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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2013 - N°453 // 53 ENVIRONNEMENT ET HÔPITAL : DU DÉPISTAGE AUX CONTRÔLES ENVIRONNEMENTAUX article reçu le 6 mars, accepté le 29 mars 2013. © 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. SUMMARY Accreditation for the analysis of Legionella in water samples according to NF EN ISO/CEI 17025 norm: return of experience from two hospital laboratories Laboratory accreditation by the French committee for accreditation (Cofrac) is now an obligation in France to realize legionella analysis in water samples. This article describes the steps that have enabled us to achieve accreditation of our laboratories, difficul- ties to overcome and the whole process to control : enabling and training of personnel, premises and equipments, metrology, swab and sample collection, quality of assay, method validation, control of post- analytical phase. The initial visit and follow-up visits Cofrac will also be described. Legionella – accreditation - NF EN ISO/CEI 17025 norm. RÉSUMÉ L’accréditation des laboratoires par le Comité français d’accrédiation (Cofrac) est désormais obligatoire en France pour réaliser les analyses de légionelles dans l’eau. Cet article décrit les différentes étapes qui nous ont permis d’aboutir à l’accréditation de nos laboratoires, les écueils à surmonter et l’ensemble des processus à maîtriser : habilitation et formation des personnels, qualité des locaux et des équipements, métrologie, prélèvements et échantillonnages, qualité des essais, validation de méthode, maîtrise de la phase post-analytique. La visite initiale et les visites de suivi du Cofrac seront également décrites. Légionelles – accréditation – norme NF EN ISO/CEI 17025. Christine Lawrence a, *, Abdelhafid Attar a , Frédéric Barbut b Accréditation pour la recherche des légionelles dans l’eau selon la norme NF EN ISO/CEI 17025: retour d’expérience de deux laboratoires hospitaliers a Laboratoire de biologie médicale Groupe hospitalier universitaire Paris-Ile-de-France-Ouest Hôpital Raymond-Poincaré 104, bd Raymond-Poincaré 92380 Garches cedex b Service de microbiologie de l’environnement Groupe hospitalier universitaire de l’Est Parisien Site Saint-Antoine 184, rue du Faubourg Saint-Antoine 75571 Paris cedex 12 * Correspondance [email protected] 1. Introduction - contexte réglementaire Depuis la parution de l’arrêté du 1 er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles dans les installations de produc- tion, de stockage et de distribution d’eau chaude sanitaire [1], les laboratoires qui souhaitent réaliser des analyses pour recherche de légionelles dans l’eau doivent être accrédités par le Cofrac ou tout autre organisme d’accréditation équi- valent européen signataire de l’accord multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d’accréditation. Cette disposition est applicable depuis le 1 er janvier 2012 y compris pour les laboratoires de biologie médicale des structures hospitalières, qui réalisent leurs auto-contrôles de la qualité de l’eau du (ou des) établis- sements de santé dont ils dépendent. L’objet de cet article est de restituer l’expérience de deux laboratoires hospitaliers de biologie médicale (LBM) qui ont été accrédités récemment par le Cofrac. Il ne s’agit pas d’une revue exhaustive de l’ensemble des exigences du Cofrac qui sont décrites dans la norme NF EN ISO/CEI 17025 [2], les LAB GTA 23 [3] et LAB GTA 29 [4], mais d’exposer la démarche suivie pour aboutir à cette accréditation. 2. Comment préparer la visite initiale d’accréditation ? La démarche d’accréditation doit se préparer bien en amont de la visite initiale des experts-visiteurs. Il est indispensable d’obtenir un engagement de la direction de son établisse- ment, que cela soit un LBM privé ou public au sein d’un établissement de santé. En effet, l’accréditation est un projet dynamique qui se poursuivra tant que le laboratoire continue à fonctionner et il est important d’évaluer les besoins et l’activité avant de s’engager. Dans notre cas, n’ayant pas eu l’appui d’un spécialiste de la qualité pour struc- turer notre démarche, le questionnaire d’auto-évaluation LAB FORM 03 [5], disponible sur le site du Cofrac, nous a été d’une grande utilité pour évaluer la distance à par- courir avant de déposer le dossier d’accréditation. Le premier contact avec ce document peut paraître décou- rageant, notamment par sa terminologie très spécifique

Accréditation pour la recherche des légionelles dans l’eau selon la norme NF EN ISO/CEI 17025 : retour d’expérience de deux laboratoires hospitaliers

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2013 - N°453 // 53

ENVIRONNEMENT ET HÔPITAL : DU DÉPISTAGE AUX CONTRÔLES ENVIRONNEMENTAUX

article reçu le 6 mars, accepté le 29 mars 2013.© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

SUMMARY

Accreditation for the analysis of Legionella in water samples according to NF EN ISO/CEI 17025 norm: return of experience from two hospital laboratoriesLaboratory accreditation by the French committee for accreditation (Cofrac) is now an obligation in France to realize legionella analysis in water samples. This article describes the steps that have enabled us to achieve accreditation of our laboratories, difficul-ties to overcome and the whole process to control : enabling and training of personnel, premises and equipments, metrology, swab and sample collection, quality of assay, method validation, control of post-analytical phase. The initial visit and follow-up visits Cofrac will also be described.

Legionella – accreditation - NF EN ISO/CEI 17025 norm.

RÉSUMÉL’accréditation des laboratoires par le Comité français d’accrédiation (Cofrac) est désormais obligatoire en France pour réaliser les analyses de légionelles dans l’eau. Cet article décrit les différentes étapes qui nous ont permis d’aboutir à l’accréditation de nos laboratoires, les écueils à surmonter et l’ensemble des processus à maîtriser : habilitation et formation des personnels, qualité des locaux et des équipements, métrologie, prélèvements et échantillonnages, qualité des essais, validation de méthode, maîtrise de la phase post-analytique. La visite initiale et les visites de suivi du Cofrac seront également décrites.

Légionelles – accréditation – norme NF EN ISO/CEI 17025.

Christine Lawrencea,*, Abdelhafid Attara, Frédéric Barbutb

Accréditation pour la recherche des légionelles dans l’eau selon la norme NF EN ISO/CEI 17025 : retour d’expérience de deux laboratoires hospitaliers

a Laboratoire de biologie médicaleGroupe hospitalier universitaire Paris-Ile-de-France-OuestHôpital Raymond-Poincaré104, bd Raymond-Poincaré92380 Garches cedex b Service de microbiologie de l’environnementGroupe hospitalier universitaire de l’Est ParisienSite Saint-Antoine184, rue du Faubourg Saint-Antoine75571 Paris cedex 12

* [email protected]

1. Introduction - contexte réglementaire

Depuis la parution de l’arrêté du 1er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles dans les installations de produc-tion, de stockage et de distribution d’eau chaude sanitaire [1], les laboratoires qui souhaitent réaliser des analyses pour recherche de légionelles dans l’eau doivent être accrédités par le Cofrac ou tout autre organisme d’accréditation équi-valent européen signataire de l’accord multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d’accréditation. Cette disposition est applicable depuis le 1er janvier 2012 y compris pour les laboratoires de biologie médicale des structures hospitalières, qui réalisent leurs auto-contrôles de la qualité de l’eau du (ou des) établis-sements de santé dont ils dépendent.

L’objet de cet article est de restituer l’expérience de deux laboratoires hospitaliers de biologie médicale (LBM) qui ont été accrédités récemment par le Cofrac. Il ne s’agit pas d’une revue exhaustive de l’ensemble des exigences du Cofrac qui sont décrites dans la norme NF EN ISO/CEI 17025 [2], les LAB GTA 23 [3] et LAB GTA 29 [4], mais d’exposer la démarche suivie pour aboutir à cette accréditation.

2. Comment préparer la visite initiale d’accréditation ?

La démarche d’accréditation doit se préparer bien en amont de la visite initiale des experts-visiteurs. Il est indispensable d’obtenir un engagement de la direction de son établisse-ment, que cela soit un LBM privé ou public au sein d’un établissement de santé. En effet, l’accréditation est un projet dynamique qui se poursuivra tant que le laboratoire continue à fonctionner et il est important d’évaluer les besoins et l’activité avant de s’engager. Dans notre cas, n’ayant pas eu l’appui d’un spécialiste de la qualité pour struc-turer notre démarche, le questionnaire d’auto-évaluation LAB FORM 03 [5], disponible sur le site du Cofrac, nous a été d’une grande utilité pour évaluer la distance à par-courir avant de déposer le dossier d’accréditation. Le premier contact avec ce document peut paraître décou-rageant, notamment par sa terminologie très spécifique

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les activités supports, les rapports de résultats et la sous-traitance. Plusieurs documents sont demandés en plus de ces deux formulaires : les extraits K-bis et attestations d’assu- rance, les organigrammes, une lettre d’engagement de la direction, le manuel qualité, les principales procédures et modes opératoires concernant l’analyse, la liste des docu-ments existants dans le système de gestion documentaire, les derniers résultats des essais inter-laboratoires, un exemple de rapport d’essai intégrant la marque « Cofrac ».

2.3. Signature de la conventionA l’acceptation de votre dossier, le Cofrac vous adresse une convention à signer qui définit les droits et obligations du Cofrac et du laboratoire lors de la phase initiale d’évaluation et lors de la phase 2 après accréditation du demandeur. Après signature de la convention et premier règlement, le Cofrac vous propose une équipe d’évaluation que vous pouvez récuser en totalité ou partie et une période prévisionnelle de visite. L’équipe d’évaluateurs est en général composée d’un évaluateur technique et d’un évaluateur qualité dont l’un des deux (le plus souvent l’évaluateur qualité) est désigné par le Cofrac comme responsable d’équipe. La date précise de la visite est alors fixée conjointement avec celui-ci.

3. Visite initiale du Cofrac

3.1. Organisation généraleLe responsable d’équipe adresse le plan prévisionnel d’éva-luation qui comporte les horaires et les personnes à rencontrer. La visite dure en général deux jours. Elle commence toujours par une réunion d’ouverture animée par les évaluateurs qui permet de présenter les interlocuteurs, le laboratoire (visite des locaux), les organigrammes et les modalités d’évalua-tion et d’organisation de l’audit. Elle se poursuit autour de l’organisation du personnel avec en général les deux éva-luateurs. Puis, ils se séparent pour évaluer la partie qualité et la partie technique. L’évaluation technique repose sur des entretiens avec les différents acteurs à tous les niveaux, sur une observation des pratiques et sur un audit de traçabilité de dossiers. Au cours de ces deux jours d’audit, les évalua-teurs vont s’attacher à identifier des écarts (dits « critiques » ou « non critiques » selon les conséquences avérées et le risque induit) par rapport à la norme NF EN ISO/CEI 17025, aux normes techniques et aux documents opposables du Cofrac. Lorsqu’un écart est constaté, il est clairement énoncé par l’auditeur et discuté avec l’interlocuteur en présence afin de lever toute ambiguïté. A la fin du premier jour d’audit, une première réunion de synthèse permet de faire un premier bilan et de rappeler les écarts énoncés ainsi que de planifier l’organisation de la deuxième journée. Lors de celle-ci, les auditeurs étudieront plus précisément la fonction métrologie et pourront rencontrer les fonctions supports s’ils l’estiment nécessaire. La réunion de clôture de la deuxième journée permet de réaliser une première restitution à chaud qui décrit les écarts identifiés mais aussi les points forts et les axes d’amélioration. Il est important que la direction du laboratoire et, le cas échéant, de l’établissement soient représentés ainsi que les responsables qualité. L’équipe technique dans sa globalité sera également présente. Au terme ce cette visite initiale, les évaluateurs qualité et technique évalueront leur degré de confiance dans la capacité du laboratoire à réaliser

(on parle de « client » et non pas de patients, d’ « essais » et non pas d’analyses), parfois obscure et déroutante, sur-tout si le laboratoire s’engage pour la toute première fois dans une démarche qualité selon la norme NF EN ISO/CEI 17025 ou la norme NF EN ISO 15189 [6]. Cependant, il ser-vira de trame pour évaluer l’état d’avancement du projet. Le dépôt du dossier sera entrepris quand les réponses aux questions seront majoritairement « oui ». Nous avons choisi d’élaborer en premier lieu le manuel qualité qui est le document qui permet de définir la politique qualité et la cartographie des processus du laboratoire (figure 1). Les procédures générales et spécifiques sont identifiées dans ce document au niveau de chacun des chapitres corres-pondant aux processus. Un audit interne commandité par le laboratoire (auprès d’un auditeur externe ou un auditeur interne mais indépendant de l’activité du laboratoire) doit être organisé deux à trois mois avant la première visite du Cofrac. Dans notre cas, nous avons sollicité un auditeur externe qui était évaluateur du Cofrac. Cet audit interne externalisé a permis d’évaluer la solidité du dossier technique et du système de management de la qualité et d’apporter les corrections et les ajustements nécessaires avant la visite.

2.1. Déclaration d’intentionLa première étape consiste à adresser un courrier au Cofrac pour déclarer son intention de demander l’accréditation pour la recherche de légionelles dans l’eau. Dans ce courrier, vous préciserez l’étendue de la portée d’accréditation telle que définie dans le LAB GTA 23 [3] au chapitre « nomen-clature des analyses et expression des portées ». Concer-nant la recherche de légionelles dans l’eau, le laboratoire pourra demander l’accréditation sur le prélèvement et sur l’analyse, si le laboratoire assure la phase pré-analytique (auto-contrôle ou déplacement d’un technicien pour le pré-lèvement) ou uniquement pour l’analyse si les prélèvements ne sont pas assurés par le laboratoire mais directement par ses clients (équipes d’hygiènes, exploitants d’installations techniques…). L’accréditation pour le prélèvement sera demandée selon un référentiel complexe qui comprendra les normes FD T90-522 [7], NF EN ISO 19458 [8] ainsi que l’arrêté du 1er février 2010 [1] et la circulaire n° 2002/243 du 24 avril 2002 [9]. Pour l’analyse, le référentiel est plus simple puisqu’il s’agit de la norme T90-431 et son amendement T90-431/A1 [10]. Il conviendra de préciser le type de matrice sur lesquelles les analyses sont prévues et notamment si les analyses d’eau sales par centrifugation sont prévues ou non dans le champ d’accréditation. Il s’agit d’une portée A1 suivant un protocole de mesure figé par la norme T90-431.Le Cofrac vous adressera alors la liste des pièces à fournir pour le dépôt de dossier.

2.2. Le dépôt de dossierLe dépôt de dossier est l’étape qui vous engage officiellement dans la démarche. Le dossier est composé de deux formulaires complétés : le LAB FORM 03 questionnaire d’auto-évalua-tion déjà évoqué précédemment et complété au mieux et le LAB FORM 05 [11] qui est un questionnaire de renseigne-ments qui comprend des informations administratives, des renseignements sur la portée d’accréditation demandée, des informations sur le système de management applicable au laboratoire, ainsi que des informations sur la métrologie,

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les prélèvements d’eaux chaudes et froides de réseau en vue de l’analyse de Legionella et à réaliser l’analyse de Legionella, dans la qualité des résultats rendus par le laboratoire, dans la pérennité de son système qualité et de son amélioration dans le cadre des essais.

3.2. Personnels – habilitationIl est d’abord indispensable que les responsables qualité et technique(s) soient très clairement identifiés sur les organigrammes hiérarchique et fonctionnel du laboratoire. Des fiches de poste et de fonctions doivent être élabo-rées. Elles sont d’une grande aide pour la réalisation des grilles d’habilitation initiale et de validation de l’expérience pour chaque catégorie du personnel (personnel médical et non médical) qui doivent être élaborées en listant les tâches pour lesquelles le personnel doit être qualifié. Pour chacune des tâches, des critères d’évaluation objectifs et/ou quantifiables doivent être définis (exemple : nombre d’analyses négatives et positives réalisées ou validées avec tuteur). Une revue périodique (à définir par le labora-toire) des habilitations pour le maintien des compétences des personnels techniques (médical et non médical) est nécessaire selon des critères objectifs pour les personnels non médicaux (nombre de jours dans l’année en poste, participation aux CIQ et CEQ, formation continue, tests à blanc et entretien avec le responsable technique) et pour les personnels médicaux (nombre de jours de validation, validation des CIQ et CEQ, mise en œuvre de l’accrédi-tation, formations suivies et réalisées, tests à blanc…).

3.3. Installations et conditions ambiantesLe laboratoire s’attachera à séparer géographiquement les activités d’analyse médicale et les activités d’analyse des eaux, ce qui peut parfois nécessiter des travaux et une réorganisation des activités au sein des différents locaux. De même, les cultures de bactériologie médicale et les cultures des eaux seront incubées dans des enceintes thermiques différentes. Le stockage des milieux de cultures à 5 °C+/-3 devra être séparé de celui des milieux destinés à la biologie médicale. La qualité de l’entretien des locaux sera tracée et objectivée par des contrôles microbiolo-giques des surfaces et de l’air ambiant. Une sonde de température permettra de surveiller que la température de la pièce reste dans un intervalle acceptable.

3.4. Prélèvement et échantillonnageLe laboratoire peut choisir de demander l’accréditation sur le prélèvement ou non. S’il réalise lui-même les prélèvements, il aura intérêt à le faire afin de garantir la maîtrise de l’ensemble du processus (y compris la phase pré-analytique). Il devra clairement indiquer qui est son client (équipe opérationnelle d’hygiène, ou direction, ou service technique…) afin de pou-voir préciser, par la suite, comment il mesure la satisfaction de son client. Contrairement à l’analyse qui s’appuie sur une unique norme Afnor NF T90-431 [10], la technique de prélèvement d’eau repose sur l’arrêté du 1er février 2010 [1] qui renvoie aux conditions d’échantillonnage prévus par la norme T90-431. On s’appuiera également sur la norme française FD T-90-522 « Qualité de l’eau – Guide tech-

Figure 1 – Exemple de cartographie des processus.

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une mesure précise en bactériologie. Il importe plus que le responsable technique ait conscience de ces écueils que de tendre vers une incertitude de mesure faible impossible à obtenir en l’état de la technique.

3.5.3. Modes opératoiresLes modes opératoires pour le prélèvement et l’analyse des légionelles dans l’eau sont les deux documents pivots sur lesquels le visiteur du Cofrac s’appuiera pour vérifier la conformité aux différentes normes en référence. La rédaction de ces documents analytiques doit être minutieuse et fidèle à ces normes. Elle doit refléter précisément la manière dont les prélèvements et les analyses sont réalisées (écrire ce que l’on fait, faire ce que l’on écrit). Tout écart par rapport aux normes doit être justifié et argumenté, il doit être pris en compte dans la validation de méthode et sera si pos-sible évité dans la mesure où une portée A est demandée.

3.6. Contrôle de la qualité des résultats

3.6.1. ConsommablesLa stérilité et la présence de thiosulfate seront contrôlées dans les flacons de prélèvement a minima pour chaque nouveau lot. Cela peut facilement être organisé à condition d’avoir accès à une eau du réseau chlorée. Il suffit alors de mesurer la quantité de chlore présente dans l’eau et dans la même eau après recueil dans un flacon contenant du thiosulfate. Le premier résultat doit être positif et le deuxième négatif. En cas d’eau surchlorée, il convient de s’assurer que la quantité de thisosulfate soit suffisante. Les lots de flacons contrôlés seront gérés par le laboratoire y compris si une partie des prélèvements est effectuée par les clients. Dans ce cas, les stocks transmis aux clients devront être clairement identifiés. D’autre part, la stérilité de l’ensemble des consommables doit être vérifiée et tracée. Elle pourra être contrôlée pour chaque nouveau lot ou mieux par un contrôle négatif inclus dans chaque série. Dans ce cas, il appartiendra au laboratoire de tracer les lots de consommables utilisés à chaque série.

3.6.2. Contrôles internes de qualitéCes contrôles sont indispensables pour s’assurer de la validité de la technique. En plus des contrôles négatifs (ou essais à blancs) déjà évoqués, un contrôle positif devra être mis en œuvre. Toute la difficulté est d’obtenir un matériel de contrôle positif qui soit fiable. En effet, il existe dans le commerce des souches calibrées mais dont la stabilité est difficile à maintenir. Les contrôles qualitatifs et de sélectivité des milieux de culture pourront aisément être réalisés avec ce type de matériaux. En revanche, les contrôles de fertilité tels que recommandés dans la norme NF T90-461 [12] sont plus délicats à mettre en œuvre en comparaison avec un matériau de référence. La norme NF EN ISO/CEI 17025 [2] et le LAB GTA 23 [3] ne prévoient pas de fréquence pour la mise en œuvre d’un contrôle positif. En fonction de l’activité du laboratoire, il pourra être mis en œuvre à chaque série ou moins. Cette fréquence devra être argumentée. La présence d’un contrôle positif par série est bien sûr plus confortable puisqu’elle permet de contrôler l’ensemble du processus mais a un coût non négligeable. Les contrôles internes de qualité permettent

nique de prélèvement pour la recherche de Legionella dans l’eau » [7] qui elle-même fait référence à une norme plus géné-rale NF EN ISO 19458 « Qualité de l’eau – Échantillonnage pour analyse microbiologique » [8]. On pourra également s’aider du LAB-GTA 29 « Guide technique d’accréditation – échantillonnages d’eau et essais physico-chimiques des eaux sur site » [4]. L’ensemble des consignes présentes dans ces différents documents devront être intégrées. Les moda-lités de prélèvement (contrôle des conditions de maîtrise du réseau ou contrôle de l’exposition) devront être définies à l’avance afin de réaliser un prélèvement en adéquation avec le but recherché. En milieu hospitalier, la typologie du point d’eau prélevé devra être identifiée comme prévu dans la circulaire du 22 avril 2002 [9] (notamment point d’usage défavorisé, représentatif ou utilisé par des patients vulné-rables au risque légionelles). Le mode opératoire décrira très précisément les étapes du prélèvement.

3.5. Méthodes d’essai

3.5.1. Validation de méthodePour la recherche des légionelles dans l’eau, la validation de méthode est assez simple à réaliser puisque celle-ci repose sur la norme française T90-431 [10] et, de ce fait, l’accréditation est déposée en portée A. La validation de méthode comportera tout d’abord une définition précise de la portée de l’analyse. Une analyse de risque a priori (par exemple selon le diagramme d’Ishikawa appelée aussi la méthode des « 5 M » : Méthodes, Mains d’œuvre, Matière, Matériel et Milieu) permettra d’identifier les risques à chaque étape (y compris les étapes de prélèvements), de propo-ser des mesures de maîtrise en regard et de déterminer les éléments de preuve nécessaires (procédures, modes opératoires et enregistrements). Pour les laboratoires qui réalisent l’analyse après sonication, une validation de la durée de sonication optimale sera réalisée, éventuellement associée à une vérification de la concordance avec la tech-nique de grattage, ce qui permet d’utiliser cette dernière en solution dégradée en cas de panne du sonicateur. On pourra aussi être amené à valider la filtration sur plusieurs filtres par comparaison avec un seul filtre pour les eaux difficilement filtrables. La répétabilité et la reproductibilité de la méthode pourront être validées à l’aide d’échantil-lons naturels positifs traités au moins 4 fois ou à l’aide d’échantillons dopés par une souche de référence calibrée.

3.5.2. Incertitude de mesureL’incertitude de mesure en microbiologie reste complexe à mesurer. Pour obtenir une approche de celle-ci, on pourra s’aider des résultats obtenus par la profession lors des essais de comparaison inter-laboratoires. Les intervalles ainsi obtenus sont, pour cette analyse, très étendus mais devraient être plus restreints pour un laboratoire donné car la variabilité intra-laboratoire est en général plus faible que la variabilité inter-laboratoires. Une autre approche consiste à mesurer ou à évaluer les erreurs tolérées à chaque étape de l’analyse afin d’obtenir une incertitude finale. Ainsi devront être pris en compte les erreurs de mesure liées au pipetage, le rendement de la sonication ou du grattage et le rendement des traitements thermique et acide. Là encore, les intervalles obtenus sont importants confirmant la difficulté d’obtenir

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aussi d’évaluer les compétences des personnels techniques et sont un élément de l’habilitation annuelle des personnels.

3.6.3. Comparaisons inter-laboratoiresLa participation à des essais de comparaisons inter-labora-toires est là encore indispensable. Elle permet de vérifier le savoir-faire des personnels habilités et de s’assurer que le laboratoire obtient des résultats comparables à la profession dans différentes situations. Les performances analytiques du laboratoire seront regardées de près par les visiteurs Cofrac. Une mauvaise performance à un essai inter-laboratoire doit conduire à l’ouverture d’une fiche de non-conformité et une analyse des causes. Même si les résultats sont satisfaisants, il est souhaitable de réaliser une analyse détaillée y compris des résultats intermédiaires ainsi que des modalités de calcul des résultats transmis par l’organisateur des essais.

3.7. ÉquipementLa maîtrise des équipements pour l’analyse des légionelles dans l’eau repose principalement sur le suivi métrologique des enceintes thermiques (réfrigérateur, congélateur, étuve), du bain-marie et des pipettes qui devra être organisé selon une planification préétablie. Si la métrologie est réalisée par une (des) société(s) prestataire(s), on s’assurera que celles-ci sont accréditées Cofrac pour l’étalonnage. Une analyse de criticité permettra d’identifier les enceintes thermiques qui doivent être soumises à une cartographie des températures. A minima, les enceintes de froid de stockage des réactifs (milieux de culture et réactifs d’identification) et les étuves devront être cartogra-phiées à une fréquence définie par le laboratoire en fonction de la vétusté des matériels et des résultats des cartographies précédentes. Le suivi des températures pourra être réalisé par un relevé quotidien ou mieux par des sondes de température reliées à une centrale de suivi continu qui permettra d’iden-tifier rapidement tout écart par rapport aux spécifications de températures définis par la norme T90-431 [10] ou par les fournisseurs. Les sondes et thermomètres devront faire l’objet d’un étalonnage annuel par un laboratoire externe accrédité Cofrac ou en interne selon la norme NF EN ISO/CEI 17025. De même, on identifiera les pipettes qui devront faire l’objet d’une vérification annuelle et d’un éventuel ré-étalonnage. Les minuteurs devront être raccordés à l’horloge parlante. Les résultats du suivi métrologique seront analysés en fonc-tion des écarts maximum tolérés (EMT) préalablement définis pour chaque équipement par le laboratoire. Tout équipement dépassant les EMT devra faire l’objet d’une non-conformité dont on s’attachera à évaluer l’étendue et la criticité.

3.8. Post-analytique

3.8.1. ValidationCelle-ci pourra être objectivée par la réalisation d’une check-list des contrôles à effectuer pour considérer l’ana-lyse comme valide.Les biologistes responsables de la validation devront béné-ficier d’une habilitation initiale (dont la durée de validité doit être précisée) par compagnonnage et formation théorique qui devra être tracée (conservation des dossiers validés en double). Cette formation devra être pérennisée par un maintien des compétences (dont la fréquence doit être pré-cisée) qui pourra être objectivé par le nombre de journées

de validation, la formation continue suivie (congrès, jour-nées de formation, participation à des groupes de travail) et assurée (cours en formation initiale et continue y compris au personnel technique du laboratoire), la participation à la veille réglementaire et documentaire. Un contrôle de connaissance pourra aussi être organisé soit par la pro-fession soit au sein du laboratoire.

3.8.2. Rapport d’essaiLes visiteurs du Cofrac s’attacheront à vérifier la manière dont la marque « Cofrac » sera utilisée dans les rapports d’essai ainsi que défini dans le document GEN-REF-11 « Règles générales utilisation marque Cofrac » [13]. Le rapport d’essai détaillera les conditions de prélèvement, les résultats de l’analyse et rappellera les normes réglementaires. Les dates de prélèvement et de début d’analyse seront signifiées afin que le client puisse s’assurer que le délai entre les deux ne dépasse pas 24 h. Toute non-conformité de prélèvement ou d’analyse devra être spécifiée sur le rapport d’essai. Toute modification postérieure à la diffusion du rapport devra être tracée et l’information devra figurer sur le rapport d’essai.

4. Rapport de visite

Dans les jours qui suivent la visite, les visiteurs Cofrac adressent un rapport de visite qui reprend les écarts cri-tiques et non critiques, les axes d’amélioration, les points forts et la confiance ou pas dans les résultats et la qualité. Le laboratoire dispose alors de 15 jours pour présenter un plan d’actions pour chaque écart. Lorsque celui-ci est critique, le plan d’amélioration devra être effectif dans ce délai de 3 mois pour permettre la levée de cet écart. Il est donc nécessaire d’apporter une vigilance particulière à la manière de répondre aux écarts : le plan d’action compor-tera une analyse de l’étendue de l’écart, une analyse des causes et les actions décidées pour maîtriser la situation constatée. Les évaluateurs disposent alors d’un mois pour fournir leur rapport d’évaluation au Cofrac associé éven-tuellement aux preuves documentaires de plan d’action fournis par le laboratoire. Une commission du Cofrac est alors chargée de donner son avis avant décision d’accré-ditation qui sera prise par le Directeur général du Cofrac. Cette procédure peut prendre quelques mois après la visite. Après obtention de l’accréditation, il est indispensable de poursuivre la démarche qualité en s’appuyant sur les axes d’amélioration proposés pour préparer la visite de suivi.

5. Visite de suivi

La visite de suivi a lieu un an après la visite initiale. Elle est réalisée en général par le même évaluateur qualiticien tandis que l’évaluateur technique change. Cette visite dure une journée et demie. Il ne s’agit pas d’une simple formalité et sa préparation doit être anticipée. L’objectif de la première visite de suivi est tout d’abord de vérifier que les écarts critiques et non critiques du rapport initial ont été soldés selon les propositions qui ont été faites dans la réponse aux écarts du laboratoire lors de la visite initiale. Le déroulement de la visite est très similaire à celui de la visite initiale et les évaluateurs passeront en revue

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temps, l’ensemble du chemin à parcourir nous a paru complexe, surtout en l’absence d’ingénieur qualiticien sur site. Nous avons pu nous faire aider par des collègues déjà impliqués dans la démarche, ce qui nous a permis de mieux appréhender l’étendue des actions à mettre en œuvre. L’arrivée d’un ingénieur qualité nous a permis de parfaire les actions entreprises. Quand le cœur de métier est maîtrisé de longue date, la difficulté majeure est la mise en application des exigences en termes de contrôles et la formalisation de modes opératoires et des savoir-faire. Le temps consacré à cette formalisa-tion par l’ensemble de l’équipe a nécessité également une réorganisation, notamment du temps technique qui n’est plus consacré uniquement à la réalisation des analyses mais également au maintien du système qualité. La visite en elle-même était bien sûr attendue avec appréhension, mais les relations avec les visiteurs ont été très vite cordiales dès lors qu’ils ont appréhendé que nous présentions notre projet qualité sans chercher à masquer ses défauts et imperfections.En conclusion, l’engagement dans le processus d’accré-ditation tel qu’exigé par le Cofrac peut paraître contrai-gnant mais permet une réelle réflexion sur l’efficacité des organisations pour réaliser des analyses de qualité. Cette réflexion ne peut être menée que de façon conjointe par l’ensemble des acteurs chacun à son niveau (management, responsable technique, technicien…), ce qui permet de renforcer le travail d’équipe. Enfin, quand l’accréditation est obtenue, cela est vécu par chacun comme une recon-naissance de la maîtrise de son travail et une valorisation individuelle et collective. L’engagement dans ce type de processus, qui est amené à se généraliser dans les labo-ratoires de biologie médicale avec l’obligation de répondre à la norme NF EN 15189, ne doit pas être vécu comme une contrainte mais plutôt comme un outil qui doit faire sens pour mieux travailler ensemble.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

les différents aspects de la norme NF EN ISO/CEI 17025 (organisation, management ; maîtrise documentaire, ges-tions des réclamations, résultat des audits internes, etc.). En outre, les visiteurs s’attacheront particulièrement : à évaluer les principales évolutions depuis la dernière visite et leur impact sur les essais (le LAB FORM 38 [14] permet de recenser les principaux changements survenus depuis la précédente visite) ; à examiner si les axes d’améliorations proposés lors de la première visite ont été suivis ; à vérifier, en prenant au hasard une ou plusieurs séries analytiques, l’exactitude des rapports d’essais par rap-port aux feuilles de paillasse et à vérifier la traçabilité des réactifs et milieux utilisés tout le long de cette analyse ; à examiner la gestion des mesures correctives ou préventives.

Comme pour la visite initiale, des écarts sont identifiés au cours de la visite et restitués, de manière formelle, au moment de la réunion de clôture. Le plus déroutant pour le laboratoire est d’obtenir, à l’issue de la visite de suivi, des écarts sur des points qui n’avaient pas été identifiés comme tels lors de la visite initiale, suggérant un côté « aléatoire » dans l’appréciation des évaluateurs. En réa-lité, les différences d’appréciations s’expliquent non pas par une approche différente des textes de référence mais davantage par le fait que les évaluateurs passent plus ou moins de temps sur chacun des sujets balayés par la norme NF EN ISO/CEI 17025.Au terme de cette visite, les experts évalueront la confiance qu’ils ont dans les résultats des essais de légionelles, dans la pérennité du système qualité et de son amélioration dans le cadre de ces essais.

6. Impressions personnelles et conclusion

Nous avons décidé de nous engager dans ce processus pour répondre à la réglementation. Dans un premier

Références[1] Arrêté du 1er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles dans les installations de production, de stockage et de distribution d’eau chaude sanitaire.[2] Afnor, Norme NF EN ISO/CEI 17025 Exigences générales concer-nant la compétence des laboratoires d’étalonnages et d’essais. 2005.[3] Cofrac, LAB GTA 23 Guide technique d’accréditation – Analyses microbiologiques, biologiques et de biologie moléculaire des eaux. 2008 rev00.[4] Cofrac, LAB GTA 29 Guide technique d’accréditation – Échantillonnages d’eau et essais physico-chimiques des eaux sur site. 2012 rev00.[5] Cofrac, LAB FORM 03 Préparation des évaluations sur site – Questionnaire d’auto-évaluation, 2009 Rev02.[6] Afnor, Norme NF EN ISO 15189 – Laboratoire d’analyse de biologie médicale : exigences particulières concernant la qualité et la compé-tence. 2007.[7] Afnor, Norme FD T-90-522 Qualité de l’eau – Guide technique de prélèvement pour la recherche de Legionella dans l’eau. 2006.[8] Afnor, Norme NF EN ISO 19458 Qualité de l’eau – Échantillonnage pour analyse microbiologique. 2006.

[9] Circulaire DGS/SD7A/SD5C-DHOS/E4 n° 2002/243 du 22/04/2002 relative à la prévention du risque lié aux légionelles dans les établisse-ments de santé. 2002.[10] Normes Afnor T90-431 Qualité de l’eau – Recherche et dénom-brement des Legionella spp. et Legionella pneumophila – Méthode générale par ensemencement direct et filtration sur membrane. sep-tembre 2003 + amendement A1 avril 2006.[11] Cofrac, LAB FORM 05 Demande d’accréditation selon la norme NF EN ISO/CEI 17025 : questionnaire de renseignements. 2009 rev02.[12] Afnor, Norme T90-461 Qualité de l’eau – Microbiologie – Contrôle qualité des milieux de culture. 2001.[13] Cofrac, GEN REF 11 règles générales utilisation marque Cofrac. 2013 rev04.[14] Cofrac, LAB FORM 38 Préparation des évaluations – Principales évolutions depuis la dernière évaluation sur site. 2009 rev00.

Liens utileswww.afnor.frwww.cofrac.fr