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Acceptation / Considération positive inconditionnelle Page 1 sur 8 Acceptation / Considération positive inconditionnelle (Inconditional Positive Regard) Une attitude fondamentale controversée de la thérapie centrée sur le client. Par Germain Lietaer L'acceptation positive inconditionnelle est probablement un des concepts les plus discutés dans le cadre de la thérapie centrée sur le client. Cette attitude fondamentale n'a pas toujours bénéficié d'un accueil inconditionnellement positif que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de notre orientation. A mon avis, cette ambivalence est partiellement liée au fait que Rogers n'a guère élaboré ce concept, ou du moins n'est pas entré dans les détails en ce qui concerne les problèmes qu'il pose. Voici ce qui pourrait être matière à discussion: 1) il existe un conflit potentiel entre l'authenticité ou la congruence d'une part, et l'attitude inconditionnelle d'autre part: 2) Les circonstances permettant à un thérapeute donné d'offrir à un client donné une acception inconditionnelle constante se trouvent rarement réunies. Aussi. Si l'attitude inconditionnelle n'est pas impossible, elle est cependant peu probable; 3) L'attitude inconditionnelle fait appel chez le thérapeute a la disposition de dévouement qui l'oblige à s'effacer lui-même ce qui peut provoquer une réaction compensatoire où la confrontation risque de devenir une forme d'auto affirmation. Les questions que cette attitude fondamentale pose et les difficultés qui lui sont inhérentes, se sont fait jour au fur et à mesure que la thérapie centrée sur le client s'est davantage focalisée sur la relation et que l'authenticité du thérapeute - qui implique entre autre le retour (feed-back) et la confrontation - devenait plus proéminent. Mon intérêt pour ce sujet vient à la fois de ma pratique et de mon expérience avec des étudiants qui m'ont confronté avec les démêlés qu'ils avaient avec cette attitude fondamentale. Cela me donna l'impulsion pour réfléchir sur certains aspects théoriques et cliniques de l'acceptation positive inconditionnelle. Je me propose donc, après avoir donné une définition préliminaire du concept, de faire ressortir son importance dans le processus thérapeutique. Puis, en troisième lieu, j'aborderai brièvement quelques considérations critiques à propos de ce concept. Quatrièmement, je fournirai une définition plus précis de ce qui fait l'essence de cette attitude fondamentale. Et finalement. en utilisant la définition plus élaborée comme cadre de référence, je traiterai plus en détail certaines limitations et difficultés qui apparaissent lors de l'expérience et lors de la communication de cette attitude fondamentale et j'examinerai aussi comment des interventions du type "confrontation" peuvent être intégrées dans un climat d'acceptation

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    Acceptation / Considration positive inconditionnelle

    (Inconditional Positive Regard)

    Une attitude fondamentale controverse de la thrapie centre sur le client.

    Par Germain Lietaer L'acceptation positive inconditionnelle est probablement un des concepts les plus

    discuts dans le cadre de la thrapie centre sur le client. Cette attitude fondamentale n'a pas toujours bnfici d'un accueil inconditionnellement positif que ce soit l'intrieur ou l'extrieur de notre orientation. A mon avis, cette ambivalence est partiellement lie au fait que Rogers n'a gure labor ce concept, ou du moins n'est pas entr dans les dtails en ce qui concerne les problmes qu'il pose. Voici ce qui pourrait tre matire discussion:

    1) il existe un conflit potentiel entre l'authenticit ou la congruence d'une part, et

    l'attitude inconditionnelle d'autre part: 2) Les circonstances permettant un thrapeute donn d'offrir un client donn une

    acception inconditionnelle constante se trouvent rarement runies. Aussi. Si l'attitude inconditionnelle n'est pas impossible, elle est cependant peu probable;

    3) L'attitude inconditionnelle fait appel chez le thrapeute a la disposition de

    dvouement qui l'oblige s'effacer lui-mme ce qui peut provoquer une raction compensatoire o la confrontation risque de devenir une forme d'auto affirmation.

    Les questions que cette attitude fondamentale pose et les difficults qui lui sont

    inhrentes, se sont fait jour au fur et mesure que la thrapie centre sur le client s'est davantage focalise sur la relation et que l'authenticit du thrapeute - qui implique entre autre le retour (feed-back) et la confrontation - devenait plus prominent. Mon intrt pour ce sujet vient la fois de ma pratique et de mon exprience avec des tudiants qui m'ont confront avec les dmls qu'ils avaient avec cette attitude fondamentale. Cela me donna l'impulsion pour rflchir sur certains aspects thoriques et cliniques de l'acceptation positive inconditionnelle.

    Je me propose donc, aprs avoir donn une dfinition prliminaire du concept, de faire

    ressortir son importance dans le processus thrapeutique. Puis, en troisime lieu, j'aborderai brivement quelques considrations critiques propos de ce concept. Quatrimement, je fournirai une dfinition plus prcis de ce qui fait l'essence de cette attitude fondamentale. Et finalement. en utilisant la dfinition plus labore comme cadre de rfrence, je traiterai plus en dtail certaines limitations et difficults qui apparaissent lors de l'exprience et lors de la communication de cette attitude fondamentale et j'examinerai aussi comment des interventions du type "confrontation" peuvent tre intgres dans un climat d'acceptation

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    Une dfinition prliminaire de l'acceptation positive inconditionnelle. L'acceptation positive inconditionnelle est un concept aux dimensions multiples. Dans

    la description de cette attitude fondamentale on peu distinguer diffrentes composantes qui sont en relation entre elles jusqu' un certain point, mais qui sont aussi suffisamment spcifiques en soi pour tre traites sparment. Aussi, dans la recherche empirique et selon les rsultats de l'analyse factorielle, cette attitude fondamental serait constitue de plusieurs dimensions relativement indpendantes telles que: la considration positive, l'attitude non directive, l'attitude inconditionnelle. Nous allons nous attacher tout particulirement examiner l'attitude inconditionnelle.

    La considration positive se rfre l'attitude affective du thrapeute vis a vis de son client, la question tant: jusqu' quel point parvient-il valoriser celui-ci et accueillir Sa venue, a-t-il foi en ses potentialits et arrive-t-il crer avec lui une relation de qualit non-possessive. On peut aussi appeler cette attitude "prendre soin" ou "chaleur non-possessive".

    L'attitude non-directive est une dimension qu'il serait plus correct de nommer "C

    centr sur le client", et elle se rfre essentiellement une notion de respect. Cela veut dire qu'on approche le client comme une personne unique et indpendante ayant le droit de vivre selon son propre point de vue. En opposition avec cela se poserait l'attitude paternaliste qui consiste a traiter le client selon le cadre de rfrence du thrapeute. Ce qui caractrise l'attitude paternaliste est le manque de respect pour l'intimit et les rythmes propres du client et le fait de vouloir le modeler selon nos propres schmas de sentiments, de penses et de comportements.

    Finalement, l'attitude inconditionnelle se rfre aussi bien la qualit de constance

    dans l'acceptation du client, qu' l'tendue de son registre. Acceptation inconditionnelle signifie que cette acceptation n'est ni tributaire de l'tat motionnel du client, ni de son comportement, ni de l'attitude qu'il adopte envers son thrapeute, ni de ce que d'autres peuvent penser de lui. Voici comment Rogers exprime l'importance qu'il attache cet aspect de la relation d'aide.

    "Un autre propos est: suis-je capable d'accepter chaque facette que cette autre

    personne prsente d'elle mme. Puis-je la recevoir telle qu'elle est ? Puis-je lui communiquer cette attitude? Ou ne suis-je capable que de l'accueillir de manire conditionnelle, en acceptant certains aspects de ses sentiments, en dsapprouvant d'autres tacitement ou explicitement ? Mon exprience m'a appris que lorsque mon attitude n'est pas inconditionnelle, alors la personne en face ne peut pas changer ou grandir dans ces aspects que je ne peux pas accueillir chez elle".

    Ainsi l'attitude inconditionnelle implique, entre autres, l'absence de jugement venant

    de l'extrieur et l'absence d'approbation et de dsapprobation provenant du cadre de rfrence du thrapeute. Comme Truax et Mitchell l'expriment de manire pertinente: "... Cela implique une acceptation plutt de ce qui est qu'une attente de ce qui devrait tre. Un client d'un de mes collgues qui avait l'habitude de transcrire ses expriences de thrapie, formulait ainsi le cot inhabituel de l'attitude du thrapeute : "Sur le visage des gens, mme ceux qui sont bien disposs mon gard, je lis toujours une norme, ou un ensemble d'attentes et je crains de ne pas tre la hauteur. Mors que sur votre visage, depuis le premier entretien, je n'ai jamais lu une norme".

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    La fonction de l'Attitude Inconditionnelle dans le Processus Thrapeutique. Pourquoi Rogers a-t-il donn tant de poids cette attitude ? Quelle est l'importance de

    cette attitude dans le processus thrapeutique ? Il est vident que la rponse cette question ne peut tre considre sans tenir compte des objectifs que se donne la thrapie centre sur le client et comment elle compte pouvoir atteindre ces objectifs

    Le but principal de la thrapie centre sur le client se dfinit globalement comme une

    tentative de remettre en mouvement le processus exprientiel du client, ou d'aider le faire fonctionner de manire plus riche et plus flexible. Nous voulons aider le client vivre celui-ci plus pleinement, et intgrer des lments de son exprience qu'il n'a pu affronter jusque l. Nous aidons le client atteindre une plus grande unit avec lui-mme, devenir congruent. Cela veut dire qu'un va et vient continuel entre l'exprience plus consciente du "moi" et le flot sous-jacent de l'exprience vcue, devient possible. Ainsi la personne devient moins rigide dans sa manire de vivre son exprience, elle devient plus ouverte l'gard de tous les aspects de son exprience, et elle commence avoir plus de confiance en sa propre exprience - dans toute sa complexit, ses potentialits et ses changements - la trouvant valable pour adopter un mode de vie qui serait un perptuel processus.

    Dans ce voyage "vers le soi" nous essayons d'assister le client en tant continuellement centrs sur lui, en ragissant a son mode exprientiel. Le vrai travail d'un thrapeute centr sur le client consiste principalement tre en contact avec les significations explicites et surtout implicites contenues dans le message du client ayant trait lui-mme, comme avec ce qui monte en moi et avec ce qui se passe entre nous deux. L'empathie et plus sporadiquement, l'expression de soi forment les aspects les plus tangibles de notre contribution comme thrapeutes.

    Quelle est alors l'importance d'une attitude inconditionnelle ? Ensemble avec la

    congruence du thrapeute, je considre que ces deux attitudes constituent les fondations, les couches profondes et fertiles, ncessaires pour permettre au thrapeute de ragir de manire sensible au monde exprientiel du client. Il s'agit d'attitudes fondamentales qui ne sont pas immdiatement visibles dans les interventions du thrapeute mais constituent nanmoins les conditions de base indispensables En effet, la congruence et l'acceptation sont senses tre troitement lies l'une avec l'autre, elles font partie d'une disposition l'ouverture plus fondamental: ouverture envers soi-mme (congruence), ouverture envers autrui (acceptation inconditionnelle). Plus je m'accepte moi-mme et suis capable d'tre prsent avec srnit au milieu de ce qui merge en moi, moins j'ai des craintes et des dfenses, plus je peux tre rceptif l'gard de tout ce qui vit chez mon client. Sans cette ouverture, sans cette acceptation, il n'est pas possible de laisser se dployer l'exprience de mon client, de le laisser venir la vie pleinement, car avec une attitude conditionnelle il y a de fortes chances pour que je ne voie pas certaines parties de l'exprience du client, avec le risque de les minimiser ou d'en rejeter certaines.

    L'importance que Rogers attache une attitude d'acceptation inconditionnelle doit tre

    examine par rapport son point de vue sur l'origine des dysfonctionnements psychiques. En effet, il considre l'amour conditionnel des parents et des personnes significatives comme tant la source premire de l'alination. Le sujet, afin de retenir l'amour des personnes qui sont importantes pour lui intriorise des normes qui peuvent tre contraires ses dsirs et son exprience. Ainsi, se produit une dissociation entre ce qui est l'objet conscient de nos efforts et notre vrai "soi"; nous serons alins de notre vritable "moi profond". C'est pourquoi, dans la thrapie l'attitude inconditionnelle du thrapeute sert a faire le contre poids et opre comme

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    une espce de contre conditionnement dans l'exprience corrective que le client fait dans la thrapie. Du fait de l'acceptation inconditionnelle du thrapeute, le client acquiert graduellement un sentiment de scurit suffisant pour aller s'explorer plus profondment, afin de se confronter avec des aspects qui jusque l avaient t trop menaants ou trop honteux. Ainsi, l'acceptation par le thrapeute facilite l'auto acceptation et le changement qui en est la rsultante. Lorsque le client fait l'exprience, un degr suffisant, d'une scurit dans la relation, le client ose abandonner un peu de son attitude dfensive et arrive avoir un contact plus intime avec lui-mme. C'est pourquoi une attitude d'acceptation ne conduit pas la stagnation, mais permet plutt l'volution de parties "geles" de la personne. La croissance et le changement deviennent possibles prcisment lorsque nous sommes capables de nous accepter comme nous sommes. A ce propos, le client cit plus haut crit : "Depuis le dbut j'ai expriment cela comme si la lumire pntrait pour la premire fois dans des endroits obscurs et froids o personne n'est jamais all auparavant. Ce n'tait pas de la lumire de non froide, mais une espce de chaude lumire bienfaisante grce laquelle quelque chose pouvait de nouveau se mettre vivre. C'est comme si on passait une lampe sur toutes sortes d'endroits douloureux qui alors gurissaient et commenaient vivre". En mme temps, cette absence de jugement extrieur incite le client d'avantage d'indpendance et de responsabilit vis vis de lui-mme: ce n'est pas ce que les autres pensent ou attendent de lui, mais la propre exprience de l'individu qui devient la base majeure de ses choix et de ses dcisions.

    Quelques Considrations Critiques. Au dbut de ce chapitre j'ai crit que le concept de l'acceptation inconditionnelle avait

    t svrement critiqu la fois l'intrieur et l'extrieur du cadre de la thrapie centre sur le client. Voici quelques brves considrations critiques parmi les plus pertinentes (Je laisse de cot celles qui proviennent d'un malentendu l'gard du concept et qui sont de ce fait errones).

    Les thoriciens de la psychologie cognitive ou Gesltat nous disent qu'il est naf de

    croire que l'attitude inconditionnelle est seulement possible. Selon leur opinion un renforcement slectif est invitable. D'ailleurs pour eux cela n'est pas en soi une mauvaise chose, du moins quand le thrapeute renforce de la bonne faon, c'est dire dans le sens d'un comportement plus adaptatif. Dans leurs critiques ils se rfrent aux effets de modelage qui apparaissent, d'aprs eux, dans chaque rencontre thrapeutique. En particulier, ils se rfrent la recherche (Murray, Truax 1956/66) qui prtend dmontrer que Rogers renforce effectivement slectivement.

    La thorie systmique soutient que nous ne pouvons pas ne pas influencer, en

    consquence, une thrapie "non directive" est au fond une illusion. Il y a une influence directive dans chaque sance de thrapie, bien qu'un thrapeute peut-tre plus subtil qu'un autre.

    Dans le cadre de la thrapie centre sur le client cette attitude inconditionnelle a

    galement t discute. A l'occasion de son travail avec ses clients gravement perturbs, Rogers lui-mme crit que le client ressent souvent une attitude inconditionnelle de la part du thrapeute comme de l'indiffrence et que au moins dans la premire phase de la thrapie, une attitude plus conditionnelle, plus exigeante, sera probablement plus efficace pour ta construction d'une relation. A travers ce travail avec des schizophrnes, mais aussi d'aprs leur exprience avec des groupes de rencontre et sous l'influence de leurs contacts avec l'orientation existentielle dans la psychologie amricaine, des thrapeutes centrs sur le client

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    commenaient mettre davantage l'accent sur l'authenticit et sur la possibilit d'amener sa propre exprience dans la thrapie. Dans ce contexte, une attitude inconditionnelle tait parfois considre comme un effacement de soi non ncessaire dans la relation thrapeutique, puisque cela peut aider le client avancer s'il est confront avec le retour du thrapeute.

    Voici donc quelques considrations critiques l'gard du concept de l'acceptation

    inconditionnelle qui fournissent suffisamment de raisons pour essayer de dcrire cette attitude avec plus de prcision.

    Une dfinition plus prcise de l'Attitude Inconditionnelle. Il est important de faire une diffrence entre l'exprience et le comportement extrieur

    - entre, d'un cot, tous les sentiments de mon client, ses penses, ses fantasmes, ses dsirs, et de l'autre cot - son comportement rel. L'attitude inconditionnelle se rfre mon acceptation de son exprience. Mon client devrait avoir la libert de pouvoir tout ressentir en ma prsence, il devrait sentir que je suis ouvert son exprience et que je ne jugerai pas. Mon client ne sera capable d'explorer plus en avant les expriences qui provoquent de l'anxit et de les vivre plus profondment, que lorsqu'il sentira que je suis capable d'tre prsent d'une manire sereine. Quand quelqu'un me dit qu'il attend avec impatience la mort de son pre, ou lorsqu'une cliente me dit qu'elle souhaite secrtement que son amie fasse un mariage rat, ou lorsque quelqu'un laisse sortir ses sentiments profonds de dsespoir, alors il est important que je sois capable d'accompagner cette exprience sans prouver de l'anxit ou de l'indignation. Alors seulement, le client peut explorer les besoins plus profonds que sous-tend cette exprience.

    Cette attitude de rceptivit envers le monde exprientiel intrieur de mon client ne

    veut pas dire que j'accueille tout comportement de la mme manire. Il peut y avoir l'extrieur comme l'intrieur de la relation thrapeutique certains comportements que je dsapprouve, que j'aimerais voir changer ou, simplement que je n'accepte pas. Souvent, d'ailleurs, la personne elle mme ne plaide pas en faveur de ces comportements, cela peut tre le cas quand il vient pour la premire fois en thrapie. Quand quelqu'un me dit qu'il n'ose jamais refuser quelqu'un, qu'il vole, qu'il se met cri retrait de toutes les relations, qu'il bat son enfant, et ainsi de suite... alors il s'agit de comportements que j 'aimerais voir changer, autant que mon client lui-mme. Il reste cependant important que je ne regarde pas seulement ce comportement de l'extrieur, et que j'essaie de le comprendre du point de vue a partir duquel le client exprimente tout dans sa vie. Sans approuver j'accepte son comportement comme quelque chose qui est l "au moment prsent" et je l'accompagne dans les problmes personnels qui se situent derrire. Quelque fois, cependant il arrive que je sente une dsapprobation ou de l'irritation envers un client.

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    Renforcement slectif et objectif de la thrapie.

    L'acceptation est-elle ncessairement et consquemment "conditionnelle" simplement

    cause de l'objectif de la thrapie qui est d'amener le changement chez le client. Il est vrai que nous ne sommes ni capables ni dsireux d'tre non directifs, puisque nous esprons avoir un impact sur la vie de notre client dans notre rle d'agent de changement.

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    Une forme de directivit et de slectivit va de soi et t pleinement admise par Rogers et d'autres thrapeutes centrs sur le client - il s'agit du fait que nous sommes orients sur l'exprientiel. Nous n'accordons certes pas la mme attention tous les propos du client. Chaque propos ne reoit pas la mme attention. Nous essayons par exemple. de passer du rcit aux sentiments, du niveau thorique abstrait ce qui est concrtement vcu. Rogers crit dans ce sens propos de ses interventions dans un groupe de rencontre :

    "Il n'y pas de doute que je suis slectif dans mon coute, mme directif si des gens

    veulent m'accuser de cela. Je suis centr sur le membre du groupe qui parle, et je suis indiscutablement moins intress par les dtails de sa dispute avec sa femme, ou par les difficults son travail, ou par son dsaccord avec ce qui vient d'tre dit que par la signification que peuvent avoir pour lui ces expriences dans le moment prsent, et les sentiments qu'elles provoquent en lui. C'est ces significations et ces sentiments que j'essaie de ragir."

    Par consquent, il y a bien une sorte de directivit formelle qui conduit un

    renforcement de l'exprience du client. En plus, nous soutenons le client quand il volue en adoptant une manire de vivre oriente vers l'exprience, quand il s'accroche moins aux normes extrieures, quand il entreprend des actions qui le conduisent vers d'avantage d'autonomie, quand il se risque lui-mme s'impliquer plus personnellement dans une relation, bref, lorsqu'il change dans le sens de notre concept de "la personne fonctionnant pleinement".

    Cependant, la question demeure de savoir, si nous renforons de mme slectivement

    des aspects de l'exprience elle-mme, si notre directivit intervient galement au niveau du contenu. Rogers espre que non, Il croit qu'il pratique la thrapie au mieux lorsque tout sentiment du client est accept, quand le client se sent rcompens a travers la thrapie pour chaque expression de lui-mme, quelque soit le contenu du sentiment. Aussi, quand un client s'exclut lui-mme, par exemple, ou dcide de quitter la thrapie parce qu'il recule devant ce que celle-ci pourrait lui imposer, ou qu'il retombe dans des comportements antrieurs, et ainsi de suite... dans de tels moments nous pouvons aider nos clients le mieux en les acceptant l o ils sont ce moment donn, en nous centrant sur eux et en explorant ce qu'ils sont en train d'exprimenter maintenant Un autre aspect de cette non directivit l'gard de l'exprience tient au fait que dans la thrapie centre sur le client il n'y a pas de stratgie prliminaire ni de planification thrapeutique. La thrapie est plutt considre comme une aventure qui se poursuit pas pas, et dans laquelle il n'est pas ncessaire que le thrapeute comprenne l'avance le cur du problme. En vrit, nous nous fions l'hypothse que ce qui est vraiment important pour le client va apparatre dans la thrapie. La seule instruction que nous nous donnons nous mmes est de suivre avec autant de rceptivit que possible, le flux exprientiel de notre client. Ni le thrapeute, ni le client ne savent par avance o cela va mener. Aussi n'avons nous rien trac d'avance ni dcid qu'il faut explorer certains contenus plus que d'autres.

    En gardant cette diffrentiation entre contenu et forme dans l'esprit, il semble

    intressant de regarder de plus prs la recherche de Truax et Murray. Leurs rsultats taient parfois cits pour soutenir la thse, qui n'est d'ailleurs pas suffisamment vrifie, selon laquelle Rogers "conditionnerait verbalement". Les deux auteurs examinent si certains modes de comportement du client sont renforcs plus que d'autres, et si les comportements les plus frquemment renforcs augmentent au cours de la thrapie. Truax, dans une tude de cas de 85 sances, considrait l'empathie, l'acceptation et la non directivit comme les agents de

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    renforcement social et ils ont examin si le niveau o Rogers offre ces attitudes sont en corrlation avec neuf dimensions de comportement du client. Des corrlations positives ont t obtenues entre les attitudes du thrapeute et cinq dimensions (quatre des cinq dimensions) montraient des niveaux plus levs dans les sances thrapeutiques ultrieures. Ces quatre dimensions incluaient la diffrentiation des sentiments, le dveloppement de la comprhension, l'orientation des problmes et le degr de similarit dans le style d'expression entre le client et le thrapeute. Ces rsultats indiquent que Rogers renforce l'exprience du client, mais ils n'apportent pas la preuve qu'il y ait slectivit par rapport au contenu. parce que les dimensions se rfrent a des qualit formelles du processus d'exploration. Ceci est moins clair en ce qui concerne la dimension " similarit dans le style d'expression ". Truax n'a pas dfini ce qu'il entendait vraiment par cette dimension. Ailleurs dans son article il dcrit "les caractristiques stylistiques du thrapeute" comme tant l'expression personnelle, concrtement simple et ttonnante. Ce sont des caractristiques qui peuvent, a travers le modelage, si l'on veut diriger le client d'une manire vivante et rceptive vers sa propre exprience. D'ailleurs, on a aussi vrifi que les deux dimensions les plus orientes sur le contenu du comportement du client ne reoivent pas une raction diffrente de la part du thrapeute. Les dimensions en question sont le degr d'anxit du client et jusqu'ou il peut exprimer ses sentiments ngatifs et positifs.

    En contradiction avec ce qui prcde. la recherche de Murray indique que Rogers

    renforce quelques contenus exprientiels plus que d'autres. Dans une tude de cas de 8 sances, Murray examine l'effet que peuvent avoir des approbations ou des dsapprobations subtiles sur le comportement verbal du client et constate que Rogers approuve des dsirs, des projets et des comportements allant dans le sens de l'indpendance et de la confiance en soi ( par exemple: "Et ceci vous fait sentir vraiment bien, je suppose" ou "cela sonne comme un pas en avant") alors qu'il sera lgrement dsapprobateur propos d'une dfense intellectuelle ( par exemple; "pouvez vous considrer vos ractions en tant que telles, et non l'image abstraite que vous en avez ?") et envers certains aspects des problmes sexuels du client. Murray, constatait aussi que les catgories d'approbation augmentaient et les catgories de dsapprobation diminuaient au fur et mesure que la thrapie avanait. Est-ce que ces rsultats confirment plus qu'une orientation formelle vers l'exprience - c'est dire que Rogers accepte quelques expriences plus que d'autres. Je rpondrait prudemment qu'il n'est pas toujours possible de sparer la forme et le contenu dans un processus thrapeutique rel: essayer d'approfondir le processus d'exprience du client, veut dire parfois, que le thrapeute cherche des ouvertures pour dplacer la conversation a d'autres niveaux de l'exprience (et du contenu). Ceci est le cas avec la sexualit dans l'tude de Murray. Le client, dans la phase de dbut de la thrapie croyait que ses problmes taient principalement de nature sexuelle. Alors que Rogers sentait que ses problmes sexuels taient en fait une expression d'un problme plus fondamental concernant le respect de soi et la maturit. C'est pourquoi il essayait d'atteindre un niveau qui lui paraissait plus profond. D'ailleurs. le fait de soutenir et d'encourager la croissance vers une plus grande indpendance est probablement dtermin en partie chez Rogers par son point de vue du fonctionnement optimal. il voit l'autodtermination et la responsabilit de soi comme les prmisses d'une exprience de vie plus exprientielle. Les dsapprobations lgres l'gard de certains contenus exprientiels (par exemple: la peur de l'interdpendance) ne signifient pas que Rogers n'arrive pas accepter et comprendre ces sentiments et certainement pas qu'il rejette son client en tant que personne. Le fait est, qu'il ne soutient pas ces expriences ou ne les agre pas comme points d'arrive positifs, mais, au contraire, cherche les diffrencier d'avantage dans l'espoir qu'elles volueront d'une manire constructive.

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    De tout cela on peut dduire que mme la thrapie centre sur le client ne peut tre rien d'autre qu un processus directif. Nous sommes formellement dirigs par l'ide de rester en contact avec le champ exprientiel du client et de l'largir, et nous avons aussi un idal du fonctionnement optimal qui peut galement diriger nos interventions. Cependant, travers le processus thrapeutique, nous devons rester ouverts envers ce que le client exprimente chaque instant, quel que soit le contenu - ceci tant videment un idal qui n'est jamais compltement ralis. Nos propres personnalits et nos parties obscures nous empchent de remarquer certains contenus exprientiels de nos clients ou font que nous les laissons intouchs et n'osons pas vraiment les traiter. Par ailleurs, notre formation l'intrieur d'une certaine orientation thrapeutique peut aiguiser ou mousser la sensibilit pour certains contenus exprientiels. Nous pouvons seulement esprer que la formation et l'exprience permettent de rduire de telles formes de slectivit non orientes sur la tache un minimum afin de maintenir notre influence sur le processus de changement du client aussi pure que possible. Rogers, de toute vidence, n'a rien contre le fait d'influencer, dans les annes rcentes il s'est dsign lui mme comme un rvolutionnaire