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MICROBIOLOGIE Actualités de la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae en 2008 Current resistance to antibiotics of Neisseria gonorrhoeae in 2008 A. Mérens a, * , F. Janvier a,b , S. Coyne a,c , J.-D. Cavallo a,b a Service de biologie, ho ˆ pital d’instruction des arme ´es Be ´ gin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mande ´, France b E ´ cole du Val-de-Gra ˆce, 1, place Alphonse-Laveran, 75005 Paris, France c Unite ´ de re ´ sistance bacte ´ rienne aux antibiotiques, Institut Pasteur, 75015 Paris, France MOTS CLÉS Neisseria gonorrhoeae ; Gonococcie ; Antibiotiques ; Résistance ; Urétrite Résumé Contexte. Depuis la fin des années 1990, le nombre d’infections à gonocoque augmente régulièrement en France. Le traitement des urétrites et cervicites non compliquées repose selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé sur un traitement en prise unique. Cependant, l’arsenal thérapeutique contre Neisseria gonorrhoeae diminue peu à peu car cette espèce a développé des mécanismes de résistance acquis contre toutes les classes d’anti- biotiques initialement actives, tout d’abord les pénicillines et les cyclines, puis les fluoroqui- nolones. L’e´pide´miologie de lare´sistance. Elle est variable en fonction des continents et des pays, mais est marquée par la diffusion progressive au niveau mondial des souches résistantes, voire multirésistantes. Le phénomène épidémiologique le plus récent, essentiellement décrit en Asie et en Océanie pour l’instant, est l’apparition de souches de sensibilité diminuée aux cépha- losporines de troisième génération (C3G) orales comme le céfixime, par le biais de mutations ou de réarrangements du gène de la PBP2 et de polymorphismes génétiques des gènes mtrR, penB et ponA. En France, plus de 40 % des souches de N. gonorrhoeae isolées au sein du réseau national RENAGO sont actuellement résistante à la ciprofloxacine et cet antibiotique n’est plus recom- mandé en première intention pour le traitement des gonococcies depuis 2006. Recommandation. Les C3G parentérales, particulièrement la ceftriaxone en intramusculaire, sont désormais le traitement de référence des gonococcies. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Neisseria gonorrhoeae; Summary Background. Since 1998, the incidence of infections caused by Neisseria gonorrhoeae increa- ses gradually in France. As recommended by World Health Organization, gonorrhoea therapy Antibiotiques (2009) 11, 97105 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Mérens). 1294-5501/$ see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.antib.2008.11.003

Actualités de la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae en 2008

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Page 1: Actualités de la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae en 2008

MICROBIOLOGIE

Actualités de la résistance aux antibiotiques deNeisseria gonorrhoeae en 2008

Current resistance to antibiotics of Neisseriagonorrhoeae in 2008

A. Mérens a,*, F. Janvier a,b, S. Coyne a,c, J.-D. Cavallo a,b

a Service de biologie, hopital d’instruction des armees Begin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mande, Franceb Ecole du Val-de-Grace, 1, place Alphonse-Laveran, 75005 Paris, FrancecUnite de resistance bacterienne aux antibiotiques, Institut Pasteur, 75015 Paris, France

MOTS CLÉSNeisseria gonorrhoeae ;Gonococcie ;Antibiotiques ;Résistance ;Urétrite

RésuméContexte. — Depuis la fin des années 1990, le nombre d’infections à gonocoque augmenterégulièrement en France. Le traitement des urétrites et cervicites non compliquées repose selonles recommandations de l’Organisation mondiale de la santé sur un traitement en prise unique.Cependant, l’arsenal thérapeutique contre Neisseria gonorrhoeae diminue peu à peu car cetteespèce a développé des mécanismes de résistance acquis contre toutes les classes d’anti-biotiques initialement actives, tout d’abord les pénicillines et les cyclines, puis les fluoroqui-nolones.L’epidemiologie de la resistance. — Elle est variable en fonction des continents et des pays, maisest marquée par la diffusion progressive au niveau mondial des souches résistantes, voiremultirésistantes. Le phénomène épidémiologique le plus récent, essentiellement décrit en Asieet en Océanie pour l’instant, est l’apparition de souches de sensibilité diminuée aux cépha-losporines de troisième génération (C3G) orales comme le céfixime, par le biais de mutations oude réarrangements du gène de la PBP2 et de polymorphismes génétiques des gènes mtrR, penB etponA. En France, plus de 40 % des souches de N. gonorrhoeae isolées au sein du réseau nationalRENAGO sont actuellement résistante à la ciprofloxacine et cet antibiotique n’est plus recom-mandé en première intention pour le traitement des gonococcies depuis 2006.Recommandation. — Les C3G parentérales, particulièrement la ceftriaxone en intramusculaire,sont désormais le traitement de référence des gonococcies.# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSNeisseria gonorrhoeae;

SummaryBackground. — Since 1998, the incidence of infections caused by Neisseria gonorrhoeae increa-ses gradually in France. As recommended by World Health Organization, gonorrhoea therapy

Antibiotiques (2009) 11, 97—105

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Mérens).

1294-5501/$ — see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.antib.2008.11.003

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Gonorrhoea;Antibiotics;Resistance;Urethritis

relies on a single dose regimen. However, the number of antimicrobial agents active onN. gonorrhoeae reduces steadily, since this bacterium has developed acquired resistancemechanisms for many antibiotics, first penicillins and cyclines, then fluoroquinolones.The epidemiology of antibiotic resistance. — Variable according to the geographic area, theepidemiology is characterized by the spread of resistant and multiresistant strains. Theemergence of N. gonorrhoeae with decreased susceptibility to oral third-class cephalosporins(C3G), like cefixime, is of great concern. These strains are mainly reported in Asia and Oceania.The mechanisms are mutations and mosaic structure in PBP2 gene and polymorphisms in mtR,penB and ponA genes. In France, more than 40 % of N. gonorrhoeae studied in the nationalRENAGO network are currently resistant to ciprofloxacin; fluoroquinolones are not recommen-ded for gonorrhoea primary treatment since 2006.Recommendation. — From now on, intramuscular injection of ceftriaxone is the referencetherapy for gonorrhoea infections.# 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

98 A. Mérens et al.

Introduction

Depuis la fin des années 1990, le nombre d’infections àgonocoque augmente régulièrement en France et dans lemonde. Le traitement des urétrites et cervicites non compli-quées repose selon les recommandations de l’Organisationmondiale de la santé sur un traitement en prise unique.L’arsenal thérapeutique contre Neisseria gonorrhoeae dimi-nue peu à peu car cette espèce a développé des mécanismesde résistance acquis contre toutes les classes d’antibiotiquesinitialement actives, tout d’abord les pénicillines et lescyclines, puis les fluoroquinolones. Le phénomène épidémio-logique le plus récent, essentiellement décrit en Asie et enOcéanie pour l’instant, est l’apparition de souches de sensi-bilité diminuée aux céphalosporines de troisième génération(C3G) orales (céfixime). L’épidémiologie de la résistance estvariable en fonction des continents et des pays, mais estmarquée par la diffusion progressive au niveau mondial dessouches résistantes, voire multirésistantes. En France, plusde 40 % des souches de N. gonorrhoeae isolées au sein duréseau national RENAGO sont actuellement résistantes à laciprofloxacine. Les mécanismes de ces résistances sontaujourd’hui bien connus, ce qui permet de mieux compren-dre leur diffusion. L’extension récente de la résistance auxfluoroquinolones dans le monde et l’émergence de souchesmultirésistantes imposent de diffuser des recommandationsdans les pays concernés pour le traitement des gonococcies.L’objectif de cette étude est l’analyse de la situationactuelle des résistances de N. gonorrhoeae aux principalesclasses d’antibiotiques initialement actives, les méthodesd’étude au laboratoire et les modalités de surveillance del’évolution des résistances en France et à l’échelon inter-national.

Rappel clinique et microbiologique

N. gonorrhoeae est une bactérie pathogène strictementhumaine, responsable d’infections sexuellement transmissi-bles. Les infections à gonocoque se présentent essentielle-ment sous forme d’urétrites aiguës chez l’homme et decervicites chez la femme. Les localisations muqueuses, pha-ryngées ou anorectales sont en progression constante [1].L’absence de traitement ou un traitement inadapté peuventconduire à des complications locorégionales comme des

épididymites chez l’homme ou des salpingites, annexites,pelvipéritonites, cause de stérilité tubaire chez la femme.On individualise par ailleurs des gonococcies disséminéesavec localisations secondaires, essentiellement articulaires.En France, l’incidence des infections gonococciques avaitbaissé de façon importante dans les années 1980 du fait durenforcement des mesures de prévention qui ont fait suite àl’épidémie d’infections par le VIH. Cependant, depuis 1998,on constate un relâchement de ces mesures et une réascen-sion lente mais nette du nombre d’infections à gonocoque,que ce soit chez les hommes ou chez les femmes [1].

N. gonorrhoeae est une bactérie naturellement sensible àde nombreux antibiotiques, mais caractérisée par sa grandecapacité à développer des mécanismes de résistance. Depuisune trentaine d’années, des résistances acquises, de supportplasmidique ou chromosomique sont apparues pour toutesles familles d’antibiotiques habituellement actives sur cetteespèce. Alors que N. gonorrhoeae atteint des niveaux derésistance majeurs à la pénicilline et aux tétracyclines, lesdix dernières années ont été particulièrement marquées parl’émergence de la résistance aux fluoroquinolones, antibio-tiques qui étaient utilisés en première ligne dans la majoritédes pays. Le phénomène épidémiologique le plus récent estl’apparition de souches de sensibilité diminuée aux C3Gorales comme le céfixime, parfois accompagné d’échecscliniques. L’apparition de souches multirésistantes et leurpropagation rapide au niveau mondial en raison de la multi-plicité des voyages internationaux doit, plus que jamais,nous conduire à renforcer la surveillance de l’épidémiologiede la résistance aux antibiotiques de N. gonorrhoeae.

Résistance naturelle aux antibiotiques deN. gonorrhoeae

N. gonorrhoeae est une espèce naturellement résistante autriméthoprime, aux lincosamides, aux polymyxines, à lacolistine et aux glycopeptides. Ces résistances naturellessont exploitées pour définir les suppléments antibiotiquesutilisés dans les milieux sélectifs. Cependant, l’existenced’un petit pourcentage de souches mutantes sensibles à lavancomycine (CMI � 1 mg/L) doit toujours faire ensemencerun milieu non sélectif en parallèle au milieu sélectif [2]. LesCMI50 et CMI90 de dix antibiotiques sur les souches sauvagesde N. gonorrhoeae sont présentées dans le Tableau 1.

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Tableau 1 Concentrations minimales inhibitrices 50 %(CMI50) et 90 % (CMI90) des souches sauvages de Neisseriagonorrhoeae [2].Minimal inhibitory concentrations (MIC50) and (MIC90) forwild strains of Neisseria gonorrhoeae [2].

Antibiotique CMI50 (mg/L) CMI90 (mg/l)

Pénicilline G 0,06 0,125Amoxicilline 0,06 0,125Céfixime 0,008 0,03Ceftriaxone 0,002 0,008Spectinomycine 16 32Acide nalidixique 1 2Ciprofloxacine 0,002 0,008Tétracycline 0,125 0,25Chloramphénicol 0,005 1Érythromycine 0,25 1

Actualités de la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae en 2008 99

Mécanismes et épidémiologie de larésistance de N. gonorrhoeae auxantibiotiques

Les résistances acquises de N. gonorrhoeae font suite àl’accumulation de mutations chromosomiques ou à des trans-ferts génétiques. Les transferts génétiques horizontauxrésultent de l’acquisition de matériel génétique nu ou del’acquisition d’éléments génétiques mobiles. L’acquisitiond’ADN nu est favorisée par la capacité naturelle de trans-formation de cette espèce [3]. Le matériel génétique pro-venant d’autres souches de N. gonorrhoeae ou de souches dela flore commensale bactérienne (N. flavescens,N. cinerea. . .) peut s’intégrer par recombinaison homologuedans le chromosome de N. gonorrhoeae [4]. Ce mécanismeconcerne essentiellement les modifications du gène desprotéines de liaison des pénicillines (PBP) au niveau desquelsdes fragments d’ADN exogène se sont intégrés, créant devéritables gènes mosaïques codant des PBP d’affinité dimi-nuée pour les pénicillines. L’acquisition d’éléments généti-

Tableau 2 Concentrations minimales inhibitrices (CMI) des b-lactrésistance [2].Minimum inhibitory concentrations (MICs) of b-lactams for N. gon

Antibiotique Mécanisme de rés

Pénicilline G AbsenceChromosomiqueNGPPa

Amoxicilline + acide clavulanique AbsenceChromosomiqueNGPPa

Céfixime AbsenceChromosomiqueNGPPa

Ceftriaxone AbsenceChromosomiqueNGPPa

a NGPP : Neisseria gonorrhoeae producteur de pénicillinase.

ques mobiles de type plasmide est également biencaractérisée [5] et est impliquée dans la résistance auxpénicillines (pénicillinase plasmidique) et aux tétracyclines.Les phénomènes de mutations ponctuelles concernent soitun gène codant une cible de l’antibiotique (mutations degyrA pour la résistance aux quinolones) soit un promoteur ouun gène régulateur, modifiant alors l’expression de gènes desupport chromosomique (hyperexpression des pompesd’efflux).

Les b-lactamines

Deux grands types de mécanismes de résistance aux b-lac-tamines sont apparus depuis plus de 30 ans. Leur impact surles concentrations minimales inhibitrices (CMI) est variableen fonction du mécanisme en cause [6].

L’acquisition de pénicillinases d’origine plasmidique(N. gonorrhoeae producteur de pénicillinase ou « NGPP »)a été décrite dès 1976 et en France en 1979 [7]. Ces péni-cillinases périplasmiques sont des enzymes de type TEM-1portées par plusieurs types de plasmides [5,8]. Cetteenzyme, présente chez 30 à 70 % des souches en Asie eten Afrique, est retrouvée chez 11,2 % des souches en Franceen 2006 [1]. Toutes les pénicillines sont touchées avec desCMI en règle élevées pour la pénicilline G (1 à> 64 mg/L). Larestauration partielle par l’acide clavulanique est insuffi-sante en clinique. Les céphalosporines de deuxième et troi-sième génération restent actives (Tableau 2).

Les résistances chromosomiques aux b-lactamines se sontdéveloppées depuis le début des années 1970. La résistanceconférée aux pénicillines est de plus bas niveau que celle desNGPP (CMI pénicilline G : 0,125 à 8 mg/L), mais elle estcroisée pour toutes les b-lactamines et dans certains casavec d’autres familles d’antibiotiques. Elles mettent en jeude multiples mécanismes, très souvent associés entre eux,comme [9—11] :

� une altération d’une ou des deux PBP essentielles deN. gonorrhoeae, la PBP-2 (gène penA) et la PBP-1 (gènespenC, ponA) ;

amines sur Neisseria gonorrhoeae en fonction du mécanisme de

orrhoeae as a function of resistance mechanism [2].

istance CMI50 (mg/L) CMI90 (mg/L)

0,03 0,252 832 > 64

0,06 0,252 44 16

0,008 0,030,03 0,1250,008 0,03

0,008 0,030,03 0,1250,008 0,03

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100 A. Mérens et al.

� une modification de la porine majeure PI (gène penB) ;� une hyperexpression du système d’efflux MtrC—MtrD—

MtrE, liée à des mutations du gène mtrR codant unrépresseur de l’opéron mtrCDE ou à des mutations dansle promoteur de mtrR.

L’action synergique de différents mécanismes sur la résis-tance aux b-lactamines est illustrée sur le Tableau 3. Lesmutations sur les gènes des PBP altèrent seulement l’activitédes b-lactamines, alors qu’une mutation affectant la porinemajeure PI aboutit à une résistance croisée avec d’autresfamilles d’antibiotiques hydrophiles comme les tétracyclineset à un moindre niveau les quinolones [9,10]. L’hyperexpres-sion du système d’efflux MtrCDE affecte surtout les anti-biotiques les plus hydrophobes comme les macrolides et à unmoindre niveau les b-lactamines, les quinolones ou les tétra-cyclines [11].

Ces modifications chromosomiques, qui peuvent conférerune sensibilité diminuée ou une résistance, concerneraientactuellement 50 à 70 % des souches de N. gonorrhoeaeisolées en France. Elles ne sont responsables d’une résis-tance de haut niveau (CMI pénicilline G> 1 mg/L) que chez 5à 8 % des souches isolées au sein du réseau RENAGO, enfonction des années. Les CMI varient en fonction des b-lactamines et des mécanismes de résistance impliqués.Les C3G comme le céfixime, le céfotaxime et surtout laceftriaxone sont les molécules les moins touchées. Ellesconservent des CMI basses, le plus souvent compatibles avecune utilisation en thérapeutique (Tableau 3). Cependant, lespremières souches de sensibilité diminuée au céfixime ontété rapportées à Hawaï dès 2001, probablement importéesd’Asie [12]. Depuis, l’existence de ces souches a été signaléeau Japon [13,14], en Inde [15], en Chine et en Australie. Dessouches de sensibilité diminuée aux C3G ont également étédécrites au Danemark, mais pas encore en France. Cepen-dant, au sein du réseau RENAGO, un glissement des CMI desC3G vers des valeurs plus élevées est observé depuis 2005[1,16,17]. Cette sensibilité diminuée aux C3G serait liée àdes mutations spécifiques ou à des insertions de codon dansle gène de la PBP2 [18,19]. Des polymorphismes génétiquesde mtrR, penB (porB1b) et ponA [20] sont également impli-qués. La description récente de rares souches, pour l’instantlimitées à l’Asie et à l’Océanie, avec des CMI de 0,5 mg/Lpour la ceftriaxone doit entraîner une vigilance accrue[21,22].

Tableau 3 Mécanismes de résistance non enzymatiques (chromosen termes de sensibilité aux antibiotiques [2].Non-enzymatic mechanisms of resistance (chromosomal) of Neisseantibiotics [2].

Mécanismesa CMI (mg/L)

Pénicilline G

Absence 0,02penA 0,12penA + mtr+ 0,12penA + mtr+ penB 1penA + mtr+ penB + penC 2penA + mtr+ penB + penC + ponA1 4

a Voir texte pour détails concernant les mécanismes.

Les cyclines

La résistance aux cyclines concerne actuellement 44 % dessouches françaises. Deux mécanismes sont impliqués :

� les résistances d’origine chromosomique sont les plusfréquentes en France et présentes chez un tiers dessouches en 2006. Elles confèrent des CMI modérémentélevées à la tétracycline et à la doxycycline (2—8 mg/L).Ces résistances sont liées à l’altération de la porinemajeure PI, à l’hyperexpression de la pompe d’effluxMtrCDE ou à des modifications de cible, comme la muta-tion du gène rpsJ codant la protéine ribosomale S10 ;� les résistances plasmidiques, décrites dès 1985 aux États-

Unis, concernaient 18 % des souches françaises en 2006. Ils’agit de résistance de haut niveau touchant la tétracy-cline (CMI = 16—64 mg/L), la doxycycline mais égalementla minocycline. Ces résistances sont liées au transfert dugène tetM initialement décrit chez les streptocoques etporté par un transposon situé chez N. gonorrhoeae sur degrands plasmides conjugatifs [23]. La protéine TetM,codée par le gène tetM, protège la cible ribosomale del’action des cyclines.

Les fluoroquinolones

La résistance acquise est croisée pour toutes les quinolones,avec un niveau variable d’expression en fonction des pro-duits. Elle résulte essentiellement de mutations seules oucombinées des gènes codant pour les topo-isomérases detype II, cible des quinolones : le gène gyrA codant la sous-unité A de l’ADN gyrase, puis le gène parC codant de la sous-unité C de la topo-isomérase IV [24,25]. Une seule mutationsuffit à conférer une résistance de haut niveau à l’acidenalidixique. L’hyperexpression du système d’efflux MtrCDEne joue qu’un rôle accessoire dans la résistance aux quino-lones. Ces résistances sont apparues dans les années 1990 enAsie et elles concernent maintenant plus de 80 % des souchesisolées en Chine, au Japon, en Corée, au Laos et au Vietnam[21]. Elles ont rapidement diffusé à Hawaii, en Californie[26], puis dans toute l’Europe de l’Ouest. En France, laproportion de souches avec une sensibilité diminuée(0,125 à 0,5 mg/L) ou résistantes (CMI > 1 mg/L) à laciprofloxacine ne cesse d’augmenter : 0,2 % des souchesisolées au sein du réseau RENAGO en 1989 à 1992, 14,8 % en

omiques) de Neisseria gonorrhoeae aux b-lactamines et impact

ria gonorrhoeae to b-lactams and impact on susceptibility to

Tétracycline Érythromycine

0,15 0,30,15 0,30,15 41 42 42 4

Page 5: Actualités de la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae en 2008

Tableau 4 Taux de résistance de Neisseria gonorrhoeae aux antibiotiques au total et par pays.Levels of resistance of Neisseria gonorrhoeae to antibiotics on the whole and per country.

C3G (%) Corésistance b-lactamines etcyclines (%)

Fluoroquinolones (%) Macrolides (%)

Pays Isolatstestés

CMI ceftriaxone>0,125 mg/L

NGPP +TRNG

CMRNG Totalcorésistance

FQ-SD FQ-R Total Azithromycine

Global 965 0,3 5,9 8,7 14,6 2,3 30,9 33,2 8,2Autriche 96 0 4,2 3,1 7,3 0 53,1 53,1 31,2Belgique 64 0 10,9 10,9 21,8 0 46,9 46,9 1,6Danemark 98 0 16,3 11,2 27,5 5,1 46 51,1 8,2Ecosse 99 0 5,1 17,2 22,3 1 30,3 31,3 5,1Espagne 92 0 2,2 2,2 4,4 8,7 15,2 23,2 2,2France 101 0 0 10,9 10,9 2 32,7 34,7 0Grèce 79 0 1,3 3,8 5,1 1,3 7,6 20,6 0Italie 42 4,8 0 9,5 9,5 4,8 33,3 38,2 9,5Pays-Bas 81 0 3,7 13,6 17,3 0 16 16 17,3Portugal 17 0 0 0 0 0 17,6 17,6 0Royaume-Uni 100 0 4 8 12 0 12 12 1Suède 96 1 15,6 7,3 22,9 3,1 48 51,1 13,5

Données issues d’une étude multicentrique conduite en 2004 dans 12 pays collaborant à l’European Surveillance of Sexually TransmittedInfections (ESSTI) [27].Data from multicentre study carried out in 12 countries in 2004 [27].NGPP + TRNG : souches présentant une résistance plasmidique aux pénicillines et aux tétracyclines (b-lactamase positive et CMItétracycline > 16 mg/L) ; CMRNG : souches présentant une résistance chromosomique aux b-lactamines et aux tétracyclines (pénicillinasenégative, CMI Pénicilline > 1 mg/L, CMI tétracycline entre 2 et 8 mg/L) ; FQ-SD : sensibilité diminuée à la ciprofloxacine, c’est-à-dire0,125 mg/L < CMI ciprofloxacine < 0,5 mg/L ; FQ-R : résistance à la ciprofloxacine (CMI de la ciprofloxacine > 1 mg/L).

Actualités de la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae en 2008 101

2001 à 2003 et 47,1 % en 2006 [1]. On note par ailleurs uneproportion plus importante de résistances à la ciprofloxacinepour les souches isolées chez les hommes (46,5 % versus29,8 % chez les femmes) et celles isolées à partir de prélève-ments anaux (62 %). Les souches résistantes à la ciprofloxa-cine sont significativement plus souvent résistantes à lapénicilline et à la tétracycline. Cette évolution touche denombreux pays européens [27], mais la France fait partie despays où la résistance de N. gonorrhoeae à la ciprofloxacineest la plus élevée (Tableau 4).

Les macrolides

Les macrolides sont peu utilisés pour le traitement desgonococcies car ils ont une activité modérée surN. gonorrhoeae (Tableau 1). Les résistances acquises peu-vent être de bas niveau (CMI érythromycine = 2—4 mg/L) etsont alors essentiellement liées à une hyperexpression dusystème d’efflux MtrC—MtrD—MtrE [28]. Les résistances auxmacrolides peuvent aussi s’exprimer à un niveau plus élevéet sont alors liées à la production de méthylases codées parles gènes erm [29]. Ces méthylases agissent par méthylationspécifique de l’ARNr 23S et diminuent l’affinité des macro-lides, des lincosamides et de la streptogramine B pour lacible ribosomale. Des mutations du gène de l’ARNr 23S ontété ponctuellement rapportées [30]. Parmi les macrolides,l’azithromycine est la molécule qui présente les CMI les plusbasses sur les souches sauvages de N. gonorrhoeae. SesCMI50 et CMI90 sont à 0,25 mg/L versus 0,5 mg/L et 2 mg/Lpour l’érythromycine et ne sont pas modifiées chez lessouches présentant une hyperexpression du systèmed’efflux Mtr (alors qu’elles atteignent 2—4 mg/L pour

l’érythromycine). Cependant, des souches de sensibilité dimi-nuée ou résistantes à l’azithromycine, décrites en 2003 enEspagne [31], sont de plus en plus fréquemment observéesdans certains pays d’Europe, comme en Ecosse où ellesreprésentent 5,2 % des souches isolées en 2007 [32]. Lespremières souches présentant un haut niveau de résistancesà l’azithromycine ont été isolées la même année au Royaume-Uni [33].

Autres antibiotiques

La spectinomycine est un aminoside exclusivement réservéau traitement des gonococcies. Les résistances deN. gonorrhoeae à cet antibiotique sont définies par uneCMI supérieure à 128 mg/L. Elles sont décrites depuis 1973aux États-Unis, au Canada et ponctuellement en Europe,comme au Danemark. Dans les années 1980, plusieurssouches résistantes à la spectinomycine ont été isoléeschez des militaires américains, en Corée, pays où cetantibiotique était couramment utilisé [22]. Elles restentglobalement rares et n’ont pas été observées en France.Les souches sensibles présentent des CMI de 1 à 32 mg/L.Les résistances décrites découlent de mutations altérant lasous-unité 30S du ribosome bactérien et une seule muta-tion est suffisante pour acquérir un haut niveau de résis-tance.

Le thiamphénicol en dose unique (2,5 g) a longtemps étéutilisé avec succès dans le traitement des gonococcies. Bienque les souches résistantes à haut niveau restent exception-nelles, la fréquence des souches de sensibilité diminuée auchloramphénicol atteint près de 20 % en France en 1998 à2000 [12].

Page 6: Actualités de la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae en 2008

Tableau 5 Répartition des souches multirésistantes de Neisseria gonorrhoeae isolées au sein du réseau européen ESSTI lors d’uneétude multicentrique conduite en 2004 [27].Distribution of multiresistant strains of N. gonorrhoeae isolated in the European Network ESSTI during a multicentre study carriedout in 2004 [27].

Mécanismes Proportion de souches concernéessur un total de 965 isolats (%)

Résistance à la ciprofloxacine et résistance plasmidique à la pénicilline 2,2Résistance à la ciprofloxacine et résistance plasmidique à la pénicilline et aux cyclines 4,9Résistance à la ciprofloxacine et résistance plasmidique aux cyclines 3,6Résistance à la ciprofloxacine et à l’azithromycine 5

102 A. Mérens et al.

Les souches multirésistantes

L’apparition de souches multirésistantes, initialement décri-tes en Asie, est maintenant un problème d’actualité enEurope. Lors d’une étude multicentrique européenne menéeen 2004, les souches multirésistantes de N. gonorrhoeaereprésentaient plus de 15 % des souches [27]. Leur répartitionest présentée dans le Tableau 5.

Méthodes d’étude au laboratoire

Le choix des antibiotiques à étudier dans un antibiogrammestandard doit tenir compte des recommandations thérapeu-tiques et permettre de dépister les principaux mécanismesde résistance acquis. Les antibiotiques recommandés par leComité de l’antibiogramme de la Société française de micro-biologie (CA—SFM) dans la liste standard pour l’antibio-gramme de N. gonorrhoeae sont la pénicilline G (oul’amoxicilline), la ceftriaxone, la spectinomycine, les tétra-cyclines et l’acide nalidixique [34]. La liste complémentairecomprend la ciprofloxacine ou l’ofloxacine, le chloramphé-nicol et l’érythromycine. La recherche d’une pénicillinaseplasmidique doit être systématiquement effectuée dès l’iso-lement à l’aide d’un test chromogénique, comme le test à lacéfinase. Un résultat positif doit faire rendre résistant àl’ensemble des pénicillines.

L’inoculum est préparé à partir d’une culture de 18 à24 heures sur gélose au sang cuit + 1 % de PolyviteX1 enréalisant une suspension en tampon phosphate à pH 7,2d’environ 108 bactéries par millilitre, équivalente en opacitéau standard MacFarland 1.

L’antibiogramme par diffusion sur gélose

La méthode de diffusion en gélose à l’aide de disqueschargés d’antibiotiques donne des résultats aléatoiresavec, en particulier, une grande difficulté pour bien dif-férencier les souches pleinement sensibles des souches desensibilité intermédiaire pour de nombreuses famillesd’antibiotiques [35]. Le milieu recommandé pour l’anti-biogramme de N. gonorrhoeae, bactérie très exigeante estla gélose au sang cuit (gélose chocolat) enrichie d’unsupplément polyvitaminique de type PolyviteX1 (bioMé-rieux) ou IsovitaleX1 (Becton-Dickinson). La présence decystéine n’affecte pas les antibiotiques autres que lescarbapénèmes et les inhibiteurs de b-lactamases et nepose donc pas de problème pour l’antibiogramme deN. gonorrhoeae [2].

Pour les fluoroquinolones, un test de dépistage peut êtreeffectué à l’aide d’un disque d’acide nalidixique chargé à30 mg. Un diamètre inférieur à 25 mm doit faire déterminer laCMI de la ciprofloxacine.

Les résistances de niveau élevé aux cyclines et, en parti-culier, les résistances plasmidiques peuvent être dépistées àl’aide d’un disque de tétracycline (30 UI). Les souches pro-ductrices de TetM présentent toutes un diamètre inférieur à19 mm.

Determination de la CMI

Pour N. gonorrhoeae, la détermination des CMI par laméthode de dilution en gélose reste la méthode deréférence. La détermination de la CMI par diffusion d’ungradient d’antibiotique (Etest1) sur gélose au sang cuit plussuppléments vitaminiques offre une alternative correcte enroutine [36,37]. Dans une étude multicentrique menée ausein de 11 laboratoires de référence d’Europe de l’Ouest,dont la France, la concordance entre les CMI obtenues pardilution en gélose et en Etest1 était supérieure à 88 % [35].Les concentrations critiques recommandées par le CA—SFMen 2008 et par l’European Committee on AntimicrobialSusceptibility Testing (EUCAST) sont présentées dans leTableau 6.

Impact des résistances sur lesrecommandations thérapeutiques

Critères de choix

Le choix de l’antibiotique pour le traitement de premièreintention des gonoccocies repose sur plusieurs arguments :

� l’antibiotique doit être efficace, c’est-à-dire, selonl’OMS, permettre de traiter plus de 95 % des infections[38]. Ce paramètre s’appuie sur les études de sensibilité invitro : les antibiotiques présentant un niveau de résis-tance supérieur à 5 % ne pourront donc être inclus dans lesrecommandations thérapeutiques. Les essais cliniques etles documentations d’échecs cliniques sont égalementpris en compte. Dans le cadre des urétrites àN. gonorrhoeae, les CMI sont souvent bien corrélées àl’efficacité clinique et microbiologique. Par exemple, letaux des succès thérapeutiques avec des doses uniques deciprofloxacine dans les infections urogénitales noncompliquées varie de 90 à 100 % pour des CMI inférieuresou égales à 0,06 mg/L à environ 80 % pour des CMI de 0,125

Page 7: Actualités de la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae en 2008

Tableau 6 Concentrations critiques recommandées par leCA—SFM en 2008 et par l’EUCAST pour la catégorisationclinique des souches de Neisseria gonorrhoeae.Breakpoints recommended by CA—SFM in 2008 and by theEUCAST for clinical categorisation of isolates ofN. gonorrhoeae.

Antibiotique Concentrations critiquesrecommandées

c (mg/L) C (mg/L)

Pénicilline G � 0,06a, b > 1a, b

Amoxicilline � 0,25a > 2a

C3G � 0,12a, b > 0,12a, b

Spectinomycine � 64a > 64a

Chloramphénicol � 4a > 16a

Tétracycline � 1a

� 0,5b> 4a

> 1b

Erythromycine � 1a, b > 4a, b

Azithromycine � 0,25b > 0,5b

Ciprofloxacine � 0,03a, b > 0,06a, b

Ofloxacine � 0,12a, b > 0,25a, b

a CA—SFM [34].b EUCAST (www.escmid.org).

Actualités de la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae en 2008 103

à 0,5 mg/L et 30 % pour des CMI supérieures à 0,5 mg/L[39] ;� l’antibiotique doit diffuser correctement dans les sites

infectés ou colonisés, ce qui pose le problème particulierdes localisations anorectales et de l’éradication des bac-téries présentes dans le pharynx. En Europe, le pharynxest le réservoir principal du gonocoque et la fellation estsouvent retrouvée comme unique source de contamina-tion. Cela doit être opposé à la situation épidémiologiquedans les pays en développement où le réservoir principaldes gonococcies est représenté par les voies génitales defemmes paucisymptomatiques ;� l’antibiotique doit, si possible, selon les recommanda-

tions de l’OMS et des Centers for Disease Control andPrevention (CDC) pouvoir être prescrit en prise unique,afin :� de favoriser l’observance,� de réduire le risque iatrogène,� d’interrompre la chaîne de transmission aux partenai-

res sexuels.

Ces traitements antibiotiques « minute » sont réservésaux urétrites et cervicites non compliquées, alors que lestraitements plus longs sont réservés aux formes compli-quées ou disséminées ;� il ne doit pas exposer à des effets secondaires sévères.

Recommandations françaises

Au vu de l’épidémiologie actuelle de la résistance deN. gonorrhoeae, l’Agence française de sécurité sanitairedes produits de santé (Afssaps) a émis en 2006 de nouvellesrecommandations pour le traitement des urétrites et cervi-cites non compliquées [40]. Celui-ci doit faire appel enpremière intention à une C3G par voie parentérale, comme

la ceftriaxone à la posologie de 250 ou 500 mg en intramus-culaire ou intraveineux. La ceftriaxone et le céfotaxime sontles molécules qui ont les CMI les plus basses et garantissentune bonne diffusion pharyngée, génitale et rectale. Ellespermettent un succès clinique dans 100 % des cas, pourl’instant, ce qui dispense d’un contrôle d’éradication.Aucune souche résistante à la ceftriaxone n’a été isoléeen France, mais l’émergence de souches de sensibilité dimi-nuée aux céphalosporines en Asie devrait faire préférer laposologie à 500 mg.

Les C3G orales, comme le céfixime en dose unique de400 mg, sont un traitement de seconde intention. La CMI ducéfixime est plus élevée que celle de la ceftriaxone, sabiodisponibilité est variable et une administration à cetteposologie par voie orale ne permet pas d’atteindre lesmêmes concentrations sériques que la ceftriaxone. De plus,sa diffusion est moins bonne au niveau du pharynx et deslocalisations anales. Enfin, des échecs thérapeutiques ontété décrits pour le céfixime avec des souches de sensibilitédiminuée (CMI de 0,125 à 0,5 mg/L). Le céfixime ne devraitêtre employé que devant un refus d’injection intramuscu-laire. Dans tous les cas, son utilisation nécessite une rééva-luation au vu des résultats de l’antibiogramme et un contrôlede l’éradication.

Les fluoroquinolones rejoignent les pénicillines et lestétracyclines dans la liste des antibiotiques non recom-mandés en première intention pour le traitement des gono-coccies. La ciprofloxacine en dose unique à 500 mg n’estrecommandée qu’en cas d’allergie aux b-lactamines etnécessite un contrôle de l’antibiogramme, puisque presqueune souche sur deux est actuellement résistante à la ciproflo-xacine en France. Ces résistances sont particulièrementélevées parmi les souches d’origine rectale chez les hommes.Les fluoroquinolones sont, de plus, moins efficaces sur leslocalisations pharyngées [41].

La spectinomycine à la posologie de 2 g intramusculaireest une alternative thérapeutique en cas d’allergie aux b-lactamines. Les résistances sont très rares, mais il existe denombreux échecs cliniques liés à une mauvaise biodisponi-bilité. Dans les formes pharyngées, l’éradication n’est obte-nue que dans un cas sur deux [42].

L’azithromycine, active sur d’autres pathogènes sexuelle-ment transmissibles, a été proposée en dose unique de 2 g parcertains auteurs pour le traitement des urétrites gonococci-ques [43]. Cependant, cette posologie est mal tolérée auniveau digestif chez 35 % des patients. La posologie de 1 gen prise unique, habituelle pour le traitement des urétrites àChlamydia, expose à des échecs cliniques même pour dessouches avec des CMI basses [44]. Cette molécule n’a donc pasété retenue en France pour le traitement des gonococcies.

Pour les gonococcies disséminées, le traitement reposesur la ceftriaxone en intramusculaire à la posologie de 1 grelayée par du céfixime per os à la posologie de 400 mg deuxfois par jour pendant sept jours.

Ces recommandations thérapeutiques doivent, bien sûr,être accompagnées d’un traitement systématique des infec-tions à Chlamydia, associées dans 15 à 40 % des cas (azi-thromycine 1 g en prise unique per os ou cyclines 200 mg parjour pendant sept jours), d’un traitement du partenaire,d’une proposition de dépistage sérologique pour les virus VIHet VHB transmis par voie sexuelle, ainsi que de la syphilis. Lesrapports protégés doivent être conseillés.

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104 A. Mérens et al.

Conclusion

La fréquence accrue des résistances acquises chezN. gonorrhoeae rend indispensable la pratique d’un anti-biogramme de façon systématique et non pas seulement àl’occasion d’un échec clinique. Cet antibiogramme permetnon seulement de documenter les choix thérapeutiques auniveau individuel, mais également de surveiller l’épidémio-logique de la résistance acquise aux antibiotiques dans lecadre d’études multicentriques, de réseaux nationaux desurveillance comme le réseau français RENAGO et de réseauxeuropéens. Ainsi, l’extension récente des résistances auxfluoroquinolones dans le monde et l’émergence en Asie desouches multirésistantes avec une sensibilité diminuée auxC3G orales ont conduit à modifier les recommandationsthérapeutiques dans plusieurs pays [22,39]. L’augmentationcroissante des résistances de N. gonorrhoeae à la ciproflo-xacine en France peut laisser suspecter que les recomman-dations de l’Afssaps n’ont pas été suffisamment diffusées etsuivies. Les C3G parentérales sont désormais le traitementde référence des gonococcies.

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