement urbain, elle permet la protection du paysage en
stoppant la croissance des villes en valorisant la mise en place de ceintures vertes ( Green
Belts ) à vocation agricole.
La diversification des cultures agit egalement en faveur de la biodiversite dans les
quartiers pavillonnaires, qui jouissent d'un fort potentiel agricole de part les superficies
3 BERTRAND, N. Agriculture periurbaine : la construction du rapport à la ville proche , Universite de Montreal - 2010
37
potentiellement potagères que constituent les jardins privatifs qui sont aujourd'hui très
largement occupes par les pelouses. «Lawns use more equipment, labor, fuel, and
agricultural toxins than industrial farming, making lawns the largest agricultural sector in the
united states.4»
«Les pelouses necessitent plus d'equipements, d'entretiens, d'energies et d'engrais que
l'agriculture intensive, faisant des pelouses le secteur agricole le plus important des Etats-
Unis.»
Vue aerienne d'un quartier pavillonnaire de San Diego – USA – Photo Brooke Madison
Tous ces avantages environnementaux permettent à l'agriculture urbaine de changer
le regard des populations urbaines vis à vis de l'agriculture, souvent consideree comme
polluante et de mauvaise qualite. Ce sont souvent ces arguments qui sont mis en avant lors
de la mise en place de projets agricoles urbains par les politiques et acteurs principaux mais il
ne s'agit que de volontes ecologiques, très souvent associees aux milieux hippies et
marginaux et qui presentent l'agriculture urbaine comme un passe temps recreatif pour
illumines. La realite est pourtant toute autre.
Bien loin des aprioris collectifs, il existe une vision economique rentable de la mise en place
de l'agriculture urbaine à travers les systèmes de productions et toutes les fonctionnalites qui
interagissent avec le système urbain. Celle-ci sera developpee et decryptee plus en details
dans la troisième partie qui à pour vocation de confronter l'agriculture urbaine à la realite.
4 Richard Burdick, The Biology of lawns. , Discover, Juillet 2003
38
Enfin, il existe des avantages socio-culturels aux potentiels sous-estimes quand à
l'integration de l'agriculture dans les villes. Ces avantages resident en partie dans les
interactions entre les differents acteurs mobilises mais egalement et surtout dans les
ressentis personnels directs des habitants. En effet, les forces agri-urbaines resident dans la
modification des rapports entre les hommes entre eux mais aussi avec leur milieu.
De cette manière, les attentes des habitants en matière de cadre de vie participent à la
production d'un «milieu urbain». L'agriculture peut alors naturellement être consideree
comme un element d'elaboration de ce milieu de par son influence sur la configuration des
formes urbaines et periurbaines.
C'est ce que l'on appelle le concept d'agro-urbanisme, qui est le processus d'integration des
espaces agricoles dans la strategie territoriale, visant à rendre compatible l'extension des
villes en integrant la question agricole dans toute sa complexite.
Cette resilience agricole urbaine à la capacite de modeler une amelioration notoire et visible
de la qualite de vie des habitants et de leur prise de conscience de l'importance de la
protection de leur milieu de vie. « Food growing projects can act as a focus for the community
to come together, generate a sens of «can-do», and also help create a sens of local
distinctiveness, a sens that each particular place, however ordinary, is unique and has
value.5»
«Les projets à visee nourricière peuvent agir au sein de la communaute comme une
motivation pour se reunir, en generant une sorte d'esprit «on peut le faire», mais aussi en
aidant à creer un caractère local distinct, une conscience que chaque espace particulier,
pourtant ordinaire, est unique et a de la valeur.»
Il en decoule une nouvelle facon de s'approprier l'espace public, mais aussi la ville, son
quartier ou même son jardin. Cela favorise la culture locale, tout en revendiquant une
dimension sociale et politique de la notion d'habiter à travers ces initiatives locales et
territoriales.
En effet, à une echelle immediate, ces initiatives permettent la transformation des espaces
concernes. La qualification hygieniste et fonctionnelle des espaces dans les villes via
l'agriculture permet la restauration du lien au vivant. Lentement, l'agriculture urbaine se
reapproprie des espaces dans la ville, terrains non constructibles, friches, terrain inondes,
proteges, etc.
5 Tara Garnett, Growing food in Cities , National Food Alliance, 1996
39
Elle est aujourd'hui majoritairement interstitielle, mais elle permet de structurer le tissu
urbain et donne naissance à de nouvelles formes urbaines. Par exemple les jardins familiaux
ou partages qui changent la cadre de vie à l'echelle de l'habitant et d'un quartier et qui
participent à la construction du paysage de l'individu.
L'habitant noue des rapports avec son milieu en se l'appropriant, en le cultivant, et en retour
ce milieu participe au bien être de l'habitant. Ainsi, «pour le docteur Schreber, le jardinage et
l'exercice physique qui lui est associe etaient une voie vers la sante physique et mentale de
l'individu, et, par extension, vers une societe plus saine.6»
Par ailleurs, d'après certaines etudes menee par T.Spence en 1999 à l'universite de Floride,
l'entretiens d'un potager permet sur une base regulière d'accomplir les exercices physiques
quotidiens necessaires à la diminution des problèmes d'obesite et des risques d'accidents
cardio-vasculaires. De plus, toujours selon la même etude, il ressort que le simple fait de
marcher autour d'un jardin botanique reduit les niveaux de stress d'un individu. Les avantages
sur la sante mentale et physique sont tels que certains hôpitaux ont decider d'installer en leur
sein des jardins potager, assurant l'apport en fruits et legume necessaire aux fonctionnement
de l'hôpital mais aussi et surtout offrant une activite saine aux patients en convalescence.
Cueillette au CHU d'Angers, France , source : Incredible Edible
Au delà du simple bien être corporel des individus à proximite, l'integration de
l'agriculture urbaine au sein d'un quartier permet egalement de lutter contre la criminalite et
l'insecurite. En effet, souvent situes dans les espaces urbains avec des taux de criminalite
6 Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, citation p.48
40
forts, les jardins communautaires ont ete très actifs dans la rehabilitation de quartiers entiers.
Etant presque toujours occupes par quelqu'un, les espaces auparavant laisses vacants et
disponibles aux trafiques en tout genres ( drogues, prostitution, vols... ), sont devenus des
espaces de rencontres et d'echanges.
C'est de cette manière que le quartier Hell's Kitchen à New York, autrefois reconnu
comme un des quartiers le plus mal fame de la ville, est devenu aujourd'hui l'un des endroits
le plus huppe de la ville. C'est la mise en place du Clinton Community Garden qui à permis en
grande partie de stopper les trafics de drogue.
Autre exemple de l'autre cote du pays rapporte par Richard Reynolds : «Dans le quartier de
South Central à Los Angeles, un magnifique jardin communautaire biologique de 4,5ha dont
prenaient soin depuis 15 ans la communaute afro-americaine et hispanique. Cet ancien
terrain vague etait devenu un havre de paix prospère pour les plantes meso-americaine et 500
arbres et nourrissant au moins 350 personnes. Le jardin avait ete cree avec les autorites
municipales à la suite du passage à tabac de Rodney King par deux policiers ( emeutes en
1992 après leur acquittement ) et avait beaucoup contribue à ameliorer les conditions de vie et
le moral dans le district.7»
La production agricole fournit egalement un excellent moyen de combattre les
discriminations existantes envers des groupes de personnes, comme les minorites ethniques,
les personnes âgees, mais aussi les femmes, à travers une activite productive et sociale.
Parfois, les jardins communautaires donnent même à observer l'expression d'une identite
ethnique locale presente à travers la nature des cultures.
C'est par exemple le cas au Royaume-Uni à Birmingham au sein du Ashram Acres Community
Garden, ou la forte concentration d'immigres asiatiques est traduite par le type de produits
cultives.
7 Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, Citation p.68
41
Photo by Lilly O'neill
Afin de resumer globalement les enjeux de l'agriculture urbaine, il s'agira de
comprendre que ceux-ci sont en faveur à la fois de l'individu et de son milieu.
S'ils sont d'ordre sociaux et alimentaires principalement d'après ses defenseurs, ils peuvent
egalement devenir economiques.
D'après les enjeux principaux developpes precedemment, il semble etrange que cette
pratique ne soit pour le moment que peu exploitee. La raison est simple, l'agriculture urbaine
se heurte à de nombreuses contraintes et limites. La principale etant son coût de mise en
oeuvre et sa dependance du foncier. L'agriculture urbaine est aujourd'hui prisonnière de la
ville, elle n'occupe pour le moment que les espaces laisses pour friche mais qui demeurent
disponibles selon le bon vouloir de la ville. La domination urbaine est donc totale. La
principale concurrence entre la ville et l'agriculture reside dans l'occupation des sols et de
leurs usages.
Pourtant, si l'agriculture urbaine a beaucoup à offrir sur les plans sociaux et alimentaires, elle
peut egalement offrir beaucoup à la ville elle même, en commencant par la reconcilier avec
l'agriculture. En effet, aujourd'hui, il existe un fort clivage entre les modes de vie des citadins
et des ruraux. Il en decoule egalement une forte meconnaissance reciproque et donc
beaucoup d'aprioris ne facilitant pas le dialogue et les echanges. Considerer comme un
42
metier dur aux remunerations ingrates, l'agriculture n'attire pas les jeunes generations
citadines qui voient le metier d'agriculteur comme socialement peu valorisant. L'agriculture
urbaine permettrait de depasser ces prejuges en montrant directement aux citadins les
aspects du metier et surtout permettrait de concilier vie professionnelle et vie personnelle
sans avoir à quitter la ville pour la campagne. La ville pourrait alors devenir pour les
agriculteurs à la fois espace de vie et espace de travail.
Ainsi, les espaces agricoles urbains beneficieraient d'un statut particulier, de nature hybride
entre espace prive et espace public. Il reviendrait aux citadins d'en questionner les usages,
cheminements, promenades, ouvertures, clôtures... La construction d'un lieu de vie partage
de jardinage permet de faire evoluer la conception et les methodes existantes de gestion des
espaces. Cela permet au niveau des individus la mise en place d'un echange des savoirs, des
pratiques, mais aussi des semences et des recoltes. Ces espaces partages deviennent alors
communs.
De plus, la nature aujourd'hui spontanee et isolee de ces initiatives locales permettent une
forte pluralite des experiences proposees. En effet, l'agriculture urbaine peut être aujourd'hui
d'une multitude de formes, recreative, dediee à la vente, liee à de la reinsertion, educative,
nourricière, etc... Il en ressort une forte importance des fonctions non marchandes au sein
des rapports qui y règnent. C'est cela qui pose problème aux amenageurs, dans le sens où ce
type d'agriculture, bien que très positive sur son bilan social, ne leur rapporte pas d'argent
directement.
Heureusement, ces nouvelles fonctions urbaines sont aujourd'hui de plus en plus portees par
les elus car elles correspondent à une attente des electeurs. Les perspectives politiques sont
multiples et les principaux acteurs mettent en avant les notions de reduction de la pollution
des eaux, des terres, de l'air, la protection de la biodiversite, l'amelioration de la sante, du
bien être, de la cohesion sociale et du developpement economique. Certain parlent même
d'evolution des marches agricoles, ou même de quêtes de nouveaux espaces identitaires de
convivialite et du renouvellement du lien social en ville. Axant leurs discours sur la production
alimentaire et sur l'environnement, il n'existe pourtant pas de legislation concernant la
protection des espaces agricoles. En effet, la vocation legislative actuelle est de bâtir la ville à
tout prix.
En France, c'est à travers le PLU et le SCOT qui definissent les règles de l'urbanisation mais qui
43
ne definissent en rien l'usage du foncier et encore moins la protection des espaces agricoles.
Les applications de l'agriculture urbaine et la protection du territoire agricole dependent
aujourd'hui en grande partie des volontes politiques locales. Seuls le Canada et la Suisse ont à
ce jour adopte de reelles lois visant à la protection de l'agriculture periurbaine.
C'est bien la l'une des limites actuelles. La dynamique des forces agricoles au sein de
l'espace urbain depend entièrement de la tension mise en place par trois entites agissant
avec des logiques differentes : les institutions de la ville, la profession agricole et les
habitants.
L'agriculture urbaine offre donc un large eventail d'avantages, qu'ils soient sociaux,
environnementaux ou economiques. Ils constituent tous une volonte d'ameliorer la ville et le
cadre de vie des habitants. Malgre cela, elle semble toujours associee à une vision utopique,
et peine à gagner en credibilite aux yeux du plus grand nombre.
Ces avantages sont pourtant bien reels et maintes fois demontres par le biais de differents
projets dans le monde.
Toutefois, l'agriculture urbaine ne possède pas que des avantages,et beaucoup lui
trouvent de nombreuses contraintes et limites.
En effet, si elle est parfois presentee comme une solution aux problèmes de chômage dans
les villes, il ne faut pas oublier que le milieu agricole souffre d'un desinterêt fort des jeunes
populations qui rend le recrutement de main d'oeuvre difficile. La penibilite du travail, le peu
de valorisation accordee et les remunerations plutôt faibles decouragent les personnes
pourtant interessees par le domaine.
De plus, certains scientifiques s'interrogent sur les risques de contamination de la production
lies à la culture dans une ville. Ces risques sont pour le moment peu etudies et les resultats
des etudes se contredisent. Il est mis en avant d'eventuelles contaminations par le sol à
travers des terres polluees en metaux lourds, mais aussi par le depôts de particules volatiles
comme les gaz d'echappement et autres emissions polluantes. La sensibilite des cultures
liees à la proximite des routes devrait donner lieu à des legislations precises et contrôlees; les
distances de securite sont aujourd'hui arbitraires et aleatoires.
Les quelques etudes realisees en France montrent que les particules polluantes ( types
44
metaux lourds ) ne sont pas presentes dans les recoltes et que les taux de pollution des
denrees alimentaires sont identiques aux taux constates sur les recoltes de l'agriculture
classique et en dessous des normes d'hygiène europeennes exigees8.
Pour sa defense, il est prouve que l'agriculture urbaine participe activement à reduire le CO2
dans les villes.
Des risques sanitaires sont egalement mis en avant. La contamination des cultures par des
organismes pathogènes ( bacteries, virus, etc. ) engendree par l'irrigation avec des eaux
issues de sources polluees ou par des eaux usees ou bien encore par des dechets organiques
solides insuffisamment traites ( compost mal conditionne ) constitue un fort risque de
transfert de maladies humaines par des agents pathogènes attires par les activites agricoles
( ex: la bacterie E coli, la grippe aviaire... ).
Ces contaminations des cultures pourraient egalement avoir des origines criminelles, car une
ville autosuffisante dependrait entièrement de son système de production interne, une
attaque terroriste bacteriologique pourrait donc être redoutee.
En dehors des contaminations possibles, l'integration urbaine de l'agriculture se heurte
au prix du foncier et à la surface disponible.
Ainsi, beaucoup avancent que seules les fermes verticales pourraient avoir un reel sens
economique dans les grandes metropoles du Nord. Cependant, malgre des rendements
estimes six fois plus eleves9 qu'en culture classique grâce au contrôle permanent des
paramètres nutritifs et climatiques, la rentabilite de ces bâtiments semble loin d'être assuree.
Qui plus est, les avantages environnementaux de ces bâtiments sont aujourd'hui très
controverses.
L'energie grise consommee lors de la construction de ces tours est considerable, le bilan
carbone de l'agriculture verticale est egalement plus lourd que celui d'une culture classique
due à l'entretien des locaux et son maintien en service. Il faut egalement recourir à un
eclairage artificiel. Une des solutions reside dans le mode d'approvisionnement en energie qui
devrait être renouvelable et dans l'evolution technique des performances des eclairages
8 States of Knowledge on the dispersion of road trafic contaminants on farmlands at the edge of the roads. 9 Michael J. , Vertical urban farms are here, Coren, 2012
45
horticoles qui sont aujourd'hui très energivores. Par ailleurs, la pollution lumineuse de ces
edifices la nuit pourrait rendre son insertion paysagère d'autant plus difficile vis à vis des
habitants, dejà en mal avec l'idee de consommer des denrees alimentaires produites dans
des tours.
Enfin, il reside un problème d'ordre moral quand à l'accessibilite financière à ce type
d'agriculture. En effet, si elle peuvent rapporter sur le long terme, l'investissement de depart
est considerable et seules de très grosses entreprises pourraient se le permettre, leur offrant
ainsi le monopole de la production alimentaire, faisant peu à peu disparaître les petites
structures agricoles.
Au delà des entreprises privees, le coût de l'integration d'une agriculture urbaine
productive et viable dans les metropoles representerait des depenses titanesques pour les
gouvernements, et seules quelques regions du monde auraient les moyens de mettre en
place de telles politiques.
L'Union Europeenne, les Etats-Unis ou encore le Bresil pourraient par exemple à grand frais
rendre leurs villes autosuffisantes, mais une telle demarche serait suicidaire pour le reste du
monde, dependant completement de l'importation des denrees alimentaires.
De plus, l'agriculture urbaine contemporaine au sens large ne semble pas reellement
applicable dans les pays en voie de developpement puisque celle-ci y est dejà pratiquee en
grande partie et qu'elle ne solutionne pas pour l'instant les problèmes de mal nutrition.
Dans une vision qui depasse les avantages et les inconvenients de l'agriculture
urbaine, la vocation des territoires urbains et agricoles à se melanger nous amènera
obligatoirement à explorer l'agriculture urbaine plus profondement et donc à penser en detail
la co-construction d'un nouveau territoire hybride.
Celui-ci sera plus riche de par la pluralite des formes de l'agriculture urbaine. Jardins
individuels, familiaux, partages, grandes exploitations à objectifs economiques ou
pedagogiques, de loisirs, d'autonomie ou de securite alimentaire, de production
commerciales, de preservation du foncier face à l'artificialisation des terres, de resilience
urbaine, integration sociale...
46
Toutes ces formes aux visees differentes participeront à enrichir l'experience urbaine et le
cadre de vie des citadins. Ces differentes formes agri-urbaines constituent tout autant de
types d'occupation de l'espace urbain et de ses interstices en sein de la ville dense ou de sa
peripherie.
Champ d'action de l'agriculture urbaine.
47
2.2 Les différentes méthodes.
Avant d'explorer les differentes methodes de production, il convient de comprendre en
quoi consiste l'agriculture elle même. Il s'agit litteralement de la maitrise d'un cycle vegetal
ou animal dans son ensemble. Ainsi, le jardinier amateur est en soit considere comme un
agriculteur et il contribue au même titre à cette fonction de production. Ceci etant dit, si le
processus est semblable, c'est dans les objectifs recherches que resident les differences.
Il faut donc differencier l'agriculteur professionnel aux objectifs economiques d'entreprises et
les agriculteurs non professionnels et citadins dont les objectifs sont divers ( fonctionnalite
paysagère, recreative, sociale ou alimentaire ).
Il en ressort trois principales categories d'agriculture urbaine.
La première est orientee vers la fourniture des marches locaux et regionaux en matière
première agricole. Elle tend à tirer partie de la proximite avec les aires urbaines pour multiplier
les opportunites de vente mais doit cohabiter avec des contraintes specifiques
( fractionnement des infrastructures, pressions foncières, contrôles sanitaires plus forts,
nuisances à contrôler... ). Cela lui confère une competitivite difficile car le coût de production
est plus eleve. De fait, ces types d'exploitation se sont axes sur la promotion de la qualite du
produit et de l'eco-responsabilite. Ces exploitations ont egalement mis en place des services
de cueillette en ouvrant leur structures directement aux consommateurs qui peuvent alors
parfois selectionner directement sur la plante leur recolte et donc reduire le prix des denrees.
Il en resulte des attentes paysagères plus specifiques, accès sur l'image idyllique des fermes
rurales pour en faciliter la communication exterieure.
D'un autre cote, mais toujours avec une visee economique, on retrouve la categorie
des structures organisees en circuit court de commercialisation. Souvent limite à un seul
intermediaire, la distribution de la production est assuree par la vente directe grâce à une
revendication de proximite. Aujourd'hui, on constate un interêt croissant des citadins pour
cette forme de commercialisation des productions agricoles. Ainsi, l'agriculteur devient en
quelque sorte un mediateur vis à vis des citadins, et redonne ainsi une confiance alimentaire
qui avait ete mise à mal lors des crises recentes ( vache folle, OGM, grippe aviaire... ).
48
Les agriculteurs peuvent ainsi mieux prendre en compte les attentes des citadins ( attentes
ecologiques et paysagères majoritairement mais aussi des attentes en terme de qualite et de
choix du produit ). Finie la monoculture intensive ! Cette categorie d'agriculture urbaine
constitue un très puissant vecteur de rapprochement entre ville et campagne.
De plus, celle-ci agit sur une dynamique locale et reduit parallèlement les emissions
polluantes ( GES due aux transports notamment ) tout en facilitant les contrôles sanitaires.
Cette methode peut donc être consideree comme le coeur et le pivot central de l'agriculture
urbaine.
Enfin, la troisième categorie est celle pratiquee sans objectifs professionnels. Ce sont tous les
espaces jardines, jardins, balcons, terrasses, jardin partages, familiaux ou botaniques. Ils
constituent tous une appropriation personnelle de l'espace urbain et de ses friches. Il en
ressort très souvent une identite locale forte. Certains groupes utilisent ce langage avec des
visees politiques comme le mouvement de Guerilla Jardinière qui invite les gens à cultiver les
espaces publics.
49
Que leurs gestions soient personnelles ou associatives, les raisons sociales sont en general
dominantes. Les objectifs recherches peuvent cependant demeurer differents : completer son
alimentation avec des produits frais, preoccupations environnementales, revendication d'un
cadre de vie, de loisir, de detente, d'education... Ces activites semblent de moins en moins
vivrières dans les metropoles des pays developpes.
Au contraire, il s'agit en quelque sorte de retrouver dans les villes ce que l'on trouve de
meilleurs dans les campagnes d'après un imaginaire utopique.
Soumis à une demande de plus en plus fort de la part des citadins, les gestionnaires
de jardins familiaux et partages sont contraints d'emettre de longues listes d'attentes avant
de pouvoir accorder une parcelle. Cette demande semble être en croissance permanente et
de plus en plus d'espaces urbains y sont devoues, parfois avec des visees educatives ou
même de reinsertion ( crèches, ecoles, hôpitaux, prisons... ) comme c'est le cas à Villeneuve-
les-Maguelone où l'association des Restos du Coeur ont mis en place un Jardin du Coeur
exploite par des personnes en reinsertion sociale pour alimenter leur besoin en fruits et
legumes.
Jardin du Coeur – Photo Restos Du coeur.
Ces initiatives locales montrent et prouvent l'interêt des habitants vis à vis de leur cadre de
vie urbain et questionnent les politiques d'amenagement des espaces publics actuels.
50
Ces trois categories d'agriculture urbaine s'accompagnent egalement de nouvelles
methodes de production. En effet, celles-ci doivent s'adapter au milieu qu'elles occupent,
l'aire urbaine. Car s'il est certain que la plus grande problematique de l'agriculture urbaine est
de lui trouver une place dans les villes, il s'agit egalement d'augmenter la production afin de
satisfaire la demande croissante et de rendre ces nouvelles formes de production
economiquement viables.
Comme le souligne Frederic Lemaître dans son livre, «Pour augmenter la production, il
n'y a que deux solutions : augmenter le rendement, ou accroitre les superficies cultivees.9» Or
il devient difficile d'accroitre les superficies cultivees dans un milieu où chaque mètre carre
de terre se negocie à prix d'or pour y developper de nouvelles zones habitees.
C'est donc à travers l'augmentation des rendements et l'occupation des espaces non utilises
de la ville que l'agriculture urbaine doit se developper. Pour cela, de nouveaux modes de
production ont vus le jour, s'associant aux nouvelles technologies et à des solutions
architecturales innovantes.
Afin d'elargir le regard porte sur l'agriculture urbaine et d'en identifier les vecteurs de
developpement, il semble essentiel d'effectuer une analyse des formes et methodes
developpees dans les differentes regions du monde. Il s'agit ici de presenter quelques
exemples d'interêts sans pour autant viser l'exhaustivite.
Situe dans un contexte à la croisee des echelles urbaines et architecturales,
l'agriculture urbaine se developpe aussi bien à l'echelle de l'individu et donc integree au projet
architectural qu'à l'echelle de la ville ainsi associee au projet urbain. Son integration ne se fait
pas uniquement via des solutions techniques mais exige egalement la mise en place de tout
un processus de production, de transformation et de commercialisation de la production. La
mise en place de ce système depend des methodes employees, et les solutions apportees
semblent egalement specifiques aux projets associes.
Avant de parler architecture et urbanisme, il semble important d'identifier les methodes de
production aujourd'hui utilisees en agriculture urbaine. Celles-ci reposent principalement sur
six strategies : la culture sur les toits, la separation des substrats et du sol existant, les
9 Frederic Lemaître, Demain la Faim ! , Grasset, 2009, citation p.52
51
cultures hydroponiques, l'elevage animal hors sol, les cultures aquaponiques et la valorisation
des dechets.
Ces methodes peuvent être utilisees seules ou être associees entre elles pour un rendement
plus grand.
La culture sur les toits permet de contourner la problematique du foncier, mais elle necessite
differentes conditions et elle n'est donc pas toujours facile à mettre en place.
En effet, la toiture qui l'accueille doit posseder une bonne isolation, recouverte d'une
membrane etanche enduite d'un repulsif à racines. Ensuite, cela necessite la pose d'une
couche drainante et enfin d'un substrat nutritif pour les plantes. Parfois, pour des raisons
economiques principalement, la culture en toiture peut se faire dans de grands bacs,
technique souvent privilegiee lorsque la culture en toiture intervient sur un bâtiment dejà
existant et non sur un nouveau projet.
Source : Liaison Vegetale
Cette technique de culture semble aujourd'hui l'une des techniques privilegiee en agriculture
urbaine car ces avantages sont multiples. Ces toitures vertes en zones urbaines permettent
de limiter les pics de temperature en cas de fortes chaleurs 10 et participent à l'amelioration de
10 Dianne Draper, 2008
52
la qualite de l'air urbain en consommant le CO2 atmospherique. Son atout majeur est que
n'utilisant pas de surface au sol, elle n'entre pas en concurrence avec le developpement
urbain. Ces toitures offrent aux bâtiments equipes de meilleures performances thermiques et
permettent donc une economie d'energie. C'est par ailleurs grâce à ce dernier point qu'une loi
a ete adoptee au Japon qui stipule que tous les nouveaux bâtiments dont la surface de toiture
excède 1000m2 doivent être «verts»11. Cette loi constitue en elle même un levier puissant de
developpement de l'agriculture urbaine, même si celle-ci ne stipule pas que la toiture
vegetalisee se doit d'être cultivee ou non.
Culture en bacs sur les toits d'AgroParis Tech. Source AgroParis Tech
Afin de rendre encore plus performant ce système, les ressources naturelles et les
ressources de la ville peuvent aussi être integrees au processus. En effet, l'utilisation de
compost pur en guise de substrat permet de recycler les dechets urbains locaux. De plus ce
type de compost est leger et très riche en elements nutritifs.
11 Tokyo keep it cool with roog gardens, 2001
53
Le système d'irrigation est egalement une partie importante de la culture sur les toits. Dans
un souci de developpement durable et de reduction des frais, c'est souvent la recuperation
des eaux de pluies qui est privilegiee.
Ainsi dependant du climat, ce sont souvent des plantes resistantes et peu gourmandes en
eau qui y sont cultivees. Celles-ci doivent être le plus compactes possible afin d'augmenter le
rendement au mètre carre. Une dynamique temporelle est donc mise en place et l'on retrouve
des toitures evoluant au fil des saisons avec des strategies d'hiver et d'ete differentes.
Dependant du climat local, ces toitures offrent aussi à la ville une identite qui leur est propre.
La culture en toiture possède en revanche quelques limites. Son coût d'integration au
projet architectural revient environ à 28,7 euro de plus qu'une toiture classique par mètre
carre12 et la maintenance revient egalement plus chère. La mise en place de ces toitures
vertes est parfois favorisee par des aides gouvernementales dans certains pays. C'est par
exemple le cas en Allemagne, où l'industrie liee aux toitures vegetalisees a subit une
croissance de près de 15% entre 2000 et 2010 grâce aux aides gouvernementales.
Malgre ces contraintes, la vente des recoltes ou son utilisation en circuit court accompagnee
de l'economie d'energie liee à la thermique du bâtiment permet de rentabiliser
l'investissement sur le long terme.
Cette methode est souvent pratiquee avec des objectifs sociaux mais l'est egalement parfois
avec une visee economique. C'est par exemple le cas de la ferme urbaine Brooklyn Grange qui
se situe à New York aux Etats-Unis. Cette ferme cultive toute l'annee des produits biologiques
de qualite qui sont revendus au sein même de l'etablissement et en circuit court aux services
de restauration locales.
Credit Photo : Brooklyn Grange
12Johnstone S. , Estimated incremental cost to install grassed roof. ,Peterborough, Trent University Physical ressources , 2001
54
La toiture a ete amenagee et equipee en substrat de manière à la rendre similaire à un
potager classique en pleine terre.
Credit Photo : Brooklyn Grange
Cette ferme urbaine fonctionne grâce à la production de legumes et fruits frais mais
egalement à celle de miel et de champignons.
Schema de fonctionnement de Brooklyn Grange13
13 sources: Brooklyn Grange, Green Roofs and Roof Farms. http://www.brooklyngrangefarm.com/designinstall (Jan 2014)
55
Alternative à la culture sur les toits, la culture sur le sol existant est egalement très
pratiquee dans les villes. Prenant places dans les interstices et friches urbaines, celle-ci est
rarement mise en competition avec la crise du foncier puisque profitant des espaces restes
libres après l'artificialisation des sols.
Les sols souvent pollues par les metaux lourds et autres agents pathogènes, des techniques
de séparation du substrat ont vu le jour afin d'eviter toutes ces eventuelles contaminations.
Il s'agit avec cette methode de la mise en place d'un nouveau sol artificiel par dessus un sol
naturel eventuellement pollue. Cela peut se faire par la mise en place de bacs ou pots, de
dalles en beton, de sacs, ou encore d'une couche d'argile comme cela à ete fait par Ken Dunn
à Chicago pour le projet CityFarm.
Ken Dunn dans son Jardin Partage à Chicago, credit 31 century Museum Chicago
Mise en place du substrat par dessus le lit d'argile et de paille. Source: Plant Chicago NFP, n.d. Web. 25 Apr. 2013.
56
Lorsque l'on parle d'agriculture urbaine, il est important de souligner que celle-ci
concerne egalement l'elevage animal. Cependant, celui-ci ne peut pas vraiment être de
même nature que celui existant à la campagne.
La particularite des elevages est qu'ils degagent de nombreuses nuisances, sonores,
olfactives, sanitaires...
En ville, une des solutions trouvees fut l'élevage hors-sol. C'est l'idee d'une integration de
l'elevage aux fermes urbaines afin de coupler la production des vegetaux necessaires à
l'alimentation des animaux, la production animale, et la transformation des produits.
De nature très productive, ces elevages privilegient les porcs et la volaille qui sont de tailles
reduites et qui ont besoin de moins d'espace pour se developper.
Cette logique de concentration de la production et cette logique de proximite entre
production, transformation, vente et consommation est actuellement en totale opposition
avec ce qu'il se fait dans l'elevage classique, où la production y est majoritairement destinee
à l'exportation internationale.
Depuis le debut du siècle, la viande de porc est celle qui est la plus consommee dans le
monde. Plus de 80 milliards de kilogrammes par an etaient alors consommes en l'an 2000.
C'est dans ce contexte que l'agence d'architecture MVRDV eu l'idee d'imaginer PIGCITY,
veritable superstructure destinee à l'elevage hors-sols de porc dans le respect de
l'environnement.
Vue Perspective de PIG CITY – Credit Agence MVRDV
57
Si l'idee est seduisante sur le papier pour les investisseurs, c'est du cote des
consommateurs que l'idee semble difficile à accepter. L'ensemble des citadins n'etant pas
forcement pour la mise en place de telles tours odorantes dans leur paysage immediat.
De plus, il existe aujourd'hui un veritable frein legislatif à ce genre de pratiques dans de
nombreux pays. Si l'elevage de volaille est aujourd'hui autorise en ville et accepte de tous en
Asie ou au Royaume-Uni par exemple il est encore interdit dans de nombreuses villes
americaines ( Toronto, Boston... ) à cause des nuisances engendrees.
À l'oppose, Singapour favorise fortement le developpement de ce type d'elevage du fait de sa
configuration geographique et de sa croissance urbaine très rapide. Ce petit pays souhaitait
conserver sa souverainete alimentaire malgre ses enormes problèmes fonciers. Grâce à sa
politique favorable, le pays est aujourd'hui autosuffisant en porc et se permet même
d'exporter son surplus de production en volailles et oeufs dont l'origine est totalement issue
de l'elevage hors sol.
Fermes d'elevage hors-sol à Singapour – photo IeatIshoopIpost
L'avantage de cette technique reside dans la superposition des espaces d'elevage et dans la
facilite d'entretien et de maintenance accrue. De plus, ces dispositifs permettent de securiser
les elevages vis à vis des nuisibles et predateurs.
Ces trois methodes agricoles urbaines ont pour point commun l'exploitation de la
valorisation des déchets urbains. Ces dechets sont une source d'engrais necessaires à la
production agricole et ce recyclage possède des vertus à la fois economiques et
environnementales.
58
Car la ville ne produit pas que des dechets organiques secs tels que ceux necessaires à la
production de compost. En effet, les eaux usees peuvent egalement être utilisees après
traitement pour l'irrigation et les boues de stations d'epuration utilisees pour l'epandage14.
La fabrication de compost quant à elle depend de la qualite du tri effectue par les
citadins, et peut dans d'autres cas être valorisee à travers la production d'energie. La
decomposition des particules organiques entrainant une production de gaz pouvant servir de
combustible et donc potentiellement transformable en electricite. C'est par exemple le choix
fait par la ville de Montpellier en France qui en 2008 inaugure l'unite de methanisation
Ametyst capable de traiter 200 000 tonnes de dechets urbains.
D'après le journal de Montpellier Mediterranee Metropole : «Le biogaz ainsi produit est valorise
par des moteurs qui produiront 2 energies complementaires: 30 000 Megawatts d'electricite
vendus à EDF, soit l'equivalent de la consommation annuelle de 25 000 habitants et 20 000
Megawatts de chaleur recuperee sur les moteurs, utilisee en partie pour les besoins de l'unite.
Les produits issus des digesteurs (digestats des OMR, biodechets et stabilisats) sont stockes
pendant 4 à 5 semaines dans le hall de maturation, puis affines pour produire : 24 000 tonnes
de compost d'ordures menagères residuelles et 4 000 de compost de biodechets.15».
Usine Ametyst Montpellier. Photo MidiLibre
Alors que ces methodes d'agriculture urbaine semblent plutôt simples, il existe
14 Definition Larousse : Action d'epandre avec regularite des engrais, des amendements ou des pesticides.15 http://www.montpellier-agglo.com/equipement/unite-de-methanisation-ametyst
59
d'autres methodes faisant appel aux nouvelles technologies. Il s'agit des cultures
hydroponiques et aquaponiques.
Les cultures hydroponiques sont des cultures ou les plantes ne sont en contact qu'avec de
l'eau riche en nutriments et completements hors-sol.
Ces cultures sont caracterisees par un mouvement continu de l'eau afin d'assurer le
renouvellement des nutriments et pour eviter la formation d'algues et de moisissures.
Ce type de culture est beaucoup plus efficace du point de vue des rendements que les
cultures dites classiques. Elle permet par exemple une production entre dix et vingt fois
superieure à celles obtenues par les cultures irriguees de plein air16, lorsque celle-ci est
pratiquee sous serres.
De plus, cette forme de culture est peu gourmande en eau et plus sure d'un point de vue
sanitaire car plus facilement contrôlable. Cette economie en eau s'accompagne egalement
d'une economie en engrais et pesticides, qui sont repartis plus efficacement.
Il existe differents types de cultures hydroponiques reparties selon trois grands systèmes :
– la culture en radeaux
– la culture sur films nutritifs
– la culture dite Hollandaise ( en pots )
La culture en radeaux, aussi appele table à maree, permet de «nourrir» les plantes par
intermittence afin de respecter leurs cycles. Chaque arrosage est appele maree. Quand la
table est pleine, et le substrat ( souvent de la laine de roche ou des billes d'argile )
suffisamment irrigue, la pompe s'arrête et la solution s'ecoule par les systèmes de drainage.
Schema Table à Maree. Source Hiboox
16 Benjamin Linsley, etude du Bright Farm System, New York
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Cultures en radeaux. Photo : Hydroponics Culture
La culture sur film nutritif, plus communement appele culture NFT ( Nutrients Film
Technic ) est aujourd'hui l'une des plus utilisee. Le milieu nutritif circule en permanence sur
une fine epaisseur sous les racines. L'oxygenation est donc accrue par le mouvement. Cette
solution nutritive est envoyee dans des rigoles par une pompe situee dans un reservoir. Le
ruissellement se fait de manière naturelle grâce à l'inclinaison legère des gouttières et la
solution nutritive circule en circuit ferme.
Schema Système NFC. Source : hydroponie.fr
Ce système de culture hydroponique est surtout utilise en Europe pour la culture de tomates
et de laitues. La solution nutritive doit être en permanence reajustee mais les evolutions
technologiques ont permis d'automatiser le procede.
61
Système NFC. Photo : Syndicat Agricole.
Enfin, le système de culture hydroponique en pot, aussi appele goutte à goutte ou à
l'hollandaise, est un système qui necessite un pot et un goutteur par plante. L'arrosage se fait
par intermittence grâce à un temporisateur electronique et la solution est souvent consideree
comme perdue et donc pas reutilisee. La plante est placee dans un substrat de type laine de
roche ou fibre de coco, lui même place dans des billes d'argiles où la solution nutritive peut
s'ecouler.
Schema Culture en Pot. Source : Bougepourtaplanete.com
62
Ce système hydroponique permet de cultiver des plantes de taille moyenne comme grande et
de maitriser les paramètres nutritifs et climatiques de facon individuelle pour chaque plante.
Cultures Hydroponique en Pot avec goutteurs. Source : Futura Science
Ces trois systèmes hydroponiques souffrent d'une image souvent negative de par leur
aspect denature et laborantin. L'acceptation sociale de ce type de culture est
particulièrement difficile en Europe.
Afin de combattre se refus social, de plus en plus d'engrais biologiques sont developpes et de
nouvelles methodes hydroponiques basees sur du recyclage voient le jour.
Hydroponie et Recyclage. Photo : BushBike
En revanche, d'autres pays, dont Singapour en figure de leader, ont places le developpement
63
des cultures hydroponiques dans leur priorites.
L'un des freins à l'utilisation de cette methode est aussi le coût de ces installations à l'achat
et à l'entretien. Coût qui pourrait être reduit avec une democratisation de la methode et par le
developpement des cultures hydroponiques à usage privatif d'interieur.
Système Hydroponique Privatif. Source : Agriculteur Urbain.
Qui plus est, une etude menee par l'enseignant chercheur Gregory Chow à Singapour a
demontre qu'avec seulement 212 hectares de surface hydroponique cultivee, il est possible de
produire environ 39 000 tonnes de legumes par an. Ces legumes rapporteraient alors au prix
du marche plus de 40 millions de dollars par an de benefices17.
L'aquaponie est, quand à elle, une pratique nouvelle encore emergente bien que très
prometteuse.
Issue des technologies employees en hydroponie, l'aquaponie constitue l'hybridation de
l'aquaculture ( elevage de poissons ) et de l'agriculture. Le point fort de l'aquaponie reside
17 Gregory Chow, Ecole Polytechnique Ngee Ann, Singapour, 2010
64
dans la complementarite des deux systèmes et dans l'equilibre nutritif qui en decoule.
En effet, un système aquaponique permet de se passer de l'apport d'engrais grâce aux
dechets produits par l'elevage des poissons et de système de purification de l'eau de
l'elevage grâce à la filtration effectuee par les plantes. Il s'agit en realite d'une relation
symbiotique basique où les protagonistes sont les poissons et les plantes.
Principe de l'aquaponie. Source : aquaponie.com
Ce système agricole est pour le moment encore très peu utilise car encore meconnu.
C'est la firme americaine AquaRanch qui fait figure de reference dans le domaine depuis 1992
et qui developpe le plus cette methode. Elle produit de grandes quantites de legumes en tous
genres et elève simultanement un poisson d'eau douce destine à l'alimentation appele
Tilapia. La commercialisation de ses systèmes aquaponiques mais aussi de sa production
agricole ne se fait que via internet et la demande est aujourd'hui plus forte que leur offre, ce
qui temoigne de l'interêt croissant porte à l'aquaponie.
65
Il est possible d'elever de nombreuses espèces de poissons d'eau douce en aquaponie. La
truite en est un très bon exemple.
Ferme Aquaponique Professionnelle. Photo : the survivalist
L'aquaponie est egalement très prometteuse dans son usage personnel à domicile et de
nombreux designer travaillent dejà à la rendre à la fois efficace et belle.
Système TOUCH – Photo : PureContemporary Blog.
66
Toutes ces methodes ne constituent pas l'ensemble de ce qu'il est possible de faire
dans un contexte d'agriculture urbaine mais semblent aujourd'hui les plus utilisees et c'est
pourquoi ce sont celles-ci qui sont etudiees dans ce travail. Ces methodes peuvent être
declinees sous de nombreuses formes et appliquees à l'architecture et l'urbanisme de facon
très differentes les unes des autres. Identifier ces formes permet d'essayer de comprendre
comment integrer l'agriculture urbaine au mieux.
Synthèse des methodes de production agricoles en milieu urbain 18 :
18 Donnees issue du rapport ministeriel «La filière agricole au coeur des villes en 2030» Ministère de l'agriculture et de la pèche, France.
67
2.3 Vers une relation symbiotique durable.
Ces methodes de production interessantes d'un point de vue technique et/ou dans leur
relation avec le territoire et leur milieu permettent de mettre en reliefs les differentes
specificites liees aux diverses formes urbaines qui en decoulent. Elles aident à mettre en
place differentes thematiques pouvant agir comme tout autant de leviers potentiels de
developpement urbain.
Afin de mieux situer l'efficacite specifique de chacun, ces systèmes seront questionnes en
fonction de leur echelle globale d'application. Ainsi, les systèmes à l'echelle du bâtiment
seront differencies des systèmes applicables à l'echelle urbaine.
Les systèmes à l'échelle architecturale :
• Association de la production et de la vente dans un bâtiment.
Le principe de couplage des activites de production et de vente au sein même d'un bâtiment a
pour vocation première de regrouper les fonctions agricoles et commerciales afin de reduire
les distances au maximum.
Il s'agit d'une ferme maraîchère de production intensive. Le système de construction demeure
souvent classique mais son mode d'implantation est original : elle vient recouvrir un
supermarche. Cela permet de cette manière l'association totale du lieu de production et du
lieu de vente à l'echelle de la grande distribution.
La transformation et la commercialisation de la production se fait donc sur place.
Il en decoule une hierarchisation importante au sein du bâtiment fonctionnant sur le principe
d'une chaine de production.
La plupart du temps, la production se retrouve dans les etages superieurs du bâtiment et la
vente dans les etages inferieurs car accessibles au public.
68
Ce type de fermes urbaines existe dejà dans certaines villes americaines et jouissent d'un
succès très fort.
Fonctionnant avec les collectivites locales et la vente directe, le prix plus eleve à la vente est
justifie par la proximite et la fraicheur du produit.
Par ailleurs, certaines de ses fermes permettent au public de directement visualiser ou visiter
les espaces de production ce qui rassure le consommateur.
Sky Vegetables – Berkley – USA
Projet pilote de supermarche producteur.
Il s'agit d'une initiative à vocation commerciale avant tout. Elle se base sur l'utilisation de
l'aquaponie et l'autosuffisance energetique.
Photo : Sky Vegetables
69
Super Ferme – SOA
«Son architecture se compose de la superposition des deux programmes et de leur
mise en relation. Logiquement, le rez-de-chaussee accueille la surface commerciale et le
niveau superieur les serres agricoles qui peuvent beneficier de lumière naturelle. Il s'agit donc
de deux programmes habituellement très horizontaux qui, superposes l'un à l'autre, forment
un nouveau gabarit et un environnement interieur inedit.
Chacune des parties gagne dans son association avec l'autre. Le supermarche trouve un
eclairage naturel. L'exploitation s'emancipe des contraintes de stockage habituelles pour ne
se consacrer qu'à la production.
Le plan des deux programmes consiste à alterner des circulations qui distribuent des
rayonnages dans un cas et des sillons agricoles dans l'autre.1 »
Un des avantages de la Super Ferme est d'associer agriculture et vente sur un plan
horizontal. Cela permet dans son integration urbaine un gain de place considerable ce qui en
fait un outil très performant pour le developpement des villes à travers sa densification.
1 Description du projet par L.U.A Paris.
70
Perspectives SAO Architecture.
D'un point de vue du paysage, celle-ci ne donne que peut à offrir vis à vis du citadins. Elle
n'apporte pas plus d'espace verre en ville du fait de la culture sous serre mais offre un cadre
tout à fait nouveau à l'interieur du bâtiment lui même. En effet, le client se retrouve à faire ses
achats au milieu d'une zone de production qui peut faire penser aux serres des jardins
botaniques et cela permet de rendre l'espace plus agreable.
Perspectives SOA Architecture
71
Les avantages territoriaux de ces nouveaux supermarches sont nombreux, cependant,
ils ne semblent que très peu interessant d'un point de vue social et culturel. En effet, leur
vocation commerciale en fait des outils marketing d'un nouveau genre pour les differents
acteurs de la grande distribution et il est difficile d'en identifier les evolutions possibles en
dehors des objectifs de profits.
Qui plus est, ce modèle commercial pourrait s'averer dangereux pour les consommateurs car
il offre à la grande distribution une forte independance, lui permettant d'agir plus librement
sur la fluctuation des prix, les critères de qualite et la pluralite des cultures.
D'un autre cote, ce modèle permettrait une agriculture intensive de proximite tout à fait
justifiable dans un contexte de production alimentaire urbaine.
• Cultures vivrières et à but sociaux intégrées.
Ce modèle permet de faire face à la penurie du foncier en transferant les jardins ouvriers,
partages et familiaux directement au sein des bâtiments ou sur leurs toits.
Il s'agit donc de prevoir des toitures cultivables depuis l'origine du projet et d'adapter celui-ci
à la pratique agricole.
N'ayant pas de vocations commerciales, ces jardins peuvent s'integrer à n'importe quel type
d'architecture, bureaux, logements, espaces publics. Ils dependront en revanche un peu plus
de leur situation geographique. En effet, ils ont pour but de repondre à une dynamique locale
de quartier.
Leur mise en place depend en grande partie de la volonte des autorites locales et leur gestion
est souvent collective ou associative.
Les recoltes sont directement disponibles pour les utilisateurs et contribuent souvent à une
meilleure securite alimentaire. De plus, l'usage à vocation personnelle et familiale que ce soit
à visee recreative ou vivrière rend le recyclage plus performant. En effet, directement
impactes, les personnes concernees effectues un tri organique de meilleur qualite pour
ameliorer la qualite du compost et donc de la production agricole.
72
Parfois, les surplus de production peuvent être vendus ou offerts aux plus demunis.
La production agricole n'a ici pas de reelles valeurs en terme d'innovation et de proximite
mais sa raison d'être resulte d'une volonte politique et associative de garantir la securite
alimentaire des populations defavorisees tout en permettant l'accès à la nature au plus grand
nombre. Les objectifs sont donc ici à la fois sociaux et culturels et peuvent intervenir dans
une demarche ludique et educative.
FERME SUR LES TOITS À ROMAINVILLE – SOA
Perspective – SOA Architecture
Il s'agit d'une projet de renovation d'une ancienne cite HLM situe à Romainville en
Seine Saint Denis. Une ferme urbaine vient envelopper les bâtiments existants grâce à une
structure en portique qui vient non seulement consolider l'ensemble mais egalement agrandir
les logements.
Coupes avant et après – SOA Architecture
73
Le langage agricole est très present à travers l'image des serres mais le rythme en facade des
logements est conserve.
En lien avec la maison de l'enfance et la mediathèque, son objectif est à la fois educatif et
productif.
Plan de situation – SOA Architecture
Les trois differentes serres sont chauffees à des temperatures differentes en hiver pour
permettre la culture de legumes differents. Toutes comportent deux niveaux de culture en
hydroponie de type NFT et sont reliees entres elles par des passerelles.
74
L'integration d'une ferme urbaine à un projet de logement relève d'une relation symbiotique.
En effet, les plantations beneficient de la chaleur degagee par les logements et de leur
surface de toiture alors que les habitants des logements profitent directement des recoltes.
Projet ZAUM – Collectif Babylone - Hauts de Montreuil – France
L'idee est de developper un projet de toiture vivante. Il s'agit de mettre en place un système
de gestion des dechets locaux, une materiau-thèque ainsi qu'un laboratoire d'agriculture
urbaine participatif.
L'objectif est la creation d'un espace d'experimentation et de transformation de l'agriculture
urbaine au coeur des Hauts de Montreuil sur 1,5 hectare de surface.
75
Vue aerienne – Google
Fonctionnant sur une base participative, le projet a la vocation d'initier un nouveau
mouvement collaboratif. Centre de partage, de conception, de transformation, de production
et de distribution, le projet ZAUM a pour objectif de servir la ville et ses habitants.
76
Faisant le lien entres ressources et besoins, la valorisation des dechets locaux permet un
recyclage de qualite et utile.
Veritable espace d'apprentissage, le jardin accueillera les ecoles et familles du quartier et des
environs.
Le projet ZAUM bien qu'apportant un regard nouveau, repond toutefois à une demande locale
importante. Situee dans une zone defavorisee, l'aspect partage du jardin est important. Ici la
culture vivrière enlève toute notion economique au projet.
Repartition programmatique – Collectif Babylone
77
Basso Cambo – AP5 – Toulouse – France
Dans le cadre d'un projet urbain autour de la station de metro Basso Cambo à
Toulouse, l'agence d'architecture AP5 s'interesse à l'agriculture urbaine à vocation sociale.
S'agissant un programme alliant bureaux et logements, l'idee est de proposer un partage de
l'espace permettant une grande flexibilite comme la mutation des transports et des modes
d'habiter urbains par exemple.
Les logements et bureaux beneficient tous de vues degagees sur les espaces cultives.
Axonometrie – Schema de Fonctionnement - AP5
78
Tournee vers l'agriculture urbaine, la question de la nourriture et de sa production est integree
avec des solutions specifiques selon les typologies de bâtit ( sur les toits, jardins partages,
jardins privatifs, marches... ).
De cette manière, l'idee du logement est elargie à l'espace commun, y integrant les notions
de detente, de loisir, mais aussi de ravitaillement et d'agriculture.
Les espaces publics ne sont plus ici de simples espaces de circulation ou de stationnement
mais offrent la possibilite de recevoir de nombreuses pratiques aux temporalites variables.
Schema de fonctionnement - AP5
79
Ici, l'architecture est directement impactee par la strategie mise en place au regard de
l'espace public. Ainsi, fonctionnant sur la base d'ilots ouverts, les bâtiments sont imagines de
facon à rendre l'agriculture plus facile tout en permettant une pluralite des methodes de
culture.
• Les fermes Verticales
Dans l'imaginaire collectif, l'agriculture urbaine est très souvent associee à la notion
de ferme verticale. Et pour cause, aux aspects de science fiction, son integration dans la
densite urbaine forte, son aspiration à l'autosuffisance alimentaire de villes entières et sa
vocation economique en font un objet presque utopique.
Ces projets de grande echelle architecturale denoncent l'agriculture classique comme etant
une pratique polluante, et donc nefaste vis à vis de la nature.
Ces tours s'inscrivent dans un paysage urbain dense, sur un plan vertical et impactent
fortement le territoire à la fois immediat et lointain.
Les fermes verticales, comme la plupart des projets d'agriculture urbaine, peuvent participer
au recyclage des dechets organiques mais aussi à la reutilisation des eaux usees dites grises.
En effet, de par leur mega-structure, celles-ci peuvent integrer de reelles centrales de
transformation et valorisation des dechets.
La recuperation des eaux de pluies est egalement utilisee.
Les fermes verticales ont vocation à nourrir les habitants de la ville, et une tour doit pouvoir
80
subvenir par elle même à une aire urbaine peuplee de 50 000 personnes d'un point de vue
alimentaire, et donc être à même de produire 2200 calories alimentaires par personne et par
jour.
Ce très fort rendement est rendu possible par le fonctionnement jour et nuit des tours.
En effet, ces projets se basent sur les techniques de cultures hydroponiques et aquaponiques
associees à des eclairages artificiels permettant la culture, et ce même pendant la nuit.
La conception de ces tours tient compte du rendement potentiel maximum et les formes
architecturales qui en decoulent sont dans la plupart des cas liees aux notions
d'ensoleillement maximum et specifiques aux techniques de culture.
L'architecture se retrouve donc au service de l'agriculture.
Schema de Principe d'une Ferme Verticale.
De plus, de part leur nature, ces tours sont très gourmandes en energies et la
81
conception architecturale doit, dès l'origine du projet, en tenir compte. Les facades sont très
souvent composees d'une double peau et intègrent des systèmes de production d'energie
qu'ils soient solaires ou ventiles ( photovoltaïque, eolienne, etc. ).
Un des autres avantages des fermes verticales est que celles-ci peuvent egalement integrer
de l'elevage animal, des espaces de transformation de la production, du conditionnement
mais aussi de la vente elle même. Il s'agit au sein de ces tours de mettre en place une filière
agricole complète.
Si toutefois l'agriculture verticale semble une solution ideale, celle-ci se heurte à une
contrainte de taille, son coût.
En effet, le coût de construction et d'entretiens de telles structures est colossal et constitue
un reel frein à la realisation de ces mega-structures.
Cela pose egalement des problèmes d'ethiques. Car seules les très grandes entreprises agro-
alimentaires auraient les moyens de financer la construction de telles fermes et
beneficieraient du même coup d'un monopole sans precedents.
Une des solutions serait de rendre ces structures d'etat. L'etat financerait la construction de
celles-ci et pourrait louer les espaces à de petits agriculteurs.
Il existe egalement des risques au qui sont au delà des considerations agricoles et
sanitaires. En effet, si elles concentrent l'ensemble de la production alimentaire d'une ville,
ces tours deviendraient des cibles de choix en cas de guerres ou d'attaques terroristes. Le
moindre incident technique pourrait egalement avoir des consequences dramatiques sur
toute la population. Une simple contamination des cultures pourrait egalement infecter toute
une ville. Ainsi, ces structures devront beneficier d'une très forte protection pour garantir la
securite de la production.
Aujourd'hui, ces projets de fermes verticales semblent interesser les architectes et les
ingenieurs ainsi que les eventuels investisseurs mais n'aboutissent pour l'instant que très
peu .
Il existe cependant quelques projets test à travers le monde. C'est le cas par exemple du
projet developpe par l'agence Kono Design, qui intègre à un immeuble de bureau une ferme
verticale et un laboratoire de recherche dedie à l'agriculture urbaine.
82
Au delà de la production agricole elle même, c'est aussi pour ses valeurs
therapeutiques que l'agriculture est ici utilisee. Situee dans l'immense ville de Tokyo au
Japon, les jardins agricoles integres aux espaces de travail permettent d'offrir un cadre de
nature ressourcant aux employes de la firme Pasona.
Ils beneficient de legumes et de fruits frais toute l'annee mais egalement de la verdure et d'un
cadre apaisant pour travailler.
Photos Agence Kono Designs
83
Cela dit, les autorites politiques commencent à prendre conscience de la necessite de telles
installations dans les aires urbaines. C'est ainsi que certains projets à la fois urbains et
architecturaux sont lances avec des objectifs d'autosuffisance alimentaire.
Plantagon's Vertical Farm - Plantagon – Linkoping - Suède
Perspective - Plantagon
C'est aujourd'hui la plus grande ferme verticale en construction.
Concue sur une base universelle capable d'être integree à n'importe qu'elle ville, son insertion
urbaine s'adapte aux conditions d'eclairage naturel.
Le bâtiment se structure autour d'une rampe helicoïdale developpee sur la base de trois
facteurs d'optimisation :
– minimiser la consommation d'eau
– reduire les besoins en eclairages artificiels
– faciliter l'exploitation des cultures.
Le rez de chaussee de la tour abrite l'espace dedie au processus d'industrialisation de la
production tandis qu'une colonne de beton structurant l'edifice abrite les circulations
verticales et les services agricoles et de maintenance.
84
La facade fonctionne en double peau. Celle-ci est modulaire et permet à la fois une
insonorisation et de meilleures performances thermiques.
Detail Facade - Plantagon
85
Perspective Interieure - Plantagon
Le design de la rampe est intimement lie à la methode de culture selectionnee. En effet, la
technique de culture hydroponique en NFT necessite une pente douce, et la prise en compte
de ce paramètre dans la conception architecturale permet une optimisation du système.
La Tour Vivante – SOA – Nantes - France
Perspective – SOA Architecure
86
La Tour Vivante est une ferme verticale au programme mixte. Elle intègre à la fois des
bureaux et des logements tout en accueillant une exploitation agricole.
Ce sont ici les echanges entre lieu de production et espace de vie qui genèrent l'essence du
projet.
Les programmes s'adaptent ainsi les uns aux autres. Les logements permettent l'integration
des surfaces agricoles et l'exploitation agricole permet le recyclage des dechets locaux tout
en nourrissant les habitants.
La tour offre une surface agricole totale de 7000m2 developpe de facon lineaire et continue
sur une rampe longue de 875m.
Elle mesure 112m de haut et est constituee de 30 etages. L'opposition entre pleins et vides
permet de repondre aux exigences de confort, d'isolation thermique, acoustique,
d'ensoleillement et de vis à vis.
La structure de la tour s'organise autour d'un noyau central en beton qui reprend la totalite
des charges et des efforts, tandis que le reste de la tour est developpe avec des materiaux
legers.
Le noyau central accueille les circulations verticales mais aussi la totalite des locaux
techniques et espaces humides.
Coupe – SOA Architecure
87
L'ensemble de l'edifice est alimente en electricite par deux grandes eoliennes situees au
sommet de la tour. Elles permettent d'alimenter à la fois les espaces de vie et les espaces
agricoles.
Les echanges thermiques double flux entre les logements et les serres permettent dans un
même temps une regulation thermique plus naturelle et donc plus durable d'un point de vue
environnemental.
La Tour Vivante s'apparente de l'exterieure à une tour classique. De par sa nature, elle semble
restreinte aux zones urbaines très dense et de grande hauteur. Pourtant, le principe
architectural propose pourrait potentiellement se decliner : entrelacement, juxtaposition,
etirement, etc.
Plan de situation – SOA Architecture
88
L'usage pluriel de la tour la rend egalement plus facile à accepter du grand public,
celle-ci semble plus vivante qu'une ferme verticale classique qui a tendance à effrayer les
riverains. Son acceptation sociale semble ainsi simplifiee.
Perspective Interieure – SOA Architecture
Ce qui fait la particularite de la Tour Vivante, c'est sans doute qu'elle ne met pas en avant sa
fonction agricole. De l'exterieur, celle-ci ressemble à un immeuble normal et seules les vues
interieures beneficient du paysage agricole.
Plans de niveaux – Logements – bureaux. SOA Architecture
Les cultures developpees le long d'une seule et même rampe peuvent être separees et
cultivables par differents agriculteurs. De plus, l'accès possible à chaque niveau ainsi que la
89
mise en commun de l'eau, des locaux et de l'energie permet la mise en place d'une
cooperative.
La proximite entre les cultivateurs et les habitants serait telle que les echanges pourraient se
passer de vente directe, les habitants financant l'exploitation en payant un loyer. En retour il
pourraient recevoir des denrees alimentaires. Cela se passerait ainsi de transport,
d'intermediaire mais aussi de point de vente.
90
Tableau de Synthèse : Les Systèmes d'agriculture urbaine à l'echelle Architecturale :
Ces projets d'agriculture urbaine à l'echelle architecturale offrent une grande variete
d'avantages et d'inconvenients. Certains ont des objectifs sociaux alors que d'autres n'ont
que des objectifs economiques. Cela dit, ils constituent tous un pas en avant dans le
developpement de nos villes tout en considerant la question agricole et contribuent à
l'hybridation des territoires agricoles et urbains.
S'ils ne representent pas la totalite des systèmes architecturaux existants, ils sont, dans le
cadre de ce travail, les plus pertinents.
91
Les systèmes à l'échelle urbaine :
• Des Jardins en Ville
Ces jardins urbains peuvent être de differents types, partages, familiaux, ouvriers ou
même communautaires.
Ils repondent globalement aux besoins urbains, sociaux et alimentaires à la fois.
Ce sont des lieux pedagogiques qui permettent le maintien d'un lien social mais aussi des
espaces qui sont souvent à usages recreatifs.
Permettant une resilience de la nature dans les villes, ces jardins offrent un nouveau paysage
urbain aux citadins et temoignent de leur «besoin de nature» croissant.
S'ils sont parties integrante de la ville depuis ses origines, ces jardins aujourd'hui presque
disparus de nos metropoles ont joues un rôle vital durant la deuxième Guerre Mondiale,
demontrant alors leur efficacite en cas de crise majeure.
Très repandus aux Etats-Unis, ils sont particulièrement frequentes par les communautes
immigrantes. La plupart du temps, ces jardins resultent d'initiatives individuelles ou
collectives mais rarement officielles et d'une volonte de reconquête des espaces urbains
sous-exploites.
Si la production agricole est avant tout vivrière et recreative, elle est parfois vendue afin de
permettre aux plus demunis de survivre.
Leur mise en place et leur maintient depend beaucoup des volontes politiques locales. Ainsi,
s'ils sont parfois mis en place par les collectivites, leur statut demeure très souvent associatif
et peu de lois les encadrent.
L'interêt urbain de ces jardins est sous-estime. En effet, aujourd'hui l'interêt est porte aux
projets de parcs quand il s'agit de rendre les villes vertes, or «L'agriculture est maintenant
consideree comme une forme de gestion de l'espace au même titre que la forêt et le parc.2».
2 Pierre Donadieu, «De l'agriculture peri-urbaine à l'agriculture urbaine », Le Courrier de l'environnement de l'INRA n°31, 1997
92
Agrocité – R Urban – Colombes -France
Vue Perspective - R-Urban
Agrocite est une sous-partie d'un vaste projet urbain appele R-Urban dans la ville de
Colombes. Concu pour alimenter et soutenir les initiatives locales d'agriculture urbaine, le
projet d'Agrocite se decompose en trois parties :
– un espace dedie aux activites en relation avec l'agriculture et la nature
– un espace dedie aux activites d'agriculture urbaine civique
– un laboratoire agricole specialise dans la production agricole organique et intensive
93
Ces espaces complementaires se partagent des parcelles cultivables où sont reunis une
ferme experimentale d'agriculture urbaine, un jardin partage pour les habitants du quartier,
un jardin pedagogique, une serre partagee, des equipements de recuperation d'eau de pluie,
de production d'energie solaire et de biogaz, des cultures aquaponiques ainsi que des circuits
courts agricoles.
Le projet inclus egalement une bibliothèque de graines, un marche, un cafe associatif et un
four à pain collectif.
Repartition Programmatique - R-Urban
Les objectifs du projet sont de proposer une serie d'activites urbaines ( habitat, travail,
mobilite, agriculture urbaine ) en utilisant des terrains urbains et ruraux de manière reversible.
L'idee du projet etant de depasser les crises actuelles et futures ( climatiques, economiques,
demographiques, energetiques et alimentaires ).
La reussite du projet depend majoritairement de l'investissement des habitants du quartier,
des pratiques collaboratives et des reseaux de solidarite.
Le projet R-Urban beneficie du soutient de l'Union Europeenne grâce au programme Life+ de
gouvernance environnementale. De plus, la ville est partenaire du projet et de nombreux
94
sponsors issus du secteur prive ont permis sa realisation.
La reussite du projet a permis de faire naitre un reseau de partenaires à une plus grande
echelle incluant d'autres villes francaises mais aussi des villes en Belgique, Espagne,
Roumanie, Allemagne ainsi qu'au Royaume-Uni qui s'inspirent de la strategie R-Urban.
Agrocite – Photo R-Urban
Coupe du Principe de Fonctionnement- R-Urban
Integration Urbaine - R-Urban
95
L'impact du projet d'Agrocite se situe à une echelle urbaine car il concerne un quartier entier
de la ville mais ses relations avec d'autres pôles agricoles urbains lui permet d'avoir un
impact plus large sur le plan national et international.
Cultivate L.A – Los Angeles – États-Unis
Vue Aerienne d'un jardin partagee à Los Angeles - Photo Uncube magazine
Le projet Cultivate L.A. resulte d'une volonte politique locale d'integration de l'agriculture à
l'espace urbain.
La ville de Los Angeles constitue la caricature de l'etalement urbain et de la perte du lien avec
la nature. Large de 40km et longue de 100km, il devient difficile pour les habitant d'avoir accès
à la nature. De plus, peu d'espaces urbains sont dedies aux espaces verts et la ville souffre
aujourd'hui des consequences liees à cette artificialisation.
Afin de repondre à cette forte demande, les autorites locales ont decide de mettre en place
un très vaste projet urbain nomme Cultivate Los Angeles.
Decoupe en plusieurs phases reparties sur plusieurs decennies.
96
La première phase constitue un programme de recherche destine à evaluer l'etat de
l'agriculture urbaine dans le conte de Los Angeles aujourd'hui.
Le rapport ainsi produit vise à fournir une comprehension globale et territoriale de l'agriculture
urbaine existante afin de pouvoir mettre en place des strategies de developpement.
L'equipe de chercheurs issus du departement d'urbanisme de l'universite de Californie ont
realises une etude empirique des principaux secteurs de l'agriculture urbaine.
Pour ce faire, l'equipe de chercheurs a contacte plus de 3000 sites d'agriculture urbaine afin
de pouvoir en questionner les fonctionnements pour permettre de proposer une strategie
territoriale d'optimisation de l'agriculture urbaine.
Cela passe par la redaction d'une legislation sur l'utilisation des terres dediees à l'agriculture
urbaine, une etude de la repartition spatiale de celle-ci à travers la geographie mais aussi à
travers les flux et les echanges de fonctionnalites.
Cartographie des Sites D'agriculture Urbaine etudies dans le Conte de Los Angeles
Ce rapport devrait permettre de faciliter l'integration de l'agriculture urbaine sur tout le
territoire mais aussi d'identifier et de mettre en relation des initiatives locales isolees afin de
97
les raccorder à un reseau plus large de distribution de la production et de la valorisation des
exploitations.
Valorisation des espaces inconstructibles sous les lignes haute tension. Photo Google Maps et California Agriculture
L'etude s'interesse particulièrement aux relations qui pourraient être entretenues avec les
ecoles primaires et collèges dans une visee pedagogique de sensibilisation.
De plus, par l'analyse des typologies existante, l'etude permettra de realiser une cartographie
de preservation de certaines friches urbaines pour l'agriculture.
Transformation d'un ancien parking en jardin pedagogique pour enfants.
98
Il ressort de cette etude differentes constatations :
– les definitions des activites d'agriculture urbaine varient selon les villes. De plus, les
elevages sont egalement varies : poules, oies, canards, pigeons...
– les reglementations en vigueur ne sont pas uniquement liees aux notions de zonage,
44% des reglementations appliquees sont issues des reglementations sanitaires, de
nuisances mais aussi de securite.
– L'elevage de volaille est l'activite agricole la plus fortement reglementee. Seulement
75 villes permettent ce type d'elevage sous certaines conditions alors que 27
l'interdisent explicitement.
– Toutes les planifications urbaines ont pour obligation d'integrer un facteur de
developpement durable mais l'agriculture urbaine n'est pas valorisee ou requise.
– Sur les 88 villes etudies dans le comte, 33% seulement ont cartographie les zones
agricoles. Ces villes sont nettement moins denses que les autres.
Ainsi, les chercheurs urbanistes ont pus etablir un certain nombre de recommandations :
– les villes devraient adopter des definitions universelles pour les activites d'agriculture
urbaine.
– Les zones où les elevages et la culture sont legales devraient être cartographiees et
listees.
– Necessite d'identifier les pratiques agricoles les plus benefiques afin de reviser les
legislations en vigueur dans les villes et de mieux promouvoir l'agriculture urbaine à
travers des projets locaux.
Le projet Cultivate LA constitue plus une base de travail permettant la mise en place d'une
strategie territoriale qu'autre chose, mais celui-ci temoigne d'une reponse politique à une
volonte citadine et d'une prise de conscience globale des autorites et des habitants.
99
• Les Ceintures Vertes
Elles ont vocation à maintenir un paysage rural en bordure de la ville.
De natures très differentes selon les situations, ces ceintures vertes ont cinq objectifs precis :
– offrir un cadre rural distinctif et symbolique
– servir de cadre à des activites publiques dans un environnement naturel
– preserver les ecosystèmes naturels
– assurer la viabilite des formes agricoles et des forêts.
– Fournir de grands espaces verts aux etablissements qui contribuent ou beneficient de
la ceinture verte.
Ceinture Verte de La ville de Lyon – Source GeoConfluence
Elles permettent le maintient d'une agriculture patrimoniale traditionnelle aux abords de la
ville, ce qui renforce l'identite locale tout en permettant un developpement durable à la ville.
Les surfaces agricoles peuvent être louees par la ville aux agriculteurs et la production
permet d'alimenter le marche local.
Etroitement liee avec la ville, elle sert egalement à faire avancer la recherche car les champs
sont proches des laboratoires.
100
De plus, elle peut proposer des parcours recreatifs, des randonnees et même des parcours
educatifs.
Elle permet dans tous les cas de retablir un lien avec la nature car celle-ci peut egalement
heberger des forêts et des espaces de sauvegarde de la biodiversite.
Ceinture Verte de Tripoli – Libye
Master Plan – Source Tripoli Green Belt
Elle a pour objectif de venir separer la première couronne urbaine de la deuxième.
Ainsi, elle ne delimite pas vraiment la ville mais offre un accès direct à la nature aux citadins.
Elle permet une très forte resilience de la nature.
L'idee ambitieuse d'une ceinture verte de 700 hectares est une grande opportunite pour Tripoli
d'etablir un fort impact ecologique et culturel sur la ville tout en promouvant une action de
101
developpement durable.
Vue Perspective – Source Tripoli Green Belt
L'arc d'espaces verts est constitue d'une serie d'ecosystèmes qui guident la transformation
des differents secteurs urbains.
Vue Perspective – Source Tripoli Green Belt
Le projet inclus egalement la realisation de differents projets architecturaux publics.
Il existe aujourd'hui de nombreuses villes qui intègrent une ceinture verte, c'est par
exemple le cas de la ville de Londres, precurseur en la matière, mais aussi de nombreuses
villes britanniques.
102
Ceintures Vertes Britanniques – Source Crown
• Les parcs Agricoles
Ces parcs urbains d'un nouveau genre permettent de stabiliser le foncier et incitent les
agriculteurs à penser de manière collective une agriculture multifonctionnelle et innovante.
Les agriculteurs sont au coeur de ces projets et en constituent le principal moteur.
S'ils constituent une nouvelle strategie d'amenagement des espaces urbains, ils disposent
egalement d'interêts paysagers forts et permettent le maintient d'une biodiversite tout en
etant efficaces faces aux risques d'inondations.
103
Ces parcs agricoles permettent dans un second temps de remunerer des agriculteurs
pour leur participation active à la preservation du patrimoine naturel et agricole et d'un
paysage traditionnel. Ils mettent donc en valeur les services rendus à la ville à travers les
differents types d'agricultures qui ne sont pas forcement toutes intensives.
La promotion des produits regionaux à travers leur culture renforce l'identite locale du
territoire et des agglomerations hebergeant ces parcs.
Ces parcs ont une vocation plus culturelle que productive. En effet, accessibles au public, la
sensibilisation des populations permet de renouer le dialogue entre citadins et agriculteurs.
De plus, une prise de conscience est souvent constatee chez les citadins, acheter local c'est
finalement creer de l'emploi localement. La promotion des produits locaux peut egalement se
faire à travers la taxations des produits importes, ou en detaxant les denrees alimentaires
issues de la production locale, facilitant ainsi leur vente.
Parc Dondaines – SOA – Lille - France
Perspective Vue d'oiseau – SOA Architecture
104
Le parc des Dondaines est compose d'un programme mixte destine à differents
publics. À la fois parc agricole et ferme pedagogique, il accueille egalement un espace
culturel et des espaces de sports et de jeux.
Projet avant tout ludo-educatif, les serres situees au centre mettent en scène une sorte de
chaine alimentaire, où espaces de production de fruits et legumes sont libres d'accès. Le
public est ainsi associe aux agriculteurs. On y retrouve egalement des espaces de
restauration, et des espaces de decouverte ( espaces pedagogiques, espaces de formations,
d'expositions, d'experimentation... ).
Perspective interieure – SOA Architecture
La forme simple du bâtiment resulte de la volonte de simplifier son usage.
Ce parc agricole trouve sa legitimite dans son engagement social s'inscrivant dans l'echange
direct avec la population locale.
Les techniques agricoles sont de type traditionnelles, en terre, et respectueuses de
l'environnement afin de preserver une bonne image vis à vis des citadins.
105
L'eau habituellement perdue après l'arrosage dans les cultures en terre est ici recuperee afin
d'être recyclee.
La plus grande partie du bâtiment est constitue d'une halle de marche couverte et ouverte sur
le parc. Elle permet la vente de la production mais peut egalement accueillir des evenements
culturels.
7 Parcs Agricoles à Dongguan - Chine
La Chine porte un interêt important à la question des parcs agricoles, soucieuse de mettre à
profit ses grandes reserves foncières.
Ainsi, l'etat à decide en 2009 de la creation de sept parcs agricoles contemporains autour de
la ville de Dongguan dans la province du Guangdong afin d'accompagner la transition
agricole urbaine tout en ameliorant les conditions de vie des agriculteurs locaux.
106
La ville riche de 8 millions d'habitants a subit une croissance très rapide et à vite consomme
les espaces agricoles peri-urbains. La necessite de ces parcs se faisait donc sentir.
La construction de ces parcs s'accompagne de l'amelioration des infrastructures agricoles et
de l'optimisation de la structure agricole locale.
Les sept parc agricoles sont configures pour une integration efficace au sein des differents
cantons de la ville, à savoir Zhongtang, Liaobu, Dongkeng, Qiaotou, Qingxi et Dalang.
Agriculture urbaine locale – Photo Stephen Woolverton
Master Plan – Ville de Dongguan
107
L'agriculture ecologique permettrait de developper un tourisme agricole.
L'ensemble du projet est entièrement finance par l'etat, et les exploitations couvrant plus de
100 hectares permettront l'alimentation d'une grande partie de la ville.
Ces parcs feront figure de test pour le reste de la Chine et pourront à terme servir d'exemple
pour l'integration d'autres parcs en Asie.
Culture de Coton ecologique – Parc Agricole – Ville de Dongguan
108
Parc Agricole Baix Llobregat – Barcelone – Espagne
Vue Aerienne du parc – Source viatgepercatalunya
Situe proche de l'aeroport de Barcelone, le parc agricole Baix Llobregat accueil 2900
hectares de cultures et d'elevage. La production approvisionne aujourd'hui les marches
locaux en produits frais.
Le parc est ne dans les annees 1990 alors que la pression urbaine etait au plus fort. Le maire
de l'epoque s'est alors associe avec les divers syndicats agricoles et la chambre de
commerce afin de mener à bien le projet.
Il s'agit donc d'une initiative des autorites locale.
Cependant, la gestion du parc est entièrement organisee par les agriculteurs.
La direction est assuree par un consortium representatif des 600 exploitations agricoles
employant plus de 1200 agriculteurs.
Promenade du parc – Photo Battle i Roig
109
Il siège au sein d'un centre d'information accessible au public construit au milieu du parc et
propose des activites educatives et des programmes ludiques. Tout autour, les cultures sont
consacrees à l'experimentation horticole.
Plan Masse du Parc – Ville de Barcelone
Le parc est en relation avec des laboratoires de recherche mais aussi avec les
universites de Barcelone en vue d'ameliorer les techniques de production.
Toujours dans un soucis d'identite locale, le consortium a cree un label local appele
«Producto FRESCO del Parque Agrarion» qui permet d'assurer une meilleure vente de ses
produits.
Le consortium est totalement libre à l'interieur des limites administratives du parc et peut
proposer la mise en place de nouvelles infrastructures. Il n'est soumis qu'à l'application du
plan de strategie agricole de la ville de Barcelone dont les objectifs sont de favoriser le
110
developpement des systèmes de production et de consolider le patrimoine culturel, naturel
et environnemental.
Le concept de parc agricole est un bon moyen de proteger et de developper
l'agriculture dans les espaces urbains et peri-urbain.
Il permet de stabiliser le foncier tout en offrant aux agriculteur une chance d'être les acteurs
du developpement de l'agriculture urbaine.
• Larges Plans Urbain
S'il s'agit plus d'un outil de l'urbaniste, les plans urbains à une large echelle permettent
l'integration de l'agriculture urbaine dans une relation symbiotique avec la ville. Toujours
concus sur des echelles de temps plus grandes, ces larges plans urbains se projettent dans
un futur plus ou moins proche, souvent situes aux horizons de 2050 ou 2100.
Lies à une forte notion de science fiction, ils permettent pourtant de reflechir au devenir des
grandes metropoles tout en les adaptants aux besoins futurs.
Parfois, ce sont des projets architecturaux qui sont developpes au sein de ces larges plans
urbains et en font donc partie integrante.
Ces projets d'envergures sont au coeur de la construction des villes de demain.
111
TERREFORM NY 2106 – New York - USA
Perspective – Source Terreform
Imagine pendant plus de six ans par les equipes de Terreform, le projet NY 2106
constitue l'aboutissement d'une version de New York completement autosuffisante, à même
de creer sa propre nourriture mais aussi toute l'energie necessaire à son fonctionnement, le
tout sans depasser les limites de la ville.
Master Plan - TerreForm
112
L'idee cle derrière ce projet est de creer une societe durable en appliquant l'autarcie,
un concept politique qui decrit un système complètement ferme.
Ce système resonne bien avec beaucoup de notions etablies de la durabilite qui exigent
souvent des boucles fermees ou des influences exterieures minimales.
Après avoir defini les limites, la première etape etait de definir comment une ville comme
New York pourrait être adaptee afin de pouvoir nourrir ses 8,5 millions d'habitants.
En utilisant une variete de fermes verticales, et recuperant les rues et friches urbaines,
Terreform a calcule qu'il serait techniquement possible de produire 2 500 calories par
personne et par jour. Combine avec un reseau de distribution sophistique, cela permettrait de
nourrir les citadins.
Distribution Programmatique - Terreform
Une strategie de changement aussi importante apporte evidemment des
inconvenients.
Ainsi, la première version du projet necessitait l'implantation de 25 centrales nucleaires pour
produire l'energie necessaire à la production alimentaire.
L'idee n'etait pas de rendre le projet realiste mais bel et bien d'etudier les limites d'un projet
d'autosuffisance afin de mieux en identifier les contraintes.
113
Maquette de concept du Projet - Terreform
En realite, ce travail permet de repousser les limites du faisable afin de montrer à quel point
l'environnement urbain serait à même de changer dans le combat contre la faim.
N'ayant pas vocation à être realise, le projet TerreForm NY 2106 nous permet d'envisager un
futur ou les villes seraient autosuffisantes.
Vue de rue – Terreform
114
HYDRONET SF2108 – Iwamoto Scott – San Francisco - USA
Perspective Vue d'oiseau - IwamotoScott
C'est dans l'idee que les villes du futur devront être encore plus autonomes et
interconnectees qu'est ne le projet Hydronet SF2018.
Developpe par l'agence Iwamoto Scott, le projet urbain à vocation d'empêcher l'etalement
urbain tout en permettant de doubler la population. Pour ce faire, la ville beneficierait d'une
infrastructure capable de recueillir et distribuer l'eau, l'energie, le carburant, la nourriture
mais aussi de permettre le transport des citadins.
Fermes Verticales d'aguaculture – Iwamoto Scott
115
À la croisee des echelles, le projet Hydronet organise les flux de la ville d'un point de vue
urbain et architectural.
Base sur la construction de fermes aquifère verticales, la culture d'algue permettrait la
production d'un carburant naturel et une production alimentaire d'un genre nouveau.
Master Plan – Iwamoto Scott
Europa City – BIG – Paris - France
Perspective vue d'oiseau – BIG
116
Developpe par l'agence danoise BIG, Europa City est un immense centre culturel recreatif de
800 000m2.
Cet immense projet hybride projette la volonte de s'ouvrir sur un paysage agricole et urbain à
la fois.
Situe près de l'aeroport Charles de Gaule à Paris, il dispose d'un très large eventail
programmatique destine faire venir le tourisme dans les quartiers nord de la ville.
Perspective - BIG
Le projet est surmonte d'une très vaste toiture vegetalisee qui accueillera agriculture urbaine
mais aussi activites de loisirs et promenades ainsi qu'un golf.
Le centre culturel accueillera quand à lui de nombreuses places, des magasins, un parc
d'attraction, des cinemas et même une piste de ski artificielle.
La surface gigantesque du projet necessite la mise en place d'un transport en commun
interne relie aux reseaux de Paris.
Bâtiment hybride par excellence, Europa City questionne les notions de densite et d'espaces
ouverts.
Les circulations s'organisent à l'image des rues des faubourgs parisiens selon les
concepteurs.
117
Schema de circulation - BIG
Si cet enorme projet semble releve de la science fiction, le debut de sa construction est
pourtant prevu pour 2017.
L'integration de l'agriculture urbaine semble ici prise en compte sans pour autant être
justifiee. En effet, celle-ci semble anecdotique comparee à la superficie du projet mais rend
compte d'une nouvelle forme d'architecture de plus en plus representee dans les concours.
Et pour preuve, la quasi totalite des projets presentes integraient de l'agriculture urbaine.
118
Tableau de Synthèse des Systèmes à echelle urbaine :
Il ressort de l'etude des systèmes à l'echelle urbaine que ce sont souvent des
initiatives dont l'origine est associee aux autorites politiques. En effet, de part leurs ampleurs,
elles modifient le territoire urbain de facon durable et necessitent des reflexions sur le long
terme, engageant des financements publics.
Dans la plupart des cas, leur realisation semble freinee par les legislations en vigueur et par
des changements radicaux dont la mise en oeuvre semble difficile.
Pourtant, la multiplicite des etudes temoigne d'une reelle motivation de la part des politiques
locales. Au vue des prospectives environnementales et alimentaires, ces solutions semblent
plus que necessaires à la survie des espaces urbains et reflètent finalement un futur dejà
119
trace.
Quoi qu'il en soit, l'etude des differents systèmes permet de se rendre compte de
thematiques precises. En effet, qu'ils soient à l'echelle urbaine ou architecturale, les
systèmes mis en place ou faisant l'objet de reflexions tendent à s'accorder sur certains
points.
Ainsi, l'ensemble des projets est imagine avec seulement trois grands fils directeurs :
– la fonction sociale
– la fonction commerciale
– la fonction environnementale
Ces thematiques sont surtout presentes à travers les usages constates et les objectifs
annonces des projets.
Si ces thematiques dependent de la volonte des acteurs à l'initiative du projet, il est
surprenant de constater qu'elles peuvent être appliquees sans reelles prises en compte des
systèmes urbains et architecturaux.
Qui plus est, cette etude permet de demontrer qu'il semble difficile d'imaginer un projet
d'agriculture urbaine qui exclurait une de ces trois thematiques. En effet, si elles ne sont pas
toutes representees au même niveau dans les projets, celles-ci semblent toujours presentes.
Il suffit de prendre l'exemple presque caricatural de la ferme verticale, objet à vocation
extrêmement commercial, pour se rendre compte que celle-ci constitue une demarche de
developpement durable. La Tour vivante de SOA associe egalement du logement au
programme, offrant ainsi une reelle fonction sociale à l'edifice.
Cependant, force est de constater que chaque système permet d'exploiter une thematique,
ou plusieurs, de manière plus approfondie que les autres. Ainsi, un projet urbain de grande
envergure n'abordera pas l'aspect environnemental de la même facon que le fait un simple
jardin partage.
120
PARTIR III : La ville agricole121
Si l'etude des differents systèmes a permis de mettre en relief trois thematiques de
l'agriculture urbaine, il faut savoir qu'une seule d'entre elles constitue un frein à l'hybridation
des territoires agricoles et urbains.
En effet, la plupart des acteurs concernes semblent en accord avec les fonctions
environnementales et sociales de l'agriculture urbaine. Cela dit, dans le contexte economique
actuel, peu d'entre eux semblent faire confiance à sa fonction commerciale, et peu sont ceux
prenant le risque de tenter l'experience.
Ainsi, l'integration de l'agriculture dans les villes semble mise à mal par un seul facteur: son
coût.
Il suffit de regarder l'evolution du pourcentage de la part reservee au secteur de l'agriculture
dans l'aide publique au developpement accorde par l'ONU pour s'en rendre compte. Si celle-ci
etait de 18% en 1979, elle n'etait dejà plus que de 3,5% en 20051.
Pourtant, si la question de l'agriculture urbaine a ete relegue au second plan par la crise
economique, elle demeure en tête des preoccupations des gouvernements soucieux de
garantir leur securite alimentaire.
La première partie de ce travail tendait à demontrer les limites du liberalisme applique
à l'agriculture tandis que la deuxième partie cherchait à definir et analyser l'agriculture
urbaine et son potentiel dans le developpement des villes. Ainsi, la première partie
s'apparente quelque peu à l'enonce d'un problème alors que la deuxième partie propose une
solution. C'est donc en toute logique que la troisième partie de cette etude tentera d'etablir
des outils utiles dans l'application de cette solution.
1 Chiffres d'après les donnees de l'OCDE
122
3.1 Une viabilité économique durable.
Au delà de considerer l'agriculture urbaine comme une necessite, l'idee ici est de
demontrer sa viabilite economique.
Car en effet, alors qu'il s'agit souvent de la preoccupation première des investisseurs, le sujet
semble pourtant delicat en France, où melanger rapport sociaux et business semble encore
difficile.
C'est bien simple, au cours des recherches effectuees pour ce travail, aucune etude dediee au
système economique de l'agriculture urbaine n'a ete trouvee. Ainsi, cette partie reposera
essentiellement sur des etudes americaines, pays où tout est considere comme source
potentielle de profits.
L'interêt de ce travail reside dans l'origine des financements des projets agricoles urbains.
En effet, aussi bonnes que soient les volontes politiques, l'argent necessaire à
l'aboutissement des projets est manquant. Or le secteur prive permettrait, dans une relation
de partenariat où chacun y trouve son compte, de financer ces projets à la fois publics et
prives.
La question ici n'etant pas d'ordre ethique mais uniquement economique, il ne s'agira pas
d'analyser l'aspect social de l'ensemble.
Ainsi, si les preoccupations des autorites publiques sont en general d'ordre sociales et
environnementales avant tout, elles sont d'ordre economiques pour le secteur prive.
De fait, pour convaincre d'eventuels investisseurs, il faut demontrer la viabilite economique
du projet.
C'est ce qu'il sera developpe dans cette sous-partie. Afin d'identifier les differents leviers
potentiels de co-construction du territoire urbain et agricole.
Les avantages economiques lies à l'agriculture urbaine sont nombreux. S'ils dependent
egalement de la nature des projets architecturaux et urbains comme constate dans la
deuxième partie, on remarque que ce sont les objectifs souhaites qui forment la ligne
123
directrice des projets.
Ainsi, le projet n'est pas le même si sa visee est completement commerciale ou
completement sociale.
Cependant, il faut comprendre ici que les avantages economiques developpes ne sont pas
reserves aux projets à vocation commerciale. Mais que, bien au contraire, ils sont presents
dans tous les projets d'agriculture urbaine, et qu'ils constituent un fort levier facilitant
l'integration de celle-ci dans tous les projets quels que soit leurs objectifs.
L'intention globale etant de vehiculer l'idee que l'agriculture urbaine ne fait pas «que» coûter
de l'argent, mais qu'elle est aussi un vecteur de developpement economique.
La commercialisation de la production constitue l'interêt economique principal. Mais
même si elle n'est pas commercialisee, la production permet de faire fonctionner l'economie
locale. En effet, dans sa fonction de securite alimentaire, elle permet aux familles de faire des
economies sur l'argent consacre à la nourriture, economies qui permettent à ces familles de
consommer plus qu'à l'ordinaire.
«L'agriculture urbaine introduit aussi une plus grande souplesse dans les sources de revenus.
En effet, les citadins peuvent, grâce à elle, se consacrer à temps partiel ou sur une base
saisonnière à des activites remuneratrices ou leur procurant des ressources en nature, sans
pour autant negliger les soins aux enfants. D'après une etude portant sur 11 pays d'Amerique
latine, l'agriculture urbaine n'est pas suffisamment rentable pour supplanter un emploi à
temps plein, mais elle offre un complement de revenu. On estime qu'une journee à une
journee et demi de travail est necessaire à une famille moyenne d'Amerique latine pour
l'entretien d'une parcelle urbaine qui lui permet d'economiser entre 10 et 30 pour cent de ses
depenses alimentaires. Ainsi, cette activite offre aux economiquement faibles une
augmentation de revenu de l'ordre de 5 à 20 pour cent.2»
De plus, la mise en place de chaines de distribution courtes permet de palier au surcoût de la
production agricole en milieu urbain.
En effet, l'absence d'intermediaires permet aux producteurs de degager de plus grandes
marges sur le prix du produit.
2 Gutman, P. "Urban agriculture: The potential and limitations of an urban selfreliance strategy." Food and Nutrition Bulletin, 1987
124
Aujourd'hui, plus de 90% de la vente de denrees alimentaires est realisee par seulement 2%
des magasins3.
Ainsi, encourager la commercialisation directe par le biais des chaines de distribution courtes
permettrait de favoriser une economie locale au detriment des geants de la distribution
( Carrefour, Auchan, Walmart, etc. ) dont les capitaux ne sont d'aucun interêts pour les
citadins. Acheter local, c'est favoriser la creation d'emploi dans sa ville.
Contrairement aux idees recues, les avantages economiques de sont pas seulement
associes à la vente de la production des denrees alimentaires.
En effet, les repercutions economiques sont à calculer sur le long terme, et surtout au sein
d'un champ d'action bien plus vaste.
Les avantages de l'integration de l'agriculture urbaine sont aussi, non seulement lies aux
benefices directs, lies à la realisation d'economies.
Ces economies peuvent se ressentir à differentes echelles, de celle de l'individu jusqu'à celle
nationale.
Ces economies resident par exemple dans la valorisation des dechets urbains à travers le
recyclage, mais aussi dans les economies d'energies lie aux echanges thermiques entre les
cultures et le bâtiment...
Ces benefices profitent egalement au milieu dans lequel le projet est integre. En effet,
l'agriculture urbaine est creatrice de valeurs ajoutees concernant les terrains et proprietes
avoisinantes4, permet d'accroitre les investissements exterieurs et encourage le tourisme
dans les zones concernees.
L'agriculture urbaine est egalement une bonne manière de valoriser un espace en friche de
facon non permanente dans l'attente d'une utilisation immobilière ou autre.
Enfin, l'agriculture urbaine peut jouer un rôle important dans la sante publique, qui ne
l'oublions pas, constitue un enorme centre de depenses.
3 Tara Garnett, Growing Food in the Cities – Sustains - 19964 GLA Economics, Valuing Greenness : greenspace. , House Prices and Londoner's Priorities, GLA London 2003
125
Ainsi, elle permet de prevenir des problèmes d'obesite et de maladies cardio-vasculaires
grâce à l'exercice prodigue par l'entretiens des cultures, tout en ameliorant la qualite des
regimes alimentaires des citadins en offrant un accès plus facile à une nourriture de qualite.
Si cela ne rapporte pas directement de benefices, cela permet en revanche de realiser de
grandes economies quand aux depenses liees au traitement des consequences d'une
mauvaise alimentation alliee à une insuffisance d'exercices physiques.
Des economies sont egalement realisables à travers la mise en place des jardins à objectifs
sociaux. En effet, des partenariats avec les ecoles permettraient à moindre coût de
developper l'enseignement des matières traditionnelles telles que la SVT ou la geographie.
De plus dans un procede de resilience et d'amelioration du cadre de vie, l'agriculture urbaine
permet de valoriser les quartiers defavorises sans pour autant engendrer de grands travaux de
rehabilitation ouvrant la porte à la gentrification.
Synthèse des avantages economiques lies à l'agriculture urbaine :
126
3.2 Les leviers potentiels :
Afin de mieux comprendre le fonctionnement des leviers potentiels de developpement
des villes à travers l'agriculture urbaine, il semble interessant d'identifier dans un premier
temps ses differents acteurs.
En effet, l'agriculture urbaine constitue en soit une entite très large, qui touche à de très
nombreux corps de metiers. Ces differents acteurs evoluent et agissent dans des sphères
differentes, dont les objectifs ne sont pas toujours identiques.
Très nombreux, ils doivent pourtant agir ensemble afin de garantir la reussite du projet.
Il semblerait ainsi interessant d'etablir sinon une hierarchie, au moins un echange entre eux.
Car ces acteurs, aux objectifs divers et varies, interviennent tous dans un même processus
complexe d'integration de l'agriculture en milieu urbain.
Fort heureusement, il existe des forces structurant ce processus. Elles sont d'ordres
politiques, culturelles, legales, ideologiques et economiques.
127
L'une des première etapes dans la simplification du processus serait l'uniformisation des
discours ainsi que la specialisation d'une branche.
Un methode interessante serait par exemple la creation d'un departement d'agriculture
urbaine dans les universite, relie ni à l'urbanisme ni à l'agriculture mais existant en tant que
tel, se suffisant à lui même. Certes complique à mettre en oeuvre, une première etape
pourrait consister en une specialisation possible dans le cursus universitaires des architectes,
des urbanistes et des ingenieurs agronomes.
Un autre levier potentiel reside dans l'etude et la mise en place d'une nouvelle legislation
permettant de faciliter l'integration de l'agriculture urbaine, qu'il s'agisse de lois concernant
la preservation de l'environnement ou le foncier, integrer l'agriculture urbaine dans les PLU et
SCOT constituerait un bon depart.
Par la suite, un système de taxes pourrait egalement favoriser sur le marche agricole les
productions issues de l'agriculture urbaine, et les investisseurs integrant l'agriculture à leur
projets pourraient beneficier d'avantages fiscaux.
128
De plus, il semble aujourd'hui urgent de reconsiderer l'integration de l'espace agricole dans la
classification des «espaces verts» urbains. La place du paysage agricole dans les metropoles
doit être defini et trouver sa place parmi la classification des paysages urbains.
Les autorites publiques mais aussi les investisseurs pourraient aller vers des
propositions d'amenagements urbains, quartiers et eco-quartiers qui intègrent dès leurs
origines les reseaux de production et de distribution agricole locale.
Il s'agirait egalement de developper des espaces de production agricole non professionnels
qui permettraient d'ameliorer le cadre de vie des citadins à travers le developpement des
zones de jardins familiaux et partages mais aussi à travers la mise en place de plus de parcs
agricoles en limites peri-urbaines dans le cadre des ceintures vertes.
Des espaces de cultures en serres pourraient être mis à disposition des habitants par les
municipalites dans des programmes lies à des espaces agricoles fonctionnant en
cooperatives.
Ces projets agricoles doivent s'accompagner du tissage d'un reseau de distribution et
d'approvisionnement base sur la construction de halles, marches, magasins et systèmes de
ventes directes d'un genre nouveau, axes pourquoi pas sur les nouvelles technologies et les
reseaux sociaux.
À l'image des cantines des ecoles, un service public de l'alimentation pourrait être mis en
place dans les villes, valorisant des partenariats entre producteurs locaux et institutions.
Tous ces leviers potentiels servent à l'integration de l'agriculture urbaine comme outil de
developpement des villes. Pourtant, le rôle de l'architecte semble encore assez flou dans
cette revolution urbaine.
Le rôle de l'architecte ne reside pas uniquement dans la conception des projets.
Il doit agir bien en amont directement avec ses interlocuteurs. Son rôle est de sensibiliser et
d'en apprendre plus à ses clients, aux decideurs et au public, en s'appuyant sur son savoir
faire professionnel.
129
Les architectes et urbanistes sont, de manière trop generale, axes sur les performances
environnementales et les notions de developpement durable de leurs projets individuels, qu'il
s'agisse d'un bâtiment, d'un lotissement, d'un projet paysager ou urbain, et devraient aborder
la question sous un angle plus large.
En effet, la comprehension du cycle de la vie dans un espace urbain semble d'avantage relie à
un reseau global qu'à des initiatives individuelles.
Les professionnels du bâtiment devront adopter un système de collaboration
interdisciplinaires et des processus de travail specifiques à l'integration de l'agriculture
urbaine en fonction de son contexte mais aussi des thematiques agricoles engagees.
Il sera necessaire dans un premier temps d'adapter la conception architecturale et
urbaine aux specificites de l'agriculture urbaine, puis, dans un second temps, de developper
les notions d'habiter et d'habitat à travers une mise en scène nouvelle de l'agriculture.
Concept de ville resiliante de l'architecte Luc Schuiten
De plus, les architectes ont tout à gagner de cette transition. En effet, s'interesser à
l'agriculture urbaine constitue un bon moyen d'agrandir son champ d'expertise et permet
donc de repondre à plus de concours mais aussi de proposer des initiatives nouvelles.
130
C'est l'architecte qui en proposant l'integration de l'agriculture dans le projet de ses clients
qui participe à sa democratisation et donc dans le même temps à une chute des coûts en
reponse au principe de l'offre et de la demande.
Le rôle de l'architecte et de l'urbaniste est donc essentiel au developpement de villes
agricoles.
131
3.3 Des perspectives différentes :
Sur la base du travail developpe dans la deuxième partie et de la mise en evidence des
leviers de developpement des villes, il devient possible d'imaginer differentes perspectives de
la co-construction des territoires urbains et agricoles.
Les perspectives imaginees ont pour but de confronter les differentes situations potentielles
des annees 2050 d'après les donnees recoltees dans la première partie et d'après le rapport
ministeriel «La filière agricole au cœur des villes». Cet etude propose donc quatre evolutions
possibles des rapports existants entre la ville et l'agriculture. Le choix de ces scenarios est lie
aux systèmes etudies dans ce travail et ne constitue en rien une liste exhaustive.
Afin de faciliter la comprehension, les perspectives seront toutes appliquees à une seule et
même ville hypothetique d'aujourd'hui, suffisamment neutre pour servir de temoin.
Schema Ville Temoin
132
• Naissance d'un partenariat entre exploitants et institutions publiques :
Après une crise energetique majeure, une hausse des prix significative des denrees
alimentaires s'est faite sentir à cause de la conservation du modèle agricole intensif.
Affectant surtout les pays en voie de developpement, certains gouvernements des pays
riches sentant une menace ont decide d'agir pour proteger leur souverainete alimentaire
nationale face au liberalisme agricole en declin.
S'etablissant à une echelle regionale, une strategie agricole est mise en place.
Basee sur la contractualisation des exploitations agricole, l'idee est de charger les autorites
locales du contrôle des cultures et de l'approvisionnement alimentaire des villes.
Ainsi, les exploitants n'ont plus le choix du type de cultures et des produits mais assurent
l'approvisionnement des villes en produits frais, à des prix fixes par des contrats.
Cela permet entre autre de stabiliser les prix sur le marche local tout en dynamisant les
espaces agricoles. Des bâtiments de services sont mis à la disposition des agriculteurs par les
communes et permettent la mise en place d'un reseau agricole local performant.
Schema Agriculture Contractualisee
133
Les urbanistes doivent alors trouver de nouvelles solutions pour agencer non
seulement la ville mais egalement les parcelles agricoles. Le type de culture doit dependre de
la proximite avec les elements bâtis de services lies.
Pour les architectes, le nouveau challenge reside dans l'optimisation des programmes de ces
cooperatives agricoles et dans la gestion des nouvelles typologies adaptees à des densites
urbaines plus fortes. Les espaces peri-urbains ayant disparus, la confrontation entre territoire
urbain et agricole devient frontale et leur melange provoque une hybridation du territoire. Un
maillage plus fin des reseaux apparaît tandis que l'etalement urbain classique disparaît au
profit de l'apparition de nombreux nouveaux centres urbains.
• Des citadins de plus en plus pauvres.
La hausse des prix des denrees alimentaires et la crise economique ont massivement
appauvries la population des pays developpes. Directement dependants des importations de
denrees alimentaires, les citadins sont les plus touches.
Ainsi, de plus en plus de familles ont des difficultes à s'alimenter correctement que ce soit en
terme de qualite mais aussi de quantite.
Des mouvements populaires forcent les autorites à changer les legislations en vigueurs afin
d'autoriser l'agriculture urbaine sous toutes ses formes. Des associations, en partenariat avec
le secteur prive et les autorites locales, realisent des jardins partages sur les toits et les
friches urbaines sont la proie d'initiatives agricoles individuelles.
Ces projets fleurissant dans la ville developpent une economie nouvelle basee sur les
echanges de denrees alimentaires, et sont vecteurs de liens sociaux.
Une resilience de la nature dans la ville se met en place et change le cadre de vie des
habitants mais aussi leurs habitudes, la culture devient une necessite.
Les cultures interieures à domicile evoluent et l'hydroponie domestique devient habituelle.
134
Schema ville resiliante
Sur le plan urbain, les espaces de vies sont rythmes par les saisons et les cultures qui y
sont attachees. Tous les lieux publics sont investis par l'agriculture et le travail des urbanistes
consiste à organiser ces espaces pour optimiser les rendements.
De leur cote, les architectes font desormais face à l'obligation d'integrer des jardins agricoles
à tous les projets.
135
• L'agriculture disparaît de l'espace urbain.
L'engouement pour l'agriculture urbaine rapide dans les annees 2020 est suivie d'une
forte crise alimentaire liee à l'apparition de maladies animales transmissibles à l'homme et
fortement letales. La confiance dans l'elevage hors sol urbain disparaît et des etudes ne
tardent pas à demontrer la toxicite des produits alimentaires issus de l'agriculture urbaine.
Les micro-particules provenant de la pollution atmospherique des villes contaminent
systematiquement les recoltes et favorisent fortement l'apparition de cancers.
Les autorites reagissent en interdisant les cultures dans les villes et aux abords des routes.
Face à la demande alimentaire toujours croissante, des fermes verticales aux atmosphères
filtrees apparaissent dans les villes. Ces fermes hyper securises ont une vocation uniquement
commerciale et productiviste. Il s'agit avant tout de repondre aux besoins primaires des
population. La nourriture change alors de nature, les insectes et les algues sont favorises.
Schema Agriculture urbaine interdite
136
La consequence d'un tel scenario serait de mettre fin à l'etalement urbain afin de
preserver les zones tampons mais egalement les derniers espaces agricoles disponibles pour
une agriculture ultra intensive.
Les villes seraient alors contraintes à un developpement vertical, que ce soit en hauteur ou en
profondeur.
Les zones pavillonnaires disparaitraient petit à petit au profits de grandes tours aux
programmes de plus en plus mixtes.
L'hyper densite des zones urbaines changerait alors la nature des espaces aux sols, et l'on
peut imaginer une ville verticale où la pauvrete se retrouverait au sol et les richesses en
hauteur, sans pour autant d'echanges entre les deux.
• Des villes autosuffisantes
C'est à la suite d'une rupture du modèle agricole intensif actuel donnant lieu à des
crises alimentaires de plus en plus fortes touchant tous les pays du monde que les autorites
politiques decident de changer le modèle agricole.
Les evolutions technologiques en matières d'energies renouvelables et de cultures agricoles
sont telles qu'elles permettent la generalisation des fermes verticales urbaines. Les cultures
et elevages de tous types sont desormais possibles n'importe où.
Dans l'idee de preserver une nature devastee par l'agriculture intensive classique mais aussi
dans un soucis de souverainete alimentaire, les autorites interdisent tous types d'agriculture
hors des villes et sanctuarisent les espaces ruraux. Un mecanisme d'autosuffisance se met
alors en marche.
Les villes trop petites pour mettre en place de telles methodes sont alors prises en charge par
des systèmes d'agglomerations bases sur des notions de distance, reorganisant ainsi les
reseaux.
Les pays trop peu developpes pour assumer de tels changement se retrouvent alors
complètement dependants des importations de denrees alimentaires.
137
La nature des zones peri-urbaines change. De l'agriculture à vocation recreative se
developpe en reponse aux cultures hydroponiques en fermes verticales. La disparition des
exploitations classiques au profit d'une nature sauvage non maitrisee renforce les identites
locales et un tourisme vert se met en place. La question est desormais pour les architectes de
savoir comment augmenter les surfaces cultivables dans ces fermes urbaines tout en
ameliorants les systèmes de maintenance et d'exploitation, de nouvelles typologies voient le
jour, venant servir de nouvelles methodes de commercialisation des productions.
D'un point de vue plus urbain, c'est la mise en place des reseaux de distribution des produits
agricoles qui provoquent le plus de changements.
138
Si l'ensemble de ces perspectives demeurent pure science fiction, elles illustrent
pourtant bien ce que pourrait être le futur de nos villes. Bien entendu, une solution se situant
à mi chemin entre les differents scenarios sera surement plus ideale mais aux vues de la
situation actuelle du monde il semble plus qu'urgent d'organiser sinon une reponse, au moins
une strategie de transition du modèle agricole et urbain.
139
CONCLUSION
140
S'il est vrai que la situation globale de l'humanite est alarmante, il est neanmoins
encore temps de reagir.
Pour cela, il est necessaire et essentiel que s'opère une prise de conscience globale et
collective des politiques mais egalement de chaque individu.
« Ce sont ni les hommes politiques, ni les scientifiques, ni les agriculteurs, ni les ecologistes,
ni le nord, ni le sud, qui peuvent pretendre posseder, seuls, la solution.
Tous ont besoin de travailler ensemble, non pas pour trouver la reponse globale aux difficultes
de la planète mais pour elaborer des solutions, souvent locales, toujours urgentes.
À problème politique, reponse citoyenne.1»
Ces propos de Frederic Lemaître traduisent bien la necessite de l'ouverture d'un dialogue et
d'echanges entre les differents acteurs concernes par l'agriculture urbaine.
Au delà de cela, c'est aux citoyens de formuler leur volonte de l'integration de l'agriculture
dans les villes car ils en constitueront certainement le moteur.
Pour l'instant, l'integration de l'agriculture urbaine dans les projets d'architectes
semblent plus liee à un phenomène de mode quelque peu ecolo qu'à une reelle volonte
publique.
De plus, ces projets semblent encore difficiles à defendre au delà de leurs considerations
environnementales car ils ne justifient pas vraiment d'une reelle necessite immediate.
La question etant de savoir si les citadins sont reellement près à echanger leurs espaces verts
contre des espaces agricoles.
Car si le developpement de l'agriculture urbaine semble une evidence dans le futur, celui-ci
semble toujours anecdotique aujourd'hui. Et comme souvent, on constate qu'avant l'heure,
ce n'est pas l'heure.
Malgre tout, le questionnement autour de l'agriculture urbaine mis en place dans ce
travail nous permet de mettre en avant des solutions durables pour la co-construction des
projets qui permettent non seulement de s'approprier l'espace urbain à son juste titre mais
egalement d'ameliorer la ville et l'usage que l'on en a.
Les solutions proposees notamment à travers les projets de l'agence d'architecture SOA ou
1 Frederic Lemaître, Demain la faim !, Grasset, 2009
141
les solution imaginees à des echelles beaucoup plus vastes peinent aujourd'hui à sortir de
terre. S'inscrivant dans un contexte de crise economique, le developpement urbain de
l'agriculture semble pour le moment voue à des experiences environnementales et sociales.
C'est par le developpement massif de ces initiatives locales durables que l'impact de
l'integration de l'agriculture urbaine sur les projets, urbains et architecturaux, pourra être
mesuree et reellement se faire sentir.
Ces initiatives locales aux influences souvent reduites à un quartier permettront par leur
multiplication la mise en place de reseaux urbains de plus en plus performants bases sur les
circuits courts de commercialisation et d'echanges.
Personnellement, les recherches effectuees et la redaction de ce memoire m'ont fait
prendre conscience de l'importance de lier l'agriculture urbaine à la conception des projets
dès leur origine, et de le faire en toute connaissance des objectifs fixes. Les outils à
dispositions de l'architecte variant en fonction des objectifs agricoles recherches.
C'est par la mutualisation des competences pluridisciplinaires ( agriculteurs, agronomes,
paysagistes, urbanistes, ingenieurs, architectes... ) que l'on va permettre le developpement
de nouvelles formes urbaines, donnant naissance à de nouvelles formes d'agricultures plus
productives tout en demeurant locales et peu gourmandes en ressources.
Espaces bâtis et espaces cultives vont ainsi se melanger pour engager un procede de
resilience de la nature dans la ville, abattant ainsi les limites peri-urbaines.
La ville pourrait alors devenir autosuffisante d'un point de vue alimentaire et le
territoire agricole utilise et appauvri depuis des siècles pourrait être rendu à la nature pour lui
permettre une resilience naturelle, libre de toute action de l'homme et riche de sa
biodiversite.
142
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