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En l'affaire B. contre Autriche*, _______________ * Note du greffe: L'affaire porte le n° 8/1989/168/224. Les deux premiers chiffres désignent son rang dans l'année d'introduction, les deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes. _______________ La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit: MM. J. Cremona, président, Thór Vilhjálmsson, F. Matscher, B. Walsh, Sir Vincent Evans, M. C. Russo, Mme E. Palm, ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint, Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 25 novembre 1989 et 23 février 1990, Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date: PROCEDURE 1. L'affaire a été portée devant la Cour par la Commission européenne des Droits de l'Homme ("la Commission") le 16 mars 1989, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 11968/86) dirigée contre la République d'Autriche et dont un ressortissant de cet Etat, M. B., avait saisi la Commission le 10 janvier 1986 en vertu de l'article 25 (art. 25). La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration autrichienne reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences des articles 5 § 3 et 6 § 1 (art. 5-3, art. 6-1). 2. En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 § 3 d) du règlement, le requérant a manifesté le désir de participer à l'instance et a nommé son conseil (article 30). 3. La chambre à constituer comprenait de plein droit M. F. Matscher, juge élu de nationalité autrichienne (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 § 3 b) du règlement). Le 30 mars 1989, celui-ci en a désigné par tirage au sort les cinq autres membres, à savoir M. J. Cremona, M. L.-E. Pettiti, Sir Vincent Evans, M. C. Russo et M. J.A. Carrillo Salcedo, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 4 du règlement) (art. 43). Ultérieurement, Mme E. Palm, M. B. Walsh et M. Thór Vilhjálmsson, suppléants, ont remplacé respectivement MM. Ryssdal et Pettiti, empêchés, et M. Carrillo Salcedo que le président avait dispensé de siéger (article 24 §§ 1 et 5 du règlement).

Affaire b. c. Autriche

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  • En l'affaire B. contre Autriche*, _______________ * Note du greffe: L'affaire porte le n 8/1989/168/224. Les deux premiers chiffres dsignent son rang dans l'anne d'introduction, les deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requtes initiales ( la Commission) correspondantes. _______________ La Cour europenne des Droits de l'Homme, constitue, conformment l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Liberts fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son rglement, en une chambre compose des juges dont le nom suit: MM. J. Cremona, prsident, Thr Vilhjlmsson, F. Matscher, B. Walsh, Sir Vincent Evans, M. C. Russo, Mme E. Palm, ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint, Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil les 25 novembre 1989 et 23 fvrier 1990, Rend l'arrt que voici, adopt cette dernire date: PROCEDURE 1. L'affaire a t porte devant la Cour par la Commission europenne des Droits de l'Homme ("la Commission") le 16 mars 1989, dans le dlai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requte (n 11968/86) dirige contre la Rpublique d'Autriche et dont un ressortissant de cet Etat, M. B., avait saisi la Commission le 10 janvier 1986 en vertu de l'article 25 (art. 25). La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu' la dclaration autrichienne reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d'obtenir une dcision sur le point de savoir si les faits de la cause rvlent un manquement de l'Etat dfendeur aux exigences des articles 5 3 et 6 1 (art. 5-3, art. 6-1). 2. En rponse l'invitation prvue l'article 33 3 d) du rglement, le requrant a manifest le dsir de participer l'instance et a nomm son conseil (article 30). 3. La chambre constituer comprenait de plein droit M. F. Matscher, juge lu de nationalit autrichienne (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, prsident de la Cour (article 21 3 b) du rglement). Le 30 mars 1989, celui-ci en a dsign par tirage au sort les cinq autres membres, savoir M. J. Cremona, M. L.-E. Pettiti, Sir Vincent Evans, M. C. Russo et M. J.A. Carrillo Salcedo, en prsence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 4 du rglement) (art. 43). Ultrieurement, Mme E. Palm, M. B. Walsh et M. Thr Vilhjlmsson, supplants, ont remplac respectivement MM. Ryssdal et Pettiti, empchs, et M. Carrillo Salcedo que le prsident avait dispens de siger (article 24 1 et 5 du rglement).

  • 4. M. Cremona, vice-prsident de la Cour, a assum la prsidence de la Chambre en vertu de l'article 21 3 b) et 5 du rglement. Aprs avoir consult, par l'intermdiaire du greffier adjoint, l'agent du gouvernement autrichien ("le Gouvernement"), le dlgu de la Commission et le conseil du requrant (articles 37 1 et 38), il a dcid, le 13 octobre 1989, qu'il n'y avait pas lieu ce stade de prvoir le dpt de mmoires et que la procdure orale s'ouvrirait le 20 novembre 1989. La veille, il avait autoris le conseil du requrant plaider en allemand (article 27 3). 5. Les dbats se sont drouls en public le jour dit, au Palais des Droits de l'Homme Strasbourg. La Cour avait tenu immdiatement auparavant une runion prparatoire. Ont comparu: - pour le Gouvernement M. W. Okresek, de la Chancellerie fdrale, agent; Mme I. Gartner, du ministre de la Justice, M. S. Hammer, du ministre des Affaires trangres, conseils; - pour la Commission M. E. Busuttil, dlgu; - pour le requrant Me G. Stanonik, avocat, conseil. La Cour les a entendus en leurs dclarations ainsi qu'en leurs rponses ses questions. 6. Lors des audiences, puis diverses dates allant de celles-ci au 4 janvier 1990, les comparants ont dpos de nombreux documents et leurs observations sur l'application de l'article 50 (art. 50) de la Convention. 7. Par une lettre reue au greffe le 18 dcembre 1989, le requrant a exprim le dsir que son nom ne figure pas dans l'arrt. Consults, l'agent du Gouvernement et le dlgu de la Commission n'ont pas soulev d'objections. Aprs en avoir dlibr, la Cour a dcid le 23 fvrier 1990 d'accueillir la demande. EN FAIT I. Les circonstances de l'espce 8. Citoyen autrichien, M. B. rsidait Innsbruck avant le 1er juillet 1980 et y exerait la profession d'agent d'assurances. En 1979, sa femme et lui crrent ou achetrent, selon le cas, plusieurs socits en Autriche, au Liechtenstein et en Suisse. De l'automne de cette anne la fin de 1980, il travailla comme conseil financier et recueillit auprs de certaines personnes des sommes avoisinant les 10.000.000 schillings autrichiens, qu'il prtendait investir de manire procurer aux intresss un rendement de 17 35 %. Il en transfra une grande partie en Rpublique fdrale d'Allemagne et en Suisse et s'en servit pour les besoins de ses propres socits. 1. Les poursuites pnales 9. Le 26 juin 1980, la police informa le parquet de Salzbourg des soupons pesant sur le requrant. Le 30, le tribunal rgional

  • (Landesgericht) de la mme ville ordonna une perquisition dans l'appartement et les bureaux d'une socit de M. B. Celui-ci se vit arrter ds le lendemain 1er juillet, sur quoi des poursuites pnales furent engages contre lui. Aprs l'avoir interrog le 3, le tribunal dcida de prolonger la dtention provisoire (Untersuchungshaft) en vertu de l'article 180 1 et 2, alinas 1 3, du code de procdure pnale (paragraphes 19 et 25 ci-dessous). 10. Une fois l'instruction acheve le 8 mai 1981, l'acte d'accusation, long de dix-sept pages, fut communiqu au requrant le 27 mai; il devint dfinitif le 21 juin 1981 aprs le rejet de son recours par la cour d'appel (Oberlandesgericht) de Linz. Il lui reprochait des actes ou tentatives, selon le cas, d'escroquerie qualifie et commise en professionnel (gewerbsmssiger schwerer Betrug), au sens des articles 146 et 147 3 du code pnal, ainsi que diverses infractions la lgislation sur le contrle des changes. Le dossier comprenait treize volumes, dont plus d'une centaine de pages d'expertises; il fallait y ajouter trente volumes de documents. 11. Le procs (Hauptverhandlung) dura plusieurs jours, au cours desquels dposrent trente tmoins. Ouverts le 9 novembre 1981, les dbats furent suspendus le 12, aux fins d'un complment d'instruction demand notamment par l'accus; ils ne reprirent que le 15 novembre 1982. Le compte rendu totalisait 357 pages. Le 16 novembre, le tribunal condamna M. B. huit ans d'emprisonnement, la priode de dtention provisoire devant s'imputer sur la peine. Il le reconnaissait coupable de vingt-quatre crimes (Verbrechen) d'escroquerie qualifie et commise en professionnel pour des montants allant de 10.000 1.000.000 schillings, ainsi que de sept infractions la lgislation sur le contrle des changes. Le prsident exposa succinctement les motifs de cette dcision. L'accus exprima aussitt l'intention d'introduire un pourvoi en cassation doubl d'un appel (Nichtigkeitsbeschwerde et Berufung, paragraphe 30 ci-dessous). Il fut reconduit en dtention provisoire. 2. La rdaction du jugement 12. Selon l'article 270 du code de procdure pnale, la rdaction du jugement doit avoir lieu dans les quatorze jours (paragraphe 29 ci-dessous). Elle chut en l'espce au juge M.; il ne l'acheva qu'en aot 1985 (paragraphe 15 ci-dessous). 13. Ds le dbut de 1983, l'autorit hirarchique prit des dispositions pour contrler le travail de ce magistrat et le pria de fournir un relev dtaill de toutes les affaires en instance devant lui. A partir du 1er juin il bnficia d'un allgement de sa tche - sur le volume de laquelle le Gouvernement a fourni la Cour des indications dtailles -, mais comme le jugement n'avait toujours pas t rdig le procureur gnral de Linz requit, le 6 fvrier 1984, l'adoption de mesures disciplinaires. Le 4 mars 1984, la cour d'appel de Linz, statuant comme juridiction disciplinaire, adressa audit juge une admonestation (Ermahnung), titre de sanction administrative, pour le retard apport tablir le texte du jugement (Urteilsausfertigung). M. essaya de se disculper en invoquant un excs de travail, des problmes personnels - notamment la mort de son pre et une grave opration chirurgicale pratique sur son fils - et le soin avec lequel il rdigeait ses dcisions. 14. Le texte en question n'tant toujours pas prt, la cour d'appel de Linz dcida, le 15 mai 1985, d'engager une nouvelle procdure disciplinaire contre M. Le 1er juillet 1986, celui-ci se vit

  • priver d'avancement pendant deux ans. Il saisit la Cour Suprme, qui le dbouta le 27 octobre 1986. Entre temps, le Personalsenat du tribunal rgional de Salzbourg avait rsolu, le 4 juin 1985, de ne plus lui confier de nouveaux dossiers, afin de lui permettre de liquider son arrir. 15. Le 28 aot 1985, le jugement du tribunal rgional de Salzbourg fut communiqu par crit au requrant, qui l'avait rclam le 5 juin en mme temps qu'il sollicitait son largissement sous caution (paragraphe 23 ci-dessous). Long de 126 pages, il constatait que l'accus avait, en quarante-deux occasions, obtenu frauduleusement de vingt-cinq personnes rsidant dans diverses villes autrichiennes un total d'environ 10.000.000 schillings. Une large part de ces fonds avait t transfre en Rpublique fdrale d'Allemagne et en Suisse, de sorte qu'il y avait eu aussi violation de la lgislation sur le contrle des changes sept reprises et pour un montant de 8.500.000 schillings. En revanche, le tribunal acquittait le requrant pour le surplus. Le jugement relatait ensuite les faits de la cause (paragraphe 8 ci-dessus) et analysait en dtail les diverses infractions releves. 3. La procdure devant la Cour Suprme 16. Dans le dlai lgal de quatorze jours, M. B. forma un pourvoi en cassation auprs de la Cour Suprme (Oberster Gerichtshof); il reprochait au tribunal de n'avoir pas tenu compte de la rcusation d'un expert ni de ses nombreuses offres de preuve. Il interjeta en mme temps appel en raison du taux, excessif selon lui, de la peine prononce. 17. Le 14 novembre 1985 la Cour Suprme dclara le pourvoi non fond, mais le 19 dcembre 1985 elle accueillit l'appel et rduisit la peine six ans d'emprisonnement au lieu de huit. 4. La dtention provisoire 18. Au regard du droit autrichien, le requrant demeura en dtention provisoire depuis le 1er juillet 1980, date de son arrestation (paragraphe 9 ci-dessus), jusqu' sa condamnation dfinitive le 19 dcembre 1985 (articles 397, 284 3 et 294 1 du code de procdure pnale - paragraphe 28 ci-dessous). 19. Le tribunal rgional de Salzbourg ordonna une premire fois son maintien en dtention le 3 juillet 1980, en vertu de l'article 180 1 et 2, alinas 1 3, du code de procdure pnale (paragraphe 25 ci-dessous). Il fondait sa dcision sur les dangers de fuite (Fluchtgefahr), de collusion (Verdunkelungsgefahr) et de rptition des infractions (Wiederholungsgefahr): l'intress pouvait craindre une lourde peine privative de libert, avait de bons contacts l'tranger, risquait aussi d'entraver la marche de l'enqute et, dj emprisonn jadis pour des faits similaires, avait rcidiv. 20. Le 10 septembre 1980, la chambre du conseil (Ratskammer) du tribunal examina d'office les motifs de la dtention, conformment l'article 194 3 du code de procdure pnale (paragraphe 27 ci-dessous). A l'audience (Haftprfungsverhandlung), le requrant rclama son largissement, mais en vain: la chambre du conseil estima qu'il y avait danger de fuite, l'accus n'tant pas bien intgr socialement, ayant de bons contacts l'tranger et pouvant s'attendre une peine leve; elle ajouta qu'il risquait de rcidiver car, condamn antrieurement pour des faits similaires, il avait commis de nouvelles infractions aprs sa libration le 9 mars 1979. En revanche, elle carta le danger de collusion, l'enqute ayant suffisamment progress au cours des deux mois qu'avait dj dur la

  • dtention provisoire. Tout bien pes, elle considra que les buts de la dtention ne pouvaient tre atteints par des mesures moins strictes. Appel comparatre devant le juge le 15 octobre, M. B. dclara ne pas vouloir se justifier jusqu'au moment o son conseil aurait soumis au tribunal, sous la forme d'un mmoire accompagn d'une demande d'largissement, l'ensemble des lments dcharge. 21. Le 5 janvier 1981, la cour d'appel de Linz dcida de prolonger d'un an la dtention provisoire, en vertu de l'article 193 2 du code de procdure pnale (paragraphe 26 ci-dessous): l'instruction tait trs complexe, en raison du grand nombre des faits incrimins, et une enqute se trouvait en cours l'tranger pour tirer au clair la destination des fonds transfrs en Suisse. Le 15 avril, lors d'une nouvelle comparution devant le juge, le requrant ritra ses dclarations du 15 octobre 1980. Il ne ressort pas du dossier qu'il ait prsent une demande d'largissement jusqu'en 1985 (paragraphe 22 ci-dessous). A partir du 21 juin 1981, date laquelle la mise en accusation devint dfinitive, la dtention provisoire ne fut plus assujettie une quelconque limitation de dure, ni un contrle priodique exerc d'office par un tribunal (article 193 2 du code de procdure pnale, paragraphe 26 ci-dessous). 22. Le 19 mai 1985, M. B. saisit la chambre du conseil du tribunal rgional de Salzbourg d'une demande d'largissement, mais il la retira le 4 juin aprs avoir consult son avocat, faute de parvenir fournir un cautionnement. 23. Il la ritra ds le lendemain, en offrant une garantie de 250.000 schillings; il affirmait que sa dtention ne se justifiait plus, puisque sa femme et leur enfant vivaient Salzbourg o sa formation lui permettrait de se procurer du travail. La chambre du conseil accueillit la demande le 17 juillet 1985. Elle rappelait que la condamnation n'avait pas encore acquis force de chose juge. Quant aux motifs de la dtention provisoire (paragraphe 25 ci-dessous, article 180 du code de procdure pnale), le danger de rptition des infractions se trouvait considrablement rduit par la dure de l'incarcration, longue dj de cinq ans, mais on ne pouvait compltement exclure le risque de fuite: de son propre aveu, le requrant avait dpos dans une banque de Zurich pour environ 10.000.000 schillings de lingots d'argent et il avait des relations l'tranger. Ledit risque pouvait cependant tre limin par le versement d'une caution, dont la chambre du conseil fixa le montant 2.000.000 schillings eu gard aux consquences des actes imputs l'accus. 24. Saisie par le parquet et l'intress, la cour d'appel de Linz confirma la dcision le 14 aot 1985; M. B. demeura nanmoins en prison car il n'arriva pas runir les fonds ncessaires. II. La lgislation nationale applicable 1. Dtention provisoire 25. L'article 180 1 et 2 du code de procdure pnale permet de placer une personne en dtention provisoire - s'il existe des raisons srieuses de la souponner d'avoir commis une infraction pnale - en cas de danger de fuite, de collusion ou de rptition des infractions. 26. D'aprs l'article 193, la dtention ne peut durer plus de deux mois si elle ne repose que sur le danger de collusion, ni plus de six

  • dans les autres hypothses. La juridiction de deuxime instance peut cependant, si le juge d'instruction ou le ministre public l'y invitent et si la difficult ou l'ampleur de l'enqute l'exigent, la prolonger jusqu' un maximum de trois mois dans le premier cas et, dans le second, d'un an, ou mme de deux si la peine encourue atteint ou dpasse dix ans. Jusqu'au 30 juin 1983, la dtention provisoire fonde sur un motif autre que le seul danger de collusion chappait toute limite de dure partir de la mise en accusation dfinitive ou de l'ordonnance fixant la date de l'ouverture du procs; depuis lors, les dlais mentionns plus haut cessent de courir aussitt que commencent les dbats. L'accus pouvait et peut tout moment prsenter une demande d'largissement (article 194 2). 27. Selon les articles 194 et 195, pareille demande et tout recours contre une dcision prolongeant la dtention sont examins par la chambre du conseil en audience non publique, en prsence du prvenu ou de son avocat. A dfaut d'une telle initiative de l'intress, la dtention fait l'objet d'un contrle d'office quand elle a dur deux mois ou que trois mois se sont couls depuis la dernire audience et que le prvenu n'a pas d'avocat. La mise dfinitive en accusation ou la fixation de la date d'ouverture du procs entranent la suppression des audiences de contrle; les dcisions sur le maintien en dtention incombent la chambre du conseil sigeant huis clos (article 194 4). 28. La dtention provisoire prend fin au plus tard au moment o le condamn commence purger sa peine, sur la dure de laquelle elle s'impute (article 38 du code pnal). Lorsqu'il exerce un recours auquel la loi reconnat un effet suspensif - par exemple un pourvoi en cassation (article 284 3) ou un appel relatif au taux de la peine (article 294 1) -, il demeure en dtention provisoire jusqu' la dcision dfinitive (article 397). 2. Jugement de premire instance et recours 29. Aux termes de l'article 270 1 du code de procdure pnale, le jugement "doit tre mis sous forme crite dans les quatorze jours qui suivent la date du prononc, et sign par le prsident et le greffier". Selon la doctrine et la pratique autrichiennes, il ne se trouve pas entach de nullit en cas d'inobservation de ce dlai. 30. Il peut tre attaqu au moyen d'un pourvoi en cassation, d'un appel - relatif au taux de la peine ou de la rparation alloue - ou des deux (articles 280 et suivants). La dclaration de recours, formuler dans les trois jours du prononc (articles 284 1 et 294 1), jouit en principe d'un effet suspensif immdiat (articles 284 3 et 294 1). Quant aux motifs, il faut les dposer au tribunal dans les quatorze jours qui suivent soit ladite dclaration, soit la notification du jugement si elle n'a lieu qu'aprs (articles 285 1 et 294 2). PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION 31. Dans sa requte du 10 janvier 1986 (n 11968/86), M. B. se plaignait de la dure tant de sa dtention provisoire que de la procdure pnale intente contre lui devant le tribunal rgional de Salzbourg; il invoquait les articles 5 3 et 6 1 (art. 5-3, art. 6-1) de la Convention. La Commission a retenu la requte le 7 mai 1987. Dans son rapport du 14 dcembre 1988 (article 31) (art. 31), elle exprime l'opinion

  • qu'il y a eu violation de l'article 6 1 (art. 6-1) (unanimit), mais non de l'article 5 3 (art. 5-3) (onze voix contre cinq). Le texte intgral de son avis et de l'opinion spare dont il s'accompagne figure en annexe au prsent arrt*. _______________ * Note du greffe: Pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'dition imprime (volume 175 de la srie A des publications de la Cour), mais chacun peut se le procurer auprs du greffe. _______________ CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR 32. A l'audience du 20 novembre 1989, le requrant a demand la Cour de condamner la Rpublique d'Autriche pour infraction aux articles 5 3 et 6 1 (art. 5-3, art. 6-1). De son ct, le Gouvernement l'a invite constater l'absence de pareil manquement. EN DROIT I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ARTICLE 5 3 (art. 5-3) 33. D'aprs l'article 5 3 (art. 5-3), "Toute personne arrte ou dtenue, dans les conditions prvues au paragraphe 1 c) du prsent article (art. 5-1-c), (...) a le droit d'tre juge dans un dlai raisonnable, ou libre pendant la procdure. La mise en libert peut tre subordonne une garantie assurant la comparution de l'intress l'audience." Le requrant prtend que la dure de sa dtention provisoire a mconnu ce texte, allgation combattue par le Gouvernement et rejete par la Commission. A. Priode prendre en considration 34. Le point de dpart de la priode considrer n'a pas prt controverse; il s'agit du 1er juillet 1980, jour de l'arrestation du requrant (paragraphe 9 ci-dessus). 35. Le terme exact de ladite priode, en revanche, a donn lieu contestation. D'aprs le Gouvernement et la Commission dans sa majorit, elle s'achve le 16 novembre 1982, avec le prononc du jugement de premire instance (paragraphe 11 ci-dessus). Pour le requrant au contraire, sa dtention provisoire a dur jusqu'au 19 dcembre 1985, date de l'arrt de la Cour Suprme (paragraphe 17 ci-dessus) et donc de sa condamnation dfinitive; une minorit de la Commission souscrit cette thse. 36. Dans son arrt Wemhoff du 27 juin 1968, la Cour a jug qu'une "personne condamne en premire instance, qu'elle ait ou non t dtenue jusqu' ce moment, se trouve dans le cas prvu l'article 5 1 a) (art. 5-1-a)", qui "autorise la privation de libert des personnes 'aprs condamnation'"; "ces derniers mots ne peuvent tre interprts comme se limitant l'hypothse d'une condamnation dfinitive": on ne saurait oublier "que la culpabilit d'une personne dtenue pendant la procdure d'appel ou de cassation, a t tablie au cours d'un procs qui s'est droul conformment aux exigences de l'article 6 (art. 6)" (srie A n 7, pp. 23-24, 9). L'article 5 3 (art. 5-3) s'appliquant uniquement dans la situation

  • envisage l'article 5 1 c) (art. 5-1-c), avec lequel il forme un tout (voir, en dernier lieu, l'arrt Ciulla du 22 fvrier 1989, srie A n 148, p. 16, 38), cette jurisprudence incite fixer au 16 novembre 1982 la fin de la priode en question. 37. Selon la minorit de la Commission, la Cour devrait la rexaminer la lumire de son interprtation ultrieure de la porte de l'article 5 1 a) (art. 5-1-a) dans les arrts Van Droogenbroeck du 24 juin 1982 (srie A n 50) et Monnell et Morris du 2 mars 1987 (srie A n 115). La dtention postrieure au prononc du jugement du tribunal rgional de Salzbourg le 16 novembre 1982 ne rsulterait pas d'une condamnation, car d'aprs le droit autrichien celle-ci n'avait pas encore acquis force de chose juge; le requrant se serait donc trouv jusqu'au 19 dcembre 1985 en dtention provisoire (articles 284 3, 294 1 et 397 du code de procdure pnale, paragraphes 28 et 30 ci-dessus). 38. Par "condamnation" au sens de l'article 5 1 a) (art. 5-1-a), il faut entendre, eu gard surtout au texte franais, la fois une dclaration de culpabilit, conscutive l'tablissement lgal d'une infraction, et l'infliction d'une peine ou autre mesure privatives de libert (arrt Van Droogenbroeck prcit, srie A n 50, p. 19, 35). Le jugement du 16 novembre 1982 correspond sans conteste cette dfinition. Toutefois, la prposition "aprs" n'implique pas, dans ce contexte, "un simple ordre chronologique de succession entre 'condamnation' et 'dtention': la seconde doit en outre rsulter de la premire, se produire ' la suite et par suite' - ou 'en vertu' - 'de celle-ci'"(ibidem). 39. Il importe donc de rechercher si la dtention subie aprs le 16 novembre 1982 remplissait les conditions d'ordre chronologique et causal inhrentes la prposition "aprs". Sur le premier point, la Cour relve qu'aux fins de l'article 5 1 a) (art. 5-1-a) la dtention a bien eu lieu aprs la condamnation (paragraphe 38 ci-dessus). Sur le second, elle rappelle qu' l'audience du 16 novembre 1982 le tribunal dclara l'accus coupable, lui infligea huit ans d'emprisonnement, en indiqua oralement les principaux motifs et nota que la dtention provisoire allait continuer, le tout simultanment (paragraphe 11 ci-dessus). Examinant la ralit par-del les apparences et le vocabulaire utilis (arrt Van Droogenbroeck prcit, srie A n 50, p. 20, 38), la Cour constate que la cause du renvoi en dtention rsidait dans la condamnation prononce en mme temps; sans cette dernire, on aurait d librer le requrant aussitt. En outre, le lien fondamental entre les paragraphes 3 et 1 c) de l'article 5 (art. 5-3, art. 5-1-c) empche de considrer comme dtenue pour "tre conduit[e] devant l'autorit judiciaire comptente", du chef de "raisons plausibles de [la] souponner [d'avoir] commis [l'] infraction" dont on l'a juge coupable, une personne condamne en premire instance et demeurant prive de sa libert pendant une procdure de recours engage par elle. Il chet galement de souligner qu'il existe, entre les Etats contractants, de grandes diffrences sur le point de savoir si une telle personne commence dj de subir sa peine pendant pareille procdure. A cet gard, la Cour, avec la Commission, estime normal que les importantes garanties de l'article 5 3 (art. 5-3) ne dpendent pas de situations nationales particulires. 40. En conclusion, la priode examiner va du 1er juillet 1980 au 16 novembre 1982; elle a ainsi dur deux ans, quatre mois et quinze jours.

  • B. Caractre raisonnable de la dure de la dtention 41. Pour dmontrer l'absence de violation de l'article 5 3 (art. 5-3), le Gouvernement insiste sur les soupons qui pesaient sur le requrant, les motifs de la dtention, la complexit de l'affaire, la ncessit d'interroger de nombreuses personnes l'tranger et la dure de la peine encourue. La Commission, elle, se fonde uniquement sur la diligence des autorits judiciaires et la complexit de l'affaire. 42. La persistance de raisons plausibles de souponner la personne arrte d'avoir accompli une infraction est une condition sine qua non de la rgularit du maintien en dtention (arrt Stgmller du 10 novembre 1969, srie A n 9, p. 40, 4). Cependant, au bout d'un certain temps elle ne suffit plus; la Cour doit alors examiner les "motifs qui ont dtermin les autorits judiciaires dcider" pareille mesure (ibidem ainsi que les arrts Wemhoff prcit, srie A n 7, pp. 24-25, 12, et Ringeisen du 16 juillet 1971, srie A n 13, p. 42, 104). Quand ils se rvlent "pertinents" et "suffisants", il lui incombe de rechercher de surcrot si les autorits nationales comptentes ont apport "une diligence particulire" la poursuite de la procdure (arrt Matznetter du 10 novembre 1969, srie A n 10, p. 34, 12). 43. Pour prolonger la dtention litigieuse, les juridictions autrichiennes invoquaient - en sus de la gravit des infractions reproches M. B. - les dangers de fuite, de collusion et de rptition des infractions. La chambre du conseil carta cependant le second d'entre eux ds le 10 septembre 1980, un peu plus de deux mois aprs le dbut de la dtention, car l'enqute avait assez avanc (paragraphe 20 ci-dessus). 44. Quant au risque de fuite, la Cour rappelle que l'ventualit d'une condamnation svre ne suffit pas, aprs un certain temps, justifier la longueur d'une dtention (arrt Wemhoff prcit, srie A n 7, p. 25, 14). Les juridictions saisies s'appuyrent pourtant aussi sur d'autres circonstances pertinentes, comme le manque d'intgration sociale du requrant et ses contacts avec l'tranger; elles relevrent en outre que l'intress, dj condamn pour des actes similaires, en avait commis nouveau aprs sa libration en mars 1979, de sorte qu'il y avait danger de rcidive (paragraphes 19-20 ci-dessus). Il ne leur avait prsent aucune dfense adquate sur ces divers points (paragraphes 20-21 ci-dessus). De plus, la Cour estime raisonnable de dduire de la dcision prise par la chambre du conseil en 1985 que le danger de fuite subsistait quand le tribunal rendit son jugement du 16 novembre 1982 (paragraphe 23 ci-dessus). 45. Depuis la mise en accusation dfinitive (21 juin 1981), la dtention du requrant chappait un contrle d'office priodique (paragraphes 21 et 27 ci-dessus). Quant au requrant, il ne forma pas de demande d'largissement pendant la priode sous examen, alors qu'il l'aurait pu tout moment. Les autorits comptentes n'en devaient pas moins mener l'affaire avec clrit. En ce qui concerne la phase de l'instruction - prs d'un an -, la Cour souscrit l'opinion de la Commission selon laquelle le juge montra la diligence voulue. Il s'agissait d'une affaire particulirement complexe: elle concernait une srie d'escroqueries, exigeait des recherches par commission rogatoire l'tranger, impliquait de nombreux tmoins et remplissait de volumineux dossiers.

  • Les audiences commencrent le 9 novembre 1981. Suspendues le 12 aux fins d'un complment d'instruction sollicit notamment par l'accus, elles ne reprirent que le 15 novembre 1982 (paragraphe 11 ci-dessus). Pareil dlai d'un an peut sembler excessif de prime abord, mais "on ne peut perdre de vue que si un accus dtenu a droit ce que son cas soit trait par priorit avec une clrit particulire, celle-ci doit ne pas nuire aux efforts poursuivis par les magistrats afin de faire pleinement la lumire sur les faits dnoncs, de fournir tant la dfense qu' l'accusation toutes facilits pour produire leurs preuves et pour prsenter leurs explications, et de ne se prononcer qu'aprs mre rflexion sur l'existence des infractions et sur la peine" (arrt Wemhoff prcit, srie A n 7, p. 26, 17). Il ne ressort pas du dossier que les juridictions autrichiennes n'aient pas agi de la sorte avec la promptitude ncessaire. 46. En consquence, la dure de la dtention litigieuse (1er juillet 1980 - 16 novembre 1982) ne peut passer pour draisonnable au regard de l'article 5 3 (art. 5-3). II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ARTICLE 6 1 (art. 6-1) 47. M. B. se plaint aussi de la longueur globale des poursuites engages contre lui, et spcialement du temps mis par le juge M. rdiger le jugement de premire instance. Il invoque l'article 6 1 (art. 6-1) de la Convention, ainsi libell: "Toute personne a droit ce que sa cause soit entendue (...) dans un dlai raisonnable, par un tribunal (...) qui dcidera (...) du bien-fond de toute accusation en matire pnale dirige contre elle (...)" D'aprs la Commission, il y a eu dpassement du "dlai raisonnable". Le Gouvernement combat cette thse. A. Priode prendre en considration 48. La priode considrer - non conteste - va du 1er juillet 1980, jour de l'arrestation du requrant, au 19 dcembre 1985, date de la dcision finale de la Cour Suprme (paragraphes 9 et 17 ci-dessus). Au total, elle s'tend sur cinq ans, cinq mois et dix-huit jours. B. Caractre raisonnable de la dure de la procdure 49. Le caractre raisonnable de la dure d'une procdure s'apprcie suivant les circonstances de la cause et l'aide des critres consacrs par la jurisprudence de la Cour (voir notamment l'arrt Milasi du 25 juin 1987, srie A n 119, p. 46, 15). 50. Au sujet de la complexit de l'affaire, la Cour relve avec la Commission les difficults rencontres pendant l'instruction et celles qu'entrana la nature des accusations (paragraphes 10-11 ci-dessus). Elle note nanmoins qu'au 16 novembre 1982, toutes les pices pertinentes se trouvaient dans le dossier, la dcision avait t dj prise et les motifs principaux esquisss; il ne restait au juge charg de rdiger le jugement qu' les dvelopper, moyennant une tude attentive du volumineux dossier, et les formuler par crit. 51. La conduite du requrant ne pose pas de problmes particuliers; le Gouvernement ne l'a d'ailleurs pas critique. 52. Quant au comportement des autorits judiciaires autrichiennes, la Cour n'aperoit aucune anomalie au stade de l'instruction prparatoire, ni pendant la procdure devant le tribunal rgional de Salzbourg, du moins jusqu'au 16 novembre 1982, ni pour l'instance devant la Cour Suprme. Reste examiner le laps de temps que demanda la rdaction du jugement, long de 126 pages (paragraphe 15 ci-dessus).

  • Mme si elle pouvait exiger un effort considrable, le magistrat ne la termina que le 28 aot 1985, soit trente-trois mois aprs le prononc; il contrevint ainsi, selon le requrant, l'article 270 du code de procdure pnale (paragraphes 12 et 29 ci-dessus). 53. Le Gouvernement lui-mme trouve regrettable une telle situation. Il souligne toutefois la surcharge de travail qui pesait l'poque sur le juge M. Il rappelle en outre les mesures adoptes par l'autorit hirarchique: allgement des tches de ce magistrat ds le dbut de 1983, puis ouverture de poursuites disciplinaires contre lui (paragraphes 13-14 ci-dessus). Il plaide qu'il ne pouvait prendre des dispositions plus strictes, en raison des principes d'indpendance des juges (article 87 de la Constitution) et de rpartition fixe des affaires au sein des tribunaux. 54. A l'instar de la Commission, la Cour ne peut accueillir cette thse. On attendit jusqu' juin 1985 pour cesser de confier au juge M. de nouveaux dossiers, de manire lui permettre de liquider l'arrir (paragraphes 13-14 ci-dessus). Malgr l'admonestation qu'on lui adressa le 4 mars 1984, il ne produisit le texte du jugement que dix-sept mois plus tard. Quant la sanction disciplinaire ultrieure, plus grave, elle ne lui fut inflige qu'en 1986, donc aprs le terme de la procdure litigieuse (paragraphes 13-14 ci-dessus). Compte tenu de sa jurisprudence constante relative aux problmes poss par l'engorgement des tribunaux (voir en dernier lieu l'arrt Unin Alimentaria Sanders S.A. du 7 juillet 1989, srie A n 157, p. 15, 40), la Cour estime les mesures en cause insuffisantes et trop tardives pour avoir assur l'achvement des poursuites dans un dlai raisonnable. Il ne lui incombe pourtant pas de rechercher quelle autorit attribuer le dpassement observ: dans tous les cas, c'est la responsabilit de l'Etat qui se trouve en jeu (voir notamment l'arrt Foti et autres du 10 dcembre 1982, srie A n 56, p. 21, 63). 55. Il y a donc eu violation de l'article 6 1 (art. 6-1). III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 50 (art. 50) 56. Aux termes de l'article 50 (art. 50), "Si la dcision de la Cour dclare qu'une dcision prise ou une mesure ordonne par une autorit judiciaire ou toute autre autorit d'une Partie Contractante se trouve entirement ou partiellement en opposition avec des obligations dcoulant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les consquences de cette dcision ou de cette mesure, la dcision de la Cour accorde, s'il y a lieu, la partie lse une satisfaction quitable." M. B. rclame une indemnit pour dommage matriel et moral, ainsi que le remboursement de frais et dpens. A. Dommage matriel et moral 57. Selon lui, les lenteurs observes au stade de la rdaction du jugement le privrent de la possibilit d'obtenir ds 1983 sa libration conditionnelle, qui lui aurait permis de gagner sa vie. Il estime 70.000 schillings par mois la perte subie de la sorte. En outre, il aurait souffert un prjudice moral car pendant 142 semaines il ne put ni se pourvoir en cassation ni demander sa libration conditionnelle en vertu de l'article 46 1 du code pnal; il laisse la Cour le soin d'en apprcier l'ampleur.

  • 58. Le Gouvernement objecte que le requrant, si le jugement lui avait t signifi plus tt, n'en serait pas moins demeur en prison pour purger sa peine. Il n'y aurait donc aucun lien de causalit entre le manque gagner incrimin et les violations litigieuses. Quant au tort moral invoqu, le constat de celles-ci constituerait lui seul une satisfaction quitable suffisante. Pour le dlgu de la Commission au contraire, l'intress a prouv un dommage matriel et moral: le retard apport motiver par crit la dcision du 16 novembre 1982 (trente-trois mois) l'a certainement ls dans la mesure o il a d rester dtenu pendant cette priode, en esprant que la Cour Suprme casserait ladite dcision. Le dlgu invite la Cour se prononcer en quit. 59. La Cour n'aperoit pas de lien de causalit entre le dpassement du dlai raisonnable de l'article 6 1 (art. 6-1) (paragraphe 55 ci-dessus) et le manque gagner allgu. En ce qui concerne un ventuel dommage moral, le constat figurant dans le prsent arrt fournit une satisfaction quitable suffisante. B. Frais et dpens 60. Le requrant demande le remboursement des honoraires d'avocat (322.413 schillings, taxe sur le chiffre d'affaires comprise), ainsi que des frais de voyage et divers (25.000 schillings), relatifs la procdure suivie devant les organes de la Convention. Se fondant sur les barmes autrichiens, le Gouvernement accepte quelques-unes des sommes rclames et en rejette d'autres. Le dlgu de la Commission ne prend pas position. 61. Statuant en quit comme le veut l'article 50 (art. 50), et l'aide des critres qu'elle applique en la matire, la Cour alloue M. B. 150.000 schillings de ce chef. PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L'UNANIMITE, 1. Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 5 3 (art. 5-3); 2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 1 (art. 6-1); 3. Dit que l'Autriche doit verser au requrant, pour frais et dpens, 150.000 (cent cinquante mille) schillings; 4. Rejette la demande de satisfaction quitable pour le surplus. Fait en franais et en anglais, puis prononc en audience publique au Palais des Droits de l'Homme, Strasbourg, le 28 mars 1990. Sign: John CREMONA Prsident Sign: Marc-Andr EISSEN Greffier Au prsent arrt se trouve joint, conformment aux articles 51 2 (art. 51-2) de la Convention et 52 2 du rglement, l'expos de l'opinion spare concurrente de M. Cremona. Paraph: J. C. Paraph: M.-A. E. OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE CREMONA (Traduction)

  • J'ai un peu hsit souscrire la conclusion relative l'article 5 3 (art. 5-3) de la Convention, car il s'agissait d'une dure assez longue. Il faut pourtant statuer sur chaque cas selon ses particularits. Au total, considrant que le danger de fuite tait trs rel en l'espce et a subsist jusqu'au prononc du jugement du tribunal rgional, priode pendant laquelle les autorits comptentes n'ont pas manqu de tmoigner de la diligence ncessaire dans la conduite de cette affaire fort complexe, et aprs avoir pes les autres circonstances pertinentes mentionnes dans notre arrt, j'ai vot, avec mes collgues, pour l'absence de violation sur ce point.