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ABSENTÉISME, DÉSCOLARISATION, DÉCROCHAGE SCOLAIRE, LES APPORTS DES RECHERCHES RÉCENTES Maryse Esterle-Hedibel Médecine & Hygiène | Déviance et Société 2006/1 - Vol. 30 pages 41 à 65 ISSN 0378-7931 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2006-1-page-41.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Esterle-Hedibel Maryse, « Absentéisme, déscolarisation, décrochage scolaire, les apports des recherches récentes », Déviance et Société, 2006/1 Vol. 30, p. 41-65. DOI : 10.3917/ds.301.0041 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Médecine & Hygiène. © Médecine & Hygiène. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 90.46.154.52 - 05/08/2013 23h23. © Médecine & Hygiène Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 90.46.154.52 - 05/08/2013 23h23. © Médecine & Hygiène

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ABSENTÉISME, DÉSCOLARISATION, DÉCROCHAGE SCOLAIRE, LESAPPORTS DES RECHERCHES RÉCENTES Maryse Esterle-Hedibel Médecine & Hygiène | Déviance et Société 2006/1 - Vol. 30pages 41 à 65

ISSN 0378-7931

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2006-1-page-41.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Esterle-Hedibel Maryse, « Absentéisme, déscolarisation, décrochage scolaire, les apports des recherches récentes »,

Déviance et Société, 2006/1 Vol. 30, p. 41-65. DOI : 10.3917/ds.301.0041

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ABSENTÉISME, DÉSCOLARISATION, DÉCROCHAGE SCOLAIRE,LES APPORTS DES RECHERCHES RÉCENTES

Maryse Esterle-Hedibel*

Après « l’échec scolaire» et « les violences», l’absentéisme, le décrochage et la désco-larisation, en période de massification de l’enseignement secondaire, deviennent objet dedébat public et suscitent des représentations concernant les jeunes hors contrôle, voiredéviants. Plusieurs travaux de recherche, français et internationaux, permettent d’éclairerle débat sur les causalités et les corrélations que l’on peut observer à propos de la fréquen-tation scolaire irrégulière ou de l’arrêt de scolarité avant 16 ans, en prenant en compte lefonctionnement du système scolaire, en particulier dans le cas français. Il est ardu d’établirune typologie des élèves concernés, car ces processus sont multi-factoriels et dépendent desinteractions entre les agents scolaires, les élèves eux-mêmes et leur entourage proche(famille, pairs). Le débat scientifique quant aux éléments qui interviennent dans ces proces-sus inclut la prise en compte des méthodologies utilisées par les chercheurs.

MOTS-CLÉS : ÉCOLE – FAMILLE – DÉVIANCE – DÉCROCHAGE – INTERACTION

Déviance et Société, 2006, Vol. 30, No 1, pp. 41-65

Régulièrement, des débats traversent chercheurs, praticiens de terrain et responsablespolitiques quant à l’état de l’école en France, et une thématique se détache des autres, refletdes appréciations conjoncturelles. Ainsi, la massification de l’enseignement et l’entréedans le second degré des enfants de milieu populaire ont constitué « l’échec scolaire»comme une question majeure à partir des années 1960 (Lahire, 1993). Les «violences sco-laires» ont fait florès dans les années 1990, et aujourd’hui, absentéisme et déscolarisationapparaissent prépondérants, jusqu’à susciter la mise en place de groupes de travail dont leplus connu a donné lieu à un rapport (rapport Machard 1). La procédure sur le contrôle et lapromotion de l’assiduité des élèves soumis à l’obligation scolaire a été modifiée2. Enoutre, un appel d’offres récent a abouti à 12 rapports de recherche, rendant compte d’uneproduction de connaissances sur tout le territoire de l’hexagone 3.

* CESDIP/CNRS – IUFM Nord, Pas-de-Calais.1 Machard, Les manquements à l’obligation scolaire, janvier 2003, rapport remis à Luc Ferry, ministre de la

Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, Xavier Darcos, ministre délégué à l’enseignementscolaire, Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

2 Cf. Circulaire du 23 mars 2004 sur le contrôle et la promotion de l’assiduité des élèves soumis à l’obliga-tion scolaire.

3 Appel d’offres de décembre 1999 sur les processus de déscolarisation, ministère de la Justice, de l’Éduca-tion nationale, Délégation interministérielle à la ville, Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et lalutte contre les discriminations. Les 12 rapports (dont celui rédigé par nos soins : M. Esterle-Hedibel, Lesarrêts de scolarité avant 16 ans, étude des processus sur la ville de Roubaix, CESDIP/CNRS, IUFM Nord-Pas-de-Calais, FASILD Nord-Pas-de-Calais, mars 2003), issus de cet appel d’offres sont consultables sur lesite http://cisad.adc.education.fr/descolarisation.

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Les rapports et ouvrages réalisés à partir des recherches qui existent aujourd’hui, qu’ilssoient issus de l’appel d’offres de décembre 1999 ou d’autres travaux, proposent des ana-lyses de la question à partir de définitions différentes, en insistant sur tel ou tel aspect desprocessus vécus par les élèves «déscolarisés» : scolarité, vie familiale, groupes de pairs,etc. Les méthodologies sont également très diverses, et nous nous proposons au cours decet article de présenter des éléments d’un débat scientifique autour de plusieurs questionsqui ont justement fait débat entre les équipes de chercheurs, et qui recoupent des thèmesprésents dans le débat public :

• Peut-on organiser une typologie des élèves déscolarisés, à partir de profils types?

• Les élèves déscolarisés sont-ils des «exceptions malheureuses» dans un système quicontrôlerait mal la scolarité de tous, ou leur situation est-elle significative d’une sélec-tion qui refoule à la marge ceux qui ne sont pas en adéquation avec ses normes?

• Quels liens peut-on établir entre absentéisme, déscolarisation et délinquance?

• Dans quelle mesure les familles sont-elles partie prenante des arrêts de scolarité desjeunes? Cette dernière question permet de relativiser la supposée «démission desparents», «évidence » régulièrement entendue dans les établissements scolaires etparmi les travailleurs sociaux.

Nous nous en sommes tenus pour cet article principalement aux travaux parus dans lemonde francophone (non exclusifs cependant de travaux anglophones ou hispanophones),sachant que le terme de déscolarisation peut prendre des acceptions très diverses suivant lecontexte sociopolitique dans lequel il s’inscrit. Ainsi en France, de même que dans les paysdéveloppés, la déscolarisation concerne des jeunes qui ont fréquenté l’école (à part cer-tains, en particulier récemment arrivés sur le territoire français). D’autres pays connaissentdes absences de scolarisation, comme le Brésil, le Mexique ou le Togo. Dès 1988, la ques-tion de la déscolarisation est étudiée au Togo (Lange, 1988, 152-163), et des travaux sontmenés en Côte d’Ivoire (Gbocho Yapo, 2001) ou au Niger (Barreteau, Daouda, 1998). Lethème est l’objet de travaux qui intègrent la déscolarisation (absence ou arrêt très précocede scolarité) dans les conséquences des guerres et l’enrôlement forcé des enfants dans lesguérillas4, comme en Colombie (Antuñez Garrido, Cubano-Delgado Palma, FernandoMontero, 2005, 133-142) ou dans le renforcement des processus d’exclusion au Brésil(Peralva, 1992). L’ensemble des pays pauvres connaît une non-scolarisation des enfantsou une durée de scolarisation courte par rapport à celle des pays développés. D’autres,comme le Portugal, ont connu une massification scolaire plus tardive que celles d’autrespays européens, et la question de la déscolarisation y est reliée à celle de « l’échec sco-laire» et des nécessités économiques des familles (Canário, Alves, 2004, 43-54).

La «préoccupation» autour de la déscolarisation se trouve à la confluence de trois pré-supposés liés entre eux dans le débat public : montée de l’insécurité, augmentation et rajeu-nissement de la délinquance juvénile, développement des «violences». La déscolarisationérigée en «problème majeur», est une construction sociale qui peut masquer d’autres ques-tions (la perpétuation des inégalités sociales à l’école entre autres), dont elle est pourtantl’aboutissement ultime (Geay, Meunier, 2003, 20-39) : L’école en s’appropriant les logi-

4 Cf. colloque Éducation, violences et conflits en Afrique (mars 2006), Kinshasa prévu pour mars 2006,réseau Famille et scolarisation en Afrique (FASAF) et Réseau ouest et centre africain de recherche en édu-cation (ROCARE).

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ques de pensée et d‘action du secteur de l’insertion tend ainsi de plus en plus à classer lesjeunes selon les critères de l’employabilité, constituant ainsi les « surnuméraires préco-ces » en «catégorie à risques». Les actions mises en œuvre pour traiter la «déscolarisa-tion» nous semblent donc révéler une reconfiguration de l’espace de prise en charge du« danger social» (Geay, Proteau, in Ropé, 2002, 261).

La déscolarisation aujourd’hui : définitions et objets de recherche

Le terme de déscolarisation, d’acception récente dans les textes officiels français5, estabsent aujourd’hui des dictionnaires. La déscolarisation se comprend dans ces textescomme la mise hors de l’établissement scolaire de l’élève concerné. Les circulaires traitantdes dispositifs relais ou des internats, font régulièrement allusion à la déscolarisation, sou-vent présentée comme pendant de la violence 6. L’appel d’offres sus-cité7 parle de «projetsde recherches sur la déscolarisation», explicitée comme « les sorties précoces du systèmeéducatif »8.

Ce néologisme est employé aujourd’hui dans un sens négatif, au sens d’une perte (lepréfixe latin de exprimant la provenance et la séparation, sens qui nous intéresse ici), pertede scolarisation en l’occurrence. Elle a eu un sens plus positif dans les travaux d’Illitch(1971), qui apparaissent aujourd’hui comme une sorte de curiosité, tant la scolarité estreprésentée communément comme un bienfait, et la non-assiduité une source de dangers.

Aujourd’hui, on serait en peine de trouver des auteurs qui défendent l’idée d’une désco-larisation volontaire. À peine quelques centaines de parents scolarisent-ils leurs enfants àdomicile, et la scolarité est généralement conçue plus comme un «devoir à accomplir», quecomme un droit, c’est une sorte de «droit obligatoire». La déscolarisation définit une situa-tion «en creux» (anomie, errance, disparition, Proteau, 2003, 103) : le fait de ne pas être oude ne plus être scolarisé. Le mot laisse supposer un risque ou un danger pour le jeuneconcerné, sachant que l’accès à l’emploi est d’autant plus aléatoire que les candidats sontjeunes, inexpérimentés et sans formation de base. La déscolarisation est directement liée àla scolarisation, instituée comme norme, qui produit ses propres déviances, mais les cher-cheurs soulignent que le terme est peu approprié par les intervenants sociaux, qui situent lesquestions ou problèmes liés à la scolarité dans un ensemble de problématiques sociales etfamiliales (Sicot, 2002, 11 ; Meunier, 2003, 43-69 ; Esterle-Hedibel, 2003a, 889).

5 Circulaire du 25 octobre 1996 sur le contrôle de l’assiduité, circulaire du 15 octobre 1998, sur la lutte contreles violences en milieu scolaire.

6 « Il s’agit là d’un objectif différent de celui des internats-relais. Ceux-ci sont destinés à accueillir des jeunesqui connaissent des difficultés pouvant les conduire à la déscolarisation ou à la violence». Extrait de la cir-culaire n° 2000-11 du 31 juillet 2000 Plan de relance de l’internat scolaire public.

7 Cf. note 3.8 Lettre d’accompagnement de l’appel à projets, signée par le directeur de la programmation et du développe-

ment et le directeur de l’enseignement scolaire, 10 novembre 1999.9 Au cours de notre recherche à Roubaix (2001-2003), nous avons étudié les processus qui ont mené hors du

système scolaire des jeunes de 13 à 15,5 ans, dont la situation était connue des établissements scolaires et deplusieurs services sociaux. Nous avons recueilli un maximum de données les concernant : données decadrage sur la ville de Roubaix et les collèges, entretiens avec l’ensemble des protagonistes (institutionnels,familiaux, jeunes eux-mêmes), consultation de documents (bulletins trimestriels, rapports de conseils dediscipline, etc.). Les théories interactionnistes prennent place dans le cadre d’analyse, en incluant les aspectsstructurels qui organisent et déterminent les interactions entre les différents protagonistes des processus.

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En quelque sorte, la catégorie scolaire de déscolarisation est une manière de nommer lesjeunes concernés, de même qu’un jeune qui a commis des délits et a été repéré comme tel estnommé délinquant, à l’exclusion des autres caractéristiques qui le constituent (Becker,1985, 56). Certains auteurs en viennent même à considérer la catégorie «déscolarisation»comme une pure production institutionnelle et pseudo-scientifique (Proteau, 2003, 100).

Un insaisissable objet de recherche ?

De fait, plusieurs équipes de recherche issues de l’appel d’offres de décembre 1999 ontinterprété la thématique proposée en traitant des cas d’élèves à la scolarité irrégulière,voire «chaotique» (Thin, Millet, 2003 ; Péraldi, 2002), quelquefois intégrés dans des dis-positifs relais (Thin, Millet, 2003, 32-41), déscolarisés véritablement et/ou absents régu-lièrement (Coslin, 2003, Lagrange, Cagliero, 2002 ; Costa-Lascoux, 2002). Les chercheursparlent alors de «démobilisation scolaire» (Costa-Lascoux, 2002, 11), de «détachementscolaire» (Péraldi, 2002, 60).

Certains chercheurs parlent de déscolarisés dans l’école, de décrocheurs de l’inté-rieur (Bautier, Terrail, Branca-Rosoff et al, 2002), désignant ainsi des élèves en rupturescolaire à l’intérieur des établissements, qu’ils manifestent ou non des comportementshors normes. Ils choisissent de se situer en amont du décrochage scolaire, afin de mettreà jour la dynamique des interactions entre plusieurs fabrications du décrochage de l’inté-rieur (Bautier et al., 2002, 41). Leur recherche interroge particulièrement la question desapprentissages, et les malentendus sociocognitifs (Bonnéry, 2004, 135-149) qui empê-chent les élèves de s’approprier les savoirs et d’identifier l’école comme le lieu d’appren-tissage de ces savoirs (Jellab, 2004, 7). De fait les jeunes enquêtés ont été, pour uneminorité d’entre eux seulement, déscolarisés avant 16 ans. Dans un registre de défini-tions proche mais non identique, Bourdieu avait utilisé l’expression les exclus de l’inté-rieur pour désigner ceux que l’école exclut comme toujours, mais elle exclut désormaisde manière continue, à tous les niveaux du cursus […] et elle garde en son sein ceuxqu’elle exclut, se contentant de les reléguer dans des filières plus ou moins dévalorisées(Bourdieu, 1993, 602).

Geay et Meunier définissent la déscolarisation tant par la situation objective de l’élève(arrêt de fréquentation), que par sa désignation comme tel par l’institution scolaire (Geay,Meunier, 2003, 23). Pour notre part, nous avons choisi d’étudier les situations d’élèves qui,régulièrement inscrits, ne sont plus du tout présents dans les établissements scolaires, depuisune durée qui peut varier de trois mois à deux ans au moment de l’enquête. Ils sont ou nonl’objet d’interventions visant à les faire revenir dans l’établissement (Esterle-Hedibel,2003a).

Pour plusieurs auteurs, la déscolarisation est la résultante de processus multifactoriels,et c’est bien la combinaison de plusieurs facteurs qui permet de les comprendre. Il importealors d’aborder les différentes facettes de la problématique à travers les niveaux indivi-duels, organisationnels et socioculturels (Janosz, Leblanc, 1996, 61-88). Il s’agit biend’étudier le processus de désaffiliation scolaire, qui renvoie au fonctionnement des institu-tions scolaires, aux traitements différenciés des élèves et à l’interaction des contextes sco-laires, familiaux et locaux qui modulent les parcours et expériences propres à chaque ado-lescent (Broccolicchi, 1998, 41). L’absentéisme scolaire est lui aussi considéré comme unprocessus interactif dépendant de multiples facteurs par Garcia Gràcia (2003, 16), proces-sus qui peut connaître des évolutions très diverses.

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Un terme qui monte en force : les décrocheurs

Lorsqu’une thématique devient prépondérante dans le débat public, des termes émer-gent et font consensus autour de leur utilisation. C’est le cas de celui de décrocheur,d’abord utilisé pour désigner les lycéens qui quittent petit à petit le système scolaire (Blochet Gerde, 1998), avant de s’étendre aux collégiens et aux élèves de l’école élémentaire. Ledécrochage désigne le processus plus ou moins long qui n’est pas nécessairement marquépar une information explicite entérinant la sortie de l’institution (Guigue, 1998, 29). Ils’oppose à la démission, qui explicite le départ volontaire de l’élève, et à l’exclusion actepar lequel une autorité reconnue vous démet de vos fonctions (Guigue, 1998, 29). Unedémission peut d’ailleurs intervenir avant une exclusion prévisible par l’élève.

Le décrochage est le terme choisi par Blaya pour désigner le processus de désadhésionau système ou un accrochage manqué qui conduiront à plus ou moins long terme à unedésaffection, un décrochage (Blaya, Hayden, 2003, 6). La déscolarisation serait l’étapeultime du décrochage.

L’auteure insiste sur le terme de décrochage et non de décrocheurs, qui impliquerait unétat propre aux intéressés. On peut d’ailleurs formuler la même critique sur les termes« absentéisme» et «absentéistes ». Les mots ont en effet un poids qu’il importe de mesurer.Qualifier un enfant ou un adolescent de décrocheur ou d’absentéiste, implique qu’il seraitseul responsable de sa situation.

Des démographes québecquois définissent ainsi les décrocheurs scolaires : élèves ins-crits la première année mais non plus ensuite, non titulaires d’un diplôme d’études secon-daires et résidant au Québec l’année suivante (Janosz, Leblanc, 1996). Une autre définitiondes mêmes auteurs précise : Ainsi, un décrocheur est défini comme tel s’il a quitté l’écolesans avoir obtenu de diplôme de niveau secondaire, soit au secteur des jeunes, soit au sec-teur des adultes […] et sans non plus y être retourné pour en compléter les exigences avantl’âge de 22 ans (Janosz, Leblanc, Boulerice, 1998, 91). Cette définition a remplacé cellesqui prévalaient auparavant, et qui définissaient le décrocheur comme celui qui met fin,volontairement ou involontairement, temporairement ou définitivement à son programmed’études et qui s’est clairement retiré du système scolaire avant l’obtention de son diplôme(Janosz, Leblanc, Boulerice, 1998, 78). Cette définition introduisait des zones floues dansla définition, mettait en jeu la « volonté» du jeune concerné, et interdisait toute comptabi-lisation précise.

Le terme de décrocheurs monte «en force» aujourd’hui dans le vocabulaire néosavantet courant en France. Témoin de son apparition et de sa banalisation comme thème d’actua-lité, plusieurs documents télévisés, tout début septembre 2004, abordent le thème, avec larécurrence du même mot : les enfants (ou les élèves) décrocheurs10. L’utilisation du termede «décrocheur» reviendrait ainsi à couvrir toute sorte de difficultés vécues par les élèves,des absences aux retards dans les apprentissages, en passant par les difficultés d’ordre psy-chologique ou familial.

L’absentéisme

L’absentéisme est défini dans les textes français de la manière suivante : lorsque l’enfanta manqué la classe sans motif légitime ni excuse valable au moins quatre demi-journéesdans le mois (article L 131-8 du code de l’éducation). C’est à partir de ce critère que peut

10 Cf. Documentaire de Martini B., Quand les enfants décrochent, 2004, Arte, 7 septembre 2004.

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être déclenchée la procédure de signalement à l’inspection académique, dont les modalitésont récemment changé. Les diverses formes d’absences répétées, répertoriées par les tex-tes officiels et repérées par les diverses observations, forment un ensemble plutôt hétéro-clite qui ne renseigne pas sur les causes et la fréquence des absences. Il ne constitue pas unecatégorie scientifique utilisable en tant que telle, mais est le reflet d’une catégorisationadministrative qui s’appuie simplement sur le manquement à la loi, rappelée dans la circu-laire de 1996. Ce critère n’est pas aussi clair dans tous les pays : en Espagne, par exemple,les critères d’appréciation administrative de l’absentéisme restent à définir en la matière(Garcia Gràcia, 2003, 31).

En France, l’inassiduité scolaire a été, très vite après la mise en place de l’école publi-que, repérée comme un problème social grave et comme le symptôme d’une pathologiejustifiant l’entrée dans les classes de perfectionnement (Vial, 1990, 181).

L’absentéisme scolaire, symptôme de mal-être et porteur de danger social : ces deuxconceptions, non antinomiques, sont présentes dans les textes officiels, ainsi que dans lerapport Machard (2003, 9). C’est dans le cadre de la menace d’un danger social et d’unenécessaire protection des jeunes que l’obligation d’assiduité est interprétée comme pré-vention des conduites à risque, entendues principalement sous forme d’atteinte à autruicommises par les jeunes absentéistes11.

La recherche du profil psychosocial de l’élève scolarisé

C’est tentant et fort ancien… Un système fonctionne, bon an mal an, pour l’ensembled’une classe d’âge. Certains jeunes sont « inadaptés», ils ont des caractéristiques compor-tementales particulières (ils sont résistants à la frustration, impulsifs, indisciplinés, atteintsde « troubles du comportement », tels que « trouble de déficit d’attention» ou « troubleoppositionnel avec provocation»). La solution? Un programme de réadaptation en étapes,qui leur permettra d’acquérir les outils et la maturité qui leur manquent pour redevenir«normaux», c’est-à-dire scolarisables, selon les normes et le fonctionnement du systèmescolaire actuel. C’est la démarche de psychorééducateurs nord-américains et québécois quiorganisent les «classes à paliers ». L’efficacité du « traitement» en termes d’adaptation à laconformité scolaire est loin d’être démontrée (Massé, Lanaris, Carignan, 2004, 83-93).

Au cours d’une étude explorant le lien social chez des élèves scolarisés, des chercheursquébécois dégagent cinq types d’élèves présentant divers types d’inadaptation, allant de larébellion scolaire (absentéisme, retards) à la délinquance scolaire (vandalisme, bagarres,opposition franche) (Brandibas, Favard, 2003, 82). Ces interprétations relèvent plus dujugement moral que de l’approche scientifique, et n’interrogent pas les interactions entre lesélèves, les enseignants ou autres personnels scolaires, les familles, les pairs etc. D’aprèsJanosz, Le Blanc et Boulerice (1998, 88-101), l’étude de la corrélation entre les conduitesinadaptées et le décrochage scolaire, si elle existe, se heurte à la définition même de laconduite inadaptée. Elle rassemble des éléments aussi hétéroclites que conduites délin-quantes, consommation de drogues illicites, promiscuité sexuelle, rébellion familiale, ina-daptation scolaire et grossesse adolescente… La rébellion familiale par exemple pourraitêtre considérée comme une réaction plutôt positive et «adaptée», alors que son absence tra-duirait un conformisme et une soumission aux adultes plutôt inquiétante à l’adolescence.

11 Bulletin officiel n° 9, 4 novembre 1999, hors série prévention des conduites à risques, 47.

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Le système scolaire oscille entre l’adaptation aux règles de la libre entreprise suivant leparadigme industriel, et le développement personnel de l’élève sur tous les plans (connais-sances, affectivité, créativité, etc.) suivant le paradigme existentiel (Bertrand, Valois, inJanosz et Leblanc, 1996, 74-78). Adaptation et inadaptation scolaire ne seraient pas alorsliées aux caractéristiques psychoaffectives des élèves, mais plutôt au décalage entre lesexigences liées à ces paradigmes et les aspirations et besoins exprimés par les élèves.

Contrairement aux auteurs qui décrivent diverses formes d’inadaptation scolaire, d’au-tres parlent d’inadaptation de l’école à certains publics particuliers : c’est moins l’appareilscolaire et ses finalités qui est questionné dans son ensemble, que des aspects de son ina-daptation à des populations elles-mêmes inadaptées au déploiement pédagogique actuel(Missaoui, Missaoui, Tarrius, 2002, 36). L’inadaptation n’est pas considérée du point devue d’une pathologie individuelle à traiter et à redresser, mais de celui de modes de vie degroupes particuliers, guidés par la nécessité de la survie et très mobiles, qu’il s’agirait deprendre en compte pour une organisation la plus efficiente possible de la scolarité desenfants et des adolescents. L’inadaptation réciproque renvoie aux interactions entre lesagents scolaires et les populations scolaires, et au fonctionnement du système scolaire.

Le milieu social étudié

En France, les rapports de recherche les plus récents se sont quasiment tous intéressés àdes élèves des établissements scolaires situés en zone d’éducation prioritaire ou en milieuouvrier, ou à des populations plutôt marginalisées et sans pouvoir socio-économique, cer-tains chercheurs ayant d’ailleurs comme parti pris de départ l’étude des processus dedécrochage scolaire en milieu populaire (Thin, Millet, 2003, 16). La déscolarisation ou lesabsences scolaires nombreuses touchent-elles pour autant uniquement ces catégoriessociales-là ? Certes, les résultats scolaires des élèves de milieu populaire souffrent dedéterminismes sociaux qui les rendent moins performants que ceux d’autres catégoriessociales (Dubet, Duru-Bellat, 2000, 104-105). Il en serait de même pour les absences(Lagrange, Cagliero, 2002, 50). Les mêmes constatations ont été faites en Espagne (GarciaGràcia, 2003, 11).

Quant aux arrêts de scolarité avant 16 ans, si l’on peut supposer qu’ils sont plus nom-breux dans les catégories sociales les plus modestes (Geay, Meunier, 2003, 25), nous nedisposons d’aucune connaissance comparative précise sur leur existence dans l’ensembledes catégories sociales. Le rapport dirigé par Blaya s’est intéressé entre autres à des ado-lescents de milieu aisé qui ont petit à petit décroché de leur scolarité. Elle rappelle les quel-ques études mentionnant les jeunes de milieu aisé, dont celle de Baillion et de Choquet etHassler (Blaya, Hayden, 2003, 34-39). Le contrôle social et la stigmatisation sont bienmoindres pour ces jeunes et leurs familles que pour ceux des milieux pauvres, ils sont l’objetde prises en charge psychologiques fréquentes, et d’une attention parentale assez faible. Ilsemblerait que des «arrangements» soient possibles avec l’école. Un cas de jeune issud’un milieu aisé est évoqué dans le rapport dirigé par Ropé (2002, 169-173). Des étudesapprofondies restent à faire sur l’absentéisme lourd et la déscolarisation dans ces catégo-ries sociales.

Quelques essais de typologie

Parmi les rapports de recherche issus de l’appel d’offres de décembre 1999, en France,seuls quelques-uns ont tenté des typologies d’élèves en voie de déscolarisation.

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L’équipe ESCOL/Printemps/SYLED12 repère deux types de situations qu’ils nommentprofils : le profil abandon et le profil exclusion, à propos desquels ils repèrent des compor-tements différents. Les jeunes correspondant au profil abandon sont moins sujets aux dif-ficultés relationnelles, alors que les exclus ont vécu des conflits importants avec des mem-bres de l’institution scolaire : à travers la violence récurrente (verbale et/ou physique) deleurs comportements et leur refus régulier de reconnaître les lois de la sociabilité scolaire,(les exclus) paraissent manifester le rejet le plus ostensible de l’institution (Bautier et al.,2002, 26-27). Les exclus sont plus des garçons, les abandonneurs des filles. Cette typolo-gie de situations ne renseigne pas sur les interactions vécues entre élèves et maîtres. D’autrepart, les politiques d’exclusion varient d’un établissement à l’autre et la catégorie desexclus n’est pas homogène en soi. Les causes des abandons sont multiples et cette «caté-gorie» ne recouvre pas, elle non plus, un champ très précis.

L’intérêt d’une typologie apparaît faible, eu égard à la complexité des processus. Eneffet, l’étude de chaque situation amène à l’analyse des multiples facteurs qui conduisent àl’arrêt de scolarité, qui s’entremêlent souvent : lacunes quelquefois accumulées à l’écoleélémentaire, problématique scolaire et familiale à l’entrée en 6e, modifications de la confi-guration familiale sinon « rupture biographique» (placement par exemple) au début des« années collège», interactions négatives voire violentes avec des enseignants, impact desjugements scolaires négatifs… Chaque situation est singulière, même si l’on retrouve despoints communs entre les unes et les autres. Comme nous l’avons déjà mentionné, plu-sieurs facteurs se combinent dans l’étude des situations de chaque jeune et leur catégorisa-tion en devient aléatoire.

Une déscolarisation particulière des enfants d’immigrés?

Les familles « immigrées», expression qui regroupe une très grande complexité desituations, seraient plus «vulnérables» et touchées par la déscolarisation de leurs enfants.Cette idée reçue, communément répandue, n’est pas confirmée en ce qui concerne lesfamilles d’immigration ancienne, c’est-à-dire que l’on trouve des jeunes de toutes originesparmi les déscolarisés, sans qu’une proportion particulière d’une ou autre origine n’appa-raisse, hormis dans les zones géographiques où elles sont particulièrement nombreuses. Lefacteur déterminant semble plus être, avec les réserves que nous avons mentionnées, celuides caractéristiques socio-économiques des groupes d’appartenance des jeunes.

Certains jeunes, membres de familles d’immigration ancienne, trouvent dans une acti-vité professionnelle familiale une issue à des difficultés scolaires importantes, tel Oualid,qui travaille dans l’épicerie familiale depuis l’âge de 14 ans environ, fréquente le collègede manière assez épisodique et attend ses 16 ans pour démarrer un apprentissage dans« l’hôtellerie» (Péraldi, 2002, 97-98). Un cas du même type est cité dans le rapport dirigépar Ropé (2002, 182-185). Comme dans le cas précédent, l’adolescent trouve dans l’acti-vité familiale un cadre, le sentiment d’être utile et une voie professionnelle possible. Maiscette opportunité n’est pas intrinsèque à l’origine de sa famille, d’autres familles pour-raient en offrir de semblables.

Lors de la recherche que nous avons faite sur Roubaix, nous n’avons pas rencontré desjeunes qui intégraient l’activité professionnelle familiale. Un enfant rencontré au cours del’enquête, âgé de 11 ans, jamais scolarisé, était le fils aîné d’une famille roumaine en situa-

12 Éducation Scolarisation Paris VIII, Systèmes linguistiques, énonciation et discours, Sorbonne nouvelle,Paris 3.

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tion irrégulière, en grande pauvreté. Les demandes de scolarisation se heurtèrent au manquede place dans les classes d’accueil du secteur. Son cas pourrait être intégré aux analyses deSchiff quant aux difficultés de scolarisation vécues par les jeunes «nouveaux arrivants»,étrangers non francophones. Plusieurs centaines de jeunes âgés de moins de 16 ans semblentêtre sans solution de scolarisation. L’équipe de recherche repère des réticences à la scolarisa-tion des jeunes migrants de la part des personnels scolaires, assimilant «étranger» et «risquede délinquance». Elle souligne des absences d’orientation ou des orientations vers l’ensei-gnement professionnel, une absence de liens avec les autres élèves de l’établissement et uncentrage sur les matières où les élèves étrangers sont en difficulté. Certains sont maintenus enstructures d’accueil ou au contraire orientés très rapidement en classe ordinaire, ou bienorientés vers le secteur de l’adaptation et de l’intégration scolaire… On observe en tout étatde cause un bricolage certain dans l’organisation de leurs études. Tous ces phénomènescontribuent à la non-scolarisation ou à la démotivation suivie d’une déscolarisation d’élèvesétrangers non francophones (Schiff, in Glasman, Oeuvrard, 2004, 169-185).

Tarrius et Missaoui ont étudié le cas des Marocains et Algériens d’immigration récentedans la région de Perpignan. Leur relation à l’école est liée aux opportunités de participer àdes activités professionnelles transnationales (de commerce principalement) et d’échapperainsi au chômage et aux minima sociaux, considérés comme la trajectoire même de la hontesociale (Missaoui, Tarrius, 2004, 198). Les garçons sont plus concernés que les filles par cesprocessus. Les familles pratiquent l’auto-formation et les chercheurs parlent plus de fac-teurs de réussite ou de débrouille que d’échec scolaire (Missaoui, Tarrius, 2004, 198).

Les chercheurs ont étudié également les trajectoires scolaires et sociales des gitanscatalans de Perpignan. Là aussi les garçons, plus que les filles, intègrent les activités éco-nomiques de leurs parents, quelquefois dès l’âge de 12 ans, et les familles pratiquentl’auto-formation dans des réseaux transnationaux. Les chercheurs repèrent cependant desexpériences scolaires de mixité sociale, induisant un investissement différent pour lesfamilles et les enfants gitans qui les fréquentent (Missaoui, Tarrius, 2004, 196).

Par ailleurs, certains couples gitans, des couples mixtes (femme gitane/homme nongitan) et des mères gitanes seules peuvent quitter la communauté à la suite de ruptures oude conflits et adopter des stratégies parentales de grande conformité aux normes scolairespour leurs enfants (Missaoui, Tarrius, 2004, 192, 193).

En Espagne même, les chercheurs soulignent la non-scolarisation ou les absences nom-breuses des enfants gitans ou des groupes marginalisés économiquement (Garcia Gràcia,2003, 11 ; Antuñez Garrido et al., 2005, 139).

Parmi les élèves dont nous avons étudié les processus de déscolarisation, plusieurs sont« d’origine étrangère» (Esterle-Hedibel, 2003a). Les parents de Patrick sont Portugais,ceux de Babacar Sénégalais, ceux de Jordan Algériens. Il serait fallacieux de leur chercherdes points communs à travers ces origines : la mère et la sœur, les frères de Patrick maîtrisentparfaitement le français, mais ne peuvent lui offrir un cadre éducatif qui serait compatibleavec l’école, et leur éloignement du système scolaire (et réciproquement) est courammentobservé en milieu populaire. Les parents de Jordan, par leur lieu de résidence et les profes-sions qu’ils exercent, ne font pas partie des populations immigrées pauvres de la région. Ilsne s’opposent pas ouvertement aux agents scolaires qui stigmatisent leur fils, mais trou-vent une voie alternative qui lui permet de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouvait.Par contre, un problème linguistique directement lié à l’origine étrangère des parents deBabacar leur interdit une communication fluide avec les agents scolaires, mais ce n’est pasle seul : un fossé les sépare de ces derniers, proche de celui que l’on trouve dans les famillesnombreuses et pauvres, où chacun lutte pour sa propre survie et où l’école apparaît comme

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un bloc lointain et incompréhensible. Les tentatives de la mère de Babacar pour contrôler laprésence de son fils au collège sont vues comme des manifestations intempestives par laconseillère principale d’éducation (CPE) : il lui est arrivé de téléphoner plusieurs fois parjour pour savoir si son fils était dans l’établissement. Ses demandes d’aide auprès du servicesocial sont interprétées comme la marque de sa «mentalité d’assistée». On le voit, c’est plu-tôt la «culture de classe» ou celle de la famille qui va être une variable explicative perti-nente de la trajectoire du jeune, plutôt qu’une origine nationale différente en soi.

Comment le système scolaire intervient-il dans le développementdes processus de déscolarisation ?

Y aurait-t-il des élèves considérés comme « inéducables» ou « inenseignables» àl’école, dont l’existence démentirait le discours sur la démocratisation de l’école? Il n’estpas inutile de revenir sur le contexte structurel dans lequel se sont petit à petit développésla notion d’échec scolaire et le discours autour des violences, de l’absentéisme et de la dés-colarisation.

Après plusieurs décennies de massification de l’enseignement, les inégalités socialesperdurent en son sein (Dubet, Duru-Bellat, 2000) et l’on y retrouve les stratifications socia-les existant dans la société. Ces inégalités sociales et « l’échec scolaire» qui touche surtoutles élèves de milieu populaire, ont des répercussions plus sévères quand l’intégrationsociale dépend étroitement de la qualité du parcours scolaire, quand l’échec scolaire risqued’induire un échec ou une disqualification sociale (Lahire, 1993, 46). La mise en place ducollège unique (réforme Haby de 1975) a plutôt été organisée sur le mode de la préfigura-tion d’un «petit lycée» que sur celui d’une continuité avec l’école primaire (Dubet, Duru-Bellat, 2000, 35-36). Ce phénomène, combiné avec la massification de l’enseignement, aconfronté l’ensemble des catégories sociales à des formes d’enseignement largement des-tinées aux couches supérieures de la société. Si dans le premier degré, les interprétations entermes de difficultés cognitives ou psychologiques ont encore leur place, ainsi que l’inter-vention des réseaux d’aide spécialisés aux élèves en difficulté (RASED), dans le seconddegré, les «problèmes de comportement» sont massivement considérés par les acteursscolaires comme la cause des difficultés d’apprentissage, et appelés à être l’objet d’inter-ventions en forme de sanctions (Esterle-Hedibel, 2003a, 161-164).

La loi d’orientation de 1989 a confirmé l’objectif de conduire d’ici dix ans l’ensembled’une classe d’âge au minimum au niveau du certificat d’aptitudes professionnelles ou dubrevet d’études professionnelles et 80% au niveau du baccalauréat13. Mais les élèves endifficultés scolaires sont restés dans les collèges, sans que des dispositifs de remédiationpédagogiques n’aient été suffisamment construits pour leur permettre de continuer favora-blement leur scolarité. Les processus de ségrégation sont accentués par le choix des famil-les, en même temps qu’à l’intérieur des établissements les plus défavorisés, s’est dévelop-pée une « ségrégation à l’interne» par les options d’allemand première langue en 6e ou dulatin en 4e par exemple.

Les répartitions en classes de niveau, dont les regroupements sont effectués quelque-fois par les enseignants eux-mêmes, défavorisent les élèves en difficultés plus qu’ils nefavorisent ceux qui ont de bons résultats (Duru-Bellat, 2001, 67-68). Ces classes de niveau

13 Loi d’orientation sur l’éducation n° 89-186 du 10 juillet 1989, chapitre 1, article 3.

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correspondent à un besoin de confort pour les enseignants, peut-être réalisé dans les« bonnes classes », mais la situation peut se retourner contre eux dans les « mauvaisesclasses », où les cours deviennent « ingérables » : les élèves ont le sentiment d’être dansdes « fausses classes », les enseignants parlent de « catastrophes », d’« explosions »… Lesenseignants débutants se retrouvent souvent en charge de ces « classes poubelles », subis-sant alors ces situations comme une chute considérable de leurs ambitions professionnel-les (Barrère, 2002, 69-73).

Des passages fictifs en classe supérieure

Dans ce contexte favorable à l’accentuation des difficultés de certains élèves, les ensei-gnants sont amenés à faire un « tri» entre les élèves « récupérables» et les autres. Le critèrede sélection ne se fait pas tant au niveau des résultats qu’à celui du comportement scolaire :les élèves «perturbateurs» sont ainsi particulièrement visés par les jugements négatifs et leredoublement se fait quasiment au mérite, dans tous les cas sur la base d’un pari d’évolutionpositive, et de l’évaluation de la possibilité pour les enseignants de «supporter» l’élève uneannée de plus. Celui qui redouble est donc gratifié d’une «chance» supplémentaire, dont estprivé celui qui passe dans la classe supérieure, avec quelquefois des résultats plus faibles etun comportement plus perturbateur ou absentéiste. De ce fait, le redoublement au collègen’est pas corrélé à l’interruption précoce d’étude (Broccolicchi, 1998, 3).

Les relations maîtres-élèves et leur impact sur les performances scolaires

Plusieurs études nord-américaines signalent une variabilité entre les écoles quant à laprévalence du décrochage scolaire et de problèmes concomitants (Janosz, Leblanc, 1996,68-72) : niveau de réussite aux examens et performances scolaires générales, taille des éco-les et des classes, climat social et éducatif, activités parascolaires, hétérogénéité ou homo-généité des âges et des niveaux, conditions des redoublements, qualité de gestion de classedes enseignants et de la gestion d’établissement par les responsables… «L’effet établisse-ment» (Debarbieux, 1999), est également prégnant, d’après de nombreux travaux nord-américains et francophones, dans les processus de décrochage scolaire, l’effet-classe pou-vant être supérieur à l’effet-établissement (Blaya, Hayden, 2003, 28).

Les pratiques pédagogiques des enseignants peuvent contribuer à développer chez lesélèves la distinction entre tâche et activité scolaires, la tâche correspondant à l’exercicedemandé par l’enseignant, l’activité faisant le lien entre les leçons précédentes et les sui-vantes, et étant empreinte de sens en soi pour l’élève. Les élèves en échec ont une relationd’imbrication au savoir (dépendance à la situation scolaire et à l’enseignant), alors que lesélèves plutôt en réussite ont une relation d’objectivation ou de distanciation au savoirmédiateur entre le sujet et le monde (Jellab, 2004, 131-143).

Woods (1992, 56) rappelle que la déviance implique nécessairement deux acteurs etque l’enseignant peut provoquer ou atténuer la déviance par le style de sa relation avecles élèves (enseignant provocateur ou isolateur de déviance). Le processus d’étiquetagepeut exister au niveau d’une équipe enseignante au sujet d’une classe, de plusieurs élèvesou de l’un d’eux en particulier. C’est la prophétie auto-réalisatrice (self fullfilling pro-phecy) : les élèves concernés seront ainsi pris dans le jugement négatif dont ils sont l’objet,et y répondront en en accentuant les traits (Palmer, Humphrey, 1990). Cette prophétie,ajoutée aux préjugés négatifs concernant l’environnement familial et les performancespotentielles des élèves de milieu populaire, finit par produire les effets annoncés, accom-pagnés d’une détérioration de l’image de soi chez les élèves concernés (Walgrave, 1992, 43).

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52 DÉVIANCE ET SOCIÉTÉ

L’élève répondra ainsi à « l’injonction » qui lui est faite en abandonnant le système sco-laire (Esterle-Hedibel, 2003a, 164).

Broccolicchi (2000, 43) souligne par ailleurs que l’accompagnement dont ils (ceux quiont continué leurs études) ont bénéficié durant leur scolarité secondaire contraste defaçon saisissante avec la solitude qui caractérise l’histoire scolaire des jeunes qui n’ontpu acquérir une qualification. Carra souligne l’intériorisation par les élèves des étiqueta-ges négatifs portés sur eux (Carra, 2002).

L’intériorisation du stigmate

La question du rapport aux enseignants et à la légitimité de leurs jugements change fon-damentalement du primaire au collège. Les relations entre pairs gagnent en importance, lescultures juvéniles entrent en contradiction avec les normes scolaires de manière plus pré-gnante (Lepoutre, 1997 ; Dubet, Martuccelli, 1996). En cas de difficulté scolaire majeure,le recours à l’indiscipline, à l’insolence, peut être utilisé par les élèves comme moyen deconstruire une identité, déviante par rapport aux normes scolaires mais conforme par rap-port aux normes juvéniles. Fragilisés dans le système scolaire, ils deviennent des «outsi-ders» (Becker, 1985, d’autant plus que l’indiscipline se pratique souvent collectivement.L’indiscipline peut dans le même temps constituer un facteur de risque dans un processusde déscolarisation (Esterle-Hedibel, 2004c, 247-264).

L’intense sentiment d’auto-dévalorisation vécu par des élèves en échec scolaire estconfirmé par des chercheurs canadiens qui décrivent l’expérience scolaire des futurs décro-cheurs comme négative, empreinte de frustrations et d’échecs (Janosz, Leblanc, 1996, 64).

Mais il ne faudrait pas considérer seulement les interactions entre enseignants et per-sonnels scolaires et élèves, hors du contexte institutionnel dans lequel elles se situent. Lesenseignants vivent en effet très directement la contradiction entre les intentions affichéespar l’institution scolaire et la réalité de l’enseignement dans les établissements : scolarisertous les jeunes d’une même classe d’âge dans le même cadre, respecter et développer« l’égalité des chances», sans qu’institutionnellement, les moyens ne soient fournis auxintéressés pour qu’ils puissent mettre en actes ces objectifs. La tentation est grande alors de« séparer le bon grain de l’ivraie», pour ne garder finalement que les élèves conformes auxexigences du système scolaire tel qu’il est organisé aujourd’hui.

On observe alors le respect formel de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, accompa-gné de la non-résolution des difficultés patentes de certains élèves, certains d’entre eux seretirant alors d’une situation sans issue. Ce retrait peut être silencieux ou beaucoup plusspectaculaire, il s’accompagne alors d’exclusions définitives lors de conseils de discipline.

Quand l’école déscolarise

Plusieurs rapports issus de l’appel d’offres de décembre 1999 mentionnent des formesd’arrêts de scolarité par l’école elle-même : mises à pied conservatoires préalables ouexclusions par des conseils de discipline, d’élèves pour lesquels une orientation vers unétablissement spécialisé n’a pas été trouvée, exclusions quelquefois prononcées pour faireavancer un dossier (Péraldi, 2002, 149-151 ; Esterle-Hedibel, 2003a, 83-84).

Péraldi (2002, 39-42) cite le cas d’un jeune affecté dans un collège, dont les responsa-bles, après un incident (suspicion de tentative d’effraction du véhicule d’un enseignant)refusent l’inscription, en toute illégalité. Sommés de le faire par l’inspection académique,après que l’élève soit passé en classe relais pendant quelques semaines, ils ne l’accepterontqu’avec de fortes réticences. Il sera l’objet d’une hostilité ouverte des personnels scolaires

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et ne restera au collège qu’une semaine, pris en charge ensuite dans des dispositifs relais.Ce parcours nous rappelle celui de Clint (Esterle-Hedibel, 2003a, 61) dont la réaffectationdans un collège, à la suite d’une exclusion définitive, n’a pas pu être effective à cause durefus quasiment explicite de la principale du collège concerné. Comme le souligne lechercheur, l’inspection académique peut faire pression pour une inscription, mais paspour les conditions d’une inscription… (Péraldi, 2002, 42). Sicot souligne les réticencesde chefs d’établissement à accueillir des élèves « atypiques » (porteurs de handicaps ou destigmatisations diverses, venant de classes spécialisées ou de classes relais) (Sicot, 2004,160-163).

Au cours d’une étude sur la prévention du décrochage dans un lycée technique et pro-fessionnel, un chercheur souligne que certaines démissions sont le fait du chef d’établis-sement. Des lettres sont envoyées à domicile plutôt comme un dernier rappel pour réveil-ler la famille et l’élève et le faire revenir au lycée, ou pour se mettre en règle vis-à-vis del’administration (Noël, 2004, 57). Hayden souligne qu’en Angleterre, les autorités ont lapossibilité d’exclure les élèves jusqu’à 45 jours durant une année scolaire, et d’excluredéfinitivement un enfant à la suite d’un premier délit, la responsabilité de retrouver unétablissement scolaire incombant aux parents ou aux tuteurs de l’enfant (Blaya, Hayden,2003, 65).

Les travaux de recherche cités permettent de conclure que l’organisation du systèmescolaire favorise dans certains cas la déscolarisation. Cependant de très nombreux élèvesvivent les conséquences de ces fonctionnements, sans que leur scolarité ne s’arrête pourautant au cours de leurs « années collège». D’autres facteurs de vulnérabilité seront obser-vés parmi ceux dont la scolarité s’est arrêtée précocement.

Quels liens peut-on établir entre absences répétées, déscolarisationet délinquance?

L’oisiveté est mère de tous les vices, dit-on… Les «absentéistes», et plus encore lesélèves déscolarisés, censés être en situation de vacuité sociale, et de fait disposant de peud’alternatives à l’activité scolaire, ont-ils tendance à se livrer à des actes délinquants,comme une représentation courante tendrait à le laisser penser ?

En France, des textes officiels soulignent l’éventualité de ce lien14. Blaya et Hayden(2004, 283) rappellent qu’en Angleterre, la question de l’absentéisme scolaire est égale-ment étroitement liée à celle de la délinquance juvénile. Plusieurs travaux peuvent nousrenseigner à ce propos. Notons d’ailleurs que relativement peu de récents travaux sur ladéscolarisation en France se sont penchés sur la question du lien entre déscolarisation,absences répétées et délinquance.

Tout d’abord, les liens entre école et construction identitaire déviante ou normée sontattestés par de nombreux travaux, et il est d’autant plus important de le souligner aujourd’hui

14 L’absentéisme scolaire peut être le signe d’un mal-être et d’une situation personnelle, familiale ou socialefragilisée pouvant conduire, dans les situations les plus graves, à la marginalisation, voire à la délinquanceou la violence. C’est pourquoi il doit faire l’objet d’un suivi attentif par le chef d’établissement qui devra, enparticulier, rappeler aux parents leurs obligations éducatives et les mesures d’aide et de soutien dont ils peu-vent bénéficier.Violence en milieu scolaire, lutte contre la violence en milieu scolaire et renforcement des partenariats, C.n° 98-194 du 2 octobre 1998. JO du 11 octobre 1998, hors série n° 11 du 15 octobre 1998.

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que l’école est le premier lieu de sociabilité extérieur à la famille pour l’ensemble des enfantset adolescents. Cohen (1955) analysait l’école comme un possible déclencheur de déviance,par le décalage constaté par les élèves de milieu populaire entre le discours et la réalité despossibilités qui leur sont offertes. Dans la compétition scolaire, les garçons des classes popu-laires sont nettement désavantagés par rapport à ceux des classes moyennes, pour lesquelsl’école est plus adaptée, sur le fond des matières enseignées et sur la forme des attitudes et dela démarche d’apprentissage à adopter en milieu scolaire. Constatant ce décalage à leur netdésavantage, les garçons de milieu populaire s’orienteraient alors vers la sous-culture délin-quante, mieux à même de leur offrir le statut gratifiant qu’ils recherchent. Cloward et Ohlin(1960) soulignent l’impossibilité pour les jeunes de milieu populaire qui ont échoué dansleurs études, d’accéder légalement aux critères de réussite matériels prônés par les modèlesdes classes moyennes.

Ces analyses reprennent celles du «conformisme frustré» de Merton (1965) : la délin-quance naîtrait de l’impossibilité d’acquérir les biens de consommation par les voies léga-les, et de la frustration qui s’ensuit. Des sous-cultures d’opposition peuvent se déclencherau sein même de l’école, analysées comme des formes de résistance par certains auteurs,mais aussi comme des formes d’adaptation non conscientes à des contextes de scolarisa-tion dévalorisés (Van Zanten, 2000, 378), point de vue partagé par Barrère (2003, 53-54).Elle rejoint ici les constatations de Broccolicchi et Oeuvrard (1993). Les élèves des «mau-vaises classes», pratiquant le «chahut anomique», peuvent s’orienter vers des conduitesdélinquantes. Certains élèves ne sont pas spécialement opposés à l’école au début de leurscolarité, mais les difficultés scolaires, l’intériorisation du stigmate de «mauvais élève»,incapable de redresser une situation périlleuse, finissent par les conduire à adopter des pra-tiques déviantes qui les éloignent largement des normes scolaires.

Les recherches de Walgrave (1992, 33-51) soulignent l’importance de l’échec scolairedans les processus de délinquance juvénile. Il souligne que les délinquants enregistréscomme tels ont de moins bons résultats, ils s’engagent moins dans les tâches scolaires, ilsposent plus de problèmes disciplinaires, ils font plus l’école buissonnière (Walgrave,1992, 33). Jarjoura introduit un élément supplémentaire qui permet de relativiser la rela-tion entre abandon scolaire et délinquance. Il distingue en effet les raisons qui ont poussé àl’abandon des études. Les jeunes qui ont décroché pour des raisons familiales n’ont pascommis d’actes délinquants par la suite. Par contre, on a pu noter une corrélation positiveavec toutes les formes de déviance pour ceux qui ont arrêté leur scolarité car ils n’aimaientpas l’école (Jarjoura, 1993, 149-172).

Roché souligne le lien existant d’après lui entre la « frustration scolaire relative» et ladélinquance des jeunes, car le collège pour tous a mis à jour les inégalités : les élèves demilieu pauvre pensent pouvoir réussir comme les autres, alors que l’école perpétue les iné-galités sociales. Tout le monde ne peut prétendre occuper les bonnes places (Roché, 2001,149), alors qu’elles sont en théorie accessibles à tous. De ce leurre naîtrait une frustrationengendrant elle-même la délinquance. Cette tendance ne saurait s’infléchir dans l’avenir,car la sélection des élites par le mérite scolaire ne risque pas de diminuer, c’est même unefonction de l’école (Roché, 2001, 149). Il soutient l’hypothèse que moins l’investissementscolaire est important, plus les élèves déclarent des actes délinquants, car ils disposent deplus de temps pour cela (Roché, 2001, 133-134).

Cependant, tous les jeunes en échec scolaire ou désinvestis de l’école ne sont pas pourautant délinquants. Il convient de considérer ces analyses comme des hypothèses de fac-teurs déclenchants, combinées à d’autres paramètres.

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Décrochage, abandon scolaire et délinquance

Des faits de délinquance sont constatés au sein de l’école et ne sont pas systématique-ment corrélés avec des processus d’arrêt de la scolarité. Au collège, des élèves peuvent êtreprésents et commettre des actes délinquants à l’extérieur de l’établissement (Lagrange,Bidart, 2000, 29-31), ce qui se comprend aujourd’hui par le simple fait de l’augmentationdu nombre des jeunes scolarisés et de la durée des études. D’autres seront absents réguliè-rement, tout en n’en commettant pas.

Si les parcours scolaires des jeunes qui commettent des actes délinquants sont la plu-part du temps des parcours d’échec marqués par des absences fréquentes (Chamboredon,1997, 183-184), l’inverse n’est pas systématiquement vrai : l’arrêt de la scolarité sans qua-lification ne signe pas l’entrée dans une carrière délinquante, les enfants absents étant sou-vent gardés au sein des familles, et peu ou pas du tout exposés à la commission d’actes dedélinquance de proximité (Esterle-Hedibel, 2003a, 164-165).

Certains auteurs affirment que l’abandon scolaire permet de réduire le stress et la frus-tration vécus à l’école, des facteurs qui favorisent l’apparition des conduites délinquantes(Elliott, Voss, in Janosz, Le Blanc, 1996, 65). En effet, plusieurs recherches des années1980 indiquent que les élèves ayant arrêté leur scolarité et trouvé un emploi ont diminuéleurs activités délinquantes deux fois plus que ceux qui n’en ont pas trouvé. Encore faut-ilque les décrocheurs soient en âge de travailler et que le marché du travail leur offre desemplois disponibles (Pronovost, Leblanc, in Janosz et Le Blanc, 1996, 65), ce qui est loind’être le cas aujourd’hui, en France tout au moins. Farrington et al. (1986, 348-351) souli-gnent que les jeunes interrogés déclarent moins d’actes délinquants pendant leur périodede scolarité que lorsqu’ils travaillent, ce qui contredit à première vue les résultats desrecherches précitées. Mais la période de scolarité s’arrête vers 15 ans, et celle de l’emploidémarre à cette période. Des comparaisons valides doivent donc se faire sur l’année des15 ans des intéressés. Quand cela est le cas, on ne note cependant pas, dans la même année,de différences notables entre les délits éventuellement commis en période de scolarité etceux commis en période d’emploi. Mais le pic de délinquance étant observé vers 17 ans, onpeut comprendre que les actes délinquants soient plus nombreux durant la période d’em-ploi que durant celle de la scolarité15.

Lagrange étudie le lien entre chômage, « rétention scolaire» (présence dans le systèmescolaire au-delà de l’âge requis) et délinquance. D’après lui, la rétention scolaire « sous-trait à la délinquance des acteurs potentiels», alors que lorsque le rythme du nombre dessortants sans qualification s’accélère, c’est l’inverse qui se produit. Le chômage, qui tou-che plus particulièrement les jeunes sans qualification, a également une incidence sur ladélinquance (Lagrange, 2001, 85-87).

Lagrange a étudié le lien entre «absentéisme» et conduites délictueuses dans la régionde Mantes-la-Jolie, en centrant son enquête sur les élèves de 3e de trois collèges, au 1er tri-mestre 1999. Près de la moitié des absentéistes étudiés ont des conduites de prédation ou dedélinquance expressive (délinquance avec ou non objectif d’appropriation des biens d’autrui).Seulement 25% de l’ensemble des absentéistes ont été mis en cause formellement. Récipro-quement, près de la moitié des mis en cause sont des absentéistes. Ils sont les cadets defamilles nombreuses, et ont vu leurs frères aînés se heurter au problème du chômage. Ilsauraient appris ainsi à vivre de petite délinquance, tout en ne percevant plus l’intérêt del’école, ce qui expliquerait leur absentéisme (Lagrange, Bidart, 2000, 8). Ce dernier ne

15 Cette recherche a été menée entre 1961-1962 et le milieu des années 1980.

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serait pas lié à une fronde ouverte contre l’école, mais plutôt à un désinvestissement, uneextériorité aux valeurs de l’école.

L’impact des groupes de pairs et les activités délinquantes

Les réseaux de sociabilité dans lesquels vit le jeune en voie de déscolarisation semblentprépondérants. L’influence des pairs et le regroupement des outsiders du système scolairesont des éléments à prendre en compte dans la construction d’une sous-culture déviante. Laconstitution en bande est renforcée par la stigmatisation induite par les classements scolairesnégatifs, et la logique de bande offre un refuge et une défense contre le sentiment de dévalo-risation qui habite les jeunes, tout en contribuant à activer le processus de déscolarisation(Esterle-Hedibel, 1997, 68-70; Carra, 2002; Maugé, Fossé-Polliak, 1983, 50). La bande estvenue à point nommé contrebalancer les effets stigmatisants des classements scolaires et levide causé par l’arrêt de la fréquentation de l’école (Esterle-Hedibel, 1997, 69-70).

Lors de la recherche que nous avons menée à Roubaix, (2003a, 165-166) nous avonsconstaté que les jeunes qui ont entamé des activités délinquantes avant l’arrêt de leur scola-rité les ont poursuivies par la suite, encouragés par leur groupe de pairs. Par contre d’autres,qui n’avaient eu aucune activité délinquante, se sont retrouvés très isolés à la suite de l’arrêtde leur scolarité. Ceci confirme les constatations de Lagrange et Cagliero (2002, 49-51)lorsqu’ils soulignent que les jeunes peu absentéistes participent à des réseaux de pairs«récents ou renouvelés», à l’inverse des jeunes plus absentéistes dont les trois quarts desréseaux sont «anciens», ce qui tendrait à montrer que les absentéistes sont plus liés à unesociabilité fermée, alors que les autres vivent des sociabilités dominées par les changementsinduits par le monde scolaire. Ceci vaut d’ailleurs plus pour les garçons que pour les filles.

Glasman souligne que les lycéens «décrocheurs» peuvent «se rapprocher d’un groupede pairs, groupe qui fournit suffisamment de repères et d’occasions d’affirmation identi-taire pour que l’exit hors du lycée ne signifie pas l’exil, pour que la non-appartenance aulycée ne soit pas la déshérence » (Glasman, 1998, 19).

L’impact du décrochage scolaire sur les conduites déviantes ou délinquantes n’est pasdémontré dans tous les cas, et dépend d’après plusieurs auteurs du contexte socio-économi-que et des possibilités offertes par le marché de l’emploi. Si absences répétées et délinquanceexistent chez les mêmes sujets, la relation de cause à effet entre l’un et l’autre, ou l’existencedans un même processus, d’étapes vers la délinquance, dont l’une serait constituée par desabsences de plus en plus nombreuses, est loin d’être généralisable. La question de la causalitéet la difficulté de sa démonstration reste donc posée (Janosz, Leblanc, 1996, 66-67).

Quelle part les familles prennent-elles aux processusde déscolarisation?

Ah, que l’école serait jolie sans tous ces élèves et leurs parents… Une représentationtrès communément rencontrée parmi les agents scolaires établit un lien de causalité entre laproblématique familiale et les difficultés observées en milieu scolaire (Dubet, 2002, 145),menant dans certains cas à la déscolarisation. Les parents sont ainsi considérés comme lesprincipaux éducateurs des enfants, redevables de leur conduite, y compris à l’école, alorsque les données issues d’enquêtes pourraient reprendre à leur compte que force est deconstater le peu de moyens et le peu de ressources mis à leur disposition pour assumerleurs responsabilités (Janosz, Leblanc, 1996, 74).

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Cette charge contre les parents n’est d’ailleurs pas nouvelle, on l’observe dès le débutdu XXe siècle ; dans les congrès d’instituteurs, la version ancienne de la «démission desparents» prend des accents martiaux : Il faut lutter contre les « résistances», la «mauvaisevolonté», le «goût du lucre» de parents « indifférents» « réfractaires», « faibles et immo-raux» et protéger les enfants «exploités par des ascendants sans scrupule» ou « indignes»(Vial, 1990, 33).

Ces représentations permettent du reste à l’école de se défausser de ses propres respon-sabilités (Van Zanten, 2001, 172-173). D’après la dernière circulaire française réglementantl’assiduité scolaire, si l’école ou l’établissement est le premier lieu de prévention, de repé-rage et de traitement des absences des élèves ; c’est là où la majorité des cas doit pouvoirtrouver une solution16, la source principale des absences des élèves et le cœur de la solutionse trouvent bien dans les familles. C’est aussi la philosophie du rapport Machard (2003, 8)qui, d’après son auteur, propose une architecture d’ensemble équilibrée, raisonnée et opé-rationnelle, centrée sur les enfants et leurs familles, sans toutefois négliger la symboliqueque revêt, dans une phase ultime et pour un nombre infime de parents «récalcitrants» –selon les termes employés par les magistrats auditionnés – l’existence d’une sanction.

En termes de recherches, l’accès au terrain conditionne bien souvent les résultats : cer-taines équipes de recherche, dans le cadre de l’appel d’offres interministériel sur les proces-sus de déscolarisation de décembre 1999, en France, se sont centrées sur les problématiquesfamiliales des jeunes déscolarisés ou décrocheurs et non sur les aléas de leur scolarité à pro-prement parler. Plusieurs équipes ont eu en effet des difficultés à entrer en contact avec lesétablissements scolaires. Il est donc logique que les problèmes familiaux apparaissentcomme prégnants dans ces processus. À ce propos, notre fonction d’enseignante-cher-cheure dans un IUFM a sans nul doute facilité considérablement notre travail d’enquêtedans les établissements scolaires. Ce fut aussi le cas pour d’autres équipes de recherches.

Des familles carencées?

Le « handicap socio-culturel » est souvent invoqué comme une forme d’explicationsaux difficultés des familles à suivre le parcours scolaire de leurs enfants. Les parents demilieu populaire sont censés utiliser des échanges verbaux stéréotypés, on ne s’adresseaux enfants que pour leur donner des ordres… pour crier ou pour menacer (Diatkine, inPinel, Zafiropoulos, 1983, 120). Cette vision réductrice des relations qu’entretiennent lesparents avec leurs enfants est à rapprocher des analyses de Bernstein (1975, 253) sur le« code restreint» utilisé par les parents avec leurs enfants en milieu populaire, et sur l’inca-pacité des parents à transmettre tant les règles morales que les savoirs et les techniquesélémentaires. Ce type d’explications considère l’éducation dispensée aux enfants desclasses moyennes et supérieures comme un ensemble de normes « évidentes », auprèsdesquelles les formes d’éducation dispensées par les parents de milieu populaire appa-raissent comme dévalorisées. Comme le souligne Thin, ces « théories » entrent en réso-nance avec les appréciations générales des enseignants et des travailleurs sociaux à pro-pos des parents : Ce qui est incriminé ici, c’est à la fois l’incurie des parents, le désordredans le fonctionnement de la famille et la déliquescence de la structure familiale (Thin,1998, 74).

16 Contrôle et promotion de l’assiduité des élèves soumis à l’obligation scolaire, circulaire n° 2004-054 du23 mars 2004, Bulletin officiel, n° 14 du 1er avril 2004.

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Le raisonnement est aujourd’hui poussé à l’extrême par nombre d’acteurs de dispositifsrelais, qui n’envisagent pas un travail avec les élèves déscolarisés ou en voie de l’être,indépendamment d’une implication des parents eux-mêmes, qu’ils sont ainsi enclins à« éduquer». Ils risquent ainsi de laisser sans soutien des enfants dont les parents ne peuventou ne veulent pas entrer dans les protocoles imposés (Esterle-Hedibel, 2004a, 167). Lesenseignants, par contre, sont plus distants et réagissent diversement aux demandes paren-tales d’aide concernant l’éducation des enfants (Van Zanten, 2001, 156).

Les familles populaires, des modes éducatifs divergents de ceux de l’école

Au lieu de raisonner en termes de déficiences parentales, Thin souligne que les famillesde milieu populaire élèvent leurs enfants selon des logiques socialisatrices divergentes decelles de l’école. Les contraintes sont exercées de l’extérieur par les adultes dans lafamille, alors que l’école pratique l’hétéro-contrainte (intégration des règles de conduite,considérée comme une marque d’autonomie). Les interdits sont contextualisés par la sanc-tion immédiate des transgressions en famille, alors que les transgressions sont « travail-lées» et les sanctions appliquées plus tard en milieu scolaire. Il existe un clivage net entretravail et jeu en famille, contrastant avec des activités d’apprentissage sur un mode ludi-que, et des méthodes actives faisant appel à l’organisation en groupe et à la créativité desenfants, avec des supports variés (sorties, visites) en milieu scolaire… (Thin, 1998).

Si les classes moyennes ont tendance à «scolariser» la vie quotidienne des enfants, toutau moins à leur proposer des activités qu’ils pourront réinvestir directement dans le proces-sus d’apprentissage et de socialisation scolaire, les familles populaires ne vont pasconstruire un plan intégrant l’école comme moyen central de réalisation d’un projet fami-lial (De Queiroz, 1995, 70), même si elles souhaitent la réussite scolaire de leurs enfants.Ces décalages peuvent expliquer en partie les «difficultés scolaires» de certains enfants, etpeser dans certains cas sur les processus de déscolarisation, sans en être pour autant la seulesource. En effet, ces attitudes sont communément observées dans l’ensemble des famillespopulaires, et pour autant les arrêts de scolarité ne touchent qu’une infime minorité des élè-ves. Il faut donc bien la combinaison avec d’autres paramètres pour qu’ils se produisent.

Précarité et rôle parental : un décalage de pouvoirs

De nombreux parents d’élèves déscolarisés sont dans la situation de vulnérabilitésociétale définie par Walgrave (1992, 86), comme le risque couru par certaines parties dela population dans leurs contacts avec les institutions sociales. Les personnes de hautevulnérabilité sociétale ne disposent ni du pouvoir, ni de l’autorité pour faire valoir suffi-samment leurs intérêts, leurs besoins, leurs valeurs, leur style de vie […]. Dans le champscolaire, ce décalage de pouvoirs s’observe dans les échanges entre parents et personnelsscolaires et les parents courent le risque d’une délégitimation auprès de leurs enfants(Millet, Thin, 2004, 272). Ces parents, eux-mêmes sans insertion socioprofessionnelle,sont disqualifiés de ce fait (Esterle-Hedibel, 2004b, 201-217), et on pourrait dire que si lesélèves échouent à l’école, c’est à cause de leurs parents, et s’ils réussissent, c’est grâce auxenseignants, d’après les représentations de ces derniers (Piot, 2002, 168-170).

D’une manière générale, le lien entre famille dissociée et délinquance est faible ou nulpour les délits graves (vols, comportements violents), un peu plus important pour laconsommation de cannabis, et significatif pour les «comportements problèmes» (fugues,absentéisme, discipline en classe) (Mucchielli, 2000, 26-34). Le conflit lourd en cas dedivorce est considéré comme un élément prégnant dans le développement des comporte-

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ments problématiques, (mais non de la délinquance proprement dite), d’autant plus si lesparents sont isolés, si la séparation s’accompagne d’une chute de revenus pour l’un et/oul’autre des parents, si la qualité de la relation entre parents et enfants se dégrade.

Les ruptures biographiques (accident, décès d’un parent, déménagements répétés, place-ments…) peuvent augmenter les risques de déscolarisation (Mucchielli, 2002, 23-29). Plu-sieurs études montrent que la précarité a une incidence certaine sur la faiblesse des résultatsscolaires des enfants (Davaillon, Nauze-Fichet, 2004, 325-371). Selon plusieurs auteurs,l’aide au travail scolaire par les parents et leur investissement symbolique dans la scolaritésont des variables importantes dans la réussite ou l’échec scolaire des élèves (Bautier et al.,2002, 30 ; Zeroulou, 1988, 447-469). Le lien entre pauvreté, précarité et exclusion scolaireest exploré dans une synthèse qui confirme le déterminisme social présidant aujourd’huiencore aux parcours scolaires des enfants (Kherroubi, Chanteau, Larguèze, 2004).

Par ailleurs, la qualité du contrôle parental et de la relation entretenue par les parents avecleurs enfants est reconnue comme déterminante dans les conduites transgressives de ces der-niers, la pauvreté et la précarité de vie des parents formant un puissant obstacle à l’échangeéducatif et au contrôle parental effectif. Le contrôle parental, appelé aussi supervision, per-met d’anticiper, de détecter et de surmonter les comportements déviants éventuels del’enfant. L’attitude parentale est déterminée par le bien-être des parents, mis à mal par le chô-mage et la précarité, avec le stress et la déstabilisation psychologique qui en résultent : fer-meture de la famille sur elle-même, absence de projets stimulants pour l’enfant, consomma-tion d’alcool et dépression, dégradation des relations intrafamiliales, incapacité croissante àrepérer, nommer et sanctionner les déviances de l’enfant de manière adéquate, oscillationentre retrait et autoritarisme. Pour que les injonctions parentales soient suivies d’effet, lesparents doivent bénéficier d’une crédibilité auprès de leurs enfants, qui reconnaissent ainsileur rôle parental et leur intention bienveillante à leur égard (Mucchielli, 2002, 23-29). Cettecrédibilité est mise à mal, voire inexistante dans certaines familles, les rapports de pouvoirs’inversant au moment de l’adolescence (Esterle-Hedibel, 2003b, 29-33).

La famille comme alternative à la déscolarisation

Plusieurs rapports issus de l’appel d’offre de décembre 1999 mentionnent l’importancede la prise en charge familiale d’un jeune qui arrête ses études avant l’âge de 16 ans(Péraldi, 2002 ; Missaoui, Missaoui, Tarrius, 2002). L’école prend à un moment donné del’histoire du groupe familial et du ou des enfants concernés, une place plus une moinsimportante selon les nécessités de l’équilibre familial ou de la survie économique. En casd’échec scolaire, de stigmatisation de la part des personnels scolaires et/ou de désintérêtprofond du jeune pour les études, l’arrêt de scolarité peut intervenir. Il se traduira par unevacuité sociale et un repli sur soi, par une place grandissante prise dans l’univers familial,en particulier pour les filles (Péraldi, 2002, 99-102 ; Esterle-Hedibel, 2003a, 109-118), ouun engagement plus important dans des activités délinquantes. La désaffection scolairepeut intervenir également car la médiocrité de la vie scolaire est contrebalancée par le sen-timent d’un devoir à accomplir ou l’attrait d’une activité commerciale en famille par exem-ple. Cette opportunité est plus rare aujourd’hui, elle peut se rencontrer dans le secteur ducommerce par exemple, et prendre des formes licites et intégratrices, ou plus marginales.

Les divergences entre les logiques socialisatrices des familles et celles de l’école pèsent,conjointement à d’autres facteurs, sur les processus de déscolarisation, et les ressources cul-turelles, économiques et sociales des groupes familiaux auxquels appartiennent les jeunes,peuvent être déterminantes dans la concrétisation d’alternatives à la déscolarisation.

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Conclusion

Nous l’avons souligné tout au long de cet article : au-delà des divergences de posi-tionnement, qui recouvrent souvent des postures méthodologiques distinctes, la questionde la causalité est interrogée et doit être examinée avec prudence, au profit d’hypothèsesde corrélations existantes entre les différents paramètres constitutifs des processus dedéscolarisation.

On dispose aujourd’hui de nombreuses études et recherches sur les processus de désco-larisation, au niveau national et international. Plusieurs d’entre elles s’attachent à ladéconstruction du phénomène et à l’explication de son apparition dans le débat public etdans le champ scientifique, illustrant ainsi le fait qu’il n’est pas d’objet sociologique neu-tre, et qu’un préalable indispensable à toute étude sur un « sujet d’actualité» est bien la dis-tance critique du chercheur par rapport à l’objet. Cette rupture épistémologique est d’au-tant plus indispensable si l’on s’intéresse aux recherches ayant lieu dans des pays où lascolarisation de la majorité des enfants ou des adolescents est loin d’être réalisée.

La variété des méthodologies et des spécialités des équipes permet de dessiner unlarge éventail des facteurs corrélés aux absences répétées et à la déscolarisation, et demobiliser plusieurs concepts : celui de l’étiquetage et de la stigmatisation, celui de l’ina-daptation scolaire, celui de la vulnérabilité sociétale des familles, celui du décrochagecognitif (le rapport au savoir), celui de « l’effet maître » et de « l’effet école »… Se croi-sent également dans ce champ de recherches la sociologie de la déviance, celle de l’édu-cation, celle de la famille, celle de la pauvreté… L’étude des processus de déscolarisationéclaire le fonctionnement des systèmes scolaires en période de massification de l’ensei-gnement dans les pays développés, comme point extrême des logiques de tri et de caté-gorisation et comme illustration de la persistance des inégalités sociales au sein del’école.

Les définitions de la déscolarisation sont variables d’une équipe à l’autre, et celles del’absentéisme et du décrochage d’un pays à l’autre. Selon les méthodologies utilisées et lespossibilités offertes par les terrains d’enquête, les chercheurs ont porté l’accent sur les fac-teurs familiaux présents dans les processus, sur les interactions présentes en milieu sco-laire, sur l’intervention des travailleurs sociaux, sur les groupes de pairs, sur les parcoursscolaires des garçons et ceux des filles… Rares sont les études qui combinent les diversesapproches, et il importe de rappeler que c’est la combinaison de toutes ces variables quipeut faire intervenir l’arrêt de scolarité, conjointement avec des paramètres macrosociauxrappelés par les chercheurs en sociologie et en histoire de l’éducation.

Il reste à développer des travaux de recherche sur les processus d’arrêts de scolarité etde décrochage scolaire parmi les jeunes des classes moyennes et supérieures, qui enrichi-raient le corpus des connaissances sur la notion d’« échec scolaire », sur les représenta-tions enseignantes et les interactions école/famille, sur les ressources familiales et lesréseaux mobilisés.

Par ailleurs, des recherches systématiques pourraient être entreprises sur les multiplesexpériences existantes visant à proposer des solutions alternatives aux élèves non confor-mes aux normes scolaires, tant en termes d’acquisitions que de comportements. Cesrecherches concerneraient non seulement les dispositifs ou les classes relais en France, oules collèges ou lycées alternatifs, à propos desquels on dispose déjà de plusieurs travaux,mais aussi les dispositifs locaux mettant en jeu les partenariats à l’intérieur de l’école et àl’extérieur. Il sera intéressant entre autres de vérifier si ces dispositifs, formalisés ou infor-mels, aménagent la marge du système scolaire, modifient ou non les logiques de sélection

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et de catégorisation soulignées par les recherches sur la déscolarisation, et comment ilscohabitent avec, tout au moins au niveau français, les tendances fortes à la pénalisation desconduites juvéniles en milieu scolaire.

Maryse Esterle-HedibelCESDIP

Immeuble Edison43, boulevard VaubanF-78280 Guyancourt

[email protected]

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WOODS P., 1992, L’ethnographie de l’école, Paris, Armand Colin.

ZEROULOU Z., 1988, La réussite scolaire des enfants d’immigrés, Revue française de sociologie, XXIX, 3,447-469.

Summary

In an age of mass secondary schooling, truancy and dropping out have become, after« school failure» and « violence», subject to public debate and have prompted images ofuncontrolled indeed deviant youths. A quantity of French and international research hasshed light on the discussion about causes of and correlations with irregular school atten-dance or early school-leaving ; they have pointed to the operation of the school system, inparticular in the French case. Establishing a typology of dropouts is a difficult task, as theprocesses involved are multi-factorial and depend on the interactions between the schoolagents, the students themselves and their close milieu (family, peers). Regarding the ele-ments involved in these processes, the scientific discussion includes the methods used bythe researchers.

KEY-WORDS : SCHOOL – FAMILY – DEVIANCE – DROPPING OUT – INTERACTION

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Zusammenfassung

Nach «Schulversagen » und « Gewalt an der Schule» sind mit der Vermassung derschulischen Sekundärausbildung nun der fehlende und unregelmäßige Schulbesuch zueinem Objekt der öffentlichen Debatte geworden und prägt das Bild der abweichendenSchüler und Schülerinnen. Mehrere französische und internationale empirische Studienerlauben Aussagen über Ursachen und Bedingungen für den unregelmäßigen oder fehlen-den Schulbesuch bei Jugendlichen unter 16 Jahren, wobei insbesondere im französischenKontext besonders auf die Funktionsweise des Schulsystems hingewiesen wird. Es istschwierig, eine Typologie der betroffenen Schüler und Schülerinnen zu entwickeln, da derProzess von verschiedenen Faktoren, wie den Interaktionen zwischen den Akteuren in derSchule, den Schülern und Schülerinnen selbst sowie von ihrem engeren sozialen Milieus(Familie, Peers) abhängt. Daneben berücksichtigt die wissenschaftliche Debatte über dieseElemente auch methodische Fragen.

Sumario

Después del « fracaso escolar» y la «violencia en la escuela», el absentismo, el aban-dono y la desescolarización – en un período de masificación de la enseñanza secundaria –,devienen objeto de debate público y generan representaciones sociales sobre los jóvenessin control, e incluso desviados. Varios trabajos de investigación franceses e internaciona-les permiten clarificar el debate sobre las causalidades y correlaciones que pueden serobservadas a partir de la frecuentación irregular de la escuela o el abandono de la escolari-dad antes de los 16 años, tomando en cuenta el funcionamiento del sistema escolar parti-cularmente en Francia. Es difícil establecer una tipología de los alumnos afectados, ya quelos procesos son multifactoriales y dependen de las interacciones entre los agentes escola-res, los propios alumnos y sus grupos íntimos (familia, amigos). El debate científico sobrelos elementos que intervienen en esos procesos toma en consideración los diversos méto-dos utilizados por los investigadores.

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