8
Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique Extrait du Acrimed | Action Critique Médias http://www.acrimed.org/Air-France-salaries-et-syndicats-victimes-du-lynchage-mediatique Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique - L'information - Société - Les médias et les mobilisations sociales - Nouveau gouvernement, nouvelles mobilisations (2012-...) - Date de mise en ligne : mercredi 7 octobre 2015 Description : « On dit d'un fleuve emportant tout qu'il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l'enserrent » (Bertolt Brecht). Copyright © Acrimed | Action Critique Médias - Tous droits réservés Copyright © Acrimed | Action Critique Médias Page 1/8

Air France : salariés et syndicats victimes du « …...éditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Air France : salariés et syndicats victimes du « …...éditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence

Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique

Extrait du Acrimed | Action Critique Médias

http://www.acrimed.org/Air-France-salaries-et-syndicats-victimes-du-lynchage-mediatique

Air France : salariés et

syndicats victimes du «

lynchage » médiatique - L'information - Société - Les médias et les mobilisations sociales - Nouveau gouvernement, nouvelles mobilisations (2012-...) -

Date de mise en ligne : mercredi 7 octobre 2015

Description :

« On dit d'un fleuve emportant tout qu'il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l'enserrent » (Bertolt Brecht).

Copyright © Acrimed | Action Critique Médias - Tous droits réservés

Copyright © Acrimed | Action Critique Médias Page 1/8

Page 2: Air France : salariés et syndicats victimes du « …...éditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence

Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique

Lundi 5 octobre, le directeur des ressources humaines d'Air France a été pris à partie par lessalariés en marge du comité central d'entreprise, qui a annoncé 2 900 licenciements d'ici2017. Un spectacle qui a fait perdre aux éditorialistes leur sang-froid. Retour sur un «lynchage » médiatique : celui des résistances syndicales.

Une presse écrite (presque) unanimement scandalisée

L'occasion était trop belle et Le Figaro n'a pas manqué de s'en saisir. En « Une » de son édition du mardi 6 octobre,le quotidien de Serge Dassault s'interroge : « Les extrémistes d'Air France vont-ils tuer la compagnie ? »

Cette « Une » tonitruante s'accompagne d'un éditorial signé Gaëtan de Capèle qui donne le la de la couverturemédiatique des incidents du 5 octobre. On aurait ainsi assisté au « lynchage en règle » du DRH d'Air France, quiferait écho à de précédentes « prises d'otage de dirigeants ». Des actes criminels, donc, qui « doivent être réprimésavec la plus grande sévérité ».

Mais au-delà de ce seul événement, c'est bien le rôle des syndicats qui est pointé du doigt, responsables du «blocage social dont souffre la France ». Qu'il s'agisse des retraites, du droit du travail ou encore de l'assurance

Copyright © Acrimed | Action Critique Médias Page 2/8

Page 3: Air France : salariés et syndicats victimes du « …...éditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence

Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique

chômage, « il se trouve, à chaque fois, une opposition syndicale pour interdire de mettre en oeuvre des solutionsd'avenir ».

Le Monde emboîte le pas au Figaro. En « Une » figure l'image du directeur adjoint d'Air France qui escalade unegrille avec l'aide de la police pour échapper à la colère des salariés :

La rhétorique figaresque du « lynchage » est reprise de manière très explicite par Plantu, qui signe un dessin avec latendresse (un brin railleuse) qu'on lui connaît pour le mouvement syndical :

Copyright © Acrimed | Action Critique Médias Page 3/8

Page 4: Air France : salariés et syndicats victimes du « …...éditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence

Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique

Le quotidien « de référence » revient sur la crise d'Air France dans son supplément économie ; un supplément donton a déjà évoqué le souci constant de pluralisme. Et logiquement, le seul témoignage que choisit de publier LeMonde pour faire la « chronique d'un crash devenu inévitable » est celui d'un cadre dirigeant pour qui « on en seraitpas là si pendant vingt ans les directions de l'entreprise n'avaient pas acheté la paix sociale ».

Mais pour Le Monde la faute en revient à l'État français qui « a soutenu la politique d'achat de la paix sociale, afind'éviter les grèves. » Autant dire qu'il était temps de taper du poing sur la table ! A la lecture du quotidien, lelicenciement de 2 900 salariés pourrait presque sembler magnanime. Puisqu'il s'agit de « s'adapter ou disparaître »...

Ce journalisme pro-marché ne doit cependant pas surprendre de la part du quotidien du soir, devenu « l'accessoirepréféré des classes dominantes ». Pas un dérapage, donc, mais bien une ligne éditoriale choisie et assumée.

Le Parisien en rajoute dans le sensationnalisme en figurant la photo, en pleine page, du DRH d'Air France quisemble revenir de l'enfer :

Copyright © Acrimed | Action Critique Médias Page 4/8

Page 5: Air France : salariés et syndicats victimes du « …...éditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence

Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique

Là encore, une occasion de pester sur les mouvements syndicaux, et « la stratégie suicidaire de ses pilotes etplombée par des grèves indécentes aux conséquences financières désastreuses ».

Un refrain entonné par Les Échos qui dénoncent, en « Une », un « dérapage » :

Copyright © Acrimed | Action Critique Médias Page 5/8

Page 6: Air France : salariés et syndicats victimes du « …...éditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence

Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique

Les Échos dénoncent les violences des salariés qui « ont manqué de lyncher » les dirigeants d'Air France. Ellestémoignent d'une « civilisation où prévaudrait la loi du plus fort ». Mais surtout, elles sont représentatives des «dérapages » des syndicats « dans un pays où réformer est une mission quasi impossible ».

Et l'éditorialiste du quotidien économique de s'indigner : « Trop c'est trop ! Après les occupations d'usine, lesdégradations d'outil de travail et les patrons séquestrés, voilà donc venu le temps de l'agression physique desdirigeants. Un degré de plus dans la litanie des dérapages qui ponctuent trop souvent les conflits sociaux dans notrepays [...] Le pavillon national ne peut pas être prisonnier de pilotes assis sur leurs privilèges et de casseurssurexcités. » Là encore, ce parti-pris ne doit pas surprendre de la part d'un quotidien qui, à l'instar du Monde, a choisiune ligne éditoriale libérale assumée.

« Sondages » bienveillants

Le Point, quant à lui, en appelle à ses lecteurs avec une question parfaitement neutre [1] :

De la même manière, M6 et Yahoo en appellent à la sagesse populaire par une question là aussi pas du toutorientée :

Copyright © Acrimed | Action Critique Médias Page 6/8

Page 7: Air France : salariés et syndicats victimes du « …...éditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence

Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique

Côté presse écrite nationale, L'Opinion clôt le bal des outrés avec une délicatesse toute particulière : « Ce seraitprobablement beaucoup demander à ces quelques abrutis qui ont molesté les dirigeants d'Air France que deréfléchir aux conséquences de leurs actes ».

Notons enfin que les télévisions d'information en continu ne sont pas en reste : alors que BFM business revientgravement sur les maltraitances des patrons par leurs salariés (« Quand les patrons sont malmenés par leurssalariés »), I-télé s'interroge : « Après Air France, quelle vision des syndicats ont les Français ? ». ***

Acrimed a eu beau chercher, aucun « grand média » ne s'est interrogé sur l'image des patrons après l'annonce deslicenciements à Air France. Si les violences à l'encontre de deux cadres d'Air France ont suscité les cris d'orfraie deséditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux unsilence résigné, au pire des justifications enthousiastes.

Redisons-le encore et encore : le problème du traitement médiatique du cas Air France n'est pas un problèmed'opinion. Que des journaux assument une ligne libérale n'est pas en soi un problème, c'est même leur droit le plusabsolu. En revanche, l'unanimisme de la presse dominante, en particulier pour jeter l'opprobre sur les résistancessociales, pose un évident problème de pluralisme.

Et le cas Air France montre une fois de plus comment une partie de la presse française se comporte en chien degarde des intérêts des classes dominantes, toujours prompte à condamner les « violences » des salariés et àcautionner la violence (invisible) du marché.

Benjamin Lagues et Frédéric Lemaire (avec Julien Salingue)

Copyright © Acrimed | Action Critique Médias Page 7/8

Page 8: Air France : salariés et syndicats victimes du « …...éditorialistes, la violence d'un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence

Air France : salariés et syndicats victimes du « lynchage » médiatique

[1] Merci à Sébastien Fontenelle ne nous avoir permis de prendre connaissance de ce « sondage ».

Copyright © Acrimed | Action Critique Médias Page 8/8