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ACTUALITES EN PHARMACOVIGILANCE J.L. MONTASTRUC, H. BAGHERI, J.M. SENARD, P. OLIVIER, G. DURRIEU, A. SOMMET, M. DESPLAS Service de Pharmacologie Clinique Centre Midi-Pyrénées de Pharmacovigilance, de Pharmacoépidémiologie et d'Information sur le Médicament Faculté de Médecine de Toulouse [email protected] La Pharmacovigilance est une étape indispensable pour connaître réellement le rapport bénéfices-risques des médicaments, qu'ils soient anciens ou nouveaux. En effet, les essais cliniques ne s'adressent qu'à un nombre restreint de sujets suivis dans des conditions privilégiées (milieu hospitalier, surveillance intensive, essai de durée limitée, absence d'association médicamenteuse ou d'utilisation chez les sujets à risques…). Il est donc indispensable d'étudier le médicament en situation réelle. La Pharmacovigilance se définit comme la surveillance du risque d'effets indésirables résultant de l'utilisation des médicaments. Elle concerne tous les médicaments "classiques" (anciens ou nouveaux), mais aussi ceux qui rentrent désormais dans la définition du médicament : produits stables dérivés du sang, contraceptifs, produits de contraste, vaccins…. La Pharmacovigilance est indispensable car les essais cliniques sont adaptés à la validation de l'effet thérapeutique mais pas à la détection des effets indésirables. La notification des effets indésirables des médicaments est une obligation pour les médecins et les pharmaciens qui doivent déclarer à leur Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV, coordonnées dans les premières pages du Dictionnaire Vidal) tout effet indésirable "grave" ou encore "inattendu". On trouvera dans les pages suivantes : - la définition d'un effet indésirable "grave" ou "inattendu", - ainsi que les modalités pratiques de déclaration des effets indésirables médicamenteux aux CRPV.

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ACTUALITES EN PHARMACOVIGILANCE J.L. MONTASTRUC, H. BAGHERI, J.M. SENARD, P. OLIVIER,

G. DURRIEU, A. SOMMET, M. DESPLAS

Service de Pharmacologie Clinique Centre Midi-Pyrénées de Pharmacovigilance, de Pharmacoépidémiologie

et d'Information sur le Médicament Faculté de Médecine de Toulouse

[email protected]

La Pharmacovigilance est une étape indispensable pour connaître réellement le rapport

bénéfices-risques des médicaments, qu'ils soient anciens ou nouveaux. En effet, les essais

cliniques ne s'adressent qu'à un nombre restreint de sujets suivis dans des conditions

privilégiées (milieu hospitalier, surveillance intensive, essai de durée limitée, absence

d'association médicamenteuse ou d'utilisation chez les sujets à risques…). Il est donc

indispensable d'étudier le médicament en situation réelle. La Pharmacovigilance se définit

comme la surveillance du risque d'effets indésirables résultant de l'utilisation des

médicaments. Elle concerne tous les médicaments "classiques" (anciens ou nouveaux), mais

aussi ceux qui rentrent désormais dans la définition du médicament : produits stables dérivés

du sang, contraceptifs, produits de contraste, vaccins….

La Pharmacovigilance est indispensable car les essais cliniques sont adaptés à la validation de

l'effet thérapeutique mais pas à la détection des effets indésirables. La notification des effets

indésirables des médicaments est une obligation pour les médecins et les pharmaciens qui

doivent déclarer à leur Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV, coordonnées dans les

premières pages du Dictionnaire Vidal) tout effet indésirable "grave" ou encore "inattendu".

On trouvera dans les pages suivantes :

- la définition d'un effet indésirable "grave" ou "inattendu",

- ainsi que les modalités pratiques de déclaration des effets indésirables

médicamenteux aux CRPV.

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CENTRE MIDI-PYRENEES DE PHARMACOVIGILANCE, DE PHARMACOEPIDEMIOLOGIE ET D’INFORMATIONS SUR LE MEDICAMENT http://www.pharmacovigilance-toulouse.com.fr

r

DECLARATION D’UN EFFET INDESIRABLE MEDICAMENTEUX

PATIENT : Nom (3 premières lettres) Prénom (premiè e lettre)

Date de Naissance ou âge : Sexe M F Poids (kg) : Taille (cm) : Antécédents : Patient hospitalisé à cause de l’effet indésirable : oui non MEDICAMENT(S), suspects ou non

Dénomination Posologie / voie Date de début de prise

Si arrêt, date de fin de prise

Motif de prescription

EFFET(S) INDESIRABLE(S)

Effet(s) indésirable(s)

Date de survenue

Date de fin éventuelle

Evolution (favorable, séquelles, décès, non encore rétabli, interruption de grossesse, malformation, inconnue)

PRATICIEN DECLARANT e-mail : Téléphone :

Fait à _______________ , le

Si l’effet indésirable concerne une femme enceinte ou un bébé, merci d’indiquer de façon précise t f

la chronologie des événements ainsi que le reten issement de l’ef et sur la maman ou le bébé.

Cachet

Description du cas : clinique, chronologie des événements, traitement correcteur éventuel, diagnostics différentiels éliminés, récidive des t oubles en cas de réintroduction du médicament ou d’un médicament apparenté, …. Le cas échéant, merci de joindre toutcompte endu d’hospitalisation ou de consultation et/ou tou bilan biologique en rapport avec l’effet suspecté.

r -r t

Département de résidence

P

TSV
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CENTRE MIDI-PYRENEES DE PHARMACOVIGILANCE, DE PHARMACOEPIDEMIOLOGIE ET D’INFORMATIONS SUR LE MEDICAMENT http://www.pharmacovigilance-toulouse.com.fr

Que peut vous apporter le Centre de Pharmacovigilance de Toulouse ?

LES REPONSES A VOS QUESTIONS SUR LE MEDICAMENT (voir coordonnées ci-dessous)

Le Centre Midi-Pyrénées de Pharmacovigilance est au service de tous les professionnels de santé des secteurs hospitaliers et libéraux de la région Midi-Pyrénées (médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes, préparateurs en pharmacie,…) pour tout sujet concernant le médicament:

♦ Recueil et analyse de toute suspicion d’effet indésirable dû à un médicament afin d’établir le lien de causalité

♦ Réponse à vos questions sur le médicament : - Effets indésirables médicamenteux - Posologie, indications, contre-indications,… - Interactions médicamenteuses.

♦ Aide à la prescription chez les populations à risque (insuffisants rénaux, sujets âgés, enfants, femme enceinte ou allaitant…)

♦ Evaluation des risques d’une exposition médicamenteuse pendant la grossesse et aide à la prescription chez la femme enceinte ou allaitant

♦ Diffusion gratuite trimestrielle d’un Bulletin d’informations sur le Médicament (BIP). A demander en indiquant votre adresse e-mail

DECLARATION DES EFFETS INDESIRABLES AU CRPV La PharmacoVigilance a pour objet la surveillance du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation de médicaments (ou des produits apparentés, y compris médicaments dérivés du sang). QUI DOIT DECLARER ? Tous les professionnels de san é t

i

i

QUE FAUT-IL DECLARER ? Tout effet indésirable susceptible d’être du à un médicament (prescrit ou non par le praticien notificateur). La déclaration des effets indésirables “ GRAVES1 ” ou “ INATTENDUS2 ” au Centre Régional de Pharmacovigilance est obligatoire (décret du 13/03/1995):

1 Effet indés rable “ GRAVE ” est un effet : - entraînant ou prolongeant une hospitalisation, - entraînant une invalidité ou une incapacité importantes ou durables, - déterminant une anomalie ou une malformation congénitale - mettant en danger la vie du patient - entraînant la mort.

2 Effet indés rable « ATTENDU » : non répertorié dans le dictionnaire Vidal®

COMMENT DECLARER ? Soit par courrier : par une simple lettre accompagnée du compte-rendu (anonyme) d’hospitalisation ou de consultation, ou à l’aide de la fiche de déclaration au verso au :

Professeur Jean-Louis MONTASTRUC Service de Pharmacologie Clinique - Centre Midi-Pyrénées de Pharmacovigilance Faculté de Médecine 37, allées Jules-Guesde 31000 TOULOUSE

Soit par téléphone : 05 61 25 51 12 (permanence téléphonique) Soit par fax : 05 61 25 51 16 Soit par E-mail : [email protected] ou [email protected] (grossesse/allaitement)

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Les textes suivant présentent des données d'actualités sur la pharmacovigilance des grandes

classes de médicaments.

1- PHARMACOVIGILANCE GENERALE :

1.1. Nouvelle suspension de l’essai clinique de thérapie génique DICS-X

Le Déficit Immunitaire Combiné Sévère lié au chromosome X (DICS-X), maladie génétique

rare, se traduit par une altération de l’immunité cellulaire B et T et provoque une diminution

sévère des moyens de défense de l’organisme contre les infections. L’essai clinique de

thérapie génique, visant à traiter cette maladie, était conduit depuis 1999 à l’hôpital Necker à

Paris sur 11 enfants dits « bébés-bulle ». Ce protocole consiste à remplacer, dans les cellules

médullaires CD34+, le gène défectueux par un gène sain à l’aide d’un vecteur rétroviral.

Durant l’année 2002, deux enfants ont développé une prolifération non contrôlée de

lymphocytes T. L’essai a été suspendu en octobre 2002 dès la notification du premier effet

indésirable. Une reprise de l’essai a été autorisée en mai 2004 devant le bénéfice observé chez

les autres enfants inclus et après la mise en place de modifications du protocole pour diminuer

le risque de mutagenèse insertionnelle. Depuis la reprise de l’essai, un seul patient

supplémentaire a été inclus et traité conformément aux amendements apportés au protocole

initial. En janvier 2005, un troisième enfant, traité en 2002 à l’âge de 9 mois, a présenté une

prolifération anormale de lymphocytes T. L’essai clinique a été à nouveau interrompu et des

études sont en cours pour caractériser cette lymphoprolifération. La survenue de ces effets

indésirables pose la question de la fiabilité et de la réalité de la thérapie génique. Le nombre

des études cliniques a augmenté progressivement, pour atteindre un maximum de 117 en

1999. A partir de cette date, on constate que ce nombre décroît chaque année, 58 essais

cliniques ont été déclarés en 2004. Après deux décennies de travaux, aucun résultat clinique

significatif n’a été obtenu et de nombreuses inconnues persistent dans les techniques utilisées.

1.2. Quelles bases scientifiques pour les retraits de médicaments pour Effets Indésirables

Graves (EIG)?

Du fait de leur méthodologie (trop peu de patients, exclusion des sujets à risque…), les essais

cliniques restent inadaptés à l’étude de la sécurité des médicaments. Certains sont ainsi retirés

du marché pour cause d’EIG après leur commercialisation. Nous avons voulu caractériser les

bases scientifiques des données conduisant aux retraits du marché de médicament pour cause

d’EIG (Fundam. Clin. Pharmacol. 2005, 19, 203).

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A partir de trois sources de données (Site internet Afssaps, Medline, documentation du CRPV

de Toulouse), nous avons identifié 21 retraits de médicaments à usage humain pour raison de

pharmacovigilance entre 1998 et 2004 en France. Les EIG hépatiques étaient les plus

fréquents (7), suivis des EIG cardiovasculaires (4 ) puis neurologiques (3). Dans 19 cas sur 21

(90 %), la décision de retrait a reposé sur les données de la notification spontanée [seule (12

cas) ou associée à d’autres études (cas-témoins ou cohorte dans 3 cas, observationnelles dans

2 cas, animales dans 2 cas)]. Dans 1 seul cas (rofécoxib), la décision s’est prise à partir des

données d’un essai clinique avec tirage au sort.

Cette étude confirme le rôle d’alerte de la notification spontanée en Pharmacovigilance. En

attendant une optimisation du suivi des post-AMM (accès aux données de prescription ;

création de banques de données pharmacoépidémiologiques///), continuez à notifier aux

CRPV les EIG « graves » ou encore « inattendus » des médicaments !

1.3. L'allergie à l'iode existe-t-elle?

De nombreux patients sont étiquetés « allergiques à l’iode ». Une revue récente de la

littérature permet de faire le point. L’incidence des réactions graves aux produits de contraste

iodés (PCI) est probablement sous-estimée (100 à 600/an) entraînant 6 à 12 décès en France

(enquête INSERM 1996). Une étude prospective japonaise portant sur 330 000 patients ayant

suivi un examen radiologique avec un PCI rapporte une incidence de réactions graves

(collapsus cardiovasculaires, arrêts cardiocirculatoires) de 0,15 %. Les réactions immédiates

peuvent être de type allergique (Ig-E médiées), non-immunoallergiques (histaminolibération),

ou encore imputables à la structure physicochimique, (et donc à l’osmolarité, des PCI.

L’épitope n’a pas été identifié mais ne correspond pas à l’atome d’iode : il apparaît donc

inapproprié de parler d’allergie à l’iode. De plus, il n’existe a priori d’allergie croisée entre les

divers produits de contraste. Dans les antiseptiques iodés (povidone iodée, teinture d’iode,

solution de Lugol…), l’épitope de la réaction anaphylactique à la povidone est situé dans la

molécule, mais en aucun cas dans l’iode. Aucune publication ne fait état de réactions

d’hypersensibilité avec la teinture d’iode ni la solution de Lugol. Aucun cas d’hypersensibilité

immédiate n’a été rapporté avec l’amiodarone, y compris chez les patients « allergiques à

l’iode ». Le diagnostic d’allergie à un médicament iodé impliquera l’éviction définitive de

celui-ci et non la contre-indication de l’ensemble des médicaments iodés.

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1.4. Compléments alimentaires à base de produits dérivés des abeilles : Effets

Indésirables Graves

Le pollen d’abeille, la gelée royale et la propolis sont des substances dérivées des abeilles,

commercialisées sous forme de compléments alimentaires. Leur succès s’explique par les

vertus qu’on leur attribue : « revitalisantes », « toniques », « euphorisant psychique »,

antibiotiques et antivirales ou encore « anti-vieillissement ». Le Bulletin Canadien des effets

indésirables du mois d’avril 2005 (http://www.hc-sc.gc.ca/hpfb-dgpsa/tpd-

dpt/adrv15n2_f.html) rappelle la possibilité d’effets indésirables graves (EIG) avec ces

produits : entre 1998 et 2004, 14 déclarations dont 10 graves ont été notifiées au système

national canadien, en particulier des réactions allergiques graves (1 œdème laryngotrachéal

avec détresse respiratoire aiguë, 1 hépatite auto-immune, 1 œdème et urticaire, 1 réaction

allergique sans précision) mais aussi 1 saignement, 1 hépatite et 1 cas de convulsions.

Des réactions allergiques mettant en cause des produits dérivés des abeilles sont décrits dans

la littérature. Il n'y aurait pas de lien direct entre la sensibilité au venin d'abeille (piqûre) et la

sensibilité aux produits dérivés de l'abeille.

Ces compléments alimentaires sont facilement disponibles pour le public (surtout via internet)

mais souvent, leur étiquette ne mentionne pas la possibilité d’effets indésirables. Le public et

les professionnels de santé devraient être sensibilisés à ces risques. Les sujets atopiques,

asthmatiques ou souffrant de rhinite allergique saisonnière seraient plus vulnérables aux

réactions allergiques, et peut-être à l'anaphylaxie, après avoir ingéré ce type de produits.

1.5. Compléments alimentaires à base de produits dérivés des abeilles : Effets

Indésirables Graves

Depuis la publication des grandes études pharmacoépidémiologiques sur les agranulocytoses

d’origine médicamenteuse dans les années 80, de nouveaux médicaments ont été introduits.

L’équipe de pharmacoépidémiologie de Barcelone a conduit une étude cas- témoin ayant suivi

près de 79 millions de personnes/années. L’incidence annuelle des agranulocytoses a été de

3,46 pour 1 million, avec un taux de mortalité de 7%. Elle augmente avec l’âge. Les

médicaments les plus fortement associés au risque d’agranulocytose sont la ticlopidine

TICLID® (RC : 103), le dobesilate de calcium DOXIUM® (78), les anti-thyroïdiens de

synthèse (53), la noramidopyrine (métamizole) (26) et la spironolactone ALDACTONE®

(20). Viennent ensuite aprindine FIBORAN®, carbamazepine TEGRETOL®, sulfamides,

phenytoïne DIHYDAN®, ß-lactamines, érythromycine et diclofenac VOLTARENE®.

L’ensemble de ces médicaments rend compte des deux tiers de tous les cas observés (Arch,

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Intern Med. 2005, 165, 869-74). Ces données permettent d’actualiser notre liste de

médicaments à l’origine de cet effet indésirable médicamenteux rare mais grave.

1.6. Certains médicaments font-ils bailler?

Le bâillement est un comportement stéréotypé complexe, dont la signification physiologique

reste peu connue. Il peut survenir au cours de processus physiologiques (faim, hypoglycémie,

sédation, …) ou pathologiques (pathologies neurologiques, infectieuses, métaboliques,

psychiatriques). Différents neurotransmetteurs sont impliqués, comme la dopamine,

l’acétylcholine, la sérotonine ou des neuropeptides. Les médicaments provoquant ce type de

réaction sont encore mal identifiés. Jusqu’en décembre 2004, 28 cas de bâillements induits

par des médicaments ont été identifiés dans la Banque Nationale de PharmacoVigilance. Dix-

sept hommes étaient concernés. Quarante médicaments étaient impliqués : des

sérotoninergiques (inhibiteurs de recapture de la sérotonine), des dopaminergiques (lévodopa,

agonistes dopaminergiques, inhibiteurs de la MAO B), des opiacés (morphine, méthadone,

buprénorphine, dextrométhorphane), des benzodiazépines et des inhibiteurs des canaux

calciques (lidocaine, flécaïne). L’évolution était favorable dans la plupart des cas, après arrêt

du médicament. Il semble donc que la stimulation des récepteurs centraux à la dopamine ou à

la sérotonine favorise le baîllement chez l’homme, tandis que le rôle des opiacés serait

inhibiteur. En effet, la majorité des observations rapportées survenaient lors du sevrage

opiacé.

1.7. Hospitalisations dues à un Effet Indésirable

Une étude prospective (1), menée en Angleterre sur 18820 patients âgés de plus de 16 ans et

hospitalisés entre novembre 2001 et avril 2002, a montré que 1225 admissions (6.5%) étaient

liées à un effet indésirable médicamenteux. Ces patients étaient en moyenne plus âgés que le

reste des malades admis à l’hôpital (76 versus 66 ans) et en majorité des femmes (59%). Dans

28 cas (2,3%), l’évolution de l’effet indésirable (EI) a été fatale. L’aspirine était impliquée

dans 18 de ces cas, seule ou en association avec d’autres médicaments. L’EI était « évitable »

dans 9 % des admissions, « possiblement évitable » dans 63 % avec un grand nombre

d’interaction. Il était « inévitable » dans seulement 25% des admissions. Les médicaments les

plus impliqués, par ordre décroissant, étaient représentés par les AINS (29,5% dont 18 % pour

l’aspirine), les diurétiques (27 ;3%), la warfarine (10%), les inhibiteurs de l’enzyme de

conversion (7,7%), les antidépresseurs (7,1%) et les bêta-bloquants (6,8%). Les hémorragies

gastro-intestinales comptaient parmi les effets indésirables les plus rapportés et les plus graves

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(15 décès). A partir de ces données, le coût des hospitalisations dues aux effets indésirables

pour le système national de santé anglais a été évalué à 706 millions d’€. Pour comparaison,

ce système accorderait 13 millions d’€ pour la surveillance post AMM des médicaments.

(1) Pirmohamed M et al. Adverse drug reactions as cause of admission to hospital :

prospective analysis of 18 820 patients. BMJ 2004;329:15-19

2- ACTUALITES DE PHARMACOVIGILANCE DES AINS (y compris les coxibs) :

2-1. Le retrait du VIOXX® : la fin d'une époque pour l'industrie du médicament ?

Le retrait volontaire par Merck du rofécoxib du marché mondial, fin septembre 2004 va sans

doute avoir des conséquences encore difficilement évaluables sur l’Industrie Pharmaceutique.

Le retrait du rofécoxib, après celui de la cérivastatine (un produit Bayer), jette le trouble au

sein de la FDA dont les autorités américaines remettent en question l’indépendance et surtout

l’efficacité en termes d’évaluation et de surveillance des effets indésirables des médicaments.

Du coup, les investisseurs boursiers doutent et la capitalisation des valeurs pharmaceutiques,

souvent considérées comme des valeurs refuges, donne des signes inquiétants de faiblesse. Si

on comprend que Merck (- 40% depuis le retrait du rofécoxib) soit devenu une proie pour ses

concurrents, les inquiétudes sur d’autres produits phares comme la paroxétine (Astra-Zeneca :

- 6%), le salmétérol (GSK : -5%), le valdécoxib (Pfizer : -10%) semblent donner raison à tous

ceux (consommateurs, grandes revues internationales…) qui réclament plus de transparence

dans la présentation et la mise à disposition des données issues des essais cliniques qu’ils

s’avèrent positifs ou négatifs. Pour l’industrie cela va aussi influer sur les choix stratégiques

et faire revoir le bien fondé du principe des « blockbusters », ces médicaments qui à eux seuls

assurent l’essentiel des revenus et de la croissance des grands laboratoires pharmaceutiques.

Certains analystes estiment ainsi que nous devrions maintenant rentrer dans l’ère de la

multiplication des médicaments ciblés sur des populations spécifiques et non plus destinés au

plus grand nombre comme nous en connaissons déjà un certains (trastuzumab, imatinib…).

On peut conseiller à ce sujet la lecture du Figaro économique du 20-21 novembre 2004.

2-2. Pharmacologie boursière : le retrait du rofécoxib ébranle les autres laboratoires

Le retrait de l’antiinflammatoire rofécoxib VIOXX® risque de marquer une date importante

dans l’histoire de l’industrie pharmaceutique. Le Wall Street Journal a estimé a 27000 le

nombre d’attaques cardiaques pouvant avoir été causées par le rofécoxib ces 5 dernières

années. Ainsi, après avoir chuté de près de un tiers le 30 septembre a l’annonce du retrait, le

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cours de Merck a encore cédé prés de 9 % en 5 séances. Un article de La Tribune des Fosses

(8 octobre 2004) indique que la contagion gagne : le marché craint pour les autres laboratoires

possédant dans leur pipe line des coxibs. Le journal indique aussi que « le vent a tourné pour

le premier laboratoire mondial pfizer, jusqu’ici considere comme le grand beneficiaire de

cette déconvenue, grâce a son célécoxib CELEBREX® ». Début octobre, les actions de Pfizer

plongeaient à New York de plus de 8 % à l’ouverture. Par ailleurs, dans un article paru dans le

New England Journal of Medicine du 5 octobre 2004, le directeur du département de

pharmacologie de l’université de Pennsylvanie insistait sur la nécessité pour les laboratoires

comme Pfizer de prouver que leur médicament ne comportait pas le même risque

cardiovasculaire que le rofécoxib. La pharmacologie est au cœur des préoccupations

quotidiennes des financiers !

2-3. Risque cardiovasculaire sous coxibs : un effet de classe?

On se souvient des discussions, après les essais VIGOR et CLASS, sur la majoration du

risque cardiovasculaire thrombotique avec les premiers coxibs (célécoxib, rofécoxib). La

publication de l’essai TARGET en août 2004 dans le Lancet, repose cette question sous forme

de survenue d’un excès d’infarctus du myocarde) avec un autre coxib actuellement non

commercialis2 en France, le lumiracoxib (risque de 1,77 par comparaison au naproxène). Ces

données, discutées dans un excellent éditorial (Topol et Falk, Lancet, 2004, 364, 639-40), sont

en accord les résultats obtenus avec un autre coxib, le valdécoxib. Elles font réfléchir à la

prescription des coxibs chez les sujets porteurs de pathologies cardiovasculaires. La

majoration du risque thrombotique s’explique, sur le plan pharmacologique, par l’absence de

propriétés antiagrégantes des coxibs (à la différence des autres AINS) en raison de la présence

quasi-exclusive de l’iso-enzyme COX 1 sur les plaquettes. Reproduisons en terminant une

phrase de cet éditorial présentée en couverture du Lancet : « it is hard to imagine the

justification for this extraordinary adoption of coxibs in light of marginal efficacy, heightened

risk, and excessive cost compared with traditional NSAIDs ».

2-4. Coxibs et HTA

L’Agence Européenne et l’Agence Française des Produits de Santé ont récemment publiées

leurs conclusions sur les coxibs. La sélectivité des coxibs pour la Cox-2 est une « notion

relative » et la balance bénéfices-risques des coxibs n’est pas plus favorable que celle des

autres AINS. L’utilisation des coxibs expose aux même types d’effets indésirables gastro-

intestinaux, parfois graves (ulcères, perforations, hémorragies) que les AINS conventionnels.

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Cette mise au point met aussi en garde contre la possibilité d’une augmentation du risque

d’effets indésirables cutanés et cardiovasculaires sous coxibs par rapport aux AINS

conventionnels. Une majoration de l’incidence des cas d’HTA lors de l’utilisation des coxibs

a été montrée lors d’essais cliniques (réanalyse des essais ayant conduit à l’AMM et essais

complémentaires), d’études observationelles post-AMM et du suivi de pharmacovigilance.

Une étude rétrospective cas-témoins (Hypertension 2004, 44, 140-45), conduite aux USA sur

17844 sujets âgés de plus de 65 ans, a mis en évidence un risque de survenue d’HTA plus

important sous rofécoxib que sous célécoxib [OR = 1,6 ; (1,2-2,1)], AINS conventionnels

[OR = 1,4 ; (1,1-1,9)] ou sans AINS [OR = 1,4 ; (1,3-2,0)]. Les patients à risque (c’est-à-dire

présentant une insuffisance rénale, hépatique ou cardiaque), possédaient un risque d’HTA 2

fois plus élevé sous rofécoxib que sous célécoxib. Cette différence entre rofécoxib et

célécoxib a été aussi décrite lors de l’analyse des notifications spontanées d’HTA graves

rapportées à la FDA (Drugs & Aging 2004, 21, 479-84). Une enquête récente, évaluant la

proportion d’HTA rapportées dans la Banque Française de PharmacoVigilance (SFP,

Strasbourg, Avril 2004), retrouve des données similaires. Cependant, lors de la comparaison

des coxibs aux AINS conventionnels, elle recense un nombre plus élevé d’HTA, non

seulement pour le rofécoxib mais aussi pour le célécoxib. Ces données rappellent que les

coxibs sont des AINS « comme les autres » : leur utilisation doit obéir aux mêmes précautions

d’emploi.

2-5. Qu'en est-il véritablement du risque digestif des coxibs?

On parle beaucoup actuellement des effets indésirables cardiovasculaires et cutanés des

coxibs. On commence, par ailleurs, à disposer des premières études en pratique clinique de

tous les jours concernant les effets indésirables digestifs (Perforation, Ulcération, Saignement)

des coxibs. Notre groupe a comparé ce risque avec celui observé avec les autres AINS à partir

de la Banque Nationale de Pharmacovigilance. Dans cette étude cas cas/non-cas, 505 cas

(effets indésirables digestifs) et 2525 non-cas ont été comparés. Nous avons trouvé une

association positive entre la survenue de ces effets indésirables digestifs (PUS) et la prise de

coxibs : RC =14,9 (IC 95 % 9,3-23,7). Le risque le plus élevé se retrouve avec les oxicams

(25,3 [11,9-53,6]) alors que des valeurs plus basses concernent le diclofénac (9,2 [3,8-22,2])

ou l’ibuprofène (7,3 [3,2-16,6)] (Eur J Clin Pharmacol 2004, 60, 673-7). Ce travail montre que la

prescription des coxibs (célécoxib ou rofécoxib) s’accompagne du même risque d’effet

indésirable gastro-intestinal grave que les autres AINS. Ce travail illustre, une fois de plus, la

limite des essais cliniques (qui ne correspondent qu’à des situations artificielles non

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retrouvées en pratique clinique de tous les jours). Il rappelle également la notion

pharmacologique fondamentale : la « sélectivité » vraie in vitro disparaît en clinique.

Méfions-nous donc du mirage cette notion théorique !

2-6. Coxibs : nouvelles contre-indications

L’Agence Européenne du Médicament (EMA) vient de communiquer ses conclusions

concernant la réévaluation du risque cardio-vasculaire des Coxibs. Le Celecoxib

(CELEBREX®) est contre-indiqué non seulement en cas de maladie cardiaque (angor,

infarctus du myocarde ou insuffisance cardiaque) ou cérébrovasculaire (antécédent d’AVC ou

d’AIT) mais aussi, dorénavant, chez les patients atteints d’une maladie artérielle périphérique.

Une attention toute particulière doit s’exercer en cas de facteurs de risques (hypertension

artérielle, hyperlipidémie, diabète ou tabagisme). La durée d’utilisation des Coxibs doit être la

plus courte possible, à la posologie minima. Enfin, l’Agence rappelle le risque de réaction

cutanée grave, parfois d’évolution fatale, survenant principalement au cours du premier mois

de traitement. Les patients présentant des antécédents d’allergie médicamenteuse sont

susceptibles d’être plus à risque que les autres (www.afssaps.sante.fr).

2-7. Anti-inflammatoires et fièvre chez l'enfant

A la suite d’articles mettant en cause l’utilisation de l’ibuprofène en cas de fièvre chez

l’enfant, l’AFSSAPS a récemment rappelé les points suivants : en France, 5 AINS

(ibuprofène, kétoprofène, acide méfénamique, acide niflumique et acide tiaprofénique) ont

demontré leur efficacité et leur sécurité dans le traitement de la fièvre et/ou de la douleur chez

l’enfant de moins de 15 ans. Parmi ces médicaments, seul l’ibuprofène peut être obtenue sans

prescription médicale. En juillet 2004, a la suite de différentes enquêtes de

pharmacovigilance, l’AFSSAPS a recommandé de ne pas utiliser les AINS, en raison du

risque rare mais grave de complication veineuse, notamment cutanée pour le traitement de la

fièvre et de la douleur chez l’enfant atteint de varicelle. A cette occasion, et seulement en cas

de varicelle ou de suspicion de varicelle, il est rappelé que :

- Le traitement de la fièvre et/ou de la douleur en première intention chez l’enfant est le

paracétamol, en raison de sa bonne tolérance à dose thérapeutique, associé aux

moyens physiques habituels (notamment déshabillage et hydratation) ;

- L’aspirine ne doit pas être administrée sans avis médical, en raison du risque de

survenue de syndrome de Reye, maladie rare mais grave ;

- Une hyperthermie résistante nécessite un avis médical pour réadaptation du traitement.

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3- ACTUALITES DE PHARMACOVIGILANCE DES CARDIOTROPES :

3-1. Hypotension orthostatique imputable aux médicaments

Il est de tradition, lorsqu’on évoque les causes de l’hypotension orthostatique (HO), de placer

en premier les causes médicamenteuses. Cette affirmation qui relève du bon sens n’a

cependant fait l’objet que de très peu d’approches méthodologiquement acceptables si bien

qu’en 2005, l’épidémiologie des HO médicamenteuses reste très mal connue.

L’article de Poon et Braun remédie en partie à ce manque de données concrètes. Ces auteurs

ont étudié la prévalence de l’HO médicamenteuse dans une population de vétérans américains

âgés d’au moins 75 ans1. 342 patients correspondant aux critères d’inclusion (âge > 75 ans et

mesure documentée de la pression artérielle en position assise et debout) ont été inclus (les

patients souffrant de maladie susceptibles de s’accompagner d’une HO telles que maladie de

Parkinson ou atrophie multi systématisée ont été exclus). Les médicaments reçus par ces

patients ont été identifiés à partir d’une base de donnée informatique spécifique à l’institution

et les médicaments potentiellement responsables d’HO ont été sélectionnés à partir des

données de la littérature (seuls les médicaments rapportés comme imputés dans une HO dans

1% de la population générale ont été retenus).

Les résultats indiquent que 189 patients (55%) présentaient une HO symptomatique chez 61

d’entre eux (52 patients présentaient des chutes répétées). 35% des patients souffrant d’HO ne

prenaient aucun médicament potentiellement responsable d’HO. La prévalence de l’HO

médicamenteuse augmente significativement en fonction du nombre de médicaments

potentiellement responsables : 58% pour 1 médicament, 60% avec 2 médicaments et 65%

pour trois et plus. Les médicaments les plus fréquemment générateurs d’HO sont les

antihypertenseurs (hydrochlorothiazide : 65% ; lisinopril : 60%, furosémide : 56%), les alpha-

bloquants à visée prostatique (térazosin : 54%) suivis des antipsychotiques dits « atypiques »

(51%) et des antidépresseurs non imipraminiques (49.5%).

Malgré quelques limites (forte proportion d’hommes, pas de mesure de la fréquence

cardiaque, pas d’analyse d’imputabilité…) ces résultats sont particulièrement intéressants. Ils

indiquent tout d’abord que le médicament multiplie par deux le risque d’HO dans une

population où cette anomalie est déjà particulièrement fréquente. Par ailleurs, hormis les

médicaments cardiovasculaires, ils permettent de revenir sur le profil de sécurité

cardiovasculaire de médicaments pourtant développés pour pallier aux inconvénients de

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produits plus anciens des mêmes classes thérapeutiques (antidépresseurs non imipraminiques,

antipsychotiques atypiques, alpha-bloquants « sélectifs » de la prostate).

On ne peut que conseiller la lecture attentive de cet excellent article qui mérite réflexion et

montre que des approches simples mais fiables de cette question sont possibles.

3-2. Hyperkaliémie sous spironolactone

Les anti-aldostérones (spironolactone) s’utilisent désormais en association aux autres

médicaments (IEC, diurétiques, bêta-bloquants, digitaliques…) dans l’insuffisance cardiaque.

Le risque d’hyperkaliémie avec ces médicaments, montré par l’étude clinique RALES,

semble plus important en pratique quotidienne. Ainsi, le CRPV d’Amiens a étudié toutes les

hyperkaliémies sévères (supérieures ou égales à 6 mmol/l) qui lui ont été déclarées ces

dernières années. Soixante quatorze observations associées à la prise de spironolactone ont été

retrouvées. Parmi celles-ci, 72 sont « graves » : elles s’associent à des troubles du rythme

cardiaque (dont 11 BAV du 3ème degré) et 1 BSA, une faiblesse musculaire intense (9 fois),

une élévation de la créatininémie (23 fois)… dans 15 cas, un recours à l’hémodialyse a été

nécessaire. Le tableau survient le plus souvent chez des sujets âgés (entre 75 et 79 ans) avec

des antécédents de diabète (23 fois), une fonction rénale préalablement altérée (43 fois), en

association avec les IEC (39 fois), les antagonistes de l’angiotensine II (11 fois), les sels de

potassium (6 fois), les AINS (10 fois) ou les autres diurétiques hyperkaliémiants (1 fois). Ce

bilan rappelle que le risque d’hyperkaliémie sous spironolactone n’est pas exceptionnel. Il

survient chez les insuffisants cardiaques (mais aussi lors de la prescription dans

l’hypertension artérielle). Il concerne plus volontiers les personnes âgées dans le cadre

généralement d’un mésusage. Ce risque apparaît particulièrement lié aux associations

médicamenteuses. Ce bilan doit rendre prudent lors de la prescription de spironolactone chez

les sujets âgés et nécessiter, au moins, une surveillance régulière et renforcée de la kaliémie

(Andréjak et al., Fundam. Clin. Pharmacol., 2005, 19, 209-60).

3-3. A propos de la "guerre des statines", quelle statine prescrire?

De nombreux articles évoquent actuellement la « guerre des statines », à propos notamment

de la large utilisation de la rosuvastatine CRESTOR° et de ses risques accrus d’effets

indésirables musculaires (myalgies pouvant conduire jusqu’à la rhabdomyolyse) et rénaux

(protéinurie) (Lancet 2004, 364, 1997-9). Dans ce contexte, nous souhaitons rappeler les faits

pharmacologiques de base : au sein de la classe des statines, seules deux d’entre elles

(simvastatine et pravastatine) ont une efficacité démontrée, c’est-à-dire une action sur le seul

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critère clinique pertinent intéressant médecins et patients : la mortalité. Toutes les autres

statines (atorvastatine, fluvastatine mais aussi rosuvastatine) n’ont qu’une action limitée sur

des paramètres biologiques (cholestérol) dont on sait qus’ils ne sont pas obligatoirement

corrélés avec une amélioration clinique. Le choix de la prescription d’une statine est donc

relativement simple. Il permet d’éviter toute inquiétude concernant le profil de sécurité de la

rosuvastatine, encore insuffisamment étudiée.

3-4. Une statine en vente libre en Grande Bretagne : qu'en est-il de la "médecine fondée

sur des preuves"?

Depuis le mois de juillet, la simvastatine 10mg peut être achetée dans les pharmacies

anglaises, sans prescription, par des personnes avec un risque modéré de maladie

coronarienne (Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency, 2004.

http://medicines.mhra.gov.uk/inforesources/publications/arm18outcomeqa.pdf). Le Royaume-

Uni est le premier pays à autoriser la vente libre d’une statine, les américains ayant rejeté cette

demande en 2000 (pour pravastatine et lovastatine).

Sur quelles données d’efficacité et de sécurité d’emploi s’est fondé le Ministère anglais pour

prendre cette décision ? En l’absence de données cliniques concernant l’automédication, les

essais comparant simvastatine 10mg au placebo ont été réevalués. Certains montrent une

diminution du HDL-cholestérol associée à une diminution du risque de survenue d’un

événement coronarien majeur. Cependant, certaines données sont issues d’essais de courte

durée et incluant des patients coronariens (prévention secondaire). L’analyse des 5 « grands »

essais évaluant une statine (pravastatine 40mg, atorvastatine 10mg et lovastatine 20-40 mg)

en prévention primaire montre que la mortalité totale et tous les effets indésirables confondus

sont similaires quelque soit le groupe (statine ou placebo). La simvastatine à faible dose en

vente libre montrera-t-elle plus d’efficacité que les statines évaluées lors d’études avec tirage

au sort ? D’un point de vue sécurité d’emploi, les statines sont connues pour leurs effets

indésirables musculaires (dont des rhabdomyolyses), l’élévation des enzymes hépatiques et

leurs interactions médicamenteuses. Les rhabdomyolyses, rares mais parfois gravissimes,

seront particulièrement à surveiller (Anonymous. OTC statins : a bad decision for public

health. Lancet 2004; 363:1659 ; Westerweel PE. OTC statins : safe and sensible ? BMJ 2004;

328:1221-b).

La délivrance en officine sera soumise à un questionnaire de santé réalisé par le pharmacien

(évaluation des facteurs de risque cardiovasculaire, vérification de l'absence de contre-

indications et d’interactions médicamenteuses...). Le pharmacien derrière son comptoir aura-t-

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il le temps d’évaluer correctement tous ces paramètres ? Les intérêts financiers des autorités

sanitaires et des laboratoires vont peu à peu aboutir à une « privatisation de la prévention

primaire cardiovasculaire » au détriment de la population, engagée à ses frais dans une

expérience d’automédication.

3-5. Faut-il associer aspirine et clopidogrel PLAVIX®?

L’association aspirine + clopidogrel assure un effet préventif secondaire supérieur à celui

assuré par la prise d’un seul antiagrégant plaquettaire chez les patients souffrant d’une

pathologie coronaire aiguë ou une intervention de revascularisation. Cet effet favorable ne

s’accompagne pas d’une exagération du risque hémorragique. L’étude MATCH (Lancet 2004,

364, 331-7) a étudié cette association chez les patients à haut risque vasculaire ayant presenté

un AVC ischémique ou un accident ischémique transitoire (AIT). Parmi les 7.599 patients

inclus, ceux ayant presenté un nouvel AVC ou AIT a été identique (autour de 16 %) dans les

deux groupes : clopidogrel + placebo versus clopidogrel + aspirine. A l’opposé, le risque

d’hémorragie « grave » a été multiplie par 2 dans le groupe ayant reçu l’association. Il

n’existe aucune justification actuelle a l’association aspirine + clopidogrel chez les patients

aux antécédents d’AVC ou d’AIT.

3-6. Rhabdomyolyses sous ézétémibe EZETROL®

L’ézétémibe, un inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol et des phytostérols est

indiqué, soit en association avec une statine, soit, en cas d’échec de celle-ci, en monothérapie.

Les effets indésirables de ce nouvel hypocholestérolémiant sont principalement représentés

par des troubles digestifs (douleurs abdominales et diarrhées), des céphalées, des atteintes

hépatiques, des manifestations d’hypersensibilité (éruption cutanée ou angio-œdème), des

arthralgies ou un risque de lithiase biliaire. L’AFSSAPS vient de renforcer l’information sur

ce médicament à la suite de la mise en évidence, sous ézétémibe seul ou en association avec

une statine, de rares cas d’effets indésirables musculaires graves, à type de rhabdomyolyse.

Le plus souvent, le tableau de rhabdomyolyse a disparu à l’arrêt de l’ézétémibe. Une raison de

plus réserver ce médicament, non évalué sur des critères cliniques pertinents (morbi-

mortalité), aux échecs avérés de statines. Cette information rappelle une fois de plus que les

effets indésirables d’un nouveau médicament restent méconnus au moment de l’AMM.

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4- ACTUALITES DE PHARMACOVIGILANCE DES NEURO-PSYCHOTROPES :

4-1. Risque de diabète sous neuroleptiques atypiques

Les neuroleptiques dits « atypiques » (« nouveaux » neuroleptiques) ont été commercialisés

avec l’argument (plus ou moins vérifié) d’effets extrapyramidaux moindres que les

neuroleptiques conventionnels. Cependant, leur utilisation s’associe à une prise pondérale et

de diabète sucré. Le risque de diabète paraît différent selon les médicaments avec par ordre

décroissant la clozapine, l’olanzapine, la rispéridone et la quiétapine et enfin l’amisulpride et

l’aripiprazole. Deux tableaux cliniques peuvent se présenter :

- un diabète en relation avec la prise de poids chez les sujets à risque de diabète de type

II ;

- une décompensation métabolique aiguë avec acidocétose sévère et/ou pancréatite (le

mécanisme physiopathologique de cet effet indésirable plus rare reste mal connu).

Une surveillance métabolique attentive s’impose donc chez les patients schizophrènes

traités par ces neuroleptiques (Med. Hyg., 2004, 62, 1591-6).

Une analyse récente (Br. J. Clin. Pharmacol., 2004, 58, 581-86) a chiffré les

conséquences de ce type d’effet indésirable : pour les 4 millions de schizophrènes traités aux

USA, les neuroleptiques « atypiques » entraîneraient un surcroît de mortalité de près de

25.000 morts avec plus de 120.000 cas d’hypertension artérielle et près de 93.000 sujets avec

intolérance glucosée !!!

Qui a dit que les neuroleptiques « atypiques » étaient un progrès thérapeutique ?

4-2. Les antidépresseurs sérotoninergiques favorisent-ils la survenue d'un glaucome?

Le risque de glaucome est un effet indésirable bien démontré de nombreux médicaments, en

particulier ceux possédant des propriétés atropiniques. La survenue d’un glaucome est

également un effet indésirable relativement peu connu des antidépresseurs inhibiteurs de la

recapture de la sérotonine (IRS). La sérotonine participe aux variations de la pression intra-

oculaire, via l’activation de divers sous-types de récepteurs 5HT. La fréquence de ce

glaucome d’origine médicamenteuse s’avère probablement sous-estimée, notamment en

raison de ses manifestations souvent pausi-symptomatiques, surtout chez les patients âgés. Un

retard dans la prise en charge peut mener à une perte considérable de vision en quelques jours

seulement. Parmi les facteurs de risque, on retrouve l’existence d’une pupille en mydriase (ou

semi-mydriase). Certains IRS (comme la paroxétine) semblent plus enclins à déterminer ce

type d’effet indésirable (peut-être en raison de ses propriétés latérales de type

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sympathomimétique). Il convient donc, avant toute prescription d’IRS chez la personne âgée,

d’évaluer le risque individuel et, au moindre doute, de demander un avis spécialisé. (CNS

Drugs, 2004, 18, 475-484).

4-3. Quels médicaments font chuter?

Certains médicaments peuvent faire chuter. Il existe peu de données permettant de quantifier

ce risque. Les essais cliniques ne s’avèrent pas la meilleure méthode pour cette approche.

Dans le cadre d’une étude cas/non-cas, à partir de la Banque Française de PharmacoVigilance,

nous avons inclus 328 sujets (d’âge moyen 76 ans) et 67.149 témoins. Les chutes surviennent

plus fréquemment chez la femme [RC : 1,9 (1,5-2,4)]. Après ajustement sur l’âge et le genre,

on retrouve une association entre la prise de benzodiazépines [4,7 (3,7-5,9)],

d’antidépresseurs imipraminiques [3,6 (2,5-5,1)], sérotoninergiques [2,2 (1,1-3,1)] ou encore

de dérivés nitrés [1,9 (1,2-2,8)]. Les psychotropes sont donc la première des causes

médicamenteuses des chutes. (Pharmacoépidémiol Drug Saf 2005, 14, 11-6).

4-4. Une interaction peu connue : antidépresseurs sérotoninergiques et AINS

A côté de ses effets centraux, la sérotonine joue aussi un rôle dans l’agrégation plaquettaire.

Dans une étude rétrospective sur une population danoise, l’utilisation des antidépresseurs

sérotoninergiques (IRS) s’associe à un risque 3,6 fois (2,7-4,7) plus élevé d’hospitalisations

pour saignement gastrique. Ce risque s’élève à 12,6 (7,1-19,5) lorsque l’antidépresseur

sérotoninergique est prescrit avec un AINS (Arch Intern Med 2003, 163, 59-64).

4-5. Antidépresseurs et risque suicidaire

Un article publié dans le numéro du British Medical Journal du 22 février 2005 confirme

l’association entre le risque suicidaire et l’utilisation des antidépresseurs sérotoninergiques

(IRS) chez l’adulte. Cette méta-analyse de 702 essais comparatifs avec tirage au sort versus

placebo (incluant 87 650 participants), montre une élévation significative du risque suicidaire

[rapport de cote : 2,28 (1,14-4,55), nombre de patients à traiter : 684] par rapport au placebo

(Br. Med J 2005, 330, 396). Il est intéressant de signaler que les données soumises par les

firmes pharmaceutiques aux autorités d’évaluation (Agence Européenne du Médicament) ne

retrouvent pas ce risque suicidaire (Br. Med J 2005, 380, 385).

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4-6. Rechercher les facteurs de risque coronarien avant de prescrire un triptan

Les triptans (sumatriptan Imigrane®, zolmitriptan Zomig®, naratriptan Naramig®,

almotriptan Almogran®, élétriptan Relpax®) ont un effet vasoconstricteur (par agonisme des

récepteurs sérotoninergiques) sur les artères intracrâniennes mais aussi sur les artères

périphériques en particulier coronaires. Sur 11 observations françaises de patients ayant eu un

infarctus du myocarde, un angor spastique, un spasme coronaire ou des précordialgies après

prise de triptan, 3 n’avaient aucun facteur de risque cardiovasculaire. Chez 5 patients il

existait une interaction médicamenteuse ou un non-respect de la posologie (Souyri et al.,

Fundam Clin Pharmacol, 2005, 19, 228-P132).

4-7. Un bel exemple de stratégie marketing : le ropinirole dans le traitement du

syndrome des jambes sans repos (SJR)

Le ropinirole, un agoniste dopaminergique déjà indiqué dans la maladie de Parkinson, dispose

maintenant d’une AMM « dans le traitement du syndrome des jambes sans repos

idiopathique modéré à sévère, responsable de perturbations du sommeil et/ou d’un

retentissement négatif sur la vie quotidienne, familiale, sociale et/ou professionnelle ». La

lecture de l’avis de la Commission de la Transparence permet de saisir la problématique de

cette nouvelle indication. En voici quelques passages particulièrement intéressants : « compte

tenu de l’imprécision nosologique du syndrome des jambes sans repos et l’insuffisance de

données sur l’épidémiologie et la gravité des formes dites idiopathiques… il n’est pas

possible d’apprécier l’importance du fardeau de la maladie en termes de santé publique »,

« la transposabilité des résultats des essais cliniques en situation réelle est douteuse »,

« l’argument selon lequel ce médicament pourrait éviter le recours à d’autres médicaments,

en particulier psychotropes n’est pas étayé ». En fonction de cette analyse, le SMR

d’ADARTREL° a été jugé « important » mais uniquement dans les formes très sévères

(association de perturbations importantes du sommeil et/ou un retentissement négatif notable

sur la vie quotidienne… et un score de sévérité évalué sur l’échelle IRLSS 31/40).

Il est intéressant de voir comment, parallèlement à l’avancée de ce dossier pourtant assez

pauvre au niveau des autorités réglementaires, se sont mises en place des campagnes

publicitaires sur le SJR. La presse neurologique propose des encarts, centrés sur le SJR qui,

sans faire mention du médicament, laissent entendre qu’une solution existe (de bons yeux

permettent de repérer dans la photographie le copyright de GSK). L’association AFSJR

(Association Française des personnes affectées par le Syndrome des Jambes sans repos) vient

d’adresser (sans doute à grands frais) à tous les neurologues et aux spécialistes du sommeil de

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France des documents illustrant le SJR. Le site de cette l’association (www.afsjr.fr) propose

d’ailleurs une foule d’informations sur le SJR y compris un bulletin d’informations sur le

Médicament édité par le Centre Régional d’Informations sur le Médicament du CHU de

Rennes !

Sans vouloir dénigrer ni le handicap que peut représenter le SJR pour les patients qui

souffrent de sa forme sévère, ni l’efficacité du médicament, cet exemple montre bien

comment on peut faire du neuf avec du vieux. Il faut trouver une niche inoccupée, créer un

besoin, orchestrer la demande ! Espérons au moins que les recommandations de la Haute

Autorité de Santé demandant une étude post inscription visant à connaître la taille exacte de la

population souffrant de SJR sévère ne restent pas un vœu pieux.

5- ACTUALITES DE PHARMACOVIGILANCE DES ANTALGIQUES :

5-1. Attention à l'association paracétamol + dextropropoxiphène

L’Agence anglaise du Médicament (MHRA) a informé de sa décision de procéder, dans un

délai de 6 à 12 mois, au retrait des produits contenant l’association paracétamol +

dextropropoxyphène (DIANTALVIC° plus autres). Cette décision s’explique par

l’identification au Royaume-Uni d’intoxications graves, volontaires ou accidentelles

conduisant chaque année à plus de 300 décès Outre-Manche consécutivement à l’utilisation

de tels produits à des doses non recommandées.

En attendant les décisions de l’Agence française (AFSSAPS), rappelons que ce médicament

fait courir par ailleurs le risque de pharmacodépendance (par suite de l’existence de deux

composants aux demi-vies différentes), d’hépatite (au paracétamol mais aussi au

dextropropoxyphène), d’hypoglycémie, d’anorectite nécrosante (avec la forme suppositoire).

Cette association est également la première retrouvée dans la plupart des enquêtes sur les

céphalées d’origine médicamenteuse.

Cette association illogique et dangereuse doit donc être très avantageusement remplacée par

l’association de paracétamol plus codéïne, bien évaluée sur le plan antalgique et faisant courir

de risques.

5-2. Les réactions d'hypersensibilité au paracétamol chez l'enfant

Les réactions d’hypersensibilité (HS) présumées allergiques ou non allergiques au

paracétamol restent rares, notamment chez l’enfant (Rev Fr Allergol Immunol Clin

2004;44:523-526). Les réactions cutanées s’avèrent les plus fréquentes (urticaire et/ou

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angioedème, éruption maculo-papuleuse, érythème, très rares pustuloses exanthématiques

aiguës généralisées PEAG) et s’expliqueraient par une stimulation des lymphocytes T. Plus

rares, sont les réactions systémiques ou anaphylactiques. L’HS au paracétamol s’inscrit

souvent dans un cadre plus large d’une HS non spécifique aux AINS. Il existe néanmoins des

cas d’HS isolée au paracétamol non croisée avec l’aspirine ou les AINS. Plusieurs hypothèses

expliqueraient cette réactivité sélective: l’inhibition de la cyclo-oxygénase 1 (COX-1), qui

rend compte des effets pharmacologiques des AINS, ne pourrait seule expliquer toutes les

réactions observées avec le paracétamol. Ce dernier inhibe faiblement la COX-1 et inhiberait

préférentiellement la COX-3. On a décrit d’authentiques HS allergiques au paracétamol avec

des tests cutanés (TC) positifs et présence d’IgE spécifiques au paracétamol, notamment en

cas d’urticaire et/ou angioedème et de réactions anaphylactiques.

Les réactions présumées allergiques au paracétamol sont le plus souvent de chronologie

immédiate ou accélérée, rarement retardée. Le diagnostic repose sur l’histoire clinique

suggestive, et, lorsque les antécédents sont douteux, sur les tests de provocation par voie orale

(TPO). Actuellement, les TC à lecture immédiate et les tests in vitro (dosage des IgE sériques

spécifiques et tests d’activation cellulaire) ne sont pas disponible en pratique courante : ils

n’ont pas fait la preuve de leurs valeurs diagnostiques et prédictives.

6- DIVERS :

6-1. Béta2-stimulants et la "mort dans l'asthme"

Le sujet n’est pas nouveau. En effet, déjà, au cours des années 1960 dans divers pays

européens la mort subite de nombreux asthmatiques était imputée à la prise d’isoprénaline en

aérosols fortement dosés. Plus tard, au cours des années 1975 à 1980 en Nouvelle-Zélande, on

observa une recrudescence de la mortalité des asthmatiques et on l’attribua à l’utilisation du

fénotérol.

Une étude récente cas-témoins réalisée en Grande-Bretagne a évalué le risque létal attaché à

la prescription de bêta2-mimétiques de courte durée d’action (le vénotérol surtout). Cinq cent

trente deux patients (cas) âgés de moins de 65 ans et 532 témoins, appariés sur l’âge, la durée

de l’étude 4 ans entre 1994 et 1998 et le lieu d’hospitalisation, étaient inclus. Après

ajustement sur les facteurs confondants : l’âge, le sexe, les médicaments associés, à

l’exclusion des antibiotiques, l’analyse de cette étude montre une majoration du risque :

l’odds ratio est de 2,05 (IC à 95 % 1,26-3,33).

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Ce risque létal peut s’interpréter par : une aggravation des symptômes précédant la mort, la

prescription d’un traitement inapproprié, l’augmentation de la posologie chez les patients non

répondeurs et enfin, un effet indésirable propre au médicament n’est pas exclu.

6-2. Rhumatismes inflammatoires induits par les médicaments

Une analyse récente de la littérature aborde les différents tableaux cliniques d’arthrite isolée

ou associée à des manifestations systémiques (lupus, vascularite) induits par les médicaments

(Rev Rhum 2004 ;71 :489-97).

- Arthrite isolée: les accès goutteux représentent la 1ère cause des rhumatismes

inflammatoires d’origine médicamenteuse du sujet âgé (diurétiques, aspirine à faible

dose, certains antimitotiques, fénofibrate, losartan, éthambutol, pyrazinamide,

ciclosporine). On a rapporté des réactions articulaires après injection intra-articulaire

d’acide hyaluronique mais aussi des arthralgies, oligo- ou polyarthrites après

vaccination contre l’hépatite B, des arthralgies et arthrites après administration

intravésicale de BCG dans le cancer de la vessie, des polyarthrites symétriques sous

interféron alpha et des arthralgies et hyperostoses vertébrales lors d’utilisations

prolongées d’acitrétine.

- Arthrites associées à un lupus: Certains médicaments (relation causale établie pour

acébutolol, carbamazépine, chlorpromazine, étanercept, infliximab, isoniazide,

pénicillamine, quinidine, sulfasalazine) induisent un lupus, d’autres révèlent des

rhumatismes inflammatoires survenant dans le cadre d’un lupus. Les signes

articulaires à type d’arthralgies et/ou d’arthrites sont fréquents (80 à 90% des cas). Le

diagnostic de lupus induit est très probable s’il y a absence de manifestation clinique

de lupus avant la prise et si les symptômes et les anomalies biologiques (anticorps

antinucléaires notamment) régressent à l’arrêt du médicament (délai de 3 semaines à 2

ans).

- Arthrites associées à une vascularite d’hypersensibilité : même si l’expression

clinique est essentiellement cutanée, des signes systémiques, notamment articulaires

(arthralgies, mono- ou oligoarthrites) peuvent s’observer. Le délai d’apparition se situe

entre 1 à 3 semaines après l’exposition. Les médicaments les plus incriminés sont les

antiépileptiques, sulfonamides (sulfasalazine, sulfaméthoxazole, dapsone,

furosémide), l’allopurinol et les antibiotiques. La guérison complète est habituelle à

l’arrêt du médicament.

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Savoir évoquer l’origine médicamenteuse d’une arthrite permet souvent de garantir une évolution rapidement favorable après l’arrêt du médicament suspect.

6-3. Tuberculose sous infliximab (REMICADE®)

L’infliximab (REMICADE®) est un anti-TNF alpha prescrit dans la polyarthrite rhumatoïde,

la spondylarthrite ankylosante ou la maladie de Crohn. A la suite de la notification, aux états-

unis, de graves cas d’hépatites, dont certains d’évolution fatale, chez des patients traités par

l’association rifampicine (RIFADINE® + /pyrazinamide (PIRILENE®), l’AFSSAPS a

proposé de nouvelles recommandations sur la prévention et la prise en charge des

tuberculoses survenant sous infliximab. L’association rifampicine + pyrazinamide est à éviter,

en raison du risque hépatique potentiel, tout particulièrement chez les patients alcooliques,

porteurs d’une hépatopathie ou recevant un autre médicament hépatotoxique. Elle est

maintenant réservée aux seuls cas de contre-indication a l’isoniazide (RIMIFON®) (ou en cas

de souche résistante a l’isoniazide). (www.afssaps.sante.fr/htm/10/remicade/indremic.htm).

6-4. Risque de leucémie secondaire à un traitement du cancer du sein

A partir des données d’un registre de cancer, 43000 femmes ayant développé un cancer du

sein entre 1985 et 1997 ont été incluses dans une étude sur le risque de leucémie aiguë

myéloïde (LAM) ou de syndrome myélodysplasique (SMD) secondaire au traitement du

cancer du sein (Fundam Clin Pharmacol 2005;19:197). Parmi ces 43000 femmes, 50 ont

développé une LAM et 7 un SMD après 35 mois en moyenne après le diagnostic de cancer du

sein. Comparés aux témoins (cancers du sein sans survenue du LAM ou SMD), les cas ont été

plus fréquemment traités par chimiothérapie (58% versus 44% ; p=0.044) ou radiothérapie

(95% versus 86% ; p=0.048). Il n’existait aucune différence concernant le traitement

hormonal. Le risque de développer une LAM ou un SMD était multiplié par 5.73 (p=0.0001)

chez les patientes traitées par mitoxantrone, 1.84 (p=0.036) par cyclophosphamide, 1.79

(p=0.21) par les vinca-alcaloïdes et 0.56 (p=0.11) par anthracyclines. Même si le nombre de

cas est faible, cette étude confirme le risque de LAM/SMD sous mitoxantrone détecté lors

d’une enquête précédente. Le risque n’est pas confirmé pour les anthracyclines. Ces résultats

impliquent d’adopter une grande prudence lors de l’utilisation de la mitoxantrone dans

d’autres types de cancers.

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6-5. Supplémentation en antioxydants et prévention des cancers gastrointestinaux

Sur la base de données fondamentales suggérant que le stress oxydatif favorise la prolifération

cellulaire, une équipe danoise a revu, avec la méthodologie Cochrane, tous les essais avec

tirage au sort comparant la supplémentation avec des antioxydants (bêta-carotène, vitamines

A, C, E, sélénium, seuls ou en association) au placebo dans la prévention des cancers

gastrointestinaux. Les auteurs n’ont trouve aucun argument en faveur d’un effet préventif. Au

contraire, les antioxydants semblent majorer la mortalité (Lancet, 2004, 364, 1219-28). Une

démonstration de plus de l’absence de transférabilité obligatoire de données fondamentales à

la pharmacologie clinique !