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Accidents thromboemboliques et voyages aériens : évaluation du risque et stratégie prophylactique (podcast)

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2014) 18, 45—51

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

MISE AU POINT

Accidents thromboemboliques et voyagesaériens : évaluation du risque et stratégieprophylactique (podcast)

Thromboembolic events complicating air flights: Risk factors andprevention

Frédéric Lapostollea,∗,b,1, Pascal Orera,b,Sylvie Guynemera,b, Frédéric Adneta,b

a Samu 93, hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny, Franceb EA 3509, UF recherche-enseignement-qualité, université Paris 13, Sorbonne Paris Cité, 125,rue de Stalingrad, 93009 Bobigny, France

MOTS CLÉSVoyages aériens ;Accidentsthromboemboliques ;Anticoagulants

Résumé La relation entre accidents thromboemboliques et voyages aériens est clairementétablie. L’incidence des évènements est rare (quelques en cas par millions de voyageurs).Le risque augmente significativement pour les vols de plus de 5000 km. Le rôle de la classedu voyage, de l’hypoxie, de l’hypobarie et des facteurs de risque thromboemboliques duvoyageur ne sont pas connus. Diverses mesures de prophylaxie, parfois contradictoires enl’absence d’étude validée, ont été proposées. La stratégie prophylactique est déterminéesur la combinaison de deux catégories de risque : le voyage (sa durée) et le patient (et sonrisque thromboembolique propre). Les mesures prophylactiques comportementales et le portde chaussettes de contention sont volontiers recommandés. Le recours à une prophylaxie phar-macologique doit demeurer exceptionnel et être discuté au cas par cas.© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSAir flights;Thromboembolicevents;Anticoagulants

Summary The risk of thromboembolic events is increased during air flights, although itremains low limited to a few cases per million. The distance (and duration) of the flight increasesthe risk, but risk factors related to patient are not documented as well as the role of hypoxia,hypobaric atmosphere, economy class. Different thromboprophylactic strategies have been sug-gested but not validated. Thromboprophylaxis has been recommended for long distance flights

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (F. Lapostolle).

1 Photo.

1279-7960/$ — see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2013.10.014

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46 F. Lapostolle et al.

and patients at risk. No one argues against elastic stocking and deambulation. The use of anti-coagulants must remain extremely rare based on an individual balance between benefit andside effects.© 2014 Published by Elsevier Masson SAS.

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La version audio de cet article est disponible en podcast(Matériel complémentaire, Annexe 1 en fin d’article).

istorique

es premières compagnies aériennes ont vu le jour dans lesnnées 1920 [1]. Depuis, en dépit des conflits militaires,es attentats, des crises économiques, le trafic aérien n’aas cessé de se développer. Une croissance de plus de

% par rapport à l’année précédente était encore obser-ée en mai 2013 [2]. La distance parcourue, tout commee nombre de passagers, ont continuellement augmenté.our comprendre l’ampleur de ce phénomène, il suffit deomparer la Caravelle et l’Airbus A-380. En 1960, unearavelle transportait 60 passagers sur 600 km. Aujourd’hui,

’Airbus A-380 transporte, dans sa configuration maximale,50 passagers sur 15 000 km !

Ainsi, 2,8 milliards de personnes ont voyagéen avion dans le monde en 2011 selon

l’Organisation de l’aviation civile internationale.Le chiffre de 3,6 milliards est attendu en 2016 !

Pour le seul aéroport de Roissy, cela représentait9 millions de passagers en 2012 [3].

La question des problèmes médicaux survenant à bordses avions et leurs conséquences a été souvent évo-uée [4—6]. Malaises, troubles gastro-intestinaux, douleursiverses arrivent en tête des symptômes observés danses avions [4—6]. Parmi ces évènements, une attentionarticulière a été très tôt portée aux accidents thromboem-oliques. Dès 1954, Homans a évoqué l’hypothèse d’uneelation entre la survenue d’accidents thromboemboliquest les voyages, aériens en particulier [7]. Il a rapporté desccidents thromboemboliques dans deux cas de voyages envion (et deux cas de voyages en voiture). Il a incriminéa position assise prolongée comme facteur de risque dehrombose.

Le terme de « syndrome de la classe économique » estpparu en 1977, fondée sur une série de. . . trois cas [8] !nsuite, de nombreuses publications ont évoqué la rela-ion entre les voyages en avion et la survenue d’accidentshromboemboliques. Pourtant, à l’aube des années 2000, lesncertitudes demeuraient, aucune étude n’ayant formelle-ent démontré cette relation.

ne relation longtemps discutée

’hypothèse contraire à un risque spécifique était qu’unembolie pulmonaire avait d’autant plus de probabilité de

lafs

urvenir à bord d’un avion que ce voyage était prolongé etes passagers nombreux, l’augmentation des cas observés’étant alors que la conséquence de l’augmentation globaleu trafic aérien déjà évoquée. Un éditorial du BMJ résumaitinsi ces incertitudes : Pulmonary embolism after air travelay occur by chance alone [9].Pourtant, les arguments en faveur d’une relation

ntre les accidents thromboemboliques et les voyagesériens étaient nombreux. Arguments physiopathologiquesn premier lieu. D’après la triade de Virshow, trois phé-omènes participent au développement de la thromboseeineuse profonde : lésions endothéliales, stase veineuse etodifications du contenu vasculaire [10]. Ces phénomènes

ont renforcés lors des voyages en avion [11]. La compressionrolongée des cuisses sur le bord du siège serait à l’originee lésions endothéliales favorisant ainsi l’apparition dehrombus [12]. La stase veineuse est favorisée par la positionssise prolongée. Les valvules veineuses, immobiles, flottentibrement dans le flux sanguin et demeurent perméables.’absence d’activité musculaire contribue à ralentir le fluxanguin et la vidange. Une augmentation de volume des mol-ets a été mesurée. Le contenu vasculaire est modifié [13].près une heure en position assise, l’hématocrite augmentee 30 % et la protidémie de 40 %. L’hygrométrie minimalee la cabine (10 % environ), l’insuffisance d’ingestion d’eaut l’effet diurétique de l’alcool fréquemment consommé auours des vols de longue durée, favorisent la déshydrata-ion [14]. Hémoconcentration et augmentation de viscositéavorisent le développement d’un thrombus.

Les effets du vol sur l’hémostase sont incertains [15—18].es études expérimentales réalisées en caisson hypobarent donné des résultats contradictoires. Les spécificités duisque lié à l’hypobarie et à l’hypoxie induites par le trans-ort aérien demeurent discutées.

Ainsi, le risque semble essentiellement lié à la positionssise prolongée. Il n’est donc pas l’apanage des voyagesn avion. Toutes les situations associées à une positionssise prolongée sont concernées. Train, voiture, mais aussihéâtre, voire travail de bureau et jeux vidéo ont éténcriminés. . . [7,19—23].

Divers arguments cliniques plaident aussi en faveur de laelation entre les voyages aériens et les accidents throm-oemboliques. De nombreux cas de patients ayant présenténe thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmo-aire après un voyage en avion ont été publiés. Une étudeas-témoins a retrouvé le voyage en avion (et en voiture)omme associé à la survenue d’un accident thromboembo-ique (odds ratio de 3,98) [22]. Une étude échographique

retrouvé une thrombose veineuse profonde asymptoma-ique chez 10 % des 231 personnes ayant effectué un vole huit heures [24]. Ces études ont fait, secondairement,

’objet de réserves méthodologiques [25]. Ainsi, le recoursu diagnostic échographique de thrombose veineuse pro-onde a été très critiqué [26]. En 1999, la fréquence deurvenue d’embolie pulmonaire a été estimée à 0,5 cas par
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Accidents thromboemboliques et voyages aériens

million de passagers arrivant aux aéroports de Paris [27].Toutefois, les arguments théoriques solides et le fait dequantifier la relation ne suffisaient pas à la démontrer. Ced’autant que quelques études apportaient des argumentsremettant en cause cette relation. Une étude a été réa-lisée sur 19 patients décédés au décours d’un voyage enavion et qui présentaient une thrombose veineuse et/ouune embolie pulmonaire [28]. Le thrombus préexistait auvoyage dans cinq cas (dont quatre cas d’embolie pulmo-naire) et dans neuf cas, il s’agissait d’un thrombus frais.Ces résultats ont conduit les auteurs à conclure à un méca-nisme physiopathologique autre que celui du « syndrome dela classe économique ». Une étude cas-témoins a comparéla fréquence d’un voyage en avion récent dans une popula-tion de patients présentant une embolie pulmonaire et dansune population de patients présentant une symptomatolo-gie identique, mais sans embolie pulmonaire. Les auteursn’ont pas trouvé de différence significative entre les deuxpopulations dans ce collectif de 788 patients [29].

Afin de démontrer que ce n’était pas l’accroissement dela période d’observation (c’est-à-dire de la durée du volet du nombre de passagers) qui augmentait, fortuitement,le nombre d’incidents survenant pendant le voyage, nousavons analysé les patients victimes d’embolie pulmonairepris en charge à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle [30].Plus de 135 millions de passagers provenant de plus de centpays ont constitué notre groupe témoin. Ils ont été classésen fonction de la distance du vol ainsi que les 56 patientsvictimes d’embolie pulmonaire (Fig. 1). L’incidence desembolies pulmonaires était de 0,4 cas par million de pas-sagers. Elle atteignait 4,8 cas par million pour les vols deplus de 10 000 km (Fig. 1). Il existait une cassure dans la

courbe pour des voyages de 5000 à 7500 km (Fig. 1). Celadémontre que ce n’est pas l’augmentation de la périoded’observation qui explique l’augmentation des embolies pul-monaires, mais bien la durée du voyage. Ces résultats ont

véln

Figure 1. Incidence des embolies pulmonaires en fonction de la distaarrivant à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle par 2500 km (intervalle dene sont pas observés « par hasard » [30].

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té confirmés par une étude espagnole de méthodologieimilaire. L’incidence d’embolie pulmonaire à l’aéroport deadrid était de 0,39 cas par millions de passagers [31]. Ce

ésultat était au centième près, identique à celui que nousvions rapporté. La courbe d’incidence des embolies pulmo-aires en fonction de la distance était identique à celle queous avions établie.

Les événements étaient indiscutablement sous-estimésans notre étude. Seules les embolies pulmonaires gravesnt été étudiées. Les patients avec une thrombose vei-euse profonde isolée ou une embolie pulmonaire non grave’ont pas été inclus. Après un voyage prolongé, devant desymptômes mineurs, les passagers quittent généralement’aéroport sans consulter le service médical. Or, l’embolieulmonaire peut survenir jusque plusieurs semaines après leoyage aérien [22]. Les victimes d’un arrêt cardiaque n’ontas non plus été incluses. Or, l’embolie pulmonaire est uneause probable d’arrêt cardiaque au décours d’un voyagen avion [32]. Finalement, la relation entre les voyages (etlus précisément leur durée) et les accidents thromboem-oliques n’est plus discutée [33]. En revanche, l’incidencexacte de ces accidents demeure inconnue.

uels sont les autres facteurs de risque ?

ette question est incontournable dans la perspective dea prophylaxie des accidents thromboemboliques liés auoyage aérien. Cette question est d’intérêt [34]. Le nombree personnes (en bonne santé le plus souvent) concernéesst absolument gigantesque (plusieurs milliards par an danse monde !). Étonnamment, hors le risque lié à la durée du

oyage, très peu d’autres facteurs de risque spécifiques ontté identifiés. Ainsi, l’hypothèse historique selon laquellee voyage en « classe économique » serait un facteur risque’a pas, à ce jour, été confirmée ou infirmée. Les problèmes

nce du vol, exprimée en nombre de cas par million de passagers confiance). La cassure dans la courbe (rouge) confirme que les cas

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éthodologiques majeurs que pose l’étude des accidentshromboemboliques liés au voyage aérien l’expliquent enartie [35,36]. Ainsi, les femmes étaient particulièrementoncernées par le risque d’accident thromboembolique liéu voyage aérien selon plusieurs auteurs [37]. Elles repré-entaient 70 % de la population dans la plupart des étudest jusqu’à 90 % dans une étude japonaise [12,30,31]. Véri-er cette hypothèse requérait la constitution d’un groupeémoin adapté : des passagers ayant effectué un vol deongue durée et dont le sexe ratio était connu. Nous avonsu constituer ce groupe témoin à partir de 540 734 passagersrrivant à Tahiti (Polynésie-francaise). Tous avaient effectuén vol de plus de 4100 km (au minimum, à partir de AucklandNouvelle-Zélande]). Tous avaient rempli un questionnaireomportant leur genre à l’arrivée en Polynésie. Le sexe ratioans ce groupe a été comparé avec celui de 116 victimes’une embolie pulmonaire après un voyage de longue durée.e sur-risque féminin était confirmé (Fig. 2) [37]. L’incidencee 2,3 (2,3—2,4) pour les hommes atteignait 7,2 (7,2—7,3)as par million de passagers pour les femmes, pour lesoyages de plus de 10 000 km. Plusieurs explications ont étéroposées : hormonales, physiques et comportementales.es femmes oseraient moins que les hommes déranger leuroisin, ce qui favoriserait leur immobilité. De plus petiteaille, elles seraient plus exposées à la compression desembres sur le bord de leur siège [12,38]. Afin de confirmer

ette hypothèse, nous avons réalisé une étude cas-témoinsdonnée non publiées). La taille (et le poids) des patientsictimes d’un accident thromboembolique après un voyagee différaient pas significativement de ceux des patientsictimes d’un accident thromboembolique qui n’avaient pasoyagé. Mais, ce travail nous a aussi montré que les patientsui avaient voyagé n’avaient pas plus de facteurs de risque

hromboembolique, ni de troubles de l’hémostase, que lesatients du groupe témoin. Ces résultats renforcent la res-onsabilité propre du voyage dans la survenue d’accidentshromboemboliques. Aucun facteur de risque spécifique n’a

dpls

igure 2. Incidence des embolies pulmonaires en fonction du genre (eassagers arrivant à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle par 2500 km (in

F. Lapostolle et al.

té identifié. Si d’autres facteurs jouent un rôle, celui-cie peut être que bien inférieur au risque lié au voyageui-même. Ces considérations doivent servir de base à’élaboration d’une stratégie prophylactique.

tratégie prophylactique

e risque principal est lié au voyage et plus précisément à saurée. Nous n’avons pas observé, sur plusieurs dizaines deillions de passagers, d’embolie pulmonaire (grave) pour

n voyage de moins de 6900 km (Dakar). Aussi, considérerue sont à risque les vols de plus de 5000 km est une limiteaisonnable. D’autre part, en l’absence d’identification’autres facteurs de risque spécifiques, l’issue est de s’enemettre à ce qui est connu pour le risque d’embolie pul-onaire dans la population générale. Toutefois, la facone combiner ces critères, distance du voyage et facteurse risque personnels, innés ou acquis pour évaluer unisque individuel et définir une stratégie de prophylaxieemeure incertaine. Il existe plusieurs recommandations sure sujet : des recommandations britanniques, un consensusnternational exclusivement dédiés au risque thromboembo-ique des voyages et des recommandations plus généralesur le risque thromboembolique qui consacrent un cha-itre aux voyages [21,39,40]. Ces recommandations neont pas homogènes, tant les critères définissant le risqueue les propositions prophylactiques sont différents. Cela’explique en premier lieu par l’absence de données scien-ifiques solides. Soulignons aussi qu’une série d’études sura prophylaxie a fait l’objet de critiques extrêmement viru-entes [41—45]. Les résultats seraient entachés de fraude21]. Ces études étaient les seules études pharmacologiques

isponibles. . . La compréhension des recommandations n’estossible qu’en prenant cela en considération. Les grandesignes de ces recommandations peuvent être résumées ainsi,elon la chronologie de leur publication.

t de la distance du vol), exprimée en nombre de cas par million detervalle de confiance) [37].

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Accidents thromboemboliques et voyages aériens

Tableau 1 Niveau de risque d’accident thromboem-bolique des voyageurs en avion selon le consensusinternational de 2008 [39].

Niveau 1 : risquefaible

Passagers sans risque personnelsupplémentaire (voir ci-dessous) ;chaque voyage prolongé est associéà un risque légèrement accru maisindéterminé

Niveau 2 : risquemoyen

Les facteurs suivants peuventaugmenter le risque individueld’accident thromboembolique. Laprésence de deux facteurs ou plusaugmente de risque de faconsupra-additive

Grossesse ou post-partumÂge > 60 ansThrombophilie documentéeAntécédent familial de maladie

thromboemboliqueVarices des membres inférieurs

et/ou insuffisance veineusechronique

Contraception orale ou traitementhormonal substitutif

Obésité (index de massecorporelle > 30)

Niveau 3 : risqueélevé

La présence de ces critères estassociée à un risqueparticulièrement élevéAntécédent d’accident

thromboemboliqueNéoplasie ou autre pathologie sévère

évolutive

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Etlsettoflmpcas par cas. Elles ne recommandent pas l’hydratation,

Immobilisation (plâtre. . .)Chirurgie majeure récente

Recommandations de 2008

En 2008, les recommandations distinguent trois niveaux derisque (Tableau 1) [39]. La stratégie prophylactique reposesur trois niveaux de mesures qui se cumulent lorsque lerisque augmente.

Niveau 1 : mesures comportementalesUne bonne hydratation, l’abstinence de consommation desédatif, d’alcool et de tabac, le port de vêtements ne gênant

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Tableau 2 Stratégie de prophylaxie des accidents thromboemde 2010 [40].

Risque Durée du vol

Inférieure à 3 h De 3 à 8 h

Faible Rien Rien

Intermédiaire Rien Rien ou chaussettes de c

Élevé Rien Chaussettes de contentio

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as la circulation sanguine (chaussettes et pantalon en par-iculier), les mouvements réguliers des membres inférieurst la déambulation régulière dans l’avion sont recomman-és. Notons que le bénéfice de ces mesures n’a pas étéormellement démontré. Cependant, s’agissant de mesuresui ne sont pas dispendieuses et qui sont dénuées de risque,lles sont largement recommandées. La seule limite à leurpplication résulte des conditions de confort et de sécu-ité à respecter dans les avions. La plupart des compagniesériennes proposent désormais l’application de tout ou par-ie de ces recommandations.

iveau 2 : mesures physiques (port de chaussettese contention)ette méthode de prévention étant aussi d’un coût limité etans risque, elle a été largement recommandée. Elle reposeour l’essentiel sur l’une des études visées par les soupconse fraude [46].

iveau 3 : mesures pharmacologiquesanticoagulants)a prise d’aspirine est sans intérêt [44]. Le bénéfice de’héparine de bas poids moléculaire (enoxaparine) a été éta-li sur une population de patients à haut risque effectuant unol de plus de 10 heures [44]. Le problème, une fois encorest que ces recommandations reposaient pour l’essentiel sur’une des études visées par les soupcons de fraude.

ecommandations de 2010

n 2010 les recommandations stratifient le risque en fonc-ion de la durée du vol (Tableau 2) [40]. Elles considèrent quees facteurs de risque préexistants sont déterminants dans laurvenue d’un évènement thromboembolique : risque élevén cas de chirurgie majeure récente ou de néoplasie évolu-ive et risque intermédiaire en cas d’antécédent d’accidenthromboembolique sans cause identifiée, ou après un voyageu en cas d’accumulation de facteurs de risque, risqueaible dans les autres cas. Ces recommandations croisentes deux risques, liés au voyage et au passager, pour déter-iner la stratégie prophylactique adaptée (Tableau 2). Ellesréconisent une analyse de la balance bénéfice—risque au

ais recommandent la mobilité. Elles ne recommandentas le port des chaussettes de contention, ni le recours à’anticoagulation. . . Sauf chez les patients à risque élevéoyageant plus de huit heures.

boliques liés au voyage aérien selon les recommandations

Plus de 8 h

Rien

ontention Chaussettes de contention

n Chaussettes de contention ± anticoagulants

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50 F. Lapostolle et al.

Tableau 3 Proposition d’une stratégie de prophylaxie des accidents thromboemboliques liés au voyage aérien en fonc-tion de la distance du vol et du risque personnel.

Patient Voyage

Inférieur à 5000 km De 5000 à 7500 km Plus de 7500 km

Risque faible Rien Mesures comportementales etphysiques

Mesures comportementales etphysiques

Risque modéré Mesurescomportementaleset physiques

Mesures comportementales etphysiques

Mesures comportementales,physiques et discuter dutraitement pharmacologique

Risque élevé Mesurescomportementaleset physiques

Mesures comportementales,physiques et discuter dutraitement pharmacologique

Mesures comportementales,physiques et discuter dutraitement pharmacologique

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ecommandations de 2012

n 2012 les dernières recommandations publiées concernanta thromboprophylaxie sont celles de American College ofhest Physicians [21]. Elles consacrent un chapitre et desecommandations spécifiques aux voyages aériens parmi les-uels elles distinguent les vols de plus ou moins de 6 heures.lles retiennent comme facteur de risque : les antécédents’accident thromboembolique, une chirurgie ou un trau-atisme récent, une néoplasie évolutive, une grossesse en

ours, un traitement par œstrogène, un âge avancé, uneobilité réduite, une obésité sévère, une thrombophilie

onnue. Dans ce cas, une déambulation fréquente, des mou-ements des jambes, un siège au bord du couloir et le porte chaussettes de contention sont recommandés pour un volong distance. . . Les auteurs déconseillent le port de chaus-ettes dans tous les autres cas. Ils déconseillent aussi dansous les cas le recours à l’aspirine et aux anticoagulants.

onclusion

e rationnel de ces différentes recommandations est tout àait discutable. Les difficultés méthodologiques concernantes études sur le sujet ont déjà été soulignées. L’absencee données solides (et non suspectes) a contribué à limitere recours aux interventions, y compris les plus anodines.ela est parfaitement illustré par la position prise sur leort de chaussettes de contention. Comme le rappellentes auteurs, si aucune étude n’a montré de bénéfice duort de chaussettes de contention, aucune étude n’a misn évidence de risque lié au port de ces chaussettes. Ellesemblent par ailleurs réduire l’œdème lié au voyage aérien.lles sont largement indiquées dans les autres situations àisque thromboembolique. De la même facon, la restric-ion mise à recommander une bonne hydratation, dont leénéfice n’a pas été démontre est discutable. La non pres-ription des anticoagulants en toutes circonstances peutussi sembler une position extrême. Même si leur usage doit

ertainement demeurer exceptionnel, il semble inévitableans certains cas, ne serait-ce que lors du rapatriementanitaire de patients critiques [47]. Enfin, nous pensonsue ces dernières recommandations ne considèrent pas

uffisamment le seul risque clairement établi et absolumentas discuté : celui de la durée du voyage. Aussi, proposons-ous une combinaison des deux sources de risque : le voyaget les risques personnels du patient (Tableau 3). Cela consti-ue un compromis entre les dernières recommandations.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

nnexe 1. Matériel complémentaire

a version audio de cet article (format mp3) est disponibleur http://www.sciencedirect.com et http://dx.doi.org/0.1016/j.pratan.2013.10.014.

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Accidents thromboemboliques et voyages aériens

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