Strasbourg, le 8 mars 2013

Lors du dernier Festival Premières, le TNS a signé la pétition visant à défendre les artistes hongrois

dans leur liberté totale d’expression, hors de toute influence et instrumentalisation politique.

La nomination d’Attila Vidnyánszky en décembre dernier à la tête du Théâtre national de Budapest a

suscité de vives interrogations sur ses liens avec le gouvernement en place en Hongrie, dirigé par

Viktor Orbán depuis les élections de mai 2010.

Interrogations d’autant plus légitimes que Istvan Palffy, député de la majorité, a intégré l’équipe du

théâtre en tant que directeur de l’information.

Après la nomination d’Attila Vidnyánszky et alertée notamment par certains articles de presse venus

d'Autriche, d'Allemagne et relayés en France relatant des liens existant entre Attila Vidnyánszky et le

pouvoir en place, je me suis interrogée sur le fait de maintenir sa venue au Théâtre National de

Strasbourg. Car il est hors de question que cette présence puisse être interprétée comme une

« caution ».

Il y avait, d’une part, les deux spectacles que nous avons programmés il y a un peu plus d’un an, LES

TROIS SŒURS d’Anton Tchekhov et LE FILS DEVENU CERF de Ferenc Juhász.

D’autre part, à l’occasion de ces deux accueils et dans la logique des liens permanents école/théâtre,

un atelier était prévu auprès des élèves de deuxième année (Groupe 41), en prolongement d’un

échange qui avait eu lieu en juillet dernier, à l’Académie théâtrale de Kaposvár.

Eclairée de la position d’intellectuels, personnalités politiques et artistes, tant français que hongrois,

et en considérant les conséquences de toute décision quelle qu’elle soit, j’ai fait le choix de maintenir

la programmation des spectacles et d’annuler l’atelier programmé au sein de l’École ainsi que la

Communiqué de presse

Accueil de deux spectacles d’Attila Vidnyánszky,

LES TROIS SŒURS et LE FILS DEVENU CERF,

et annulation d’un atelier dirigé par le metteur en

scène auprès des élèves du Groupe 41 (2e année)

de l’École du TNS

rencontre « Théâtre en pensées » initialement prévue le lundi 8 avril.

En effet, il me semble juste de proposer au public ces deux spectacles, aux qualités et à l’intérêt

incontestés, créés tous deux il y a plusieurs années au Théâtre Beregaszáz, à Debrecen, enclave

hongroise située à la frontière ukrainienne. Car ces spectacles sont le fruit de nombreuses années de

travail pour les nombreux comédiens, comédiennes et techniciens qui ont œuvré à leur réalisation, et

cela bien avant la nomination d’Attila Vidnyánszky.

Je souhaite, pour eux et pour le public, que cette rencontre artistique puisse avoir lieu.

Et qu’ils ne soient pas victimes d’une déprogrammation qui aurait des accents de « censure », cette

censure même dont nous condamnons l’idée.

Le maintien des spectacles se justifie donc par leur qualité artistique, le contexte de leur création, et

la prise en compte du travail de toutes les femmes et tous les hommes qui y ont participé. Il faut

ajouter, si besoin est, qu’il n’y a dans ces spectacles aucun prosélytisme d’aucune sorte.

En revanche, j’ai décidé d’annuler la présence à l’Ecole d’Attila Vidnyánszky. Ceci afin d’éviter toute

confusion au regard des interrogations qui demeurent.

Le Théâtre National de Strasbourg souhaite, par cette décision, réaffirmer les valeurs qu’il défend :

l’indépendance et la liberté de création, la défense du théâtre et de la culture partout où ils peuvent

être mis à mal ou menacés et la lutte contre l’instrumentalisation politique de la création.

C’est également pour cette raison que nous organiserons, sur le temps des représentations, le 11

avril prochain à 19h au TNS, une rencontre ouverte au public, où il s’agira notamment, de réaffirmer

ces valeurs, que nous souhaitons les plus partagées de tous*.

Julie Brochen,

Directrice du Théâtre National de Strasbourg

*Un prochain communiqué suivra, portant détails de cette rencontre.