Upload
ismail
View
215
Download
2
Embed Size (px)
Citation preview
Annales Medico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx
G Model
AMEPSY-1829; No. of Pages 6
Memoire
Affections somatiques chez les patients en psychiatrie : etudetransversale sur 24 mois
Somatic disorders among psychiatric patients: A cross-sectional study over
24 months
Mohammed Berrimi a,b,*, Hayate Hlal a,b, Rachid Aalouane a,b, Ismail Rammouz a,b
a Service de psychiatrie, CHU Hassan II, Fes, Marocb Faculte de medecine et de pharmacie de Fes, universite Sidi Mohamed Ben Abdellah, Fes, Maroc
I N F O A R T I C L E
Historique de l’article :
Recu le 15 septembre 2012
Accepte le 15 janvier 2013
Mots cles :
Comorbidite
Depistage
Etiologie
Etude longitudinale
Pathologie somatique
Pathologie psychiatrique
Prise en charge
Keywords:
Care management
Comorbidity
Cross-sectional study
Detection
Etiology
Organic pathology
R E S U M E
Les affections somatiques chez les patients souffrant de troubles psychiatriques graves constituent
aujourd’hui un enjeu important dans la prise en charge globale de ces patients. Elles rendent plus
complexe la prise en charge therapeutique et retentissent sur le pronostic vital. Nous illustrons a travers ce
travail l’experience du service de psychiatrie au CHU Hassan II de Fes (Maroc) dans le depistage et la prise
en charge des comorbidites somatiques chez les patients atteints de pathologies psychiatriques graves.
Objectifs. – Donner un apercu sur la nature de la pathologie organique observee en milieu psychiatrique,
etudier les differentes interactions entre les pathologies psychiatriques et les affections somatiques et
comparer ces dernieres entre les patients consultants et les patients hospitalises en service de psychiatrie.
Methodes. – Nous avons realise une etude transversale aupres des patients consultant aux urgences
psychiatriques ou hospitalises dans le service de psychiatrie presentant des signes cliniques en faveur
d’une pathologie organique et transferes pour avis specialise dans les services medico-chirurgicaux du CHU
de Fes, pendant une periode de 24 mois allant de janvier 2010 a decembre 2011. Le recueil des informations
a ete effectue en se basant sur les observations cliniques psychiatriques et celles des medecins somaticiens.
Resultats. – Sur une periode de 24 mois, 80 patients ont ete inclus dans notre etude. Les motifs les plus
frequents de demandes d’avis aupres des services medico-chirurgicaux etaient la suspicion d’une cause
organique de la symptomatologie psychiatrique dans 35 % des cas et la presence d’un signe d’appel
organique dans 22 % des cas. Les services medico-chirurgicaux les plus sollicites etaient le service des
urgences somatiques et le service de neurologie dans 30 % des cas chacun. L’interaction entre affection
somatique et pathologie psychiatrique etait une comorbidite dans 32 % des cas, un effet iatrogene des
psychotropes dans 24 % des cas et un trouble psychiatrique d’origine organique dans 13 % des cas. Les
comorbidites somatiques etaient essentiellement infectieuses dans 45 % des cas et traumatiques dans
20 % des cas. Les effets iatrogenes des psychotropes etaient surtout d’ordre neurologique dans 32 % des cas.
Conclusion. – Les affections somatiques chez les patients consultants ou hospitalises en psychiatrie sont
tres frequentes, souvent meconnues et leur prise en charge n’est pas toujours aisee.
� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.
A B S T R A C T
Somatic comorbidities in patients suffering from severe psychiatric disorders have become an important
issue in the overall care of these patients. They aggravate the prognosis for both diseases, and complicate
the therapeutic management and impact upon the vital prognosis. We illustrate through this work the
experience of the psychiatric unit at the University Hospital Center (UHC) Hassan II of Fez (Morocco) in
the detection and treatment of the somatic comorbidities among patients with serious psychiatric
disorders through consultation or hospitalization from January 2010 to December 2011.
Disponible en ligne sur
ScienceDirectwww.sciencedirect.com
* Auteur correspondant. Hopital Ibn Al Hassan, Ain Kadouss, Fes 30060, Maroc.
Adresse e-mail : [email protected] (M. Berrimi).
Psychiatric pathology
Pour citer cet article : Berrimi M, et al. Affections somatiques chez les patients en psychiatrie : etude transversale sur 24 mois. Ann MedPsychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.01.040
http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.01.040
0003-4487/� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.
Objectives. – To provide insight into the nature of organic pathology observed in the psychiatric domain. To
study the various interactions between the psychiatric diseases and the somatic comorbidities and to
compare them between in- and out-patients.
Methods. – We conducted a cross-sectional study of patients attending the emergency room and those
hospitalized in our department of psychiatry, these patients show clinical signs in favor of an organic
pathology, they were then transferred for opinion to other medical and surgical units in the UHC of Fez, on a
24-month period from January 2010 to December 2011. The information gathering was done based on a
standard clinical information sheet with 23 items.
Results. – Over a period of 24 months, 80 patients were included in our study. The most common reasons for
requests for advice from medical and surgical services were: the suspicion of an organic cause of the
psychiatric symptoms in 35% of cases, and the presence of a sign of an organic disease in 22%. Medical and
surgical services most requested were: emergency department and the neurology department in 30% of
cases each. The relationship between the psychiatric disorder and the somatic disease was comorbidity in
32% of cases, a side effect of psychotropic drugs in 24% of cases and a psychiatric manifestation of an organic
disease in 13% of cases. Somatic comorbidities were essentially: infections in 45% of cases and trauma in 20%
of cases. Side effects of psychotropic drugs were predominantly neurological in 32% of cases.
Conclusion. – Somatic comorbidities in patients hospitalized or in consultation in psychiatric hospitals are
very common, often unrecognized and their management can be difficult and complex.
� 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
M. Berrimi et al. / Annales Medico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx2
G Model
AMEPSY-1829; No. of Pages 6
1. Introduction
Les etudes de comorbidites montrent que 30 % a 60 % despatients consultants ou hospitalises en psychiatrie presenteraientune pathologie organique associee. Meconnue dans 50 % des cas,l’affection organique influe sur l’evolution de la pathologiepsychiatrique dans 50 % a 70 % des cas [17].
Les patients atteints de maladies mentales graves souffrent plusfrequemment des affections somatiques que la populationgenerale. Ils ont aussi une esperance de vie ecourtee [18]. Ainsi,la mortalite est deux a trois fois plus importante par rapport a lapopulation generale [19]. Cette surmortalite n’est pas seulementdue a un taux de suicide plus eleve ; ces patients courent aussi unrisque accru de mortalite lie a des maladies somatiques, la cause dedeces la plus frequente etant la maladie cardiovasculaire (MCV)[3,12]. L’etiologie de ce surcroıt de MCV est multifactorielle ; elleinclut des facteurs genetiques et des facteurs en rapport avec lestyle de vie ainsi que des effets specifiques a la maladie et a sontraitement [19].
La detection des affections somatiques chez des patientspsychiatriques demeure trop tardive [13] et cela les expose ades complications somatiques parfois letales. Ces comorbiditesrepresentent en outre un facteur de mauvais pronostic etd’inefficience therapeutique pour la pathologie psychiatrique dontelle accroıt le cout de prise en charge, tout en reduisant la qualitede vie des malades.
La frequence de ces affections somatiques s’explique parl’interaction de facteurs lies au patient, a la maladie mentale,aux effets indesirables des psychotropes et a la qualite de la priseen charge dans le systeme de soins.
Les interactions entre les affections somatiques et les pathol-ogies psychiatriques sont frequentes et complexes. Il peut s’agird’une simple comorbidite somatique, d’un effet secondaire despsychotropes, ou d’un trouble psychiatrique pouvant cacher uneauthentique affection organique.
A travers une etude etalee sur 24 mois, de janvier 2010 adecembre 2011, nous illustrons l’experience du service depsychiatrie au CHU Hassan II de Fes (Maroc) dans le depistageet la prise en charge des affections somatiques chez les patientsatteints de pathologies psychiatriques graves consultants ouhospitalises.
Les objectifs de cette etude etaient, outre d’evaluer l’activite duservice de psychiatrie dans la prise en charge des affectionssomatiques chez les patients consultant aux urgences psychia-triques ou hospitalises dans le service de psychiatrie, de mettre en
Pour citer cet article : Berrimi M, et al. Affections somatiques chez les
Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.01.040
evidence la nature de la pathologie organique observee et sesrapports avec la pathologie psychiatrique, ainsi que de comparerces affections et leurs interactions entre les patients consultants etles patients hospitalises. Le but final est d’assurer une prise encharge globale de ces patients et de participer au depistage, autraitement, a la prevention et au suivi de ces pathologiesorganiques.
2. Methodes
Il s’agit d’une etude transversale descriptive portant sur lespatients consultant aux urgences psychiatriques ou hospitalisesdans le service de psychiatrie durant une periode de 24 mois, dejanvier 2010 a decembre 2011.
Ont ete inclus dans ce travail les patients presentant un signed’appel organique ou un bilan biologique initial perturbenecessitant un avis specialise, ou encore les patients consultantpour une symptomatologie atypique faisant evoquer une organi-cite sous-jacente. Les criteres de l’atypicite d’une symptomatologiepsychiatrique et qui ont ete pris en consideration dans notre etudeetaient surtout : la presence d’une symptomatologie confusion-nelle, la survenue de facon brutale de symptomes psychiatriques,l’apparition de troubles psychiatriques a un age tardif et laresistance therapeutique malgre un protocole bien conduit.
Le consentement verbal des patients etait obligatoire pour lesinclure dans l’etude.
Apres un examen clinique minutieux realise par le medecin degarde aux urgences psychiatriques ou par le medecin traitant pourles malades hospitalises, les patients ont beneficie d’un bilanbiologique et/ou radiologique, puis ils ont ete adresses pour un avisspecialise vers l’un des services medico-chirurgicaux du centrehospitalier universitaire.
Le recueil des informations se faisait par le medecin traitant ense basant sur le dossier medical ; les donnees ont ete remplies surune fiche de renseignements cliniques standard comportant23 items : identite du patient, antecedents personnels medico-chirurgicaux, antecedents psychiatriques et toxiques, motifd’hospitalisation ou de consultation dans le service de psychiatrie,service medico-chirurgical d’accueil, motif de la demande de l’avisspecialise, examens paracliniques realises et leurs resultats,pathologie organique retrouvee, son lien avec la pathologiepsychiatrique, sa prise en charge et son evolution a court terme.
Dans un premier temps, nous avons procede a la description denotre echantillon, et dans un deuxieme temps, nous avonscompare les differentes variables entre la population des patients
patients en psychiatrie : etude transversale sur 24 mois. Ann Med
M. Berrimi et al. / Annales Medico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx 3
G Model
AMEPSY-1829; No. of Pages 6
hospitalises et celle des patients consultants. L’etude statistique aete realisee en utilisant le logiciel epi-info 3.5.1. Un p < 0,05 estconsidere comme significatif. Le test statistique utilise pour lacomparaison des variables est celui du Khi2.
3. Resultats
Durant la periode allant de janvier 2010 a decembre 2011,80 patients ont ete inclus dans notre etude. Ages entre 13 et 84 ansavec une moyenne d’age de 37 ans, les deux tiers etaient de sexemasculin ; 75 % des patients etaient hospitalises dans le service depsychiatrie et 25 % des patients ont ete vus a l’admission auxurgences psychiatriques.
Le motif de consultation des patients dans le service depsychiatrie etait represente essentiellement par l’etat d’agitationdans 52 % des cas, le syndrome depressif dans 18 % des cas, lecomportement desorganise dans 16 % des cas et les troublespsychotiques aigus dans 10 % des cas.
Les motifs de demandes d’avis aupres des services medico-chirurgicaux etaient essentiellement la suspicion d’une causeorganique de la symptomatologie psychiatrique dans 37 % des cas,la presence d’un signe d’appel organique (dyspnee, metrorragies,masse tumorale. . .) dans 24 % des cas (Fig. 1).
Les services medico-chirurgicaux les plus sollicites etaientrepresentes principalement par le service des urgences medico-chirurgicales et le service de neurologie dans 30 % des cas chacun(Fig. 2).
37%
24%
15%
13%
11% Suspicion d'une cause organique
Présence d'un signe d'appel organiqueSuspicion de syndrome malin des neuroleptiquesPrésence d'un syndrome confusionnel Découverte d'un bilan biologique perturbé
Fig. 1. Les motifs de demande de l’avis specialise.
31%
31%
8%
6%
6%
5%
4%
4%
3%
1%
1%
Urgences médico-chirurgicales
Neurologie
Traumatologie
ORL
Gastro- entérologie
Endocrinologie
Cardiologie
Dermatologie
Réanimation
Ophtalmologie
Gynécologie
0 5 10 15 20 25 30
Fig. 2. Services medico-chirurgicaux d’accueil.
Pour citer cet article : Berrimi M, et al. Affections somatiques chez les
Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.01.040
La nature du lien entre pathologie psychiatrique et affectionsomatique etait une comorbidite somatique dans 32 % des cas, uneffet secondaire des psychotropes dans 24 % des cas et un troublepsychiatrique d’origine organique dans 13 % des cas. A noter que lareponse a la demande d’avis specialise etait sans particularite dans20 % des cas, et que dans 11 % des cas, nous n’avons pas pu preciserla nature du lien car certains patients ont ete perdus de vue.
Les comorbidites somatiques etaient essentiellement :
� infectieuses dans 45 % des cas (pneumopathie infectieuse,hepatite virale, gastro-enterite, otite, syphilis primaire. . .) ;� traumatiques dans 20 % des cas (fracture du poignet, entorse de
la cheville. . .) ;� cardiovasculaires dans 10 % des cas (insuffisance cardiaque
globale, insuffisance coronaire. . .) ;� dermatologiques dans 5 % des cas (prurigo nodulaire) ;� neurologiques dans 5 % des cas (epilepsie) ;� tumorales dans 5 % des cas (tumeur osseuse) ;� gyneco-obstetricales dans 5 % des cas (avortement).
Les effets secondaires des psychotropes etaient surtout :
� d’ordre neurologique dans 32 % des cas (dyskinesies, tremble-ments, rigidite, confusion. . .) ;� cardiovasculaires dans 21 % des cas (hypotension orthostatique,
tachycardie. . .) ;� hepatiques dans 21 % des cas (hepatite medicamenteuse) ;� un syndrome malin des neuroleptiques dans 26 % des cas.
Les causes organiques des manifestations psychiatriquesetaient surtout :
� infectieuses dans 67 % des cas ;� neurologiques dans 20 % des cas ;� tumorales, endocrinologiques, hydro-electrolytiques, toxiques
dans 10 % des cas chacune (Tableau 1).
Le Tableau 2 resume le profil clinique et evolutif des patientsqui avaient consulte pour un trouble psychiatrique d’origineorganique ou induit par une substance.
La comparaison des affections somatiques entre les patientshospitalises et les patients consultants (Tableau 3) montre quel’abus de substances est plus frequent chez les patients hospitalises(57 %) par rapport aux patients consultants (15 %), ce resultat eststatistiquement significatif (p 0,001).
Les antecedents medico-chirurgicaux sont plus frequents dansla population des patients consultants (30 %) par rapport auxpatients hospitalises (13 % ; p 0,09), alors qu’environ 50 % despatients hospitalises et 40 % des patients consultants avaient desantecedents psychiatriques (p 0,26).
Tableau 1Troubles psychiatriques d’origine organique : etiologies.
Etiologies Prevalence (%) Nature
Infectieuses 40 Meningo-encephalite tuberculeuse
Syphilis tertiaire
Pneumopathie
Fievre typhoıde. . .
Neurologiques 20 Demence
Epilepsie temporale
Tumorales 10 Tumeurcerebrale intraventriculaire
Endocrinologiques 10 Hyperglycemie
Hydro-electrolytiques 10 Hypokaliemie severe
Toxiques 10 Intoxication a l’huile de kif
« drogue tres concentree »
patients en psychiatrie : etude transversale sur 24 mois. Ann Med
Tableau 2Caracteristiques cliniques et evolutives des patients presentant un trouble psychiatrique d’origine organique.
Patient Age Sexe Motif d’hospitalisation ou
de consultation
Motif de demande de l’avis Service
sollicite
Pathologie somatique
sous-jacente
Evolution
1 13 M Hallucinations auditives
et visuelles
Resistance therapeutique Neurologie Suspicion d’une epilepsie
temporale
Bonne evolution sous
traitement thymoregulateur
2 17 M Agitation intense Presence d’un syndrome
confusionnel
Urgences Intoxication aigue a l’huile
de kif (drogue tres concentree)
Deces apres trois mois
d’hospitalisation en reanimation
3 18 M Agitation psychomotrice Presence d’un syndrome
confusionnel febrile
Neurologie Pneumopathie Bonne evolution
4 32 M Syndrome depressif Cephalees atroces avec
vomissements et AEG
Neurologie Tumeur cerebrale
intraventriculaire
Adresse au service de
neurochirurgie
5 41 M Agitation avec propos
incoherents
Presence d’un syndrome
confusionnel
Urgences medico-
chirurgicales
Fievre typhoıde (Salmonella
Paratyphi BO positive)
Bonne evolution apres prise
en charge adaptee
6 45 M Instabilite psychomotrice Syndrome confusionnel
avec AEG
Urgences medico-
chirurgicales
Hypokaliemie severe Bonne evolution apres prise
en charge adaptee
7 47 F Syndrome depressif Troubles du langage
avec AEG
Neurologie Meningo –encephalite
tuberculeuse
Bonne evolution apres trois
mois d’hospitalisation en
neurologie
8 48 F Agitation intense Presence d’un syndrome
confusionnel
Urgences medico-
chirurgicales
Hyperglycemie chez une
patiente schizophrene
Bonne evolution apres prise
en charge adaptee
9 51 M Depression resistante
avec ideations suicidaires
Resistance au traitement
avec serologie syphilitique
positive
Neurologie Neurosyphilis Adresse au service de neurologie
10 78 M Irritabilite avec troubles
de comportement et
troubles mnesiques
L’age tardif et la
symptomatologie atypique
Neurologie Syndrome dementiel Evolution favorable des troubles
du comportement
AEG : alteration de l’etat general.
Tableau 3Comparaison des affections somatiques entre les patients hospitalises et les
patients consultants.
Patients
hospitalises
(%)
Patients
consultants
(%)
Significativite
Nombre (%) 60 (75 %) 20 (25 %)
Sexe 0,07M 73 55
F 27 45
Antecedents
Medico-chirurgicaux 0,09Oui 13 30
Non 87 70 0,26Psychiatriques
Oui 48 40 0,001*
Non 52 60
Toxiques
Oui 57 15
Non 43 85
Diagnostic DSM IV a l’admission
Trouble schizophrenique 38 45
Trouble psychiatrique du a une
affection medicale
12 40
Trouble bipolaire 10 0
Trouble depressif 17 15
Trouble de la personnalite 3 0
Episode psychotique aigu 20 0
Interaction entre pathologie
psychiatrique et affection somatique
Trouble comorbide 32 25 0,29Oui 68 75
Non
Effet iatrogene aux psychotropes 30 5 0,009*
Oui 70 95
Non
Trouble psychiatrique
d’origine organique
0,13
Oui 10 20
Non 90 80
*Statistiquement significatif.
M. Berrimi et al. / Annales Medico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx4
G Model
AMEPSY-1829; No. of Pages 6
Pour citer cet article : Berrimi M, et al. Affections somatiques chez les
Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.01.040
Le trouble schizophrenique etait le diagnostic le plus frequenttant chez les patients hospitalises (38 %) que chez les patientsconsultants (45 %). Dans ce cas, les comorbidites somatiquesetaient de l’ordre de 43 % des cas, et les effets secondaires despsychotropes etaient diagnostiques chez 25 % des cas. Cescomorbidites somatiques etaient surtout infectieuses dans 54 %puis cardiovasculaires dans 21 % des cas, tandis que les effetsindesirables des psychotropes etaient surtout representes par lesyndrome malin des neuroleptiques dans 43 % des cas et l’hepatitemedicamenteuse dans 29 % des cas.
Le trouble psychiatrique d’origine organique etait plus frequentchez les patients consultants (40 %) par rapport aux patientshospitalises (12 %).
Chez les patients hospitalises, les interactions entre pathologiepsychiatrique et affection somatique etaient : un troublecomorbide dans 32 % des cas et un effet secondaire despsychotropes dans 30 % des cas. Par ailleurs, chez les patientsconsultants, le trouble comorbide etait retrouve dans 25 % des caset la pathologie organique a expression psychiatrique dans 20 %des cas (Tableau 3).
4. Discussion
Ce travail s’inscrit dans une approche globale visant a donnerplus d’interet a la sante physique des patients consultants ouhospitalises en psychiatrie, qui a ete longtemps ignoree. Lesinteractions complexes entre pathologies psychiatriques et soma-tiques sont bien documentees dans la litterature medicale. Lespatients presentant un trouble psychiatrique majeur tel que laschizophrenie, la depression ou le trouble bipolaire sont en moinsbonne sante physique et ont une esperance de vie reduite parrapport a la population generale [9,20]. Les donnees de lalitterature montrent que leur taux de mortalite est deux a troisfois plus eleve par rapport a la population generale [19].
Au terme de cette realite epidemiologique, notre etude a misl’accent sur les differentes interactions de la pathologie somatiqueet psychiatrique que nous pouvons rencontrer dans un service depsychiatrie adulte allant de la simple comorbidite jusqu’a la
patients en psychiatrie : etude transversale sur 24 mois. Ann Med
M. Berrimi et al. / Annales Medico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx 5
G Model
AMEPSY-1829; No. of Pages 6
pathologie organique a expression psychiatrique, en passant parl’iatrogenie des psychotropes.
Le type d’interaction le plus frequent dans notre etude etait lacomorbidite somatique (32 %), suivi par les effets secondaires despsychotropes (24 %). Les comorbidites infectieuses (45 %),traumatiques (20 %) et cardiovasculaires (10 %) etaient predomi-nantes. D’autres travaux rapportent aussi que les maladiescardiovasculaires, les maladies metaboliques, les infections viraleset les affections musculo-squelettiques sont plus frequentes chezles patients souffrant de troubles psychiatriques majeurs parrapport a la population generale [6].
Au sein de l’echantillon etudie, les schizophrenes qui repre-sentent le groupe diagnostique le plus frequent (38 % parmi leshospitalises et 45 % parmi les consultants) connaissaient des tauxde comorbidites somatiques plus importants que n’importe quelautre groupe diagnostique. Ces comorbidites somatiques etaientsurtout infectieuses dans 54 % des cas et cardiovasculaires dans21 % des cas. Ce resultat reste conforme aux donnees de lalitterature qui rapportent que les pathologies infectieuses etcardiovasculaires apparaissent comme predominantes chez lesschizophrenes [2,5]. Par ailleurs, une etude publiee recemmentrapporte que les troubles metaboliques sont predominants [16].
La frequence importante de ces comorbidites somatiquess’explique par l’interaction de facteurs lies au patient (tabagisme,type d’alimentation. . .), a la schizophrenie (repli, negligence,sedentarite, comportement delirant. . .), aux effets indesirablesdes psychotropes et a la qualite de la prise en charge dans lesysteme de soins [14,15].
La dependance a une substance, principalement le tabac, etaitfrequente chez les patients schizophrenes de notre etude (50 %), cequi pourrait expliquer en partie la prevalence elevee depathologies cardiovasculaires et infectieuses dans cette popula-tion. Toutes les etudes montrent que la consommation de tabacchez les malades mentaux est anormalement elevee, surtout chezles schizophrenes, avec une frequence allant de 56 % a 86 % contreune frequence de 23 % dans la population generale [1]. La meta-analyse de De Leon [7] publiee en 2005 fait etat de 62 % des patientspsychiatriques qui fument, il en decoule de toute evidence unrisque plus eleve de toutes les pathologies imputables autabagisme (maladies cardiovasculaires, cancers bronchiques etdu larynx. . .).
La prevalence elevee de comorbidites somatiques chez lespatients consultants ou hospitalises en psychiatrie est expliquee enpartie par l’iatrogenie des psychotropes. Dans notre etude, 24 % del’ensemble des affections organiques evaluees etaient en rapportavec les effets secondaires des psychotropes. Ces derniers etaientessentiellement neurologiques (32 %) et cardiovasculaires (21 %),avec une prevalence aussi importante du syndrome malin desneuroleptiques (26 %). Ces effets etaient plus predominants chezles patients hospitalises que chez les patients consultants (30 %versus 5 % ; p 0,009). La frequence importante d’effets neurolo-giques est liee au fait que la majorite des patients hospitalises sonttraites par les antipsychotiques classiques vu qu’ils ne peuvent passe procurer des antipsychotiques atypiques par defaut de moyens.
Les effets indesirables cardiovasculaires lies aux psychotropessont frequents et peuvent engager le pronostic vital des patients.Dans notre etude, ces effets etaient d’intensite moderee et leurprevalence etait de 21 %. Des etudes ont rapporte que des doseselevees d’antipsychotiques augmentent le risque de mortalite parmaladie coronarienne et accident vasculaire cerebral [6]. Laplupart des antipsychotiques et certains antidepresseurs peuventetre associes a un allongement du QTc [6,8]. Les patients utilisantles antipsychotiques ont des taux plus eleves d’arret cardiaque oud’arythmie ventriculaire par rapport aux sujets controles, avec desratios variant de 1,7 a 5,3 [10]. Par ailleurs, d’autres etudes ontrapporte que les inhibiteurs specifiques de la recapture de la
Pour citer cet article : Berrimi M, et al. Affections somatiques chez les
Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.01.040
serotonine (ISRS) semblent plus surs sur le plan cardiaque [11],tandis que des etudes ont revele un risque accru d’effetsindesirables cardiovasculaires chez des patients traites par lesantidepresseurs tricycliques [11], ces derniers peuvent augmenterle rythme cardiaque de plus de 10 %, provoquer une hypotensionorthostatique, ralentir la conduction cardiaque et augmenter lerisque d’arythmie.
Le trouble psychiatrique d’origine organique est plus retrouvechez les patients consultant aux urgences psychiatriques de notreetude par rapport aux patients hospitalises (20 % versus 10 % ;p 0,13). Globalement, 13 % des patients de notre echantillonavaient une pathologie organique, alors que le motif de consulta-tion dans notre service etait pour des manifestations psychia-triques. Ces pathologies organiques etaient surtout d’ordreinfectieux. Cela suppose que le medecin de garde aux urgencespsychiatriques ne doit pas sous-estimer une telle situation quipourrait engager le pronostic vital des patients. Ainsi, il doitprendre tout le temps necessaire pour eliminer une pathologieorganique a expression psychiatrique avant d’envisager uneetiologie psychiatrique pure, d’autant que la pathologie organiqueest consideree comme un facteur causal des troubles psychia-triques dans pres de 20 % des cas [4].
Le suivi somatique des patients atteints de pathologiespsychiatriques graves doit integrer la dimension de la preventionet du depistage des comorbidites somatiques. Une meilleurereconnaissance de ces dernieres permet une prise en chargeamelioree et une meilleure compliance aux traitements, ce quipourrait prevenir un certain nombre de deces [18].
Dans ce sens, notre hopital psychiatrique a recrute deuxmedecins generalistes qui travaillent a temps plein en collaborationavec les medecins psychiatres, et qui s’interessent uniquement a lasante physique des patients. Ces medecins generalistes ontbeneficie d’une formation au service de reanimation et au servicede cardiologie pour se preparer aux extremes urgences vitalespouvant survenir dans un service de psychiatrie, notamment l’arretcardio-respiratoire ou la reanimation d’un suicidant en intra-hospitalier, le temps de transferer le patient aux urgences du CHU.
Les fonctions des medecins generalistes consistent en l’examensomatique complet de chaque patient admis, l’examen clinique despatients presentant une plainte somatique au cours de leurhospitalisation, l’accompagnement des patients transferes pouravis specialise vers l’un des services medico-chirurgicaux du centrehospitalier universitaire (CHU) a environ huit kilometres del’hopital psychiatrique, ainsi que le suivi somatique des patientshospitalises.
Les travaux de comparaison des affections somatiques et leursintrications entre les patients consultants et les patients hospi-talises en psychiatrie sont peu rapportes dans la litteraturemedicale. La duree de l’etude sur 24 mois, et la collaborationentre les psychiatres et les medecins generalistes affectes auservice de psychiatrie pour l’evaluation et la prise en charge descomorbidites somatiques chez les malades mentaux represententdes points forts de notre etude.
Durant notre travail, nous avons rencontre des difficultes, parmilesquelles : l’eloignement des deux structures (l’hopital psychia-trique et le centre hospitalier universitaire), l’absence de colla-boration de certains services sollicites, la stigmatisation desmalades mentaux par certains medecins des urgences somatiqueset certains patients perdus de vue qui ne reviennent pas apres avoirete envoyes pour avis specialise.
5. Conclusion
Ce travail s’inscrit dans une strategie globale et relativementrecente s’interessant a la sante physique des patients consultants
patients en psychiatrie : etude transversale sur 24 mois. Ann Med
M. Berrimi et al. / Annales Medico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx6
G Model
AMEPSY-1829; No. of Pages 6
ou hospitalises en psychiatrie. Dans cette approche, l’ameliorationde la qualite des soins somatiques des malades atteints depathologie psychiatrique est une priorite.
Du fait des interactions multiples et complexes entre lesaffections somatiques et les pathologies psychiatriques, il estessentiel que les medecins psychiatres et les medecins somaticiensdeveloppent des modeles de collaboration pour assurer une priseen charge globale des pathologies organiques chez les maladesmentaux. Cette collaboration vise a ameliorer l’efficience et lasecurite des soins prodigues aux patients.
L’evaluation et le suivi somatique des patients atteints demaladies mentales graves doivent etre de pratique courante pourdepister les patients a risque, discuter les modalites therapeu-tiques et assurer une prise en charge globale, afin d’ameliorer lepronostic pour les deux pathologies.
Declaration d’interets
Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.
References
[1] Bouhlel S, Jones Y, Msolly M, Ben Hawala S, El-Hechmi Z. Effets du tabac sur lesneuroleptiques et leurs effets extrapyramidaux dans la schizophrenie. TunisMed 2012;90:311–5.
[2] Bralet MC, Yon V, Loas G, Noisette C. Causes de la mortalite chez lesschizophrenes : etude prospective sur huit ans d’une cohorte de 150 schizo-phrenes chroniques. Encephale 2000;26:32–41.
[3] Brown AD, Barton DA, Lambert GW. Cardiovascular abnormalities in patientswith major depressive disorder: autonomic mechanisms and implications fortreatment. CNS Drugs 2009;23:583–602.
[4] Casey DE. Metabolic issues and cardiovascular disease in patients with psy-chiatric disorders. Am J Med 2005;118:15S–22S.
[5] De Beaurepaire R. Consommation de tabac et pathologies medicales chez lesschizophrenes. Lett Psychiatre 2010;1:207–13.
Pour citer cet article : Berrimi M, et al. Affections somatiques chez les
Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.01.040
[6] De Hert M, Correll CU, Bobes J, Cetkovich-Bakmas M, Cohen D, Asai I. Physicalillness in patients with severe mental disorders. I. Prevalence, impact ofmedications and disparities in health care. World Psychiatry 2011;10:52–77.
[7] De Leon J, Diaz FJ. A meta-analysis of worldwide studies demonstrates anassociation between schizophrenia and tobacco smoking behaviours. Schi-zophr Res 2005;76:135–57.
[8] Feve B. Effets secondaires metaboliques et cardiovasculaires des antipsycho-tiques. Med Clin Endocrinol Diabete 2012;56:16–20.
[9] Fleischhacker WW, Cetkovich-Bakmas M, De Hert M, Hennekens CH, LambertM, Leucht S, et al. Cormorbid somatic illnesses in patients with severe mentaldisorders: clinical, policy and research challenges. J Clin Psychiatry2008;69:514–9.
[10] Hennessy S, Bilker WB, Knauss JS, Margolis DJ, Kimmel SE, Reynolds RF, et al.Cardiac arrest and ventricular arrhythmia in patients taking antipsychoticdrugs: cohort study using administrative data. BMJ 2002;325:1070.
[11] Khawaja IS, Westermeyer JJ, Gajwani P, Feinstein RE. Depression and coronaryartery disease: the association, mechanisms, and therapeutic implications.Psychiatry 2009;6:38–51.
[12] Laursen TM, Munk-Olsen T, Agerbo E, Gasse C, Mortensen PB. Somatic hospitalcontacts, invasive cardiac procedures, and mortality from heart disease inpatients with severe mental disorder. Arch Gen Psychiatry 2009;66:713–20.
[13] Lin HC, Chen YH, Lee HC, Lin HC. Increased risk of acute myocardial infarctionafter acute episode of schizophrenia: 6-year follow-up study. Aust NZJ Psy-chiatry 2010;44:273–9.
[14] Lorabi O, Samalin L, Llorca PM. Comorbidites somatiques et schizophrenie :une interaction multifactorielle complexe. Lett Psychiatre 2010;6:200–6.
[15] Mabrouk H, Mechria H, Hellara I, Ben Omrane C, Neffati F, Mechri A, et al. Profillipidique et risque cardiovasculaire chez 121 patients schizophrenes. Immu-nol Biol Spec 2012 [http://dx.doi.org/10.1016/j.immbio.2012.04.002].
[16] Oreski I, Jakovljevic M, Aukst-Margetic B, Orlic ZC, Vuksan-Cusa B. Comorbid-ity and multimorbidity in patients with schizophrenia and bipolar disorder:similarities and differencies. Psychiatr Danub 2012;24:80–5.
[17] Saravane D, Feve B, Frances Y, Corruble E, Lancon C, Chanson P, et al. Elabora-tion de recommandations pour le suivi somatique des patients atteints depathologie mentale severe. Encephale 2009;35:330–9.
[18] SaravaneD, Gilquin AF. Depistage des pathologies somatiques en institutionpsychiatrique. Psychooncology 2010;4:12–6.
[19] Scheen AJ, Gillain B, De Hert M. Maladie cardiovasculaire et diabete chez lespersonnes atteintes d’une maladie mentale severe, 1e partie : Epidemiologie etinfluence des medicaments psychotropes. Med Mal Metab 2010;4:93–102.
[20] Surtees PG, Wainwright NW, Luben RN, Wareham NJ, Bingham SA, Khaw KT.Depression and ischemic heart disease mortality: evidence from the EPIC-Norfolk United Kingdom prospective cohort study. Am J Psychiatry2008;165:515–23.
patients en psychiatrie : etude transversale sur 24 mois. Ann Med