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agir ››››››››››› LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 14 | 2 / MAI 2014 Numéro spécial égalité des chances

agir n° 14 - 2/2014

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Numéro spécial égalité des chances

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agir›››››››››››LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 14 | 2 / MAI 2014

Numéro spécial égalité des chances

agir›››››››››››LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 14 | 2 / MAI 2014

ÉDITORIAL4 SOMMAIRE

4 Editorial

5 Aide humanitaire

Philippines

6 L‘invité

Siluvapan Guntipalli Chelappa,

responsable du Bureau de

coordination de l’EPER en Inde

Dossier égalité des chances

8 Dénicher des potentiels en sortant

des chemins battus

10 Dix conseils en or pour les entreprises

12 « Ici je ne suis rien tant que

je n’ai pas de travail. »

15 La diversité, une valeur à l’honneur

chez Aligro

18 Plaidoyer

L’EPER fait recours contre

la Suisse à Strasbourg

20 Actuel et agenda

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Couverture Photo : AdvicoDonner une chance, ça peut tout changer.

IMPRESSUM AGIR N°14, MAI 2014ISSN 2235-0772Paraît 4 fois par an Editeur : Entraide Protestante Suisse (EPER)Responsable de la publication : Olivier GrazRédaction : Joëlle Herren LauferTraduction : Sandra Först Impression : Jordi, BelpTirage : 16 000 exemplairesAbonnement : CHF 10, déduits une fois par an de vos donsAdresse : Bd de Grancy 17 bis, case postale 536, 1001 LausanneTéléphone : 021 613 40 70Fax : 021 617 26 26Internet : www.eper.chE-mail : [email protected] pour les dons : 10-1390-5

« Pflasterlipolitik » ?

Angélisme, « Pflasterlipolitik » (« politique de bouts de sparadraps », de ce côté de la Sarine), ou carrément bons sentiments : les ONG qui tentent de traduire des valeurs en actes sont souvent exposées à ce genre de critiques. Aux « grands principes », les sceptiques op-posent volontiers le réalisme. Alors, beaux principes ou dure réalité ? Ce numéro d’agir montre qu’il n’est pas nécessaire de faire un pareil choix, au contraire. L’action de l’EPER repose sur des valeurs, bien sûr, mais aussi sur une bonne connaissance du terrain : cette approche porte ses fruits !

En Inde, le patient travail de lobbying des partenaires soutenus par l’EPER a amené l’Etat de l’Andra Pradesh à distribuer plus de 8000 hectares de terre à 9500 familles. Beau succès d’un droit à la terre, prévu dans la Constitution indienne mais pourtant régulièrement contredit dans la dure réalité, où Adivasis (autochtones) et Dalits (in-touchables) demeurent des citoyens de deuxième catégorie (lire l’interview page 6).

En Suisse, l’expertise des juristes du Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s (SAJE) porte également ses fruits. Suite à une requête exceptionnelle déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme au nom d’une famille afghane avec six enfants, une audience a eu lieu à Strasbourg le 12 février devant la Grande Chambre. Si le jugement suit les conclusions de l’EPER, des centaines de per-sonnes requérantes d’asile ne seront plus condamnées à vivre dans des conditions indignes en Italie (tout le détail de l’affaire en page 18). Beau succès du droit à la dignité, protégé dans la Constitution suisse mais si souvent contredit dans la dure réalité, où requérants et réfugiés sont résumés à un problème.

En Inde comme en Suisse, le respect et le renforcement de la dignité de chaque personne sont au cœur de l’engagement de l’EPER. Ces valeurs témoignent du double enracinement de l’EPER dans la tradition chrétienne, reconnaissant en chaque être humain l’image de Dieu, et dans celle des droits humains, ancrés notamment dans la Déclaration universelle de 1948. Les projets de l’EPER mon-trent que la dignité n’est pas condamnée à rester un bel idéal mais peut devenir une réalité concrète.

Notre campagne nationale, dont vous trouverez un dossier étoffé dans les pages 8 à 15, est consacrée à l’égalité des chances. Elle invite les entreprises suisses à s’engager aussi dans cet effort de concrétisation.

L’alternative ne se situe pas pas entre idéalisme et réalisme, mais bien entre confiance et résignation. Merci de votre précieux soutien et excellente lecture.

Philippe BoveySecrétaire romand

PS : découvrez nos projets et chiffres-clés 2013 dans notre rapport d’activité original en ligne : www.eper2013.ch

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AIDE HUMANITAIRE

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Construction de 1100 maisons sur l’île de Panay aux Philippines

Le 8 novembre 2013, les Philippines ont été dévastées par le pire typhon de l’histoire. L’EPER a fourni une aide humanitaire d’un montant de CHF 2 millions en faveur des victimes sous forme de vivres les deux premiers mois puis orientée sur la reconstruction depuis le 10 février. Un projet soutenu par la Chaîne du Bonheur.

BETTINA FILACANAVO ET SUSANNE STAHEL

Sur certaines îles des Philippines, le typhon Haiyan a tout détruit. Dans un premier temps, l’EPER a distribué des denrées alimentaires à

2000 familles de huit communes sur l‘île de Panay. Depuis le 10 février, l’EPER est également présente dans la province de Capiz. Elle y collabore avec Task Force Mapalad, une organisation partenaire de longue date. L’objectif : construire 1100 nou-velles maisons d’ici à l’été et distribuer du matériel à la population pour la réparation de 400 maisons supplémentaires. La construction d’une habitation prend deux à trois jours. Le premier jour, on bâtit les fondations et la charpente avec des cocotiers renversés par la tempête et du bois de construc-tion. Le deuxième jour, des murs sont dressés en nattes et le toit est posé. Celui-ci est constitué de tôle ondulée contenant de l’aluminium afin d’éviter qu’il ne rouille. Une maison de 13,3 m2 coûte CHF 360, une de 18 m2 CHF 400. L’aménagement intérieur relève de la responsabilité des bénéfi-ciaires. A côté de leur maison, ceux-ci doivent en construire une deuxième, gratuitement. C’est leur contribution au projet. Puis, à partir de la troisième habitation qu’ils construisent, ils sont rémunérés pour leur travail (on appelle cela un programme « cash-for-work »), ce qui leur garantit provisoire-ment un revenu.

A voir en ligne : un film montrant, étape par étape, la reconstruction d’une maison en deux jours : http://youtu.be/5AQFEhfP5e0

Haiyan leur a tout pris Lorsque le typhon est arrivé sur l’île, la maison de la famille Crispolon a été emportée par le vent. Traversant un paysage surréaliste d’arbres gisant sur le sol et de noix de coco volant dans tous les sens, la famille a pu rejoindre son bateau. Mais il a chaviré. Les deux jeunes enfants d’Eddie et Gina se sont noyés, les deux aînés et leurs parents ont pu être sauvés par des proches. Le lendemain, les parents ont retrouvé les corps de leurs deux petits ; ils les ont enterrés dans le cimetière public et ont conservé dans leur jardin les vestiges du bateau en mé-moire de cette tragédie. Eddie travaille comme journalier dans des élevages de crabes pour pouvoir se racheter un bateau de pêche. Gina travaille comme blanchisseuse mais elle ne reçoit que peu de mandats. Leur fils aîné participe au programme cash-for-work de l’EPER, ce qui lui assure un petit revenu. Gina est à nouveau enceinte. Pour elle, cette grossesse représente « l’espoir d’une nouvelle vie ».

Vous souhaitez faire un don ? CP 10-1390-5, mention « typhon Asie » ou par SMS en envoyant « TYPHONASIE 25 » (pour un don de CHF 25 par exemple) au 2525 (dons possibles de CHF 1 à CHF 99).

6 L’INVITÉ

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En Inde, les organisations partenaires de l’EPER aident les sans-terres à effectuer les démarches nécessaires pour accéder à une parcelle. Si nécessaire, elles organisent des manifestations pour faire pression sur les services compétents. Dans l’Andhra Pradesh, le gouvernement a cédé face à la pression exercée par l’EPER : il a appliqué la législation et distribué plus de 8600 hectares à quelque 9500 familles. Interview de Bettina Filacanavo

Siluvapan Guntipalli Chelappa« Le statut social et le développement économique sont étroitement liés à l’obtention d’un titre foncier. »

Siluvapan Guntipalli Chelappa est responsable du Bureau de coordination de l’EPER en Inde.

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Siluvapan Guntipalli Chelappa est responsable du Bureau de coordination de l’EPER en Inde.

Siluvapan Guntipalli Chelappa, 9500 familles ont obtenu une terre qu’elles pourront désor-mais cultiver. Qui sont ces familles ?Ces familles sont à 95% adivasis, c’est-à-dire auto-chtones, et à 12% dalits ou intouchables. En outre, 29% appartiennent aux castes les plus basses du système indien. Ce sont toutes des familles margi-nalisées par la société. Sans aide, elles n’ont quasi-ment aucune chance de sortir de la pauvreté.

Et pour elles, que signifie avoir une parcelle ?En Inde, le statut social et le développement économique sont étroitement liés à l’obtention d’un titre foncier. Lorsqu’une personne dispose d’un document attestant qu’elle est propriétaire d’une parcelle, elle est plus respectée au sein de la société. En plus, son titre l’autorise à de-mander des microcrédits aux banques et à accéder à certaines prestations de l’Etat comme l’eau et l’électricité. Ainsi, elle a les moyens de cultiver sa terre et dispose d’une base de subsistance.

Combien de temps faut-il compter entre le début du processus et l’octroi des titres ?Cela dépend du niveau de coopération des respon-sables politiques. Mais en général, il faut compter entre trois et cinq ans.

Maintenant que ces familles ont obtenu des titres fonciers, quelle est la prochaine étape pour l’EPER et ses organisations partenaires ? La prochaine étape, c’est de vérifier que les familles reçoivent vraiment leur titre du gouvernement local. Ensuite, nous apportons un soutien aux familles afin qu’elles se mettent rapidement à exploiter leur parcelle. Si elles ne le font pas, le gouvernement peut en effet la leur reprendre. Nous leur montrons donc par exemple comment faire une demande de microcrédit pour l’achat de semences ou encore comment obtenir un accès à l’eau pour l’irrigation. Nous leur apprenons également à fabriquer un ver-micompost pour la production d’engrais.

En Inde, l’EPER est active dans trois régions : l’Andhra Pradesh, mais également le Karna-taka et le Tamil Nadu. Or il semblerait que les succès soient plus fréquents dans l’Andhra Pradesh. Est-ce plus difficile d’accéder à des terres ailleurs ?Ces dix dernières années, la collaboration avec le gouvernement était bonne dans l’Andhra Pradesh car il entendait nos revendications. C’est malheureusement différent dans les deux autres régions. Bien que nous ayons créé des forums dédiés à la lutte pour la terre et exercé une pres-sion sur les autorités dans les trois régions, le gouvernement du Tamil Nadu refuse par exemple de mettre en œuvre le Forest Rights Act, la loi nationale entrée en vigueur en 2006 qui recon-naît aux Adivasis le droit d’exploiter les terres sur lesquelles ils vivent. Mais nous ne baissons pas

les bras, une plainte est pendante devant le tri-bunal. Pour ce qui est de la région du Karnataka, la situation politique y est extrêmement confuse et cela complique notre travail. Mais là aussi, nous persévérons !

Dans l’Andhra Pradesh, les choses bougent aussi : la région va être scindée en deux et un nouvel Etat sera créé, le Telangana. Des élec-tions auront lieu en mai 2014. Quel impact ces changements auront-ils sur le travail de l’EPER et de ses organisations partenaires ?Nous partons du principe que nous ne pourrons pas obtenir de nouveaux titres fonciers pendant un ou deux ans. Il faudra d’abord identifier nos nou-veaux interlocuteurs. Mais nous reviendrons à la charge le plus rapidement possible avec de nou-velles requêtes. En attendant, nous nous concen-trerons sur l’exploitation des terres et le soutien aux nouveaux propriétaires avec des formations permet-tant d’améliorer le rendement, et donc d’obtenir un revenu supplémentaire pour mener une vie digne.

En Inde, les droits fonciers sont ancrés dansla législationEn Inde, plusieurs bases légales garantissent le droit à la terre des Dalits, des Adivasis, des sans-terres et des personnes ap-partenant aux castes les plus basses de la société. Entré en vigueur en 2006, le Forest Rights Act garantit aux Adivasis le droit d’habiter et d’exploiter leur territoire, et notamment de cueillir et de ramasser feuilles, fruits, fleurs, bois de chauffe et autres produits de la forêt pour leur consommation et pour la vente. Parallèlement, l’Andhra Pradesh Land Reforms Act (en vigueur depuis 1973) prévoit que les hors castes et les personnes appartenant aux castes les plus basses de la société peuvent demander un titre foncier s’ils ont cultivé une terre en friche du gouvernement durant trois ans. C’est la raison pour laquelle les organisations partenaires de l’EPER encouragent les plus démunis à cultiver des terres communales afin d’obtenir par la suite un droit foncier. Une fois au bénéfice de ce docu-ment, ils peuvent participer au programme public MGNREGA : le « Mahatma Gandhi National Rural Employment Guarantee Act » a été créé par Sonia Gandhi en 2005. Il garantit à chaque Indien vivant en zone rurale 100 jours de travail payé par an. Pour beaucoup, ce revenu supplémentaire est vital. Les personnes au bénéfice d’un titre foncier peuvent également demander que des travaux importants dans leurs champs soient effectués dans le cadre de ce programme.

Courts films à visionner : www.youtube.com/user/EPERHEKSagir

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Dénicher des potentiels en sortant des chemins battus

L’importance accordée aux préjugés est souvent supérieure à celle accordée aux qualifications, aux talents et aux potentiels. Conséquence : certains groupes de personnes sont défavorisés en termes d’accès au monde du travail. En collaboration avec des entreprises, l’EPER démontre que les employeurs ont tout intérêt à adopter une politique du personnel exempte de préjugés et axée sur l’égalité des chances.

TEXTE : NINA GILGEN / PHOTOS : ANNETTE BOUTELLIER

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Nous avons tous recours à certaines images et à certains modes de pensées pour carac-tériser et catégoriser les personnes. Ceux-ci

sont d’une part sociaux, d’autre part issus de notre expérience personnelle. C’est ainsi que nous at-tribuons diverses propriétés aux personnes en fonc-tion de leur sexe, de leur âge ou de leur nationalité : les femmes sont considérées comme consuméris-tes, les hommes compétitifs, les personnes âgées peu flexibles ; on pense des jeunes avec de mauvais résultats scolaires qu’ils ne sont pas performants et des personnes étrangères qu’elles parlent mal le français et sont faiblement qualifiées. Si ces croyances ne sont pas forcément toujours fausses, elles sont partiales et simplistes. Toujours est-il qu’elles influencent notre comportement non seulement dans la vie privée, mais également dans la vie professionnelle, que ce soit dans notre posi-tion de supérieur-e, de responsable du personnel, de directeur/trice ou de collègue. Et cela n’est pas sans conséquences ! En ma-tière de recrutement par exemple, il arrive que des personnes âgées ne soient même pas invitées à un entretien parce qu’on estime qu’elles ne sont plus suffisamment aptes à apprendre ; ou encore, en matière de promotion du personnel, que des femmes ne soient pas proposées pour des postes dirigeants parce qu’on pense qu’elles ne sont pas

assez compétitives. Il est d’ailleurs prouvé que lors d’un recrutement, on privilégie générale-ment inconsciemment des personnes qui nous ressemblent, ce qui peut induire une inégalité de traitement et de la discrimination. Et de fait, plusieurs études et statistiques at-testent que certains groupes de personnes sont défavorisés sur le marché de l’emploi suisse – une réalité que l’EPER constate également dans le cadre de ses projets d’intégration professionnelle. Parmi eux, les personnes de plus de 50 ans, qui ont du mal à se réinsérer sur le marché de l’emploi, les jeunes, qui peinent à trouver un emploi ou une formation professionnelle en raison de mauvais résultats scolaires ou de leur parcours migratoire, les personnes migrantes, dont le nom à conso-nance étrangère ferme des portes, les personnes faiblement qualifiées, auxquelles on préfère sou-vent des personnes plus qualifiées, et les personnes migrantes hautement qualifiée d’Etats tiers, à qui l’on n’offre généralement que des emplois pour lesquels elles sont surqualifiées.

Expérience positive

Tous les projets d’intégration professionnelle de l’EPER visent à valoriser les ressources individuelles des bénéficiaires en recherche d’emploi. Ceux-ci

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Découvrez dans les pages suivantes comment l’EPER s’engage en faveur de l’égalité des chances dans le monde du travail, que ce soit dans le cadre de ses projets ou de la campagne « L’égalité des chances, un investissement gagnant ».

apprennent à identifier leurs compétences, forces et potentiels, à les développer et à mieux les exploiter. Mais si personne ne leur offre l’opportunité de prouver concrètement dans la pratique leurs com-pétences et leur engagement, l’exercice reste vain. Pour mieux intégrer ces groupes de personnes défavorisés sur le marché du travail, l’EPER colla-bore étroitement avec des employeurs privés et publics, que ce soit au sein de ses projets ou de sa campagne « L’égalité des chances, un investisse-ment gagnant ». Dans ce cadre, elle a constaté que certaines entreprises s’engageaient déjà en faveur de l’égalité des chances. L’expérience s’est avérée positive !

L’entreprise en sort gagnante

L’expérience de ces entreprises montre, contre toute attente, que les jeunes avec de mauvais ré-sultats scolaires fournissent souvent de très bonnes prestations lors de leur formation professionnelle et que les apprenties et apprentis issus de la migration ont en moyenne de meilleurs résultats que leurs camarades suisses. Mais encore : que la majorité des personnes ayant un faible niveau de qualifica-tion fait preuve d’un grand engagement lorsqu’elle obtient la possibilité de compléter sa formation en entreprise, que le personnel âgé est souvent plus

pondéré, qu’il gère mieux les situations critiques et dispose d’un savoir précieux qu’il peut transmettre au personnel plus jeune, et que les personnes mi-grantes se distinguent par leur flexibilité et des compétences interculturelles qui s’avèrent utiles dans de nombreux domaines. Lorsqu’une entreprise réussit à intégrer les personnes âgées aussi bien que les jeunes, les femmes aussi bien que les hommes ou encore les personnes migrantes aussi bien que les Suisses, les personnes qui se voient ainsi offrir une chance de prouver leurs compétences et leur engagement en profitent et l’entreprise est gagnante ! Elle peut exploiter la diversité de son personnel pour aug-menter son chiffre d’affaires, se prépare active-ment à l’évolution démographique et augmente ses chances de survivre à la concurrence accrue en termes de relève et de main-d’œuvre.

Parmi les personnes de plus de 55 ans qui perdent leur emploi, seul un cinquième réussit à réintégrer le monde du travail. Les autres rejoignent les rangs des chômeuses et chômeurs de longue durée.

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Dix conseils en or pour les entreprises

Comment promouvoir l’égalité des chances sur le marché de l’emploi ? En collaboration avec l’Union patronale suisse, l’EPER a formulé dix conseils à l’intention des employeurs. Il s’agit de pistes et d’exemples sur la manière de s’engager concrètement en faveur de l’égalité des chances au sein de leur entreprise. Ces dix conseils seront largement diffusés dans les PME de Suisse dans le cadre de la campagne « L’égalité des chances, un investissement gagnant ». Participez vous aussi !

CORINA BOSSHARD ET NINA GILGEN

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I l suffit souvent de peu pour promouvoir l’égalité des chances sur le marché de l’emploi. Lors de la publication d’offres d’emplois, les annonces

devraient être formulées de manière la plus neutre possible et ne porter que sur les compétences réel-lement nécessaires pour le poste. Une évidence ? Pas si sûr car nombre d’employeurs n’ont souvent pas conscience que certaines formulations excluent des groupes de personnes. Des critères comme « Vous êtes jeune et dynamique », « entre 25 et 35 ans » ou encore « langue maternelle française » excluent les personnes âgées et celles qui ne sont pas de langue maternelle française, même si elles maîtrisent cette langue. Même inconscients, les préjugés sont lourds de conséquences lors d’un recrutement. Ainsi, il arrive que tout en disposant des qualifications requises, des personnes ne passent pas la rampe de l’entretien ou soient écartées dès le premier tour en raison de notes scolaires insuffisantes, de leur âge ou d’un nom à consonance étrangère. Il existe pourtant une kyrielle d’alternatives aux en-tretiens d’embauche classiques comme les tests pratiques d’aptitudes ou les journées et semaines de découverte qui offrent davantage de temps et de possibilités aux candidates et candidats pour prouver leurs compétences et leurs talents. La promotion du personnel a aussi un grand rôle à jouer en matière d’égalité des chances. Les entreprises devraient veiller à proposer et à financer des formations continues indépendam-ment de l’âge, du sexe, du niveau de qualification et de l’origine des collaboratrices et collabora-teurs. Dans la même veine, il est essentiel d’offrir au personnel des modèles de travail flexibles : temps partiels, job sharing ou encore home office. Une certaine flexibilité en termes de temps et de lieu de travail permet en effet de tenir compte des situations personnelles de chacun. L’avantage ? Les collaboratrices et collaborateurs peuvent pour-suivre leur activité même lorsqu’ils ont besoin de plus de temps pour eux, que ce soit pour garder leurs enfants, prendre soin de proches malades, se rétablir après un problème de santé ou exercer leur religion. Les employeurs ont également tout intérêt à recruter de manière ciblée les catégories de per-sonnes sous-représentées dans leur entreprise et à former des équipes mixtes. En effet, une équipe disposant d’une large palette d’expériences et de savoirs sera mieux à même de répondre aux be-soins des divers segments de clientèle. L’expérience à montré que ce type d’équipe est plus innovant. En effet, la synergie des différentes appréciations d’un même problème permet souvent d’aboutir à des solutions originales.

Transmettez ces dix conseils à votre employeur et lancez ainsi un signal en faveur de l’égalité des chances dans le monde du travail. Le jeu en vaut la chandelle !

Exemples et témoignages : www.chances-egales.ch

Publier des annonces neutresConseil n°1 : Formulez vos offres d’emploi de manière neutre.

Favoriser la diversitéConseil n°2 : Recrutez de manière ciblée les catégories de personnes sous-représentées dans votre entreprise.

Identifier les talentsConseil n°3 : Lors du recrutement, procédez à des examens d’aptitudes ou des tests pra-tiques approfondis.

Exploiter les potentielsConseil n°4 : Tenez compte des qualifications et des compétences spécifiques des personnes migrantes et exploitez-les.

Former des binômesConseil n°5 : Lancez un système de parrains et marraines ou encore de mentorat.

Composer des équipes hétérogènesConseil n°6 : Composez des équipes avec des profils variés.

Favoriser la formation continueConseil n°7 : Facilitez l’accès de votre person-nel aux formations continues et aux spéciali-sations sur le lieu de travail.

Offrir un cadre flexibleConseil n°8 : Favorisez les modèles de travail flexibles prenant en compte les situations de vie individuelles.

Transmettre des valeursConseil n°9 : Formez votre personnel et vos dirigeants en matière d’égalité des chances et de gestion de la diversité.

Définir des lignes directricesConseil n°10 : Elaborez et diffusez de la docu-mentation sur la discrimination et l’égalité des chances.

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« Ici je ne suis rien tant que je n’ai pas de travail. »

Réfugiée en Suisse depuis deux ans, Luz Marina Cantillon Romero, colombienne de 48 ans, cherche les moyens de valoriser ses 20 ans d’expérience en tant que professeure d’histoire et son activité militante de terrain. Elle est coachée par Ponts emploi. Témoignage d’un combat pour la dignité.

TEXTE : JOËLLE HERREN LAUFER / PHOTOS : YVES LERESCHE

« Je ne veux pas que mes 20 ans d’expérience professionnelle soient réduits à néant »

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disparitions, d’assassinats et de violence sexuelle d’une zone bananière. Rien que dans le village où elle travaillait, 823 morts avaient été recensés. « Cette activité me rendait utile pour la société et donnait un sens à ma vie. Je n’ai jamais juste voulu gagner ma vie. J’ai toujours eu besoin d’y mettre toute mon âme. »

J’aimerais travailler pour ne plus dépendre de l’aide sociale

Une fois en Suisse, la question du travail s’est posée dès qu’elle a obtenu son permis B. « Je suis très reconnaissante à la Suisse de payer mon logement et ma nourriture, mais j’aimerais travailler pour ne plus dépendre de l’aide sociale. C’est une question de dignité. » Cependant, la maîtrise du français constitue un obstacle majeur. Elle n’en parlait pas un mot à son arrivée. Elle fréquente assidûment plusieurs cours, dont celui de l’Association Décou-vrir, destiné aux femmes qualifiées qui ont des in-térêts variés et l’envie d’élargir leur vocabulaire, ce qui la stimule grandement. Pour ne pas rester les bras croisés, elle travaille à 30% depuis 2012 au Jardin Robinson, un centre de loisirs pour les jeunes à Genève. « Bien que ça ne soit pas rémunéré, c’est le meilleur moyen d’apprendre le français tout en exerçant une activité dans un domaine qui me plaît et qui sera valorisable par la suite », explique-t-elle.

Originaire de la petite ville colombienne d’Aracataca, tout comme Gabriel García Márquez, Luz Marina Cantillon Romero a

fui abruptement son pays. Loin des contes enchan-teurs narrés par cet écrivain, sa vie a basculé le jour où elle a échappé de justesse à des hommes armés venus la chercher chez elle. Elle s’est enfuie par la porte de derrière, son fils au volant, et a échappé de peu à la mort. Du jour au lendemain, elle a dû abandonner sa maison, son travail, ses proches, et tout ce qu’elle avait accompli des années durant. Elle a demandé protection à l’ambassade suisse de Bogota, s’est terrée avec son fils de 24 ans pendant six mois dans un couvent en attendant la réponse, sans même pouvoir lancer un coup de fil à ses proches. Et puis la Suisse les a accueillis, ils ont pu demander l’asile et l’ont obtenu. C’était il y a deux ans. Même si cet épisode d’une violence inouïe n’est pas encore digéré, Luz Marina n’est pas du genre à baisser les bras. En Colombie, elle était professeure d’histoire au niveau secondaire depuis une vingtaine d’années et chargée de recherche à l’université. Elle jouissait d’une position confortable et reconnue. Parallèle-ment, elle était très impliquée bénévolement pour renforcer la capacité à se défendre des mères vic-times des conflits armés. Elle a par la suite obtenu un mandat de la faculté des sciences politiques pour écrire l’histoire des victimes de tortures, de

« Le travail, ça a toujours été primordial pour moi, j’ai toujours eu besoin d’y mettre tout mon cœur. »

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serait une chance. J’avais d’ailleurs commencé un master en Colombie. Etudier fait partie de mon tra-vail d’enseignante ».

On lui disait qu’elle devrait tout recommencer à zéro

Luz Marina est une battante. Elle a renoué avec la diaspora colombienne de Genève pour poursuivre ses combats politiques. Elle s’est par ailleurs dé-brouillée pour dénicher une colocation avec trois jeunes Suisses, histoire de nouer des contacts en français, ce qu’elle ne pouvait pas faire quand elle vivait en foyer. Mais cela ne l’empêche pas d’être réaliste. « J’avais une fonction sociale quand je vivais en Colombie. Ici, je ne suis rien tant que je n’ai pas de travail ». Avant de participer à Ponts emploi, Luz Maria recevait beaucoup de commen-taires la décourageant face à sa forte motivation à travailler en Suisse. On lui disait qu’elle devrait tout recommencer à zéro. La perspective de pouvoir ac-complir un travail qui lui permette d’exploiter ses connaissances la réjouit : « Par le travail, ce n’est pas tant le pouvoir d’achat que je recherche qu’un sens à ma vie et la dignité ! »

Ponts emploi, le dernier né des projets romands de l’EPERMandatée par l’Office des migrations, l’EPER a démarré, fin 2012, un projet visant à valoriser le potentiel des réfugiés et des admis provisoires sur Vaud et Genève. Seize personnes qualifiées bénéficient d’un coaching. Celui-ci permet d’établir une stratégie et de la mettre en œuvre pour trouver un emploi adapté, notamment par la valorisation des expériences et des diplômes acquis à l’étranger, et la réalisation de formations accélérées.

Valider ses acquis professionnels

En septembre, le projet Ponts emploi de l’EPER l’approche dans le cadre d’une enquête menée sur les besoins des personnes réfugiées qualifiées pour valider leurs acquis et trouver un emploi en Suisse. Avec Stéphanie Voser, sa coach, Luz Marina fait le point sur ses compétences valorisables en Suisse et celles à acquérir pour obtenir un emploi adapté à son potentiel. Deux options s’offrent à elle : profes-seure d’espagnol et assistante sociale ou animatrice. Stéphanie l’aide à construire un projet profes-sionnel basé sur son bagage et à le réaliser, en travaillant notamment son CV ou ses lettres de mo-tivation. « C’est primordial car je n’ai aucune idée de la manière de procéder en Suisse. » Un rendez-vous est également programmé avec le départe-ment de validation des acquis de l’université de Genève pour déterminer si Luz Marina pourrait en-treprendre des études en vue d’obtenir un bachelor accéléré d’études sociales. Selon les cas, les trois ans d’études réglementaires peuvent être abaissés à deux, voire un an. « Mon expérience profession-nelle est un acquis, je cherche à la valider coûte que coûte. » Et de se relancer dans des études à presque 50 ans, le craint-elle ? « Au contraire, ce

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Au sein de l’entreprise familiale Aligro, la motivation et l’engagement sont des valeurs centrales. Les per-sonnes avec un passé migratoire ont autant de chances d’être embauchées que les chômeurs plus âgés. CHRISTIAN ZEIER

La diversité, une valeur à l’honneur chez Aligro

A ligro a le vent en poupe. Pour preuve, le grossiste a inauguré fin 2012 sa première succursale en Suisse alémanique, à Schlie-

ren. Avec ce nouveau site, l’entreprise familiale basée à Chavannes-près-Renens gère désormais cinq grands marchés de libre service. Les plus de 600 collaboratrices et collaborateurs que compte l’entreprise constituent l’un des piliers de cette réussite. En effet, comme le souligne François Burnier, responsable des ressources humaines, le succès économique n’est pas une fin en soi chez Aligro : « Nous sommes conscients de notre rôle social en tant qu’entreprise. Dans la mesure du possible, nous essayons d’apporter notre aide aux personnes en dif-ficulté, que ce soit des jeunes en quête d’une place d’apprentissage ou des personnes plus âgées qui ont du mal à se refaire une place dans le monde du tra-vail. » Afin d’identifier les futurs apprenantes et ap-prenants, l’entreprise recourt à un test d’aptitudes, à des entretiens personnels et à des stages de décou-verte d’une semaine. Aux yeux de François Burnier, l’importance que l’on accorde aux compétences et aux diplômes est une difficulté pour les deman-deuses et demandeurs d’emploi. Aussi s’efforce-t-on chez Aligro de ne prendre en considération que les compétences réellement nécessaires.

Faire de l’âge un atout

Aligro s’engage également en faveur de personnes plus âgées comme Rose-Marie Raemy-Favre, 50 ans, qui a décroché un emploi dans la succursale de Matran (près de Fribourg). Après avoir long-temps travaillé dans la gastronomie, elle a peiné à retrouver un nouveau travail. « J’étais souvent convoquée à des entretiens d’embauche, mais les jeunes candidats me passaient toujours devant », raconte-t-elle. Quelle ne fut donc pas sa surprise quand Aligro l’a appelée ! La caissière est ravie de son nouvel employeur, et notamment parce que

son travail est varié et sa contribution appréciée. « L’entreprise souhaite que le personnel soit poly-valent », précise-t-elle. Ainsi, en marge de la caisse, elle travaille également dans le bar-cafétéria et rend parfois visite aux clients.

Les langues étrangères, un avantage

L’entreprise a aussi embauché des réfugiés et de nombreuses personnes issues de l’immigration. François Burnier en sourit : « Il règne dans notre en-treprise une atmosphère multiculturelle. C’est sou-vent un avantage, dans la mesure où notre clientèle est elle aussi très panachée. » Les restaurateurs qui fréquentent notre magasin apprécient, par exem-ple, d’être servis par un compatriote. Le personnel d’Aligro participe régulièrement à des cours sur les valeurs de l’entreprise. Parmi elles, le respect, aussi bien envers les collègues que les clients. « A nos yeux, il est important que ces va-leurs ne soient pas seulement consignées par écrit, mais qu’elles imprègnent également le quotidien », conclut François Burnier.

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DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS RURALES

Dans notre rapport annuel 2013 en ligne, vous découvrirez à travers l’exemple de la famille Chittiboini comment, en Inde, la culture de tomates permet d’accéder à une vie digne. Chiffres, projets, bénéficiaires – vous trouverez tout sur le travail de l’EPER l’an dernier à l’adresse www.eper2013.ch

Nos tomates poussent aussi en ligne. www.eper2013.ch

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DÉFENSE DES DROITS

L’EPER fait recours contre la Suisse à Strasbourg

L’Entraide Protestante Suisse (EPER) a porté devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg le cas d’une famille réfugiée afghane avec des enfants en bas âge ayant reçu de l’Office fédéral des migrations une décision de renvoi vers l’Italie. L’arrêt aura valeur de signal pour la pratique future en matière de renvois dans le cadre de la procédure Dublin.

PHILIPPE BOVEY

Le 12 février 2014, l’EPER a défendu à la Cour européenne des droits de l’homme de Stras-bourg*, une famille originaire d’Afghanistan

composée de six enfants et de leurs parents. Cette famille conteste une décision de renvoi vers l’Italie prise par l’Office fédéral des migrations (ODM) en application du règlement Dublin*. Cette démarche exceptionnelle, menée par le Service d’Aide Ju-ridique aux Exilé-e-s (SAJE) de l’EPER à Lausanne, témoigne de l’engagement de l’EPER en faveur des réfugiés, son axe stratégique d’action en Suisse à côté de l’intégration sociale. Un recours à Stras-bourg exige d’excellentes compétences juridiques. Le simple fait que la Cour ait déclaré le recours recevable, alors que plus de 90% des requêtes sont rejetées, et l’ait transmis à sa plus haute in-stance, la Grande Chambre, confirme l’importance de l’affaire du point de vue des droits humains. Deux problèmes graves motivent le recours de l’EPER. Premièrement, les conditions d’accueil des personnes réfugiées en Italie sont telles qu’un

renvoi par la Suisse vers ce pays porterait sérieuse-ment atteinte à la dignité des personnes renvoyées, à la vie de famille et aux intérêts des enfants. Pour étayer cette affirmation, les juristes du SAJE s’appuient sur les nombreux rapports constatant le manque endémique de places d’accueil : environ 8000 places d’hébergement pour plus de 60 000 personnes réfugiées ou demandeuses d’asile. Plu-sieurs milliers de personnes sont ainsi condamnées à vivre dans la rue ou dans des squats insalubres et dangereux. Les trop rares places existantes ne sont de plus pas adaptées à des familles, qui ris-quent par exemple de se retrouver séparées. L’EPER défend donc le point de vue qu’un renvoi de cette famille par la Suisse dans de pareilles conditions violerait les articles 3 et 8 de la Convention euro-péenne des droits de l’homme. Le second problème justifiant la requête de l’EPER auprès de la Cour est que la famille n’a pas bénéficié en Suisse d’une procédure équitable avant cette décision de renvoi. Le système Dublin repose

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en effet sur le principe selon lequel tous les pays européens respectent leurs obligations à l’égard des personnes requérant l’asile. Supposition prob-lématique, mais sans laquelle le système Dublin se gripperait. En pratique, elle dispense les autorités d’asile du pays qui renvoie les personnes requéran-tes de vérifier sérieusement que les engagements pris par le pays de destination sont tenus dans les faits. Le témoignage de la famille afghane sur ses conditions de vie en Italie, les nombreux rapports et reportages démontrant les dysfonctionnements dans le dispositif d’hébergement en Italie ne peu-vent donc rien y changer et n’ont pas été pris en compte dans la décision de la Suisse. De même, lors d’une instruction superficielle et standardisée, aucune question n’a été posée à la famille sur sa situation particulière, sur l’état de santé des enfants ou sur les raisons qui l’ont amenée à fuir l’Italie. Au terme de cette procédure mécanique, une dé-cision stéréotypée a simplement conclu au renvoi vers l’Italie. Les recours du SAJE auprès du Tribunal administratif fédéral n’ont pas permis de remédier à cette instruction insuffisante. L’EPER défend donc le point de vue que l’application du règlement Dub-lin par la Suisse a violé le droit de cette famille à une procédure équitable et à un recours effectif.

Décision de principe attendue sur la procédure d’asile Dublin

Déposer une requête à la Cour européenne des droits de l’homme est une démarche rare et sérieuse. Elle ne nuit pas à la Suisse mais doit au contraire lui permettre d’être à la hauteur de ses engagements et de sa tradition humanitaire. L’EPER prend ainsi au sérieux le respect de la dignité de toute per-sonne et de ses droits, valeur centrale de son travail en Suisse comme dans les autres pays du monde où elle intervient. Ni plus ni moins. L’EPER attend avec sérénité le jugement de la Cour, dont elle espère qu‘il sera rendu encore en 2014.

* Voir les deux encadrés pour plus de détails

La Cour européenne des droits de l’homme ou l’ultime recours La Cour est la gardienne de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a une fonction subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle ne peut être saisie que lorsque toutes les voies de recours dans le pays même ont été épuisées. La Convention prévoit des droits proches à ceux de la Constitution suisse, tels que l’interdiction de la torture et des traitements dégradants (art. 3), le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8) ou le droit à un recours effectif (art. 13). Cet instrument juridique a été signé en 1950 par les Etats membres du Conseil de l’Europe (à ne pas confondre avec l’Union européenne), qui s’efforçaient ainsi de tirer les premiers enseignements de la Guerre mondiale. La Suisse a adhéré au Conseil de l’Europe en 1963 puis ratifié la Convention en 1974.

Le règlement Dublin détermine l’Etat responsable de traiter une demande d’asileLe règlement Dublin est un élément central du système d’asile de l’Union européenne, auquel la Suisse est associée depuis 2008 par un accord bilatéral. Ce système consiste en une série de directives établissant des standards minimum au niveau de l’accueil des réfugiés, des procédures d’asile ou de la défini-tion de ce qu’est un réfugié. Le règlement Dublin à proprem-ent parler fixe des critères permettant de déterminer quel Etat signataire est responsable d’examiner une demande d’asile. Le principe est qu’une demande ne soit examinée que par un seul pays, le plus souvent celui par lequel le requérant est entré en Europe. Ce règlement permet ainsi à la Suisse de renvoyer chaque année plusieurs milliers de requérants vers l’Italie, sans examen de leur demande d’asile sur le fond. Malgré quelques améliorations apportées dans le règlement Dublin III entré en vigueur en 2014, le système pose de sérieux problèmes, notam-ment en raison des disparités immenses existant entre les différents pays européens

Sursis financier pour le SAJE Confronté à des difficultés financières, le Centre social protes-tant Vaud a dû renoncer à son soutien annuel de CHF 90 000 au SAJE. Cette perte importante menaçait l’existence même du service juridique de l’EPER dès 2014. Les démarches entreprises ont permis de trouver une solution, reposant d’une part sur une participation renforcée des partenaires actuels et d’autre part sur le soutien de deux nouveaux partenaires : l’Eglise évan-gélique réformée du canton de Vaud (EERV) et la fondation Fondia. Cette reconnaissance de l’importance du travail du SAJE est bienvenue dans le contexte défavorable à l’égard des réfugiés en Suisse. La situation demeure toutefois fragile à long terme : les contributions sont renégociées chaque année et le plafonnement des charges du SAJE ne lui permet pas de répon-dre à la demande. L’EPER poursuivra donc, avec votre aide, la recherche de financements complémentaires.

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Petits moyens, grands effets.

15 juin 2014Dimanche du réfugiéFavoriser l’intégration – Donner sa chance !En Suisse, l’EPER s’engage princi-palement en faveur de l’intégration, sociale ou professionnelle des per-sonnes migrantes ou très démunies, parmi lesquelles figurent les per-sonnes réfugiées. Cet engagement se concrétise en donnant une place aux personnes qui ont trouvé refuge en Suisse. Ce sens de l’accueil répond à la vocation chrétienne d’offrir l’hospitalité dans un cadre légal bien précis. Afin de garantir et de respecter les droits humains ainsi que les règles en vigueur, les projets de l’EPER pro-posent un accompagnement, en plus de conseils juridiques, pour amorcer un nouveau départ. Les Nouveaux Jardins constituent un exemple con-cret d’intégration sociale tant pour les parents que pour les enfants. Par des activités de jardinage dans un carreau collectif, les bénéficiaires du projet pratiquent le français tout en déve-loppant des compétences. Au final, ils récoltent non seulement le fruit de leur labeur, mais se découvrent aussi de nouvelles capacités et de meil-leures perspectives.

Des collaborateurs de l’EPER sont à disposition pour des présentations. Un dossier « Favoriser l’intégration » et un dépliant sur les projets en fa-veur de l’intégration des réfugiés, ainsi qu’un dossier « Donner sa chance » contenant des pistes homi-létiques et liturgiques sont dis-ponibles en téléchargement : www.eper.ch/jdr/ ou 021 613 40 70

Faire un don autrement ?Devenez mentor dans le cadre du programme MEM ! Durant un an, accompagnez une per-sonne migrante qualifiée dans sa recherche de piste professionnelle dans votre domaine de compétence.

Une expérience humainement enri-chissante et utile pour l’intégration des personnes migrantes qualifiées sur le marché de l’emploi dans les cantons de Vaud et Genève !

Pour participer : www.mentoratemploimigration.ch

Actuel Agenda

18 juin 201416e Foulées de la Solidarité à Peseux (NE) Course en faveur d’un projet de développement rural visant à améliorer les conditions de vie des paysans du Rutshuru en République démocratique du Congo, organisée par les Eglises Catholique et Réformée de La Côte. Départ : terrain FC Corcelles dès 18 h 00. Infos : Rolf Kohler, 032 913 31 30, [email protected]. Inscriptions possibles dès 17 h 00 sur place

29 juin 2014Festiv’été Terre Nouvelle à Ballens10 h 30 : Culte et repas de soutien organisés par la paroisse du Pied du Jura en faveur du développement des communautés rurales en Arménie. Infos : Sandro Restauri : 021 331 56 77

15 août 2014Course de la solidarité à Prêles Organisée par les paroisses du district de La Neuveville pour soutenir la reconstruction de cinq écoles dans des hameaux reculés du département de la Grand’Anse en Haïti. Halle polyvalente Les Joncs, dès 17 h 45 pour les enfants, dès 19 h 00 pour les adultes. Infos : Stéphane Rouèche, 032 315 27 37. Inscriptions possibles dès 16 h 30 sur place

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