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Annales de pathologie (2010) 30, 386—389 CAS ANATOMOCLINIQUE Adénocarcinome de type intestinal primitif du bassinet : à propos d’un cas développé au contact d’une lithiase coralliforme Primary intestinal-type adenocarcinoma of the renal pelvis associated with lithiasis: A case report Florence Renaud a , Nicolas Berthon b , Laurent Lemaitre c , Christine Castillo a , Marie-Christine Copin a , Sébastien Aubert a , Xavier Leroy a,a Pôle de pathologie, centre de biologie-pathologie, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France b Service d’urologie, hôpital Huriez, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France c Service de radiologie, hôpital Huriez, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France Accepté pour publication le 22 juin 2010 Disponible sur Internet le 16 octobre 2010 MOTS CLÉS Lithiase ; Métaplasie glandulaire ; Adénocarcinome du bassinet ; Tumeur pyélocalicielle Résumé Un cas d’adénocarcinome primitif du bassinet est rapporté chez une patiente de 57 ans sans antécédents. La symptomatologie et les données d’imagerie orientaient vers le diagnostic de rein détruit sur lithiase coralliforme, pour lequel une néphrectomie était réali- sée. L’examen macroscopique caractérisait une volumineuse lésion bourgeonnante autour de cette lithiase, dont l’aspect histologique était celui d’un adénocarcinome de type intestinal. Le bilan d’extension à la recherche d’une tumeur primitive était négatif. Les adénocarcinomes primitifs de la voie excrétrice sont des tumeurs exceptionnelles, le plus souvent mucosécré- tantes, d’allure intestinale. Elles surviennent dans un contexte d’infection chronique ou de lithiase. Le pronostic est discuté compte tenu du faible nombre de cas décrits. Le principal diagnostic différentiel à éliminer est une métastase rénale d’un adénocarcinome d’une autre origine. Cette observation rappelle l’importance de rechercher une tumeur associée dans les reins détruits pyélonéphritiques. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (X. Leroy). 0242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2010.06.005

Adénocarcinome de type intestinal primitif du bassinet : à propos d’un cas développé au contact d’une lithiase coralliforme

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nnales de pathologie (2010) 30, 386—389

AS ANATOMOCLINIQUE

dénocarcinome de type intestinal primitif duassinet : à propos d’un cas développé au contact’une lithiase coralliforme

rimary intestinal-type adenocarcinoma of the renal pelvis associated withithiasis: A case report

Florence Renauda, Nicolas Berthonb,Laurent Lemaitrec, Christine Castilloa,Marie-Christine Copina, Sébastien Auberta,Xavier Leroya,∗

e de biologie-pathologie, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret,

a Pôle de pathologie, centr 59037 Lille cedex, Franceb Service d’urologie, hôpital Huriez, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, Francec Service de radiologie, hôpital Huriez, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France

Accepté pour publication le 22 juin 2010Disponible sur Internet le 16 octobre 2010

MOTS CLÉSLithiase ;Métaplasieglandulaire ;Adénocarcinome dubassinet ;Tumeurpyélocalicielle

Résumé Un cas d’adénocarcinome primitif du bassinet est rapporté chez une patiente de57 ans sans antécédents. La symptomatologie et les données d’imagerie orientaient vers lediagnostic de rein détruit sur lithiase coralliforme, pour lequel une néphrectomie était réali-sée. L’examen macroscopique caractérisait une volumineuse lésion bourgeonnante autour decette lithiase, dont l’aspect histologique était celui d’un adénocarcinome de type intestinal.Le bilan d’extension à la recherche d’une tumeur primitive était négatif. Les adénocarcinomesprimitifs de la voie excrétrice sont des tumeurs exceptionnelles, le plus souvent mucosécré-tantes, d’allure intestinale. Elles surviennent dans un contexte d’infection chronique ou delithiase. Le pronostic est discuté compte tenu du faible nombre de cas décrits. Le principaldiagnostic différentiel à éliminer est une métastase rénale d’un adénocarcinome d’une autreorigine. Cette observation rappelle l’importance de rechercher une tumeur associée dans lesreins détruits pyélonéphritiques.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (X. Leroy).

242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.annpat.2010.06.005

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Adénocarcinome de type intestinal primitif du bassinet

KEYWORDSLithiasis;Glandularmetaplasia;Adenocarcinoma ofthe renal pelvis;Pyelocaliceal tumour

Summary A case of primwoman who had no previoustion by pyelolithiasis uponperformed. Macroscopic exlithiasis. Diagnosis of inteshistological examination. Nexploration. Primary adenotype tumour. Chronic inflamFew cases are reported andsecondary lesions to the kidexamination in case of pyel© 2010 Elsevier Masson SAS

Introduction

Les tumeurs épithéliales primitives des voies excrétricessupérieures sont peu fréquentes et correspondent à descarcinomes urothéliaux développés chez des adultes âgésde plus de 50 ans. Nous rapportons une observation inha-bituelle d’adénocarcinome primitif découvert fortuitementsur pièce de néphrectomie pour rein lithiasique détruit.

Observation

Une femme de 57 ans, sans antécédents, qui présentait desdouleurs chroniques de la fosse iliaque droite consultait enurologie. L’uroscanner et l’IRM réalisés mettaient en évi-dence une volumineuse lithiase coralliforme droite, unedilatation modérée des cavités pyélocalicielles et du bassi-net, une atrophie du parenchyme rénal avec épaississementirrégulier du bassinet autour de la lithiase (Fig. 1). Unenéphrectomie totale droite était réalisée. La pièce pesait1120 g et le rein mesurait 15 × 8,5 × 7,5 cm. À la coupe,les cavités pyélocalicielles étaient très dilatées et obs-truées par de nombreuses lithiases coralliformes dont la plusimportante, de 7,5 cm de grand axe, était enclavée dans le

Figure 1. Atrophie du parenchyme rénal droit avec volumineuselithiase coralliforme.Parenchyma atrophy of right kidney with large lithiasis (abdominalMRI, frontal section).

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denocarcinoma of the renal pelvis occurring in a 57-year-oldory is reported. The lesions were thought to be a renal destruc-tomatology and imaging study data. A nephrectomy was thusation revealed voluminous and exophytic lesions surrounding-type adenocarcinoma of the renal pelvis was established onidence of other tumor localization was revealed by completeinoma of renal pelvis is a rare and often mucinous intestinal-ion and renal lithiasis seem to be associated with this tumour.nosis is doubtful. The main differential diagnosis to eliminate isof adenocarcinoma from another origin. A careful pathologicalhritic kidney is necessary to look for an associated tumour.rights reserved.

bassinet et les calices inférieurs. Il existait autour de ce cal-cul une volumineuse lésion bourgeonnante de 7 × 3 cm de lamuqueuse urothéliale s’étendant de facon circonférentielledans le bassinet. La lésion était d’aspect homogène blan-châtre et de consistance friable, elle renfermait des foyersde suppuration (Fig. 2). Le parenchyme rénal voisin étaitatrophique et détruit, avec des remaniements kystiques. Lapièce a été incluse en totalité.

À l’examen microscopique, la lésion bourgeonnantecorrespondait à une prolifération tumorale épithéliale, infil-trant la paroi des voies excrétrices. Elle était entièrementd’architecture glandulaire, formant par endroits des mas-sifs cribriformes d’allure lieberkhünienne (Fig. 3). Aucunfoyer de carcinome urothélial n’a été observé. Les glandestumorales étaient revêtues par un épithélium cylindriqueavec stratification nucléaire. Certaines cellules tumoralescomportaient des vacuoles de sécrétion alcianophiles.L’anisocaryose était marquée avec des noyaux volumineux,renfermant une chromatine hétérogène parfois nucléolée.Le stroma abondant apparaissait fibreux et inflammatoire.Des foyers de nécrose tumorale étaient observés. Aucuneimage d’embole vasculaire ni d’engainement périnerveuxn’était présente. Le parenchyme rénal à distance étaitatrophique avec un aspect de pyélonéphrite chronique non

Figure 2. Volumineuse lésion bourgeonnante et végétante du bas-sinet et calices inférieurs dilatés (flèche blanche). Le parenchymerénal est détruit.Large exophytic lesions in the renal pelvis (white arrow). Renalparenchyma is destroyed.

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igure 3. Prolifération adénocarcinomateuse organisée en mas-ifs cribriformes (HES × 25).ribriform architecture of the adenocarcinomatous proliferationHES × 25).

pécifique. Le revêtement urothélial persistant était le siège’une inflammation chronique avec des foyers de méta-lasie glandulaire et de métaplasie néphrogénique. Lesimites chirurgicales étaient saines. Il n’était pas retrouvé deanglion sur le hile rénal. La tumeur était limitée aux cavi-és pyélocalicielles, sans infiltration du parenchyme rénal,e la graisse périrénale ni du sinus. Une étude immuno-istochimique a été réalisée avec les anticorps anti-CK7Dako, 1/100), anti-CK20 (Dako, 1/100), anti-CDX2 (Bioge-ex, 1/100) et anti-ß-caténine (BD Biosciences, 1/500). Onbservait un marquage hétérogène avec l’anticorps anti-K20 et l’absence de marquage avec les anticorps anti-CK7,nti-CDX2 et anti-ß-caténine.

Après qu’une origine digestive ait été exclue par unexploration endoscopique haute et basse, le diagnostic’adénocarcinome de type intestinal primitif du bassinet,éveloppé au contact d’une lithiase coralliforme, a étéosé.

iscussion

es adénocarcinomes primitifs du bassinet sont rares eteprésentent moins de 1 % des tumeurs du rein [1]. La pre-ière description [2] date de 1946 et moins de 100 cas ont

té rapportés depuis [3]. L’âge moyen de découverte est de0 ans (extrêmes : 13 à 90 ans). L’inflammation chronique,es lithiases rénales et l’hydronéphrose sont des facteurs quiourraient être associés à ce type de tumeur [1,4,5]. Dif-érents types histologiques sont observés : adénocarcinomee type intestinal ou adénocarcinome de type mucineuxt un cas a été rapporté de carcinome adénosquameux6]. Les signes cliniques de découverte étaient non spéci-ques et liés à la lithiase et/ou l’infection, ce qui pouvaitasquer la tumeur. L’imagerie n’est pas toujours contri-utive au diagnostic [3]. Les métastases ganglionnaires ouiscérales sont le plus souvent absentes au moment duiagnostic. Le diagnostic différentiel avec une métastaseénale d’un adénocarcinome d’une autre origine, en par-iculier digestive, est à envisager en première hypothèse.ette distinction est nécessaire pour le pronostic et larise en charge thérapeutique. La plupart des métastasese situent dans le parenchyme rénal et la localisation pyé-ocalicielle d’un adénocarcinome d’origine colorectale est

udfé

C

L

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F. Renaud et al.

arissime, quatre cas sont décrits dans littérature [7]. Lesrguments pour éliminer une métastase sont cliniques par’absence d’antécédents néoplasiques et surtout un bilanndoscopique et d’imagerie négatif. Un long délai (supé-ieur à dix ans) entre la survenue d’un adénocarcinomet une métastase pyélocalicielle sans autres localisationsar ailleurs rend cette hypothèse peu probable [8]. Mor-hologiquement, la présence d’une zone de métaplasielandulaire au niveau de la zone de transition entre laumeur et l’urothélium sain est plutôt en faveur d’une ori-ine primitive sans éliminer cependant formellement uneétastase. L’étude immunohistochimique avec les cytoké-

atines 7 et 20 n’est pas discriminante [9]. D’autres anticorpsnt été proposés comme CDX2 et la ß-caténine, cependantDX2 peut être exprimé à la fois dans les adénocarcinomesrimitifs et secondaires des voies excrétrices urinaires [10].n revanche, le marquage nucléaire par la ß-caténine n’estamais observé dans les adénocarcinomes primitifs alorsu’il est présent dans 80 % des adénocarcinomes d’origineigestive [9].

Le pronostic des adénocarcinomes primitifs du bassi-et est discuté compte tenu du faible nombre de casécrits. Les adénocarcinomes mucineux restent confinés auassinet et les formes infiltrantes sont rares [3]. Les méca-ismes de carcinogenèse restent mal connus. L’urothéliumst capable de se modifier (métaplasie) en réponse à desgressions mécaniques et/ou inflammatoires. Les lithiasesyélocalicielles, souvent compliquées d’infections, sontlassiquement associées à une métaplasie malpighienne de’urothélium pouvant parfois conduire à un carcinome épi-ermoïde [1]. De même, une métaplasie de type glandulaireeut survenir en réponse à des agressions inflammatoirest mécaniques. Elle peut évoluer vers la dysplasie puis’adénocarcinome [1,5]. Elle est observée dans 50 % des cas’adénocarcinomes primitifs du bassinet rapportés dans laittérature [1]. L’association adénocarcinome et carcinomerothélial in situ a été décrite [8]. Dans cette situation,l pourrait s’agir en fait, d’un carcinome urothélial avecnflexion glandulaire comme cela est fréquemment observéu niveau de la vessie [11].

En conclusion, l’adénocarcinome primitif du bassinet estne entité rare qu’il faut savoir rechercher sur les piècese néphrectomie pour rein détruit par des lithiases coralli-ormes et dont le diagnostic préopératoire n’est pas toujoursvoqué.

onflit d’intérêt

es auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt à déclarer.

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Adénocarcinome de type intestinal primitif du bassinet

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