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Actualités pharmaceutiques n° 511 Décembre 2011
La consommation occasionnelle ou régulière d’alcool concerne 30 à 40 % de la population fémi-nine. Par ailleurs, 37 % des femmes se déclarent
fumeuses avant le début de leur grossesse. En revan-che, il n’existe pas de données quantitatives précises concernant les femmes enceintes toxicomanes.
Alcool et grossesseEn France, seulement 30 % des femmes n’ont jamais bu d’alcool, 30 % en boivent régulièrement et 40 % occa-sionnellement. L’alcoolisme féminin a considérablement augmenté au cours des vingt dernières années.Depuis la description, en 1967, du syndrome d’alcoo-li sa tion fœtale (SAF), les effets nocifs de l’alcool pendant la grossesse ont été largement documentés. À partir de 30 g d’alcool par jour (3 verres), proba-ble ment moins, le risque d’atteinte fœtale existe. Celui-ci est fonction de la dose ingérée, du terme et de la durée d’exposition, et de la façon dont la femme enceinte consomme cet alcool. L’ancienneté de l’alcoo lis me est, par ailleurs, un facteur aggravant. Le SAF concerne entre 0,5 et 3 naissances sur 1 000, et s’observe chez les enfants de mères alcooliques qui consomment au moins 90 mL d’alcool pur par jour, soit 6 verres de vin ou 6 bières, ou encore 6 verres d’alcool fort.L’alcool passe très bien la barrière placentaire et ses concentrations dans les circulations fœtales et mater-nelles sont alors équivalentes. Le système nerveux du fœtus est sa cible privilégiée. Sa térato génicité est strictement dose-dépendante pour son action directe, mais il faut également tenir compte de la chronicité de l’exposition. Même ponctuelle et en quantité modérée, la consommation d’alcool augmen te les risques de préma tu ri té ou de faible poids à la naissance.Aussi, le message à faire passer aux femmes encein-tes est « zéro alcool pendant la grossesse » (voir le pictogramme). À la naissance
Le retard de croissance est la principale conséquence d’un SAF : le poids, la taille et le périmètre crânien sont alors inférieurs à la moyenne. Des dysmorphies crâno-faciales particulières peuvent également caractériser le SAF : microcéphalies, nez aplati, front bombé et menton fuyant constituent le faciès caractéristique du nouveau-né atteint.
Des anomalies du système nerveux sont également susceptibles de survenir comme une dépression psycho logique avec hypotonie, une irritabilité, une faible coordination et, plus tard, un retard mental.Enfin, des malformations congénitales diverses peuvent être constatées : elles sont surtout cardia-ques, mais aussi oculaires, buccales, des doigts et des membres, ainsi que de l’appareil génito-urinaire. Pendant la grossesse
La femme enceinte qui consomme de l’alcool court un plus fort risque d’avortement spontané, d’infection ou de décollement placentaire. La prématurité, ainsi que la mort fœtale ou néonatale sont également plus fréquentes.Aucun tissu en développement n’est à l’abri des effets de l’alcoolisme. D’une part, l’alcool ingéré passe rapidement dans la circulation générale et donc à travers le placenta (perméable) dans la circu la tion fœtale. Il joue un rôle toxique direct sur la multi pli ca tion des cellules fœtales, d’autant que le foie immature du fœtus n’est pas capable de méta-boliser l’alcool. D’autre part, l’éthylisme chronique est souvent associé à une malnutrition, donc à une carence en vitamines indispensables à la croissance et à la division des cellules fœtales (notamment l’acide folique et les vitamines du groupe B).
Addictions et grossesse
La consommation d’alcool et de tabac ou toute autre conduite addictive constituent
un danger pour le fœtus comme pour la mère. Le pharmacien joue un rôle majeur dans
l’orientation de la prise en charge des femmes enceintes confrontées aux addictions.
Consommation d’alcool, les périodes critiques durant la grossesse
Durant toute la grossesse : troubles du système nerveux.
De la 4e à la 10e semaine d’aménorrhée : malformations.
Au troisième trimestre de la grossesse : troubles
de la croissance.
Pictogramme d’information et de sensibilisation « zéro alcool pendant la grossesse ».
À retenirEn l’état actuel des connaissances, il est impossible
de définir un niveau de consommation qui serait
sans risque pour l’enfant. Aussi, en vertu du principe
de précaution, il est recommandé aux femmes
enceintes de ne pas consommer d’alcool pendant
toute la durée de leur grossesse.
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Addictions et grossesse
Actualités pharmaceutiques n° 511 Décembre 2011
Tabac et grossesseAu total, 37 % des femmes seraient fumeuses avant le début de leur grossesse et 20 % des femmes enceintes continueraient de fumer pendant tout ou partie de cel-le-ci. Les effets nocifs du tabac, liés à la présence de nicotine, monoxyde de carbone, goudrons et métaux lourds dans la cigarette, sont désormais bien établis. Il existe une relation dose-dépendante entre le nombre de
cigarettes fumées quotidiennement et le risque de mortalité périnatale.
La prématurité est augmentée de 20 % chez les femmes enceintes fumant au
moins un paquet de cigarettes par jour et le risque d’une naissance survenant avant
33 semaines d’aménorrhée est accru de 60 % chez ces mêmes fumeuses. La conséquence du
tabagisme est également une réduction du poids de naissance, quel que soit l’âge gestationnel, de 200 g en moyenne. Ceci est important en cas de préma-turité car la différence entre 1 300 g et 1 500 g peut représenter celle entre une chance minime et une bonne chance de survivre.La nicotine provoque une vasoconstriction des vais-seaux placentaires ombilicaux, empêche le fœtus d’absorber les nutriments nécessaires et l’oxygène, essentiels à son développement. Le monoxyde de carbone, quant à lui, se lie à l’hémoglobine et provo-que l’hypoxie fœtale. Les cellules, mal oxygénées et mal nourries, se développent moins bien, ce qui expli-que le retard de croissance intra-utérin.Par ailleurs, les fumeuses courent un risque de stérilité ou de grossesses extra-utérines augmenté, mais aussi un risque accru de déficience en iode. Elles sont également plus exposées aux avortements précoces. Selon certaines études, le risque de cancer, ainsi que le nombre d’affections respiratoires et ORL sont majorés chez l’enfant.L’arrêt du tabac doit intervenir, de préférence, avant la conception, sinon le plus tôt possible pendant la grossesse. Un arrêt total est recommandé car une “simple” réduction de la consommation de tabac ne suffit pas à prévenir les complications maternelles et fœtales. En cas de forte dépendance, toutes les mesu-res destinées à l’arrêt du tabac doivent être envisagées dont, éventuellement, la mise en place d’un traitement par substitutif nicotinique, sous surveillance médicale rigoureuse. Depuis le 1er septembre 2011, un forfait de 150 € par an est pris en charge par l’Assurance mala-die suite à la prescription de substituts nicotiniques
chez la femme enceinte. Le bupropion (Zyban®) reste, quant à lui, déconseillé dans cette population.
Toxicomanie et grossesseEn France, le nombre de femmes enceintes toxico-manes n’est pas connu avec précision. Le diagnostic de la grossesse chez ces femmes est difficile à poser car aménorrhée ou oligorrhée sont fréquentes (50 %) et évoquent une absence d’ovulation.Précarité, malnutrition, troubles psychologiques et intoxi-cations par voie veineuse contribuent ensemble aux pathologies observées pendant la grossesse. Les mena-ces d’accouchement prématuré surviennent dans 20 % des cas et sont favorisées par les mauvaises conditions de vie, ainsi que par l’irrégularité de la prise des toxiques, engendrant un syndrome de manque. Le muscle utérin est alors irritable. Le retard de croissance est observé avec la même fréquence (20 %). Les pathologies mater-nelles sont, quant à elles, dominées par la malnutrition (20 à 50 %), l’anémie (50 à 70 %), les infections génitales basses et les maladies générales chroniques transmis-sibles à l’enfant comme l’hépatite B, l’hépatite C, le virus de l’immuno déficience humaine (VIH) et la syphilis.Une consommation régulière de cannabis (> 6 fois par semaine) entraînerait une diminution de la durée de la grossesse (≈ semaine), ainsi qu’un poids de naissance plus faible (80 à 100 g) par rapport à la moyenne.
ConclusionDans un contexte de prévention des addictions, le rôle du pharmacien est limité et difficile. Il peut toutefois énoncer des mises en garde générales en rappelant que la prise de tout toxique, même à dose modérée, peut être délétère. À une patiente toxico-mane connue, il doit conseiller une prise en charge médicale, voire une désintoxication en institution spécialisée. À noter qu’un arrêt brutal de l’héroïne ne doit jamais être proposé, ni un sevrage rapide des autres toxiques au cours des deuxième et troisième
trimestres, sous peine d’accident fœtal. �Stéphane Berthélémy
Pharmacien, Royan (17)
© Fotolia.com/Piotr Marcinski
Pour en savoir plusAgence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes).
Grossesse et Tabac. Conférence de consensus. Texte des
recommandations, Lille, octobre 2004.
Bongain A. Toxicomanie et prise en charge de la femme enceinte.
Vocation Sage-femme. 2003;15:14-8.
Collège des enseignants de nutrition de l’Université de Nantes. Alimentation
de la femme enceinte. Item 16, 17, 20 et 21. Année 2010/2011.
Haute Autorité de santé (HAS). Recommandations professionnelles :
Comment mieux informer les femmes enceintes ? Avril 2005.
Nadjafizadeh M. Toxicomanie et grossesse : quelle prise en charge
optimale ? Vocation Sage-femme. 2010;82:23-7.
À noterLe tabagisme passif est très nocif pendant la grossesse. Il double le
risque pour une non-fumeuse d’avoir un nourrisson de faible poids. Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Un arrêt total du tabagisme est recommandé car une “simple” réduction de la consommation de tabac ne suffit pas à prévenir les complications maternelles et fœtales.