37
Afghanistan La fin d l’occupation par Nancy Lindisfarne et Jonathan Neale. On écrit beaucoup de bêtises sur l’Afghanistan en Grande- Bretagne et aux États-Unis. La plupart de ces absurdités cachent un certain nombre de vérités importantes. Premièrement, les Taliban ont vaincu les États-Unis. Deuxièmement, les Taliban ont gagné parce qu’ils bénéficient d’un plus grand soutien populaire. Troisièmement, ce n’est pas parce que la plupart des Afghans aiment les Taliban. C’est parce que l’occupation américaine a été insupportablement cruelle et corrompue. Quatrièmement, la guerre contre le terrorisme a également été politiquement vaincue aux États-Unis. La majorité des Américains sont désormais favorables au retrait de l’Afghanistan et opposés à toute nouvelle guerre étrangère. Cinquièmement, il s’agit d’un tournant dans l’histoire du monde. La plus grande puissance militaire du monde a été vaincue par le peuple d’un petit pays désespérément pauvre. Cela va affaiblir le pouvoir de l’empire américain dans le monde entier. Sixièmement, la rhétorique du sauvetage des femmes afghanes a été largement utilisée pour justifier l’occupation, et de nombreuses féministes en Afghanistan ont choisi le camp de l’occupation. Le résultat est une tragédie pour le féminisme. Cet article explique ces points. Comme il s’agit d’un article court, nous affirmons plus que nous ne prouvons. Mais nous avons beaucoup écrit sur le genre, la politique et la guerre en Afghanistan depuis que nous y avons travaillé sur le

Afghanistan – La fin de l’occupation

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Afghanistan – La fin de l’occupation

Afghanistan – La fin del’occupationpar Nancy Lindisfarne et Jonathan Neale.

On écrit beaucoup de bêtises sur l’Afghanistan en Grande-Bretagne et aux États-Unis. La plupart de ces absurditéscachent un certain nombre de vérités importantes.

Premièrement, les Taliban ont vaincu les États-Unis.

Deuxièmement, les Taliban ont gagné parce qu’ils bénéficientd’un plus grand soutien populaire.

Troisièmement, ce n’est pas parce que la plupart des Afghansaiment les Taliban. C’est parce que l’occupation américaine aété insupportablement cruelle et corrompue.

Quatrièmement, la guerre contre le terrorisme a également étépolitiquement vaincue aux États-Unis. La majorité desAméricains sont désormais favorables au retrait del’Afghanistan et opposés à toute nouvelle guerre étrangère.

Cinquièmement, il s’agit d’un tournant dans l’histoire dumonde. La plus grande puissance militaire du monde a étévaincue par le peuple d’un petit pays désespérément pauvre.Cela va affaiblir le pouvoir de l’empire américain dans lemonde entier.

Sixièmement, la rhétorique du sauvetage des femmes afghanes aété largement utilisée pour justifier l’occupation, et denombreuses féministes en Afghanistan ont choisi le camp del’occupation. Le résultat est une tragédie pour le féminisme.

Cet article explique ces points. Comme il s’agit d’un articlecourt, nous affirmons plus que nous ne prouvons. Mais nousavons beaucoup écrit sur le genre, la politique et la guerreen Afghanistan depuis que nous y avons travaillé sur le

Page 2: Afghanistan – La fin de l’occupation

terrain en tant qu’anthropologues, il y a près de cinquanteans. Nous donnons des liens vers la plupart de ces travaux àla fin de cet article, afin que vous puissiez explorer nos

arguments plus en détail.1

Une victoire militaireIl s’agit d’une victoire militaire et politique pour lesTaliban. C’est une victoire militaire parce que les Talibanont gagné la guerre. Depuis au moins deux ans, les forcesgouvernementales afghanes – l’armée nationale et la police –perdent chaque mois plus de morts et de blessés qu’elles nerecrutent. Ces forces s’amenuisent donc.

Au cours des dix dernières années, les Taliban ont pris lecontrôle de plus en plus de villages et de villes. Ces douzederniers jours, ils ont pris toutes les villes.

Il ne s’agit pas d’une avancée fulgurante à travers lesvilles, puis vers Kaboul. Les personnes qui ont pris chaqueville étaient depuis longtemps dans les environs, dans lesvillages, attendant ce moment. Il est important de noter que,dans le nord, les Taliban recrutaient régulièrement desTadjiks, des Ouzbeks et des Arabes.

Il s’agit également d’une victoire politique pour les Taliban.Aucune insurrection de guérilla sur terre ne peut remporter detelles victoires sans soutien populaire.

Mais le mot soutien n’est peut-être pas le bon. C’est plutôtque les Afghans ont dû choisir leur camp. Et une plus grandepartie du peuple afghan a choisi de se ranger du côté desTaliban que du côté des occupants américains. Pas tous, maisun plus grand nombre.

Plus d’Afghans ont également choisi de se ranger du côté desTaliban que du côté du gouvernement afghan du président AshrafGhani. Encore une fois, pas tous, mais plus nombreux que ceuxqui soutiennent Ghani. Et les Afghans sont plus nombreux à

Page 3: Afghanistan – La fin de l’occupation

avoir choisi de se ranger du côté des Taliban que des anciensseigneurs de la guerre. La défaite de Dostum à Sheberghan etd’Ismail Khan à Herat en est une preuve éclatante.

Ismail Khan et Abdul Rachid Dostom en 2007

Les Taliban de 2001 étaient en grande majorité des Pachtounes,et leur politique était chauvine. En 2021, des combattantstaliban de plusieurs ethnies ont pris le pouvoir dans desrégions dominées par les Ouzbeks et les Tadjiks.

L’exception importante est constituée par les zones dominéespar les Hazaras dans les montagnes centrales. Nous reviendronssur cette exception.

Bien sûr, tous les Afghans n’ont pas choisi de se ranger ducôté des Taliban. C’est une guerre contre des envahisseursétrangers, mais c’est aussi une guerre civile. Beaucoup ontcombattu pour les Américains, le gouvernement ou des seigneursde guerre. Beaucoup d’autres ont fait des compromis avec lesdeux camps pour survivre. Et beaucoup d’autres ne savaient pasquel camp choisir et attendent avec différents mélanges depeur et d’espoir de voir ce qui va se passer.

Parce qu’il s’agit d’une défaite militaire pour la puissanceaméricaine, les appels à Biden pour faire ceci ou cela sonttout simplement stupides. Si les troupes américaines étaient

Page 4: Afghanistan – La fin de l’occupation

restées en Afghanistan, elles auraient dû se rendre ou mourir.Ce serait une humiliation encore pire pour la puissanceaméricaine que la débâcle actuelle. Biden, comme Trump avantlui, était à court d’options.

Pourquoi tant d’Afghans ont choisi les TalibanLe fait que davantage de personnes aient choisi les Taliban nesignifie pas que la plupart des Afghans soutiennentnécessairement les Taliban. Cela signifie qu’étant donné leschoix limités disponibles, c’est le choix qu’ils ont fait.Pourquoi ?

En bref, les Taliban sont la seule organisation politiqueimportante qui lutte contre l’occupation américaine, et laplupart des Afghans en sont venus à détester cette occupation.

Il n’en a pas toujours été ainsi. Les États-Unis ont envoyépour la première fois des avions bombardiers et quelquestroupes en Afghanistan un mois après le 11 septembre. Ils ontété soutenus par les forces de l’Alliance du Nord, unecoalition de chefs de guerre non pachtounes du nord du pays.Mais les soldats et les dirigeants de l’Alliance n’étaient pasréellement prêts à se battre aux côtés des Américains. Étantdonné la longue histoire de la résistance afghane à l’invasionétrangère, et plus récemment à l’occupation russe de 1980 à1987, ce serait tout simplement trop honteux.

De l’autre côté, cependant, presque personne n’était prêt à sebattre pour défendre le gouvernement taliban alors au pouvoir.Les troupes de l’Alliance du Nord et des Taliban se sontaffrontées dans une fausse guerre. Puis les États-Unis, lesBritanniques et leurs alliés étrangers ont commencé àbombarder.

Page 5: Afghanistan – La fin de l’occupation

Des explosions de bombes américaines s’élèvent au-dessusdes positions des Taliban dans les montagnes de Qala-Cata, dans le nord de l’Afghanistan, 7 novembre 2001.(AP Photo/Sergei Grits)

L’armée et les services de renseignement pakistanais ontnégocié la fin de l’impasse. Les États-Unis seraient autorisésà prendre le pouvoir à Kaboul et à installer un président deleur choix. En contrepartie, les dirigeants et les membres desTaliban seraient autorisés à rentrer chez eux dans leursvillages ou à s’exiler de l’autre côté de la frontière, auPakistan.

Cet accord n’a pas fait l’objet d’une grande publicité auxÉtats-Unis et en Europe à l’époque, pour des raisonsévidentes, mais nous en avons parlé et il a été largementcompris en Afghanistan.

La meilleure preuve de cet accord négocié est ce qui s’estpassé ensuite. Pendant deux ans, il n’y a eu aucune résistanceà l’occupation américaine. Aucune, dans aucun village.Plusieurs milliers d’anciens Taliban restaient dans cesvillages.

Page 6: Afghanistan – La fin de l’occupation

C’est un fait extraordinaire. Pensez au contraste avec l’Irak,où la résistance a été généralisée dès le premier jour del’occupation en 2003. Ou encore, pensez à l’invasion russe del’Afghanistan en 1979, qui a suscité le même mur de colère.

La raison n’était pas simplement que les Taliban ne sebattaient pas. C’est que les gens ordinaires, même dans leheartland Taliban dans le sud, osaient espérer quel’occupation américaine apporterait la paix en Afghanistan etdévelopperait l’économie pour mettre fin à la terriblepauvreté.

La paix était cruciale. En 2001, les Afghans étaient pris aupiège de la guerre depuis vingt-trois ans, d’abord une guerrecivile entre communistes et islamistes, puis une guerre entreislamistes et envahisseurs soviétiques, puis une guerre entreseigneurs de guerre islamistes, et enfin une guerre dans lenord du pays entre seigneurs de guerre islamistes et Taliban.

Vingt-trois ans de guerre ont été synonymes de mort, demutilation, d’exil et de camps de réfugiés, de pauvreté, d’unemultitude de chagrins, de peur et d’anxiété sans fin. Lemeilleur livre sur ce que cela représente est peut-être celuide Klaits et Gulmanadova Klaits, « Amour et guerre enAfghanistan » (2005). La population aspirait désespérément àla paix. En 2001, même les partisans des Taliban estimaientqu’une mauvaise paix valait mieux qu’une bonne guerre.

En outre, les États-Unis étaient fabuleusement riches. LesAfghans croyaient que l’occupation pouvait mener à undéveloppement qui les sortirait de la pauvreté.

Les Afghans ont attendu. Les États-Unis ont livré laguerre, pas la paixLes militaires américains et britanniques ont occupé des basesdans les villages et les petites villes du heartland taliban,les régions principalement pachtounes du sud et de l’est. Cesunités n’ont jamais été informées de l’accord informel négocié

Page 7: Afghanistan – La fin de l’occupation

entre les Américains et les Taliban. Elles ne pouvaient pasêtre informées, car cela aurait fait honte au gouvernement duprésident Bush. Les unités américaines ont donc considéré queleur mission était d’extirper les « méchants » restants, quiétaient manifestement toujours là.

Un homme et son fils regardent des soldats américains sepréparer à balayer leur maison dans le sud-est del’Afghanistan en novembre 2002.

Des raids nocturnes ont défoncé les portes, humiliant etterrifiant les familles, emmenant les hommes pour les tortureret obtenir des informations sur les autres méchants. C’estici, et dans les sites secrets du monde entier, que l’armée etles services de renseignement américains ont mis au point lesnouveaux styles de torture que le monde a brièvement aperçus àAbu Ghraib, la prison américaine en Irak.

Certains des hommes détenus étaient des Taliban qui n’avaientpas combattu. D’autres étaient simplement des personnestrahies par des ennemis locaux qui convoitaient leurs terres

Page 8: Afghanistan – La fin de l’occupation

ou leur en voulaient.

Les mémoires du soldat américain Johnny Rico, « Le sang faitpousser l’herbe verte », fournissent un compte rendu utile dece qui s’est passé ensuite. Des parents et des villageoisindignés ont tiré quelques coups de feu sur les Américainsdans l’obscurité. Les militaires américains ont enfoncéd’autres portes et torturé d’autres hommes. Les villageois onttiré de nouveaux coups de feu. Les Américains ont lancé desfrappes aériennes et leurs bombes ont tué famille aprèsfamille.

La guerre a repris dans le sud et l’est du pays.

Les inégalités et la corruption se sont aggravéesLes Afghans avaient espéré un développement qui puisse éleverà la fois les riches et les pauvres. Cela semblait si évident,et si facile à faire. Mais ils ne comprenaient pas lapolitique américaine à l’étranger. Et ils ne comprenaient pasle profond attachement des 1% des États-Unis à la spirale desinégalités dans leur propre pays.

L’argent américain a donc afflué en Afghanistan. Mais il estallé aux gens du nouveau gouvernement dirigé par Hamid Karzai.Il est allé aux personnes travaillant avec les Américains etles troupes d’occupation d’autres nations. Et il est allé auxseigneurs de guerre et à leur entourage, profondémentimpliqués dans le commerce international de l’opium et del’héroïne, facilité par la CIA et l’armée pakistanaise.L’argent est allé aux personnes assez chanceuses pour posséderdes maisons luxueuses et bien défendues à Kaboul qu’ellespouvaient louer au personnel expatrié. Il est allé aux hommeset aux femmes qui travaillaient dans des ONG financées parl’étranger.

Bien sûr, les membres de ces groupes se recoupaient tous.

Les Afghans étaient depuis longtemps habitués à la corruption.

Page 9: Afghanistan – La fin de l’occupation

Ils l’attendaient et la détestaient. Mais cette fois,l’ampleur était sans précédent. Et aux yeux des pauvres et despersonnes à revenu moyen, toutes ces nouvelles richessesobscènes, quelle que soit la manière dont elles ont étéacquises, semblaient être de la corruption.

Au cours de la dernière décennie, les Taliban ont offert deuxchoses à travers le pays. La première est qu’ils ne sont pascorrompus, comme ils ne l’étaient pas non plus au pouvoiravant 2001. Ils sont la seule force politique du pays dontcela a toujours été le cas.

Plus important encore, les Taliban ont mis en place un systèmejudiciaire honnête dans les zones rurales qu’ils contrôlent.Leur réputation est si solide que de nombreuses personnesimpliquées dans des procès civils dans les villes ont acceptéque les deux parties s’adressent aux juges taliban dans lescampagnes. Cela leur permet d’obtenir une justice rapide, bonmarché et équitable sans avoir à verser des pots-de-vinmassifs. Comme la justice est équitable, les deux partiespeuvent s’en accommoder.

Pour les habitants des zones contrôlées par les Taliban, unejustice équitable est également une protection contre lesinégalités. Lorsque les riches peuvent soudoyer les juges, ilspeuvent faire tout ce qu’ils veulent aux pauvres. La terreétait l’élément crucial. Les hommes riches et puissants, lesseigneurs de guerre et les fonctionnaires pouvaient saisir,voler ou tricher pour s’emparer des terres des petitsagriculteurs et opprimer les métayers encore plus pauvres.Mais les juges taliban, tout le monde l’a compris, étaientprêts à protéger les pauvres.

La haine de la corruption, de l’inégalité et de l’occupationse sont confondues.

20 ans plus tard2001, lorsque les Taliban sont tombés aux mains des Américains

Page 10: Afghanistan – La fin de l’occupation

après le 11 septembre, cela fait maintenant vingt ans. Lesmouvements politiques de masse ont connu d’énormes changementsau cours de ces vingt années de guerre et de crise. LesTaliban ont appris et changé. Comment pourrait-il en êtreautrement ? De nombreux Afghans, et de nombreux expertsétrangers, ont fait des commentaires à ce sujet. Giustozzi a

utilisé l’expression utile de néo-taliban.2

Ce changement, tel qu’il est présenté publiquement, comporteplusieurs aspects. Les Taliban ont compris que le chauvinismepachtoune était une grande faiblesse. Ils insistent désormaissur le fait qu’ils sont musulmans, frères de tous les autresmusulmans, et qu’ils veulent et ont le soutien des musulmansde nombreux groupes ethniques.

Mais ces dernières années, les forces talibanes se sontamèrement divisées. Une minorité de combattants et departisans taliban se sont alliés à l’État islamique. Ladifférence est que l’État islamique lance des attaquesterroristes contre les chiites, les sikhs et les chrétiens.Les Taliban au Pakistan font de même, tout comme le petitréseau Haqqani parrainé par les services secrets pakistanais.Mais la majorité des Taliban a toujours condamné ces attaques.

Nous reviendrons plus tard sur cette division, car elle a desimplications sur ce qui va se passer ensuite.

Page 11: Afghanistan – La fin de l’occupation

Le sergent Sayed Wazir, de l’armée afghane, crie uneprière tout en tirant une roquette dans la provinceafghane de Wardak, en novembre 2013. Daniel Berehulak

Les nouveaux Taliban ont également souligné leur préoccupationpour les droits des femmes. Ils disent qu’ils acceptent lamusique et les vidéos, et ont modéré les aspects les plusféroces et les plus puritains de leur ancien régime. Et ilsrépètent à l’envi qu’ils veulent gouverner en paix, sans sevenger des gens de l’ancien régime.

Il est difficile de dire quelle est la part de propagande etquelle est la part de vérité dans tout cela. De plus, la suitedes événements dépend en grande partie de l’évolution del’économie et des actions des puissances étrangères. Nous yreviendrons plus tard. Ce que nous voulons dire ici, c’est queles Afghans ont des raisons de choisir les Taliban plutôt queles Américains, les seigneurs de guerre et le gouvernementd’Ashraf Ghani.

Qu’en est-il des femmes afghanes ?De nombreux lecteurs vont maintenant se demander, avec

Page 12: Afghanistan – La fin de l’occupation

insistance, mais qu’en est-il des femmes afghanes ? La réponsen’est pas simple.

Il faut commencer par remonter aux années 1970. Partout dansle monde, des systèmes particuliers d’inégalité entre lessexes sont enchevêtrés avec un système particulier d’inégalitéde classe. L’Afghanistan n’était pas différent.

Au début des années 1970, Nancy a effectué un travail deterrain anthropologique avec des femmes et des hommespachtounes dans le nord du pays. Ils vivaient de l’agricultureet de l’élevage. Nancy a ensuite publié un livre intitulé« Mariées échangées : Politique et mariage » dans une sociététribale, explique les liens entre les divisions de classe, degenre et d’ethnie à cette époque. Et si vous voulez savoir ceque ces femmes elles-mêmes pensaient de leur vie, de leursproblèmes et de leurs joies, Nancy et son ancien partenaireRichard Tapper ont récemment publié « Voix de village afghan», une traduction d’un grand nombre des enregistrements queles femmes et les hommes ont réalisés pour eux sur le terrain.

Cette réalité était complexe, amère, oppressante et pleined’amour. Dans ce sens profond, elle n’était pas différente descomplexités du sexisme et des classes sociales aux États-Unis.Mais la tragédie du demi-siècle suivant allait changerbeaucoup de choses. Cette longue souffrance a produit lesexisme particulier des Taliban, qui n’est pas un produitautomatique de la tradition afghane.

L’histoire de ce nouveau tournant commence en 1978. Commencealors une guerre civile entre le gouvernement communiste et larésistance islamiste des moudjahidin. Les islamistesgagnaient, alors l’Union soviétique a envahi le pays à la finde 1979 pour soutenir le gouvernement communiste. Sept annéesde guerre brutale entre les Soviétiques et les moudjahidin ontsuivi. En 1987, les troupes soviétiques sont parties,vaincues.

Page 13: Afghanistan – La fin de l’occupation

Des troupes soviétiques revenant d’Afghanistan, 1989.

Lorsque nous vivions en Afghanistan, au début des années 1970,les communistes étaient parmi les meilleures personnes. Ilsétaient animés par trois passions. Ils voulaient développer lepays. Ils voulaient briser le pouvoir des grands propriétairesterriens et partager la terre. Et ils voulaient l’égalité pourles femmes.

Mais en 1978, les communistes avaient pris le pouvoir à lasuite d’un coup d’État militaire, dirigé par des officiersprogressistes. Ils n’avaient pas obtenu le soutien politiquede la majorité des villageois, dans un pays essentiellementrural. En conséquence, les seuls moyens dont ils disposaientpour faire face à la résistance islamiste rurale étaient lesarrestations, la torture et les bombardements. Plus l’arméedirigée par les communistes pratiquait de telles cruautés,plus la révolte grandissait.

L’Union soviétique a alors envahi le pays pour soutenir lescommunistes. Leur principale arme était le bombardementaérien, et de grandes parties du pays sont devenues des zonesde tir libre. Entre un demi-million et un million d’Afghansont été tués. Au moins un autre million a été mutilé à vie.Entre six et huit millions d’Afghans ont été poussés à l’exil

Page 14: Afghanistan – La fin de l’occupation

en Iran et au Pakistan, et des millions d’autres sont devenusdes réfugiés internes. Tout cela dans un pays de seulementvingt-cinq millions d’habitants.

Lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir, la première chose que lescommunistes ont essayé de faire était une réforme agraire etune législation pour les droits des femmes. Lorsque les Russesont envahi le pays, la majorité des communistes se sont rangésde leur côté. Beaucoup de ces communistes étaient des femmes.Le résultat a été de salir le nom du féminisme en soutenant latorture et le massacre.

Imaginez que les États-Unis soient envahis par une puissanceétrangère qui a tué entre douze et vingt-quatre millionsd’Américains, torturé des gens dans chaque ville et poussé 100millions d’Américains à l’exil. Imaginez également que presquetoutes les féministes des États-Unis aient soutenu lesenvahisseurs. Après cette expérience, comment pensez-vous quela plupart des Américains réagiraient à une deuxième invasionpar une autre puissance étrangère, ou au féminisme ?

Que pensez-vous que la plupart des femmes afghanes pensentd’une autre invasion, cette fois par les Américains, justifiéepar la nécessité de sauver les femmes afghanes ? N’oubliez pasque ces statistiques sur les morts, les mutilés et lesréfugiés sous l’occupation soviétique n’étaient pas deschiffres abstraits. Il s’agissait de femmes vivantes, et deleurs fils et filles, maris, frères et sœurs, mères et pères.

Ainsi, lorsque l’Union soviétique est partie, vaincue, laplupart des gens ont poussé un soupir de soulagement. Mais leschefs locaux de la résistance des moudjahidin aux communisteset aux envahisseurs sont alors devenus des seigneurs de guerrelocaux et se sont battus entre eux pour le butin de lavictoire. La majorité des Afghans avaient soutenu lesmoudjahidin, mais ils étaient désormais dégoûtés par lacupidité, la corruption et la guerre inutile sans fin.

Page 15: Afghanistan – La fin de l’occupation

Les Moudjahidin – Combattants islamistes qui se sontopposés à l’URSS et au gouvernement pro-soviétique de1979 à 1989.

Le contexte de classe et de réfugiés des TalibanÀ l’automne 1994, les Taliban sont arrivés à Kandahar, uneville majoritairement pachtoune et la plus grande du sud del’Afghanistan. Les Taliban ne ressemblaient à rien d’autredans l’histoire de l’Afghanistan. Ils étaient le produit dedeux innovations typiques du XXe siècle, les bombardementsaériens et les camps de réfugiés au Pakistan. Ilsappartenaient à une classe sociale différente de celle desélites qui avaient gouverné l’Afghanistan.

Les communistes étaient les fils et les filles des classesmoyennes urbaines et des agriculteurs de niveau moyen dans lescampagnes, qui possédaient suffisamment de terres pour êtreconsidérés comme les leurs. Ils étaient dirigés par despersonnes qui fréquentaient la seule université du pays, àKaboul. Ils voulaient briser le pouvoir des grandspropriétaires terriens et moderniser le pays.

Page 16: Afghanistan – La fin de l’occupation

Les islamistes qui ont combattu les communistes étaient deshommes issus de la même classe sociale et, pour la plupart,d’anciens étudiants de la même université. Eux aussi voulaientmoderniser le pays, mais d’une manière différente. Et ils sesont tournés vers les idées des Frères musulmans et del’Université Al-Alzhar du Caire.

Le mot Taliban désigne les étudiants d’une école islamique,pas d’une école publique ou d’une université. Les combattantstaliban qui sont entrés dans Kandahar en 1994 étaient dejeunes hommes qui avaient étudié dans les écoles islamiquesgratuites des camps de réfugiés au Pakistan. Ils avaient étédes enfants sans rien.

Les chefs des Taliban étaient des mollahs de village afghans.Ils n’avaient pas les relations d’élite de nombreux imams demosquées urbaines. Les mollahs de village savaient lire, etils étaient tenus en respect par les autres villageois. Maisleur statut social était bien inférieur à celui d’unpropriétaire ou d’un diplômé du secondaire dans un bureau dugouvernement.

Les Taliban étaient dirigés par un comité de douze hommes.Tous les douze avaient perdu une main, un pied ou un œil àcause des bombes soviétiques pendant la guerre. Les Talibanétaient, entre autres, le parti des hommes pauvres et moyens

des villages pachtounes.3

Vingt ans de guerre avaient laissé Kandahar sans loi et à lamerci des milices en guerre. Le tournant s’est produit lorsqueles Taliban ont poursuivi un commandant local qui avait violéun garçon et deux (peut-être trois) femmes. Les Taliban l’ontattrapé et pendu. Ce qui a rendu leur intervention frappante,ce n’est pas seulement leur détermination à mettre fin auxluttes intestines meurtrières et à rétablir la dignité et lasécurité des gens, mais aussi leur dégoût de l’hypocrisie desautres islamistes.

Page 17: Afghanistan – La fin de l’occupation

Dès le début, les Taliban ont été financés par les Saoudiens,les Américains et l’armée pakistanaise. Washington voulait unpays pacifique qui puisse accueillir les oléoducs et gazoducsd’Asie centrale. Les Taliban se sont distingués par le faitqu’ils n’admettaient aucune exception aux injonctions qu’ilscherchaient à imposer, et par la sévérité avec laquelle ilsfaisaient respecter les règles.

De nombreux Afghans étaient reconnaissants du retour del’ordre et d’un minimum de sécurité, mais les Taliban étaientsectaires et incapables de contrôler le pays, et, en 1996, lesAméricains ont retiré leur soutien. Ce faisant, ils ontdéclenché une nouvelle version, mortelle, de l’islamophobiecontre les Taliban.

25 septembre 1996 : les Taliban entrent dans Kaboul.

Presque du jour au lendemain, les femmes afghanes ont étéconsidérées comme impuissantes et opprimées, tandis que leshommes afghans – c’est-à-dire les Taliban – ont été décriéscomme des sauvages fanatiques, des pédophiles et despatriarches sadiques, bref, comme des personnes inhumaines.

Pendant les quatre années qui ont précédé le 11 septembre, lesTaliban ont été la cible des Américains, tandis que les

Page 18: Afghanistan – La fin de l’occupation

féministes et d’autres personnes réclamaient la protection desfemmes afghanes. Au moment où les bombardements américains ontcommencé, tout le monde était censé comprendre que les femmesafghanes avaient besoin d’aide. Que pouvait-il bien se passer?

Le 11 septembre et la guerre américaineLes bombardements ont commencé le 7 octobre. En l’espace dequelques jours, les Taliban ont été contraints de se cacher –ou ont été littéralement castrés – comme l’annonce unephotographie en première page du Daily Mail. Les imagespubliées de la guerre sont véritablement choquantes par laviolence et le sadisme qu’elles dépeignent. De nombreusespersonnes en Europe étaient consternées par l’ampleur des

bombardements et l’insouciance totale des vies afghanes.4

Pourtant, aux États-Unis cet automne-là, le mélange devengeance et de patriotisme a fait que les voix dissidentesétaient rares et surtout inaudibles. Demandez-vous, comme l’afait Saba Mahmood à l’époque, « Pourquoi les conditions deguerre (migration, militarisation) et de famine (sous lesmoudjahidin) ont-elles été considérées comme moinspréjudiciables aux femmes que le manque d’éducation, d’emploiet surtout, dans la campagne médiatique, de styles

vestimentaires occidentaux (sous les Taliban) ? ».5

Puis, posez à nouveau la question avec encore plusd’insistance : comment pouvez-vous « sauver les femmesafghanes » en bombardant une population civile qui comprend,outre les femmes elles-mêmes, leurs enfants, leurs maris,leurs pères et leurs frères ? Cette question aurait dû mettrefin à la discussion, mais elle ne l’a pas fait.

L’expression la plus flagrante de l’islamophobie féministe estapparue un peu plus d’un mois après le début de la guerre. Uneguerre de vengeance très inégale n’a pas l’air très bonne auxyeux du monde, alors mieux vaut faire quelque chose qui a

Page 19: Afghanistan – La fin de l’occupation

l’air vertueux. En prévision de la fête de Thanksgiving, le 17novembre 2001, Laura Bush, l’épouse du président, a déploré àvoix haute le sort des femmes afghanes voilées. Cherie Blair,l’épouse du premier ministre britannique, a fait écho à sessentiments quelques jours plus tard. Ces riches épouses defauteurs de guerre utilisaient tout le poids du paradigmeorientaliste pour blâmer les victimes et justifier une guerrecontre certains des peuples les plus pauvres de la planète. Et« sauver les femmes afghanes » est devenu le cri persistant denombreuses féministes libérales pour justifier la guerre

américaine.6

Des filles du lycée Bibi Mahroo lèvent la main pendantun cours d’anglais à Kaboul en novembre 2006.

Avec l’élection d’Obama en 2008, le refrain de l’islamophobieest devenu hégémonique parmi les libéraux américains. Cetteannée-là, l’alliance anti-guerre américaine s’esteffectivement dissoute pour aider la campagne d’Obama. Lesdémocrates et les féministes qui soutenaient la secrétaired’État va-t-en-guerre d’Obama, Hillary Clinton, ne pouvaientpas accepter la vérité selon laquelle l’Afghanistan et l’Irak

Page 20: Afghanistan – La fin de l’occupation

étaient deux guerres pour le pétrole.7

Ils n’avaient qu’une seule justification pour ces guerres sansfin pour le pétrole : les souffrances des femmes afghanes.L’interprétation féministe était un stratagème astucieux. Ellea permis d’éviter les comparaisons entre le sexismeincontestable du régime des Taliban et celui des États-Unis.Bien plus choquant encore, le discours féministe a domestiquéet déplacé efficacement les horribles vérités d’une guerregrossièrement inégale. Et elle a séparé ces « femmes àsauver » théoriques des dizaines de milliers de femmes,d’hommes et d’enfants afghans réellement tués, blessés,orphelins, sans abri ou affamés par les bombes américaines.

Beaucoup de nos amis et des membres de notre famille enAmérique sont des féministes qui ont cru de bon cœur à unegrande partie de cette propagande. Mais on leur demandait desoutenir un tissu de mensonges, une perversion du féminisme.C’était le féminisme de l’envahisseur et de l’élitegouvernementale corrompue. C’était le féminisme destortionnaires et des drones.

Nous pensons qu’un autre féminisme est possible.

Mais il reste vrai que les Taliban sont profondément sexistes.La misogynie a remporté une victoire en Afghanistan. Mais iln’était pas nécessaire qu’il en soit ainsi.

Les communistes qui se sont rangés du côté des cruautés desenvahisseurs soviétiques avaient discrédité le féminisme enAfghanistan pour au moins une génération. Mais ensuite, lesÉtats-Unis ont envahi le pays et une nouvelle génération deprofessionnelles afghanes s’est rangée du côté des nouveauxenvahisseurs pour tenter d’obtenir des droits pour les femmes.Leur rêve aussi s’est terminé dans la collaboration, la honteet le sang. Certains étaient des carriéristes, bien sûr,débitant des platitudes en échange de financements. Maisbeaucoup d’autres étaient motivés par un rêve honnête et

Page 21: Afghanistan – La fin de l’occupation

désintéressé. Leur échec est tragique.

Stéréotypes et confusionsEn dehors de l’Afghanistan, les stéréotypes des Talibanélaborés au cours des vingt-cinq dernières années suscitentbeaucoup de confusion. Mais réfléchissez bien lorsque vousentendez les stéréotypes selon lesquels ils sont féodaux,brutaux et primitifs. Ce sont des gens qui ont des ordinateursportables et qui négocient avec les Américains au Qatar depuisquatorze ans.

Les Taliban ne sont pas le produit de l’époque médiévale. Ilssont le produit de certaines des pires périodes de la fin duXXe et du début du XXIe siècle. S’ils regardent en arrière,d’une certaine manière, vers une époque meilleure imaginée, cen’est pas surprenant. Mais ils ont été façonnés par la viesous les bombardements aériens, les camps de réfugiés, lecommunisme, la guerre de la terreur, les interrogatoiresrenforcés, le changement climatique, la politique sur Internetet la spirale des inégalités du néolibéralisme. Ils vivent,comme tout le monde, au présent.

Leurs racines dans une société tribale peuvent égalementprêter à confusion. Mais comme l’a fait valoir Richard Tapper,les tribus ne sont pas des institutions ataviques. Elles sontla manière dont les paysans de cette partie du mondeorganisent leur relation avec l’État. Et l’histoire del’Afghanistan n’a jamais été une simple affaire de groupesethniques concurrents, mais plutôt d’alliances complexes entre

groupes et de divisions au sein des groupes.8

Il existe un ensemble de préjugés à gauche qui incitentcertaines personnes à demander comment les Taliban pourraientêtre du côté des pauvres et anti-impérialistes s’ils ne sontpas « progressistes ». Laissons de côté pour l’instant le faitque le mot progressiste ne signifie pas grand-chose. Bien sûr,les Taliban sont hostiles au socialisme et au communisme. Eux-

Page 22: Afghanistan – La fin de l’occupation

mêmes, ou leurs parents ou grands-parents, ont été tués ettorturés par des socialistes et des communistes. De plus, toutmouvement qui a mené une guérilla de vingt ans et vaincu ungrand empire est anti-impérialiste, ou alors les mots n’ontaucun sens.

Des combattants taliban posent avec des armes dans unlieu non divulgué du sud de l’Afghanistan, le 5 mai2011. REUTERS/Stringer

La réalité est ce qu’elle est. Les Taliban sont un mouvementde paysans pauvres, contre une occupation impériale,profondément misogyne, soutenu par de nombreuses femmes,parfois raciste et sectaire, et parfois non. C’est un faisceaude contradictions produit par l’histoire.

Une autre source de confusion est la politique de classe desTaliban. Comment peuvent-ils être du côté des pauvres, commeils le sont manifestement, tout en étant si farouchementopposés au socialisme ? La réponse est que l’expérience del’occupation russe a éliminé la possibilité de formulationssocialistes sur les classes. Mais cela n’a pas changé la

Page 23: Afghanistan – La fin de l’occupation

réalité de la classe. Personne n’a jamais construit unmouvement de masse parmi les paysans pauvres qui a pris lepouvoir sans être perçu comme étant du côté des pauvres.

Les Taliban ne parlent pas du langage des classes, mais dulangage de la justice et de la corruption. Ces mots décriventle même camp.

Rien de tout cela ne signifie que les Taliban gouvernerontnécessairement dans l’intérêt des pauvres. Nous avons vusuffisamment de révoltes paysannes arriver au pouvoir au coursdu siècle dernier et plus encore, pour être ensuite gouvernéespar les élites urbaines. Et rien de tout cela ne doit faireoublier que les Taliban ont l’intention d’être des dictateurs,et non des démocrates.

Un changement historique aux États-UnisLa chute de Kaboul marque une défaite décisive pour lapuissance américaine dans le monde. Mais elle marqueégalement, ou fait apparaître clairement, un profond désaveude l’empire américain chez les Américains.

Les sondages d’opinion en sont une preuve. En 2001, justeaprès le 11 septembre, entre 85% et 90% des Américainsapprouvaient l’invasion de l’Afghanistan. Ces chiffres n’ontcessé de chuter. Le mois dernier, 62% des Américainsapprouvaient le plan de Biden pour un retrait total, et 29% yétaient opposés.

Ce rejet de la guerre est commun à la droite et à la gauche.La base ouvrière du parti républicain et de Trump est contreles guerres étrangères. De nombreux soldats et familles demilitaires viennent des zones rurales et du sud où Trump estfort. Ils sont contre toute nouvelle guerre, car ce sont euxet ceux qu’ils aiment qui ont servi, sont morts et ont étéblessés.

Le patriotisme de droite en Amérique est maintenant pro-

Page 24: Afghanistan – La fin de l’occupation

militaire, mais cela signifie pro-soldat, pas pro-guerre.Lorsqu’ils disent « Rendre l’Amérique grande à nouveau », ilsveulent dire que l’Amérique n’est pas grande aujourd’hui pourles Américains, et non que les États-Unis devraient être plusengagés dans le monde.

Chez les démocrates aussi, la base de la classe ouvrière estcontre les guerres.

Il y a des gens qui soutiennent de nouvelles interventionsmilitaires. Ce sont les démocrates d’Obama, les républicainsde Romney, les généraux, de nombreux professionnels libérauxet conservateurs, et presque tout le monde dans l’élite deWashington. Mais le peuple américain dans son ensemble, etsurtout la classe ouvrière, noire, brune et blanche, s’estretourné contre l’Empire américain.

Le président Barack Obama et les membres de son équipede sécurité nationale surveillent le raid des Navy SEALsqui aurait tué Oussama ben Laden en mai 2011.

Après la chute de Saïgon, le gouvernement américain a étéincapable de lancer des interventions militaires majeures

Page 25: Afghanistan – La fin de l’occupation

pendant les quinze années suivantes. Cela pourrait bien êtreplus long après la chute de Kaboul.

Les conséquences internationalesDepuis 1918, il y a 103 ans, les États-Unis sont la nation laplus puissante du monde. Il y a eu des puissances concurrentes– d’abord l’Allemagne, puis l’Union soviétique et maintenantla Chine. Mais les États-Unis ont toujours été dominants. Ce« siècle américain » touche aujourd’hui à sa fin.

La raison à long terme est la montée économique de la Chine etle déclin économique relatif des États-Unis. Mais le Covid-19et la défaite afghane font de ces deux dernières années untournant.

Le Covid-19 a révélé l’incompétence institutionnelle de laclasse dirigeante et du gouvernement des États-Unis. Lesystème n’a pas réussi à protéger la population. Cet échecchaotique et honteux est évident pour les gens du mondeentier.

Ensuite, il y a l’Afghanistan. Si l’on en juge par lesdépenses et le matériel, les États-Unis sont, de manièreécrasante, la puissance militaire dominante dans le monde.Cette puissance a été vaincue par de pauvres gens en sandalesqui n’ont que de l’endurance et du courage.

La victoire des Taliban donnera également du courage auxislamistes de toutes sortes en Syrie, au Yémen, en Somalie, auPakistan, en Ouzbékistan, au Turkménistan, au Tadjikistan etau Mali. Mais elle sera constatée de manière plus large aussi.

L’échec de la gestion du Covid et la défaite afghane réduirontla puissance douce des États-Unis. Mais l’Afghanistan estaussi une défaite pour la puissance dure. La force de l’empireinformel des États-Unis repose depuis un siècle sur troispiliers différents. Le premier est d’être la plus grandeéconomie du monde et de dominer le système financier mondial.

Page 26: Afghanistan – La fin de l’occupation

Le deuxième est une réputation dans de nombreux milieux pourla démocratie, la compétence et le leadership culturel. Letroisième était que si la puissance douce échouait, les États-Unis envahiraient le pays pour soutenir les dictatures etpunir leurs ennemis.

Cette puissance militaire a disparu aujourd’hui. Aucungouvernement ne croira que les États-Unis peuvent le sauverd’un envahisseur étranger, ou de son propre peuple. Lesassassinats par drone se poursuivront et causeront de grandessouffrances. Mais les drones ne seront nulle part, à euxseuls, militairement décisifs.

C’est le début de la fin du siècle américain.

Que va-t-il se passer maintenant ?Personne ne sait ce qui va se passer en Afghanistan dans lesprochaines années. Mais nous pouvons identifier certainespressions.

La première, et la plus prometteuse, est la profondeaspiration à la paix dans le cœur des Afghans. Ils ontmaintenant vécu quarante-trois ans de guerre. Pensez queseulement cinq ou dix ans de guerre civile et d’invasion ontmarqué tant de pays. Maintenant, pensez à quarante-trois ans.

Kaboul, Kandahar et Mazar, les trois villes les plusimportantes, sont toutes tombées sans aucune violence. C’estparce que les Taliban, comme ils le répètent sans cesse,veulent un pays en paix et ne veulent pas se venger. Maisc’est aussi parce que les personnes qui ne soutiennent pas,voire qui détestent les Taliban, ont également choisi de nepas se battre.

Page 27: Afghanistan – La fin de l’occupation

Deux enfants passent devant des membres d’une unitérouge talibane dans la province afghane de Laghman, enmars 2020.

Les dirigeants taliban sont clairement conscients qu’ilsdoivent apporter la paix.

Pour cela, il est également essentiel que les Talibancontinuent de rendre une justice équitable. Leur bilan estbon. Mais les tentations et les pressions du gouvernement ontcorrompu de nombreux mouvements sociaux dans de nombreux paysavant eux.

L’effondrement économique est également tout à fait possible.L’Afghanistan est un pays pauvre et aride, dont moins de 5%des terres sont cultivables. Au cours des vingt dernièresannées, les villes se sont immensément développées. Cettecroissance dépend de l’argent provenant de l’occupation et,dans une moindre mesure, de la culture de l’opium. Sans uneaide étrangère très importante venant de quelque part,l’effondrement économique menacera.

Parce que les Taliban le savent, ils ont explicitement proposé

Page 28: Afghanistan – La fin de l’occupation

un marché aux États-Unis. Les Américains fourniront de l’aide,et en retour, les Taliban ne fourniront pas de foyer auxterroristes. Les administrations Trump et Biden ont toutesdeux accepté cet accord. Mais il n’est pas du tout certain queles États-Unis tiendront cette promesse.

En effet, quelque chose de pire est tout à fait possible. Lesadministrations américaines précédentes ont puni l’Irak,l’Iran, Cuba et le Vietnam pour leur défiance par dessanctions économiques destructrices et de longue durée. Denombreuses voix s’élèveront aux États-Unis en faveur de tellessanctions, pour affamer les enfants afghans au nom des droitsde l’homme.

Ensuite, il y a la menace d’une ingérence internationale, dedifférentes puissances soutenant différentes forces politiquesou ethniques en Afghanistan. Les États-Unis, l’Inde, lePakistan, l’Arabie Saoudite, l’Iran, la Chine, la Russie etl’Ouzbékistan seront tous tentés. Cela s’est déjà produit et,dans une situation d’effondrement économique, cela pourraitprovoquer des guerres par procuration.

Pour l’instant, cependant, les gouvernements de l’Iran, de laRussie et du Pakistan souhaitent clairement la paix enAfghanistan.

Les Taliban ont également promis de ne pas gouverner aveccruauté. C’est plus facile à dire qu’à faire. Face à desfamilles qui ont amassé de grandes fortunes par la corruptionet le crime, que pensez-vous que les pauvres soldats desvillages voudront faire ?

Et puis il y a le climat. En 1971, une sécheresse et unefamine dans le nord et le centre du pays ont dévasté lestroupeaux, les cultures et les vies. C’était le premier signedes effets du changement climatique sur la région, qui aentraîné d’autres sécheresses au cours des cinquante dernièresannées. À moyen et long terme, l’agriculture et l’élevage

Page 29: Afghanistan – La fin de l’occupation

deviendront plus précaires.9

Tous ces dangers sont réels. Mais l’expert en sécurité AntonioGiustozzi, souvent perspicace, est au courant de la pensée desTaliban, des gouvernements étrangers et des Taliban. Sonarticle paru dans The Guardian le 16 août était porteurd’espoir. Il le terminait ainsi :

« La plupart des pays voisins souhaitant la stabilité enAfghanistan, il est peu probable, du moins pour l’instant, queles éventuelles fissures au sein de la nouvelle coalitiongouvernementale soient exploitées par des acteurs extérieurspour créer des dissensions. De même, les perdants de 2021auront du mal à trouver quelqu’un qui veuille ou puisse lesaider à entamer une forme de résistance. Tant que le nouveaugouvernement de coalition comprend des alliés clés de sesvoisins, c’est le début d’une nouvelle phase dans l’histoire

de l’Afghanistan ».10

Que pouvez-vous faire ? Accueillir les réfugiésDe nombreuses personnes en Occident se demandent aujourd’hui :« Que pouvons-nous faire pour aider les femmes afghanes ? »Cette question part parfois du principe que la plupart desfemmes afghanes s’opposent aux Taliban et que la plupart deshommes afghans les soutiennent. C’est absurde. Il est presqueimpossible d’imaginer le genre de société dans laquelle celaserait vrai.

Mais il y a ici une question plus étroite. Plus précisément,comment peuvent-ils aider les féministes afghanes ?

C’est une question valable et décente. La réponse est des’organiser pour leur acheter des billets d’avion et leurdonner refuge en Europe et en Amérique du Nord.

Mais les féministes ne seront pas les seules à avoir besoin del’asile. Des dizaines de milliers de personnes qui onttravaillé pour l’occupation cherchent désespérément l’asile,

Page 30: Afghanistan – La fin de l’occupation

avec leurs familles. Il en va de même pour un grand nombre depersonnes qui ont travaillé pour le gouvernement afghan.

Certaines de ces personnes sont admirables, d’autres sont desmonstres corrompus, beaucoup se situent entre les deux, etbeaucoup ne sont que des enfants. Mais il y a un impératifmoral ici. Les États-Unis et les pays de l’OTAN ont crééd’immenses souffrances pendant vingt ans. La moindre deschoses, la plus petite des choses, serait de secourir lespersonnes dont ils ont détruit la vie.

Un Afghan est détenu par des Marines américains aprèsqu’ils aient combattu des insurgés Taliban dans laprovince afghane de Helmand en novembre 2010.

Il y a aussi une autre question morale ici. Ce que de nombreuxAfghans ont appris au cours des quarante dernières années estégalement apparu clairement au cours de la dernière décenniede tourments en Syrie. Il est trop facile de comprendre lesaccidents du passé et l’histoire personnelle qui conduisentles gens à faire les choses qu’ils font. L’humilité nousoblige à regarder la jeune femme communiste, la féministeéduquée travaillant pour une ONG, le kamikaze, le marineaméricain, le mollah du village, le combattant taliban, la

Page 31: Afghanistan – La fin de l’occupation

mère endeuillée d’un enfant tué par les bombes américaines, lechangeur de monnaie sikh, le policier, le pauvre fermiercultivant l’opium, et à dire : « C’est grâce à Dieu que jesuis là ».

L’échec des gouvernements américain et britannique à sauverles personnes qui travaillaient pour eux a été à la foishonteux et révélateur. Il ne s’agit pas vraiment d’un échec,mais d’un choix. Le racisme contre l’immigration a pesé pluslourd sur Johnson et Biden que les dettes de l’humanité.

Les campagnes d’accueil des Afghans sont toujours possibles.Bien sûr, un argument moral aussi fort se heurtera au racismeet à l’islamophobie à chaque instant. Mais la semainedernière, les gouvernements allemand et néerlandais ont tousdeux suspendu toute expulsion d’Afghans.

Chaque politicien, où qu’il soit, qui se prononce en faveurdes femmes afghanes doit être invité, encore et encore, àouvrir les frontières à tous les Afghans.

Et puis, il y a ce qui pourrait arriver aux Hazaras. Commenous l’avons dit, les Taliban ont cessé d’être un simplemouvement pachtoune et sont devenus nationaux, recrutant denombreux Tadjiks et Ouzbeks. Et aussi, disent-ils, quelquesHazaras. Mais pas beaucoup.

Les Hazaras sont les personnes qui vivaient traditionnellementdans les montagnes centrales. Beaucoup ont également migrévers des villes comme Mazar et Kaboul, où ils ont travaillécomme porteurs et dans d’autres emplois mal payés. Ilsreprésentent environ 15% de la population afghane. Les racinesde l’inimitié entre les Pachtounes et les Hazaras résident enpartie dans des conflits de longue date concernant les terreset les droits de pâturage.

Mais plus récemment, le fait que les Hazaras soient chiites etque presque tous les autres Afghans soient sunnites aégalement une grande importance.

Page 32: Afghanistan – La fin de l’occupation

Les conflits amers entre sunnites et chiites en Irak ontconduit à une scission dans la tradition islamiste militante.Cette scission est compliquée, mais importante, et nécessitequelques explications.

En Irak comme en Syrie, l’État islamique a commis desmassacres contre des chiites, tout comme les milices chiitesont massacré des sunnites dans les deux pays.

Les réseaux plus traditionnels d’Al-Qaïda sont restésfarouchement opposés à l’attaque des chiites et ont plaidépour la solidarité entre les musulmans. On rappelle souventque la mère d’Oussama Ben Laden était elle-même chiite, enfait une alaouite de Syrie. Mais la nécessité de l’unité a étéplus importante. C’était le principal enjeu de la scissionentre Al-Qaïda et l’État islamique.

En Afghanistan, les Taliban ont également plaidé avec force enfaveur de l’unité islamique. L’exploitation sexuelle desfemmes par l’État islamique est aussi profondément répugnantepour les valeurs talibanes, qui sont profondément sexistesmais puritaines et pudiques. Depuis de nombreuses années, lesTaliban afghans condamnent publiquement et de manièrecohérente toutes les attaques terroristes contre les chiites,les chrétiens et les sikhs.

Pourtant, ces attaques se produisent. Les idées de l’Étatislamique ont eu une influence particulière sur les Talibanpakistanais. Les Taliban afghans sont une organisation. LesTaliban pakistanais sont un réseau plus informel, non contrôlépar les Afghans. Ils ont commis des attentats à la bomberépétés contre des chiites et des chrétiens au Pakistan.

Ce sont l’État islamique et le réseau Haqqani qui ont perpétréles récents attentats terroristes racistes contre les Hazaraset les Sikhs à Kaboul. Les dirigeants taliban ont condamnétoutes ces attaques.

Mais la situation évolue. L’État islamique en Afghanistan est

Page 33: Afghanistan – La fin de l’occupation

une minorité dissidente des Taliban, largement basée dans laprovince de Ningrahar, à l’est. Ils sont farouchement anti-chiites. Il en va de même pour le réseau Haqqani, un groupe demoudjahidin de longue date, largement contrôlé par lesservices de renseignements militaires pakistanais. Pourtant,dans le mélange actuel, le réseau Haqqani a été intégré àl’organisation des Taliban, et son chef est l’un des leadersdes Taliban.

Des combattants taliban patrouillent à Kaboul, enAfghanistan, le 19 août 2021, alors que des membresimportants du réseau Haqqani, un groupe associé delongue date à Al-Qaida, sont chargés de la sécurité dansla capitale afghane.

Mais personne ne peut être sûr de ce que l’avenir nousréserve. En 1995, un soulèvement des travailleurs hazaras àMazar a empêché les Taliban de prendre le contrôle du nord dupays. Mais les traditions de résistance des Hazaras sont bienplus profondes et plus anciennes que cela.

Les réfugiés hazaras dans les pays voisins peuvent égalementêtre en danger aujourd’hui. Le gouvernement iranien s’allieaux Taliban et les supplie d’être pacifiques. Ils agissentainsi parce qu’il y a déjà environ trois millions de réfugiés

Page 34: Afghanistan – La fin de l’occupation

afghans en Iran. La plupart d’entre eux sont là depuis desannées, la plupart sont des travailleurs urbains pauvres etleurs familles, et la majorité sont des Hazaras. Récemment, legouvernement iranien, lui-même dans une situation économiquedésespérée, a commencé à expulser les Afghans versl’Afghanistan.

Il y a environ un million de réfugiés hazaras au Pakistanégalement. Dans la région de Quetta, plus de 5 000 d’entre euxont été tués dans des assassinats et des massacres sectairesau cours des dernières années. La police et l’arméepakistanaises ne font rien. Étant donné que l’armée et lesservices de renseignement pakistanais soutiennent depuislongtemps les Taliban afghans, ces personnes courent un plusgrand risque en ce moment.

Que devez-vous faire, en dehors de l’Afghanistan ? Comme laplupart des Afghans, priez pour la paix. Et rejoignez lesmanifestations pour l’ouverture des frontières.

Nous laissons le dernier mot à Graham Knight. Son fils, lesergent Ben Knight de la Royal Air Force britannique, a ététué en Afghanistan en 2006. Cette semaine, Graham Knight adéclaré à la Press Association que le gouvernement britanniqueaurait dû agir rapidement pour secourir les civils :

« Nous ne sommes pas surpris que les Taliban aient pris lepouvoir, car dès que les Américains et les Britanniques ontdit qu’ils allaient partir, nous savions que cela allaitarriver. Les Taliban ont fait savoir très clairement que, dèsque nous serions partis, ils prendraient le relais.

Quant à savoir si des vies ont été perdues dans une guerre quin’était pas gagnable, je pense que oui. Je pense que leproblème était que nous combattions des gens qui étaient nésdans le pays. Nous ne combattions pas des terroristes, nouscombattions des gens qui vivaient là et qui n’aimaient pas

notre présence ».11

Page 35: Afghanistan – La fin de l’occupation

Combattants talibans assis à l’intérieur du palaisprésidentiel de Kaboul en août 2021. Le palais a étéremis aux Talibans après avoir été libéré quelquesheures plus tôt par les représentants du gouvernementafghan.

Références

• Fluri, Jennifer L. and Rachel Lehr. 2017. « TheCarpetbaggers of Kabul and Other American-Afghan Entanglements». Athens OH : University of Georgia Press.• Giustozzi, Antonio. 2007. « Koran, Kalashnikov and Laptop :The Neo-Taliban Insurgency in Afghanistan ». London : Hurst.• ed. 2009. « Decoding the New Taliban : Insights from theAfghan Field ». London : Hurst.• 2021. « The Taliban have retaken Afghanistan – this time,how will they rule it ? » The Guardian, August 16.• Gregory, Thomas. 2011. « Rescuing the Women of Afghanistan :Gender, Agency and the Politics of Intelligibility ».University of Manchester PhD thesis.• Hirschkind, Charles and Saba Mahmood. 2002. « Feminism, the

Page 36: Afghanistan – La fin de l’occupation

Taliban and the Politics of Counterinsurgency ».Anthropological Quarterly, 75(2) : 339-354.• Hughes, Dana. 2012. « The First Ladies Club : HillaryClinton and Laura Bush for the Women of Afghanistan ». ABCNews, March 21• Jalalzai, Zubeda and David Jefferess, eds. 2011.« Globalizing Afghanistan : Terrorism, War, and the Rhetoricof Nation Building ». Durham : Duke University Press.• Klaits, A. & G. Gulmanadova-Klaits. 2005. « Love and War inAfghanistan », New York : Seven Stories.• Kolhatkar, Sonali and James Ingalls. 200. « BleedingAfghanistan : Washington, Warlords, and the Propaganda ofSilence ». New York : Seven Stories.• Lindisfarne, Nancy. 2002a. « Gendering the Afghan War ».Eclipse : The Anti-War Review, 4: 2-3.• 2002b. « Starting from Below : Fieldwork. Gender andImperialism Now ». Critique of Anthropology, 22(4): 403-423,and in Armbruster and Laerke, 23-44.• 2012. « “Exceptional Pashtuns ?” Class Politics, Imperialismand Historiography ». In Marsden and Hopkins.• Lindisfarne, Nancy and Jonathan Neale, 2015. « Oil Empiresand Resistance in Afghanistan, Iraq and Syria ». Anne BonnyPirate.• 2019. « Oil, Heat and Climate Jobs in the MENA Region ». In« Environmental Challenges in the MENA Region : The Long Roadfrom Conflict to Cooperation », edited by Hamid Pouran andHassan Hakimian, 72-94. London : Ginko.• Manchanda, Nivi. 2020. « Imagining Afghanistan : The Historyand Politics of Imperial Knowledge ». Cambridge : CambridgeUniversity Press.• Marsden, Magnus and Benjamin Hopkins, eds. 2012. « BeyondSwat : History, Society and Economy along the Afghanistan-Pakistan Frontier ». London : Hurst.• Mihailovič, Konstantin. 1975. « Memoirs of a Janissary ».Ann Arbor : University of Michigan Press.• Mount, Ferdinand. 2008. « Cold Cream : My Early Life andOther Mistakes ». London : Bloomsbury.

Page 37: Afghanistan – La fin de l’occupation

• Mousavi, Sayed Askar, 1998. « The Hazaras of Afghanistan :An Historical, Cultural, Economic and Political Study ».London : Curzon.• Neale, Jonathan. 1981. « The Afghan Tragedy ». InternationalSocialism, 12: 1-32.• 1988. « Afghanistan : The Horse Changes Riders », Capitaland Class, 35: 34-48.• 2002. « The Long Torment of Afghanistan ». InternationalSocialism 93: 31-59.• 2008. « Afghanistan : The Case Against “the Good War” ».International Socialism, 120: 31-60.• Nojumi, Neamatollah. 2002. « The Rise of the Taliban inAfghanistan ». New York : Palgrave.• Rico, Johnny. 2007. « Blood Makes the Grass Grow Green : AYear in the Desert with Team America ». New York : Presidio.• Tapper (Lindisfarne), Nancy. 1991. « Bartered Brides :Politics, Gender and Marriage in an Afghan Tribal Society ».Cambridge : Cambridge University Press.• Tapper, Richard, ed. 1983. « The Conflict of Tribe and Statein Iran and Afghanistan ». London : Croom Helm.• Tapper, Richard, with Nancy Lindisfarne. 2020. « AfghanVillage Voices : Stories from a Tribal Community ». London :I.B. Tauris.• The Guardian, 2021. « Afghanistan Live News ». August 16.• Ward, Lucy, 2001. « Leader’s Wives Join Propaganda War ».The Guardian, Nov 17.• Zaeef, Abdul, 2010. « My Life with the Taliban ». London :Hirst.• Zilizer, Barbie. 2005. « Death in Wartime : Photographs andthe “Other War” in Afghanistan ». The Harvard InternationalJournal of Press/Politics, 10(3): 26-55.

source : https://annebonnypirate.org

traduit par Réseau International