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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2008) 9, 21—28 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com FAITES LE POINT Agmatine et douleur Agmatin and pain Christine Courteix Inserm U766, UFR pharmacie, laboratoire de pharmacologie, université Clermont-I, 63001 Clermont-Ferrand, France MOTS CLÉS Agmatine ; Hyperalgie ; Allodynie ; Douleur chronique ; Neuropathie ; Inflammation Résumé L’identification de l’agmatine (une polyamine endogène issue de la décarboxylation de la L-arginine), sa localisation dans le système nerveux central (SNC), son mode de synthèse, de stockage vésiculaire, de libération, de recapture et ses effets, en font un neurotransmetteur à part entière, impliqué dans la modulation et le traitement de l’information douloureuse. Son activité antihyperalgique et/ou antiallodynique, qui semble s’exercer dans des conditions de douleur soutenue et non aiguë, implique plusieurs mécanismes parmi lesquels la stimulation des récepteurs imidazolines et alpha2-adrénergiques, le blocage du récepteur canal N-méthyl- D-aspartate (et probablement d’autres récepteurs canaux) et l’inhibition de l’activité de la monoxyde d’azote synthase. L’agmatine peut même potentialiser l’effet analgésique de la morphine sans interagir directement avec les récepteurs opioïdes, prévenir la tolérance aux opiacés, s’opposer au développement de la dépendance et à l’apparition du syndrome de sevrage aux opiacés en modulant la signalisation intracellulaire sous-tendue par l’AMPc. La découverte de nouvelles cibles devrait permettre une meilleure compréhension de son rôle physiologique. Ces données expérimentales méritent d’être validées chez l’Homme, ce qui pourrait ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques dans le traitement de la douleur chronique par l’agmatine, administrée seule ou en association avec de faibles doses d’analgésiques opiacés. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Agmatine; Hyperalgesia; Allodynia; Chronic pain; Neuropathy; Inflammation Summary Agmatine is an amine synthesized by L-arginine decarboxylation found in the cen- tral nervous system (CNS). Because of its mode of synthesis, storage in synaptic vesicles, and release and uptake mechanisms, agmatine is an important neurotransmitter involved in pain processing. In animal models, agmatine has antihyperalgesic and antiallodynic acti- vity in chronic rather than acute pain. Mechanisms involve the activation of imidazoline and alpha2-adrenergic receptors, blockade of N-methyl-D-aspartate receptor channels and other ligand-gated cationic channels, and inhibition of nitric oxide synthase activity. In animal studies, agmatine potentiates morphine analgesia without directly interacting with opioid receptors and Adresse e-mail : [email protected]. 1624-5687/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.douler.2007.12.004

Agmatine et douleur

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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2008) 9, 21—28

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

FAITES LE POINT

Agmatine et douleur

Agmatin and pain

Christine Courteix

Inserm U766, UFR pharmacie, laboratoire de pharmacologie, université Clermont-I,63001 Clermont-Ferrand, France

MOTS CLÉSAgmatine ;Hyperalgie ;Allodynie ;Douleur chronique ;Neuropathie ;Inflammation

Résumé L’identification de l’agmatine (une polyamine endogène issue de la décarboxylationde la L-arginine), sa localisation dans le système nerveux central (SNC), son mode de synthèse,de stockage vésiculaire, de libération, de recapture et ses effets, en font un neurotransmetteurà part entière, impliqué dans la modulation et le traitement de l’information douloureuse. Sonactivité antihyperalgique et/ou antiallodynique, qui semble s’exercer dans des conditions dedouleur soutenue et non aiguë, implique plusieurs mécanismes parmi lesquels la stimulationdes récepteurs imidazolines et alpha2-adrénergiques, le blocage du récepteur canal N-méthyl-D-aspartate (et probablement d’autres récepteurs canaux) et l’inhibition de l’activité de lamonoxyde d’azote synthase. L’agmatine peut même potentialiser l’effet analgésique de lamorphine sans interagir directement avec les récepteurs opioïdes, prévenir la tolérance auxopiacés, s’opposer au développement de la dépendance et à l’apparition du syndrome desevrage aux opiacés en modulant la signalisation intracellulaire sous-tendue par l’AMPc. Ladécouverte de nouvelles cibles devrait permettre une meilleure compréhension de son rôlephysiologique. Ces données expérimentales méritent d’être validées chez l’Homme, ce quipourrait ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques dans le traitement de la douleur chronique parl’agmatine, administrée seule ou en association avec de faibles doses d’analgésiques opiacés.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary Agmatine is an amine synthesized by L-arginine decarboxylation found in the cen-

Agmatine; tral nervous system (CNS). Because of its mode of synthesis, storage in synaptic vesicles,echanisms, agmatine is an important neurotransmitter involved

and release and uptake m Hyperalgesia;

Allodynia;Chronic pain;Neuropathy;Inflammation

in pain processing. In animal models, agmatine has antihyperalgesic and antiallodynic acti-vity in chronic rather than acute pain. Mechanisms involve the activation of imidazoline andalpha2-adrenergic receptors, blockade of N-methyl-D-aspartate receptor channels and otherligand-gated cationic channels, and inhibition of nitric oxide synthase activity. In animal studies,agmatine potentiates morphine analgesia without directly interacting with opioid receptors and

Adresse e-mail : [email protected].

1624-5687/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.douler.2007.12.004

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reduces tolerance, dependence and withdrawal by interacting with intracellular cyclic ade-nosine monophosphate (cAMP) signaling. The discovery of new targets may provide a betterunderstanding of its physiological role. These data allow consideration of agmatine as a poten-tial therapeutic agent in the management of chronic pain alone or combined with low doses ofopiate analgesics.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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’agmatine : véritable neurotransmetteur

’histoire de l’agmatine débute en 1984, date à laquelle futsolée à partir de cerveau de rat une substance capablee déplacer la liaison de la clonidine et d’autres ligandsour le site de liaison alpha2-adrénergique, substance alorsppelée clonidine-displacing substance (CDS) [1]. Dix anslus tard, toujours grâce à des études de liaison spécifique,ette CDS fut identifiée dans le cerveau de bœuf commetant de l’agmatine, présentant une meilleure affinité poures sites de liaison imidazolines de type 1 (I1) que poure site de liaison alpha-2-adrénergique [2]. Ces sites sontn partie responsables des effets hypotenseurs de la cloni-ine, dont l’existence dans le bulbe rachidien fut révéléen 1987 [3]. L’agmatine (4-(aminobutyl) guanidine) est uneolyamine, possédant un groupement guanidine, une chaîneliphatique protonée au pH physiologique et un groupementmine (Fig. 1).

L’agmatine endogène est issue de ladécarboxylation d’un acide aminé non essentiel,

la L-arginine, grâce à l’action de l’argininedécarboxylase (ADC) mitochondriale.

Des études d’immunohistochimie ont permis de dres-er la carte de sa répartition et de pointer sa distributionnégale au sein de l’organisme. Dans les tissus périphé-iques, elle est essentiellement présente dans l’estomac et’intestin et, à moindre concentration, dans les surrénales,e foie, le cœur, les vaisseaux et les cellules sanguines.ans le cerveau, l’agmatine est présente à des concentra-ions voisines de celles d’autres neurotransmetteurs (0,2

0,4 �g/g de tissu), les plus fortes concentrations étantans l’hypothalamus, le cerveau antérieur, le cortex et leronc cérébral [4]. L’agmatine est synthétisée dans le cyto-lasme des neurones, stockée dans des vésicules synaptiquest secrétée par exocytose dans la fente synaptique, aprèsne excitation des terminaisons nerveuses où elle est syn-

hétisée et stockée (processus dépendant du calcium et duotassium) [5]. Libérée dans la fente synaptique, l’agmatinea agir par l’intermédiaire de cibles postsynaptiques ou seraecaptée par un transporteur actif consommateur d’énergie

igure 1. Structure chimique de l’agmatine.

dna(slt(eclnnt

ATP-dépendant) des cellules neuronales ou de la névroglie ;e transporteur est différent de celui des monoamines etes autres acides aminés. Dans le SNC, son métabolismest assuré par une agmatinase mitochondriale et génèrene autre polyamine, la putrescine et l’urée [4]. Ainsi, sonode de synthèse, de libération et de recapture font de

’agmatine un neurotransmetteur à part entière.

ctions de l’agmatine dans les modèles deouleur sub-aiguë et chronique

’agmatine est largement distribuée dans de nombreusestructures du SNC parmi lesquelles celles impliquées dansa transmission, la modulation et le traitement des informa-ions douloureuses (substance grise médullaire, substancerise périaqueducale, thalamus, locus coeruleus, noyau duaphé dorsal, amygdale, cortex cérébral) [6,7,4].

De nombreuses données, issues d’études comportemen-ales menées à l’aide de modèles animaux de douleurub-aiguë et chronique convergent vers la démonstra-ion d’une activité antihyperalgique et antiallodynique de’agmatine (Tableau 1).

Ainsi, il a été montré que l’agmatine prévient et réduit’hyperalgie thermique de la douleur inflammatoire induitear l’injection intraplantaire de �-carragénine chez le rat8,9] ou d’adjuvant de Freund chez la souris [10] ainsi quees deux phases de douleur, aiguë et tonique, consécutivesl’injection de formol dans la patte chez la souris [11,12].

eule une étude mettant en jeu un réflexe spinal ne trouveas d’effet de l’agmatine sur la douleur inflammatoire [13].

La douleur neuropathique, qu’elle soit d’étiologie méta-olique, comme le diabète, ou traumatique, comme laompression d’un nerf périphérique, est également sensibleux propriétés analgésiques de l’agmatine. Karadag et al.14] ont montré que l’agmatine supprime l’allodynie tac-ile dans les modèles de ligature d’un nerf spinal ou deiabète induit par la streptozocine. Dans ce même modèle,otre groupe [15] a montré un effet bénéfique de l’agmatinedministrée par voie spinale sur la nociception mécaniqueappréciée par une pression calibrée croissante de la patte),ur l’allodynie thermique (appréciée par l’immersion dea queue à 42 ◦C), et confirmé l’effet sur l’allodynie tac-ile (appréciée par l’application de filaments de von Frey)Fig. 2(a—c)). De même, d’autres auteurs ont rapporté desffets antiallodyniques et antihyperalgiques de l’agmatine

hez des rats présentant une neuropathie traumatique parigature d’un nerf spinal [6]. Toujours dans un modèle deeuropathie traumatique, celui induit par la ligature duerf sciatique, l’agmatine réduit l’hyperalgie et l’allodyniehermique [16,10], ainsi que l’hyperalgie mécanique [17]
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Agmatine et douleur 23

Tableau 1 Activité antihyperalgique et antiallodynique de l’agmatine sur de modèles animaux de douleur soutenue.

Modèle de douleur (espèce animale) test Dose, voie d’administration Effet Références

Inflammation (carragénine intramusculaire) (rat)Aggripement (hyperalgie musculaire) 0,3—400 nmol, i.t. Antihyperalgique [6]

Inflammation (carragénine intraplantaire) (souris)Filaments de von Frey (allodynie tactile) 30—60 nmol, i.t. Antiallodynique [6]

Inflammation (carragénine intraplantaire) (rat)Hargreaves test (hyperalgie thermique chaude) 1—100 �g, i.t. Antihyperalgique [8]Inflammation (carragénine intraplantaire) (rat)Hargreaves test (hyperalgie thermique chaude) 0,3—3 �g/min, i.t. Antihyperalgique [9]

Inflammation (adjuvant de Freund intraplantaire)(souris)

[10]

Filaments de von Frey (allodynie tactile) AntiallodyniqueStimulation de la queue (allodynie thermique

froide et chaude)30 mg/kg, i.p. Absence d’effet

Inflammation (formol intraplantaire) (souris)Léchage de la patte injectée 75—300 mg/kg, i.p. Antihyperalgique [11]

Inflammation (formol intraplantaire) (souris)Léchage de la patte injectée 1—100 mg/kg, i.p. Antihyperalgique [12]

Inflammation (carragénine intraplantaire) (rat)Réflexe nociceptif spinal 25—200 mg/kg, i.v. Absence d’effet [13]

Neuropathie (ligature nerf sciatique) (souris)Filaments de von Frey (allodynie tactile) 30 mg/kg, i.p. Antiallodynique

Stimulation de la queue (allodynie thermiquefroide et chaude)

30 mg/kg, i.p. Antiallodynique [10]

Neuropathie (STZ, 50 mg/kg, i.p.) (rat)

Filaments de von Frey (allodynie tactile) 10—100 mg/kg, i.p. Antiallodynique [14]

Neuropathie (STZ, 72 mg/kg, i.p.) (rat)Filaments de von Frey (allodynie tactile) AntiallodyniquePression de la patte (hyperalgie mécanique) AntihyperalgésiqueImmersion queue 42 ◦C (allodynie thermique

chaude)4,4—212 nmol, i.t. Antiallodynique [15]

Neuropathie (ligature nerf sciatique) (rat)Plaque froide 4 ◦C (hyperalgie thermique) 10—100 mg/kg, i.p. Antihyperalgique [16]

Neuropathie (ligature nerf sciatique) (rat)Pression de la patte (hyperalgie mécanique) 75—300 mg/kg, i.p. Antihyperalgésique [17]

Neuropathie (ligature nerf spinal L5) (souris)Filaments de von Frey (allodynie tactile) 0,3—1 nmol, i.t. Antiallodynique [6]

Neuropathie (ligature nerfs spinaux L5, L6) (rat)Filaments de von Frey (allodynie tactile) 10—100 mg/kg, i.p. Antiallodynique [14]

Allodynie induite par la dynorphine (souris)Filaments de von Frey (allodynie tactile) 0,01—60 nmol, i.t. Antiallodynique [6]

Hyperalgie thermique induite par le NMDA 0,01—100 nmol, i.t. Analgésique [6]

Comportement douloureux induit par le NMDA 0,01—100 nmol, i.t. Analgésique [6]

Comportement douloureux induit par la substance 0,01—100 nmol, i.t. Absence d’effet [6]

P (souris)

et l’allodynie tactile [10]. Il est intéressant de constaterque la quasi-totalité (85 %) des études recensées portantsur des modèles de douleur neuropathique, inflammatoireou de sensibilisation centrale rapportent un effet anti-

hava

yperalgique ou antiallodynique de la polyamine. Cettectivité analgésique est observée après administration paroie systémique ou centrale de la polyamine et n’est jamaisccompagnée de signes de toxicité.

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24 C. Courteix

Figure 2. L’agmatine (AG) administrée par voie intrathécale supprime, chez le rat diabétique, l’hyperalgie mécanique (appréciée par lapression calibrée croissante de la patte) (a), l’allodynie tactile (appréciée par l’application des monofilaments de von Frey) (b) et l’allodyniethermique au chaud (appréciée par l’immersion de la queue dans l’eau à 42 ◦C) (c).

Tableau 2 Activité antinociceptive de l’agmatine sur des tests animaux de douleur aiguë.

Test de douleur aiguë (espèce animale) Dose, voied’administration

Effet Références

Immersion de la queue 56 ◦C (hyperalgiethermique) (souris)

10—10 mg/kg, i.p. Antinociceptif [16]

Plaque chaude 56 ◦C (hyperalgiethermique)(souris)

25—200 �g, i.c.v. Antinociceptif [16]

Immersion de la queue 52 ◦C (hyperalgiethermique) (souris)

0,01—100 nmol, i.t. Absence d’effet [6]

Stimulation radiante de la queue (hyperalgiethermique) (souris)

10 mg/kg, i.p. Absence d’effet [19]

Pression de la patte (hyperalgie mécanique) (rat) 10—100 mg/kg, i.p. Absence d’effet [14]Pression de la patte (hyperalgie mécanique) (rat) 4,4—212 nmol, i.t. Absence d’effet [15]Injection intraplantaire de capsaïcine (léchage)

(souris)3—100 mg/kg, i.p. Antinociceptif [12]

Injection intraplantaire de glutamate (léchage)(souris)

10—30 mg kg, i.p. Antinociceptif [12]

Injection intrapéritonéale d’acide acétique(crampes) (souris)

1—30 mg/kg, i.p.10—300 mg kg, p.os

Antinociceptif [12]

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Agmatine et douleur 25

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Figure 3. Mesures d’affinité par liaison spécifique des cibles pote

En revanche, les effets de l’agmatine sur la douleur aiguësont équivoques : alors que les données électrophysiolo-giques montrent que l’agmatine administrée par voie spinaleréduit la fréquence de décharges de neurones parafascicu-laires du thalamus induites par le pincement de la queue[18], seulement 56 % des études réalisées chez l’animalvigile concluent à un effet antinociceptif de l’agmatine éva-lué à l’aide de tests de stimulation mécanique, thermiqueet chimique (Tableau 2).

Les cibles de l’agmatine

L’identification de l’agmatine a posé la question del’existence des cibles spécifiques de cette polyamine.L’agmatine agit sur l’organisme par l’intermédiaire descibles réceptorielles et enzymatiques.

De forts arguments plaident en faveur de la mise en

jeu des récepteurs alpha2-adrénergiques [11] et/ou imi-dazolines [18,20] dans son action, en dépit d’une affinitémodeste de l’agmatine pour ces deux types de récepteurs[19,11,21]) comparativement aux ligands de référence [22](Fig. 3). Par exemple, l’idazoxan (antagoniste I1 et alpha2-

Crcrr

Tableau 3 Mécanismes de l’action de l’agmatine sur l’analgé

Effet de l’agmatine sur l’analgésie morphinique Dose, voie

Accrue 0,1—10 mgAccrue 10 mg/kg,Accrue 10—40 mgAccrue 10 nmol, iAccrue 1 nmol, i.cAccrue 10 �g, i.c.Accrue 50—100 �g

les de l’agmatine et d’autres ligands.

drénergique), supprime l’effet inhibiteur de l’agmatine sur’activité neuronale thalamique induite par le pincement18] et sur l’hypersensibilité mécanique causée par la neu-opathie diabétique [15] et non la yohimbine (antagonistelpha2-adrénergique), alors que ces deux antagonistes sup-riment l’effet de l’agmatine sur un test de nociceptionhermique [16].

L’agmatine peut aussi moduler les effets du L-glutamatee qui lui permet d’exercer, en plus de ses effets anal-ésiques, des effets neuroprotecteurs démontrés in vivot in vitro [23,24]. L’agmatine se comporte comme unntagoniste du site polyamine du récepteur canal N-méthyl--aspartate (NMDA) [25] et inhibe faiblement la liaisonu [3H]-MK-801, antagoniste non compétitif du récepteurMDA [19,25] (Fig. 3). Sur des neurones hippocampiquesn culture, l’agmatine supprime les courants calciques dusl’ouverture du canal ionique associé au récepteur NMDA

26], dans lequel elle pénètrerait comme le font les ions2+ +

a et Na . Cet effet peut s’exercer au niveau d’autres

écepteurs associés à des canaux perméables aux cationsomme le récepteur nicotinique à l’acétylcholine et leécepteur 5-HT3 à la sérotonine [27,12]. In vivo, l’agmatineéduit l’activité des neurones nociceptifs non spécifiques

sie morphinique.

d’administration Mécanisme proposé Références

/kg, s.c. I1 [31]s.c. �2, I1, NMDA [32]

/kg, s.c. �2 [21].c.v. I1 [32].v. �2, I1 [32]v. I2, opioide [33], i.t. NO ? [8]

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26 C. Courteix

Tableau 4 Mécanismes de l’action de l’agmatine sur la tolérance et la dépendance aux opiacés.

Effet de l’agmatine sur la tolérance et la dépendance Dose, voie d’administration Mécanisme proposé Références

Prévention de la tolérance 0,1—10 mg/kg, s.c. NMDA/NOS [31]Prévention de la tolérance 10 nmol, i.c.v. �= �2-AD, NMDA/NOS ? [35]Prévention de la tolérance 0,125—10 mg/kg, i.p. I1 [36]Prévention de la tolérance 0,2—100 nmol, i.t. NMDA/NOS [37]Prévention de la dépendance 10—60 mg/kg, i.v. NMDA/NOS [38]

125——40

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Prévention du sevrage 0,Prévention du sevrage 20

pinaux et supprime les comportements douloureux induitsar le NMDA [6]. L’agmatine potentialise même l’activiténtihyperalgique du D-CPP, antagoniste compétitif du sitelutamate du récepteur NMDA, chez le rat diabétique [15].on action ne semble pas limitée au récepteur NMDA mais’étend à la modulation de la synthèse de monoxyde d’azoteNO), un gaz qui active les synapses où il est libéré, syn-hétisé grâce à une enzyme neuronale, la NO synthasenNOS). Une étude utilisant des souris transgéniques chez

esquelles le gène codant pour la forme neuronale de laNOS a été invalidé, a montré que l’intégrité du systèmenNOS-récepteur NMDA » est requise pour l’effet central de

a polyamine [28]. De plus, in vitro l’agmatine inhibe de

[osr

igure 4. Mécanismes d’action possibles de l’agmatine dans le systèmeG : agmatine ; AMPA : acide alpha-amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxazolutamate ; I : imidazoline ; NO : monoxyde d’azote ; NOS : NO synthase ;

10 mg/kg, i.p. I1, NOS [36]mg/kg, i.p. I1, NOS [28]

acon compétitive toutes les isoformes de NOS (type I, IIt III) [29] et s’oppose à l’élévation des métabolites du NOnitrites et nitrates) induite par l’hypoxie et l’ischémie cheze rat nouveau-né [30]. In vivo, l’inhibition de la NOS spinaleour expliquer son activité antihyperalgique a égalementté évoquée [15].

L’implication du système opioïde dans le mécanisme’action de l’agmatine a été suggérée par ses effetsotentialisateurs de l’activité analgésique des opiacés

8,21,31—33] (Tableau 3). Des études de liaison spécifiquent montré que l’agmatine est incapable de déplacer la liai-on de la naloxone tritiée, un antagoniste des opiacés sur lesécepteurs opioïdergiques [34] (Fig. 3), suggérant l’absence

nerveux central. AD : adrénergique ; ADC : arginine décarboxylase ;le-propionate ; CaM : calmodulline ; G.C. : guanylyl cyclase ; Glu :ODC : ornithine décarboxylase ; PKG : protéine kinase G.

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Agmatine et douleur

d’interaction directe avec ces récepteurs. L’agmatine peutmême prévenir la tolérance aux opiacés [31,35—37] ets’opposer au développement de la dépendance [38] et àl’apparition du syndrome de sevrage aux opiacés [28,36](Tableau 4). Cet effet passe par l’intermédiaire d’unmécanisme s’opposant à la signalisation intracellulaire sous-tendue par l’AMPc [39], second messager intracellulaire durécepteur opioïdergique, dont la synthèse est inhibée lorsde sa stimulation aiguë et augmentée lors de son activationsoutenue.

Ainsi, une très grande partie des études conclut à unmécanisme d’action impliquant les récepteurs imidazo-lines ; une majorité à un mécanisme d’action impliquant lesystème NMDA-NO et les voies de signalisation intracellu-laires médiées par l’AMPc ; et selon la méthodologie miseen œuvre, les récepteurs alpha2-adrénergiques (Fig. 4).D’autres cibles restent à découvrir.

Conclusion

Bien plus qu’un simple intermédiaire dans lavoie de synthèse des polyamines, l’agmatine est

un véritable neurotransmetteur dont le rôlephysiologique dans le SNC est encore mal connu.

Son impact sur la transmission du message nociceptif dansdes conditions de douleur soutenue, sur l’activité des opia-cés et son absence de toxicité à forte dose chez l’animal,pourraient ouvrir de nouvelles voies dans la prise en chargethérapeutique de la douleur chronique notamment la dou-leur neuropathique et inflammatoire [40].

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