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Marketing, ergonomie et ingénierie système : jouer la complémentarité pour innover Jean-René Ruault DGA Ingénierie des projets 7 rue des Mathurins 92 221 Bagneux Cedex +33 (0) 1.46.19.52.34 [email protected] Claude Pourcel Conseiller scientifique LGIPM & ENIM 12 bis rue Ampère 92310 Sèvres Telephone number, incl. country code [email protected] RESUME Marketing, ergonomie et ingénierie système sont des disciplines différentes, faisant appel à des profils et des compétences différents. Le marketing est principalement enseigné au sein des écoles de commerce, et est peu, voire pas du tout, traité dans les écoles d’ingénieurs, principales sources de formation initiale de l’ingénierie système. L’ergonomie, de son côté, principalement ancrée dans les universités, est peu traitée dans les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce, même si depuis quelques années, cela évoluent peu à peu avec des liens plus étroits entre ces disciplines, comme le montre les liens entre l’ergonomie et l’ingénierie système (ErgoIA 2004, ErgoIA 2006, ErgoIA 2008 [22], création du comité technique « facteurs humains » au sein de l’AFIS début 2010). L’objectif de cet article est de montrer la complémentarité de ces différentes disciplines pour concevoir des systèmes qui répondent au mieux aux besoins des utilisateurs, des consommateurs, tout particulièrement dans une logique B2C (business to consumer). Dans un premier temps, nous aborderons les processus mis en oeuvre dans ces différentes disciplines et comment ils peuvent être coordonnés entre eux. Nous poursuivons en montrant comment les sorties de ces processus du marketing, de l’ergonomie, sont structurantes pour la conception de l’architecture des systèmes. Nous finirons cet article en offrant un cas d’application de la démarche proposée, dans le domaine des systèmes et des services médico-sociaux. Mots clés Marketing, ergonomie, ingénierie système, processus, système, produit, service, marché, utilisateur, consommateur, prix. ABSTRACT Marketing, human factors and systems engineering are different disciplines which apply different profiles and skills. Marketing is taught by business schools, while very few engineering schools teach it. The latter dedicate much time to systems engineering and many others engineering’s. Human factors is anchored within medicine, humanities and social sciences. It is a little part of an engineer curriculum, while, since few years, human factors and human-computer interaction are taught within engineering schools. Nowadays, conferences and volunteers meet human factors and systems engineering, such as ErgoIA (ErgoIA 2004, ErgoIA 2006, ErgoIA 2008 [22]) or AFIS’ human factors technical committee. The aim of this article is to show complementarily between these disciplines to design systems which satisfy consumers and users’ needs, particularly in the business to consumer context. At first this article presents main processes of these disciplines and how these processes should be coordinated together. Then, it demonstrates how marketing and human factors processes’ outputs structure system architecture design. This article finishes with a case study applying the proposed approach, in the domain of health and care service systems. Categories and Subject Descriptors Human factors, Marketing, Systems Engineering General Terms Management, Performance, Design, Human Factors, Keywords Marketing, human factors, systems engineering, process, system, product, service, market, user, consumer, price. 1. INTRODUCTION Marketing, ergonomie et ingénierie système sont des disciplines différentes, faisant appel à des profils et des compétences différents. Le marketing est principalement enseigné au sein des écoles de commerce, et est peu, voire pas du tout, traité dans les écoles d’ingénieurs, principales sources de formation initiale de l’ingénierie système. L’ergonomie, de son côté, principalement ancrée dans les universités, est peu traitée dans les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce, même si depuis quelques années, cela évoluent peu à peu avec des liens plus étroits entre ces disciplines, comme le montrent les liens entre l’ergonomie et l’ingénierie système (ErgoIA 2004, ErgoIA 2006, ErgoIA 2008, création du comité technique « facteurs humains » au sein de l’AFIS -Association Française d’Ingénierie Système-début 2010). Permission to make digital or hard copies of all or part of this work for personal or classroom use is granted without fee provided that copies are not made or distributed for profit or commercial advantage and that copies bear this notice and the full citation on the first page. To copy otherwise, or republish, to post on servers or to redistribute to lists, requires prior specific permission and/or a fee. Ergo’IA 2010, October 13–15, 2010, Biarritz, France. Copyright © 2010 ACM 978-1-4503-0273-9/10/10…$10.00. Ergo'IA 2010 du 12 au 15 octobre 2010, Biarritz, France 227

[ACM Press the Ergonomie et Informatique Avancee Conference - Biarritz, France (2010.10.12-2010.10.15)] Proceedings of the Ergonomie et Informatique Avancee Conference on - Ergo'IA

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Marketing, ergonomie et ingénierie système : jouer la complémentarité pour innover

Jean-René Ruault DGA Ingénierie des projets

7 rue des Mathurins 92 221 Bagneux Cedex +33 (0) 1.46.19.52.34

[email protected]

Claude Pourcel Conseiller scientifique LGIPM & ENIM

12 bis rue Ampère 92310 Sèvres

Telephone number, incl. country code

[email protected]

RESUME Marketing, ergonomie et ingénierie système sont des disciplines différentes, faisant appel à des profils et des compétences différents. Le marketing est principalement enseigné au sein des écoles de commerce, et est peu, voire pas du tout, traité dans les écoles d’ingénieurs, principales sources de formation initiale de l’ingénierie système. L’ergonomie, de son côté, principalement ancrée dans les universités, est peu traitée dans les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce, même si depuis quelques années, cela évoluent peu à peu avec des liens plus étroits entre ces disciplines, comme le montre les liens entre l’ergonomie et l’ingénierie système (ErgoIA 2004, ErgoIA 2006, ErgoIA 2008 [22], création du comité technique « facteurs humains » au sein de l’AFIS début 2010).

L’objectif de cet article est de montrer la complémentarité de ces différentes disciplines pour concevoir des systèmes qui répondent au mieux aux besoins des utilisateurs, des consommateurs, tout particulièrement dans une logique B2C (business to consumer). Dans un premier temps, nous aborderons les processus mis en œuvre dans ces différentes disciplines et comment ils peuvent être coordonnés entre eux. Nous poursuivons en montrant comment les sorties de ces processus du marketing, de l’ergonomie, sont structurantes pour la conception de l’architecture des systèmes. Nous finirons cet article en offrant un cas d’application de la démarche proposée, dans le domaine des systèmes et des services médico-sociaux.

Mots clés Marketing, ergonomie, ingénierie système, processus, système, produit, service, marché, utilisateur, consommateur, prix.

ABSTRACT Marketing, human factors and systems engineering are different disciplines which apply different profiles and skills. Marketing is taught by business schools, while very few engineering schools teach it. The latter dedicate much time to systems engineering and

many others engineering’s. Human factors is anchored within medicine, humanities and social sciences. It is a little part of an engineer curriculum, while, since few years, human factors and human-computer interaction are taught within engineering schools. Nowadays, conferences and volunteers meet human factors and systems engineering, such as ErgoIA (ErgoIA 2004, ErgoIA 2006, ErgoIA 2008 [22]) or AFIS’ human factors technical committee.

The aim of this article is to show complementarily between these disciplines to design systems which satisfy consumers and users’ needs, particularly in the business to consumer context. At first this article presents main processes of these disciplines and how these processes should be coordinated together. Then, it demonstrates how marketing and human factors processes’ outputs structure system architecture design. This article finishes with a case study applying the proposed approach, in the domain of health and care service systems.

Categories and Subject Descriptors Human factors, Marketing, Systems Engineering

General Terms Management, Performance, Design, Human Factors,

Keywords Marketing, human factors, systems engineering, process, system, product, service, market, user, consumer, price.

1. INTRODUCTION Marketing, ergonomie et ingénierie système sont des disciplines différentes, faisant appel à des profils et des compétences différents. Le marketing est principalement enseigné au sein des écoles de commerce, et est peu, voire pas du tout, traité dans les écoles d’ingénieurs, principales sources de formation initiale de l’ingénierie système. L’ergonomie, de son côté, principalement ancrée dans les universités, est peu traitée dans les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce, même si depuis quelques années, cela évoluent peu à peu avec des liens plus étroits entre ces disciplines, comme le montrent les liens entre l’ergonomie et l’ingénierie système (ErgoIA 2004, ErgoIA 2006, ErgoIA 2008, création du comité technique « facteurs humains » au sein de l’AFIS -Association Française d’Ingénierie Système-début 2010).

Permission to make digital or hard copies of all or part of this work for personal or classroom use is granted without fee provided that copies are not made or distributed for profit or commercial advantage and that copies bear this notice and the full citation on the first page. To copy otherwise, or republish, to post on servers or to redistribute to lists, requires prior specific permission and/or a fee. Ergo’IA 2010, October 13–15, 2010, Biarritz, France.

Copyright © 2010 ACM 978-1-4503-0273-9/10/10…$10.00.

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L’objectif de cet article est de montrer la complémentarité de ces différentes disciplines pour concevoir des systèmes qui répondent au mieux aux besoins des utilisateurs, des consommateurs, tout particulièrement dans une logique B2C (business to consumer). Dans une logique de démarche pluridisciplinaire, l'ambition de cet article est d'articuler les différentes disciplines en lices et non de tout réduire dans une seule discipline ou de les cloisonner de façon étanche. En effet, nous inscrivant dans la démarche d’ingénierie de systèmes complexes que proposent Luzeaux [11] et Sheard [21], la présentation de la systémique de Le Moigne [9], montre le point de départ de l’ingénierie système (sciences de l’ingénierie) et la trajectoire à suivre pour atteindre ce que proposent Luzeaux et Sheard. Cette trajectoire intègre des disciplines différentes, afin de ne pas succomber à une perspective monolithique.

Il propose des éléments de réflexion pour aider les experts de ces différentes disciplines de se joindre à cette démarche. Enfin, il s'agit d'un article offrant une vision et proposant un programme de ce que les disciplines peuvent faire ensemble pour fluidifier les activités des uns et des autres.

Dans un premier temps, nous aborderons les processus mis en œuvre dans ces différentes disciplines et comment ils peuvent être coordonnés entre eux. Nous poursuivons en montrant comment les sorties de ces processus du marketing, de l’ergonomie, sont structurantes pour la conception de l’architecture des systèmes. Nous finirons cet article en offrant un cas d’application de la démarche proposée, dans le domaine des systèmes et des services médico-sociaux.

2. LES PROCESSUS MIS EN ŒUVRE Pour débuter cet article, nous proposons d'identifier les principaux processus en œuvre au sein de ces disciplines, puis de les articuler afin de mettre en évidence les complémentarités. Pour ce qui relève de l'ingénierie système et de l'ergonomie, nous appuyons sur les documents de bonnes pratiques que sont les normes de processus "Processus de conception centrée sur l'opérateur humain pour les systèmes interactifs", " Processus de cycle de vie des systèmes " [7], et "Processes for Engineering a System" [5].

2.1 Les processus en ingénierie système Pour la norme ISO/IEC 15288 :2008 [7], un système est "une combinaison d’éléments interagissant organisée pour atteindre un ou plusieurs buts définis". Telle qu'elle est définie par l'AFIS [1],"l'ingénierie système (IS) est une démarche méthodologique pour maîtriser la conception des systèmes et produits complexes", qui s'applique aux systèmes conçus par les être humains, des systèmes artificiels. La norme "Processus du Cycle de Vie des Systèmes" définit un ensemble de processus regroupés en quatre grands ensembles que sont :

o les processus contractuels,

o les processus d’entreprise,

o les processus du projet,

o les processus techniques.

Dans la mesure où les processus contractuels et les processus du projet concernent essentiellement des systèmes sur-mesure, dans une logique B2B (business to business), nous ne les prenons pas en compte. Ce sont donc les processus techniques que nous développons dans cet article, lesquels sont précisés dans le tableau ci-dessous, avec leurs extrants.

Table 1. Les processus techniques et leurs extrants

Processus Extrant(s)

Définition des exigences Cahier des charges

Analyse des exigences Spécification technique de

besoin

Conception de l’architecture Architecture conçue

Implémentation Composants réalisés

Intégration Système réalisé

Vérification Système vérifié

Transition Système déployé

Validation Système validé

Exploitation Système en exploitation

Maintenance Système maintenu

Retrait de service Système retire de service

Les processus de définition des exigences des parties prenantes et d'analyse des exigences sont les entrées du processus de conception de l'architecture. L'analyse fonctionnelle et l'analyse de la valeur sont des méthodes mises en œuvre, pour, respectivement, définir les exigences des parties prenantes indépendamment des solutions possibles qui y répondent, et mesurer la valeur attachée aux fonctions identifiées pour comparer les différentes solutions de conception candidates.

2.2 Les processus en ergonomie La norme "Processus de conception centrée sur l'opérateur humain pour les systèmes interactifs" [6], décrit les principes de la conception centrée sur l'utilisateur, ainsi que les processus et les activités qui sont mis en œuvre. Ces activités sont :

o comprendre et spécifier le contexte d’utilisation,

o spécifier les exigences liées à l’utilisateur et à l’organisation,

o proposer des solutions de conception,

o évaluer les conceptions par rapport aux exigences.

Les méthodes et outils de l'ergonomie sont mis en œuvre pour réaliser ces activités. Cela peut être, en fonction du contexte du projet et sans prétendre à l'exhaustivité, une analyse de l'activité,

Permission to make digital or hard copies of all or part of this work for personal or classroom use is granted without fee provided that copies are not made or distributed for profit or commercial advantage and that copies bear this notice and the full citation on the first page. To copy otherwise, or republish, to post on servers or to redistribute to lists, requires prior specific permission and/or a fee. Ergo’IA 2010, October 13–15, 2010, Biarritz, France. Copyright © 2010 ACM 978-1-4503-0273-9/10/10…$10.00.

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une identification des spécificités des utilisateurs (accessibilité, ...), des tests utilisateurs sur des prototypes.

Par exemple dans un ouvrage consacré à l’ingénierie & l’ergonomie [12] les auteurs préconisent de coupler la démarche de projet à l’ingénierie cognitive. Cela donne une double approche précisé dans le tableau n°2.

Table 2. Couplage modélisation et construction de l’action

Modélisation du système Construction de l’action

Niveau service Relevé des exigences du

travail

Niveau processus Mise en œuvre du dialogue « ingénieurs – utilisateurs »

Niveau organisationnel Anticipation des effets sur le

travail

Niveau ressources Anticipation des effets sur le

travail

2.3 Les processus dans le marketing Le marketing est une discipline étendue qui traite aussi bien de l'analyse de marché que de la politique de communication. Dans cet article, nous abordons ce qui relève des décisions du plus haut niveau de l'organisation et à l'analyse de marché au sens large. Au plus haut niveau de l'organisation, la direction élabore la carte stratégique qui permet d'identifier les principaux axes de décision et d'action.

Performance Perspective financière

Perspective client

Perspective processus internes

Perspective apprentissage

organisationnel

carte stratégique

Figure 1: La carte stratégique de l'organisation.

Cette carte stratégique permet de définir les facteurs clés de succès et de préciser les éléments de réflexion, de décision et de pilotage de l'organisation que sont :

o la vision,

o la mission,

o la stratégie,

o les enjeux,

o la conception de l'organisation ou du système.

Cette éléments s'appuient sur les résultats de l'analyse du marketing stratégique qui, à partir des connaissances de

l'environnement (marché, environnement légal et réglementaire, etc.), suivant ces réflexions, aboutit à une décision. La connaissance se nourrit des études de marché. Sans prétendre être exhaustifs, nous relevons ainsi les activités suivantes pour ce qui concernent les études de marché :

o l'analyse du marché (l'homogénéité ou l'hétérogénéité du marché, les segments de marché identifiés, zone de chalandage, ...),

o l'analyse de la concurrence (les concurrents, leurs prix de vente, leurs coûts de production, les segments de marché sur lesquels ils sont installés, ...),

o l'analyse de la conjoncture (les tendances démographiques, sociales, culturelles, techniques, politiques et économiques, les dispositifs réglementaires et fiscaux incitatifs ou dissuasifs, ...),

o l'analyse du consommateur (l'âge, le sexe, le revenu moyen, les liens entre l'acheteur, le consommateur et l'utilisateur, le comportement d'achat, la structure familiale, l'appartenance sociale et économique, les prescripteurs, les facteurs personnels telle que la personnalité, ...),

o l'analyse des besoins (les fonctions ou combinaisons de fonctions que le système doit fournir, la façon dont ces fonctions sont articulées entre elles, d'un point de vue logique et temporel, les besoins en termes de facilité d'usage, de fiabilité, de robustesse, de sécurité et de sûreté, ...),

o l'analyse du modèle économique (rentabilité, position du point mort, besoins de financement pour produire le système et de trésorerie pour la commercialisation, dispositifs fiscaux et bancaires, diversification des produits -i.e. produits cycliques associés à des produits récurrents-, ...),

o l'analyse de la consommation des systèmes ou services pour les faire évoluer en fonction de l'évolution des besoins,

o l'analyse des modes de communication et de commercialisation (l'inscription dans un annuaire professionnel, les limites propres aux activités réglementées, l'appel à des commerciaux, ...).

2.4 La coordination des processus de ces disciplines Après avoir identifié les principaux processus et activités des différentes disciplines, nous tentons de les articuler pour montrer leur complémentarité.

Nous commençons par articuler les processus d'ingénierie système avec ceux de conception sur l'opérateur humain. Nous poursuivons en montrant les liens entre les activités du marketing avec les processus d'ingénierie système et ceux de conception centrée sur l'opérateur humain.

2.4.1 Ingénierie système et ergonomie Le tableau 1 montre la complémentarité entre les processus de cycle de vie des systèmes et les processus de conception centrée

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sur l'utilisateur. Les liens sont particulièrement étroits entre, d'une part, le processus de définition des exigences des parties prenantes, en ingénierie système, et, d'autre part, l'ensemble de conception centrée sur l'utilisateur. L'architecture fonctionnelle du système doit être cohérente avec l'activité future probable des utilisateurs et appuyée sur une analyse de la tâche [14], [15]. Dans ce contexte, l'élaboration de maquettes ou de prototypes, très tôt,

permet de valider les solutions de conception auprès des utilisateurs, en mettant en œuvre des méthodes de type test utilisateur. Le retour d'expérience des utilisateurs durant la phase d'exploitation du système contribue aussi aux liens entre ergonomie et ingénierie système en prenant en compte le processus d'appropriation du système par les utilisateurs [17].

Table 3. Articulation des processus de conception centrée sur l'utilisateur et des processus de cycle de vie d'un système

Processus du Cycle de Vie des Systèmes

Processus de conception centrée sur

l'opérateur humain

pour les systèmes interactifs P

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Comprendre et spécifier le contexte d’utilisation � � �

Spécifier les exigences liées à l’utilisateur et à l’organisation

� � � � �

Proposer des solutions de conception �

Évaluer les conceptions par rapport aux exigences � �

2.4.2 Ingénierie système et marketing Les perspectives du marketing et de l'ingénierie système sont étroitement liées entre elles. En effet, elles traitent de sujets identiques avec des points de vue différents, dans la mesure où, à l'origine, l'ingénierie système provient du domaine technique, tandis que le marketing relève des sciences de gestion. L'élargissement du périmètre de l'ingénierie système que nous rencontrons dans la norme ISO/IEC 15288 [7] nous semble tout à fait illustrative de cette situation.

Dans les deux disciplines, nous retrouvons les notions de vision du management, de mission de l'organisation, de stratégie à mener, des enjeux, ainsi que de conception de l'organisation à mettre en place, traitées selon le point de vue de chacune de ces disciplines. Nous sommes souvent dans des modèles néo-tayloriens, visant à rationaliser non seulement la production des biens et des services, périmètre du modèle taylorien d'origine, mais aussi les processus de leur conception, en ne prenant pas en compte les avancées les plus récentes dans le domaine des sciences des organisations et des sciences humaines.

À la définition des exigences des parties prenantes de l'ingénierie système, fait échos les études de marché dans le domaine du marketing. Dans la plupart des ouvrages d'ingénierie système, ces liens ne sont pas traités. En effet, si cette discipline s'élargit actuellement à la conception de biens de consommation, elle garde, de ses origines spatiale et défense, une démarche de réponse à un besoin exprimé et à une démarche d'acquisition patrimoniale de type B2B (Business to Business) ou B2A (Business to Administration). C'est ainsi que sont définis les

processus d'acquisition et de fourniture dans la norme ISO/IEC 15288 [7]. Dans ce contexte, les méthodes et moyens des études de marché ne sont pas identifiés dans les ouvrages d'ingénierie système et il n'est pas fait référence aux ouvrages du marketing traitant de ces sujets. Du coup, le processus de définition des exigences des parties prenantes n'est pas orienté vers le marché et vers la satisfaction de la clientèle, avec la diversité de ses besoins. Les études de marché permettent d'identifier les clients potentiels des biens et services que l'on cherche à concevoir et à produire, ainsi que les fonctions que ces clients attendent de ces biens et services.

Les réponses aux questions posées dans le cadre de l'analyse de marché sont structurantes pour le système ou le service à développer et contribuent directement à son analyse fonctionnelle et à son analyse de la valeur (AFAV). Ainsi la question "que vendre?" doit identifier les services rendus et relève de l'analyse fonctionnelle. Les réponses aux questions du volume du marché, de la concurrence, du prix pratiqué, du panier moyen, de la solvabilité des clients, des aides disponibles et de l'évolution potentielle du marché, sont les entrées de la conception à objectif de coût. Cela détermine tant la valeur des fonctions, au sens AFAV du terme, et donc les moyens de production à mettre en œuvre pour les réaliser, que le modèle économique de l'organisme qui les produit pour déterminer le point mort, les besoins de trésorerie et le type de structure adaptée au modèle économique, par exemple, structure à but lucratif ou à but non lucratif.

Cette perspective est non seulement pertinente pour les entreprises commerciales, à but lucratif, mais aussi pour les organisations à but non lucratif. C'est ainsi que des associations, structures à but

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non lucratif, sont amenées à déposer le bilan, ne pouvant plus payer les charges qui leur incombent (salaires, charges sociales, ...).

Par ailleurs, cette analyse issue de l’analyse des marchés concurrentiels, peut être appliquée aux marchés peu ou prou régulés. La fixation des prix ou des montants de remboursement par un organisme institutionnel hors du couple acheteur / vendeur, relève de marché régulé. Notre cas d’application est aux confins des marchés fortement régulés et des marchés concurrentiels.

2.4.3 Ergonomie et marketing Les démarches de l'ergonomie et du marketing sont complémentaires. Les unes et les autres visent à identifier les besoins spécifiques des utilisateurs, dans leur diversité et dans la diversité des usages qu'ils font ou seront susceptibles de faire du système à concevoir. Ainsi, l'analyse des besoins du marketing fait échos au processus pour comprendre et spécifier le contexte d'utilisation. Tandis que l'analyse des consommateurs fait échos au processus pour spécifier les exigences liées à l'utilisateur. Les résultats de ces analyses permettent de spécifier les fonctions du système et les contraintes d'usage.

Ainsi, les réponses aux questions concernant la clientèle (âge, sexe, habitudes, etc.), du point de vue du marketing, sont à traiter de concert avec l'ergonomie, puisque cela a des impacts tant sur la détermination des fonctions et des interfaces système-utilisateur, que sur la facilité d'usage du système, y compris l'accessibilité. En termes de méthodes et d'outils du marketing et de l'ergonomie, cela se traduit par des groupes de créativité (méthode Delphi), des enquêtes et d'autres types d'analyse pour identifier les besoins des utilisateurs, ainsi que par tests utilisateurs appuyés sur des panels de clients potentiels.

2.4.4 Articulation triangulaire : ingénierie système, ergonomie et marketing Après l'articulation de ces disciplines deux à deux, l'articulation triangulaire permet de mettre en évidence leur forte complémentarité.

Le processus de définition des exigences des parties prenantes, de l'ingénierie système, est étroitement liés aux processus d'études de marché, du marketing, et du processus de compréhension et de spécification du contexte d'utilisation, en ergonomie. Chacun contribue à recueillir les besoins et à formaliser les contraintes. La définition et l'articulation des fonctions, du point de vue du marketing, est en cohérence avec les résultats de l'analyse de l'activité future probable. Ce sont les entrées complémentaires à l'analyse fonctionnelle pour élaborer l'architecture fonctionnelle du système. Les caractéristiques des consommateurs, associés à la définition des exigences des utilisateurs, sont les entrées pour définir les exigences non fonctionnelles liées à la facilité d'usage du système. Enfin, les coûts induits par les difficultés d'usage et la mauvaise conception du système peuvent être pris en compte, à l'instar du modèle économique du marketing, en termes d'analyse de la valeur.

Cette première approche, loin d'être systématique, montre clairement que les disciplines sont tout à fait complémentaires.

2.5 Les informations structurantes pour une architecture adaptée à l'usage les informations recueillies dans les études de marché et dans les études d'ergonomie sont complémentaires et contribuent à structurer l'architecture du système.

2.5.1 Segments de marché, activité, fonctions et prix de vente Nous proposons de lier les fonctions du système aux segments de marché identifiés qu'elles adressent. Il y a ainsi un ensemble de fonctions communes à l'ensemble des segments du marché, et des fonctions spécifiques à chacun de ces segments. Par ailleurs, ces fonctions communes et ces fonctions spécifiques doivent être organisées en fonction de l'activité future probable des utilisateurs des différents segments de marché, en s'appuyant sur des scénarios d'usage, des cas d'utilisation. Cette organisation des scénarios d’usage et des fonctions est pondérée pour tenir compte des différents types d’utilisateurs identifiés, de leurs besoins propres. Par exemple, pour les téléphones, il peut y avoir des regroupements de fonctions professionnelles (agenda, répertoire), d’un côté, et de fonctions ludiques (jeux), d’un autre côté, avec des types d’utilisateurs bien différenciés. Il est aussi possible de caractériser des fonctions utilisées par tout le monde, donc avec des profils utilisateurs très variés. Nous complétons ces scénarios d'usage par des informations relatives à la fréquence d'usage (rarement, souvent, usage intensif), au contexte d'usage (bureau, nomadisme, ...) et à la position par rapport à l'activité principale (soutien de l'activité principale des utilisateurs, soutien à une activité secondaire, soutien à une activité ludique, ...). Pour chacun de ces segments, les consommateurs affectent à ces fonctions des valeurs, des prix d'achat. Ces caractéristiques des utilisateurs concernent tant les valeurs d'usage, domaine de l'ergonomie (facilité d'usage), que les valeurs de prestige, par exemple le caractère exclusif d'une fonction pour un segment de marché particulier, haut de gamme. Nous relions aussi les caractéristiques des utilisateurs à ces fonctions et à ces prix avec la structuration par segment de marché. Cela permet de définir, pour chaque segment de marché identifié, le couple utilisateur / fonctions produit, avec le prix moyen que le client est prêt à payer. Enfin, nous devons évaluer les volumes de vente potentiels dans les différents segments de marché identifiés, afin de pondérer les valeurs des fonctions et d'effectuer les compromis ultérieurs.

Table 4. Structuration des informations des disciplines

Segment de marché

Caractéristique de l'utilisateur

Fonction/ cas d'utilisation

Prix d'achat

Le tableau ci-dessus montre comment nous pourrions structurer ces informations dans un outil de gestion des exigences pour tracer et conserver les liens entre ces informations. Ces informations sont les entrées pour élaborer l'architecture fonctionnelle et le modèle économique du système.

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2.5.2 Modèle économique (business model), architecture du système et adéquation à l'activité des utilisateurs Ces informations servent à élaborer l'architecture fonctionnelle, puis l'architecture physique du système.

L'ensemble de fonctions communes à l'ensemble des segments du marché forme le socle de l'architecture fonctionnelle. Outre ces fonctions communes, ce socle de l'architecture fonctionnelle comprend l'ensemble des fonctionnalités transverses et les exigences d'origine réglementaires, par exemple relatives à la sûreté ou à la sécurité. À ce socle s'ajoutent différents modules fonctionnels, chacun d'eux adressant un segment de marché identifié et comprenant les fonctions spécifiques pour ce segment de marché.

Les caractéristiques des utilisateurs, les exigences liées à l'usage, à l'activité, sont attachés aux fonctions et aux segments de marché. Ainsi, l'articulation des fonctions doit correspondre à la logique de tâche dans les différentes situations d'usage, ce qui milite en faveur de l'élaboration de cas d'utilisation et de scénarios dès l'amont des projets. Certaines exigences d'accessibilité peuvent être attachés aux fonctions spécifiques adaptées à la clientèle âgée, tandis que les interfaces privilégieront d'autres exigences d'utilisabilité pour une clientèle jeune. Pour un téléphone, on concevra un combiné n’offrant que la fonction téléphonique, avec de grandes touches très lisibles, voire avec une interface vocale, pour les personnes déficientes visuelles, tandis que l’on élaborera un combiné offrant des fonctions de messagerie électronique, de messagerie instantanée, pour des personnes déficientes auditives, et un combiné miniaturisé pour une clientèle qui porte continuellement un téléphone sur elle.

D'un point de vue du modèle économique, tandis que le socle est un compromis entre les différentes valeurs des différents segments, pondérées par les volumes, chaque module a son modèle de valeur économique spécifique. L'analyse de la valeur peut amener à revoir l'architecture fonctionnelle, et en particulier le périmètre, voire l'existence, du socle, en fonction de la segmentation du marché. Nous pourrions par exemple avoir une orientation faible coût et large volume pour un segment de marché et, au contraire, des fonctions et des usages exclusifs pour un volume plus étroit. Le modèle économique est réalisé sur la totalité du marché et il est possible de trouver des péréquations relativement satisfaisantes, comme le montre le modèle économique des compagnies aériennes, entre classe affaire et classe économique.

La conception d’architectures produit adaptées aux différents segment de marché présente l’avantage d’éviter de concevoir un système « bon à tout et bon à rien » dont la profusion des fonctions et de paramètres d’usage (les configurations liées à l’accessibilité, les configurations esthétiques pour satisfaire une clientèle spécifique), rend l’usage rebutant et la maintenance difficile. Cette conception d’architectures adaptées préservent les besoins d’exclusivité et d’image de certains segments. Certains domaines, tel que celui de l’automobile, appliquent cette démarche de segmentation, élaborent des plates formes communes, conçoivent des véhicules différents qu’ils caractérisent en termes de marque, de brand, pour atteindre des marchés différents, dans une logique ligne de produit.

3. LE CAS D’APPLICATION DE LA DÉMARCHE PROPOSÉE : LA PRATIQUE MÉDICALE ET SOCIALE

Le cas d'application concerne la pratique médicale et sociale (PMS), c'est-à-dire l'ensemble des pratiques médicales et sociales de prise en charge d'un patient dans le cadre d'un parcours patient. La pratique médicale et sociale est l'objet de nombreuses publications sur lesquelles nous nous appuyons [3], [13]. Le système PMS est constitué de beaucoup d'acteurs qui contribuent à la réalisation de cette prise en charge. Il s'agit tant du médecin libéral en cabinet que des médecins hospitaliers, avec leurs différentes spécialités, les infirmières, les pharmaciens, les professionnels paramédicaux, mais aussi les assistants de vie, les aides ménagères et les services de plateaux repas, lorsque les patients ont perdus leur autonomie. Le système à concevoir est celui qui permet la coordination de l'ensemble de ces acteurs, en tenant compte de la diversité de leurs statuts, de leurs ressources.

Exigences patient

Exigences client

Exigences prestataires de service

Exigences organismes

institutionnels

Parties prenantes formulant des exigences

Figure 2: Les parties prenantes formulant des exigences.

Une première analyse permet de cerner la vision du système à concevoir, sa mission, la stratégie associée et ses enjeux.

Dans ce cadre d'application, aux perspectives de la carte stratégique sont attachés des facteurs clés de succès. Ils permettent d'élaborer les indicateurs pour évaluer la satisfaction du système par rapport à la mission qui lui est dévolue. À la perspective performance, les facteurs clés de succès (FCS) sont de répondre aux exigences des patients, de répondre aux exigences des acteurs du système PMS et de répondre aux exigences des organismes institutionnels.

Mission

Répondre aux besoins des patients dans l'ensemble de la Pratique Médicale et Sociale.

Stratégie

Concevoir et développer un système en concertation avec les acteurs de la PMS et après consultation des patients ou de leurs représentants

Vision

Notre vision consiste à considérer l'ensemble des partenaires du système de PMS comme des prestataires de services.

Enjeux

Respect de la vie privée du patient, garantie de l’autonomie des personnels de santé, partage d’information médicale, réduction significative des frais de santé

Figure 3: Les éléments de pilotage.

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À la perspective des parcours patients sont attachés les facteurs clés de succès que sont l'amélioration du pilotage du parcours patient, l'amélioration de la coordination des parcours patient et l'amélioration de la coordination des acteurs.

1.Perspective performance

2.Perspective parcours patient

3.Perspective apprentissage organisationnel

FCS11.Répondre aux exigences patient

FCS12.Répondre aux exigences des acteurs du système PMS

FCS21.Améliorer le pilotage du parcours patient

FCS22.Améliorer la coordination des parcours patient

FCS32.Améliorer la communication entre les acteurs du parcours patient

FCS33.Assurer la capitalisation des bonnes pratiques

FCS31.Améliorer l'information des patients

FCS13.Répondre aux exigences des organismes institutionnels

FCS23.Améliorer la coordination des acteurs

FCS34 : améliorer la formation des acteurs

Figure 4: Les perspectives et facteurs clés de succès.

Une première analyse permet de caractériser les fonctions en différenciant les fonctions opérantes et celles de gouvernance.

Il n'y a pas de fonction de gouvernance du parcours patient. C'est au patient d'organiser lui-même son parcours (prendre rendez-vous avec le médecin, avec le professionnel paramédical tel que le kinésithérapeute, ou le nutritionniste), ce qui est assez compliqué pour les personnes âgées à l'autonomie réduite.

La coordination de l'ensemble des acteurs médico-sociaux est aussi un point à améliorer, tout particulièrement dès lors qu'ils travaillent dans des structures différentes (cabinet d'infirmières libérales, association d'aide à domicile, Centre communal d'action sociale –CCAS-), sans lien de subordination ou organique entre elles.

Table 5. Caractérisation des facteurs clés de succès.

Facteurs Clés Succès/Fonction

Opérante Gouvernance

Exigences patients oui non

Exigences acteurs oui non

Exigences organismes oui non

Pilotage parcours parfois non

Coordination acteurs parfois non

Information patient moyenne non

Communication entre acteurs parfois non

Capitalisation bonne pratique parfois non

Formation acteurs oui non

Cela permet de mettre en évidence un point important. Alors que dans une entreprise, le flux de décision est descendant (top down) avec une direction, qui, par définition, définit les axes

stratégiques, oriente et dirige, dans notre contexte, la situation est différente. S'il y a bien un acteur qui donne les orientations (l'administration, les organismes institutionnels), il n'est pas en position "hiérarchique" de diriger, dans la mesure où il n'y a pas de lien de subordination propre au contrat de travail. Son pouvoir réside plus sur les moyens dissuasifs ou incitatifs qu'il peut utiliser, par exemple en taxant le court-circuit du médecin référent par le patient, en obligeant les professionnels de santé à utiliser la Carte de Professionnel de Santé (CPS). La Tarification à l'activité (T2A) est typiquement un de ces moyens de régulation à fort impact. De même, les montants de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA ), selon les quatre groupes grille Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources (GIR), sont structurants. Nous sommes là aux confins du marketing stratégique et de la communication, ce que Kotler [8] appelle le marketing public ou marketing non marchand. Nous sommes aussi aux confins du marché concurrentiel (le patient choisi l’infirmière, le kinésithérapeute, l’assistante de vie, à sa guise), et du marché fortement régulé (le patient doit passer par son médecin référent avant de consulter un spécialiste, le prix de la consultation est fixé, de même que le montant de l’APA).

Dans le cadre du projet Gestion hospitalière coopérante, [1] avait défini un système opérant où plusieurs systèmes étaient pilotés par quatre entités : la définition de la stratégie, la conception des services, la conception et la réalisation des systèmes opérant qui produisent ces services, enfin la conception des ressources mises en œuvre par ces systèmes opérant. Dans notre cas d'application, nous pouvons considérer que cela est, préalablement, réalisé. Il subsiste, toujours dans le cas de la santé, un problème lié à l'échange de services non coordonnés. La T2A présente typiquement des objectifs fixés par la quatrième entité et destinés aux "pôles d'activités" Ceux-ci sont dépourvus de méthodes et d'outils de management. Il y a de nombreuses expériences mais leur efficacité n'est pas démontré.

Cette analyse de haut niveau, de la perspective parcours patient, doit être complétée par une analyse plus fine, de telle sorte d'identifier les patients, leur besoins et leurs spécificités. Il s'agit-là de caractériser différents segments pour les différents types de patients (niveau d'autonomie, type de pathologie, âge, bassin démographique, géographie, solvabilité), avec des impacts sur la façon de réaliser les prestations, les types de prestations adaptées à chaque segment, les modèles économiques de ces prestations et des dispositifs technologiques mis en œuvre dans ces prestations et pour lesquels nous devons, in fine, faire l'ingénierie. Ainsi, le montant alloué par la Caisse nationale d’Assurance vieillesse (CNAV) pour la prise en charge des personnes dépendantes, le nombre de personnes dépendantes du bassin démographique, leur niveau de dépendance, permettent de définir, d'une part, les besoins d'aide et, d'autre part, le nombre d'assistants, leurs salaires et charges sociales ainsi que les coûts de structure (personnel administratif, location d'un local, achat ou location de véhicule, etc.). Nous sommes là dans une conception à objectif de coût, puisque le montant alloué détermine le fonctionnement et la structure de l'organisation qui réalise les prestations. L'effet induit est de favoriser les organisations qui ont des coûts de structure réduits. Le coût d'acquisition ou d'abonnement à un système d’aide à la coordination est contraint et cela a des conséquences directes sur l'analyse fonctionnelle et l'analyse de la valeurs qui sont menées. Cela milite aussi pour privilégier une solution sur étagère pour une large clientèle au dépend d'une solution sur

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mesure. Dans cette perspective, le modèle économique d'un système d'information hospitalier n'est pas identique au modèle économique d'un système d'information pour les cabinets de médecine libérale, a fortiori, comme nous venons de le voir, d'un système d'information pour une association non lucrative qui fait de l'aide à domicile.

Il est nécessaire d'identifier les fonctions que doivent remplir ces systèmes dans la coordination du parcours patient, les échanges de données et de services qu'il y a entre ces différents systèmes, ce qui a des impacts sur leur interopérabilité. À ces fonctions sont attachés des valeurs. Au delà d'un seuil, l'organisation cliente n'a plus les moyens de s'offrir les fonctions considérées.

Par ailleurs, il est aussi nécessaire d'identifier les activités des acteurs, les impacts d'un système de coordination sur leurs activités, les contextes d'emploi de ce système, ainsi que les profils de ces acteurs, utilisateurs de ce système. Les aidants ont par définition une activité nomade, et le cœur de leur activité est faiblement numérisée. En effet, leur activité, et sa valorisation culturelle et éthique, sont tournées vers l'aide à la personne, et non vers l'utilisation d'un dispositif technologique. L’insertion d’un dispositif technologique peut modifier substantiellement le métier, comme c’est le cas de la saisie du dossier administratif des patients par le médecin libéral utilisant sa CPS. De fortes contraintes pour utiliser ce type de dispositif peut amener certains médecins libéraux, rétifs à cet usage et plus soucieux de leur pratique clinique, à quitter cette profession. In fine, c’est la qualité globale de soin qui est affectée puisque la sélection favorise les médecins qui consacrent une partie de leur activité à un travail bureaucrate.

Cela a des impacts directs sur l'ergonomie du dispositif qui doit être facile d'utilisation, sans formation préalable et suffisamment fiable pour ne pas avoir besoin d'un service de soutien. Cela a aussi des conséquences sur la façon de gérer la coordination entre intervenants. En première approximation, d'un point de vue économique, il est peut-être plus intéressant d'utiliser le téléphone filaire du patient en appelant un numéro vert plutôt que d'utiliser des téléphones portables. Mais le téléphone portable permet une plus grande flexibilité appeler / être appelé, par exemple pour faire part d’un retard dû à un incident.

Le dispositif actuel qui est le cahier au domicile du patient, permet la coordination des différents acteurs qui interviennent à son domicile. À ce titre, le cahier est très pratique en traçant les événements, en quelque sorte la main courante, de l’état du patient. Il est facilement accessible et disponible, et ne nécessite aucune ressource particulière. En revanche, il ne permet pas cette coordination lorsque l’un des acteurs prépare son intervention et a besoin d’information sur l’état du patient avant d’arriver à son domicile. La prise en compte de l’évolution du patient dans le temps dépend donc des visites des différents acteurs à son domicile. Il ne permet pas, non plus, la coordination avec les acteurs qui ne font pas de visite au domicile du patient mais le consulte dans leur cabinet. Enfin, il ne permet pas la coordination entre l’acteur au domicile du patient et son organisme de rattachement.

Les analyses de l’activité doivent être menées sur l’ensemble du processus, avec l’ensemble des opérateurs engagés dans ce processus. La difficulté réside dans le fait que de nombreux acteurs de différentes organisations, hétérogènes, interviennent

dans ce processus. Ainsi que nous l’écrivions ci-dessus, nous trouvons les professionnels de la médecine de ville, c’est-à-dire des professions libérales, des associations d’aide à domicile, des collectivités locales. Culture et façon de faire sont différentes entre ces structures organisationnelles [16], [19], dans leurs contributions respectives à ce processus global de coordination transorganisationnel. Ce dernier croise les processus et activités internes, propres à chaque organisation, par exemple, celui de facturation des services, ou bien celui de gestion de l’emploi du temps des intervenants, en tenant compte du temps de travail, des congés légaux, des formations, etc. Cela créée un couplage entre processus global de coordination et processus internes. Dans ce contexte, le système technique doit soutenir le processus de coordination global, sans être structurant. Sinon, il viendrait polluer les processus et activités internes, ce qui ne manquerait pas de générer des conflits, avec un risque non négligeable de rejet.

Cela a des impacts sur l’architecture. Puisque le système de soutient au processus de coordination global relève plus des systèmes d’information, nous pouvons envisager de le concevoir en tant que module fonctionnel, devant être intégré, avec un couplage faible, aux applications métier de chaque organisation, en présentant des interfaces standards pour faciliter cette intégration. Les architectures orientées service, dites SOA (Service-Oriented Architecture) permettent d’implémenter cela en conservant un niveau de couplage faible. Ensuite, le client de ce module (au sens informatique du terme), sera déployé sur les différents dispositifs que mettent en œuvre chacune des organisations. Cela implique aussi et corrélativement que les systèmes d’information des différentes organisations soient ouverts afin de supporter l’ajout de modules applicatifs supplémentaires. Des systèmes d’information clos, propriétaires, ne permettent pas de mettre en œuvre ce type d’architecture orientée service. Alternativement, la conception d’un système ad hoc complet, avec ses dispositifs technologiques spécifiques (téléphone, agenda électronique, …), perturberait beaucoup l’activité des acteurs et serait rejeté rapidement.

4. CONCLUSION Dans cet article, nous avons montré la complémentarité des démarches du marketing, de l’ergonomie et de l’ingénierie système, dans une démarche pluridisciplinaire, pour élaborer des systèmes. En effet, les informations issues de ces différentes disciplines contribuent à la conception de l’architecture du système pour qu’il répond au mieux aux besoins des différentes cibles de marché et au meilleur prix par rapport aux contraintes du marché. Le cas d’application nous a permis d’illustrer cette démarche, dans le domaine des pratiques médicales et sociales.

Cela exige que les outils des différentes disciplines évoluent afin qu’ils puissent aider les concepteurs dans leur activité en organisant les informations de ces différentes disciplines et en les intégrant de façon cohérente pour effectuer les analyses de compromis.

5. BIBLIOGRAPHIE

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