178
Accès au marché et commercialisation de produits agricoles Valorisation d’initiatives de producteurs Document collectif présenté par Anne Lothoré et Patrick Delmas Photo Drissa Sangaré

Accès au marché et commercialisation de produits …inter-reseaux.org/IMG/pdf_version_complet.pdf · Accès au marché et commercialisation de produits agricoles Valorisation d’initiatives

  • Upload
    hakhanh

  • View
    217

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • Accs au march et commercialisation de produits agricolesValorisation dinitiatives

    de producteursDocument collectif prsent par Anne Lothor et Patrick Delmas

    Phot

    o Dr

    issa

    San

    gar

  • 2

  • PRSENTATION DE LAFD, DU CTA ETDINTER-RSEAUX DVELOPPEMENT RURAL

    LAgence Franaise de Dveloppement est un tablissement public au service dune mission dintrt gnral : le financement du dveloppement des pays du Sud.Institution financire spcialise, lAFD agit, depuis plus de soixante ans, pour combattre la pauvret et favoriser le dveloppement des pays du Sud dans le cadre de la coopration franaise.Prsente sur le terrain dans plus de 70 pays et dans lOutre-mer, lAgence finance et accompagne des projets qui amliorent les conditions de vie des populations, soutiennent la croissance conomique et protgent la plante : scolarisation des enfants, appui aux agriculteurs, soutien aux petites entreprises, adduction deau, prservation de la fort tropicale, lutte contre le rchauffement climatique

    AFD5, rue Roland Barthes - 75598 Paris cedex 12

    www.afd.fr

    Le Centre Technique de Coopration Agricole et Rurale (CTA) a t cr en 1983 dans le cadre de la Convention de Lom signe entre les tats du groupe ACP (Afrique, Carabes, Pacifique) et les tats membres de lUnion Europenne. Depuis 2000 le CTA opre dans le cadre de lAccord de Cotonou ACP-UE. Le CTA a pour mission de dvelopper et de fournir des produits et des services qui amliorent laccs des pays ACP linformation pour le dveloppement agricole et rural. Le CTA a galement pour mission de renforcer les capacits des pays ACP acqurir, traiter, produire et diffuser de linformation pour le dveloppement agricole et rural.Le CTA est financ par lUnion Europenne.

    CTAPostbus 380

    6700 AJ Wageningen - Pays-Baswww.cta.int

    Inter-rseaux Dveloppement rural est un lieu de dbats et dchanges dexpriences sur le dveloppement rural menes au sein dun rseau dacteurs impliqus sur ces questions en particulier dans les pays du Sud.Inter-rseaux est structur autour de ses membres fondateurs, dun rseau de plusieurs centaines de membres contributeurs et bnficiaires, et dun rseau de plus de 6 000 personnes bnficiaires des produits dInter-rseaux et localises essentiellement en Afrique Subsaharienne.

    Inter-rseaux Dveloppement rural32, rue Le Peletier - 75009 Paris

    www.inter-reseaux.org

    3

  • SOMMAIRE

    Prsentation de lAFD, du CTA et dInter-rseaux Dveloppement rural . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

    RSUM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

    Contributeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

    Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

    Sigles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

    INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

    1 - Contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

    2 - Cadre et limites des travaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

    3 - Objectifs de ce document et publics concerns . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

    CHAPITRE 1 : Construction dune rflexion collective et slection dinitiatives locales tudier et comparer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

    1 - Principes, dmarches et outils du Groupe de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

    2 - Diversit des cas tudis et choix de cas emblmatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

    CHAPITRE 2 : Actions individuelles et collectives de producteurs : Fiches danalyses croises . . . . 55

    Synopsis des activits prsentes sous forme de fiches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

    Fiche 1 : Ventes de type bord champ des intermdiaires : marge de ngociation et rapport de force en dfaveur du producteur . . . . . . . . . . . 59

    Fiche 2 : Ventes individuelles sur un march de proximit : des ralits contrastes . . . . . . . . 63

    Fiche 3 : Organisation du transport pour accder des marchs ou des acheteurs loigns : des acheminements difficiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

    Fiche 4 : LOP achte les produits de ses membres : lachat-stockage par lOP, une action bnfique pour qui ? . . . . . . . . . . . . . . . . 71

    Fiche 5 : Facilitation par lOP de laccs au crdit des membres pour mieux commercialiser . . . . 79

    Fiche 5 : Facilitation par lOP de laccs au crdit warrant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

    Fiche 6 : Actions de lOP pour transformer ou conditionner les produits . . . . . . . . . . . . . . 85

    4

  • Fiche 7 : Actions dOP pour amliorer les itinraires techniques : mieux produire pour mieux vendre ensuite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

    Fiche 8 : Actions dOP pour amliorer la qualit des produits : quelles qualits, pour quels cots, prix, et march(s) ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

    Fiche 9 : Actions pour des mesures de quantits et peses plus justes : un poids, des mesures ? . . 95

    Fiche 10 : Amlioration de linformation sur les marchs par lOP : quelles informations utiles ? . . 97

    Fiche 11 : LOP facilite la concentration de loffre en un lieu unique de march : pour une offre et une demande plus transparentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

    Fiche 12 : LOP facilite la rencontre entre offre et demande : lorganisation de marchs et de bourses agricoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105

    Fiche 13 : Rgulation de loffre sur les marchs locaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

    Fiche 14 : Le blocage temporaire dun produit import peut-il aider les OP dvelopper leur production ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119

    Fiche 15 : Actions dOP via des espaces de concertations ou organisations interprofessionnelles dans les filires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123

    CHAPITRE 3 : Enseignements du processus danalyses participatives dinitiatives locales . . . . . . 129

    1 - Enseignements transversaux aux diffrents types dactions dOP . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

    2 - Dmarches et outils de partage de cas concrets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

    CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

    1 - Des convictions pour les initiatives de commercialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

    2 - Recommandations pour lappui aux Producteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156

    3 - Des questions ouvertes pour la suite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160

    ANNEXES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161

    Annexe 1 : Participants au Groupe de travail Accs aux marchs et commercialisation de produits agricoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

    Annexe 2 : Supports dchanges du Groupe de travail Accs aux marchs et commercialisation de produits agricoles disponibles en ligne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

    5

  • RSUM

    INTRODUCTION

    Partie 1 : lments de contexte relatifs aux marchs agricoles en Afrique subsaharienne

    De nombreux agriculteurs et leveurs en Afrique subsaharienne rencontrent de relles difficults pour couler leurs produits sur les marchs. Ils se plaignent galement de la trop faible valorisation quils en tirent. Nombreux sont ceux qui dplorent les prix trop faibles , les prix irrguliers , des rapports de force en leur dfaveur sur des marchs dstructurs et des filires non organises . Pour faire face ces difficults, ces agriculteurs et leveurs et leurs organisations dveloppent des initiatives individuelles et collectives.

    Ces initiatives restent cependant encore trop peu connues. Ni partages, ni renforces, elles sont peu valorises par, et pour, les acteurs du dveloppement rural. On peut en outre constater du ct des producteurs (mais pas seulement), la persistance de visions caricaturales, voire errones, sur les acteurs de la commercialisation (commerants en particulier) et sur les fonctionnements de marchs. La faible reconnaissance des initiatives locales et la mconnaissance du fonctionnement des marchs et de leurs acteurs sont prjudiciables, en premier lieu, aux producteurs, qui ne peuvent pas se positionner au mieux sur ces marchs. Ces conditions entravent aussi les dynamiques locales de dveloppement rural et, de faon plus globale, celles des pays. Cest dans ce contexte quInter-rseaux a initi en 2004 une dmarche danalyse et de rflexion collective dans le cadre dun Groupe de travail autour du thme Accs au march et commercialisation de produits agricoles .

    Partie 2 : Choix ayant orient la mthode et les rsultats du Groupe de travail

    Le thme de laccs au march et de la commercialisation des produits agricoles tant trs vaste, des choix ont t faits pour limiter ltendue du champ du Groupe de travail.

    Un premier choix a t de ne traiter que des initiatives des agriculteurs et leveurs familiaux, les exploitations familiales constituant une grande majorit des ralits agraires dans les pays o le Groupe de travail a fonctionn. Ceci ne restreint de fait que peu le champ dtude puisque les agricultures familiales recouvrent une trs grande diversit. Ce document prsente une vision partielle de la ralit mais avec toute la diversit existant au sein mme du vaste champ des exploitations familiales.

    Un deuxime choix a t de sappuyer sur des cas concrets : des initiatives que des agriculteurs et les leveurs et leurs organisations (OP) mnent effectivement pour amliorer laccs au march et la commercialisation de leurs produits agricoles.

    Un troisime choix a t de sappuyer sur une dmarche de rflexion collective dont lobjectif est de mettre ces acteurs au centre du dispositif. Ces acteurs ont ainsi men des visites dchanges, fait des analyses compares et travaill llaboration de supports dchange crits, sonores ou vidos pour relater au cas par cas leurs initiatives. Des appuis spcifiques ont t fournis par Inter-rseaux pour raliser ces activits : animation-accompagnement du processus, appui lorganisation logistique, appui financier. Les analyses dinitiatives cas par cas et leurs changes taient des pralables des analyses comparatives permettant de faciliter la prise de recul sur ces initiatives chaque fois particulires. Il sagissait ensuite den tirer des enseignements relativiss par rapport aux contextes propres chacune de ces initiatives.

    Partie 3 : Objectifs viss et publics concerns par le prsent document

    Ce document vient capitaliser et restituer (i) la dmarche de rflexions collectives dveloppe au sein du Groupe de travail pour tudier et partager les tudes de cas, et (ii) des analyses croises ralises et des enseignements tirs partir des diffrentes initiatives. Il se veut tre un support dchange et de mise en dbat sur ces deux aspects.

    Il peut tre lu par toute personne travaillant sur des dmarches de construction de rflexion collective et de valorisation dinitiatives locales comme outils de changement (en particulier les chapitres 1 et 3 axs sur les dmarches et outils). Mais, il est avant tout rdig pour les personnes impliques dans les actions dorganisation dacteurs pour la commercialisation des produits agricoles : producteurs et salaris dOP, et aussi personnes en appui aux acteurs.

    Les exemples tudis se situent en Afrique Subsaharienne, mais leur porte et leur usage ne doivent pour autant pas tre limitatifs aux acteurs de cette rgion, ni du continent africain.

    6

  • CHAPITRE 1 : Construction dune rflexion collective et slection dinitiatives locales tudier et comparer

    Partie 1 : Principes et grandes tapes de la dmarche ayant guid le Groupe de travail

    La dmarche du Groupe de travail est fonde sur un double processus (i) de mise en valeur dinitiatives de producteurs et (ii) de construction de rflexions collectives autour de ces initiatives. Des principes cls lont guid : ancrage sur des dynamiques locales, ritration sous diverses formes despaces danalyses et de rflexions collectives impliquant des groupes dacteurs locaux directement concerns, analyses comparatives dans lespace (expriences existant en diffrents lieux) et dans le temps (mme exprience voluant dans la dure).

    Le Groupe de travail a de fait impliqu des groupes de producteurs aussi bien dans les tudes-analyses des initiatives locales que dans llaboration de supports dchange propices lanimation de dbats autour de ces initiatives ceci afin daider la prise de recul sur les cas particuliers prsents. Pour cela, il sest appuy sur des dynamiques prexistantes au niveau dacteurs dj engags dans des actions ou des rflexions sur la commercialisation de produits agricoles : producteurs et leurs organisations, mais aussi organismes dappui au monde rural. De nombreuses visites de terrain, analyses de cas concrets et productions de supports dchanges (fiches crites, bandes sonores, vidos) ont t ralises entre 2004 et 2007, avec en particulier des groupes de producteurs bninois, camerounais, guinens et maliens qui en ont t les vritables moteurs, mais aussi avec des acteurs du Burkina Faso, de Madagascar, du Niger, du Sngal. Pour chaque exprience, une attention a t porte lanalyse des processus permettant une prise en compte de lvolution des actions de chaque OP : lapproche historique permet davoir une vision dynamique des initiatives, car ce qui a march un moment pour une OP peut se rvler inoprant quelques annes aprs. Les initiatives ont t ensuite partages via des prsentations et diffrents supports lors dateliers et forums runissant des reprsentants de plus de dix pays dAfrique. Ces supports dcrivant les initiatives ont t diffuss sur Internet.

    Ces diffrents lieux et espaces dchanges ont permis de faire connatre les initiatives mises en place par des OP et den discuter. Des analyses comparatives type daction par type daction et croisant diffrentes OP tudies ont eu lieu diffrentes occasions, en particulier lors de travaux en ateliers et forums (par exemple, comparaison dactions dachat-stockage menes par diffrentes OP). Ces analyses croises selon les types dactivits visent aider prendre du recul par rapport aux cas spcifiques des OP, sextraire de ce qui tait propre lhistoire de chacune tirer des enseignements plus gnraux utiles pour dautres acteurs dans dautres contextes. La prsentation retenue pour prsenter les activits des producteurs et des OP vise aussi faciliter la prise de recul et rendre les informations plus utiles et utilisables. Le chapitre 2 prsente des analyses croises selon les types dactivits menes par les OP tandis que le chapitre 3 tire de ces tudes de cas des enseignements transversaux.

    Partie 2 : Panorama dinitiatives dOP tudies au cours du Groupe de travail et cas emblmatiques cibls pour enrichir les analyses comparatives et transversales

    Les nombreuses initiatives tudies lors du Groupe de travail et trs brivement prsentes ici dans leur ensemble mettent en vidence une diversit des types dacheteurs et de lieux de marchs. Selon les cas, les producteurs vendent leurs produits un intermdiaire, une OP, des commerants individuels, des entreprises, des coopratives de ngoce, au consommateur final ou un acteur institutionnel (office public, PAM).Cela peut se faire en bordure du champ, au village, sur un march local, rgional, urbain ou dexport, en prsence du produit ou non (marchs physiques classiques ou bourses agricoles). Enfin, les modes de ralisation des ventes sont trs variables : comptant ou crdit, avant rcolte, au pic de la production, plus tard la soudure, etc.

    Les initiatives sont illustratives de diffrents types dactions que les OP mnent pour faciliter laccs au march et la commercialisation des produits : services et rles plus ou moins directs pour couler les produits, amliorer la production, les conditions de mise en march et/ou de commercialisation, en crant notamment de nouveaux rapports de force face aux acheteurs.

    Parmi toutes les expriences tudies, une dizaine de cas emblmatiques particulirement riches denseignements ont t cibls pour servir les analyses comparatives et transversales prsentes dans les chapitres 2 et 3. Il sagit de fait dOP tablies depuis longtemps et ayant men sur la dure des actions collectives diversifies autour de la commercialisation.

    7

  • CHAPITRE 2 : Actions individuelles et collectives de producteurs : fiches danalyses croises

    Parmi les actions que les producteurs et OP mnent en termes daccs au march et de commercialisation, une quinzaine dentre elles sont prsentes ici. Elles se succdent lune aprs lautre sous forme de fiches relativement indpendantes pour tre utilisables une une, la carte . Pour beaucoup de producteurs, les ventes sont menes individuellement avec des collecteurs ou des intermdiaires au bord du champ (Fiche 1) ou sur des marchs de proximit (Fiche 2). Quant aux actions dOP illustres ici, on peut les regrouper en 4 grands ensembles :

    1) Actions dOP en aval de la production pour couler une production donne : transport de produits des membres par lOP pour accder des marchs ou des acheteurs loigns ; achat-stockage des produits des membres par lOP et vente aprs une priode de stockage ; crdit facilit par lOP pour la commercialisation des produits (le crdit warrant facilit par lOP est une forme de crdit pouvant permettre de diffrer une vente) ; transformation et conditionnement post-rcolte pour crer de la valeur ajoute, accder dautres marchs ou se donner les moyens de vendre mieux plus tard (Fiches 3 6).

    Ces activits classiques visent souvent un gain au niveau du prix : gain via un diffrentiel gographique (diffrentiel de prix entre village et ville), gain sur un diffrentiel temporel (diffrence de prix entre rcolte et soudure), gain sur de la valeur ajoute. Ces gains sont de fait trs variables pour les producteurs et leurs OP : de nombreuses expriences illustrent des checs et des orientations finalement vers la contractualisation avec des privs ou des organisations extrieures pour mener ces activits.

    2) Actions dOP bien en amont de la mise en march, visant la matrise des productions (itinraires techniques, qualits) et des cots associs par les producteurs dans une perspective de mise en march (Fiches 7 et 8).

    Ces activits dveloppes en vue de marchs donns (lieux, volumes, qualits et acheteurs spcifiques) participent trs souvent amliorer laccs aux marchs des produits et leur valorisation au bnfice des producteurs.

    3) Actions dOP visant amliorer les conditions de transaction et de ralisation de marchs, avec une meilleure rencontre et plus de transparence entre loffre et la demande de produits. Dans ce cas on trouve : la recherche dacheteurs, les actions pour une meilleure visibilit de loffre et de la demande, lamlioration des peses et des mesures, la concentration de loffre en un lieu unique de march, la rgulation de loffre, lorganisation de bourses agricoles, etc. (Fiches 9 13).

    LOP joue ici un rle dintermdiation entre producteurs et acheteurs, mais nachte pas les produits : elle facilite la mise en contact des acteurs, leurs transactions et les ventuelles contractualisations. En plus de diminuer les cots des transactions, ces actions tendent quilibrer les rapports de force et de ngociation entre producteurs et acheteurs. Ainsi, les producteurs qui vendent individuellement leurs produits mais sous certaines rgles communes, voient leur situation samliorer grce un accs au march amlior et une meilleure rmunration de la vente de leurs produits.

    4) Actions et participation dOP avec dautres acteurs des filires au niveau de plates-formes de concertation, despaces de rgulations interprofessionnelles et/ou avec ltat. Dans ce cas des accords et des modes de rgulations peuvent tre tablis et aider les OP faire valoir leurs positions, participer mettre en place des rgles, accords et rgulations de marchs qui ne leur sont pas dfavorables. Les OP peuvent aussi participer des ngociations de politiques sectorielles, voire agricoles, comme par exemple des actions de lOP au niveau des frontires (Fiches 14 et 15).

    Ici, les actions des OP visent tablir des modes de fonctionnement et des rgulations qui doivent permettre de travailler sur la dure, et de dvelopper des activits sur les filires, pour permettre aux producteurs de sen sortir au mieux. Les formes dorganisations interprofessionnelles sont trs varies et pas toutes oprationnelles quand elles comptent trop dobjectifs ou dacteurs parpills . Dans les organisations interprofessionnelles qui fonctionnent , les OP ne sy retrouvent que si elles sont prpares et y interviennent avec des positions bien dfinies. Au niveau politique, des OP ont gagn manifestement en lgitimit et en reconnaissance, mais la route est encore longue

    chaque fois on trouvera une description illustre (objectifs recherchs, principes, exemples concrets) et des lments danalyse critique soulignant des aspects quil parat ncessaire de prendre en compte pour les OP, ONG ou organismes dappui menant avec les producteurs ce type dactions.

    8

  • CHAPITRE 3 : Enseignements du processus danalyse participative dinitiatives locales

    Ce chapitre expose des points et questions cls quant aux initiatives de producteurs et OP en matire de commercialisation de produits agricoles. On ne peut nier le rle indniable jou par les OP pour faciliter laccs aux marchs et la commercialisation des produits agricoles des producteurs. Pour autant, les OP sont-elles performantes pour assumer tous les types dactivits ? Doivent-elles et/ou peuvent-elles tout faire ?

    La question de lengagement des producteurs vis--vis de leurs OP est cependant rcurrente : les producteurs peuvent se sentir plus ou moins impliqus, redevables ou simples utilisateurs bnficiaires des actions collectives de lOP, ce qui nest pas sans poser de problme : les OP sont-elles des prestataires de services quelconques parmi dautres disponibles sur le march ?

    Ce chapitre revient aussi sur des lments de rflexion sur la dmarche et les outils mobiliss dans le cadre du Groupe de travail, mais aussi plus largement sur des dmarches et outils pour appuyer et renforcer les activits des OP en termes de commercialisation des produits agricoles.

    Quels rsultats peut-on tirer de tout ce processus avec ses multiples espaces dchanges et rflexion entre acteurs (tudes-analyses, supports dchanges et forums raliss avec leur forte implication) ? Quels sont les impacts et les dmultiplications possibles (ou non) des best practices ? Quelles articulations avec des niveaux dactions chelles gographiques plus larges , qui dpassent linitiative locale ?

    Les dmarches participatives de construction de rflexions collectives sont complexes et longues mettre en place, mobilisatrices en temps et ncessitent un financement spcifique permettant une souplesse dintervention. Or, les ressources humaines et financires tant limites, il est ncessaire daborder cette question.

    Conclusion

    La conclusion se rsume en quelques convictions tires de lexprience et des orientations mthodologiques :

    Lamlioration de la mise en march est un levier cl pour accrotre le revenu des producteurs. Cest une action qui doit tre considre comme prioritaire.

    Les ides reues ne sont pas toujours les meilleures, pas plus que les solutions passe-partout. Les commerants ne sont pas ncessairement des voleurs : ils rendent des services et leur comportement opportuniste peut tre li un environnement changeant et peu scuris. Ce mme environnement, peu scuris, peut amener des producteurs en situation prcaire adopter des stratgies individuelles de court terme qui viennent casser des dynamiques collectives des OP.

    Il existe une gamme de solutions possibles collectives mais aussi individuelles. Elles sont plus ou moins complexes selon la diversit des situations.

    Transformer, commercialiser, transporter ncessite des savoir-faire. Ce sont des mtiers qui ne simprovisent pas et les OP ne peuvent pas se substituer facilement aux professionnels. De plus, les attaques frontales ne sont pas les plus profitables pour les producteurs eux-mmes.

    Pour tre efficaces, les producteurs et leurs organisations doivent tre acteurs dans les dmarches et projets qui les concernent et en lien avec les acteurs du dveloppement. La communication et le travail entre ces diffrentes familles dacteurs ntant ni spontans ni aiss, des dmarches, des outils et des pas de temps adquats sont ncessaires.

    9

  • CONTRIBUTEURS

    Ce document rsulte des travaux et changes ayant eu lieu lors du Groupe de travail thmatique intitul Accs au march et commercialisation de produits agricoles .

    Ce Groupe de travail thmatique anim par Inter-rseaux Dveloppement rural a impliqu sur le terrain trs directement entre 2004 et 2007 plus de 300 personnes dAfrique subsaharienne, essentiellement du Bnin, du Cameroun, de Guine et du Mali, mais aussi du Burkina Faso, du Burundi, de Ct dIvoire, de Madagascar, du Niger, de Rpublique Dmocratique du Congo et du Sngal. Ces personnes sont issues de plus dune cinquantaine dorganisations, en grande majorit des organisations de producteurs et de paysans (OP) mais aussi des organisations de commerants et des organismes dappui aux OP et au dveloppement rural (ONG, projets).

    Nous tenons souligner particulirement les apports des personnes et des organisations1 trs prsentes et actives dans le Groupe de travail :

    Acteurs dorganisations de producteurs (OP)

    Des femmes et hommes dorganisations de producteurs de diffrents pays africains, producteurs et paysans lus et membres dOP, mais aussi des salaris de ces organisations, ont t les acteurs centraux du Groupe de travail. Ils nont mnag ni leur temps ni leur nergie. Sans leur capacit et leur volont de partager linformation, dchanger leurs rflexions et dapprendre de lautre, ce travail naurait pas vu le jour. Nous soulignons en particulier les apports des membres et salaris des OP suivantes :

    au Bnin : organisations CCR, Fupro/UDP Atacora, Udoper et les organisations de femmes productrices transformatrices ;

    au Burkina Faso : Cooprative de Mogtdo, la Fenop ;

    au Cameroun : organisations Afebid, Binum, Fferudjal, Nnem Mbock, Nowefor ;

    en Cte dIvoire : Anopaci ;

    en Guine : organisations Avic, CNOP-G, CNOP-GF, FPFD, UPBM, Upik, Woko ;

    Madagascar : organisation Fifata et Rseau Soa ;

    au Mali : organisations AOPP, APPS, FOPB, Jka Feer, ULPC ;

    au Niger : Fdrations Fucopri et FUPSN Saa ;

    en Rpublique Dmocratique du Congo : Rseau Asali ;

    au Rwanda : syndicat Imbaraga, rseau Roparwa, Ucorirwa ;

    au Sngal : organisations Fongs et Ujak.

    Acteurs dorganismes dappui aux OP et au dveloppement rural

    De nombreux acteurs dONG locales et de cooprations internationales ont apport des appuis indispensables et de qualit aux OP sur le terrain. Sans eux, les travaux avec les OP nauraient pu tre raliss. Nous les remercions pour leur confiance et leur coopration. Citons et en particulier :

    1 Prsentation par ordre alphabtique des pays, structures et noms de personnes. noter que certaines personnes ont pu changer de structure depuis les travaux de terrain du Groupe de travail. Pour plus dinformations sur les personnes et organisations, voir lannexe 1 : Participants au Groupe de travail.

    10

  • au Bnin : Huberte Djevi et Anne-Claire Outtier dABD-Geres (ONG), Anastase Kiche avec lquipe dAlternatives (ONG) et Franois Geay avec les quipes du PPAB-Paimaf (coopration franaise) et le consultant Paul Onibon ;

    au Cameroun : Sylvie Mbog, avec son quipe dOdco (ONG) en particulier Dieudonn Moudi, Valentine Achancho, Christian Huet et lquipe du Pari en particulier Martin Jos Ndonna Mimbiang (coopration franaise), Guillaume Fongang du Saild (ONG) et Aurlian Mbzibain (coopration belge/OP Nowefor) ;

    en Europe : Ccile Beaure dAugres et Laure Hamdi de lAfdi, Caroline Bah dAfrique Verte International, Gk Appeldorm et Franz Van Hoof dAgriterra, Valentin Beauval (agriculteur franais, tude pour le CCFD) ;

    en Guine : Dany Lano et les quipes dappui la CNOP-G (coopration franaise), les quipes de Dynafiv, Thierno Bah avec son quipe de lInader (ONG), Lucien Gnekoya et lquipe de la Maropa en Guine Forestire ;

    au Mali : Mamadou Gota, Mohamed Haidara, Mamadou Bathily, et toute lquipe dAmassa Afrique Verte Mali (ONG), Baba Mamadou Kon et Abdoulaye Ndiaye des Chambres dagriculture et Apcam.

    Membres particulirement impliqus dInter-rseaux Dveloppement rural

    Nous soulignons enfin les contributions de membres fondateurs et/ou administrateurs dInter-rseaux. Ces contributions varient selon les modalits dintervention et les personnalits propres chacun, mais ont t trs prcieuses et toujours apprcies :

    Valentine Achancho de la Direction des OPA et de lappui aux exploitations agricoles, Sous-direction des OPA et de laction cooprative et coordonnateur national du projet Pari (CMR-AFD) au Cameroun, membre fondateur et administrateur de lassociation Inter-rseaux. Ses apports et la mobilisation de ses quipes ont t indispensables la ralisation des travaux au Cameroun ;

    Daouda Diagne, Charg information-communication la Fdration Fongs Action Paysanne au Sngal, membre fondateur et administrateur de lassociation Inter-rseaux. Ses interventions diffrentes tapes du processus et en particulier en tant quanimateur principal de latelier de Bamako en janvier 2007 ont t trs prcieuses ;

    Souleymane Ouattara, Directeur de lagence de presse Jade productions au Burkina Faso, membre fondateur et administrateur de lassociation Inter-rseaux. Il a directement contribu aux travaux (ralisation de vidos) et aussi largement partag son exprience et ses rflexions autour de loutil vido et de son utilisation pour le dveloppement.

    Toutes ces personnes et organisations ont contribu aux activits et rsultats du Groupe de travail2, et donc au prsent document.

    Les activits danalyse-capitalisation ont eu lieu sur le terrain entre 2004 et 2007. Si depuis les OP cites ont pu voluer dans leurs actions pour amliorer la commercialisation des produits de leurs membres (compte-tenu du contexte et en particulier des crises de 2008-2009), pour autant, ces travaux et analyses ne sont pas dpasss, et restent toujours intressants partager plus largement et pourront tre utiles, nous pensons, pour animer des dbats et construire des rflexions collectives pour laction !

    2 Cf. annexe 2 : Contributions des participants au Groupe de travail.

    11

  • REMERCIEMENTS

    Des discutants et relecteurs aviss

    De nombreux membres du rseau ont particip au contenu de ce document au travers de discussions et relecture, et nous les en remercions tous. Nous tenons cependant remercier particulirement les personnes suivantes (par ordre alphabtique) :

    Frdric Banda (animateur de dveloppement, Directeur du Comit de Coopration avec le Laos de 1993 2005), pour sa relecture minutieuse de lintgralit du document. Nous le remercions aussi particulirement pour ses questionnements permanents sur les dispositifs de coopration pour le dveloppement : ils ont contribu nourrir, entre autres, le chapitre conclusif ;

    Valentin Beauval (agronome, agriculteur, membre fondateur et administrateur de lassociation Inter-rseaux), pour sa capacit de dialogue et dchange en gnral et ses informations en particulier ici sur la Fdration du Fouta Djallon en Guine ;

    Roger Blein (conomiste, consultant du Bureau Issala, membre fondateur de lassociation Inter-rseaux), pour son esprit de synthse et de prospective ;

    Loc Colin et Vincent Petit (agro-conomistes, docteurs en sociologie de la communication et du dveloppement), pour leurs changes constructifs concernant les outils de communication et en particulier loutil vido dans des dmarches pour le dveloppement. Jocelyne Yennenga Kompaor (Directrice de Performances au Burkina Faso) nous a aussi enrichi de son exprience en matire de communication et de vidos pour le dveloppement ;

    Benoit Daviron (chercheur au Cirad), dont les confrences et publications ont permis ici dclairer des enjeux autour de la qualit des produits agricoles ;

    Daouda Diagne (charg information-communication la Fongs Action Paysanne au Sngal, membre fondateur et administrateur de lassociation Inter-rseaux), qui a fortement contribu la construction de processus de rflexions collectives, au cours du Groupe de travail, mais aussi depuis longtemps Inter-rseaux. Il a en outre contribu aux lments conclusifs de ce document ;

    Vronique De Geoffroy, Andr Leprince et Hugues Maury (du Groupe Urgence Rhabilitation Dveloppement), pour leurs regards extrieurs et apports sur les Dmarches Qualit et outils valorisant les aspects processus dans les dispositifs de pilotage et dvaluation de projets ;

    Dominique Gentil (socio-conomiste, administrateur de lassociation Inter-rseaux), qui a relu diffrentes parties du document. Nous le remercions pour ses commentaires et apports conclusifs ;

    Aurlian Mbzibain (agronome socio-conomiste, membre dInter-rseaux) qui a permis de prciser des contenus du document. Nous lui sommes en outre redevables pour ses traductions de qualit qui contribueront partager le contenu de ce document avec des publics anglophones ;

    Pierre Samson et Stew, dessinateurs qui ont apport une plus value indniable au document avec leurs regards en images ;

    Jol Teyssier (agro-conomiste, animateur de Groupes de travail Inter-rseaux) qui a relu lensemble du document et contribu de plus directement au chapitre 2 (fiches sur les organisations interprofessionnelles, les systmes dinformation sur les marchs, et le warrantage) ;

    Jrme Vandame (agronome et apiculteur) qui a relu et corrig diffrentes parties du document.

    12

  • Des soutiens financiers multiples et sur la dure

    Nous soulignons les participations financires consquentes des OP et acteurs en appui aux OP :

    les apports dorganisations du sud et en particulier les organisations de producteurs et ONG locales qui ont investi des fonds propres pour participer au Groupe de travail (activits sur le terrain, animation, ralisation de vidos) ;

    les apports des agri-agences Afdi International, Afdi Madagascar, Agriterra qui ont permis la participation de reprsentants dOP de Madagascar, de RDC et du Rwanda ;

    les apports de projets de la coopration franaise (Pari au Cameroun, Paimaf-PPAB au Bnin) qui ont permis de donner ampleur et rsonance aux activits du Groupe de travail sur le terrain en favorisant la mobilisation dquipes techniques et OP, la diffusion et lutilisation des rsultats des travaux raliss ;

    les apports dorganisations du nord comme le CCFD ou Farm qui ont permis la valorisation dinitiatives locales (capitalisation, participation des rencontres).

    Nous tenons remercier le soutien et la confiance du Centre technique de coopration agricole et rurale (CTA), et en particulier Vincent Fautrel, Ibrahim Timogo et Koda Traor, qui ont permis aux acteurs de terrain de raliser un travail volutif et sur la dure :

    ce document naurait pu exister sans les trs nombreux travaux de terrain financs par le CTA ;

    le financement du CTA a en outre permis la production de nombreux autres supports dchange et de communication sur les expriences dOP dans le cadre du Groupe de travail Inter-rseaux (fiches dexpriences, bandes sonores, vidos et guides daccompagnement vido). Ces supports sont complmentaires de ce document ;

    ldition de ce document et sa version anglaise ont aussi t finances par le CTA.

    Enfin, ce document en tant que tel a pu tre crit grce lappui financier de lAgence Franaise de Dveloppement (AFD), qui a permis de valoriser des travaux prcdant raliss au sein dInter-rseaux avec ses membres et partenaires.

    Nous remercions donc chacun de leurs apports et soutiens !

    Pour autant, chacun, en fonction de sa discipline et de son champ de comptence, pourra trouver de nombreuses limites ce document. Cest invitable et peut-tre aussi li lexercice mme des activits dInter-rseaux qui croise des publics et disciplines pour faire de l inter - rseaux , ce qui oblige parfois dplacer son point de vue.

    Aussi, les analyses et conclusions de ce document ne refltent pas ncessairement le point de vue officiel de lAFD, du CTA, des institutions partenaires ou des personnes cites ci-dessus. Des parties de ce document sont encore largement perfectibles, mais nous esprons nanmoins que ce dernier permettra de gnrer des dbats et des discussions constructives.

    Les propos, erreurs et omissions demeurent de la responsabilit des deux auteurs principaux, Anne Lothor et Patrick Delmas.

    Merci enfin Bernard, Fanta, Victor qui continuent de nous supporter.

    Anne et Patrick, Mai 2009

    13

  • SIGLES

    ABD Agro-Bnin DveloppementACDIC Association citoyenne de dfense des intrts collectifsADPAS Association pour le Dveloppement de lAgriculture et du Paysannat dans le

    Sambirano (Madagascar)AFD Agence franaise de dveloppement (France)Afdi Agriculteurs franais et dveloppement international (France)Afebid Association des femmes et filles de Biwong-Bane pour le dveloppement

    (Cameroun)Amassa Association malienne pour la scurit et la souverainet alimentaires (Mali)Anopaci Association nationale des organisations professionnelles agricoles de Cte dIvoireAOPP Association des organisations professionnelles paysannes (Mali)APCAM Assemble permanente des chambres dagriculture du MaliAPPS Association des producteurs de pommes de terre de Sikasso (Mali)AVSF Agriculteurs et vtrinaires sans frontires (France)CA Conseil dadministrationCCR Comit de concertation des riziculteurs (Bnin)Cecam Caisses dpargne et de crdit agricole mutuelles (Madagascar)Cespa Centre de service de production audiovisuelle (Mali)Cilss Comit permanent intertatique de lutte contre la scheresse au SahelCiriz Comit interprofessionnel du riz au SngalCNOP-G Confdration nationale des organisations paysannes de GuineCTA Centre technique de coopration agricole et rurale CE-ACP Cirad Centre de coopration internationale en recherche agronomique pour le

    dveloppementEsfim Empowering Smallholder Farmers in marketsFarm Fondation pour lagriculture et la ruralit dans le monde (France)Fapal Fdration des associations paysannes de Louga (Sngal) Fifata Fikambanana Fampivoarana ny Tantsaha (Madagascar)Fongs Fdration des ONG du SngalFPFD Fdration des paysans du Fouta Djallon (Guine)Fucopri Fdration des unions des coopratives des producteurs de riz du NigerFUPSN-Saa Fdration des unions de producteurs de Souchet du NigerGDS Revue Grain de sel dInter-rseaux Dveloppement rural

    14

  • GIE Groupement dintrt conomiqueIMBARAGA Syndicat des agri-leveurs du RwandaInader Institut national pour lappui au dveloppement rural (Guine)Jade productions Journalistes en Afrique pour le dveloppement (Burkina Faso)Nowefor North West Farmers Organisation (Cameroun)Odco Organisme de dveloppement, dtude, de formation et de conseil (Cameroun)OIP Organisation interprofessionnelleONG Organisation non gouvernementaleOP Organisation paysanne, Organisation de producteursOPA Organisation professionnelle agricolePaimaf Projet dAppui Institutionnel la Modernisation de lAgriculture FamilialePam Programme alimentaire mondialPari Projet de professionnalisation agricole et de renforcement institutionnel (Cameroun)PPAB Projet de professionnalisation de lagriculture au BninRDC Rpublique Dmocratique du CongoRf. RfrenceRoparwa Rseau des organisations paysannes du RwandaSaild Service dappui aux initiatives locales de dveloppement (Cameroun)Sim Systme dinformation sur les marchsSoa Syndicat des organisations agricoles (Madagascar)Socas Socit de conserves alimentaires du Sngalt tonneUcorirwa Union des coopratives rizicoles au RwandaUdoper Union dpartementale des organisations professionnelles dleveurs de ruminants

    (Bnin)UDP Atacora Union dpartementale des producteurs dAtacora (Bnin)Uemoa Union conomique et montaire Ouest-africaineUGCPA-BM Union des groupements pour la commercialisation des produits agricoles de la

    boucle du Mouhoun (Burkina Faso)UGTM Union des Groupements de Timbi Madina (Guine) ULPC Union locale des producteurs de crales de Diola (Mali)UPBM Union des producteurs de banane de Macenta (Guine)VA Valeur ajoute

    15

  • Ce quil faudrait, cest toujours concder son prochain quil a une parcelle de vrit et non pas de dire que toute la vrit est moi, mon pays, ma race, ma religion. Si tu sais que tu ne sais pas, alors tu sauras. Mais si tu ne sais pas que tu ne sais pas, alors tu ne sauras point.

    Amadou Hampt B

    16

  • INTRODUCTION

    Photo : Introduction

    17

    INTRODUCTION

  • De nombreux producteurs soulignent les difficults quils rencontrent pour couler leurs produits et la trop faible valorisation quils en tirent. Laccs au march est une premire difficult, mais nest quun aspect du problme : une fois sur le march, encore faut-il vendre un prix permettant un revenu suffisant.

    Pour faire face ces difficults, des producteurs dveloppent des initiatives individuelles et collectives. Ces initiatives restent souvent trop peu connues et de nombreux a priori et des visions caricaturales sur le fonctionnement des marchs demeurent et entravent les dynamiques locales.

    Cest dans ce contexte et dans le cadre du Groupe de travail Accs au march et commercialisation des produits agricoles , quInter-rseaux a initi une dmarche de rflexions collectives partir danalyses partages de cas concrets.

    Ce thme est lui seul extrmement vaste et peut tre approch sous de multiples angles et chelles. De plus, la diversit des contextes agro-cologiques et socio-conomiques que rencontrent les agriculteurs et leveurs se traduit par une grande diversit aussi bien au niveau des systmes de production que des organisations collectives quils mettent en place pour leurs actions de commercialisation.

    Des choix mthodologiques et des angles dapproche ont donc t faits pour conduire le Groupe de travail et limiter son tendue. Ils sont prciss ici et en particulier le choix de ne travailler qu partir de cas concrets dexploitations de producteurs familiaux.

    Ces choix permettent en outre dclairer le lecteur sur les objectifs et la structuration du document, ainsi que sur les publics auxquels il sadresse.

    18

  • 1 CONTEXTE

    1.1 Des conditions difficiles daccs au march et de commercialisation

    Une offre de produits agricoles qui est instable

    Les productions agricoles, sur le continent africain comme ailleurs, ont pour spcificit dtre irrgulires du fait de la saisonnalit des processus biologiques annuels, voire pluriannuels (il ny a pas production en continu mais par coups aux priodes de rcoltes), et de leur soumission aux alas climatiques et sanitaires. Les productions agricoles font appel des processus complexes lis des tres vivants et changeants : rapports sol-plante avec la microfaune ; changes air-plante En agriculture on travaille avec des tres vivants et non avec des matires mortes (comme cest le cas dans lindustrie automobile par exemple). Certains systmes de production agricole peuvent chercher saffranchir du milieu agro-cologique en lartificialisant : dans ces systmes, il ne sagit plus dadapter les semences des milieux spcifiques, mais dadapter un milieu des semences spcifiques (semences haut potentiel de rendement avec apport dintrants) 3. Mais en rgle gnrale, les systmes agricoles restent dpendant du temps : climat, dure des processus biologiques de formation des plantes, et prissabilit de nombreux produits agricoles. Loffre de produits agricoles reste caractrise par une instabilit, quantitativement et qualitativement.

    ces productions difficiles matriser sajoute la faible lasticit, voire la rigidit de la demande des acheteurs : Quoi quil arrive, les populations ont besoin de produits agricoles pour se nourrir et la demande demeure. Ceci dbouche sur le non-ajustement spontan de loffre la demande des produits agricoles et sur une instabilit des prix (les marchs agricoles ont de tous temps t instables).

    Des fonctionnements de march non optimaux

    Les analyses en Afrique subsaharienne font en outre apparatre des mcanismes de march non optimaux venant accentuer fortement le non ajustement entre offre et demande de produits agricoles : infrastructures de transport et de stockage dfaillantes, faiblesse du systme bancaire avec labsence de marchs du crdit et de lassurance, situations non concurrentielles (nombre limit dacheteurs en positions dominantes et/ou concertes face une multitude de producteurs disperss), asymtries daccs et de niveau dinformation, rgles ou normes appliques de faons discriminantes, taxes formelles et informelles gnrant des cots levs (non transparence sur les prix et facteurs qui les gouvernent). Lagriculture ne se rsume pas ses productions agricoles : elle implique tous les processus et organisations socio-conomiques qui y conduisent, savoir les rapports de production (accs diffrencis aux facteurs de production tels que la terre, largent, les quipements, la main duvre), les rapports de force entre les acteurs des filires et sur les marchs laissant plus ou moins despace de choix aux acteurs et de capacits affronter les risques.

    Une instabilit des prix

    Au final, tous ces facteurs, tant au niveau de loffre qu celui de la demande de produits agricoles, se traduisent par des prix du march incertains et instables, et souvent faiblement rmunrateurs pour les producteurs. Ceci nest pas sans consquences : les prix non rmunrateurs et/ou instables incitent peu les producteurs risquer des investissements dans la production agricole sur le moyen et long terme (on ninvestit pas dans une plantation prenne pour un an !). Linstabilit des prix agricoles joue aussi videmment sur les prix la consommation et le pouvoir dachat des consommateurs (urbains mais pas seulement). Elle est un facteur dinstabilit plus globalement au niveau dun pays.

    3 Ces systmes peuvent introduire en outre de nouvelles dpendances, en particulier si les producteurs nont pas le choix dans leurs sources dintrants et fournisseurs.

    19

  • Lactualit est l pour le rappeler : les produits agricoles ne sont pas des marchandises ordinaires, en particulier les produits de base pour lalimentation. Lvolution rcente des marchs agricoles et les crises du pouvoir dachat et daccs la nourriture de population (urbaines et rurales) de pays du Sud sont l pour le rappeler : si lon peut se priver quelques temps dune nouvelle tlvision ou dune paire de chaussures, le besoin de manger, lui, est quotidien. Limpossibilit de diffrer la satisfaction de ce besoin en fonction de la disponibilit et du prix des produits agricoles sur le march est bien sr source dnormes tensions et dinstabilits, dangereuses pour la paix civile.

    Des marchs non autorguls

    Ce nest pas une dcouverte de dire que les marchs agricoles ne sont pas rguls par eux-mmes. Il ny a pas de rencontre entre loffre et la demande avec allocation optimale des ressources pour la collectivit. La main invisible est non seulement non-visible mais aussi pour le moins maladroite. En effet, si laction de la main invisible nest pas bien perceptible en termes de rgulation (et pour cause, en agriculture plus quailleurs, le march nest pas autorgul par lui-mme), la main invisible a des retours de griffes qui sont, eux, bien concrets ! Sans faire de parti pris partisan pro-agriculteurs contre les consommateurs urbains, il y a tout de mme urgence trouver des solutions pour amliorer la situation des ruraux pour lquilibre des pays.

    Des-quilibres soutenables pour qui ? (Stew, GDS 25, 2003)

    20

  • Des limites et des opportunits nouvelles pour les producteurs

    Aujourdhui la libralisation, lessor de la population et de lurbanisation ainsi que les prix trs fluctuants (hausse ou baisse) sont des facteurs prendre en compte car ils changent objectivement les conditions daccs aux marchs et de commercialisation4. On peut se demander si la hausse des prix est structurelle ou conjoncturelle et si ces facteurs peuvent tre des opportunits saisir pour les producteurs (marchs locaux, demandes satisfaire, prix rmunrateurs) ? Les producteurs peuvent-ils bnficier de hausses de prix ? Avec quelles consquences pour les consommateurs, sachant que le producteur est aussi consommateur ? En dehors de leur capacit dorganisation et dinnovation, les rponses et les marges de manuvre des producteurs sont limites en particulier par le pouvoir dachat des consommateurs et la concurrence dautres produits via les importations.

    Les risques dvolution vers une agriculture duale (de type sud amricain) ne peuvent tre ngligs. La caricature tant un modle agricole fond sur un nombre limit dagriculteurs performants modernes , orients vers des marchs dexport (marchs solvables) avec des systmes de production trs spcialiss, et une masse de populations rurales pauvres assistes par laide alimentaire. Les risques viennent aussi de systmes de production fragilisant les quilibres locaux cologiques, alimentaires et sociaux qui engendrent des dsquilibres entre les zones rurales. Cela entrane un phnomne dmigration depuis les zones rurales les plus pauvres vers dautres zones rurales relativement mieux dotes (o existent des primtres irrigus, par exemple), avec pour consquence des tensions foncires et humaines associes. Et les mesures de nombreux tats prises lors de la crise alimentaire rcente (2008), favorisant les populations urbaines, ne doivent pas faire oublier les risques de dsquilibres nationaux.

    1.2 Des initiatives riches mais trop peu valorises

    Face ces dfaillances des marchs, les productrices/teurs, paysan(ne)s5 et leurs organisations ne restent pas inactifs subir passivement le march 6. Nombre dentre eux dveloppent des stratgies, des activits et des services diffrents niveaux et des chelles plus ou moins significatives pour faciliter laccs aux marchs et la vente de leurs produits agricoles dans des conditions moins dfavorables : organisation de la production, gestion de loffre, intermdiation pour lorganisation de ventes groupes, ngociations et alliances avec des acteurs de la filire (commerants, transporteurs, lus locaux), participation des instances de concertation multi-acteurs, lorganisation de marchs pour plus de transparence, etc.

    Ces initiatives locales sont autant de rfrences illustrant les capacits dadaptation, dinnovation et dorganisation des producteurs et des paysans. Ils sorganisent entre eux ou en lien avec dautres acteurs des filires pour se positionner sur les marchs et vendre leurs produits dans de meilleures conditions. Et cela malgr des contextes de marchs dfaillants, dstructurs , pas forcment leur avantage. Pour autant, ce capital de rfrences est peu ou mal connu par les acteurs du dveloppement rural. Parmi les causes possibles, quelques-unes sont voques ci-dessous, certaines dordre technique, dautres davantage lies des processus institutionnels de laide au dveloppement.

    4 Amliorer le fonctionnement des marchs agricoles dAfrique de lOuest / Alary P., Blein R., Faivre Dupaigre B., Soule B.G. Farm, Fvrier 2008. 75 p.- Donner aux petits agriculteurs les moyens dagir sur les marchs / Document de travail Esfim. NRI-Cirad-WUR, 2007. 5 p.- Filires agroalimentaires en Afrique : comment rendre le march plus efficace ? / Griffon M. et al. Cirad, 2001.- Le paradoxe du caf / Daviron B., Ponte S. Cirad-CTA, 2007. 340 p.- Les potentialits agricoles de lAfrique de lOuest / Blein R., Faivre Dupaigre B., Soule B.G., Yrima B. Farm, 2008. 104 p.

    5 Dans le but dallger le texte, le genre masculin sera par la suite utilis avec valeur de neutre.

    6 Les conomistes ont aussi volu avec le dveloppement de nouvelles thories (conomie institutionnelle et des organisations) qui pointent entre autres le rle des organisations comme moyen de coordination et de rduction des imperfections du march.

    21

  • Des histoires dhommes : des acteurs aux intrts divergents

    Les acteurs des initiatives peuvent donner la priorit aux activits en cours et manquer de temps, dintrt et/ou de moyens pour dcrire leurs propres actions. Dautres acteurs locaux que lexprience pourrait intresser peuvent tout simplement ne pas connatre lexistence mme de lexprience. Des experts du dveloppement, peuvent, quant eux, avoir des rticences diffuser des informations sur un march de laide concurrentiel o justement la possession dinformations constitue un capital certain pour remporter des appels doffre, des appels projets, ou des postes sur un projet. Les commanditaires des tudes sur ces sujets peuvent, de leur ct, ne pas en valider le contenu ou ne pas autoriser leur diffusion pour des raisons de confidentialit.

    Des informations inutiles qui rendent difficile lanalyse des initiatives

    Une information trop parcellaire, incomplte ou imprcise sur les mots, le vocabulaire, les chiffres est souvent une limite. En effet, des donnes technico-conomiques incompltes, voire incohrentes, non relativises par rapport un contexte (poque, lieu), peuvent dboucher sur des comparaisons inconsidres de prix relevs des moments et lieux diffrents.

    Une information trop gnrale montre aussi frquemment ses limites. Ce peut tre le cas dOP qui prfrent prsenter de grands plans dactions venir quelles souhaitent faire, plutt que parler des actions quelles ont dj ralises et qui aideraient bien plus convaincre les autres OP de leur capacit daction et danalyse prospective. Combien de plans daction ne se sont jamais concrtiss ? Cest aussi le cas de rapports dexperts, prenant tellement de hauteur par rapport au terrain que le contenu en devient trop conceptuel et peu oprationnel. Combien de rapports dont les informations prsentes sont tellement gnrales quelles auraient pu tre obtenues par de simples entretiens avec des personnes cibles, dans les capitales au sud ou du nord, sans avoir (d)mobiliser les acteurs sur le terrain ?

    Enfin, une information trop statique, non hirarchise o tout est prsent sur le mme plan, sorte de photo sans relief non replace dans une perspective dynamique, ne permet pas davantage lanalyse des processus (condition dmergence, facteurs cls dvolution).

    Difficile partage dinitiatives : manque doutils et despaces dchanges adquats

    Les changes distances via les nouvelles technologies prsentent aussi des limites : mails, forums ou sites web sont trs utiles pour de la diffusion dinformations en masse mais ne garantissent pas ncessairement des dialogues pousss avec les producteurs et leurs OP.

    De mme les consultations externes prsentent des limites : de nombreuses tudes sont ralises mais souvent, faute de temps et de moyens engags, les principaux acteurs que sont les producteurs sont peu impliqus dans la conduite de ces tudes. Consults pour fournir de linformation qui sert alimenter ces rapports, les producteurs ne reoivent ensuite quun rsultat sous forme de restitution des travaux par les consultants lors dateliers trop rapides, de rapports et comptes-rendus trop longs pour tre lus, ou de projets cl en main sur le terrain.

    Nous ne pouvons aussi que constater le peu dimpact de nombreux ateliers : la trop faible prparation en amont, comme le retour un quotidien surcharg aprs les ateliers, permettent rarement aux participants de vritables changes ou une valorisation post-atelier. Limites aussi des visites entre pairs trop rapides pour une relle analyse de situations locales.

    Les difficults changer des informations et communiquer entre producteurs ou avec leurs partenaires techniques, financiers ou commerciaux sont aussi importantes.

    22

  • 1.3 Des prjugs bien ancrs et des strotypes idaliss

    Il est dommage que les initiatives des producteurs et de leurs OP ne soient pas mieux partages entre producteurs, OP et autres acteurs intervenant dans le dveloppement rural. En effet, de nombreux producteurs (mais ils ne sont pas les seuls7) ont peu de comprhension du fonctionnement des marchs, des mcanismes de formation des prix, des activits, des rles et des positionnements des acteurs en prsence. De trs nombreux producteurs ont des visions caricaturales des marchs ou, au contraire, des visions idalises de modles strotyps (qui nexistent pas). Ces visions amnent les OP dvelopper des activits et des services non adapts aux ralits (souvent complexes) ne rpondant pas aux besoins des producteurs membres. Quelques exemples de positions et propositions faites a priori pour amliorer la situation des producteurs illustrent ci-dessous le propos.

    Il (nous) faut un camion pour transporter les produits l o les prix sont meilleurs !

    Un a priori qui a la vie dure concerne les commerants et les intermdiaires, avec une tendance les considrer comme des spculateurs, capteurs de rentes peu respectables : Les commerants sont des voleurs ! . Aussi, de nombreuses stratgies visant liminer ces acteurs sont souhaites, recherches et dveloppes par des producteurs ou promues aussi par des organismes dappui.

    Pourtant, ces stratgies dviction se rvlent dans beaucoup de cas difficiles maintenir sur la dure, en particulier quand les projets dappui prennent fin.

    On peut se demander si ces stratgies tablies dans des situations de rapports de force souvent dsquilibrs au dtriment des producteurs , ne ngligent pas, ou tout du moins ne sous-valuent pas les rles rels que jouent les commerants et les autres intermdiaires ? Ces stratgies sont-elles toujours profitables pour les producteurs ?

    Il (nous) faut des magasins et des fonds pour que lOP achte aux membres quand ils ont besoin dargent et vende quand les prix seront meilleurs !

    Parce quils ont besoin dargent, les producteurs sont souvent obligs de vendre ds la rcolte, moment o les prix sont bas. Aussi toute opportunit pour obtenir des fonds de roulement est vue comme une aubaine pour les producteurs et leur organisation : ce fonds permet lOP de payer ds la rcolte un bon prix aux producteurs qui peuvent alors disposer dargent sans pour autant brader leur produits.

    Mais les exemples de fonds de roulement qui fondent comme neige au soleil ne manquent pourtant pas. La hausse des prix entre rcolte et soudure est-elle toujours vrifie ? Le stockage est-il toujours une bonne option pour les producteurs pour vendre dans de meilleures conditions ? Dailleurs, y regarder de plus prs, les commerants ne semblent pas adopter de telles stratgies de stockage sur la dure. En effet, cela immobilise un capital important pour un rsultat plutt incertain.

    Il (nous) faut des quipements pour transformer les produits et mieux les vendre

    Le sous-entendu implicite est que les produits transforms rapportent plus . Si lon peut comprendre quun produit transform comprend plus de valeur ajoute, il reste savoir comment est rpartie cette valeur ajoute. En effet, la transformation est-elle toujours synonyme de plus de valeur ajoute pour le producteur ? Cela est-il vrai si les producteurs restent un maillon faible sur la filire en termes de pouvoir de ngociation ?

    7 Les producteurs nont pas le monopole en la matire : ONG et projets dappui nchappent pas ces a priori.

    23

  • Il (nous) faut des systmes dinformation sur les marchs pour avoir de meilleurs prix

    Une ide reue est que les producteurs sont mal informs, quils ne connaissent pas les prix, et quils se font voler par les commerants qui les sous-payent. Cela sous-entend implicitement que si on connat les prix et les lieux les plus rmunrateurs, on peut avoir de meilleurs prix .

    Une solution vidente consisterait alors mettre en place et gnraliser des systmes dinformation sur les prix et marchs (SIM). Mais, cette solution est-elle vraiment toujours vrifie ? Suffit-il pour un producteur davoir une information sur un prix de march pour avoir accs ce prix et/ou pour orienter ses dcisions en termes de stratgies de productions agricoles et de commercialisation ?

    Les producteurs ne sont pas organiss, ils nont qu se regrouper pour tre plus forts

    Cela revient dire que si a va mal seul, a ira mieux en groupe. Il ny a donc qu se/vous regrouper pour avoir plus de force de ngociation en particulier, face aux commerants .

    Le problme cest que dans un contexte de variation des prix, dinscurit et/ou de prcarit, les stratgies collectives sont justement plus difficiles tenir que les stratgies individuelles. En cas de problme, ces dernires, qui sont opportunistes ou de survie , se multiplient au dtriment de stratgies collectives de long terme. Car cest quand il faudrait jouer collectif pour tre fort quil est le plus difficile de maintenir la cohsion de groupe.

    Dans des contextes incertains, les paris sur lavenir sont risqus et le rflexe est de sassurer un aujourdhui que peut-tre deux demain : un tiens vaut mieux que deux tu lauras .

    Les stratgies individuelles de court terme sont alors exacerbes. Pour accentuer la difficult, les stratgies collectives sont lourdes et longues mettre en place, tandis que les stratgies individuelles fleurissent au gr des sollicitations, nombreuses et allchantes, des acheteurs.

    Pour une bonne commercialisation, il (nous) faut une filire bien organise !

    Les producteurs disent souvent que les filires sont dsorganises ou dstructures . Ils ont en arrire pense (et avec regret) le modle des filires dites organises du type filire intgre coton , ou dautres filires ayant t fortement encadres par ltat (autour des cultures dexportation en particulier comme le cacao ou le caf).

    Mais les succs du pass8 semblent moins tre le rsultat de modes dorganisation et de coordination des filires que la consquence des conditions favorables du march international avec des prix mondiaux plus levs. Par ailleurs, ces filires autrefois trs encadres (semi ou paratatiques), sont, dans le contexte actuel de libralisation, en restructuration profonde et ne peuvent plus fonctionner comme avant .

    Quant aux autres filires (anacarde au Bnin, filires vivrires), peut-on considrer quelles sont rellement dsorganises ? Ou bien sont-elles organises selon des modalits que les producteurs ne connaissent pas et ne matrisent pas ? Ou bien mme ces filires ne les intressent pas, ni en tant que producteurs (prix agricoles bas), ni comme consommateurs (prix la consommation levs).

    La filire est dsorganise. Il ny a qu crer une interprofession !

    Autre strotype idalis, le modle organisationnel interprofessionnel est trs en vogue. Il est souvent initi par les bailleurs de fonds mais ce modle est aussi souhait par certains tats et idalis par des producteurs. Or, en la matire, il ny a pas un modle. Il y a, au contraire, une diversit de modes dorganisations des producteurs et des autres acteurs des filires, chaque fois particulires et spcifiques, mises en place pour rsoudre des problmes particuliers et spcifiques.

    8 Tout le monde ne saccorde videmment pas sur une valuation positive de ces socits tatiques. Le travail des producteurs ntant pas toujours rmunr un juste prix.

    24

  • En outre, quattendre dun espace de concertation o les diffrentes parties prenantes (organisations de producteurs, transformateurs et/ou commerants-exportateurs) se situent des niveaux dorganisation, dinformation et de pouvoir trs asymtriques ? La concertation multi-acteurs peut-elle rsoudre tous les problmes ? Suffit-il de mettre les acteurs cte cte dans des espaces de concertation pluri-acteurs pour quil y ait des actions concertes inter-acteurs ? Finalement ces espaces de concertation sont-ils des outils vraiment favorables aux producteurs ?

    Pour vendre mieux les/nos produits, il ny a qu protger les/nos frontires !

    La protection aux frontires est souvent vue comme la solution ncessaire et suffisante pour rsoudre les problmes de commercialisation : arrtez dimporter du riz pour quon vende notre propre riz . On prend souvent comme exemple le blocage aux frontires de la pomme de terre hollandaise avec pour consquence la russite de la Belle de Guine vendue par la Fdration du Fouta Djallon.

    Mais le riz import est-il totalement substituable par le riz local, en qualits et quantits souhaites, aux bons endroits et aux moments opportuns ? On peut se demander pourquoi les tentatives de blocage de loignon aux mmes frontires de la Guine (suite aux revendications de la mme Fdration du Fouta Djallon) nont pas abouti un succs. La protection aux frontires nest pas une solution miraculeuse. Dailleurs, nexiste-t-il pas des situations sans protection (aux frontires) o des producteurs organiss accdent quand mme aux marchs dans des conditions acceptables ?

    1.4 Des solutions trop gnrales et extrieures coupes des ralits

    Les constats sont connus depuis plusieurs dcennies

    Des consultations innombrables ont t menes auprs de responsables politiques et financiers, auprs du secteur agricole, de la formation et de la recherche, du secteur priv, des agro-industries et des producteurs. Toutes ont mis explicitement en vidence de multiples dfaillances des marchs.

    Les tudes rappellent rgulirement : (i) le manque dinformations et de transparence ; (ii) le manque de financements et de crdits adapts ; (iii) les problmes de gestion du foncier ; (iv) les problmes dinfrastructures ; (v) les faibles ressources humaines ; (vi) la faible implication des acteurs dans les programmes et politiques sur des sujets qui les concernent ; (vii) le manque de rgles, et, quand elles existent, la corruption et le non respect des rgles (aux frontires notamment mais pas seulement). La liste nest pas exhaustive.

    Les solutions sont aussi connues depuis longtemps

    Du ct des solutions, dinnombrables tudes formulent de nombreux leviers daction pour amliorer la situation des producteurs.

    Elles recommandent la ncessit : (i) de scuriser lenvironnement de la production ; (ii) damliorer la transparence et laccs aux marchs ; (iii) damliorer les infrastructures, routires notamment ; (iv) dinvestir dans la recherche agricole ; (v) de favoriser la production et la diffusion dinnovations ; (vi) de faciliter laccs des crdits varis et adapts aux besoins (crdit court terme de campagne, moyen terme et long terme pour les investissements, entre autres, en quipements) ; (vii) damliorer les contrles aux frontires ; (viii) de faire des rformes foncires ; (ix) dliminer la corruption ; (x) dimpliquer les populations locales et de faire du participatif ; (xi) de renforcer les capacits, etc.

    25

  • Pour une meilleure commercialisation des produits par les OP, il faut en particulier amliorer :

    laccs des moyens de transport pour notamment obtenir un gain sur un diffrentiel gographique de prix entre champs et villes ;

    laccs des moyens de transformation pour un gain sur une plus value augmente ;

    laccs au crdit ou aux fonds de roulement pour lachat-stockage qui permet un gain sur le diffrentiel temporel de prix entre rcole et soudure ;

    laccs des informations sur les prix et marchs pour un gain via plus de transparence et de choix des marchs optimaux.

    Il est galement rapport que des actions collectives de producteurs organiss sont ncessaires comme par exemple : laugmentation du pouvoir de ngociation des producteurs ; la cration despaces de concertation et dorganisations pluri ou interprofessionnelles ; la structuration des filires, etc. La liste des solutions a priori nest pas exhaustive non plus.

    Des solutions peu oprationnelles

    Pourquoi tant dtudes et dateliers qui se rptent ? Peut-tre parce que les commanditaires nont pas pris connaissance des travaux mens auparavant par dautres. Beaucoup de choses ont dj t crites, mais tout na pas t lu9 . Mais alors comment mieux prendre en compte ce qui a dj t dit ou crit par dautres ?

    Les tudes se rptent aussi peut-tre parce quelles sont trop dconnectes du rel et napportent pas de vritables solutions satisfaisantes. Est-il bien raliste de penser quon pourrait arriver une situation o les producteurs et leurs OP auraient accs au crdit, auraient des fonds de roulement et pourraient produire, stocker, transformer, transporter et vendre leurs produits en direct aux consommateurs finaux (aprs bien sr stre informs des meilleures places de march grce un dispositif fonctionnel dinformations sur les marchs) ? Nest-ce pas l une vision dun monde (ou dun modle idalis) reposant sur des solutions en contradiction avec les ralits locales ? Les producteurs peuvent-ils vraiment matriser tout le circuit en interne ? Nest-ce pas vouloir les pousser dans des attitudes de retrait dconnectes des autres acteurs et des ralits ? Existe-t-il des situations o les producteurs produisent sans tenir compte des autres acteurs et/ou dans un environnement o tout marche (crdit, infrastructures, marchs transparents, etc.) ?

    La ralit ne montre-t-elle justement pas la difficult composer avec un environnement qui est ni idal, ni a priori favorable ? Les producteurs ne sont pas seuls dcider ni au niveau du fonctionnement des filires, ni au niveau des politiques. Est-ce que cela nincite pas les producteurs un repli sur soi isolationniste qui accrotrait leurs risques ?

    En outre, ces solutions, pour autant quelles soient adaptes aux ralits locales, sont-elles oprationnelles ? Les solutions passe-partout Y a qu , Faut que gomment les spcificits et diversits des situations locales et disent rarement Pourquoi elles nont pas dj t menes ou appliques ? Pas plus quelles ne proposent Comment faire , concrtement et localement pour les dvelopper. Les acteurs locaux apparaissent trop peu dans ces solutions de surplomb qui peuvent quelque peu plomber le dialogue et des dynamiques locales.

    9 Roger Perelman.

    26

  • 2 CADRE ET LIMITES DES TRAVAUX

    Plutt que de partir de ce que les acteurs locaux, producteurs et paysans pourraient ou devraient faire, Inter-rseaux est parti de lexistant : des initiatives locales menes par les acteurs et leurs organisations. Ensuite Inter-rseaux a dvelopp un processus pour faire analyser ces initiatives par ces mmes acteurs.

    2.1 Un choix de mthode : partir de ltude dinitiatives relles en impliquant les acteurs directement concerns

    Une porte dentre choisie demble pour aborder ce vaste thme de laccs aux marchs et de la commercialisation des produits agricoles a t de partir de lexistant, de cas concrets, de ce qui existe, ce qui est fait et non des solutions gnrales ou gnriques sur ce quil faudrait faire . Un autre choix a t de mener des analyses avec les acteurs locaux, pour quils participent dcortiquer et comprendre des situations relles dans leur complexit. Ainsi ils se sont servis de lexistant pour renforcer des dynamiques locales et/ou argumenter des dcisions des chelons dorganisation ou de prise de dcision suprieurs . Ces choix sont aussi en lien avec le public cible dInter-rseaux : acteurs du dveloppement rural pour qui les analyses de cas concrets dautres praticiens sont une source denrichissement pour largir leur champ de rfrences et dactions.

    Cette mthode de travail autour dun thme, dnomme Groupe de travail thmatique, sest appuye sur lanalyse dinitiatives que des producteurs, paysans et leurs organisations mnent effectivement pour amliorer laccs au march et la commercialisation de leurs produits agricoles. Il sagit dinitiatives abouties, russies ou en cours, qui constituent un vritable capital dexpriences. Ce travail a permis de mettre en valeur ces expriences pour que dautres acteurs du dveloppement rural (agriculteurs, organismes dappui), puissent les connatre, et en tirer des enseignements pour en tenir compte dans leurs propres activits.

    Des initiatives ont ainsi t tudies avec des acteurs locaux entre 2004 et 2007 au Bnin, au Cameroun, en Guine et au Mali en particulier mais aussi au Burkina Faso, en Cte dIvoire, Madagascar, au Niger, au Sngal. La dmarche a privilgi : (i) lanalyse et les comparaisons dans le temps et dans lespace (tude des processus dans des lieux varis) plutt que des descriptions statiques et (ii) les rflexions collectives avec la cration despaces et doutils de discussion et dchanges autour des initiatives des producteurs (visites-changes, laboration de fiches, bandes sonores, vidos sur les expriences).

    2.2 Un champ dtude limit aux producteurs familiaux

    Des agriculteurs dont les stratgies sont lies la dimension familiale des exploitations

    Dans le cadre du Groupe de travail, nous avons travaill avec des agriculteurs et leveurs, individuels ou regroups au sein dorganisations. Cet ensemble recouvre une diversit certaine, mais possde la caractristique de regrouper des hommes et des femmes ayant des exploitations de type familial .

    Une dfinition possible des agricultures familiales laquelle nous nous rfrons dans ce document est la suivante :

    Une dfinition des agricultures familiales

    On peut dire en simplifiant que les agricultures familiales se caractrisent dune part, par la prdominance du travail des membres de la famille et une organisation familiale du processus de production et, dautre part, par lexistence dune articulation troite entre production, consommation familiale et reproduction du groupe domestique.

    27

  • Dfinies par ces caractristiques, les agricultures familiales constituent un vaste ensemble qui englobe des situations trs diffrencies en ce qui concerne laccs la terre (exploitants propritaires au titre de droits fonciers trs divers, fermiers et mtayers, paysans sans terre, etc.), les techniques de production (culture manuelle, traction animale, motorisation), la productivit, et la destination des produits (autoconsommation, changes locaux, approvisionnement des marchs nationaux et internationaux) .

    Source : MR. Mercoiret, p. 149, in Les organisations paysannes et les politiques agricoles . Afrique contemporaine n217. AFD, 2006-1. p. 135-157 (Surlign en gras par nous).

    Les familles sont ancres dans un territoire et les stratgies des agriculteurs familiaux pour mener leurs exploitations sont aussi souvent lies un territoire dtermin, celui du village et de la communaut o les familles vivent. Dautres parleront donc dagriculture familiale paysanne

    Cette dfinition est donc loin dpuiser le sujet10, mais nous pensons quelle circonscrit nanmoins un pourtour comprhensible quant aux limites de nos prsents travau

    Voies des agricultures familiales (Stew, GDS 44, 2008)

    Les agriculteurs familiaux ont une accessibilit diffrencie aux facteurs de production (travail, terre, capital), comme aux marchs de produits agricoles, marchs fonciers ou financiers. Du fait aussi de leur rapport la famille et au territoire, ces agriculteurs familiaux ont des comportements qui diffrent des investisseurs fortement capitaliss et/ou propritaires fonciers capitalistes ou absentistes qui sont de tailles conomiques et financires plus importantes11.

    10 Pour lagriculture familiale : Oui, mais laquelle ? / GDS 43, p 29. Inter-rseaux, 2008. 2 p.

    11 Si les agriculteurs familiaux ont des stratgies lies au cycle de vie de la famille, les investisseurs fortement capitaliss ou propritaires fonciers absentistes ont plutt des stratgies de maximisation de profit tir du capital investi et/ou dexploitation de situations de rente lies la concentration ou la spculation foncire. Leurs stratgies et moyens pour accder aux marchs et vendre leurs produits sont donc trs diffrents.

    28

  • Nous ne faisons pas lamalgame facile (et faux) entre agriculteurs familiaux et petits agriculteurs (cf. encart plus bas). Pour autant, les agriculteurs familiaux ont des contraintes, ainsi que des moyens et des stratgies pour les lever, diffrentes de celles des autres producteurs prcits ; et il est intressant de sy attarder.

    Ce choix cibl sur les agriculteurs familiaux est justifi par le fait que les agricultures familiales prdominent dans les pays o les travaux se sont drouls, mais aussi en Afrique subsaharienne de faon plus gnrale et quelles y jouent un rle essentiel :

    Trs diverses, les agricultures africaines, dans leur trs grande majorit, sont des agricultures familiales. Leur contribution la production reste prpondrante dans la plupart des pays ; elles ne peuvent cependant tre apprhendes par la seule fonction de production : elles jouent ainsi un rle central en matire de scurit alimentaire, demploi et de revenus, dans la gestion des ressources renouvelables et de la biodiversit ; elles contribuent ainsi, de faon importante, aux quilibres territoriaux, sociaux et politiques de nombreux pays 12.

    Les agriculteurs familiaux et leurs organisations constituent aussi le public cible dInter-rseaux. Les initiatives en termes de commercialisation dont il est question dans ce document ne concernent donc que celles menes par des agriculteurs familiaux.

    Agriculteurs producteurs de cultures vivrires, de rente, de vente et commerciales

    Aussi bien dans la littrature que dans le langage courant, les distinctions suivantes sont parfois faites :

    dune part des agriculteurs produisant des cultures vivrires, vite assimiles des cultures autoconsommes (agriculture dautosubsistance, non commerciale). Ces petits agriculteurs sont considrs comme non insrs aux marchs ;

    dautre part des agriculteurs produisant des cultures dites de rente , vite assimiles des cultures dexportation (coton, caf ou cacao13). Ces agriculteurs sont alors considrs comme de vrais producteurs avec une vritable fonction de production daliments ou de matires premires destins la vente pour des consommateurs et des industriels.

    Il est alors facile dassimiler lagriculture familiale la petite agriculture de subsistance , qui a pour seule fin de subvenir aux propres besoins alimentaires de la famille. La ralit est bien videmment plus complexe.

    Les cultures vivrires peuvent tre produites pour alimenter les centres urbains, bien au-del du cercle de la famille. Moins visibles, car issues dune multitude dagriculteurs disperss, elles nen approvisionnent pas moins massivement les villes14. Les cultures vivrires peuvent tre initialement plantes pour tre consommes par la famille (pour viter davoir les acheter un prix trop lev) et finalement tre vendues pour parer un besoin immdiat dargent. En outre, un mme agriculteur peut combiner des cultures vivrires, destines au march ou non (tomate, oignon), et des cultures clairement destines tre vendues (gingembre, noix de cajou, coton).

    On voit ainsi que les cas de figures sont complexes et ne peuvent pas tre rduits aux strotypes noncs plus haut.

    12 MR. Mercoiret, 2006.

    13 Parler de culture de rente pour ces cultures quand elles sont produites par des agriculteurs familiaux, et ce pour des rmunrations assez alatoires, est peut tre un abus de langage : o est la situation de rente ? Les agriculteurs maliens produisant du coton sont-il des rentiers ? Si les cultures dexport sont assimiles des cultures de rente, les produits et filires quitables pourraient-ils alors tre les derniers venus sur le march des cultures de rente ?

    14 Cf. les nombreux travaux du Cirad ce sujet.

    29

  • Des agriculteurs consommateurs : la vente, un choix de commercialisation ?

    On peut parler de stratgies de commercialisation chez des agriculteurs produisant du gingembre ou du caf (destins la vente) et qui travaillent amliorer leur commercialisation en favorisant, par exemple, une meilleure connaissance des acteurs de la filire et des mcanismes de formation des prix.

    Mais, que dire de la vente de produits vivriers qui ntaient pas destins tre vendus, quand lagriculteur, non par choix mais par obligation, est prt vendre son riz non pas au meilleur prix mais au plus vite pour avoir de largent frais (pour mettre en place dautres activits agricoles ou pour des besoins de scolarisation ou de sant) ? Certes le produit agricole entre sur le march et dans les circuits de commercialisation. Pour autant, est-il alors bien appropri de travailler la question de laccs au march ou de la commercialisation dans ce type de situation ? Peut-on raisonner les questions daccs au march et de commercialisation des produits agricoles sans considrer les questions daccs au crdit, de scurit alimentaire, et de populations particulirement vulnrables ?

    Des prcautions sont sans doute ncessaires pour ne pas se tromper de cible et diffrencier ce qui relve de problmes daccs au march et de commercialisation , des autres problmes (accs au crdit, populations trs vulnrables). Cela dit, ces questions restent interdpendantes : les agriculteurs sont aussi des consommateurs, et les populations agricoles constituent encore une part importante de la population de nombreux pays. Il est donc ncessaire de mettre en perspective ces questions avec celles de la souverainet alimentaire et des choix politiques quant aux arbitrages et aux moyens ncessaires pour nourrir les populations, quelles soient urbaines ou rurales.

    Agriculteur familial, paysan, petit producteur, pauvre rural ?

    Malgr la plthore de termes employs il est important de bien comprendre quon ne peut pas assimiler familial petit (cf. encart ci-dessous). Ensuite, les agriculteurs familiaux ou paysans, quils consomment ou vendent leurs productions, nen produisent pas moins des produits agricoles. Aussi, le terme producteur utilis par la suite dans ce document fera rfrence aux hommes et femmes menant des activits dagriculture ou dlevage dans des exploitations de type familial (ou exploitations familiales), que les productions soient autoconsommes ou vendues. De mme, le terme OP dsignera des organisations de producteurs regroupant des hommes et femmes menant des activits agricoles dans des exploitations familiales15.

    Agricultures familiales : Des mythes durs dboulonner

    Lagriculture familiale est encore trs souvent associe des qualificatifs tels que petit, archaque, non-moderne, improductif, autosubsistance, dpass, du pass, incapacit dinnovation, rsistance au changement, fixisme, anticonomique, non comptitif, non adapt au march, pauvret Et la grande entreprise agricole dote de moyens de production fort contenu en capital (et en intrants), est, quant elle, quasiment toujours qualifie de moderne, dynamique, entreprenante, intgre aux marchs, performante, rentable, nourrissant le monde. Pourtant, la ralit nest pas si simple

    Familial = Petit ?

    Un petit producteur familial au Brsil cultive 100 ha ; un producteur ayant 1 ha dans une plaine rizicole du Vietnam ne peut pas tre considr comme un petit producteur. Les agricultures familiales sont plurielles et offrent des types extrmement diffrencis selon lhistoire des socits et les caractristiques du milieu. Elles concernent un large gradient de situations, allant du petit paysan sans terre lexploitation agricole mcanise pouvant avoir recours au salariat. Une exploitation familiale peut aussi tre trs grande !

    Familial = Anti-conomique ?

    De nombreuses analyses montrent les avantages comptitifs des exploitations familiales en termes de valorisation des facteurs de production : les exploitations familiales peuvent tre plus efficaces

    15 Dans ces exploitations familiales, lactivit agricole peut ne pas tre lactivit unique, les ruraux articulant souvent plusieurs types dactivits. Cf. dossier GDS n45 : Activits rurales non agricoles. Inter-rseaux, 2008. 16 p.

    30

  • conomiquement que dautres formes dagriculture dites modernes !

    Familial = Fixisme ?

    Les agricultures familiales ont fait preuve de leur dynamisme, flexibilit, capacit innover, intgrer des innovations, fournir des rponses aux signaux des marchs et sadapter aux changements rapides du contexte conomique et institutionnel parfois un cot social et conomique malheureusement lev.

    Familial = Marginal ?

    Lagriculture familiale joue un rle important en termes de contribution lconomie (pourcentage du PIB) et doccupation de la population dans les pays africains comme sur dautres continents : 1,3 milliard dactifs agricoles dans les pays du Sud, et prs de 2,5 milliards de personnes si lon considre les familles quils font vivre directement (41 % de la population mondiale).

    Plus grand = Plus rentable ?

    En agriculture, la productivit nest pas proportionnelle la taille des exploitations : la grande taille des exploitations nest pas toujours un facteur dconomie dchelle.

    Source : Encart dans le dossier GDS n23 sur lagriculture familiale / A. Lothor Inter-rseaux, 2003.

    2.3 Diversit de contextes et de stratgies excluant toute exhaustivit

    Les limites de nos travaux viennent aussi de la diversit des stratgies inhrentes aux producteurs et leurs OP. Au sein mme de lagriculture familiale, la diversit dactions possibles, imagines et dveloppes par les producteurs pour commercialiser leurs produits est trs grande, y compris dans les quelques pays africains plus particulirement cibls lors du Groupe de travail. Les OP recouvrent, elles aussi, une ralit trs diverse : groupes de producteurs la base , intermdiaires ou fdrations, pouvant regrouper des producteurs diffrencis et exercer des activits conomiques, sociales et/ou syndicales. Cette pluralit rpond une diversit de contextes notamment agro-cologiques et socio-conomiques, volutifs, et une diversit dobjectifs propres aux producteurs, hommes, femmes et communauts qui peuvent galement changer. Elle illustre quil ny a pas dactivit bonne en soi : une activit mene un moment donn peut tre utile, puis savrer non adapte ensuite.

    Des initiatives dOP potentiellement intressantes tudier avaient t identifies a priori en fonction de lintrt des initiatives elles-mmes : modalits de vente, taille de linitiative (volumes, nombre de personnes concernes). Les initiatives finalement retenues dans le cadre du Groupe de travail correspondent des choix dtermins par des dynamiques locales en cours : disponibilit et priorits du moment, intrt pour des activits spcifiques de commercialisation, dynamiques de rflexion et dactions collectives

    La dizaine dinitiatives dOP qui apparaissent tout au long de ce document ne couvre pas lensemble de celles tudies lors du Groupe de travail. Les OP cibles ont pour point commun dexister depuis de nombreuses annes et donc davoir expriment au cours de leur histoire un large panel dactivits, qui ont t pour certaines des succs, et pour dautres des checs. Lanalyse des succs mais aussi des checs de ces OP a permis de mieux comprendre les facteurs de russite des OP en termes dactions de commercialisation. Les actions dOP au niveau des politiques agricoles ou des ngociations commerciales internationales ne sont pas traites dans ce document. Ces travaux ne prtendent donc pas lexhaustivit. Et ce document ne prsente quune vision trs partielle