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UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT - PARIS 7 FACULTÉ DE MÉDECINE Année 2014 __________ THÈSE POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE PAR DEJOURS DECAZES Esther Née le 30 mai 1985 à Boulogne-Billancourt Présentée et soutenue publiquement le : 5 février 2014 EN QUOI LA PRISE EN CHARGE DE FIN DE VIE FAIT- ELLE PARTIE DU TRAVAIL DE MÉDECIN GÉNÉRALISTE ? Président de thèse : Professeur BRODIN Marc 1

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UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT - PARIS 7FACULTÉ DE MÉDEC INE

Année 2014 n°__________

THÈSEPOUR LE DIPLÔME D’ÉTAT

DEDOCTEUR EN MÉDECINE

PAR

DEJOURS DECAZES EstherNée le 30 mai 1985 à Boulogne-Billancourt

Présentée et soutenue publiquement le : 5 février 2014

EN QUOI LA PRISE EN CHARGE DE FIN DE VIE FAIT-ELLE

PARTIE DU TRAVAIL DE MÉDECIN GÉNÉRALISTE ?

Président de thèse : Professeur BRODIN Marc

Directeur de thèse : Docteur BAUMANN Laurence

DES de Médecine Générale

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REMERCIEMENTS

Merci aux membres du jury d’avoir accepté de participer à cette soutenance, en particulier au Pr

Marc Brodin qui me fait l’honneur de présider ma thèse.

Merci au Dr Laurence Baumann, qui a dirigé et accompagné ma thèse avec sensibilité et rigueur.

Merci au Pr Didier Sicard qui, par sa générosité, a aiguisé ma curiosité sur les thèmes traités

dans cette thèse, et m’a donné un regard particulier sur la médecine.

Merci au Dr Frédéric Guirimand et au Dr André Jonot qui m’ont fait découvrir et aimer les soins

palliatifs.

Merci au Dr Raymond Wakim qui m’a fait découvrir et aimer la médecine générale.

Merci au Dr Philippe Zerr, qui m’a donné le goût de la recherche bibliographique.

Merci à tous mes collègues des différents lieux de stage, mes amis et les membres de ma famille,

qui ont supporté avec gentillesse mes interminables réflexions au sujet de ce travail. Et un

remerciement particulier à mes relecteurs.

Et enfin, merci aux 13 médecins généralistes qui ont accepté, malgré leurs emploi du temps

chargé et l’émotion qu’elle pouvait soulever, de participer à cette étude. Pour leur sincérité, leurs

réflexions, et pour ces entretiens passionnants et variés dont je n’ai malheureusement pu utiliser

toute la richesse mais que j’ai étudiés avec joie et intérêt.

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TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION …………………………………………………………………………………………………… p 5

II. ARGUMENTAIRE ……………………………………………………………………………………………………. p 6

1. Evolution du rapport entre la médecine et la fin de vie au cours du XXe siècle ..……. p 7

2. Place du médecin généraliste dans la prise en charge de fin de vie au domicile …….. p 11

3. Ecart possible entre le rôle donné et le rôle reconnu …………………………………................ p 12

4. Résumé ……………………………………………………………………………………………………………… p 15

5. Objectif ……………………………………………………………………………………………………………… p 16

II. MATÉRIEL ET MÉTHODES …………………………………………………………………………………….. p 17

1. Choix de la méthode …………………………………………………………………………………………… p 17

2. Approfondissement de la littérature …………………………………………………………............... p 17

3. Sélection des médecins interrogés ………………………………………………………………………. P 18

4. Les entretiens : élaboration de la grille et déroulement des entretiens ………………….. p 20

5. Analyse des entretiens …………………………………………………………………………………………. p 22

III . RÉSULTATS ET ANALYSE……………………………………………………………………………………… p 23

1. Description de l’échantillon …………………………………………………………………………………. p 23

2. Exposition et analyse des résultats ………………………………………………………………………. P 25

2. 1. Quelle est la définition de la fin de vie ? ………………………………………………………….. p 25

2.2. En quoi consiste le travail des médecins généralistes dans la prise en charge

de fin de vie ? ………………………………..………………………………………………………………………… p 28

2.3. Quelles sont les spécificités de la prise en charge de fin de vie par rapport au

reste de l’exercice du médecin généraliste ? ………………………………………………………………. P 33

2.4. Quels sont les points communs entre cette prise en charge et le reste de

l’exercice du médecin généraliste ? ………………………………………………………………………………. p 38

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2.5. Quelles sont les limites d’une prise en charge de fin de vie par le

médecin généraliste ? ………………………………………………………………………………………………… p 42

2.6. Pourquoi les médecins généralistes prennent-ils (ou non) en charge

les fins de vie ? ………………………………………………………………………………………………………..…. p 48

3. Conclusion des résultats ………………………………………………………………………………………. p 51

IV. DISCUSSION ……………………………………………………………………………………………………….….. p 55

1. Méthode ……………..……………………………………………………………………………………….……. p 55

2. Résultats ……………………………..………………………………………………………………………….…… p 56

3. Comparaison des résultats à d’autres travaux ……………………………………………………… p 56

V. CONLUSION ………………………………………………………………………………………………….……….. p 60

VI. BIBLIOGRAPHIE …………………………………………………………………………………….……………… p 61

ANNEXES …………………………………………………………………………………………………………..……… p 63

Grilles d’entretiens ………………..…………………………………………………………………………….……… p 63

Fiche de thèse ……………………..…………………………………………………………………………….……….. p 66

Permis d’imprimer …………………………………………………………………………………………….……….. p 68

DANS LE CD ROM   :

Résumé des codes

Livre des codes

Les entretiens

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I. INTRODUCTION

Pendant la première année de mon externat, avec plusieurs autres étudiants en

médecine, nous rencontrions régulièrement le Pr Didier Sicard. Nous échangions sur la

médecine et les questions éthiques qu’elle pouvait soulever au quotidien. Au cours de

cette année j’ai été sensibilisée au fait que la mort avait une place particulière dans la

médecine : elle était considérée comme un échec, était de plus en plus camouflée dans

l’hôpital, la prise en charge de la fin de vie était considérée comme un contre sens.

Exception faite des soins palliatifs où l’on trouvait une approche particulière. Ce que

j’observai ensuite au cours de mes stages hospitaliers confirmait cette vision. Cependant

au cours du stage de médecine ambulatoire niveau 1, qui fut ma première approche de la

médecine générale, je découvris que mon maître de stage prenait spontanément en

charge la fin de vie de ses patients. Cela m’a beaucoup surprise. Je questionnais alors

différents médecins généralistes à ce sujet et mes questions semblaient les surprendre

tant leurs réponses leur semblaient évidentes : oui, la prise en charge de fin de vie faisait

partie de leur travail, et non ce n’était pas un échec. Je me suis ainsi demandée ce qui

pouvait expliquer ce contraste étonnant entre l’approche de la fin de vie par la médecine

générale et celle de la médecine hospitalière. Plus précisément : y avait-il une

particularité de la médecine générale qui pourrait donner une certaine évidence à la

prise en charge la fin de vie ? Je décidais d’aborder cette question à travers ma thèse

d’exercice.

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II . ARGUMENTAIRE

La fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge

par la médecine. Sa prise en charge fait partie du code de déontologie médicale comme

le stipule l’article 38 (article R.4127-38 du code de la santé publique) :

« Le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des

soins et mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du

malade et réconforter son entourage. Il n'a pas le droit de provoquer délibérément la

mort. »(1)

Cependant, sa prise en charge reste insatisfaisante. En effet le rapport 2012 de

l’Observatoire National de la Fin de Vie (2) met en évidence que :

- plus de la moitié des décès (57,7% en 2010) ont lieu à l’hôpital, alors que 81%

des Français disent vouloir mourir chez eux et 58% pensent que l’hôpital n’est

pas un lieu adapté pour mourir.

- Seuls 25,5% des décès ont lieu au domicile et 11,7% en maison de retraite ou

EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes).

- On estime que 60% des décès en 2011 auraient nécessité des soins palliatifs

dont seulement la moitié en aurait bénéficié et la plupart du temps à l’hôpital.

Face à ce désir des Français de mourir chez eux et à l’inadéquation de l’hôpital, il y a

aujourd’hui une volonté d’améliorer l’accès aux soins palliatifs à domicile (3–5).

Dans cette dynamique, il existe déjà plusieurs types de structures qui ont pour but de

soutenir le maintien à domicile au cours de la dernière période de vie. Ces structures

sont notamment : les Hospitalisations à Domicile (HAD), les réseaux, les Equipes Mobiles

de Soins Palliatifs (UMSP), et les Hôpitaux de Jour (HDJ) de soins palliatifs. Ces

structures fonctionnent avec le médecin généraliste comme pivot (6).

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Mais, si le fait que la médecine prenne en charge la fin de vie peut sembler

aujourd’hui évident, un regard sur l’évolution du rapport entre la fin de vie et la

médecine au cours du XXe et XXIe siècle montre que cette évidence n’en est pas une.

1. Evolution du rapport entre la médecine et la fin de vie au cours du XXe siècle.

Les représentations de la mort et son évolution en Occident et en particulier en France,

ont été décrites dans les années 70 par P. Ariès dans son célèbre ouvrage « Essai sur

l’histoire de la mort en Occident du Moyen-Âge à nos jours »(7).

1.1 La mort au Moyen Âge

Ce qui y frappe, c’est l’absence de la médecine au cours de la fin de vie, depuis le Moyen-

Âge jusqu’aux portes du XXe siècle. Les derniers moments y étaient très différents de ce

que l’on connaît aujourd’hui. En effet les personnes mourraient majoritairement chez

elles, assez vite, de maladie infectieuse et la fin de vie durait quelques heures. La

personne le savait, et orchestrait une sorte de cérémonie où elle était entourée de

nombreuses personnes (une foule au Moyen-Âge puis uniquement les proches au début

du XXe siècle). Elle mourait idéalement une fois ce cérémonial terminé et quand elle

acceptait d’entrer dans la mort. La médecine était impuissante et n’était représentée

qu’occasionnellement par la présence d’un médecin qui ne faisait que confirmer

l’approche de la mort (7).

1.2 La mort se déplace à l’hôpital

Ce schéma change à partir les années 1930-1950. A cette époque l’hôpital, qui n ‘était

alors ouvert qu’aux nécessiteux, devient un lieu de soins (8). C’est dans ce lieu qu’est

progressivement transférée la fin de vie. Ce transfert s’explique parce que la médecine a

fait des progrès : elle est maintenant en mesure de repousser la mort. Ce progrès

continuera et influera simultanément non seulement le lieu de la mort, mais aussi sa

temporalité. C’est à dire que la durée qui correspond à la fin de vie s’allonge et passe de

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quelques heures à quelques jours, voire même à quelques semaines. Les proches

s’épuisent et n’assistent plus aux derniers moments de la personne aimée qui d’ailleurs

meure souvent inconsciente et dans un contexte de très grande médicalisation (par

exemple en service de réanimation). De plus, un tabou de la mort s’installe

progressivement ce qui met le mourant dans une situation d’autant plus inconfortable.

La façon dont on meurt a donc beaucoup changé et P. Ariès nous laisse dans les années

1970/75 dans un tableau assez effrayant où la médecine a une place ambivalente.

L’interaction entre la mort et la médecine, telle qu’il nous la décrit, peut-être ainsi

résumée :

- La médecine est positionnée entre le patient et la mort. Elle sauve.

- Mais en contrepartie la mort est un échec de la médecine qui n’a pas réussi à

la repousser.

- La fin de vie se passe souvent au cours d’une lutte pour la vie, mais au prix de

machines, tubes et chiffres. Elle est déshumanisée par la médecine. Ce temps

ne laisse plus de place aux scènes traditionnelles de la fin de vie où la

personne est active. Il est dit alors que la médecine vole la mort au patient,

qu’elle l’extirpe.

- Et enfin, en cas de mort prévisible malgré les soins, ceux-ci sont arrêtés, le

personnel soignant se détourne. Il est dit que la médecine abandonne le

mourant. (7,9)

Cette image des années 70 se retrouve aussi dans l’ouvrage d’Ivan Illicth , Nemesis

Medical (10). Au vue de quelques rapports récents (3,11,12), elle semble être toujours

d’actualité .

1.3 La médicalisation de la société

Parallèlement la médecine fait des progrès dans d’autres domaines et entre dans

de nouveaux champs : la procréation (l’avortement, la procréation médicalement

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assistée, la contraception), les greffes, le changement de sexe, etc. Elle commence aussi à

avoir un rôle clef sur le plan social (allocation adulte handicapés, incapacités

professionnelles, certificats pour les assurances, banques, etc). Et on la retrouve avec

d’autres professionnels dans ce qu’on appelle alors la « recherche de sens ». Dans le

même temps on observe un retrait de l’Eglise. Cette concordance a fait qualifier les

médecins de « nouveaux clercs »(13). Cette multiplication de champs et sa présence plus

importante dans la vie physiologique est dénoncée par des philosophes et sociologues

comme étant une prise de pouvoir par le corps médical (14). En particulier Ivan Illitch

reproche à la médecine d’être aliénante (10) et Michel Foucault dit que la médecine est

« dotée d’ un pouvoir autoritaire aux fonctions normatrices », et va jusqu’à dire que « ce

qui est diabolique, c'est que lorsque [quelq’un veut] avoir recours à un domaine que l'on

croit extérieur à la médecine, [il s’aperçoit ] qu'il a été médicalisé » (15). C’est ce qu’ils

appellent la médicalisation de la société (10). Ce courant de pensée est encore présent de

nos jours. Michel Foucault restait le premier auteur cité dans le monde en 2007(16).

1.4 L’arrivée des soins palliatifs.

En réaction à cette image naîtront dans les années 1975 deux courants : les soins

palliatifs et la demande d’euthanasie (17)(18). L’option en France à cette époque se

porte sur les soins palliatifs. Revenons un peu sur ce courant.

En voici la définition :

« Les soins palliatifs sont des soins qui cherchent à améliorer la qualité de vie des

patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle,

par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée

avec précision, par le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques,

psychologiques et spirituels qui lui sont liés ». (19)

Ils naissent dans les pays anglo-saxons et se présentent de manière emblématique au

Royaume-Unis sous forme d’établissements nommés hospices. Ces établissements sont

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séparés des hôpitaux, ils ont pour objectif d’être à mi-chemin entre un hôpital et une

maison. Y sont pris en charge des fins de vie : dernières semaines à derniers jours de vie

(20). De là ils sont importés en France, mais sous une forme différente : les unités de

soins palliatifs sont créées majoritairement dans les hôpitaux. Comme on le voit dans la

Circulaire relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase

terminale de 1986 (21) le projet est, dès le début, qu’elles restent rares. Elles auront

pour rôle de prendre en charge les cas les plus difficiles, mais la «  culture palliative »

doit être diffusée afin de permettre aux personnes de  « bien mourir » à l’aide d’une

médicalisation de la mort adaptée, dans tous les services d’hospitalisation, les maisons

de retraites et à domicile (21).

En 2005, la loi dite Leonetti viendra confirmer leur place et aidera la médecine à se

positionner par rapport à la fin de vie en limitant notamment l’obstination

déraisonnable (22). Les soins palliatifs correspondent peu à peu à ce qui pourrait être

appelé un dispositif médical de fin de vie.

1.5 Les limites des soins palliatifs

Nous noterons que depuis les 15 dernières années le temps de la fin de vie se modifie de

nouveau. Les progrès de la médecine et le vieillissement de la population favorisent

l’apparition de nombreuses pathologies chroniques et lourdes. Les chimiothérapies

deviennent palliatives, la morbidité devient un état de plus en plus fréquent. On assiste à

une fin de vie très lente dont le début est de plus en plus difficile à dater. Naît une

population qui peut nécessiter des soins lourds pendant des mois voire des années. La

réponse à cette nouvelle situation est en cours d’élaboration. Mais il semblerait que les

soins palliatifs « classiques », qui n’ont pas été créés en réponse à ces besoins naissants,

ne peuvent pas, tels qu’ils existent actuellement, répondre pleinement à cette nouvelle

demande (23).

10

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De plus, dans le rapport « Penser solidairement la fin de vie » de Didier Sicard, on voit

que l’euthanasie apparaît pour certaines personnes comme un droit à l’autonomie quant

à sa vie et à sa mort, et ceci contre le pouvoir des médecins (11). La médicalisation de la

fin de vie n’a peut-être pas fini d’être débattue.

2. La place du médecin généraliste dans la prise en charge de fin de vie au

domicile

Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, comme nous l’avons vu précédemment, la

médecine prend en charge la fin de vie. Plus précisément quand elle a lieu au domicile, le

médecin généraliste est indiqué comme ayant un rôle « pivot » dans cette prise en

charge. Ce rôle mériterait d’être précisé.

2.1 Le rôle donné au médecin généraliste dans la prise en charge de fin de vie

Quand on se réfère aux recommandations et aux rapports de l’Observatoire national de

la fin de vie, il est possible d’appréhender la mission du généraliste dans la prise en

charge de fin de vie. Selon eux, le médecin généraliste est responsable d’organiser la

coordination des soins à domicile, ainsi que la transition ville/hôpital. Et à l’image de

tout le personnel de santé, il doit être en mesure de pratiquer des soins palliatifs (23–

25).

2.2 La place de la fin de vie dans la définition du médecin généraliste

Sa présence dans cette prise en charge est confirmée par la Société Européenne de

médecine générale - médecine de famille (WONCA Europe). En effet selon le document

« Définition de la spécialité médecine générale - médecine de famille » (26).

● Des caractéristiques de la discipline de la médecine générale comprennent la

prise en charge de la fin de vie :

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« b) Elle utilise de façon efficiente les ressources du système de santé par la coordination

des soins, le travail avec les autres professionnels de soins primaires et la gestion du

recours aux autres spécialités, se plaçant si nécessaire en défenseur du patient.(…)

e) Elle a la responsabilité d’assurer des soins continus et longitudinaux, selon les besoins

du patient.(…)

g) Elle gère simultanément les problèmes de santé aigus et chroniques de chaque patient.

(…)

k) Elle répond aux problèmes de santé dans leurs dimensions physique, psychologique,

sociale, culturelle et existentielle.(…) »

● Il en est de même pour la définition de la spécialité médecine générale - médecine

de famille :

« L[‘activité professionnelle des spécialistes de médecine générale] comprend la promotion

de la santé, la prévention des maladies et la prestation de soins à visée curative et

palliative . (…) Ils agissent personnellement ou font appel à d’autres professionnels

selon les besoins et les ressources disponibles dans la communauté, en facilitant si

nécessaire l’accès des patients à ces services. »

La prise en charge de la fin de vie et le rôle qui lui est destiné correspondent donc

théoriquement au travail du médecin généraliste.

Cependant, ceci ne suffit pas pour affirmer que chaque médecin généraliste assumera ce

rôle.

3. Ecart possible entre le rôle donné et le rôle reconnu

Pour mieux expliquer notre propos, nous aimerions introduire les notions

ergonomiques de travail prescrit et travail réel.

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3.1 Travail prescrit et travail reel

Ces notions ne sont pas strictement applicables ici mais nous pouvons nous en

inspirer. Ces concepts sont utilisés pour décrire par exemple le travail d’un ouvrier dans

une industrie. Cet ouvrier reçoit une  « prescription » : faire un travail précis, d’une

manière, et en un temps défini. Simultanément il aura des ordres, souvent non

concordants, venant d’autres instances de l’entreprise et il devra également tenir

compte des limites de son propre corps. La liste des ordres (ou prescriptions) et

contraintes n’est pas limitative et jamais elles ne s’harmonisent parfaitement. L’ouvrier

devra donc « tricher » par rapport à ce qu’il lui a été ordonné de faire, et pour cela il

tiendra compte d’une hiérarchie qu’il devra faire lui-même. Il ne fera pas exactement ce

qu’il lui a été demandé, mais une espèce de compromis auquel s’ajoute quelques

« astuces » de sa propre invention. C’est ici le travail réel. (27)

3.2 Rapprochement possible avec le travail du médecin généraliste

On ne peut pas exactement superposer ce concept à la médecine générale, car cette

discipline continue majoritairement à être un exercice libéral. C’est finalement le

généraliste lui-même qui fixe une partie de ses propres règles. Cependant il est possible

de faire un parallèle et de retrouver une sorte de « travail prescrit ».

Dans le cas du généraliste et de la fin de vie, il s’agit de ce qui lui est confié comme

mission dans cette prise en charge. Les prescripteurs sont l’Agence Régionale de Santé

(ARS), la Haute Autorité de Santé (HAS), les spécialistes de soins palliatifs, les patients

avec leurs attentes ainsi que leurs proches et la communauté des médecins généralistes.

C’est cette « prescription » que nous avons en partie exposée. D’autres éléments entrent

aussi en ligne de compte. Par exemple les difficultés de cette prise en charge telles

qu’elles ont déjà identifiées dans le rapport « Vivre sa fin de vie chez soi »  : la grande

disponibilité que ces situations demandent, un manque de formation aux soins palliatifs,

un poids émotionnel et affectif difficile à affronter seul en tant que médecin généraliste

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(3) . Ceci n’est pas négligeable puisque la prise en charge de fin de vie fait partie des

quelques causes de souffrance au travail des médecins généraliste qui a été clairement

identifiée (28). Chaque généraliste répond à ces contraintes en faisant « sa propre

sauce » (Travail réel). Celle-ci sera différente de ce qui lui a été demandé.

Par conséquent, la façon dont le médecin généraliste fera son propre travail n’est pas

nécessairement identique à ce qui lui est demandé.

Et il en est probablement de même dans la manière dont il concevra son rôle et son

travail.

3.3 L’exemple de l’hôpital

Dans le cadre de la fin de vie, cette hypothèse peut être renforcée par le fait que bien que

le code de déontologie précise que la prise en charge de fin de vie fait partie du devoir de

tout médecin (1) celui-ci n’est pas nécessairement reconnu par tous, et en particulier

pas par les médecins hospitaliers, comme le met en valeur le rapport «  Penser

solidairement la fin de vie »:

« La mort à l’hôpital est occultée, vue comme un échec. Elle ne figure pas

explicitement dans les missions de l’hôpital public, ou alors seulement, pour la seule

question du prélèvement d’organes. Ceci confirme l’idée communément admise selon

laquelle la mort n’est pas une mission de la médecine. Or, si elle ne l’est pas,

l’accompagnement l’est. Ce rejet risque de pousser les professionnels à aller dans une

direction où la mort court le risque d’être niée. Une médecine qui occulte la mort dans ses

préoccupations s’interdit de répondre au minimum des exigences humanistes. » (11)

3.4 Une société qui évolue

De plus la médecine générale, à l’image du reste de notre société, est elle aussi en

mutation (29). Elle traverse ce qu’on appelle une crise. En effet les généralistes installés

en exercice libéral sont de moins en moins nombreux et de multiples réflexions afin de

réorganiser les soins de premiers recours ont actuellement lieu (30). On observe

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également un changement des mentalités dans une société centrée sur l’individu, et où il

est probable que les médecins généralistes eux-mêmes changent de priorités (31)(32).

4. En résumé

Au final, nous savons que la médicalisation de la fin de vie est un phénomène qui n’est

pas évident. Il est relativement récent, est passé majoritairement par l’hôpital et il y a

actuellement une volonté de majorer sa place au domicile.

Aujourd’hui il est demandé au médecin généraliste d’avoir une place pivot dans la prise

en charge de la fin de vie au domicile. Mais ce rôle comporte de réelles difficultés et n’est

pas facile à assumer.

Et enfin, ce n’est pas parce qu’il est demandé au généraliste de prendre en charge les fins

de vie qu’il le fera, ni qu’il le reconnaîtra comme étant son travail.

Nous ignorons si selon les médecins généralistes aujourd’hui en France, la prise en

charge de fin de vie fait partie de leur travail. Et, si oui, nous ignorons pour quelle raison

les médecins généralistes reconnaîtraient ce travail comme étant le leur alors que ce

point semble délicat pour les médecins hospitaliers. Et enfin nous ignorons comment ils

articulent cette prise en charge éventuelle avec le reste de leur exercice.

Notre hypothèse est que le médecin généraliste a une façon originale de concevoir son

métier par rapport aux autres médecins, et que cette conception fait prolonger à ses

yeux son travail jusque dans la fin de vie. Nous pensons que seuls les médecins

généralistes praticiens peuvent nous en donner la clef.

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6. Objectif:

La question de notre étude est :

D’APRÈS LES MÉDECINS GÉNÉRALISTES, EN QUOI LA PRISE EN

CHARGE DE FIN DE VIE FAIT-ELLE PARTIE DE LEUR TRAVAIL ?

16

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III. MATERIEL ET METHODES

1. Choix de la méthode

Pour une première approche de notre question d’étude, une courte revue de la

littérature a été effectuée. Elle a eu lieu à partir de plusieurs moteurs de recherches :

SUDOC, CisMef, Google Scholar, PubMed, Cochrane. Les mots clefs étaient « fin de vie »,

« soins palliatifs », « médecine générale ». Cette revue de la littérature n’a pas permis de

mettre en place un questionnaire afin de donner une réponse quantitative à la question

de l’étude, mais a permis de constater la pertinence de la question.

Une approche qualitative a donc été choisie. Elle peut permettre de faire émerger une

hypothèse.

Il existe plusieurs façons de recueillir des données qualitatives : les focus groups (ou

entretiens collectifs) permettent une exploration plus interactive du sujet, la

multiplication des idées et l’émergence de nouvelles idées. Cependant ces focus groups

ne permettent pas d’aborder des sujets qui peuvent être douloureux. Les entretiens

individuels ont donc été choisis afin de permettre d’aborder le sujet de la fin de vie qui

peut être chargé émotionnellement. De plus ils donnent aussi un temps de parole

suffisant pour permettre une réflexion à la personne interrogée. (33)

2. Approfondissement de la littérature

Selon les auteurs le fait d’effectuer ou non une revue de la littérature avant le début du

travail est discuté. Pour certains une bibliographie précise est nécessaire afin de

préparer au mieux la grille d’entretien (34) alors que pour d’autres une revue de la

littérature pourrait empêcher d’avoir l’esprit suffisamment ouvert aux éléments de

réponse des personnes interrogés (35). Mais ils sont tous d’accord pour dire que le plus

important est que l’enquêteur garde l’esprit le plus libre possible de préjugés.

Pour cette étude, nous avons initialement effectué une première revue de la littérature,

décrite précédemment, qui nous avait permis de constater la pertinence de la question

17

Page 18: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

et de choisir la méthode. Les premiers entretiens ont eu lieu sans autre lecture et après

une période de mise à distance.

Une deuxième revue de la littérature a ensuite été effectuée afin d’approfondir les

différents aspects de la question et d’enrichir l’argumentaire. Elle était faite dans le

soucis d’avoir un éventail varié de points de vue. La recherche fut faite à partir de

plusieurs bases de données et moteurs de recherche : SUDOC, Catalogue des thèses de la

Bibliothèque Interuniversitaire de Santé, CisMef, Google Scholar, Pubmed, publications

de la HAS. Les mots clefs étaient déterminés de plusieurs manières :

- A partir de la revue de la littérature. En effet, à sa lecture certains

termes, auteurs, thèmes ressortaient. Chaque avancée dans cette recherche

bibliographique pouvait apporter de nouveaux mots clefs.

- A partir des questions soulevées au cours des entretiens et de

l’élaboration de l’argumentaire.

Cette revue fut arrêtée quand un approfondissement supplémentaire dépassait la

question de recherche ou notre domaine de compétence.

Une séparation temporelle a toujours eu lieu entre le travail bibliographique et l’étude

des entretiens, afin de permettre une plus grande objectivité dans leur conduite et leur

interprétation.

Enfin au cours de l’étude ont été publiés 3 rapports traitant de questions proches de

notre étude qui ont été intégrés dans l’argumentaire et dans la discussion. Il s’agit du

rapport « Penser solidairement la fin de vie » par le Professeur Didier Sicard (11),

« Soins palliatifs, un premier état des lieux » (2) et « Vivre sa fin de vie chez soi » (3) par

l’Observatoire National de Fin de Vie.

3. Sélection des médecins interrogés

La recherche des médecins interrogés a suivi plusieurs étapes. Elles visaient à permettre

d’interroger des médecins de profils différents afin d’avoir un éventail le plus varié

18

Page 19: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

possible de points de vue sur le sujet. L’échantillon était dit raisonné. Les médecins

devaient être diplômés de médecine générale, et avoir pour exercice principal la

médecine ambulatoire.

L’échantillon visé avait ces caractéristiques :

- autant d’hommes que de femme

- des durées d’installation variées

- des âges variés

- des lieux d’installation variés : au moins un médecin en zone rurale,

des médecins parisiens intra muros et de banlieue parisienne.

- Des types d’exercices différents

Les entretiens avaient lieu sur la base du volontariat : les devaient accepter d’avoir un

entretien avec nous.

Cependant au vu de la charge de travail des médecins généralistes et de leur faible

disponibilité, nous avons contacté des médecins en étant recommandés par un tiers.

C’est une technique dite de boule de neige. Ces tiers étaient : amis, famille, collègue, et

une mailing list de groupe de formation continue organisée par un médecin de notre

connaissance.

Il leur était dit qu’il s’agissait d’entretiens autour de la prise en charge de fin de vie par

les médecins généralistes et que nous désirions avoir des points de vue les plus variés

possibles.

La première étape consista à contacter plusieurs dizaines de médecins généralistes et à

nous entretenir avec tous ceux qui acceptaient. Les 6 premiers entretiens eurent lieu

suite à cette démarche. Il s’agissait de médecins parisiens, de sexe et de durée

d’installation différents, ainsi que de centre d’intérêts extérieurs à la médecine variés. La

2e étape consista à compléter l’échantillon en visant des médecins aux profils précis et

différents des médecins précédemment interrogés.  Dans un seul cas, le médecin a été

19

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trouvé par la base de donnée du site internet ameli.fr et contacté directement, car nous

cherchions un type de pratique bien particulier. Sur 5 médecins contactés dans ce cadre,

un seul accepta de nous recevoir.

La prise de contact et de rendez-vous avait lieu soit par e-mail, soit par téléphone.

4. Les entretiens   : élaboration de la grille et déroulement des entretiens

Les entretiens ont été préparés à l’aide d’une grille d’entretien qui a été enrichie à

plusieurs reprises. Tout en restant, bien sûr, centrée sur la même question de recherche

(36).

La première grille a été rédigée de façon sommaire et a été retravaillée. Les 3 premiers

entretiens étaient plus ouverts et permettaient ainsi d’explorer la pertinence des

questions posées, d’en supprimer certaines qui correspondaient à des préjugés et d’en

élaborer d’autres. La grille d’entretien a ensuite été remaniée par ajout de question

correspondant à des thèmes fréquemment retrouvés au cours des précédents

entretiens.

La grille de lecture a été élaborée dans le souci de permettre la réflexion, les questions

étant intentionnellement ouvertes

Les entretiens se construisaient sous forme de conversation, rythmée par les questions

de la grille d’entretien.

L’entretien commençait par des sujets plus généraux concernant la fin de vie et le travail

des médecins généralistes dans ce cadre. Ce sont les questions dites « brise glace ».

Le sujet de l’enquête était abordé par questions ouvertes sur les différentes

composantes de la problématique de l’enquête, retranscrites en 3 axes : Quelles sont les

différences entre la prise en charge de fin de vie et le reste de l’exercice de la médecine

générale ? Quels en sont les points communs ? Pourquoi prenez-vous en charge ces

patients ? Auxquels est venu s’ajouter ce 4e axe : Quels éléments peuvent faire obstacle

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au fait, limiter le fait que vous puissiez prendre en charge une fin de vie ? (grille

complète en annexe)

Ces questions ont été systématiquement posées une fois dans la grille d’entretien, sauf

quand elles étaient hors de propos au vu de l’exercice du médecin interrogé. Dans ce cas,

la question était si possible réadaptée à la situation et tout de même posée. Si ces

questions avaient déjà été abordées naturellement par le médecin, les reposer

permettait une élaboration plus en profondeur. Cependant il est arrivé que la troisième

et la quatrième question ne soient pas posées telles quelles si l’entretien semblait déjà y

avoir pleinement répondu.

Par ailleurs les entretiens contiennent de nombreuses digressions qui ont parfois été

entretenues pendant plusieurs minutes. En effet il nous semblait important de laisser les

généralistes parler de choses plus légères et plus faciles pour eux afin de « respirer ».

Cela leur donnait également un temps de réflexion car nous leur demandions une

analyse de leur propre exercice qu’ils n’avaient pas forcément fait précédemment. La

dernière raison était de faire le plus possible connaissance avec les médecins interrogés

afin qu’ils se sentent plus en confiance et plus libres dans leur propos.

Les entretiens eurent lieu, selon la convenance des médecins : à leur domicile, au cabinet

ou à la Faculté. Ils ont été enregistrés avec l’accord des personnes interrogées.

Afin de diminuer l’influence et les limites des entretiens, il était important de faire de

permettre une mise à distance entre chaque étape de ce travail : étude de la littérature,

nouvel entretien ou analyse des entretiens. Il y eu à chaque fois au moins une nuit entre

toute travail portant sur l’étude et un entretien.

Les entretiens ont ensuite été retranscrits. Cependant les digressions, si elles étaient

longues, n’ont pas toutes été retranscrites.

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5. Analyse des entretiens

L’analyse des entretiens a suivi la méthode de la théorisation ancrée. Elle a été faite par

analyse du contenu des retranscriptions écrites des entretiens. Les premiers entretiens

ont d’abord été analysés selon le 1er niveau : compréhension du sens global de

l’entretien permettant de réviser la grille d’entretien.

Pour le 2ème niveau d’analyse, le verbatim a été séparé en plusieurs grandes catégories

correspondant aux axes de la grille d’entretien, ceci afin de faciliter leur organisation et

de trier les digressions (très fréquentes) du sujet de l’enquête. Les unités de sens étaient

ensuite identifiées, puis rassemblées dans un tableau permettant de les regrouper

quand elles étaient communes aux différents entretiens. Chaque unité de sens recevait

un titre, dit « code », qui se présentait sous forme de mot ou de courte phrase, et avait

pour but de retranscrire au mieux leur sens et de les identifier.

Les entretiens ont été arrêtés à saturation des données : c’est à dire quand

n’apparaissait plus d’idée nouvelle.

Et enfin le 3eme niveau d’analyse permettait de trouver une cohérence entre ces idées et

de les articuler les unes aux autres.

Cette analyse a été faite uniquement par l’investigateur. Aucun logiciel d’analyse de

champ lexical n’a été utilisé.

Pour finir les entretiens et les résultats ont été intégralement relus par 2 personnes

différentes, de profession médicale, afin de confirmer l’analyse et empêcher ainsi les

erreurs d’interprétation.

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IV. RESULTATS et ANALYSE

1. Description de l’échantillon   :

13 entretiens ont eu lieu avec des médecins généralistes.

10 entre décembre 2011 et mai 2012, et 3 en octobre 2013.

5 ont été contactés via la liste de formation médicale continue, 4 par effet « boule de

neige » et 4 de manières directe par téléphone ou e-mail dont un seul n’avait jamais été

rencontré précédemment.

Il y avait 6 femmes et 7 hommes.

Leur âge s’étalait entre 28 et 63 ans.

11 d’entre eux étaient installés en cabinet libéral, leur durée d’installation était de 3

mois à 26 ans.

3 médecins avaient des caractéristiques d’exercice particulières :

Le médecin n°8 n’était pas installé mais remplaçait depuis plus de 6 ans.

Le médecin n°9 ne faisait pas de visite à domicile et ne prenait pas en charge de fin

de vie.

Le médecin n°12 était retraité et avait un exercice principalement universitaire.

10 exerçaient à Paris, 1 en zone urbaine de banlieue parisienne, 1 en zone semi-rurale

de banlieue parisienne, et 1 en zone rurale.

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Tableau récapitulatif   :

Entre-tien n°

Date Sexe

Âge lors de l’entretien

Type d’exercice

Durée d’instal-lation

Lieu de travail

Visite à domicile

Mode de mise en relation

Autre diplôme

1 Déc. 2011

F 56 Cabinet de groupe

19 ans Paris 17e

arr.

Oui Famille  (collègue)

CES médecine du sport,DU nutrition thérapeutique et cliniqueDU nutrition du sportif 3e cycle de gestion marketing pharmaceutique

2 Jan. 2012

F 43 Cabinet seule + poste administratif

15 ans Paris 17e

arr.

Oui Groupe de formation continue (GFC)

Algologie

3 Fév. 2012

H 36 Cabinet de groupe

5 ans Paris 17e

arr.

Oui GFC Non

4 Fév. 2012

F 50 Cabinet seule 24 ans Paris 17e

arr.

Oui GFC DU médecine tropicale

5 Mars 2012

H 52 Cabinet de groupe

22 ans Paris 15e

arr.

Oui Ami (patient)

Capacité de gériatrie

6 Mars 2012

F 50 Cabinet de groupe

16 ans Paris 9e arr.

Oui Famille  (correspondant médical)

Non

7 Avril 2012

H 57 Cabinet seul + acuponcture

26 ans Paris 14e

arr.

Oui Contact direct Ameli.fr téléphone

Acuponcture

8 Avril 2012

H 36 Remplaçant Sans objetRemplacements depuis 6 ans

Région parisienne

Oui GFC Certificat de biochimie

9 Mai 2012

F 40 Cabinet de groupe

8 ans Paris 17e

arr.

Non GFC DU nutrition et homéopathie

10 Juin 2012

H 49 Cabinet de groupe + médecin pompier

21 ans Haute-Normandie, zone rurale

Oui Famille (voisinage)

Non

11 Oct. 2013

F 28 Cabinet de groupe +tutrice à la faculté

3 mois Essonne, zone urbaine

Oui Université, contact directe-mail

Non

12 Oct. 2013

H 63 Cabinet individuel + travail universitaire

32 ans Retraité depuis 2 ans

Paris 17e

arr.

Oui Université, contact directe-mail

Non

13 Oct. 2013

H 29 Cabinet de groupe

6 mois Essonne, zone semie-rurale

Oui Université, contact directe-mail

Non

2. Exposition et analyse des résultats

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2.1 Quelle est la définition de la fin de vie   ?

Au début du premier entretien, le médecin interrogé a mis en évidence que la fin de vie

n’était pas facile à définir.

N°1. (= Citation du médecin de l’entretien n°1) « Mais on va penser y a fin de vie :

fin de vie soins palliatifs et y a fin de vie fin de vie personnes âgées, où voilà et c’est

la fin...le palliatif, je sais pas ce que vous entendez par palliatif. »

Nous avons ensuite posé systématiquement la question à tous les autres médecins

interrogés.

Un médecin a dit que la fin de vie correspondait à la période qui précède la mort.

N°12. « Mais la fin de vie c’est…toute période qui entraine euh…bah le décès du

patient…euh… quelque soit l’âge finalement du patient et pour des causes

physiopathologiques diverses. »

Mais il a aussi précisé que le terme de « fin de vie » était employé en médecine dans un

cadre précis : celui de la mort « programmée ».

N°12. « Donc la fin de vie, en tous cas sur un plan médical, c’est autre chose, c’est

une autre prise en charge. Parce que tout le monde ne nécessite pas… tel qu’on

l’entend...on arrive à ce qu’on appelle les soins palliatifs. (…) Bah les soins palliatifs

c’est quand même … c’est une fin de vie pro...presque programmée. »

Tous les médecins sauf deux, se sont concentrés dans leur réponse sur cette fin de vie

« médicale ».

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La fin de vie commence pour certains d’entre eux quand le pronostic vital est engagé.

N°4. « Et on arrive à une phase terminale où on sait que...les choses euh…vont

plutôt….vont se terminer . »

N°7. « Il faut quand même un diagnostic a priori plutôt…une maladie dont on sait

qu’elle va pas évoluer longtemps. »

Pour le déterminer, un faisceau d’arguments a été avancé :

L’absence d’espoir de guérison est présente pour une majorité d’entre eux

N°6. « Non j’pense qu’on parle de fin de vie quand on sait que y a une maladie ,

qu’on a plus de de de de de traitement à proposer aussi. Un traitement curatif

éventuellement qui peut prolonger hein quoi, voilà. »

N°3. « Ça c’est une bonne question…moi je pense que la fin de vie soit elle est

évidente, c'est-à-dire elle commence soit au diagnostic d’une maladie grave et…et

maladie...euh…incurable. Evident. »

N°9. « Que t’as plus le choix ! (rire) T’as plus de solution thérapeutique » 

Une aggravation de l’état du patient avec une altération de l’état général,

N°5. « La fin de vie ça commence au moment où on sait que les personnes sont

extrêmement …euh…j’dirais altérées sur le plan général. »

une perte d’autonomie

N°10. « mais pour moi c’est pas encore la fin de vie si il vit comme tout son

entourage, je veux dire, si il en souffre pas … pas tant souffrance physique mais

d’être limité dans tous ses actes . C’est à ce moment là que je commence à penser fin

de vie. »

Et une lourdeur des soins.

N°4. « et on appelle « fin de vie » parce que c’est la lourdeur des soins qui arrive

quoi ! »

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Par ailleurs, pour environ la moitié d’entre eux la définition demeure difficile à formuler

précisément.

N°7. « Et puis après du point de vue des symptômes bah..plus une perte d’autonomie

ou un perte euh…oui la fin de vie je saurais pas définir en fait  . A part le fait que … le

diagnostic on dit que…il a un cancer, y en a pour 6 mois, à part ça….ch’aurais pas

définir la fin de vie. »

N°8. « Brève ! ça veut dire… ? ça veut dire une semaine, un mois ? ..un jour ?

(rire)Après c’est patient dépendant . ça dépend dans quel service on se place. Si on

se place aux urgences, fin de vie c’est quelques jours. Si on se met en service de soins

palliatifs ça peut être un patient dont l’espérance de vie est encore un ou deux

mois. »

Et enfin, les deux médecins n’ayant évoqué aucun des points précédents ont défini cette

période par le regard du patient et non du médecin : la fin de vie commence quand la

personne prend conscience qu’elle va mourir.

N°2.  « La fin de vie…ça me rappelle une vieille blague ça…la fin de vie, ça commence

à partir du moment où on en a conscience. Que ce soit le patient, que ce soit le

médecin. On est tous immortels le matin quand on se lève. Et le jour où on perd cette

immortalité, c’est la fin de vie. »

N°11.  « Bah j’pense que c’est à partir du moment où le patient a pris conscience du

fait qu’il pourrait jamais guérir de sa maladie et euh…oui pour moi ça commence

là. »

2.2 En quoi consiste le travail des médecins généralistes dans la prise en charge de

fin de vie   ?

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Il n’a, à aucun moment, été abordé la possibilité d’une prise en charge de fin de vie sans

visite à domicile.

2.2.1 L’objectif de cette prise en charge a été décrit de plusieurs manières   :

Pour la majorité des médecins interrogés, le but de cette prise en charge est de

respecter la volonté du patient de rester à domicile pour la fin de sa vie,

N°7. « Oui euh…à laisser euh…à aider..euh....ça consiste très nettement à aider au

maintient à domicile, pour ceux qui le souhaitent, au maximum. Après euh…voilà »

N°5. « Et et et et c’est vrai que la solution de facilité c’est d’hospitaliser les gens. A ce

moment là mais bon. On est parfois confrontés à des gens qui veulent pas aller à

l‘hôpital. Ce qui s’comprend … »

Pour un d’entre eux il s’agit aussi de s’occuper de patients qui ne sont acceptés

par aucune structure.

N°8. « En médecine générale c’est …comment… c’est quand le patient va pas bien et

que plus personne ne veut…plus aucune structure ne veut le prendre en charge ou

que le patient ne veut pas y aller »

Pour deux d’entre eux l’objectif est de permettre que la personne meure

sereinement.

N°13. « Voilà et de…aider les gens justement à s’en aller je dirais le plus sereinement

possible. Le moins difficilement possible en tous cas. »

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2.2.2 Cette prise en charge comporte plusieurs axes.

2.2.2.1 L’axe thérapeutique   :

Une majorité parle de soulager le patient à l’aide de traitement symptomatique.

N°5. « Nous notre principal rôle c’est d’assurer un certain confort. Le confort c’est

quoi ? C’est d’hydrater les gens. J’pense que l’hydratation est un moment très très

important ; et d’autre part la douleur. Donc c’est un petit peu les deux axes

principaux c’est sédation (incompréhensible) et hydratation avec les fameuses

perfusions sous cutanées parce que souvent on arrive plus à les aborder sur le plan

veineux. Et d’autre part…des antalgiques essentiellement la morphine. »

N°11. « Après euh… on est pas vraiment ‘fin…oui c’est de la fin de vie donc on en est

pas à faire forcément LE bon diagnostic euh…enfin je pense que y a pas …euh…

l’objectif en fait c’est de soulager les patients mais euh…et l’enjeux c’est d’essayer de

bien les soulager. »

Plusieurs de la prise en charge des évènements intercurrents

N°3. « C’est …c’était genre donner des antibiotiques parce qu’il a fait une infection

urinaire sur le cancer de la prostate. »

Un médecin précise aussi qu’il s’agit de ne pas faire d’acharnement

thérapeutique

N°8. « on va pas faire de l’acharnement. On va attendre que les choses se

passent. » 

2.2.2.2 Le travail d’équipe.

Tous les médecins, sauf deux, parlent du fait que c‘est un travail

pluridisciplinaire qui nécessite une équipe paramédicale.

N°10. « Et avec l’aide de l’HAD. On a …on a des associations. Y a l’AMAD qui est

l’aide médicale à domicile et qui s’occupe plus des aides soignantes et infirmières

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qui peuvent passer mais enfin souvent ce sont les libérales qui viennent. Donc ça

c’est le nursing…et puis un peu de présence. Et puis autrement y l’HAD qui

dépendent…elles viennent du Havre à l’origine mais qui nous…qui là assure…c’est

infirmier et tous nos besoins à domicile, si y a besoin. »

N°1. « Le palliatif c’est surtout l’aide soignante, l’infirmière, le kiné..euh… »

Equipe que le médecin généraliste a souvent à organiser, à coordonner lui-même

hors HAD (Hospitalisation à Domicile).

N°7. « Donc ça consiste à organiser les soins, l’accompagnement, les

paramédicaux… »

Même si dans le cas d’un médecin, cette organisation était totalement gérée par

un réseau.

N°11. « On intervient si y a un problème aigu en fait, donc elle elle passe, elle passe

juste un coup de fil au réseau et elle dit : « voilà moi j’ai besoin d’un infirmier 2 fois

par jour » ou d’une perfusion et tout. Et puis ils se chargent de toute la logistique

derrière De contacter les cabinets infirmiers sur…sur la ville. De contacter le

prestataire de service par exemple si y a besoin de ..de ..d’espèce de pompe tu sais

pour mettre les perf sur 24h. ‘fin ils se chargent de tout quoi. Elle a juste besoin

d’appeler en disant « voilà l’ordonnance que m’a fait mon docteur » et…pour elle

c’est…c’est plus confortable. Et puis ils sont disponibles 7j/7 »

Certains stipulent que c’est un travail qui se fait en dialogue avec les spécialistes

(entre autres de soins palliatifs) hospitaliers, avec l’HAD ou les réseaux de soins

palliatifs.

N°1. « Par exemple là j’ai deux patients qui sont suivis en soins palliatifs et moi je ne

fais que refaire leurs ordonnances eux ils ont leurs consultations régulièrement où

on réévalue les doses de morphines etc. et moi là dedans bon...euh…je… disons que

que je suis un collaborateur actif , hein »

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2.2.2.3 Un aspect humain

Un axe moins spécifiquement médical qui est celui l’accompagnement, est

précisé par environ la moitié des médecins.

N°6. «En fait mon boulot, moi j’dis que j’accompagne . Je fais que de me dire que…

vraiment on fait pas grand-chose en général, et que surtout on accompagne des

gens. On accompagne. Voilà à suivre, à à prendre une décision, à sa…voilà. »

N°8. « On donne des soins , on accompagne le patient, voilà plus… »

N°1.  « donc là on les accompagne le plus loin possible…euh… et souvent jusqu’à la

fin euh...gentiment chez eux et ça se passe bien. »

Certains médecins parlent de l’importance d’aider les aidants du patient.

N°3. « Alors que pour le reste c’était surtout un traitement euh…de gestion du

traitement anti douleur et de …de soutient psychologique pour le patient et pour la

famille. »

Et quelques-uns de respecter les limites du patient

N°1. « et puis s…suivre le malade. Y a des malades qui ont pas envie de savoir ! Ah

quand ils ont pas envie de savoir, j’considère qu’on a pas à leur en dire plus que ce

qu’il a envie de savoir, hein… »

N°11. « C’est à dire finalement le réseau soin palliatif qui est autour d’elle est

beaucoup plus intrusif que je le suis . Et cherche absolument à ce que tout soit nickel

euh ..et elle elle veut souffler quoi . Qu’on lui fiche la paix en ce moment quoi. Moins

elle voit de médecin, moins elle voit d’infirmier mieux elle se sens ! Moi je le

comprends très très bien »

2.2.2.4 La temporalité

31

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Par ailleurs il est précisé, par environ la moitié des médecins, que l’ensemble de cette

prise en charge demande une présence régulière et soutenue

N°9. « Voilà, j’allais chez elle pratiquement tous les deux jours. »

N°6. « j’allais une fois par semaine, systématiquement. Systématiquement. En plus

sa femme m’appelait on s’téléphonait. Mais tous les jeudis j’crois j’allais chez

Monsieur…Pendant…ça a duré 3 4 mois. J’y allais tous les jeudis. Avant que la

femme aille sur le marcher (rire). C’était un peu difficile parce que jeudi c’est le jour

du marcher dans le quartier. »

Deux semblent inclure le décès avec son constat dans la prise en charge.

N°5. « elle m’appelle tous les jours en me disant tous les jours « il va bien, il va moins

bien » et tout ça et puis au bout de quelques temps . Moi je passais le voir de temps

en temps. Et puis au bout de quelques temps elle m’appelle « mon mari vient de

mourir faut vite venir » Venir vite pourquoi ? (rire) « Mais vous vous rendez pas

compte, il vient de décéder »

Et enfin 3 précisent que cette prise en charge continue après le décès au travers la prise

en charge du deuil des proches.

N°12. « Et puis ce que vous avez peut être abordé c’est non pas la souffrance du

soignant, mais c’est l’accompagnement après la mort. C’est à dire la fin de vie,

quand vous avez le patient est décédé euh…c’est pas terminé. (…) Vous êtes pas « Ah

ça y est j’ai fini mon boulot, il est décédé, en paix calmement, tout ce qu’on veut  » et

terminé. Mais non attendez ! ça fait que continuer pour les autres. Donc ça faut pas

l’oublier. »

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2.3. Quelles sont les spécificités de la prise en charge de fin de vie par rapport au

reste de l’exercice du médecin généraliste   ?

2.3.1 Un aspect technique particulier

Environ la moitié des médecins ont précisé que l’objectif et les traitements de la prise en

charge de fin de vie étaient différents du reste de leur exercice.

N°11.  « On en n’ est pas à faire forcément LE bon diagnostic euh…enfin je pense que

y a pas (…) mais on est pas du tout sur les consultations habituelles où il faut

traquer les maladies, les guérir, enfin c’est…c’est complètement l’opposé c’est…

complètement l’opposé. »

Une majorité a évoqué le caractère complexe ou mal maîtrisé de cette technique (et ceci

tous aspects confondus : traitement, administratif, dialogues).

N°10. « Là je sais que quand j’ai du rédiger le protocole Hypnovel° je me suis dit ça

raccourcira pas ptet mais j’ai bien tout relu avant d’oser le prescrire ... je me le suis

fait passer par l’HAD j’ai bien relu, j’ai comparé avec d’autres puis... »

N°4. « Parce que euh (inspiration) ça demande une compétence qu’on n’a pas

forcément, et qui est très pointue à mon avis. Connaissance des problématiques de

fin de vie, de …des thérapeutiques de fin de vie, des contacts avec la famille et les

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aidants, et les paramédicaux qui nous aident . Donc ça demande une grande

compétence » 

N°2. « J’ai essayé aussi d’être plus à l’aise parce que je crois que c’est c’est c’est très

difficile surtout…enfin moi j’ai une famille de médecins , mon père était chirurgien,

et euh.. . c’est très difficile de savoir quoi dire et quand le dire. »

Des caractéristiques diverses de la technique propres à cette prise en charge ont été

développées.

Pour deux médecins le travail d’équipe qui caractérise cette période est

inhabituel.

N°7. « Ça fait appel…on est amené à travailler à plusieurs. C’est un travail d’équipe,

c’est ça qui change. La plupart du temps, pour 90% des patients je règle le problème

tout seul. »

Un médecin précise que ce travail est plus clinique.

N°11. « Et puis ‘fin la fin de vie c’est …on est…y a beaucoup…y a beaucoup moins

d’acte. En fait on prescrit beaucoup mois d’acte et c’est plus …soins quoi. Y a moins

de prise de sang, y va pas voir le spécialiste …

(Enquêteur : C’est plus clinique ?)

Voilà, c’est ça, c’est plus clinique. »

Et un autre que l’écoute prend une place prépondérante et devient

thérapeutique.

N°13. « Mais c’est pas pareil. Là l’écoute est presque…est plus thérapeutique que…

qu’elle le serait pour quelqu’un qui serait pas dans cette situation-là. »

De plus, on peut retrouver un sentiment d’impuissance du médecin généraliste face à

son patient en fin de vie (aspect soulevé par 3 d’entre eux).

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N°5. « Pourquoi ? Parce qu’effectivement on se retrouve dans une situation où on est

particulièrement impuissant. Donc on a pas … on peut pas espérer des résultats

euh…. »

Par ailleurs : un médecin déclare que les patients sont plus faciles à hospitaliser dans ce

cadre.

N°1. « et puis les portes sont ouvertes dans les services pour les patients comme ça. »

2.3.2 Une prise en charge qui demande un investissement important

Cette prise en charge demande un investissement plus important de la part du médecin

généraliste.

Au niveau du temps : une majorité des médecins évoque son caractère

particulièrement chronophage

N°11. « Je pense déjà que faut prendre beaucoup plus de temps. Pour les patients.

Enfin c’est pas du tout…enfin c’est pas un truc qu’on peut faire en 20 minutes et tout

. La patiente dont je te parle clairement ce sont des visites qui sont très

chronophages et quand je la vois je sais que je ne vois qu’elle quoi. Entre 11h et

14h. »

Quelques médecins précisent qu’il leur faut alors être plus disponibles que

d’habitude et ainsi le numéro de téléphone privé du médecin peut être

exceptionnellement donné. Ils ouvrent en quelques sortes leur espace privé.

N°6. « les gens en soins palliatifs ils ont mon numéro de portable. Et je suis

disponible. Et c’est souvent moi qui y vais, c’est pas mes collègues. Et le mercredi si

je travaille pas, si je suis remplacée, je vais y aller. Voilà. Tout le temps. Et puis le

week-end je … toujours toujours ….voilà les gens savent que je suis là. » (…) « 14

juillet. Je me souviens je sortais de la piscine quand j’ai été signer le certificat de

décès avec des.. »

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Et enfin, pour quelques-uns, ces patients deviennent prioritaires aux autres.

N°1. « Je je sais là…autant je vais me faire tirer la manche pour faire des visites bon

euh, qui paraissent pas justifiées, autant là de toutes façons je sais que mon

programme il sera fait avec ces patients là en priorité, voilà »

2.3.3 La relation change   :

Cette période est également marquée par le changement de la relation avec le patient et

la famille.

Environ la moitié des médecins notent que la relation avec le malade est plus

intense

N°10. « En général on noue des relations qu’on n’avait pas avec des patients. On

arrive souvent à parler beaucoup plus , ils s’ouvrent beaucoup plus. Moi je sais que

ça... ça apporte beaucoup. »

N°7. « donc y a une relation qui s’instaure qui est comparable à celle de la médecine

sauf que là elle est…encore plus forte je dirais. »

Quelques-uns précisent qu’ils entrent dans un espace plus intime du patient

N°6. « Ouais ouais,. Bah ouais quand même on rentre dans …chez les gens on rentre

dans…on rentre chez les gens, on rentre dans la chambre des gens chez qui on avait

… des gens chez qui là…ben, j’étais jamais rentrée dans la chambre. Vous traversez

l’appartement, on va dans la chambre … oui on va dans la salle de bain, on va se

laver les mains. Vous voyez. Alors qu’avant on allait…une ou deux fois j’étais allée

chez eux pour...voilà…dans la cuisine se laver les mains. Là on…on rentre dans la

chambre là c’est l’intimité des gens quand même. »

D’autres que la famille devient également plus présente, la relation change aussi

avec elle.

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N°1. « quand j’vois l’patient, sa famille, tous ses enfants que j’connais (…) on fait

partie intégrante de la famille quand c’est comme ça. »

Pour deux d’entre eux c’est aussi l’occasion de découvrir les gens.

N°5. « Oh ça vous savez… on a déjà été…moi personnellement j’ai déjà été confronté

à ça, à des personnes qui paraissent extrêmement solides, extrêmement courageux

et puis le moment venu euh.. ;on se rend compte que…la confrontation à la fin de vie

est redoutable hein. »

Deux médecins ont précisé également que le contenu des échanges n’étaient pas les

mêmes que d’ordinaire.

Un médecin parle de son effort pour transmettre de l’optimisme dans cette

situation.

N°3. « Oui oui oui. C'est-à-dire que, il faut …je prends si vous voulez un air de…

d’extrêmement optimiste quand je gère ces cas-là. »

Et l’autre de la place de la mort dans les dialogues.

N°12. « on affronte et…que ce soit le médecin et surtout la famille ET le patient

parce que (rire) il est quand même en première position, on affronte tous en face la

mort et on en parle. On en parle et on en…on la… on prévoit, et on essaye d’anticiper

sur tout…sur tout ce qui va se passer, sur tout ce qu’y a à gérer etc »

2.3.4. Des répercussions affectives pour médecin

Autre point souvent retrouvé : l’affect négatif associé à cette prise en charge

(douloureux, pénible, terrifiant) qu’évoque une majorité des médecins.

N°2. « Et ça a été un calvaire . ça a été très dur parce que je voyais ce type mourir

devant mes yeux , en sachant qu’à un certain moment on pouvait encore intervenir,

s’il acceptait de reprendre une dialyse . Il était parfaitement saint d’esprit, il était

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absolument pas déprimé, il avait pris sa décision . Alors j’ai été là, et puis il est mort.

Alors ça, ça fiche un rude coup au syndrome messianique. »

N°1. « Après pour les cancer euh…grâce à Dieu j’en ai pas tant que ça. J’en ai qui me

guettent là…j’les vois arriver avec terreur mais c’est souvent...euh… »

N°3 . « C’est quelque chose d’éprouvant. Pour moi-même d’abord et pour eux bien

sûr 10 fois plus, mais ! c’est quelque chose que je fais pas avec plaisir. Je le fais par

devoir. Je peux pas dire que c’était des moments agréables C’était des moments durs

qui avaient leur beauté, comme une aventure dure, que je garde souvent comme

des souvenirs. Mais…je le souhaite à personne. Pas des moments agréables à vivre.

Ni pour le médecin, ni pour la famille, ni pour le patient. C’est des souvenirs très

forts, j’aurais aimé que…que j’ai pas à passer par-là »

Face à cette difficulté, propre à cette période, deux médecins profitent des réseaux de

soins palliatifs pour recevoir eux aussi un soutien.

N°4. « Euh…après j’pense que psychologiquement j’pense que…pour moi en tous cas

l’intervention de réseaux quand ça devient difficile …euh…ça m’ai…ça m’a aidée

énormément »

2.4. Quels sont les points communs entre cette prise en charge et le reste de

l’exercice du médecin généraliste   ?

Les points communs pratiques et la mission théorique globale du médecin généraliste se

superposent la plupart du temps quand ils répondent à cette question.

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2.4.1 La prise en charge d’un patient

La prise en charge de fin de vie s’inscrit pour presque tous les médecins interrogés dans

la continuité de la prise en charge du patient, qui est lui-même le point commun

principal.

N°4. « Et à la fois ça fait vraiment partie intégrante de notre métier parce que

généralement c’est des patients qu’on a suivi auparavant, et qui euh…rentrent chez

eux pour cette dernière phase…ou sont chez eux dans cette dernière phase. Donc y a

pas de rupture en fait c’est un suivi qui…s’articule après une longue maladie, et qui

va donc se terminer…euh… »

N°7. « Donc après je considère que c’est dans la continuité. C’était mes malades je

les soignais, voilà. »

N°11. « Parce que ce sont des patients qu’on a connu au départ sur des problèmes

aigus, des renouvellements d’ordonnance, enfin j’imagine moi j’ai pas encore assez

de recul, et à un moment donné en effet on passe de …on bascule quoi c’est …Le

point commun déjà c’est que c’est le même patient. »

Deux médecins précisent qu’elle est la suite d’une relation de confiance déjà instaurée.

N°3. « oui , je pense que les 3 cas de figure que j’ai eu à gérer, c’était des gens qui me

faisaient confiance déjà, avant. »

2.4.2 Correspond à la spécialité/spécificité du médecin généraliste

Cette prise en charge correspond à spécialité-spécificité du médecin généraliste.

Plusieurs spécialités ont été évoquées.

Quelques-uns ont évoqué la notion de médecin de premier recours : le médecin

généraliste est l’interlocuteur médical privilégié, quelle que soit la situation du

patient.

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N°12. « Parce que c’est le médecin de premier recours. C’est donc toujours lui qu’on

appellera quand y a un problème. Aigu. Evidemment c’en est un aussi. Donc c’est lui

qu’on appellera c’est le spé...c’est pas les autres spécialistes. »

Environ la moitié : l’omnipraticien. La prise en charge de fin de vie s’inscrit

comme une variante au milieu de l’hétérogénéité de sa pratique, mais peut

solliciter aussi en son sein la présence de ce médecin « multi-casquettes »

N°3. « C’est quelque chose de différent mais comme notre pratique elle est

différente, je trouve ça comme si…tout de suite après j’allais voir un enfant par

exemple. »

N°1. « Là je me trouve encore plus généraliste que d’habitude. Parce que bon, j’ai la

pathologie de la fin de vie mais j’deviens, j’deviens le psychologue psychiatre,

confident, tout ce que vous voulez enfin j’veux dire c’est euh… »

A noter que pour un médecin cet aspect en fait aussi le spécialiste du traitement

symptomatique, qui, associé à son déplacement au domicile du patient, le rend

incontournable à cette période

N°7. « les symptômes comme on disait tout à l’heure c’est typiquement un domaine

où c’est le généraliste qui est le mieux placé. Un jour il va nous dire qu’il a des

douleurs, le lendemain il tousse , le surlendemain il a la diarrhée donc quelque part,

dans ce domaine-là euh c’est peut être un des domaines où on est le plus

indispensable quoi »

Et enfin, quelques médecins ont évoqué le « médecin de dernier recours » : celui

qui fait ce que les autres ne font pas.

N°2. « Je dirais que c’est peut-être la quintessence de la médecine générale. Etre là,

là où plus personne n’est là. Voilà. Parce que quand on est dans une pathologie

aiguë, une pathologie traitable, y a toujours une possibilité thérapeutique pour le

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médecin généraliste ou pour le spécialiste. A partir du moment où y a plus de

possibilité thérapeutique, de guérison, en fait y a plus que le généraliste. »

Par ailleurs deux médecins y retrouvent le dénominateur commun à leur exercice qui est

d’éviter la souffrance du patient.

N°5. « C’est être effectivement vigilant dans l’équilibre mmmmhh…..j’dirais

métabolique de la personne. C’est bien hydrater, ne pas se retrouver en situation de

souffrance. Oui c’est ça le…le but. C’est le dénominateur commun de ce qui est

médical quoi. »

2.4.3 Des aspects techniques similaires

Le point de vue technique a été assez peu abordé. Cependant :

Deux médecins précisent que le cadre de la consultation demeure similaire,

même si certains aspects glissent vers une forme de rituel.

N°5. « On soulève le drap. Alors ça quand on soulève le drap ! Je demande toujours

ça : « ça vous dérange pas ? vous allez avoir froid » Donc je continue à faire plein

de choses comme ça qui sont, peut être des rituels , des trucs qui chais pas !

mais ..toujours j’veux pas m’arrêter à ça parce que pour la famille pour tout ça,

voilà, j’pense que c’est important. Enfin…j’pense que c’est important »

Un médecin retrouve la problématique de coordination.

N°11. « On passe de ..on coordonne des soins mais dans un objectif différent mais la

thématique de coordination est la même . »

Un médecin trouve que cette prise en charge ne présente pas de difficulté

particulière par rapport au reste de l’exercice du médecin généraliste.

N°8. « Pas que c’est plus difficile parce que … y a un moment où j’ai fait beaucoup

d’urgences, chuis passé dans un service de cancéro aussi et j’ai vu pas mal de gens

mourir… donc c’est pas plus stressant. »

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Et enfin, environ 1/3 des médecins ont évoqué le fait que les compétences demandées,

même si elles n’ont pas été transmises au cours des études, demeurent possibles à

acquérir.

N°9. « Donc tu vois tout ce qui est la cuisine des visites à domicile, des pages de

machin de truc, je l’ai faite en tant que remplaçante, mais là depuis des années je

suis remplie de ça. Si je dois refaire les trucs, oui faut potasser les bouquins et

basta ! je pense qu’on peut tous s’y mettre »

N°2. « non je pense que c’est quelque chose qui s’apprend, qui s’apprend par ses

rencontres . Mais pour moi c’est la quintessence de la médecine générale. »

2.5. Quelles sont les limites d’une prise en charge de fin de vie par le médecin

généraliste   ?

La prise en charge de fin de vie par le médecin généraliste, bien que faisant partie

intégrante de son exercice, comporte de nombreuses limites.

2.5.1 Du côté du patient:

La première, évoquée par quelques médecins, est la survenue brutale de la mort sans

qu’une période de fin de vie n’ait pu être identifiée, voire exister.

N°13. « Alors que c’est vrai que pour ma patiente qui est décédée d’une pneumonie

je ne m’y attendais absolument pas. Sur le plan du diabète en tous cas y avait…on

pouvait améliorer les choses mais c’était pourtant stable. Alors quelque part là c’est

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(incompréhensible) parce que j’ai pas pu l’accompagner. C’est...j’étais mis devant le

fait accompli. »

Et, en regard, l’hospitalisation est aussi évoquée comme une frontière pour certains

d’entre eux.

N°1. « Après des cancers souvent ça se finit …j’en ai un où je l’ai gardé longtemps

mais en fait il a fait une hémorragie, il s’est retrouvé et en fait il est mort à

l’hôpital...euh… »

Cette prise en charge demande un maintient à domicile qui comporte en lui-même des

limites :

Celles de l’entourage (citée par environ 2/3 des médecins)

N°1. « Quand les gens sont pas flanqués par leurs enfants dans des maisons de

retraite. »

N°4. « Parfois pour 2-3 jours et du coup, parce que c’est 2-3 jours très difficiles à

gérer à domicile. Malgr..même si on a essayé de …de mettre les structures

nécessaires, et d’entourer les patients, c’est quand même extrêmement difficile pour

les familles. Donc souvent on cherche à les à un peu les soulager les derniers jours »

N°13. « Les limites…ce serait une famille absente. Euh…éloignée géographiquement

ou sentimentalement. Y a des gens qui veulent absolument pas s’occuper de …ils

sont fâchés tout ça. Parce que la famille est vraiment une aide précieuse. »

L’indispensable mobilisation des autres professionnels.

N°3. « Si l’infrastructure le permet. Si le cadre de santé publique d’un côté, et le

cadre familial de l’autre, le permet. » 

Et les limites pratiques et économiques, évoquées par un médecin.

N°12.  « Bah ! Ce qui peut faire obstacle ça peut être des problèmes matériels. (…)! Y

a des choses qui sont pas remboursées alors là aussi il faut faire la part des

problèmes sociaux de l’entourage. Du patient et de son entourage »

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2.5.2 Du côté médecin:

La moitié des médecins ont précisé que la prise en charge pouvait mener à sortir de leur

domaine de compétences.

N°13. « Voilà j’en ai pas encore eu, mais j’pense une fin de vie que je sens que…

j’arrive pas à gérer, je pense faut savoir passer la main. »

Et un médecin signale ses difficultés en cas « concurrence » avec un autre médecin.

N°6. « Les autres qui sont beaucoup plus cliniciens qui prennent un peu ma pla…

enfin voilà pour lesquels j’ai l’impression que chacun n’a pas vraiment sa place »

Ces prises en charge, comme nous l’avons vu, sont chronophages et demandent une

grande disponibilité de la part du médecin. Ces caractéristiques la font entrer en conflit

avec :

La prise en charge des autres patients et l’organisation du cabinet comme le

disent quelques médecins

N°11. « Ben déjà l’organisation de mon cabinet. C’est à dire que nous on est sur

rendez-vous. C’est hyper difficile si on a un appel en urgence de planter tous les

rendez-vous qu’on a sur l’après-midi pour se déplacer au domicile du patient en fin

de vie. »

Mais aussi la vie privée qui est évoquée par la majorité. Elle peut être limitative

ou limitée par ces prises en charge.

N°10. « …mais quelque fois c’est au détriment de.. la vie de famille . Mais par contre

il faut aussi avoir des choses rapides et .. »

N°1. « Ils ont eu la mauvaise idée , enfin elle a eu la mauvaise idée de décéder

pendant que j’étais pas là cet été »

Plusieurs parlent de son aspect peu rémunérateur qui est aussi problématique

N°8. « T’appelles le plombier rien que le déplacement c’est plus que la visite . »

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Mais quelques médecins parlent aussi des limites du médecin lui-même

Ces prises charges sont fatigantes :

N°8. «  Après quand t’as énormément de visite à domicile t’es…t’es crevé »

Le médecin peut avoir peur de se déplacer à certains endroits

N°9. « ça m’est arrivé de faire quand même des visites quand j’étais…remplaçante.

Mais dans la nuit je pensais pas de..de revenir. J’avais mon portable et j’avais mon

mari. Si je reviens pas tout de suite appelez la police ! C’était terrible. Dans un truc

super louche avec des gens super louches. J’ai dit « mais jamais de la vie » ! je fais

plus jamais ça hein ! C’était space hein ! Quand je remplaçais dans la région

parisienne j’ai été agressée par les toxicos. »

Et ces prises en charge peuvent être trop éprouvantes psychiquement

N°12. « ...faut pas se mettre complètement , trop s’investir aussi pour pas …dans les

services de soins palliatifs par exemple, alors là ils sont vraiment en souffrance

hein. »

Et enfin, en regard de la continuité de prise en charge, le fait qu’une relation n’ait

pas pu se créer avant la fin de vie comporte, pour quelques médecins, une

difficulté supplémentaire.

N°11. « Je pense que c’est un peu plus dur. C’est sans doute plus dur. Moi ça me

paraît normal de faire mais …c’est sûr c’est plus dur quand t’as pas tout le …Vécu

d’avant quoi. »

2.5.3 Quelques méthodes de régulation

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Différentes méthodes de régulation des conflits soulevés par la prise en charge de fin de

vie ont été évoquées. Ces méthodes ne sont probablement pas exhaustives et ne sont

probablement pas en réponse uniquement à la prise en charge de fin. Elles sont souvent

en rapport avec la limitation du nombre de patients pris en charge.

Environ 1/3 ont parlé du fait que leur exercice s’inscrivait dans un secteur

géographique. Ils pouvaient ainsi ne pas faire de visite à domicile au delà d’une

certaine distance ou limiter les patients suivis à un périmètre particulier.

N°10. « Moi je veux bien prendre des nouveaux patient mais pas à ***** ou alors

faut qu’ils viennent au cabinet mais je peux pas… si y a 10 km à chaque fois on peut

pas….c’est pas évident. Jusqu’ à cette année j’conduisais les enfants à l’école à *****

le matin, j’pouvais grouper avec une visite. L’an prochain c’est fini. »

Certains médecins refusent de prendre en charge des patients qu’ils ne

connaissaient pas précédemment.

N°3. « Et pareil je vais pas accepter quelqu’un QUE en fin de vie. Je voudrais

connaître le patient avant de pouvoir le suivre jusqu’au bout. C’est une approche un

peu globale que j’ai …de la médecine… »

Et le fait que certains médecins ne prennent plus nouveaux patients à également

été évoqué (mais ce n’était le cas d’aucun médecin interrogé).

N°11. « Bah y en a qui prennent plus du tout de nouveaux patients dans le groupe. »

Un médecin signale que l’hospitalisation peut représenter une solution de facilité.

N°5.  « Et et et et c’est vrai que la solution de facilité c’est d’hospitaliser les gens. »

Environ la moitié parle d’une régulation des visites à domicile : certains médecins

limitent les visites à des horaires précis et ne les font pas en dehors de ces

horaires, même si elles sont urgentes et justifiées. D’autres médecins ne font

également pas du tout de visite à domicile. Si une visite demeure nécessaire, les

patients ont alors recours à d’autres organisations se rendant à domicile.

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N°3. « On est là pour jouer un rôle, et il faut que les gens acceptent que notre rôle va

jusqu’à une certaine limite. Et ça je suis claire avec les gens. Je leur dois «  voilà, moi

je pourrais faire ça, je pourrai être là une fois par semaine, une fois par mois et

voilà. Mais il y aura cette structure qui sera là en permanence. Et s’il y a un rhume

vous pouvez toujours faire part…euh…appeler les SOS médecin ou les UMP pour

euh… venir vous soigner. »

Cependant un médecin pense que cette option n’est envisageable qu’en région

parisienne.

N°12.  « Vous pouvez pas vous le permettre quand vous êtes en province. Parce que

les gardes sont une obligation déontologique. A paris c’est facile y a des services

euh.. privés…Sos médecin, les urgences médicales de Paris etc. »

Enfin le fait que certains médecins généralistes aillent jusqu’à ne pas s’installer

en cabinet a également été évoqué.

N°2.  « C’est vrai qu’effectivement la médecine de ville malheureusement a évolué, et

évolué de façon dramatique, puisque plus personne veut faire ce métier de fou, si

vous choisissez d’être médecin généraliste vous serez probablement une des rares à

vous installer en médecine générale si vous le faites sur Paris, pace que sur Paris on

a soit des médecins généraliste qui s’installent, soit à ce moment-là ils font de la

nutrition, de l’acuponcture, de la phlébologie , de l’esthétique : des choses qui vont

leur permettre de gagner suffisamment leur vie, soit ils font de la médecine générale

mais ils ne s’installent pas ils restent remplaçants ! Donc euh… on devrait vous offrir

une médaille de la ville de Paris si vous restez. On est plus assez, s’occuper des soins

palliatifs c’est chronophage. »

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2.6. Pourquoi les médecins généralistes prennent-ils (ou non) en charge les fins de

vie   ?

2.6.1 Pourquoi le font-ils   ?

Aucun médecin interrogé n’a déclaré que la prise en charge de fin de vie ne faisait pas

partie du travail de généraliste. Cependant, nous l’avons vu, cette prise en charge n’est

pas systématique et les contraintes associées y sont multiples. Plusieurs éléments

supplémentaires ont été évoqués.

Quelques médecins ont évoqué le fait que la fin de vie, et la mort, étaient des

évènements physiologiques, et que le médecin généraliste pouvait y être

confronté « malgré lui ».

N°12. « Tout simplement parce que la prise en charge de fin de vie fait partie de …

de notre exercice et de la vie ! La fin de vie fait partie de la vie. » (…)

« C’est…bien sûr que c’est du boulot du médecin généraliste parce que c’est …il il

côtoie la mort le médecin généraliste. A la différence de beaucoup d’autres

spécialistes lui est amené à prendre en charge et à côtoyer la mort. Quand vous avez

des certificats de décès à signer, c’est pas le cardiologue qui y va. C’est pas le

pneumologue. C’est pas le gynéco. C’est le généraliste. Donc là le généraliste est

confronté à la mort aussi. Donc ça fait partie aussi, qu’il le veuille ou non. Et donc il

se retrouve embarqué là-dedans et il doit la gérer. Apprendre à gérer. »

On peut aussi noter que, dans presque tous les entretiens, était présent le thème

de la « rencontre » entre le médecin et son patient, rencontre dépassant le cadre

strict de la médecine.

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N°1. « C’était chaud hein ! pfiou ! humainement oïe oïe oïe… les «adieu  Docteur je

vous verrai plus  et tout»  Oh c’est des trucs quand même là ! On a des leçons de vie

nous dans nos métiers, on se dit bon euh »

N°2. « il m’avait dit « vous savez Docteur, quel dommage que je vous ai pas connu

pus tôt, vous auriez été le médecin de ma vie. Bon, tant pis, vous serez médecin de

ma mort. » » (…) « Et quand je disais qu’on touche à l’intime, c’est vraiment une

rencontre très intime à ce moment là. Et moi j’ai côtoyé des gens que je n’aurais

jamais côtoyé probablement sinon…un univers extrêmement différent… avec qui un

lien s’est créé, avec qui...enfin, ça été des vraies rencontres. Je pense que ces

rencontres-là sont gratifiantes parce que ce sont des rencontres dans lesquelles le

paraître n’a aucun sens. Donc sur le plan humain c’est très gratifiant. » (…)

« Et….bon…incontestablement elle m’a choisie. Mais il faut aussi que le médecin

réponde, finalement « choisisse » le patient. C’est bilatéral sinon symétrique. »

N°10. « C’est soins à la personne, c’est pas ..c’est toujours le rapport au patient mais

qu’est … j’dis patient mais la plupart ça devient…des amis , en tous cas des gens avec

qui on s’entend bien, autrement on arriverait, je pense, pas à les soigner . »

Et enfin, plusieurs médecins ont évoqué la question du devoir.

N° 3. « Je prends ça comme…un sacerdoce. Pas…pour des question métaphysiques

pas pour des questions de croyances, mais pour dire que je laisse pas les gens qui

m’ont fait confiance, que j’ai accompagné quand ils étaient en bonne santé . (…)

c’est quelque chose que je fais pas avec plaisir. Je le fais par devoir. »

7.2 Pourquoi ne pourraient-ils pas ne pas le faire ?

49

Page 50: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

A contrario, 2 médecins déclarèrent que la prise en charge de fin de vie faisait partie du

travail de généraliste mais sous certaines conditions, sans lesquelles ce n’était pas

envisageable.

N°9. « Mais oui, théoriquement tu dois faire tout jusqu’au bout mais…après ça

dépend dans quelles conditions … »

Et environ 1/3 des médecins a évoqué le fait que l’envie du médecin était nécessaire

pour cette prise en charge et qu’il était libre de ne pas le faire.

N°2. « A partir du moment où y a plus de possibilité thérapeutique, de guérison, en

fait y a plus que le généraliste. Qui peut décider d’être là ou pas. »

La question des médecins ne prenant pas du tout en charge de fin de vie (souvent via

l’absence de visite à domicile) a été abordée de façon plus précise à 5 reprises.

3 de ces médecins n’était pas concernés eux-mêmes et ne semblaient pas

comprendre leurs collègues.

N°6. « Enfin moi ça me mets hors de moi cette dame qui vient de décéder. Son

médecin traitant fait pas de visite à domicile. C’est vrai que moi ça me…je

comprends pas quoi. Je comprends pas comment c’est possible. Comment on peut

accepter de suivre qqn…moi c’est vrai que quand je prends en charge quelqu’un je

dis tout le temps « si vous êtes dans le quartier je viendrais toujours chez vous si

vous avez besoin de moi à domicile. » »

1 médecin ne prenait actuellement pas en charge des fins de vie mais disait être

prête à le faire en cas d’absolue nécessité.

N°9. « Bah oui, j’pense que j’aurais pas le choix. Ça m’arrange pas personnellement.

Parce que là j’ai déjà une entorse de genoux, je sais pas si je vais me faire opérer.

Donc…je ne me vois pas partir avec le sac mais … mais j’pense que si c’est voilà,

nécessaire, je pense qu’il faut organiser les choses . »

50

Page 51: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

Et un médecin était en situation intermédiaire puisqu’il remplaçait fréquemment

des médecins ne faisant aucune visite à domicile, et il comprenait leur choix.

N°8 . « Bah y en a qui disent dès qu’ils sont à domicile, ils refusent d’aller les voir.

(…) - C’est pas très déontologique mais … »

3. Conclusions des résultats

La question de notre étude était de comprendre en quoi, selon les médecins généralistes

la prise en charge de fin de vie faisait partie de leur travail.

Au vu des résultats, des axes de réponse peuvent être avancés.

3.1 Pas de contradiction théorique

Tout d’abord, la fin de vie n’est pas extérieure au domaine de la médecine générale. En

effet :

- Le médecin généraliste peut être vu comme la porte entre le patient et l’ensemble

de la médecine. Il l’accompagne tout au long de sa vie, quelle que soit la situation

dans laquelle il se trouve et quel que soit le problème qu’il a. Son rôle n’est pas

défini en fonction d’un organe, d’une pathologie ou d’un moment de la vie, mais

en fonction d’une personne. Si le problème de la personne est trop spécifique

pour que le généraliste puisse en assumer seul la tâche, il le fait à l’aide d’un

collègue d’une autre spécialité. La fin de vie est une étape particulière de la vie

d’une personne mais en fait tout de même partie. C’est à ce titre que le médecin

généraliste a sa place dans sa prise en charge. Le fait que la prise en charge de fin

de vie ne soit pas à but curatif modifie le travail du généraliste, mais ne remet pas

en question le fait qu’elle en fasse partie.

51

Page 52: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

- Il est possible que pour la prise en charge de fin de vie, comme pour toute autre

prise en charge, soient sollicitées des compétences que le médecin généraliste n’a

pas. Mais, elles lui sont accessibles : il est à même de les acquérir. De plus, le

médecin généraliste peut être épaulé, entouré dans sa mission par différentes

structures de soins palliatifs. En allant plus loin, la prise en charge de fin de vie

sollicite même certaines compétences, où le généraliste peut être considéré

comme expert. Les compétences spécifiques à la prise en charge de fin de vie ne

l’excluent donc pas du travail du médecin généraliste.

La prise en charge de fin de vie n’est donc pas en contradiction sur le plan théorique

avec la médecine générale et est cohérente avec celle-ci.

3.2 Des obstacles dans la mise en pratique

Cependant on peut observer des obstacles dans sa mise en pratique. En effet, cette prise

en charge n’est pas sans difficulté et elle soulève un certain nombre de conflits. Même si

une aide peut être apportée au médecin généraliste, elle ne peut pas tous les supprimer.

Le médecin généraliste est donc obligé d’en tenir compte, et est amené à faire ce que l’on

peut appeler des compromis.

Cette étude nous a suggéré plusieurs de ces compromis. On retrouve notamment une

limitation des patients pris en charge pour leur fin de vie, limitation pouvant aller

jusqu’au refus de toute visite à domicile et donc de toute prise en charge de fin de vie. Le

médecin généraliste, médecin libéral, n’est pas contraint de prendre en charge des fins

de vie et certains d’entre eux sont amenés à ne pas le faire.

3.3 Un devoir

Le maintien à domicile et la prise en charge d’un patient en fin de vie ne se font pas

seuls, et on a vu qu’il existe des solutions de facilité comme l’hospitalisation. Bien mener

une telle prise en charge demande donc un certain zèle de la part du généraliste. Un

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Page 53: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

moteur à ce zèle a été suggéré au cours de l’étude : c’est le devoir. Mais cette notion de

devoir s’est révélée avoir une certaine complexité.

3.3.1 Quel devoir   ?

Tout d’abord ce devoir s’est vu énoncé de plusieurs manières :

- Celui de ne refuser aucun soin

- Être là quand plus aucun autre médecin n’est là.

- Respecter la volonté du patient de rester à domicile pour sa fin de vie, mais à

condition que son environnement le permettre.

- Ou encore, et c’est le plus fréquemment entendu : ne pas abandonner un patient

auprès duquel le médecin généraliste est engagé.

3.3.2 Un sens du devoir spécifique au médecin généraliste   ?

Comme nous l’avons vu en introduction, le devoir de prendre en charge la fin de vie est

commun à toute la médecine. Mais il semble, au vu de notre étude, que le généraliste le

reconnaisse peut-être plus facilement que les médecins hospitaliers. Nous avons cherché

à comprendre pourquoi.

Suite à cette étude il nous semble que le sentiment de devoir du médecin généraliste vis

à vis de son patient est renforcé par la relation qu’il a créée avec lui au cours du temps. Il

serait donc engagé en tant que médecin mais aussi en tant que personne. Cette

hypothèse est renforcée par le fait que cette relation, au cours de la période de fin de vie,

semble se « dilater » et que la barrière entre privé et professionnel devient alors de plus

en plus floue. Cette relation pourrait être une sorte de « ciment » entre le médecin et son

patient.

3.3.3 Un devoir menacé   ?

Nous avons abordé le fait que certains médecins généralistes ne prennent pas en charge

de fin de vie. Qu’en est-il alors du devoir?

Nos résultats ont évoqué deux hypothèses :

53

Page 54: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

- La reconnaissance de ce qui est ou non leur devoir est modifiable et se

transforme au sein du corps de métier de médecin généraliste.

- Certains généralistes font peut-être comme compromis de ne pas honorer ce

qu’ils considèrent comme leur devoir.

Ces 2 hypothèses soulèvent elles-mêmes des problématiques :

- Si le devoir ressenti par les médecins généralistes se modifie, auront-ils encore le

zèle nécessaire pour prendre en charge les patients en fin de vie ? Le cas échéant,

resterait-il cohérent et raisonnable de leur confier cette tâche ?

- A propos de la deuxième hypothèse, il est ici, au regard du travail exposé, hors de

propos de porter le moindre jugement de valeur quant à la situation évoquée.

Cependant, il soulève une problématique particulière. Il a été montré que, quand

quelqu’un est amené, dans son travail, à aller à l’encontre de ses valeurs morales,

il est dans une situation de vulnérabilité psychique très importante. Cette

souffrance, dite « souffrance éthique», peut-être en cause dans les suicides liés

travail (37). Or le devoir fait partie des valeurs morales. Cette situation pourrait

donc être une cause de vulnérabilité psychique pour ces médecins. Il serait donc

intéressant de savoir si cette situation (celle d’un médecin généraliste qui

n’honore pas ce qu’il considère comme un devoir, sous quelque aspect que ce

soit), est réelle. Et dans ce cas, de l’étudier plus en détail.

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V. DISCUSSION

1. La méthode

La méthode comportait des faiblesses.

Les entretiens semi-directifs sont dépendants de l’enquêteur et de son savoir-faire ainsi

que de la maturation de la grille d’entretien. Par conséquent les entretiens ayant été

menés par le candidat initialement néophyte de cette méthode ne se sont perfectionnés

qu’au cours de l’enquête.

Par ailleurs l’analyse de contenu par retranscription d’enregistrement audio ne permet

pas une analyse fine de la communication non verbale. Certaines nuances peuvent donc

être claires au cours de l’entretien mais ne pas être retrouvées dans le texte retranscrit.

Il y a donc une perte d’information.

De plus, l’analyse qualitative demande une interprétation du verbatim et, bien que relu,

laisse une marge de subjectivité. Cette subjectivité est augmentée par le fait qu’une seule

et même personne élaborait la problématique, faisait la revue de la littérature, menait

les entretiens et les interprétait. Il peut donc y avoir un biais d’interprétation. Les

entretiens et leur analyse furent relues par au moins 2 personnes différentes ce qui

permettait de limiter ce biais.

Le volontariat était indispensable à notre étude. La limite de ce volontariat est qu’il ne

sélectionne que des personnes acceptant de parler de la prise en charge de fin de vie et

étant prêtes à y consacrer du temps. Il n’était donc pas possible d’étudier le point de vue

des médecins refusant d’en parler et nous ignorons tout de leur point de vue. Il y avait

donc un biais de recrutement.

Il a été décidé d’étudier uniquement le point de vue des médecins généralistes praticiens

et aucun étudiant en Diplôme d’Etude Spécialisée (DES) de médecine générale, ou

spécialiste diplômé de cette discipline n’exerçant pas la médecine générale « classique »

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Page 56: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

en cabinet, n’a été interrogé, considérant que c’était le regard lié à la pratique qui nous

intéressait. Ce point de vue peut-être discuté.

2. Les résultats

L’échantillon des médecins généralistes interrogés était varié aussi bien en âge qu’en

type de pratique, de sexe, ou d’approche de la prise en charge de fin de vie, et a ainsi

permis un éventail de point de vue et une saturation des données.

Les entretiens ont mené à modifier la grille d’entretien à plusieurs reprises, les préjugés

ont été effectivement limités. Le point de vue de l’enquêteur a été modifié en

confrontation aux entretiens et les résultats n’étaient pas ceux escomptés avant

l’enquête.

Et enfin l’étude a répondu à son objectif : elle a permis de faire émerger des hypothèses,

bien qu’elle n’ait pas de retombée immédiate.

3. Comparaison des résultats à d’autres travaux

3.1 «   Vivre sa fin de vie chez soi   », de l’Observatoire de fin de vie (3) .

Les résultats de notre étude peuvent être en partie confrontés à la synthèse du rapport

« Vivre sa fin de vie chez soi » de l’Observatoire National de Fin de Vie: « Les médecins

traitants et la fin de vie à domicile : des attentes impossibles ? » (3). Cependant le sujet

de cette partie ne recouvrait pas exactement le sujet de notre étude puisqu’elle se

concentrait sur les obstacles à assumer le rôle pivot qui incombe légalement aux

médecins généraliste dans la prise en charge de fin de vie.

Les difficultés liées aux aspects chronophages et organisationnels de ces prises en

charges se retrouvent dans nos deux travaux. D’autres points ont, quant à eux, été

considérés comme centraux par le rapport, alors qu’ils n’ont pas du tout été abordés

dans notre étude. Il s’agit de l’isolement du médecin généraliste, des difficultés de

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Page 57: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

reprise d’un suivi dont le généraliste avait en quelques sortes été écartées par la prise en

charge hospitalière. D’autres ont été discrètement abordés ou abordés sous un autre

aspect : le manque de formation ou les difficultés émotionnelles étaient centraux selon le

rapport de l’Observatoire alors que ces points n’étaient pas considérés par les

généralistes que nous avons interrogés comme rédhibitoire mais plutôt comme une

difficulté qu’ils assumaient d’affronter. L’épuisement de la famille était considéré dans le

rapport de l’Observatoire comme une difficulté à affronter, alors que dans notre étude

elle semblait marquer une frontière, cette fois rédhibitoire, à la prise en charge au

domicile. Ces divergences tiennent probablement à l’axe de l’enquête : l’Observatoire

cherchait les éléments à améliorer pour permettre la réalisation du projet de santé de

publique alors que notre enquête se positionnait sur un plan plus symbolique et faisait

un état des lieux.

Par ailleurs, le rapport de l’Observatoire et notre étude retrouvent tous deux

l’importance, pour la prise en charge de fin de vie, de l’existence d’une relation entre le

médecin généraliste et son patient, relation qui ait été formée dans la durée. Cependant

cet aspect a été retrouvé par l’Observatoire à travers le regard des patients et non,

comme c’est le cas de notre étude, à travers celui des médecins. Ce point de vue permet

une « triangulation » (34) et renforce notre hypothèse que la relation construite dans le

temps entre le médecin généraliste et son patient soit une sorte de ciment permettant la

prise en charge de fin de vie.

3.2 Rapport «   La mort à l’hôpital, rapport publique   », 2009 (12).

Nos résultats peuvent être aussi confrontés à ceux de l’enquête retranscrite dans le

rapport « La mort à l’hôpital » et confronter ainsi les problématiques hospitalières à

celles de la médecine de ville.

Ce rapport retrouve qu’à l’hôpital, la mort demeure « perçue comme un mode de sortie

non désiré, synonyme d’échec pour le service et de « mauvaise publicité » pour

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Page 58: Accueil DMG PARIS-DIDEROT · Web viewLa fin de vie est une période médicalisée, c’est-à-dire qu’elle est prise en charge par la médecine. Sa prise en charge fait partie du

l’établissement. » (p 67) alors que ce point de vue n’a jamais été retrouvé au cours de

l’étude.

A contrario, la difficulté à définir la fin de vie a été retrouvée avec les mêmes arguments.

Par exemple, la difficulté de séparer avec précision les phases curatives et palliatives a

été également soulignée. Mais la façon dont la question se posait était différente : ce

point a été abordé au cours de notre étude par les questions que nous amenions, mais

bien souvent les généralistes ont montré un certain étonnement face à cette question

qu’ils ne s’étaient jamais posée par ailleurs. Alors qu’à l’hôpital la question était posée

par la nécessité de codifier les séjours et de justifier une hospitalisation.

On retrouve aussi dans le rapport une réflexion sur la difficulté à déterminer si la fin de

vie d’une personne âgée est « naturelle » ou « pathologique » alors que cette question n’a

pas été soulevée au cours des entretiens de l’étude. Il est possible que cette différence

suive la même logique.

Mais ces différences soulèvent, encore une fois, une différence d’approche entre l’hôpital

et les médecins de ville : l’hôpital soigne une pathologie précise, alors que le médecin

généraliste s’occupe d’un patient qui a besoin de son aide. La définition précise de son

problème n’a pas la même place.

Le rapport mettait également en valeur qu’il existe de grandes différences entre les

soignants dans leur rapport à la fin de vie au sein même de l’hôpital. Selon lui, les

soignants ayant un comportement plus adapté face à une fin de vie, étaient en mesure

d’accepter d’abandonner par moment la perspective curative, alors que ce n’était pas le

cas des autres. Les premiers avaient un certain intérêt pour les soins palliatifs mais pas

les seconds. Cet élément renforce cette hypothèse de limite de notre étude : il est

possible que ce phénomène se retrouve également en médecine générale et souligne la

probabilité du biais de recrutement de notre étude évoqué précédemment.

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3.3 Définition de la WONCA (26) .

Plusieurs éléments de la définition de la médecine générale par la WONCA évoqués par

les médecins généralistes interrogés et dans lesquels se retrouve la prise en charge de

fin de vie ont été retrouvés au cours de l’étude, entre autres :

- le premier contact avec le système de soins

- la dispense de soins globaux et continus

- soigner les patients dans leur contexte familial, communautaire, culturel et dans

le respect de leur autonomie.

- La prestation de soins à visée curative et palliative

- Faire appel aux autres professionnels selon les besoins et les ressources

- Le fait de développer et maintenir leurs compétences professionnelles et leur

équilibre personnel.

Cependant un aspect de cette définition a été explicitement remis en question :

- le fait de « dispenser les soins globaux et continus à tous ceux qui le souhaitent ».

En effet, comme nous l’avons vu, de nombreux médecins mettent des limites à la

prise en charge de patients. Ils posent des limites qui sont géographiques,

refusent de prendre en charge en fin de vie des patients qu’ils ne connaissaient

pas, ou encore refusent de prendre en charge un patient qui ne peut se déplacer

au cabinet.

Et enfin une façon de définir la médecine générale a été retrouvée dans notre étude mais

n’est pas abordée dans cette définition. C’est une sorte de définition « à l’envers » : il

s’agit du médecin « de dernier recours/par défaut ». (Comme le disait un des médecins

interrogés « It was a dirty job but someone have got to do it »). Il serait intéressant de

savoir dans quelle mesure cette fonction est ou a été celle du généraliste, de façon

pratique ou symbolique.

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V. CONCLUSION

La prise en charge de fin de vie fait donc partie du travail de généraliste dans la mesure

où il est le médecin d’une personne, indépendamment de la nature de ses problèmes où

des caractéristiques de ce patient. Si malgré les difficultés pratiques que rencontrent les

médecins généralistes quand ils prennent en charge une fin de vie, ils continuent à se

sentir concernés par leurs patients au point de chercher à les surmonter, c’est souvent

suite à la relation qui s’est créée entre eux, au cours du temps.

Quand aujourd’hui un médecin généraliste est au chevet de son patient en fin de vie, il ne

s’agit peut-être pas d’un rapport strictement professionnel mais plus d’un rapport de

personne à personne, et dont l’une aide l’autre de ses compétences.

Il est possible que la durée de prise en charge, ayant permis la création de cette relation

particulière entre le médecin généraliste et son patient explique la différence entre les

médecins hospitaliers et les médecins généralistes, dans leur rapport à la prise en

charge de fin de vie. Peut-être qu’elle explique que le médecin généraliste reconnaisse

avec plus de facilité son devoir d’être au chevet de la personne en fin de vie.

Il nous semble qu’en questionnant la place de la prise en charge de fin dans le travail de

médecin généraliste, ce sont les fondations mêmes de cette profession que l’on vient

aussi questionner.

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63

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GRILLES D’ENTRETIENS

Grille d’entretien n°1

- Quelle est votre année d’installation ? Votre âge ? Votre type d’exercice ? Avez-vous des

diplômes complémentaires ?

- Faites-vous des visites à domicile ?

- Prenez-vous en charge des fins de vie ?

- Observez-vous une rupture ou des changements dans la prise en charge de fin de vie par

rapport au reste de votre exercice ?

- A quoi reconnaissez-vous dans la prise en charge de fin de vie votre travail habituel ?

- Qu’y a-t-il de gratifiant dans cette prise en charge ?

Grille d’entretien°2

- Quelle est votre année d’installation ? Votre âge ? Votre type d’exercice ? Avez-vous des

diplômes complémentaires ?

- Faites-vous des visites à domicile ?

- Prenez-vous en charge des fins de vie ?

- Comment avez-vous été amené à en prendre en charge ?

- Pour vous quelle est la définition de la fin de vie ?

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- Quelles sont les spécificités de cette prise en charge ?

- Quels en sont les points communs d’avec le reste de votre exercice ?

- Pourquoi prenez-vous en charge les fins de vie ?

- En quoi la prise de charge de fin de vie fait-elle partie du travail de généraliste ?

Grille d’entretien n°3

- Quelle est votre année d’installation ? Votre âge ? Votre type d’exercice ? Avez-vous des

diplômes complémentaires ?

- Faites-vous des visites à domicile ?

- Prenez-vous en charge des fins de vie ?

- Comment avez-vous été amené à en prendre en charge ?

- Pour vous quelle est la définition de la fin de vie ?

- Quelles sont les spécificités de cette prise en charge ?

- Quels en sont les points communs d’avec le reste de votre exercice ?

- Pourquoi prenez-vous en charge les fins de vie ?

- Qu’est-ce qui peut faire obstacle au fait que vous preniez en charge une fin de vie ?

- Observez-vous une évolution de la prise en charge de fin de vie par le médecin généraliste ?

- En quoi la prise de charge de fin de vie fait-elle partie du travail de généraliste ?

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FICHE DE THESE

Etudiant: Dejours   Esther Tuteur: Zerr   Philippe

Directeur de thèse: Dr Laurence Baumann

date de soumission du

projet24/11/2011

Remarques de la commission bon projet,methode adaptee

Décision de la commission agréé

Thème Médecine générale et prise en charge de fin de vie

JustificationNotre époque semble marquée par le déni de la mort, la médecine actuelle (principalement hospitalière) est dénoncée comme considérant la mort comme un échec, comme la sortant de son exercice. Cependant, parmi sa grande variété, la prise en charge de la fin de vie fait partie intégrante de l´exercice du généraliste.

Hypothèse et question

En quoi la prise en charge de fin de vie fait-elle partie du travail de médecin généraliste ?

MéthodeQualitative exploratoire, par entretiens semi-directifs jusqu´à saturation des données. Entretiens avec généralistes non maîtres de stage. Enregistrement des entretiens et retranscription intégrale. Recrutement par réseau social personnel avec recherche d´échantillon le plus varié possible.

Retombées de la thèse

Reconsidérer la place de l´enseignement de la prise en charge de la fin de vie dans le cursus de médecine générale.

Rôle de l'interne: Formulation de la problématique, du guide d´entretien. Recrutement des médecins généralistes. Recueil des données et interprétation.

Bibliographie

´ La médecine sans le corps ´ Didier Sicard´ Sujet de vie ou objet de soins ? ´ J-F Malherbe´ Essais sur l´histoire de la mort en Occident : du Moyen Âge à nos jours, ´ P. AriesThèse : ´ L’accompagnement de fin de vie à domicile par le médecin généraliste ´ M.GARREAU, Université d’Angers, 2006 ´ La définition européenne de médecin généraliste-médecin de famille ´. WONCA 2002´Introduction à la recherche qualitative´ Isabelle Aubin-Auger, Alain Mercier, Laurence Baumann.exercer 2008,84:142-5.

Recrutement des

investigateurs

Je souhaite solliciter pour ce projet des investigateurs maîtres de stage sur toute l'Ile de France et dépose pour cela une demande auprès de la COMMISSION IDF D'HARMONISATION DES THESES

Je souhaite pour ce projet la collaboration des investigateurs maîtres de stage de Paris DIDEROT

Je me charge de recruter les investigateurs pour mon projet (par exemple ils seront tirés au sort, ou bien je les trouverai seul(e), ou bien j'utiliserai un réseau de soins...)

Ce projet ne nécessite pas d'investigateurs médecins généralistes

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« Lequel d’entre vous (…) A-t-il de la reconnaissance envers ce serviteur parce qu’il a fait ce qui   lui  était  ordonné ? De même, vous aussi,  quand vous avez fait  tout ce qui  vous était ordonné, dites : “Nous sommes des serviteurs quelconques. Nous avons fait seulement ce que nous devions faire.” » Luc 17, 9-10

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Permis d’imprimer

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Résumé

Aujourd’hui nous assistons à une volonté d’améliorer l’accès à la fin de vie au domicile avec le médecin généraliste comme pivot de sa prise en charge. Mais bien que faisant partie du code de déontologie médicale, la prise en charge médicale de fin de vie n’est pas une évidence. Elle s’insère dans la définition de la médecine générale, mais il peut y avoir un écart entre la mission qui est confiée aux médecins généralistes et la façon dont ils la reconnaissent. Notre question est: d’après les médecins généralistes, en quoi la prise en charge de fin de vie fait-elle partie de leur travail? Notre étude était qualitative, le recueil des données avait lieu par entretiens semi dirigés, auprès de médecins généralistes volontaires, avec retranscription des entretiens et analyse de contenu. 13 médecins ont été interrogés. Les entretiens furent arrêtés à saturation des données. Les résultats nous montrent que la prise en charge de fin de vie n’est pas en contradiction avec le travail de médecin généraliste et correspond à certaines de ses spécificités. Cependant l’évolution de la démographie médicale et des mentalités, ainsi que les autres contraintes de ce métier, rendent ces prises en charges difficiles et une régulation du nombre de patients pris en charge en fin de vie a souvent lieu. Le devoir semble être un moteur pour ces médecins, mais le contenu précis de ce devoir n’est pas consensuel. La relation créée dans le temps entre le patient et le médecin généraliste est peut-être le ciment qui permet, aujourd’hui, aux médecins généralistes de s’occuper de la fin de vie de leurs patients malgré toutes les difficultés que cela soulève.

Mots clef   :

Travail Médecine générale Fin de vie

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