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Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à part Tessa Tabouret 1 , [TD$FIRSTNAME]Marion[TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Dhooge[TD$SURNAME.E] 1,2 , [TD$FIRSTNAME]Alexandre[TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Rouquette[TD$SURNAME.E] 3 , [TD$FIRSTNAME]Catherine[TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Brezault[TD$SURNAME.E] 1 , [TD$FIRSTNAME]Frédéric[TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Beuvon[TD$SURNAME.E] 3 , [TD$FIRSTNAME]Stanislas[TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Chaussade[TD$SURNAME.E] 1,2 , [TD$FIRSTNAME]Romain[TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Coriat[TD$SURNAME.E] 1,2 1. CHU Cochin Port-Royal, service de gastro-entérologie, 75014 Paris, France 2. Université Paris-DescartesSorbonne-Paris-Cité, faculté de médecine, APHP, 75006 Paris, France 3. CHU Cochin Port-Royal, service d’anatomopathologie, 75014 Paris, France Correspondance : Romain Coriat, CHU Cochin, service d’hépato-gastro-entérologie, 27, rue du faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France. [email protected] Disponible sur internet le : Le cancer gastrique est le cinquième cancer dans le monde. Aux États-Unis, 20 000 nouveau cas sont recensés tous les ans et il est responsable de plus de 10 500 morts par an [1]. En France, l’incidence est estimée à plus de 6000 cas par an. L’âge moyen de survenue est de 70 ans avec une prédominance masculine (sex- ratio 2,5). Depuis les années 1980, la prise en charge s’est améliorée mais reste médiocre avec une survie à 5 ans qui est passée de 17 % dans les années 1980 à 27 % en 2007. Malgré de récents progrès thérapeutiques, le cancer de l’estomac reste un cancer grave avec un mauvais pronostic. Il représente la deuxième cause de décès par cancer dans le monde. Il s’agit d’un adénocarcinome dans 95 % des cas et, dans 20 % des cas, il s’accompagne d’une surexpression du récepteur HER2. L’adénocarcinome à cellules indépendantes (ADCI) a longtemps été considéré comme un adénocarcinome gastrique et n’avait pas été identifié comme une entité à part. Au sein d’un adéno- carcinome, les cellules indépendantes sont fréquentes, de l’ordre de 8 à 25 % selon les études [2,3]. Elles correspondent à des cellules qui ont perdu leur propriété d’adhésion avec une perte Presse Med. 2014; //: /// ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Cancérologie/Gastro-entérologie 1 Mise au point Key points Gastric signet ring cell adenocarcinoma: A distinct entity Gastric signet ring cell carcinoma (GSRC) is a distinct entity. Their incidence is increasing. The pathologist plays a central role in the identification of this entity. Diagnosis is based on an adenocarcinoma containing a majority of signet ring cells (above 50 %). The prognosis of GSRC is the same as gastric adenocarcinoma while GSRC appeared more aggressive. Signet ring cells present a low sensitivity to chemotherapy. This review aimed to discuss the histological, the prognostic and the therapeutic aspect of this entity. Points essentiels L’adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes (ADCI) est une entité de cancer gastrique particulière. Son incidence est en augmentation. La place de l’anatomopathologiste est centrale dans l’identifi- cation de ces lésions. L’histologie correspond à un adénocarci- nome avec une composante de cellules indépendantes majoritaire (> 50 %). L’ADCI a le même pronostic que l’adénocarcinome gastrique mais apparaît plus agressif. Les cellules indépendantes ont une moindre sensibilité à la chimiothérapie. Cette mise au point a pour objectif de discuter des particularités histologiques, pronostiques et thérapeutiques de ce cancer. tome // >n8/ > / http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.024 LPM-2341 Pour citer cet article : Tabouret T et al., Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à part, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.024.

Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à part

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Page 1: Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à part

Presse Med. 2014; //: ///� 2013 Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

Cancérologie/Gastro-entérologie

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Pour citer cet article : Tabouret T et al., Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à part, Presse Med (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.024.

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Key points

Gastric signet ring cell adenoc

Gastric signet ring cell carcinomTheir incidence is increasing.The pathologist plays a central rentity. Diagnosis is based on anmajority of signet ring cells (abThe prognosis of GSRC is the samwhile GSRC appeared more aggrea low sensitivity to chemotheraThis review aimed to discuss thand the therapeutic aspect of th

tome // > n8/ > /http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.024

Adénocarcinome gastrique à cellulesindépendantes : une entité à part

Tessa Tabouret1, [TD$FIRSTNAME]Marion [TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Dhooge [TD$SURNAME.E]1,2, [TD$FIRSTNAME]Alexandre [TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Rouquette [TD$SURNAME.E]3, [TD$FIRSTNAME]Catherine[TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Brezault [TD$SURNAME.E]1,[TD$FIRSTNAME]Frédéric [TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Beuvon [TD$SURNAME.E]3, [TD$FIRSTNAME]Stanislas[TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Chaussade[TD$SURNAME.E]1,2, [TD$FIRSTNAME]Romain [TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME]Coriat [TD$SURNAME.E]1,2

1. CHU Cochin Port-Royal, service de gastro-entérologie, 75014 Paris, France2. Université Paris-Descartes–Sorbonne-Paris-Cité, faculté de médecine, AP–HP,

75006 Paris, France3. CHU Cochin Port-Royal, service d’anatomopathologie, 75014 Paris, France

Correspondance :Romain Coriat, CHU Cochin, service d’hépato-gastro-entérologie, 27, rue dufaubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, [email protected]

Disponible sur internet le :

arcinoma: A distinct entity

a (GSRC) is a distinct entity.

ole in the identification of thisadenocarcinoma containing aove 50 %).e as gastric adenocarcinomassive. Signet ring cells presentpy.e histological, the prognosticis entity.

Points essentiels

L’adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes (ADCI)est une entité de cancer gastrique particulière. Son incidenceest en augmentation.La place de l’anatomopathologiste est centrale dans l’identifi-cation de ces lésions. L’histologie correspond à un adénocarci-nome avec une composante de cellules indépendantesmajoritaire (> 50 %).L’ADCI a le même pronostic que l’adénocarcinome gastriquemais apparaît plus agressif. Les cellules indépendantes ont unemoindre sensibilité à la chimiothérapie.Cette mise au point a pour objectif de discuter des particularitéshistologiques, pronostiques et thérapeutiques de ce cancer.

Le cancer gastrique est le cinquième cancer dans le monde.Aux États-Unis, 20 000 nouveau cas sont recensés tous les ans et ilest responsable de plus de 10 500 morts par an [1]. En France,l’incidence est estimée à plus de 6000 cas par an. L’âge moyen desurvenue est de 70 ans avec une prédominance masculine (sex-ratio 2,5). Depuis les années 1980, la prise en charge s’estaméliorée mais reste médiocre avec une survie à 5 ans quiest passée de 17 % dans les années 1980 à 27 % en 2007.Malgré de récents progrès thérapeutiques, le cancer de l’estomac

reste un cancer grave avec un mauvais pronostic. Il représente ladeuxième cause de décès par cancer dans le monde. Il s’agit d’unadénocarcinome dans 95 % des cas et, dans 20 % des cas, ils’accompagne d’une surexpression du récepteur HER2.L’adénocarcinome à cellules indépendantes (ADCI) a longtempsété considéré comme un adénocarcinome gastrique et n’avaitpas été identifié comme une entité à part. Au sein d’un adéno-carcinome, les cellules indépendantes sont fréquentes, de l’ordrede 8 à 25 % selon les études [2,3]. Elles correspondent à descellules qui ont perdu leur propriété d’adhésion avec une perte

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Perte d’adhésion des cellules indépendantes

Pour citer cet article : Tabouret T et al., Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à part, Presse Med (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.024.

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d’expression du gène CDH1. La présence de quelques cellulesindépendantes au sein d’un adénocarcinome gastrique ne modi-fie pas la prise en charge. En revanche, une proportion supérieureà 50 % correspond à un ADCI. Sur le plan épidémiologique, parrapport à l’adénocarcinome gastrique, l’ADCI touche plus souventles femmes et à un âge plus jeune (âge médian au diagnostic :61,9 ans) [4]. Contrairement à l’adénocarcinome gastriqueretrouvé plus fréquemment dans le fundus ou le cardia, l’ADCIsiège préférentiellement dans l’antre et le corps de l’estomac. Deplus, il peut être lié à une prédisposition génétique chez lesporteurs de la mutation du gène CDH1 codant pour la E-cadhé-rine.L’ADCI apparaît comme une entité à part et pourrait avoir descaractéristiques d’agressivité propres. Dans cette revue, nousaborderons les particularités anatomopathologiques, pronosti-ques et thérapeutiques de l’ADCI.

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Figure 2

Aspect anatomopathologique d’ADCI avec plus de 50 % de cellules i

Classifications anatomopathologiquesLe diagnostic d’ADCI repose sur l’analyse anatomopatholo-gique, car cliniquement ou endoscopiquement, ce cancer neprésente pas de particularités permettant de le différencier del’adénocarcinome gastrique. Il existe différentes classificationsanatomopathologiques définissant les adénocarcinomes gas-triques. L’une des plus anciennes, celle de Lauren, distingueplusieurs types : intestinal, diffus et indéterminé. L’ADCI,comme la linite gastrique, fait partie du type diffus [5]. Uneautre classification, japonaise, sépare les adénocarcinomesgastriques en deux groupes : différenciés et indifférenciés[6]. Les cancers bien différenciés, les moyennement différen-ciés et les adénocarcinomes papillaires forment le groupe descancers « différenciés ». Le groupe des « indifférenciés » intègrel’adénocarcinome peu différencié et l’ADCI [7]. Plus récem-ment, la classification OMS a permis de définir plusieurs typesde tumeur gastrique : l’adénocarcinome papillaire, l’adénocar-cinome tubuleux, l’adénocarcinome mucineux, le carcinomemixte, l’ADCI, et des variantes histologiques rares (adéno-squameux, carcinome squameux, hépatoïde, carcinome àstroma lymphoïde et carcinome indifférencié) [4,8].Les cellules indépendantes sont des cellules mucosécrétantesayant perdu leur capacité d’adhésion (figure 1). Elles sontégalement appelées cellules en « bague à chaton ». Ellessont riches en mucine, colorées par le PAS et le bleu Alcian.Leur cytoplasme est clair et repousse le noyau en périphérie.L’ADCI est défini comme un adénocarcinome gastrique avec uncontingent prédominant, de plus de 50 %, de cellules indé-pendantes (figure 2). Celles-ci sont isolées ou regroupées enpetit amas. Lorsque l’infiltration tumorale pariétale est pro-fonde, elle induit une forte réaction stromale fibreuse réalisantun aspect de « linite ».

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Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à partCancérologie/Gastro-entérologie

Sur le plan génétique, les mutations du gène CDH1 augmententle risque d’ADCI. Ce gène code pour des protéines d’adhésion,les E-cadhérines. En cas de mutation, l’atteinte des E-cadhéri-nes provoque une perte de l’adhésion cellulaire et facilitel’initiation d’une diffusion cellulaire [9]. Ces mutations peuventapparaître au cours de la cancérisation, mais il existe aussi desmutations constitutionnelles du gène CDH1 favorisant desformes familiales d’ADCI.Ces nouvelles classifications, prenant notamment en compte laquantité de cellules indépendantes (> 50 %), permet unemeilleure identification de cette entité et devrait permettreune meilleure compréhension du rôle pronostique des cellulesindépendantes dans l’adénocarcinome gastrique.

PronosticLes caractéristiques histologiques de l’ADCI ont longtemps faitconsidérer cette entité comme des lésions de plus mauvaispronostic que les cancers gastriques [10]. Récemment, Tagavhiet al. ont montré, sur une large cohorte de 10 246 patientsayant un adénocarcinome gastrique, qu’à stade égal, le pro-nostic de l’adénocarcinome gastrique avec cellules indépen-dantes était identique à celui des adénocarcinomes gastriquessans cellules indépendantes [4]. Cette étude rétrospective deregistre portant sur un grand nombre de cas ne prend malheu-reusement pas en compte la nouvelle classification des ADCI etne précise pas le contingent de cellules indépendantes afin depréciser réellement le pronostic des ADCI [7,11,12]. Si laprésence de cellules indépendantes n’est pas identifiéecomme un facteur de mauvais pronostic, l’étude de Taghaviet al. a exclu les tumeurs gastriques limitées à la muqueuse enraison d’une absence de données. Dans ces tumeurs T1 ou « earlygastric cancer », la présence de cellules indépendantes sembleau contraire être un facteur de bon pronostic [13–16]. Lestumeurs T1 ont, dans ce cas, un aspect souvent déprimé,classé IIa-IIc selon la classification endoscopique de Paris [17].Si l’étude de Tagavhi et al. n’identifie pas la présence de cellulesindépendantes dans les tumeurs gastriques comme un critère demauvais pronostic, elle met en évidence une plus grande agres-sivité tumorale avec une plus grande proportion de stade avancé.Un ADCI à un stade tumoral égal et avec un curage ganglionnaireéquivalent aura plus fréquemment un envahissement lympha-tique et une résection chirurgicale incomplète que l’adénocarci-nome gastrique [4]. Pour cela, même si cette étude comporteplusieurs biais en raison de l’absence d’informations sur laquantité de cellules indépendantes, les ADCI sont considéréscomme des tumeurs gastriquesplus agressives et font proposer àcertaines équipes un traitement spécifique pour cette entité.Ainsi, l’ADCI est un type de cancer gastrique ayant un pronosticsimilaire voir meilleur à un stade précoce mais il présente uncaractère plus agressif que l’adénocarcinome gastrique avec unplus grand risque d’envahissement ganglionnaire ou de carci-nose à un stade avancé.

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TraitementLe traitement de l’adénocarcinome gastrique a fait l’objet deplusieurs recommandations et nécessite une prise en chargemédico-chirurgicale.Le traitement curatif repose sur la chirurgie. La résection pro-posée dépend de la localisation tumorale [18]. En cas de lésionde l’antre, une gastrectomie des 4/5 avec anastomose gastro-jéjunale est indiquée [19,20]. Pour les autres localisations, onréalise une gastrectomie totale avec une anse grêle montée enY [18]. La gastrectomie est associée à un curage ganglionnairedit « D1,5 », sans splénopancréatectomie [21]. Le curage doitramener au minimum 15 ganglions. Depuis 2006, Cunninghamet al. ont confirmé l’intérêt d’un traitement péri-opératoiredans les tumeurs résécables [22]. Le schéma actuellementrecommandé dans les lésions résécables de l’estomaccomprend une chimiothérapie néo-adjuvante et adjuvantepar épirubicine, cisplatine et 5-fluorouracile. Cette associationréalisée en péri-opératoire permet une amélioration significa-tive de la survie sans récidive et de la survie globale par rapportaux patients traités exclusivement par chirurgie (survie globaleà 5 ans : 36,3 % versus 23 %). La survie globale médiane passeainsi de 27 mois avec la chirurgie seule à 36 mois avec lachimiothérapie péri-opératoire [22]. Dès lors, cette stratégieest considérée comme le traitement de référence. Or dans cetteétude, aucune information sur la présence de cellules indé-pendantes n’a été communiquée.

Sur le plan oncologique

À ce jour, aucune étude n’a spécifiquement évalué la chimio-sensibilité des cellules indépendantes. Plusieurs donnéesconcernant les ADCI et extraites des études sur les adénocarci-nomes gastriques suggèrent une chimiorésistance. En effet,deux études identifiant spécifiquement les vrais ADCI ontretrouvé un taux de réponse aux chimiothérapies étudiéesplus faible dans les ADCI que dans l’adénocarcinome gastrique(65 versus 16 % [23] et 83 versus 22 % [24]). Ces résultats nesont extraits que d’analyses de sous-groupes sur de petitseffectifs de moins de 30 patients et doivent donc être confirmésà plus grande échelle. Néanmoins, l’hypothèse évoquée decette chimiorésistance serait la présence de la vacuole demucus intra-cytoplasmique qui diminuerait l’effet cytotoxiqueet cytostatique de la chimiothérapie [11].Plus récemment, une étude rétrospective multicentrique fra-nçaise regroupant 924 cas d’ADCI a comparé la chimiothérapiepéri-opératoire et la chirurgie première. Messager et al. obser-vaient une absence de bénéfice de la chimiothérapie en raison del’absence d’une réponse tumorale permettant un « down-

staging »ou un«down-sizing»de la tumeur et des adénopathieslymphatiques afin d’augmenter le taux de résection R0 [11]. Demême, dans cette étude rétrospective, aucun bénéfice sur ladiminution du risque de récidive n’a été constaté. Messager et al.retrouve ainsi une survie à deux ans de 26 % dans le groupe

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Pour citer cet article : Tabouret T et al., Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à part, Presse Med (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.024.

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chirurgie première versus 24 % dans le groupe chimiothérapiepuis chirurgie. Cette étude présente certainsbiais, notamment desélection, avec un choix de traitement laissé à la discrétion del’investigateur. Il existait également une hétérogénéité deschimiothérapies proposées. En revanche, il est intéressant denoter dans cet essai, des taux équivalents de résection dans lesdeux groupes (95 % versus 93 %) suggérant que la chimio-thérapie néo-adjuvante dans cette indication ne diminuait pas letaux de résection.Ces données intéressantes plaident pour une possible moindrevoire non-efficacité de la chimiothérapie spécifiquement dansl’ADCI et nécessitent d’être validées à plus grande échelle. D’icilà, les recommandations du référentiel de cancérologie diges-tive de la fédération francophone de cancérologie digestiveproposent toujours une chimiothérapie péri-opératoire dans lesadénocarcinomes gastriques, avec ou sans cellules indépen-dantes, opérables non métastatiques dès le stade IA [21].

Stratégie chirurgicale

La prise en charge chirurgicale est bien codifiée, elle se rapprochede celle des adénocarcinomes gastriques mais en diffère parcertains points. Le premier temps opératoire comprend unecoelioscopie exploratrice à la recherche d’une carcinose périto-néale, sachant que celle-ci est plus fréquente dans les ADCI et queles examens radiologiques sont peu sensibles pour l’identifier(sensibilité de 47,5) [25]. À la différence de l’adénocarcinomegastrique, il est toujours proposé une gastrectomie totale avec unexamen extemporané des marges. En cas d’envahissement desmarges, une résection complémentaire est réalisée car dans lesADCI le taux d’envahissement des marges distales et proximalesest compris entre 10 et 20 % [11]. La gastrectomie totale estassociée à un curage lymphatique étendu qui doit emporter aumoins 15 ganglions, préserver la rate et la queue du pancréas. Cetype de curage (dit D1,5) a une meilleure morbi-mortalité que lescurages D2 [21,26].En cas de carcinose péritonéale localisée, à la différence del’adénocarcinome gastrique, il n’est pas recommandé de réali-ser de résection palliative car elle n’a aucun impact sur la surviesans récidive et la survie globale [27]. Les facteurs prédictifs derécidive sous la forme d’une carcinose péritonéale sont laprésence d’une linite, l’atteinte de la séreuse, l’atteinte gan-glionnaire et une cytologie péritonéale positive [28].

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En raison de la perte de l’adhésion des cellules, l’ADCI a deuxparticularités. D’une part, la question d’une résection endos-copique se pose lorsque la tumeur est diagnostiquée à un stadeprécoce. Ainsi, Tong et al. ont confirmé la place d’une résectionendoscopique dans les ADCI diagnostiqués à un stade précoce,compte tenu de leur meilleur pronostic [29]. D’autre part, enraison de l’agressivité des ADCI dès le franchissement de lamuqueuse, une gastrectomie totale préventive est recom-mandée dès l’âge de 20 ans chez les patients sains maisayant une mutation CDH1 avec des antécédents familiaux decancers gastriques diffus héréditaires.

Approche médico-chirurgicale

La prise en charge des ADCI est principalement basée sur desdonnées limitées et rétrospectives ou extrapolées des étudessur les adénocarcinomes gastriques. Pour cela, une décisioncollégiale en réunion de concertation pluridisciplinaire estindispensable. Elle permet de discuter la place de la chimio-thérapie en préopératoire et celle de la chirurgie, afin deproposer la meilleure stratégie médico-chirurgicale. Actuelle-ment, en dehors de quelques cas particuliers nécessitant unechirurgie première (occlusion, hémorragie. . .), les recomman-dations du référentiel d’oncologie digestive considèrent, dansles adénocarcinomes gastriques et les ADCI, la chimiothérapiepéri-opératoire comme le traitement de référence. Une étudemulticentrique évaluant spécifiquement les ADCI devrait êtremise en place dans les prochains mois afin d’évaluer l’intérêt dela chirurgie en première intention dans les ces tumeurs.

ConclusionL’incidence de l’ADCI augmente ces dernières années. La nou-velle classification anatomopathologique va permettre de mieuxidentifier cette entité. Leur pronostic est équivalent à celui desadénocarcinomes gastriques, voire meilleur dans les stadesprécoces. En revanche, l’ADCI est une lésion avec un potentield’agressivité supérieur à celui des adénocarcinomes gastriques.Le traitement actuellement recommandé reste la chimiothérapiepéri-opératoire associée à une gastrectomie totale. Dans le futur,des études prospectives dédiées à l’ADCI sont nécessaires afind’évaluer la place de la chimiothérapie.

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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Tabouret T et al., Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à part, Presse Med (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.024.

Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : une entité à partCancérologie/Gastro-entérologie

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