Affaire Sampanis Et Autres c. Grece

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Acceso a la educación grupo étnico

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  • CONSEILDE LEUROPE

    COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    PREMIRE SECTION

    AFFAIRE SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    (Requte no 32526/05)

    ARRT

    STRASBOURG

    5 juin 2008

    DFINITIF

    05/09/2008

    Cet arrt peut subir des retouches de forme.

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 1

    En laffaire Sampanis et autres c. Grce, La Cour europenne des droits de lhomme (premire section), sigeant

    en une chambre compose de :

    Nina Vaji, prsidente, Christos Rozakis,

    Khanlar Hajiyev,

    Dean Spielmann,

    Sverre Erik Jebens,

    Giorgio Malinverni,

    George Nicolaou, juges,

    et de Sren Nielsen, greffier de section,

    Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil le 15 mai 2008,

    Rend larrt que voici, adopt cette date :

    PROCDURE

    1. A lorigine de laffaire se trouve une requte (no 32526/05) dirige contre la Rpublique hellnique par onze ressortissants de cet Etat, dont les

    noms figurent en annexe ( les requrants ), qui ont saisi la Cour le 11 aot

    2005 en vertu de larticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales ( la Convention ).

    2. Les requrants sont reprsents par le Moniteur grec Helsinki,

    membre de la Fdration internationale Helsinki. Le gouvernement grec

    ( le Gouvernement ) est reprsent par les dlgus de son agent,

    MM. K. Georgiadis, assesseur auprs du Conseil juridique de lEtat, et I. Bakopoulos, auditeur auprs du Conseil juridique de lEtat.

    3. Dans leur requte, les requrants allguaient en particulier la violation

    de larticle 2 du Protocole no 1 et de larticle 14 de la Convention, ainsi que labsence en droit interne de recours effectifs cet gard.

    4. Le 20 fvrier 2007, la Cour a dcid de communiquer la requte au

    Gouvernement. Faisant usage de la possibilit prvue par larticle 29 3 de la Convention, elle a dcid que seraient examins en mme temps la

    recevabilit et le fond de laffaire.

    EN FAIT

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    5. Les requrants sont dorigine rom et rsident avec leurs familles sur laire de Psari, prs dAspropyrgos, commune situe dans la partie ouest de la rgion de lAttique.

  • 2 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    A. Les dmarches accomplies par les requrants en vue de

    linscription de leurs enfants pour lanne scolaire 2004-2005

    6. Le 24 juin 2004, le ministre dlgu la Sant, accompagn de la

    secrtaire gnrale de son ministre, visita le camp des Roms de Psari. Il

    avait t inform, entre autres, de la non-scolarisation des enfants roms. Le

    2 aot 2004, les reprsentants du European Roma Rights Center et du

    Moniteur grec Helsinki rencontrrent le ministre dlgu lEducation nationale et aux Affaires religieuses. A la suite cette rencontre, celui-ci

    publia un communiqu de presse soulignant, entre autres, limportance de lintgration des enfants roms dans le processus dducation nationale.

    7. La rentre scolaire 2004-2005 eut lieu le 10 septembre 2004. Le

    17 septembre 2004, le secrtaire du service de lducation des personnes dorigine grecque et de lducation interculturelle visita les camps de Roms Psari, en compagnie de deux reprsentants du Moniteur grec Helsinki, afin

    denregistrer tous les enfants roms en ge de scolarisation. A cet effet, ils rendirent visite aux deux coles primaires de la commune (les 10

    e et

    11e coles primaires dAspropyrgos). Les directeurs respectifs des coles

    encouragrent les parents roms inscrire leurs enfants lcole primaire. Le Moniteur grec Helsinki avertit subsquemment les autorits comptentes du

    ministre de lEducation et des Affaires religieuses, qui ne donnrent aucune suite sa dmarche.

    8. Les requrants affirment que le 21 septembre 2004 ils visitrent avec

    dautres parents roms les locaux des coles primaires dAspropyrgos pour y faire enregistrer leurs enfants mineurs. Les directeurs des deux coles

    auraient refus dinscrire les enfants au motif quils navaient pas reu dinstructions ce sujet de la part du ministre comptent. Ils auraient inform les parents intresss que ds rception des instructions ncessaires

    ils les inviteraient accomplir les formalits requises. Jamais par la suite les

    parents nauraient t invits inscrire leurs enfants. 9. Selon le document n

    o 20.3/747 dlivr le 5 juin 2007 par le

    1er

    Bureau de lducation primaire de lAttique de lOuest la demande du Conseil juridique de lEtat, les requrants se prsentrent la directrice de la 10

    e cole primaire dAspropyrgos pour recueillir des informations en vue

    de lenregistrement de leurs enfants mineurs. La directrice leur aurait indiqu les documents ncessaires pour enregistrer les enfants en ge de

    scolarisation. Selon le mme document, le 23 septembre 2004, le directeur

    dpartemental de lducation de la rgion de lAttique convoqua une runion informelle des instances comptentes de la commune

    dAspropyrgos afin de rsoudre le problme de la capacit daccueil des coles primaires dAspropyrgos face aux inscriptions supplmentaires des lves dorigine rom. Dune part, il fut dcid que les lves ayant atteint lge de la premire scolarisation seraient accueillis dans les locaux existants des 10

    e et 11

    e coles primaires dAspropyrgos. Dautre part, la

    runion considra que lintgration dans les classes ordinaires des enfants

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 3

    ayant atteint un ge suprieur celui de la premire scolarisation se ferait

    leur dtriment du point de vue psychopdagogique : la diffrence dge ne leur permettrait pas davoir une scolarisation efficace. Sur cette base, la runion informelle dcida de prvoir deux classes supplmentaires

    caractre prparatoire en vue de lintgration desdits lves dans les classes ordinaires.

    10. Les 13 et 18 septembre et le 2 octobre 2004, le Moniteur grec

    Helsinki saisit le Mdiateur de la Rpublique au nom des requrants de trois

    requtes concernant les difficults daccs lducation primaire des enfants roms, en linvitant intervenir. Le 3 janvier 2005, le Mdiateur rpondit par crit que trois reprsentants de son cabinet avaient, une date

    non prcise, rendu visite au camp des Roms Psari. Dans sa rponse, le

    Mdiateur constatait quil ny avait pas, de la part des services comptents, un refus systmatique et injustifi dinscrire les enfants dorigine rom lenseignement primaire. Il notait avoir dj inform les professeurs affects aux coles primaires dAspropyrgos que la lgislation interne prvoyait la possibilit dinscrire les enfants lcole primaire sur simple dclaration des personnes exerant lautorit parentale condition de soumettre en temps utile le certificat de naissance. Le Mdiateur se rfrait par ailleurs aux

    conclusions de plusieurs runions avec les responsables de la commune

    dAspropyrgos et, plus prcisment, leur intention de faire construire un btiment distinct de ltablissement scolaire le plus proche du camp des Roms pour accueillir les enfants roms les plus gs en vue de leur remise

    niveau. Le Mdiateur mentionnait enfin les tensions qui existaient entre la

    population dAspropyrgos, compose majoritairement de rapatris venus dEtats de lex-Union sovitique, et la minorit rom comme un lment supplmentaire empchant lintgration des enfants roms lenvironnement scolaire.

    11. Le 1er

    octobre 2004, le ministre dlgu lEducation nationale et aux Affaires religieuses demanda la socit responsable de lexploitation du domaine immobilier de lEtat de concder un terrain public dtermin avec deux cellules prfabriques devant servir de salles de cours pour les

    coliers roms. A une date non prcise, le ministre rejeta la demande.

    12. Selon le Gouvernement, en novembre et dcembre 2004 une

    dlgation de professeurs des coles primaires nos

    10 et 11 rendit visite au

    camp des Roms Psari afin dinformer et convaincre les parents des enfants mineurs de la ncessit dinscrire ceux-ci aux classes prparatoires. Cette dmarche serait reste sans succs, les parents concerns nayant pas enregistr leurs enfants pour lanne scolaire en cours.

    13. Le 13 fvrier 2005, lAssociation de coordination des organisations et des communauts pour les droits de lhomme des Roms en Grce (la SOKARDE) adressa au conseil dadministration de lducation primaire de lAttique de lOuest une lettre officielle dans laquelle elle sollicitait des informations au sujet de la scolarisation des Roms dAspropyrgos.

  • 4 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    14. Le 17 fvrier 2005, le conseil dadministration lui rpondit que laffaire avait connu des retards imputables au ministre de lEnvironnement : celui-ci avait tard rsoudre la question du terrain public concder pour linstallation des salles de cours prfabriques. Le conseil dadministration exprima son intention de tout mettre en uvre pour la mise en place de la scolarisation des enfants roms au primaire lanne suivante.

    B. Lenregistrement des enfants roms pour lanne 2005-2006

    15. Le 24 mai 2005, la SOKARDE adressa au ministre dlgu

    lEducation nationale et aux Affaires religieuses une lettre soulignant la ncessit de prendre toutes les mesures requises pour assurer la russite de

    la scolarisation des enfants roms pour lanne scolaire 2005-2006. 16. Il ressort dune lettre en date du 1er juillet 2005 adresse la

    SOKARDE que les autorits scolaires entreprirent diverses dmarches pour

    informer les familles Roms dAspropyrgos de la ncessit dinscrire leurs enfants lcole primaire : elles mirent des messages radiophoniques, affichrent sur les murs de lcole des annonces informant les Roms quils pouvaient venir inscrire leurs enfants entre le 1

    er et le 21 juin 2005 et

    envoyrent aux intresss des lettres recommandes ce sujet.

    17. Le 9 juin 2005, linitiative de la SOKARDE, vingt-trois enfants dorigine rom, dont les enfants des requrants, furent inscrits lcole primaire dAspropyrgos pour lanne scolaire 2005-2006. Selon le Gouvernement, le nombre denfants dorigine rom qui furent inscrits slve cinquante-quatre.

    C. Les incidents contre les enfants roms survenus en septembre et en

    octobre 2005

    18. Le 12 septembre 2005, premier jour de lanne scolaire, des parents roms, dont les requrants, accompagnrent leurs enfants lcole. Devant lentre de celle-ci, plusieurs parents non roms, la plupart dorigine pontique, cest--dire provenant de la rgion du Pont-Euxin, sur les ctes sud de la mer Noire, taient rassembls, harcelant les personnes dorigine rom. Ils criaient : Il ny a aucun enfant rom qui entrera lcole. Vous nallez pas y avoir accs, cest tout . Ensuite, les parents non roms bloqurent laccs lcole jusqu ce que les enfants roms fussent transfrs dans un autre btiment.

    19. Le 12 octobre 2005, les parents non roms bloqurent de nouveau

    laccs lcole. Ils accrochrent lextrieur une pancarte disant : Lcole restera ferme en raison du problme des Gitans ; mercredi 12.10.05 .

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 5

    20. Le 13 octobre 2005, des enfants dorigine rom essayrent daccder lcole. Ils furent une nouvelle fois confronts un groupe de parents non roms. En particulier, la prsidente de lassociation montra la camra dune chane de tlvision qui stait rendue sur les lieux les fiches mdicales des enfants dorigine rom pour prouver quils taient inadquatement vaccins. Finalement, avec lassistance de la police, qui stait rendue sur place, les enfants roms purent accder lcole.

    21. Dans le cadre de lenqute judiciaire sur cet incident, lofficier de police D.T. fit une dposition comportant le passage suivant : Le

    13 septembre 2005, vers 9h10, deux cents parents environ dlves dorigine grecque pontique protestrent lextrieur des coles contre la scolarisation des enfants dorigine rom lcole primaire (...). Un affrontement fut vit grce la prompte intervention de la police

    dAspropyrgos (...). Les 15 et 16 septembre 2005, lassociation des parents organisa un boycottage de la participation aux classes par les lves. Ds le

    premier jour des incidents, des policiers furent posts lextrieur de lcole afin de scuriser lentre et la sortie des lves dorigine rom. Le 10 octobre 2005, lassociation des parents bloqua laccs lcole en guise de protestation contre laccueil laprs-midi des lves dorigine rom dans les mmes salles que celles qui accueillaient les autres lves le matin. Les 11

    et 12 octobre, en prsence de la police, les lves dorigine rom eurent accs aux classes sans difficult. Le 13 octobre 2005, cinquante soixante parents

    dorigine non rom se rassemblrent pour protester contre la prsence dlves dorigine rom et encercler lentre de lcole afin den empcher laccs (...) .

    22. Par une lettre, date du 1er

    mars 2006, le conseil dadministration de la police de lAttique de lOuest informa le Moniteur grec Helsinki que les 13, 14, 15, 16 et 19 septembre 2005 et les 10, 11, 12, 13, 17, 19, 21, 25, 26,

    27 et 31 octobre 2005 des forces de police avaient t diligentes aux 10e et

    11e coles primaires afin de maintenir lordre et dempcher la commission

    dactes illgaux contre des lves dorigine rom. 23. A partir du 31 octobre 2005, les enfants des requrants furent

    scolariss dans un btiment distinct de lcole primaire principale dAspropyrgos et le blocage de lcole par les parents non roms prit fin.

    D. La scolarisation des enfants des requrants

    24. En vertu de lacte no 39/20.9.2005 du Conseil priphrique de lducation primaire, trois classes prparatoires furent cres pour rpondre aux besoins de scolarisation des enfants dorigine rom ; les cours de lune se droulaient le matin alors que ceux des deux autres avaient lieu aprs

    15h30. Le Conseil priphrique indiqua que les lves dorigine rom de tous ges qui seraient confronts des problmes dapprentissage scolaire

  • 6 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    pourraient suivre des classes prparatoires spciales, le but tant de

    permettre leur intgration sans entraves dans les classes ordinaires.

    25. Le 25 octobre 2005, les requrants signrent une dclaration rdige

    par les enseignants de lcole dAspropyrgos et exprimant leur volont de voir leurs enfants transfrs dans le btiment distinct de lcole primaire. Les requrants allguent quils avaient sign la dclaration en question sous leffet de pressions exerces par le ministre de lEducation, par des parents non roms et par certains chefs de la communaut rom.

    26. Le 31 mai 2007, le premier requrant dclara sous serment devant le

    tribunal de paix dElefsina quil aurait prfr que ses enfants fussent scolariss dans les classes ordinaires plutt que dans lcole spciale. Il prcisa quil lui tait toutefois difficile de maintenir cette position ds lors que lintgrit de ses enfants tait mise en pril par des habitants non roms furieux et que les professeurs lincitaient indirectement consentir ce que ses enfants fussent scolariss dans l lcole ghetto .

    27. Entre-temps, en vertu de lacte no 261/22.12.2005, le prfet de lAttique avait dcid que trois classes de lcole primaire no 10 de la commune dAspropyrgos seraient accueillies dans des salles prfabriques installes sur un terrain dont la commune dAspropyrgos tait propritaire.

    28. Le 17 mars 2006, la Direction de lducation primaire de lAttique de lOuest adressa une lettre au ministre de lEducation nationale et des Affaires religieuses. Elle ly informait que pour lanne scolaire 2005-2006 cinquante-deux nouveaux lves dorigine rom avaient t inscrits la 10e cole primaire dAspropyrgos. Elle notait que en raison du manque despace dans le btiment principal de lcole, et avec laccord des parents, les lves dorigine rom [avaient] t accueillis dans une annexe installe prs du camp des Roms .

    29. Le 20 juin 2006, la 3e circonscription du Conseil ducatif de

    lducation primaire de lAttique de lOuest adressa une lettre au directeur de la priphrie de lAttique. Elle ly informait que pour lanne scolaire 2005-2006 cinquante-quatre lves dorigine rom avaient t inscrits la 10

    e cole primaire dAspropyrgos. Elle prcisait que des classes

    prparatoires [avaient] t prvues pour les lves dorigine rom, en vue dassurer leur adaptation lenvironnement scolaire, compte tenu des dficiences dont ils souffr[aient] et de diverses autres raisons rendant

    impossible leur intgration dans les classes ordinaires . Elle ajoutait que

    malgr les progrs effectus par les lves roms dans les classes

    prparatoires, lensemble des ces lves n[taient] pas encore aptes intgrer les classes ordinaires .

    30. Le 5 avril 2007, les salles prfabriques de la 10e cole primaire

    furent incendies par des inconnus. Il ressort du dossier quen septembre 2007 les deux salles ont t remplaces mais quen raison de problmes dinfrastructure elles ntaient pas oprationnelles. En septembre 2007 fut cre Aspropyrgos une 12

    e cole primaire, laquelle les enfants roms

    furent transfrs. Il ressort du dossier quen octobre 2007 cette cole ntait

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 7

    pas encore oprationnelle, en raison de problmes dinfrastructure. Le Gouvernement allgue que la cration de la 12

    e cole primaire

    dAspropyrgos ne visait qu dcongestionner la 10e cole primaire.

    II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX

    PERTINENTS

    A. Le droit et la pratique internes

    1. Le droit interne

    31. Selon larticle 7 1 du dcret prsidentiel no 201/1998,

    Sont enregistrs en premire classe de lcole primaire tous les lves ayant atteint lge lgal de scolarit. Les inscriptions ont lieu du 1er au 15 juin de lanne scolaire prcdente (...).

    32. La directive 4/350/1/1028/22.8.1995 du ministre de lEducation nationale et des Affaires religieuses souligne la ncessit dune coopration entre les familles roms, les directeurs et les conseils des

    tablissements scolaires afin que les enfants roms rsidant dans des camps

    soient enregistrs dans des coles maternelles et primaires (...). Les

    directeurs [des coles] doivent non seulement encourager les enfants roms

    sinscrire dans les coles primaires mais, aussi, identifier les enfants roms de leur circonscription et veiller leur enregistrement ainsi qu leur assiduit aux cours (...) . De surcrot, la directive 4/127/1/694/1.9.1999 du ministre de lEducation nationale et des Affaires religieuses et larticle 7 8 du dcret prsidentiel n

    o 201/1998 font obligation aux autorits

    comptentes de faciliter laccs des enfants roms lenseignement public. 33. Les articles pertinents du dcret lgislatif n

    o 18/1989 sur la

    Codification des dispositions des lois sur le Conseil dEtat disposent :

    Article 45

    Actes incrimins

    1. Le recours en annulation pour excs de pouvoir ou violation de la loi est

    recevable uniquement contre les actes excutoires des autorits administratives et des

    personnes morales de droit public qui ne sont susceptibles de recours devant aucune

    autre juridiction.

    (...)

    4. Dans les cas o la loi impose une autorit de rgler une question dtermine en

    dictant un acte excutoire soumis aux dispositions du paragraphe 1, le recours en

    annulation est recevable mme contre la carence de cette autorit dicter un tel acte.

    Lautorit est prsume refuser ddicter lacte soit lorsque le dlai spcial ventuellement fix par la loi arrive expiration, soit aprs lcoulement dun dlai de trois mois partir du dpt de la requte auprs de ladministration, qui est tenue de

  • 8 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    dlivrer un accus de rception (...) indiquant le jour dudit dpt. Le recours en

    annulation exerc avant lexpiration des dlais susmentionns est irrecevable.

    Le recours en annulation valablement introduit contre un refus implicite [de

    ladministration] vaut galement recours contre lacte ngatif qui serait le cas chant adopt ultrieurement par ladministration ; toutefois, cet acte peut aussi tre attaqu sparment.

    Article 52

    ( ...)

    2. Un comit institu pour les besoins de la cause par le prsident du Conseil dEtat ou de la section comptente du Conseil dEtat et constitu dudit prsident ou de son substitut, du rapporteur de laffaire et dun conseiller dEtat, peut, sur demande de lauteur du recours en annulation, suspendre lexcution de lacte attaqu, par une dcision brivement motive et adopte en chambre du conseil (...).

    2. La Ligue hellnique des droits de lhomme (LHDH) et le Centre de recherche sur les groupes minoritaires (KEMO)

    34. La LHDH, constitue en 1953, est lorganisation non gouvernementale la plus ancienne en Grce. Elle est membre de la

    Fdration internationale des droits de lhomme. Le KEMO est une association but non lucratif constitue en 1996. Lobjet de son activit est la recherche scientifique sur les groupes et langues minoritaires en Grce.

    35. Le rapport annuel des LHDH et KEMO pour lanne 2007 sur ltat du racisme et de la xnophobie en Grce observe une nette amlioration des

    conditions de scolarisation des personnes appartenant aux minorits

    musulmane et rom par rapport aux annes quatre-vingt-dix. Cela tant, le

    rapport note que lenregistrement des enfants dorigine rom lcole continue dtre une source de tensions, dintolrance et de ractions violentes. Cela oblige parfois au placement des enfants roms dans des coles

    spciales cres uniquement pour les Roms, malgr lengagement ferme de ladministration dviter la sgrgation des minorits dans le milieu scolaire. Le rapport constate que les incidents dintolrance les plus graves concernent lenregistrement des enfants roms dans lenseignement primaire.

    3. LInstitut de lducation des personnes dorigine grecque et de lducation interculturelle

    36. Par une lettre date du 2 fvrier 2004, lInstitut de lducation des personnes dorigine grecque et de lducation interculturelle avait inform le reprsentant du Moniteur grec Helsinki que dix-huit coles frquentes

    uniquement par des enfants gitans avaient t oprationnelles sur le

    territoire grec durant lanne scolaire 2002-2003.

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 9

    B. Les sources du Conseil de lEurope

    1. Le Comit des Ministres

    La Recommandation no R (2000) 4 du Comit des Ministres aux Etats

    membres sur lducation des enfants roms/tsiganes en Europe (adopte par le Comit des Ministres le 3 fvrier 2000, lors de la 696

    e runion des

    Dlgus des Ministres)

    37. Les termes de cette recommandation sont les suivants :

    Le Comit des Ministres, conformment larticle 15.b du Statut du Conseil de lEurope,

    Considrant que le but du Conseil de lEurope est de raliser une union plus troite entre ses membres et que ce but peut tre poursuivi notamment par ladoption dune action commune dans le domaine de lducation ;

    Reconnaissant quil est urgent de poser de nouvelles fondations pour de futures stratgies ducatives en faveur des Rom/Tsiganes en Europe, notamment en raison du

    taux lev danalphabtisme ou de semi-analphabtisme qui svit dans cette communaut, de lampleur de lchec scolaire, de la faible proportion de jeunes achevant leurs tudes primaires et de la persistance de facteurs tels que labsentisme scolaire ;

    Notant que les problmes auxquels sont confronts les Rom/Tsiganes dans le

    domaine scolaire sont largement dus aux politiques ducatives menes depuis

    longtemps, qui ont conduit soit lassimilation, soit la sgrgation des enfants roms/tsiganes lcole au motif quils souffraient dun handicap socioculturel ;

    Considrant quil ne pourra tre remdi la position dfavorise des Rom/Tsiganes dans les socits europennes que si lgalit des chances dans le domaine de lducation est garantie aux enfants roms/tsiganes ;

    Considrant que lducation des enfants roms/tsiganes doit tre une priorit des politiques nationales menes en faveur des Rom/Tsiganes ;

    Gardant lesprit que les politiques visant rgler les problmes auxquels sont confronts les Rom/Tsiganes dans le domaine de lducation doivent tre globales et fondes sur le constat que la question de la scolarisation des enfants roms/tsiganes est

    lie tout un ensemble de facteurs et de conditions pralables, notamment les aspects

    conomiques, sociaux, culturels et la lutte contre le racisme et la discrimination ;

    Gardant lesprit que les politiques ducatives en faveur des enfants roms/tsiganes devraient saccompagner dune politique active en ce qui concerne lducation des adultes et lenseignement professionnel ; (...)

    Recommande aux gouvernements des Etats membres :

    de respecter, dans la mise en uvre de leur politique dducation, les principes noncs en annexe de la prsente Recommandation ;

    de porter la prsente Recommandation lattention des instances publiques comptentes dans leurs pays respectifs, par les voies nationales appropries.

    38. Les passages pertinents de lannexe la Recommandation n

    o R (2000) 4 se lisent ainsi :

  • 10 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    Principes directeurs dune politique dducation lgard des enfants roms/tsiganes en Europe

    I. Structures

    1. Les politiques ducatives en faveur des enfants roms/tsiganes devraient

    saccompagner des moyens adquats et de structures souples indispensables pour reflter la diversit de la population rom/tsigane en Europe et pour tenir compte de

    lexistence de groupes roms/tsiganes ayant un mode de vie itinrant ou semi-itinrant. A cet gard, le recours un systme dducation distance, sappuyant sur les nouvelles technologies de la communication pourrait tre envisag.

    2. Laccent devrait tre mis sur une meilleure coordination des niveaux internationaux, nationaux, rgionaux et locaux afin dviter la dispersion des efforts et de favoriser les synergies.

    3. Les Etats membres devraient dans cette optique sensibiliser les ministres de

    lEducation la question de lducation des enfants roms/tsiganes.

    4. Lenseignement prscolaire devrait tre largement dvelopp et rendu accessible aux enfants roms/tsiganes, afin de garantir leur accs lenseignement scolaire.

    5. Il conviendrait aussi de veiller tout particulirement une meilleure

    communication avec et entre les parents par le recours, le cas chant, des

    mdiateurs issus de la communaut rom/tsigane qui auraient la possibilit daccs une carrire professionnelle spcifique. Des informations spciales et des conseils

    devraient tre prodigus aux parents quant lobligation dducation et aux mcanismes de soutien que les communes peuvent offrir aux familles. Lexclusion et le manque de connaissances et dducation (voire lillettrisme) des parents empchent galement les enfants de bnficier du systme ducatif.

    6. Des structures de soutien adquates devraient tre mises en place afin de

    permettre aux enfants roms/tsiganes de bnficier, notamment par le biais dactions positives, de lgalit des chances lcole.

    7. Les Etats membres sont invits fournir les moyens ncessaires la mise en

    uvre des politiques et des mesures susmentionnes afin de combler le foss entre les coliers roms/tsiganes et ceux appartenant la population majoritaire.

    II. Programmes scolaires et matriel pdagogique

    8. Les mesures ducatives en faveur des enfants roms/tsiganes devraient sinscrire dans le cadre de politiques interculturelles plus larges, et tenir compte des

    caractristiques de la culture romani et de la position dfavorise de nombreux

    Rom/Tsiganes dans les Etats membres.

    9. Les programmes scolaires, dans leur ensemble, et le matriel didactique

    devraient tre conus de manire respecter lidentit culturelle des enfants roms/tsiganes. Il faudrait donc introduire lhistoire et la culture des Rom dans les matriels pdagogiques afin de reflter lidentit culturelle des enfants roms/tsiganes. La participation des reprsentants des communauts roms/tsiganes llaboration de matriels portant sur lhistoire, la culture ou la langue roms/tsiganes devrait tre encourage.

    10. Les Etats membres devraient toutefois sassurer que ces mesures ne dbouchent pas sur des programmes scolaires distincts pouvant mener la cration de classes

    distinctes.

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 11

    11. Les Etats membres devraient galement encourager llaboration de matriels pdagogiques fonds sur des exemples dactions russies afin daider les enseignants dans leur travail quotidien avec les coliers roms/tsiganes.

    12. Dans les pays o la langue romani est parle, il faudrait offrir aux enfants

    roms/tsiganes la possibilit de suivre un enseignement dans leur langue maternelle.

    III. Recrutement et formation des enseignants

    13. Il conviendrait de prvoir lintroduction dun enseignement spcifique dans les programmes prparant les futurs enseignants afin que ceux-ci acquirent les

    connaissances et une formation leur permettant de mieux comprendre les coliers

    roms/tsiganes. Toutefois, lducation des coliers roms/tsiganes devrait rester partie intgrante du systme ducatif global.

    14. La communaut rom/tsigane devrait tre associe llaboration de ces programmes et pouvoir communiquer directement des informations aux futurs

    enseignants.

    15. Il faudrait aussi favoriser le recrutement et la formation denseignants issus de la communaut rom/tsigane. (...)

    2. LAssemble parlementaire

    a) La Recommandation no 1203 (1993) relative aux Tsiganes en Europe

    39. Les observations gnrales de cette recommandation noncent

    notamment :

    Lun des objectifs du Conseil de lEurope est de promouvoir la formation dune vritable identit culturelle europenne. LEurope abrite de nombreuses cultures diffrentes qui toutes, y compris les multiples cultures minoritaires, concourent sa

    diversit culturelle.

    Les Tsiganes occupent une place particulire parmi les minorits. Vivant disperss

    travers toute lEurope, ne pouvant se rclamer dun pays qui leur soit propre, ils constituent une vritable minorit europenne qui ne correspond toutefois pas aux

    dfinitions applicables aux minorits nationales ou linguistiques.

    En tant que minorit dpourvue de territoire, les Tsiganes contribuent dans une large

    mesure la diversit culturelle de lEurope, et cela plusieurs gards, que ce soit par la langue et la musique ou par leurs activits artisanales.

    A la suite de ladmission de nouveaux Etats membres dEurope centrale et orientale, le nombre de Tsiganes vivant dans la zone du Conseil de lEurope sest considrablement accru.

    Lintolrance lgard des Tsiganes a toujours exist. Des flambes de haine raciale ou sociale se produisent cependant de plus en plus rgulirement et les relations

    tendues entre les communauts ont contribu crer la situation dplorable dans

    laquelle vivent aujourdhui la majorit des Tsiganes.

    Le respect des droits des Tsiganes, quil sagisse des droits fondamentaux de la personne, ou de leurs droits en tant que minorit, est une condition essentielle de

    lamlioration de leur situation.

    En garantissant lgalit des droits, des chances et de traitement, et en prenant des mesures pour amliorer le sort des Tsiganes, il sera possible de redonner vie leur

    langue et leur culture, et, partant, denrichir la diversit culturelle europenne.

  • 12 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    Il importe de garantir aux Tsiganes la jouissance des droits et des liberts dfinis

    dans larticle 14 de la Convention europenne des Droits de lHomme, car cela leur permet de faire valoir leurs droits. (...)

    40. Concernant le domaine de lducation, la recommandation dispose :

    les programmes europens existants de formation des matres enseignant des

    Tsiganes devraient tre largis ;

    une attention particulire devrait tre accorde lducation des femmes, en gnral, et des mres accompagnes de leurs enfants en bas ge ;

    les jeunes Tsiganes dous devraient tre encourags tudier et jouer le rle

    dintermdiaires pour les Tsiganes ; (...).

    b) La Recommandation no 1557 (2002) relative la situation juridique des

    Roms en Europe

    41. Cette recommandation nonce notamment :

    (...)

    3. Aujourdhui, les Roms font encore lobjet de discrimination, de marginalisation et de sgrgation. La discrimination est rpandue dans tous les domaines de la vie

    publique et prive, y compris dans laccs la fonction publique, lenseignement, lemploi, aux services de sant et au logement, ainsi que lors du passage des frontires et dans laccs aux procdures dasile. La marginalisation et la sgrgation conomique et sociale des Roms se transforment en discrimination ethnique, qui

    touche en gnral les groupes sociaux les plus faibles.

    4. Les Roms constituent un groupe particulier, minoritaire double titre :

    ethniquement minoritaires, ils appartiennent aussi trs souvent aux couches

    socialement dfavorises de la socit. (...)

    15. Le Conseil de lEurope peut et doit jouer un rle important dans lamlioration du statut juridique des Roms, du niveau dgalit dont ils bnficient et de leurs conditions dexistence. LAssemble appelle les Etats membres satisfaire les six conditions gnrales ci-aprs, qui sont ncessaires pour une amlioration de la

    situation des Roms en Europe : (...)

    c) garantir lgalit de traitement la minorit rom en tant que groupe minoritaire ethnique ou national dans les domaines de lducation, de lemploi, du logement, de la sant et des services publics. Les Etats membres devraient porter une attention

    spciale :

    (...)

    ii. donner la possibilit aux Roms dintgrer toutes les structures ducatives, du jardin denfants luniversit ;

    iii. dvelopper des mesures positives pour recruter des Roms dans les services

    publics intressant directement les communauts roms, comme les tablissements

    denseignement primaire et secondaire, les centres de protection sociale, les centres locaux de soins de sant primaire et les administrations locales ;

    iv. faire disparatre toute pratique tendant la sgrgation scolaire des enfants

    roms, en particulier la pratique consistant les orienter vers des coles ou des

    classes rserves aux lves handicaps mentaux ;

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 13

    d) dvelopper, et mettre en uvre des actions positives et un traitement prfrentiel pour les classes socialement dfavorises, y compris les Roms, en tant que

    communaut socialement dfavorise, dans les domaines de lenseignement, de lemploi et du logement (...) ;

    e) prendre des mesures spcifiques et crer des institutions spciales pour la

    protection de la langue, de la culture, des traditions et de lidentit roms ; (...)

    ii. encourager les parents roms envoyer leurs enfants lcole primaire et secondaire, et dans les tablissements denseignement suprieur et les informer correctement de limportance de lducation ; (...)

    v. recruter des enseignants roms, notamment dans les zones o la population rom

    est importante ;

    f) combattre le racisme, la xnophobie et lintolrance, et garantir le traitement non discriminatoire des Roms aux niveaux local, rgional, national et international : (...)

    vi. porter une attention particulire aux phnomnes de discrimination

    lencontre des Roms, notamment dans le domaine de lducation et de lemploi ; (...).

    3. La Commission europenne contre le racisme et lintolrance (ECRI)

    a) La recommandation de politique gnrale no 3 de lECRI : La lutte contre

    le racisme et lintolrance envers les Roms/Tsiganes (adopte par lECRI le 6 mars 1998)

    42. Les passages pertinents de cette recommandation sont ainsi libells :

    La Commission europenne contre le racisme et lintolrance :

    (...)

    Rappelant que la lutte contre le racisme, la xnophobie, lantismitisme et lintolrance fait partie intgrante de la protection et promotion des droits de lhomme, que ces derniers sont universels et indivisibles, et sont les droits de tout tre humain, sans distinction aucune ;

    Soulignant que la lutte contre le racisme, la xnophobie, lantismitisme et lintolrance vise avant tout protger les droits des membres vulnrables de la socit ;

    Convaincue que toute action contre le racisme et la discrimination devrait partir du

    point de vue de la victime et tendre amliorer sa situation ;

    Constatant que les Roms/Tsiganes souffrent aujourdhui partout en Europe de prjugs persistants leur gard, sont victimes dun racisme profondment enracin dans la socit, sont la cible de manifestations, parfois violentes, de racisme et

    dintolrance, et que leurs droits fondamentaux sont rgulirement viols ou menacs ;

    Constatant galement que les prjugs persistants envers les Roms/Tsiganes

    conduisent des discriminations leur gard dans de nombreux domaines de la vie

    sociale et conomique, et que ces discriminations alimentent considrablement le

    processus dexclusion sociale dont souffrent les Roms/Tsiganes ;

    Convaincue que la promotion du principe de tolrance est une garantie du maintien

    de socits ouvertes et pluralistes rendant possible une coexistence pacifique ;

  • 14 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    recommande aux gouvernements des Etats membres ce qui suit :

    (...)

    Sassurer que la discrimination en tant que telle ainsi que les pratiques discriminatoires sont combattues au moyen de lgislations adquates et veiller

    introduire dans le droit civil des dispositions spcifiques cet effet, notamment

    dans les secteurs de lemploi, du logement et de lducation ;

    (...)

    Combattre de manire vigoureuse toute forme de sgrgation scolaire lgard des enfants roms/tsiganes et assurer de manire effective lgalit daccs lducation ; (...).

    b) La recommandation de politique gnrale no 7 de lECRI sur la lgislation

    nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale

    (adopte par lECRI le 13 dcembre 2002)

    43. Aux fins de cette recommandation, on entend par :

    a) racisme la croyance quun motif tel que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalit ou lorigine nationale ou ethnique justifie le mpris envers une personne ou un groupe de personnes ou lide de supriorit dune personne ou dun groupe de personnes.

    b) discrimination raciale directe toute diffrence de traitement fonde sur un

    motif tel que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalit ou lorigine nationale ou ethnique, qui manque de justification objective et raisonnable. Une

    diffrence de traitement manque de justification objective et raisonnable si elle ne

    poursuit pas un but lgitime ou si fait dfaut un rapport raisonnable de

    proportionnalit entre les moyens employs et le but vis.

    c) discrimination raciale indirecte le cas o un facteur apparemment neutre tel

    quune disposition, un critre ou une pratique ne peut tre respect aussi facilement par des personnes appartenant un groupe distingu par un motif tel que la race, la

    couleur, la langue, la religion, la nationalit ou lorigine nationale ou ethnique, ou dsavantage ces personnes, sauf si ce facteur a une justification objective et

    raisonnable. Il en est ainsi sil poursuit un but lgitime et sil existe un rapport raisonnable de proportionnalit entre les moyens employs et le but vis.

    44. Dans lexpos des motifs relatif cette recommandation, il est not (point 8) que les dfinitions des notions de discrimination raciale directe et

    indirecte contenues dans le paragraphe 1 b) et c) de la recommandation

    sinspirent de celles contenues dans la Directive 2000/43/CE du Conseil relative la mise en uvre du principe de lgalit de traitement entre les personnes sans distinction de race ou dorigine ethnique, et dans la Directive 2000/78/CE du Conseil portant cration dun cadre gnral en faveur de lgalit de traitement en matire demploi et de travail, ainsi que de la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme.

    c) Le rapport de lECRI sur la Grce rendu public le 8 juin 2004

    45. LECRI rappelle dans son rapport du 8 juin 2004 que dans son rapport prcdent elle avait attir lattention des autorits grecques sur la situation des Roms, notamment sur les problmes dexpulsion de leurs

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 15

    logements et de discrimination dans laccs aux services publics, et soulign limportance de surmonter les rsistances locales aux initiatives en faveur des Roms.

    46. Aprs avoir fait tat de son inquitude, lECRI estime dans son rapport du 8 juin 2004 que, depuis ladoption de son second rapport sur la Grce, la situation des Roms en Grce na pas fondamentalement chang et quen gnral ils connaissent les mmes difficults - y compris des discriminations - en matire de logement, demploi, dducation ou daccs aux services publics.

    4. Le Commissaire aux Droits de lHomme

    Le Rapport final de M. Alvaro Gil-Robles sur la situation en matire de droits

    de lhomme des Roms, Sintis et Gens du voyage en Europe (dat du 15 fvrier 2006)

    47. Dans la troisime partie de ce rapport, consacre la discrimination

    dans le domaine de lducation, le Commissaire observe que si un nombre important denfants roms nont pas accs une ducation de qualit gale celle offerte aux autres enfants, cest aussi en raison des pratiques discriminatoires et des prjugs. Il relve cet gard que la sgrgation au

    sein du systme ducatif est une caractristique commune de nombreux

    Etats membres du Conseil de lEurope. Dans certains pays, il existe des coles isoles dans des campements isols, dans dautres des classes spciales pour enfants roms dans des coles ordinaires, ou une

    surreprsentation nette des enfants roms dans des classes pour enfants ayant

    des besoins spciaux. Il est frquent que les enfants roms soient placs dans

    des classes pour enfants ayant des besoins spciaux, sans valuation

    psychologique ou pdagogique adquate, les critres rels tant leur origine

    ethnique. Le placement dans des coles ou classes spciales fait que ces

    enfants suivent souvent un programme scolaire moins ambitieux que celui

    des classes normales, ce qui rduit leurs perspectives en matire dducation et, partant, leurs possibilits de trouver un emploi ultrieurement. Le

    placement automatique des enfants roms dans des classes pour enfants ayant

    des besoins spciaux est propre conforter la rprobation sociale en

    tiquetant les enfants roms comme moins intelligents et moins capables.

    Dans le mme temps, lducation sgrgue prive les enfants roms et les enfants non roms de la possibilit de se connatre et dapprendre vivre comme des citoyens gaux. Elle exclut les enfants roms de la socit

    normale ds leur toute petite enfance, en augmentant le risque pour eux

    dtre pris dans le cercle vicieux de la marginalisation. 48. En conclusion, le Commissaire formule un certain nombre de

    recommandations dans le domaine de lducation. Selon lui, lorsque la sgrgation en matire dducation existe encore sous une forme ou sous une autre, il faut lui substituer un enseignement intgr ordinaire et, sil y a lieu, linterdire par la lgislation. Des ressources suffisantes doivent tre

  • 16 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    affectes lenseignement prscolaire, la formation linguistique et la formation dassistants scolaires, afin de garantir le succs des efforts dploys en matire de dsgrgation. Ensuite, une valuation adquate doit

    tre faite avant de placer les enfants dans des classes spciales, afin que les

    seuls critres de placement soient les besoins objectifs de lenfant et non son origine ethnique.

    EN DROIT

    I. SUR LA RECEVABILIT DE LA REQUTE

    49. A titre principal, le Gouvernement plaide lirrecevabilit de la requte faute pour les requrants davoir puis les voies de recours internes. En particulier, il affirme quen vertu de larticle 45 4 du dcret lgislatif n

    o 18/1989, les requrants avaient la possibilit de saisir la cour

    administrative dappel dun recours en annulation contre lomission de ladministration de procder lenregistrement de leurs enfants. De surcrot, le Gouvernement plaide que les requrants pouvaient, sur la base de

    larticle 52 2 du dcret prcit, assortir leur recours en annulation dune demande de suspension de lomission reproche ladministration.

    50. La Cour estime que ladite exception est troitement lie la

    substance du grief nonc par les requrants sur le terrain de larticle 13 de la Convention et dcide de la joindre au fond.

    51. La Cour constate par ailleurs que la requte nest pas manifestement mal fonde au sens de larticle 35 3 de la Convention. Elle relve en outre quelle ne se heurte aucun autre motif dirrecevabilit. Il convient donc de la dclarer recevable.

    II. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 13 DE LA CONVENTION

    52. Les requrants se plaignent quils ne disposaient en droit interne daucun recours au travers duquel ils auraient pu soulever leurs griefs tirs de larticle 14 de la Convention combin avec larticle 2 du Protocole no 1. Ils invoquent larticle 13 de la Convention, ainsi libell :

    Toute personne dont les droits et liberts reconnus dans la (...) Convention ont t

    viols, a droit loctroi dun recours effectif devant une instance nationale, alors mme que la violation aurait t commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles.

    53. Le Gouvernement soutient que larticle 13 de la Convention na pas t enfreint. En se rfrant son argumentation labore dans le cadre de

    son exception quant la recevabilit de la requte, il affirme que les

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 17

    intresss auraient pu saisir les juridictions administratives dun recours en annulation, en vertu des articles 45 et 52 du dcret lgislatif n

    o 18/1989,

    contre le refus tacite de ladministration denregistrer leurs enfants lcole primaire dAspropyrgos.

    54. Les requrants affirment quils ne disposaient pas de recours susceptibles de leur fournir une rparation adquate pour la violation en

    cause. Ils arguent avoir fait usage des moyens de droit permettant le prompt

    enregistrement de leurs enfants lcole primaire puisquils se sont adresss, par lintermdiaire du Moniteur grec Helsinki, au ministre comptent ainsi quau Mdiateur de la Rpublique. Ils estiment que la saisine des juridictions administratives naurait pas garanti la prompte scolarisation de leurs enfants pour lanne scolaire 2004-2005, tant donn le retard mis par ces juridictions traiter les recours dont elles sont saisies.

    En dernier lieu, les requrants notent que leur grief vise principalement la

    sgrgation, pour des motifs racistes, de leurs enfants dans le milieu

    scolaire. Ils arguent sur ce point quaucun recours devant les juridictions administratives naurait pu tre efficace tant donn que, selon le droit interne, la sgrgation des lves dorigine rom dans le cadre scolaire est acceptable. Ils se rfrent sur ce point la lettre de lInstitut de lducation des personnes dorigine grecque et de lducation interculturelle en date du 2 fvrier 2004, selon laquelle dix-huit coles frquentes uniquement par

    des enfants gitans avaient fonctionn sur le territoire grec durant lanne scolaire 2002-2003 (paragraphe 36 ci-dessus).

    55. La Cour rappelle que larticle 13 de la Convention garantit lexistence en droit interne dun recours pour les griefs que lon peut estimer dfendables au regard de la Convention. Un tel recours doit habiliter

    linstance nationale comptente connatre du contenu du grief fond sur la Convention et offrir le redressement appropri, mme si les Etats

    contractants jouissent dune certaine marge dapprciation quant la manire de se conformer aux obligations que leur fait cette disposition.

    56. En outre, la Cour note que la rgle de lpuisement des voies de recours internes, nonce larticle 35 1 de la Convention, se fonde sur lhypothse, incorpore dans larticle 13, avec lequel elle prsente dtroites affinits, que lordre interne offre un recours effectif, en pratique comme en droit quant la violation allgue (Kuda c. Pologne [GC], no 30210/96, 152, CEDH 2000-XI ; Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC],

    no 30985/96, 96-98, CEDH 2000-XI). La Cour rappelle quen vertu de la

    rgle de lpuisement des voies de recours internes le requrant doit, avant de saisir la Cour, avoir donn lEtat responsable, en utilisant les ressources judiciaires pouvant tre considres comme effectives et suffisantes offertes

    par la lgislation nationale, la facult de remdier par des moyens internes

    aux violations allgues (voir, entre autres, Fressoz et Roire c. France [GC],

    no 29183/95, 37, CEDH 1999-I).

    57. Larticle 35 1 de la Convention ne prescrit lpuisement que des recours la fois relatifs aux violations incrimines, disponibles et adquats.

  • 18 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    Ils doivent exister un degr suffisant de certitude non seulement en thorie

    mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent leffectivit et laccessibilit voulues ; il incombe lEtat dfendeur de dmontrer que ces exigences se trouvent runies (voir, entre autres, Dalia c. France, arrt du

    19 fvrier 1998, Recueil des arrts et dcisions 1998-I, p. 87, 38). Enfin,

    celui qui a exerc un recours de nature remdier directement et non de faon dtourne la situation litigieuse nest pas tenu den puiser dautres ventuellement ouverts mais lefficacit improbable (Manoussakis et autres c. Grce, arrt du 26 septembre 1996, Recueil 1996-

    IV, 33).

    58. En loccurrence, la Cour note que le Gouvernement na produit aucun exemple jurisprudentiel propre dmontrer que lutilisation des recours prcits aurait pu entraner lannulation de lomission allgue de ladministration de procder lenregistrement des enfants non scolariss. Or il appartient lEtat qui excipe du non-puisement des voies de recours internes dtablir lexistence de recours effectifs et suffisants (Soto Sanchez c. Espagne, n

    o 66990/01, 34, 25 novembre 2003). Au vu de ce qui

    prcde, force est la Cour de rejeter lexception du Gouvernement tire du non-puisement des voies de recours internes. En outre, compte tenu du fait

    que le Gouvernement na fait tat daucun autre recours que les requrants auraient pu exercer afin dobtenir le redressement de la violation allgue au titre de larticle 14 de la Convention combin avec larticle 2 du Protocole n

    o 1, la Cour conclut que lEtat a manqu ses obligations dcoulant de

    larticle 13 de la Convention. 59. Partant, il y a eu violation de cette disposition.

    III. SUR LA VIOLATION ALLGUE DES ARTICLES 2 DU

    PROTOCOLE No 1 ET 14 DE LA CONVENTION

    60. Les requrants plaident que la non-scolarisation de leurs enfants

    dorigine rom pour lanne scolaire 2004-2005 est due linertie et aux omissions des autorits comptentes. De surcrot, ils voient une

    discrimination fonde sur leur race ou leur origine ethnique dans le fait que

    leurs enfants ont d tre scolariss dans des classes prparatoires spciales,

    loges dans des salles distinctes de ltablissement principal de lcole primaire dAspropyrgos o sont accueillis dautres enfants se trouvant dans une situation comparable. Ils invoquent cet gard les articles 2 du

    Protocole no 1 et 14 de la Convention, dispositions libelles comme suit :

    Article 14 de la Convention

    La jouissance des droits et liberts reconnus dans la (...) Convention doit tre

    assure, sans distinction aucune, fonde notamment sur le sexe, la race, la couleur,

    la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, lorigine nationale ou sociale, lappartenance une minorit nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 19

    Article 2 du Protocole no 1

    Nul ne peut se voir refuser le droit linstruction. LEtat, dans lexercice des fonctions quil assumera dans le domaine de lducation et de lenseignement, respectera le droit des parents dassurer cette ducation et cet enseignement conformment leurs convictions religieuses et philosophiques.

    A. Thses des parties

    61. Le Gouvernement affirme que les autorits ducatives

    dAspropyrgos ont fait tout ce qui tait possible pour enregistrer lcole primaire les enfants dorigine rom qui rsidaient dans le camp de Psari. Il note quen novembre et en dcembre 2004, une dlgation de professeurs des coles primaires dAspropyrgos a rendu visite aux Roms rsidant dans le camp de Psari pour les convaincre denregistrer leurs enfants lcole. Il ajoute que lorsque les requrants se sont prsents la directrice de la

    10e cole primaire dAspropyrgos ils ne possdaient pas les documents

    requis pour lenregistrement. Enfin, il note que pour lanne scolaire 2004-2005 et les annes prcdentes des enfants dorigine rom avaient t enregistrs la 10

    e cole primaire dAspropyrgos.

    62. Quant la cration des classes prparatoires spciales, le

    Gouvernement relve que celles-ci ne poursuivaient aucunement des buts

    sgrgatifs. Il affirme que ces classes ont t prvues uniquement pour les

    lves ayant un ge suprieur celui de linscription lcole primaire. Selon le Gouvernement, lobjectif de ces classes tait principalement lapprentissage de la lecture et de lcriture par les lves concerns afin de permettre par la suite leur intgration dans des classes ordinaires. Ces

    classes ont initialement eu lieu laprs-midi dans les locaux de la 10e cole primaire dAspropyrgos, en raison du manque despace dans la matine, avant dtre transfres dans des salles prfabriques installes prs du camp des Roms Psari. Le Gouvernement a soumis un document non dat

    ni sign, intitul Rapport/Compte rendu sur la vie scolaire et lactivit ducative dans le complexe scolaire pour enfants dorigine rom install dans le parc de Gorytsa . Selon ce rapport, lors de leur inscription et leur

    scolarisation dans les classes prparatoires, les lves concerns avaient t

    soumis des preuves dvaluation qui avaient dmontr que 90% dentre eux prsentaient des faiblesses en criture et en lecture de la langue grecque.

    En outre, le Gouvernement note que les requrants avaient t informs de

    la cration des classes prparatoires et quils avaient accord leur consentement. Enfin, il note quil a t prvu que pour lanne 2007-2008 les classes prparatoires aient lieu dans un nouveau btiment cens tre

    construit dans le complexe scolaire de la 10e cole primaire dAspropyrgos

    pour accueillir une nouvelle cole primaire.

    63. Les requrants se rfrent aux directives du ministre de lEducation nationale en vertu desquelles ladministration est tenue de faciliter lenregistrement des enfants dorigine rom lcole. Ils affirment que selon

  • 20 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    le droit interne toute personne qui omet denregistrer son enfant lcole engage sa responsabilit pnale. Ils allguent que le non-engagement de

    poursuites pnales contre eux dans le cas despce ne fait que confirmer lindiffrence des autorits ducatives quant lenregistrement des enfants dorigine rom lcole primaire.

    64. Sagissant de la scolarisation des enfants roms dans des classes prparatoires distinctes, les requrants se rfrent notamment aux incidents

    crs par lassociation des parents des lves des coles primaires dAspropyrgos lors de louverture de lanne scolaire 2005-2006. Ces incidents reposeraient sur un fond raciste, ce qui expliquerait lattitude sgrgative des autorits comptentes. Quant aux dmarches entreprises par

    les autorits scolaires pendant lt 2005 pour linscription des enfants roms lcole primaire, les requrants allguent que celles-ci taient inappropries : les Roms nauraient pas dinstallations lectriques dans leur camp pour couter la radio, ils seraient illettrs et, enfin, le service postal ne

    desservirait pas leur camp.

    65. Les requrants allguent le caractre contradictoire des arguments du

    Gouvernement tendant tablir que la constitution des classes prparatoires

    pour les lves roms tait dicte par des raisons objectives. Ils affirment

    notamment que si la classe du matin na jamais eu lieu cest afin que les lves roms ne frquentent pas les autres. Ils estiment en effet que la

    frquentation de la classe du matin par leurs enfants aurait t possible,

    compte tenu du nombre limit dlves (de huit douze) qui suivaient la classe de laprs-midi dans limmeuble principal de lcole primaire avant dtre transfrs son annexe. De surcrot, les requrants soutiennent que lcole spciale na en vrit pas fonctionn pour prparer lintgration des lves roms, puisque aucun de ces lves na par la suite intgr les classes ordinaires. Les requrants notent sur ce point quaujourdhui aucun des lves dorigine rom ne suit une classe ordinaire ou prparatoire ; en revanche, les classes prparatoires sont supprimes et les lves dorigine rom ont t transfrs la 12

    e cole primaire dAspropyrgos, tablissement

    nouvellement cr et non encore oprationnel.

    B. Apprciation de la Cour

    1. Principes gnraux

    a) Sur larticle 2 du Protocole no1

    66. La Cour rappelle que larticle 2 du Protocole no 1 implique pour lEtat le droit dinstaurer une scolarisation obligatoire, quelle ait lieu dans les coles publiques ou au travers de leons particulires de qualit, et que la

    vrification et lapplication des normes ducatives fait partie intgrante de ce droit (Famille H. c. Royaume-Uni, n

    o 10233/83, dcision de la

    Commission du 6 mars 1984, Dcisions et rapports (DR) 37, p. 109). En

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 21

    outre, la Cour a plus rcemment soulign limportance de la scolarisation des enfants dans des coles primaires, non seulement pour lacquisition des connaissances mais aussi pour lintgration des enfants dans la socit. La Cour a par ailleurs admis lutilit du systme de scolarisation obligatoire pour viter lmergence au sein dune socit de deux entits aux convictions philosophiques diffrentes (Konrad et autres c. Allemagne

    (dc.), no 35504/030, 11 septembre 2006). Au vu de ce qui prcde, la Cour

    souligne limportance particulire, dans les systmes o la scolarisation au sein dtablissements publics ou privs est obligatoire, de linscription lcole de tous les enfants en ge scolaire, importance encore accrue lorsque les enfants appartiennent des minorits.

    b) Sur larticle 14 de la Convention

    67. La Cour rappelle que la discrimination consiste traiter de manire

    diffrente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes places

    dans des situations comparables (Willis c. Royaume-Uni, no 36042/97, 48,

    CEDH 2002-IV). Les Etats contractants jouissent dune certaine marge dapprciation pour dterminer si et dans quelle mesure des diffrences entre des situations dautres gards analogues justifient des distinctions de traitement (Gaygusuz c. Autriche, arrt du 16 septembre 1996, Recueil

    1996-IV, 42), mais il appartient la Cour de statuer en dernier ressort sur

    le respect des exigences de la Convention.

    68. Larticle 14 ninterdit pas un Etat membre de traiter des groupes de manire diffrencie pour corriger des ingalits factuelles entre eux ; de

    fait, dans certaines circonstances, cest labsence dun traitement diffrenci pour corriger une ingalit qui peut, en labsence dune justification objective et raisonnable, emporter violation de la disposition en cause

    (Thlimmenos c. Grce [GC], no 34369/97, 44, CEDH 2000-IV ; D.H. et

    autres c. Rpublique tchque [GC], no 57325/00, 175, CEDH 2007-...). La

    Cour a galement admis que pouvait tre considre comme discriminatoire

    une politique ou une mesure gnrale qui avait des effets prjudiciables

    disproportionns sur un groupe de personnes, mme si elle ne visait pas

    spcifiquement ce groupe (Hugh Jordan c. Royaume-Uni, no 24746/94,

    154, 4 mai 2001 ; Hoogendijk c. Pays-Bas (dc.), no 58461/00, 6 janvier

    2005), et quune discrimination potentiellement contraire la Convention pouvait rsulter dune situation de fait (Zarb Adami c. Malte, no 17209/02, 76, CEDH 2006-....)

    69. La discrimination fonde, notamment, sur lorigine ethnique dune personne constitue une forme de discrimination raciale. Il sagit dune discrimination particulirement condamnable qui, compte tenu de ses

    consquences dangereuses, exige une vigilance spciale et une raction

    vigoureuse de la part des autorits. Cest pourquoi celles-ci ont lobligation de recourir tous les moyens dont elles disposent pour combattre le

    racisme, en renforant ainsi la conception que la dmocratie a de la socit,

  • 22 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    y percevant la diversit non pas comme une menace mais comme une

    richesse (Natchova et autres c. Bulgarie [GC], nos

    43577/98 et 43579/98,

    145, CEDH 2005-... ; Timichev c. Russie, nos

    55762/00 et 55974/00, 56,

    CEDH 2005-...). La Cour a par ailleurs considr que, dans la socit

    dmocratique actuelle base sur les principes du pluralisme et du respect

    pour les diffrentes cultures, aucune diffrence de traitement fonde

    exclusivement ou dans une mesure dterminante sur lorigine ethnique dune personne ne saurait tre objectivement justifie (Timichev, prcit, 58 ; D.H. et autres c. Rpublique tchque, prcit, 176).

    70. En ce qui concerne la charge de la preuve en la matire, la Cour

    a jug que, quand un requrant a tabli lexistence dune diffrence de traitement, il incombe au Gouvernement de dmontrer que cette diffrence

    de traitement tait justifie (voir, par exemple, Chassagnou et autres

    c. France [GC], nos

    25088/94, 28331/95 et 28443/95, 91-92, CEDH

    1999-III ; Timichev, prcit, 57).

    71. Quant aux lments susceptibles de constituer un tel commencement

    de preuve et, partant, de transfrer la charge de la preuve sur lEtat dfendeur, la Cour a relev (Natchova et autres, prcit, 147) que, dans le

    cadre de la procdure devant elle, il nexistait aucun obstacle procdural la recevabilit dlments de preuve ni aucune formule prdfinie applicable leur apprciation. En effet, la Cour adopte les conclusions qui, son avis, se

    trouvent tayes par une valuation indpendante de lensemble des lments de preuve, y compris les dductions quelle peut tirer des faits et des observations des parties. Conformment la jurisprudence constante de

    la Cour, la preuve peut ainsi rsulter dun faisceau dindices ou de prsomptions non rfutes, suffisamment graves, prcis et concordants. En

    outre, le degr de conviction ncessaire pour parvenir une conclusion

    particulire et, cet gard, la rpartition de la charge de la preuve sont

    intrinsquement lis la spcificit des faits, la nature de lallgation formule et au droit conventionnel en jeu (D.H. et autres c. Rpublique

    tchque, prcit, 178).

    72. Il ressort enfin de la jurisprudence de la Cour que la vulnrabilit des

    Roms/Tsiganes implique la ncessit daccorder une attention spciale leurs besoins et leur mode de vie propre, tant dans le cadre rglementaire

    considr que lors de la prise de dcision dans des cas particuliers

    (Chapman c. Royaume-Uni [GC], no 27238/95, 96, CEDH 2001-I ;

    Connors c. Royaume-Uni, no 66746/01, 84, 27 mai 2004). La Cour note

    que, du fait de leurs vicissitudes et de leur perptuel dracinement, les Roms

    constituent une minorit dfavorise et vulnrable qui a un caractre

    particulier (voir aussi les observations gnrales de la recommandation

    no 1203 (1993) de lAssemble parlementaire relative aux Tsiganes en

    Europe, paragraphe 39 ci-dessus, et le point 4 de sa recommandation

    no 1557 (2002) relative la situation juridique des Roms en Europe,

    paragraphe 41 ci-dessus). Ils ont ds lors besoin dune protection spciale. Comme en tmoignent les activits de nombreux organismes grecs et

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 23

    europens, dont les recommandations des organes du Conseil de lEurope (paragraphes 34-48 ci-dessus), cette protection stend galement au domaine de lducation. La prsente affaire mrite donc une attention particulire, dautant quau moment de la saisine de la Cour les personnes concernes taient des enfants mineurs pour qui le droit linstruction revtait un intrt primordial (D.H. et autres c. Rpublique tchque, prcit,

    182).

    73. De surcrot, la Cour a dj observ quun consensus international se faisait jour au sein des Etats contractants du Conseil de lEurope pour reconnatre les besoins particuliers des minorits et lobligation de protger leur scurit, leur identit et leur mode de vie, et ce non seulement dans le

    but de protger les intrts des minorits elles-mmes mais aussi pour

    prserver la diversit culturelle, bnfique la socit dans son ensemble

    (Chapman c. Royaume-Uni, prcit, 93-94).

    2. Application des principes prcits la prsente affaire

    74. La Cour observe demble quelle se trouve confronte des versions divergentes sur certains lments de fait, notamment sur le

    caractre de la visite des locaux des coles primaires dAspropyrgos effectue le 21 septembre 2004 par les parents denfants roms. Les requrants allguent que lobjectif de cette visite tait linscription de leurs enfants tandis que le Gouvernement affirme que les intresss souhaitaient

    seulement obtenir des informations en vue de lenregistrement de leurs enfants mineurs. De plus, les parties sont en dsaccord, notamment, sur la

    visite dune dlgation de professeurs au camp de Psari en novembre et dcembre 2004, sur les critres de slection des enfants scolariss dans des

    coles prparatoires et sur la situation actuelle quant la scolarisation des

    lves dorigine rom. 75. La Cour rappelle quelle demeure libre de se livrer sa propre

    valuation la lumire de lensemble des lments dont elle dispose (Ribitsch c. Autriche, arrt du 4 dcembre 1995, srie A n 336, p. 24, 32).

    Elle note aussi que mme si plusieurs faits demeurent incertains, il existe

    suffisamment dlments factuels ressortant des documents soumis par les parties pour quelle puisse apprcier laffaire.

    76. En lespce, les requrants soutiennent que leurs enfants ont subi, sans justification objective et raisonnable, un traitement moins favorable

    que celui rserv aux non-Roms dans une situation comparable, et que cette

    situation sanalyse en une discrimination contraire la Convention. La Cour examinera donc, dans un premier temps, si les faits de la cause laissent ou

    non prsumer lexistence dune discrimination. Dans laffirmative, elle recherchera par la suite si la discrimination prsume se fondait sur une base

    objective et raisonnable.

  • 24 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    a) Sur lexistence en lespce dlments justifiant une prsomption de discrimination

    77. La Cour note demble que les parties confirment que les enfants mineurs des requrants ont manqu lanne scolaire 2004-2005 et que des classes prparatoires ont t cres au sein de la 10

    e cole primaire

    dAspropyrgos, mais quen revanche elles sont en dsaccord quant ce qutait lintention des autorits comptentes relativement aux actes ou omissions qui leur sont imputs. En effet, les requrants allguent que les

    autorits tatiques poursuivaient la sgrgation des enfants roms, tandis que

    le Gouvernement affirme que leur but tait de faciliter lintgration des enfants dorigine rom aux classes ordinaires de lcole primaire dAspropyrgos.

    78. La Cour a dj reconnu les difficults que peuvent prouver les

    requrants lorsquil sagit de prouver lexistence dun traitement discriminatoire (Natchova et autres, prcit, 147 et 157). Pour garantir

    aux personnes concernes une protection effective de leurs droits, des rgles

    de preuve moins strictes simposent en cas dallgation de discrimination indirecte.

    79. Si une prsomption rfragable de discrimination relativement

    leffet dune mesure ou dune pratique est ainsi tablie par le requrant allguant une discrimination, il incombe ensuite lEtat dfendeur de rfuter cette prsomption en dmontrant que la diffrence en question nest pas discriminatoire (voir, mutatis mutandis, Natchova et autres, prcit,

    157). En effet, vu notamment la spcificit des faits et la nature des

    allgations formules dans ce type daffaires (ibidem, 147), il serait en pratique extrmement difficile pour les intresss de prouver la

    discrimination indirecte sans un tel renversement de la charge de la preuve.

    80. En loccurrence, la Cour note que la cration des trois classes prparatoires en cause na t prvue quen 2005, lorsque les autorits locales se sont trouves confrontes la question de la scolarisation des

    enfants dorigine rom rsidant au camp de Psari. En particulier, il ressort explicitement du document n

    o 20.3/747 remis par le 1er Bureau de

    lducation primaire de lAttique de lOuest le 5 juin 2007 que le directeur dpartemental de lducation dans la rgion de lAttique convoqua une runion informelle des instances comptentes de la commune

    dAspropyrgos pour faire face aux inscriptions supplmentaires des lves dorigine rom. Le Gouvernement ne donne aucun exemple, antrieur aux faits de la cause, de cration de classes spciales au sein des coles

    primaires dAspropyrgos, alors que dautres enfants dorigine rom y furent inscrits dans le pass.

    81. De surcrot, la Cour note que les parties saccordent sur la composition des classes prparatoires : en effet, celles-ci taient frquentes

    exclusivement par des lves dorigine rom. La Cour ne perd pas de vue cet gard que la cration de classes prparatoires et, a fortiori, dcoles

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 25

    destines exclusivement la scolarisation des enfants roms tait au moins

    tolre par le droit interne : par une lettre du 2 fvrier 2004, lInstitut de lducation des personnes dorigine grecque et de lducation interculturelle informa le reprsentant du Moniteur grec Helsinki que dix-huit coles

    frquentes exclusivement par des enfants gitans avaient t

    oprationnelles sur le territoire grec durant lanne scolaire 2002-2003, (paragraphe 36 ci-dessus).

    82. La Cour estime par ailleurs ncessaire de se rfrer au contexte

    historique de laffaire, et notamment aux incidents de caractre raciste ayant eu lieu devant la 10

    e cole primaire dAspropyrgos en septembre et octobre

    2005. Elle reconnat que lesdits incidents ne peuvent pas tre imputs aux

    autorits tatiques, puisquils ont t organiss, aussi regrettable que cela puisse tre, par des particuliers, savoir certains des parents des lves non

    roms de la 10e cole primaire dAspropyrgos. La Cour ne peut que noter sur

    ce point que des forces de police furent expdies plusieurs reprises aux

    coles primaires dAspropyrgos afin de maintenir lordre et dempcher la commission dactes illgaux contre des lves dorigine rom. Cela nempche toutefois pas de supposer que les incidents susmentionns ont pes sur la dcision subsquente des autorits concernes de placer les

    lves dorigine rom dans des salles prfabriques constituant une annexe de la 10

    e cole primaire dAspropyrgos.

    83. Dans ces conditions, les lments de preuve prsents par les

    requrants et ceux figurant au dossier de laffaire peuvent tre considrs comme suffisamment fiables et rvlateurs pour faire natre une forte

    prsomption de discrimination. Il y a donc lieu de renverser la charge de la

    preuve et de la faire peser sur le Gouvernement, lequel doit dmontrer que

    cette diffrence de traitement tait le rsultat de facteurs objectifs non lis

    lorigine ethnique des personnes concernes.

    b) Sur lexistence dune justification objective et raisonnable

    84. La Cour rappelle quune distinction est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable , cest--dire si elle ne poursuit pas un but lgitime ou sil ny a pas un rapport raisonnable de proportionnalit entre les moyens employs et le but vis (voir, parmi

    beaucoup dautres, Larkos c. Chypre [GC], no 29515/95, 29, CEDH 1999-I ; Stec et autres c. Royaume-Uni [GC], n

    o 65731/01, 51,

    CEDH 2006-VI). En cas de diffrence de traitement fonde sur la race, la

    couleur ou lorigine ethnique, la notion de justification objective et raisonnable doit tre interprte de manire aussi stricte que possible (D.H.

    et autres c. Rpublique tchque, prcit, 196).

    85. La Cour note tout dabord que les requrants se plaignent du refus des autorits scolaires denregistrer leurs enfants pour lanne scolaire 2004-2005. Elle observe quil ne ressort pas des pices du dossier que les requrants aient essuy un refus explicite de la part des autorits de la 10

    e

  • 26 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    cole primaire dAspropyrgos denregistrer leurs enfants. Elle se rfre notamment au rapport du Mdiateur de la Rpublique constatant quil ny avait pas, de la part des services comptents, un refus gnral et injustifi

    dinscrire les enfants dorigine rom aux coles primaires. Elle constate par ailleurs que si les parties saccordent sur le fait que le 21 septembre 2004 les requrants sont alls voir la directrice de la 10

    e cole primaire

    dAspropyrgos, elles sont en dsaccord sur la question de savoir quel tait lobjet de cette dmarche : les requrants allguent que le but de leur visite tait lenregistrement de leurs enfants, tandis que le Gouvernement affirme que les requrants souhaitaient simplement obtenir des informations ce

    sujet.

    86. La Cour estime que, mme admettre que les requrants aient

    simplement cherch obtenir des informations sur les conditions

    denregistrement de leurs enfants lcole primaire, il est incontestable quils ont explicitement manifest lautorit scolaire comptente leur volont de scolariser leurs enfants. Etant donn la vulnrabilit des Roms,

    qui implique la ncessit daccorder une attention spciale leurs besoins (paragraphes 42 et 72 ci-dessus), et le fait que larticle 14 exige dans certaines circonstances un traitement diffrenci pour corriger une ingalit,

    les autorits comptentes auraient d reconnatre la particularit du cas

    despce et faciliter linscription des enfants dorigine rom, mme dans les cas o certains des documents administratifs requis auraient fait dfaut. La

    Cour note sur ce point que le droit grec reconnat la particularit de la

    situation des Roms, en facilitant la procdure dinscription de leurs enfants lcole (voir paragraphe 32 ci-dessus). De surcrot, comme cela a t confirm par le Mdiateur de la Rpublique, la lgislation interne prvoit la

    possibilit dune inscription dlves lcole primaire sur simple dclaration de ceux qui exercent lautorit parentale, sous rserve que soient soumis en temps utile les certificats de naissance.

    87. Cette obligation pesant sur les autorits scolaires dAspropyrgos tait dautant plus vidente que celles-ci taient conscientes du problme de scolarisation des enfants rsidant au camp de Psari et de la ncessit de

    procder leur enregistrement lcole primaire : lentrevue des requrants avec la directrice de la 10

    e cole primaire dAspropyrgos qui eut lieu le

    21 septembre 2004 avait t prcde, en aot 2004, dun communiqu de presse du ministre dlgu lEducation qui soulignait limportance de lintgration des enfants roms dans le processus de lducation nationale et, le 10 septembre 2004, dune visite effectue par le secrtaire du service de lducation des personnes dorigine grecque et de lducation interculturelle, accompagn de deux reprsentants du Moniteur grec

    Helsinki, aux camps des Roms Psari dans le but dassurer lenregistrement de tous les enfants roms en ge de scolarisation. Le Gouvernement ne

    conteste pas sur ce point que le Moniteur Grec Helsinki ait subsquemment

    inform les autorits comptentes du ministre de lEducation et des Affaires religieuses, sans que celles-ci ne donnent de suite cette affaire.

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 27

    88. Sagissant des classes spciales fonctionnant au sein de la 10e cole primaire dAspropyrgos, la Cour constate tout dabord une certaine incohrence quant aux critres qui daprs le Gouvernement sont censs rgir la slection des lves affecter des classes prparatoires. Selon la

    lettre du 1er

    Bureau de lducation primaire de lAttique de lOuest en date du 5 juin 2007, face aux inscriptions supplmentaires des lves dorigine rom pour lanne scolaire 2005-2006, cest le critre de lge qui fut retenu pour la dtermination des lves devant frquenter les classes spciales. Or,

    dans sa lettre du 17 mars 2006, la Direction de lducation primaire de lAttique de lOuest informait le ministre de lEducation nationale et des Affaires religieuses que les nouveaux lves dorigine rom avaient t accueillis dans une annexe de la 10

    e cole primaire dAspropyrgos en raison

    du manque despace dans le btiment principal de lcole. Enfin, dans sa lettre du 20 juin 2006, la 3

    e circonscription du Conseil ducatif de

    lducation primaire de lAttique dclarait explicitement avoir retenu comme critre de placement lorigine rom des intresss en vue dassurer leur adaptation lenvironnement scolaire, compte tenu des dficiences dont ils souffr[aient] et de diverses autres raisons rendant impossible leur

    intgration dans les classes ordinaires (paragraphe 29 ci-dessus).

    89. La Cour dduit de ce qui prcde que les autorits comptentes ne se

    sont pas fondes sur un critre unique et clair pour choisir les enfants

    affecter aux classes prparatoires. Elle relve notamment que dans leurs

    lettres des 17 mars et 20 juin 2006 les autorits scolaires nvoquaient que des critres se rapportant directement lorigine ethnique des intresss. Au demeurant, elle constate que mme lapplication du critre de lge mentionn dans la lettre du 5 juin 2007 ne serait pas susceptible denlever le caractre discriminatoire du traitement rserv aux enfants en cause. En

    effet, le Gouvernement ne fait aucunement tat dans ses observations de

    tests adquats auxquels les enfants concerns auraient t soumis aux fins

    dvaluation de leurs aptitudes ou de leurs difficults ventuelles dapprentissage (voir D.H. et autres c. Rpublique tchque, prcit, 199-201).

    90. Le Gouvernement a certes soumis un document, non dat ni sign,

    relatif la vie scolaire et lactivit ducative dans les classes prparatoires selon lequel les lves des classes prparatoires avaient t soumis des

    preuves dvaluation qui avaient dmontr que 90% dentre eux prsentaient des faiblesses en criture et en lecture de la langue grecque. La

    Cour relve toutefois que les enfants concerns avaient t soumis ces

    preuves aprs avoir t rpartis dans les classes prparatoires, savoir

    lors de leur inscription et leur scolarisation . De plus, le Gouvernement

    ne donne aucune prcision quant au contenu de ces tests et ne sappuie sur aucun avis dexpert pour dmontrer leur caractre adquat (voir sur ce point, D.H. et autres c. Rpublique tchque, prcit, 200).

    91. En outre, la Cour note que lobjectif affich des classes prparatoires tait que les lves concerns se retrouvent niveau pour intgrer en temps

  • 28 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    utile les classes ordinaires. Or le Gouvernement ne cite aucun exemple

    dlve qui, aprs avoir t plac dans une classe prparatoire -il y en eut ainsi plus de cinquante- aurait, aprs lcoulement de deux annes scolaires, intgr les classes ordinaires de la 10

    e cole primaire dAspropyrgos. De

    surcrot, il ne fait pas tat de tests dvaluation auxquels les lves dorigine rom auraient d tre priodiquement soumis pour permettre aux autorits

    scolaires dapprcier, sur la base de donnes objectives et non pas dvaluations approximatives, leur aptitude intgrer les classes ordinaires.

    92. La Cour estime ncessaire de souligner limportance de la mise en place dun systme adquat dvaluation des aptitudes des enfants prsentant des lacunes dapprentissage en vue de leur remise niveau. Lorsque les lves concerns appartiennent une minorit ethnique, comme

    cest le cas en lespce, un tel systme est ncessaire, avant tout, pour garantir leur placement ventuel dans des classes spciales sur la base de

    critres non discriminatoires. En loccurrence, et tant donn les incidents racistes provoqus par les parents des lves non roms dAspropyrgos, linstauration dun tel systme aurait aussi fait natre chez les requrants et leurs enfants le sentiment que le placement de ceux-ci dans des classes

    prparatoires ntait pas inspir par des motifs sgrgatifs. Tout en admettant quil ne lui appartient pas de se prononcer sur cette question de nature psychopdagogique, la Cour estime que cela aurait particulirement

    contribu lintgration sans entraves des lves dorigine rom non seulement dans les classes ordinaires, mais, en mme temps, dans la socit

    locale.

    93. Pour ce qui est du consentement parental accord par les requrants,

    la Cour note que le Gouvernement sous-entend quune diffrence de traitement ayant t tablie en lespce, un tel consentement impliquerait lacceptation de cette diffrence, ft-elle discriminatoire, cest--dire la renonciation au droit de ne pas subir de discrimination. La jurisprudence de

    la Cour exige toutefois que la renonciation un droit garanti par la

    Convention pour autant quelle soit licite se trouve tablie de manire non quivoque, quelle ait eu lieu en connaissance de cause, cest--dire sur la base dun consentement clair (Pfeifer et Plankl c. Autriche, arrt du 25 fvrier 1992, srie A n

    o 227, pp.16-17, 37-38), et sans contrainte

    (Deweer c. Belgique, arrt du 27 fvrier 1980, srie A no 35, 51).

    94. Dans les circonstances de lespce, la Cour nest pas convaincue que les requrants, en tant que membres dune communaut dfavorise et souvent sans instruction, fussent capables dvaluer tous les aspects de la situation et les consquences de leur consentement. Il parat en outre vident

    que certains au moins des requrants se sont trouvs cette occasion

    confronts un dilemme. Comme le premier requrant la indiqu dans son tmoignage sous serment du 31 mai 2007 devant le tribunal de paix

    dElefsina, il lui fallait choisir entre la scolarisation de ses enfants dans les classes ordinaires, avec le risque de voir leur intgrit mise en pril par des

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 29

    personnes non roms furieuses , et leur scolarisation dans l lcole ghetto .

    95. Rappelant limportance fondamentale de la prohibition de la discrimination raciale (Natchova et autres, prcit, 145 ; Timichev,

    prcit, 56), la Cour considre que lon ne peut admettre la possibilit de renoncer au droit de ne pas faire lobjet dune telle discrimination. En effet, pareille renonciation se heurterait un intrt public important (voir D.H. et

    autres c. Rpublique tchque, prcit, 204).

    96. Dans ces conditions et au vu des considrations exposes ci-dessus,

    la Cour nest pas convaincue que la diffrence de traitement litigieuse entre les enfants roms et les autres enfants non roms repost sur une justification

    objective et raisonnable et quil existt un rapport raisonnable de proportionnalit entre les moyens employs et le but vis. En particulier,

    elle considre que, en dpit de la volont des autorits de scolariser les

    enfants roms, les modalits denregistrement des enfants en cause lcole et leur affectation dans des classes prparatoires spciales - accueillies dans

    une annexe au btiment principal de lcole - ont en dfinitive eu pour rsultat de les discriminer.

    97. En consquence, il y a eu en lespce violation de larticle 14 de la Convention combin avec larticle 2 du Protocole no 1 dans le chef de chacun des requrants.

    IV. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    98. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

    Si la Cour dclare quil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet deffacer quimparfaitement les consquences de cette violation, la Cour accorde la partie lse, sil y a lieu, une satisfaction quitable.

    A. Dommage

    99. Les requrants rclament une somme forfaitaire de 180 000 euros

    (EUR) pour prjudice moral.

    100. Le Gouvernement affirme quun constat de violation constituerait en soi une satisfaction quitable suffisante. Subsidiairement, il estime que la

    somme alloue aux requrants ne devrait pas dpasser 10 000 EUR.

    101. La Cour considre que les requrants ont souffert un prjudice

    moral, du fait notamment de lhumiliation et de la frustration que leur a causes la discrimination dont leurs enfants ont t victimes. Ce prjudice

    moral ne se trouve pas suffisamment compens par les constats de violation

    de la Convention. Toutefois, la Cour juge excessif le montant sollicit par

    les requrants. Statuant en quit, elle considre quil y a lieu doctroyer

  • 30 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    chacun deux 6 000 EUR pour prjudice moral, plus tout montant pouvant tre d titre dimpt sur cette somme.

    B. Frais et dpens

    102. Les requrants demandent galement, facture lappui, 2 000 EUR pour les frais et dpens engags devant les instances internes et la Cour.

    103. Le Gouvernement affirme quil nexiste pas de lien de causalit entre les frais et dpens exposs devant les instances internes et les

    violations allgues de la Convention.

    104. Selon la jurisprudence de la Cour, un requrant ne peut obtenir le

    remboursement de ses frais et dpens que dans la mesure o se trouvent

    tablis leur ralit, leur ncessit et le caractre raisonnable de leur taux.

    Compte tenu du caractre raisonnable du montant rclam et du fait quune facture a t produite, la Cour accueille cette demande en entier et alloue

    conjointement aux requrants 2 000 EUR ce titre, plus tout montant

    pouvant tre d par eux titre dimpt sur cette somme.

    C. Intrts moratoires

    105. La Cour juge appropri de calquer le taux des intrts moratoires

    sur le taux dintrt de la facilit de prt marginal de la Banque centrale europenne major de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, LUNANIMIT,

    1. Joint au fond lexception du Gouvernement tire du non-puisement des voies de recours internes et la rejette ;

    2. Dclare la requte recevable ;

    3. Dit quil y a eu violation de larticle 13 de la Convention ;

    4. Dit quil y a eu violation de larticle 14 de la Convention combin avec larticle 2 du Protocole no 1 ;

  • ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE 31

    5. Dit

    a) que lEtat dfendeur doit verser chacun des requrants, dans les trois mois compter du jour o larrt sera devenu dfinitif conformment larticle 44 2 de la Convention, 6 000 EUR (six mille euros) pour dommage moral et 2 000 EUR (deux mille euros) aux

    requrants conjointement pour frais et dpens, plus tout montant pouvant

    tre d par eux titre dimpt sur lesdites sommes ; b) qu compter de lexpiration dudit dlai et jusquau versement, ces montants seront majorer dun intrt simple un taux gal celui de la facilit de prt marginal de la Banque centrale europenne applicable

    pendant cette priode, augment de trois points de pourcentage ;

    6. Rejette la demande de satisfaction quitable pour le surplus.

    Fait en franais, puis communiqu par crit le 5 juin 2008 en application

    de larticle 77 2 et 3 du rglement.

    Sren Nielsen Nina Vaji Greffier Prsidente

  • 32 ARRT SAMPANIS ET AUTRES c. GRCE

    Liste des requrants

    1. Spiridon SAMPANIS

    2. Vassiliki MOURATI

    3. Athanasios SAMPANIS

    4. Maria KARAGOUNI

    5. Nikolaos VELIOS

    6. Maria KARAHALIOU

    7. Vassiliki KOURAKI

    8. Eleni LIAKOPOULOU

    9. Sotirios SAMPANIS

    10. Ekaterini KARAHALIOU

    11. Andreas SAINIS