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AL-GHAZZ?L?'S MT Y?R AL-'ILM F? FANN AL- SOURCES AVICENNIENNES ET FARABIENNES Jules Janssens Vrin | Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 2002/1 - Tome 69 pages 39 à 66 ISSN 0373-5478 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-archives-d-histoire-doctrinale-et-litteraire-du-moyen-age-2002-1-page-39.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Janssens Jules, « Al-Ghazz?l?'s mt y?r al-'ilm f? fann al- sources avicenniennes et farabiennes », Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 2002/1 Tome 69, p. 39-66. DOI : 10.3917/ahdlm.069.0039 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Vrin. © Vrin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 186.233.152.15 - 06/05/2014 21h42. © Vrin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 186.233.152.15 - 06/05/2014 21h42. © Vrin

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AL-GHAZZ?L?'S MT Y?R AL-'ILM F? FANN AL- SOURCESAVICENNIENNES ET FARABIENNES Jules Janssens Vrin | Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 2002/1 - Tome 69pages 39 à 66

ISSN 0373-5478

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-archives-d-histoire-doctrinale-et-litteraire-du-moyen-age-2002-1-page-39.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Janssens Jules, « Al-Ghazz?l?'s mt y?r al-'ilm f? fann al- sources avicenniennes et farabiennes »,

Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 2002/1 Tome 69, p. 39-66. DOI : 10.3917/ahdlm.069.0039

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Distribution électronique Cairn.info pour Vrin.

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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SOURCES AVICENNIENNES ET FARABIENNES

par Jules JANSSENS

A. Vesaliusstraat, 18B-3000 Leuven (Belgique)

RésuméAl-*KD]]bO� a toujours utilisé les travaux de ses prédécesseurs. Le Mi‘\bU al-‘ilm I�

fann al-PDQ��T, sorte de manuel de logique aristotélicienne adaptée au droit et à lathéologie islamiques, contient ainsi une grande variété d’écrits avicenniens, du K. al-�XG�G jusqu’à certaines parties du�lLIb’. Mais quelques écrits farabiens, en particulier al-4L\bV al-�DJK�U�et al-0DT�ObW, y sont mêlés. C’est la première et, à notre connaissance, laseule fois qu’al-*KD]]bO� combine ainsi des éléments empruntés à ces deux grandsmaîtres.

AbstractAl-*KD]]bO� used to copy large extracts from the books of his predecessors. Thus, the

Mi‘\bU al-‘ilm I� fann al-PDQ��T, a guide of (a somewhat adapted) Aristotelian logic forMuslim jurists and theologians, includes a large variety of Avicennian writings, such as1DMbW,�,VKbUbW, 'bQHVK-1bPHK and K. al-�XG�G. But it also includes two Farabian works,i.e., al-4L\bV al-�DJK�U and al-0DT�ObW. As far as we know, this is the first and only time thatal-*KD]]bO� combines in such a way parts taken from these two major Arabicphilosophers.

ZusammenfaßungAl-*KD]]bO��ist dafür bekannt, daß er den Werken seiner Vorgänger entnahm. So geht

es auch mit dem�Mi‘\bU�al-‘ilm I� fann al-PDQ��T, einer Art von aristotelisch-logischemLehrbuch für islamische Juristen und Theologen. Es enthält sehr verschiedene Auszügeaus Avicennas Werken, vom K. al-�XG�G bis zu mehreren Teilen des lLIb’, aber auch auszwei Werken von al-)bUbE�, nämlich al-4L\bV al-�DJK�U und al-0DT�ObW. Es ist das ersteund, soviel wir kennen, das einzige Mal daß al-*KD]]bO��diese zwei großen arabischenAutoren so zusammenstellt.

[Mots-clés : DO�*KD]]bO�, Ibn 6�Qb (Avicenne), DO�)bUbE�, logique arabe]

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es écrits d’Avicenne constituent pour al-*KD]]bO�, du moins en matière dephilosophie, non seulement une source importante d’inspiration, mais

davantage un fonds de textes, qu’il n’hésite pas à décalquer ou à démarquer 1.L’ouvrage qui fait l’objet de la présente étude et intitulé Mi‘\bU al-‘ilm f� fann al-PDQ��T, La mesure de la connaissance (‘ilm) dans le domaine de la logique 2, nefait pas exception. Al-*KD]]bO� ne s’est pas limité ici à Avicenne : il met aussi al-)bUbE� à contribution, comme il sera démontré dans notre analyse. L’attribution dece texte à al-*KD]]bO� ne fait aucun doute, malgré l’existence d’une légèreincertitude sur l’exactitude du titre 3. Selon les propres mots d’al-*KD]]bO� 4, le butde son livre est double : ouvrir la voie à la pensée (fikr) et à la connaissance(QD�DU), et, en plus, éclaircir les termes techniques utilisés dans le 7DKbIXW 5.

Son ouvrage se divise en quatre grandes parties. Chacune d’elles est désignéesous l’appellation de NLWbE, livre, et s’intitule comme suit : PXTDGGLPbW�DO�TL\bV,prémisses au syllogisme ; DO�TL\bV, le syllogisme ; al-�DGG, la définition ; et DTVbPDO�ZXM�G�ZD�D�NbPXKX, divisions et principes de l’être. Le terme de ‘syllogisme’est à comprendre ici dans un sens large, incluant à la fois le syllogisme catégo-rique, apodictique, dialectique et sophistique 6. Cela explique que, dans la secondepartie, il n’est pas question uniquement des Premières Analytiques, mais aussi desSecondes, ainsi que de la Dialectique et de la Sophistique. Dans la première partie,par contre, al-*KD]]bO� parle des matières appartenant à l’Isagogè, aux Catégorieset aux Topiques. Toutefois, remarquons qu’il ne respecte pas de façon absolue lasuite de ces ouvrages selon le cursus habituel, et que la Rhétorique et la Poétiquene sont (presque) pas prises en considération. En ce qui concerne ce dernier point,al-*KD]]bO� s’est sans doute inspiré d’écrits avicenniens, tels que la 1DMbW ou le'bQHVK-1bPHK. Mais regardons de plus près chacune des quatre parties, tout en

(1) Nous avons déjà consacré plusieurs études à ce sujet : « Le 'bQHVK-1bPHK d’Ibn 6�Qb� un texteà revoir ? », Bulletin de philosophie médiévale, 28 (86), 155-177 ; « Le Ma`bULM al-quds I� PDGbULMma`rifat al-nafs : un élément-clé pour le dossier *KD]]bO�-Ibn 6�Qb ? », Archives d’Histoire Doctrinaleet Littéraire du Moyen Age, 60 (93), 27-55 ; « Al-*KD]]bO�’s 7DKbIXW ; is it really a Rejection of IbnS�Qb’s Philosophy ? », Journal of Islamic Studies, 12 (2001), 1-17 ; « Al-*KD]]bO� and His Use ofAvicennian Texts », dans M. MAROTH (ed), Problems in Arabic Philosophy (in the press).

(2) Ce texte a été édité plusieurs fois : pour le détail, voir H. DAIBER, Bibliography of IslamicPhilosophy (HdO, 1. Abt., B. 43), Leiden-Boston-Köln, 1999, t. I, p. 351, n. 3517. Nous nous sommesbasés sur l’édition de Beyrouth, 1978. La pagination dans les références se rapporte à cette édition(toutefois, nous indiquerons toujours le chapitre, de sorte que le lecteur puisse retrouver aisément lespassages dans les autres éditions).

(3) Voir M. BOUYGES, Essai de chronologie des œuvres de al-Ghazâlî (Algazel), éd. et mis à jourpar M. ALLARD, Beyrouth, 1959, p. 25-26.

(4) Mi‘\bU, p. 26-27 (introduction, vers le début).(5) On a donc l’impression que le Mi‘\bU a été rédigé immédiatement après le 7DKbIXW, et c’est

l’opinion unanime des savants contemporains. Mais il nous semble qu’il est dangereux de se baserexclusivement sur les propos d’al-*KD]]bO� dans cette introduction, car il peut l’avoir ajoutéelongtemps après avoir terminé son œuvre. Nous pensons donc qu’un examen critique doit êtreeffectué à ce propos, mais il dépasse le cadre du présent article.

(6) Voir 1DMbW, éd. 'c1(6+�3$=+8+. Téhéran, 1985, p. 8, l. 8-15. Avicenne y ajoute encore lesyllogisme poétique, mais al-*KD]]bO� ne s’y réfère pas du tout. Notons toutefois qu’on cherchera envain dans la suite de l’exposé de la 1DMbW une analyse systématique de ce syllogisme poétique.

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essayant de préciser leur(s) source(s). Toutefois, avant de nous concentrer surelles, arrêtons-nous un instant à l’introduction.

L’INTRODUCTION

Dans l’introduction (25-41) 7, al-*KD]]bO� spécifie le double but du livre. Dansl’explication du premier but, un passage (27, 4-7) se rapproche assez bien de la1DMbW, p. 9, l. 4-6 (ainsi que de al-6KLIb’, Madkhal, p. 20, l. 15 sq.) 8. Après avoirdémontré la nécessité d’une bonne connaissance de l’instrument propre à chaquescience (29), il insiste sur le fait que l’homme a besoin de l’art de la logique pourbien raisonner. En effet, le sens et l’estimation peuvent mener l’homme à l’erreur,comme quelques exemples, ainsi que de multiples citations du Coran et de latradition, le prouvent (29-34). Cette idée possède une certaine résonanceavicennienne, mais nous n’avons pas pu identifier un texte précis qui se laissequalifier de « source directe ». Toutefois, quand al-*KD]]bO� (34-35) compareDieu à la lumière qui guide l’intellect humain et qu’il identifie le souffle de Satanavec les actions des puissances imaginatives et estimatives, on songe inévita-blement aux exégèses qu’Avicenne propose du verset de la lumière (spécialementdans le Traité sur la prophétie) 9, ainsi que des s. 113-114 10. Par la suite (34-41), al-Ghazzbl�, sous forme d’interrogations-objections hypothétiques, expose com-ment on peut se délivrer d’éventuelles erreurs et comment on peut arriver à lavéritable connaissance. Dans ce contexte, trois sortes de propositions sont men-tionnées : wahmiyya, ‘aqliyya et DZOL\\b’. On les retrouve de façon très similairedans la 1DMbW, resp. p. 115-118 (spéc. p. 116, 9-10 et p. 117, 7-9), p. 118, 13-119, 1(mais Avicenne utilise le terme technique de dha’� ‘bt) et p. 121, 10-12. Quandvers la fin (39), al-*KD]]bO� évoque les notions bien connues de WD�DZZXU et deta�d�q, il s’inspire de nouveau de la 1DMbW, p. 7, 1-8 et copie (39, 11-40, 1) presquelittéralement ,VKbUbW, p. 4, 3-8 11. Enfin, en illustrant la véritable définition et le

(7) Dans la suite, les chiffres entre parenthèses renvoient toujours à l’édition de Beyrouth, voirsupra, n. 2. Les chiffres après la virgule indiquent les lignes.

(8) Pour la 1DMbW, nous utiliserons toujours l’édition de 'bQHVK�3D]KXK, Téhéran, 1985 ; pour le6KLIb’, al-Madkhal, celle de G.C. ANAWATI, M. KHODEIRI et F. AHWANI, Le Caire, 1952.

(9) IBN 6�1c, R. I� al-nubuwwa, ed. M. MARMURA, Beyrouth, 1968, p. 49-52. Sans dire explici-tement que Dieu est une lumière pour la raison humaine, Avicenne y interprète le verset en termes defacultés de l’intellection humaine – à comparer avec K. al-,VKbUbW wa l-7DQE�KbW, éd. J. FORGET, Leyde,1892, p. 126 (dans la suite, les références seront toujours à cette édition). Cette constatation rendpossible, sinon probable, qu’al-*KD]]bO� y ait trouvé un fondement pour l’interprétation qu’il propose.

(10) Voir dans l’édition par H. ‘$��, Al-WDIV�U al-qur’bQ� wa l-lugha al-��IL\\D fi falsafat Ibn 6�Qb,Beyrouth, 1983, p. 114-125, spéc. p. 118 (les puissances de l’imagination et de l’estimation commesources de mal) et p. 124-125 (identification du souffle du diable avec la puissance imaginative).

(11) Les lignes 6-8 de ce passage des ,VKbUbW ont aussi été reprises presque littéralement – bien queselon une formulation légèrement différente de celle du Mi‘\bU – dans les 0DTb�LG, éd. S. DUNYA, LeCaire, 1960, p. 35, 21-36, 1. Nous avons encore découvert d’autres petits passages dans cette œuvreghazzalienne ayant leur source dans les ,VKbUbW ou d’autres ouvrages avicenniens. Cela ne met

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jugement correct, al-*KD]]bO� s’inspire directement du 'bQHVK-1bPHK (§ 1, spéc.p. 9), bien que l’exemple qu’il utilise de la bonne définition (celui du vin [al-khamr] au lieu de celui de l’homme) appartienne plus au domaine du fiqh qu’àcelui de la philosophie. Toutefois, cela n’affecte en rien sa fidélité à la conceptionavicennienne de la définition.

L’introduction n’est donc pas dépourvue d’une certaine tonalité avicennienne.Plusieurs passages ont pris leur source plus ou moins directement dans les écritsavicenniens. Quant aux autres passages, d’une façon générale (utilité del’instrument, méthodes de recherche de la vérité par rapport à plusieurs types desciences, etc.), ils se laissent inscrire dans tout projet de logique d’inspiration« aristotélicienne ». De cette introduction, il ressort aussi clairement qu’al-*KD]]bO� attache une certaine importance – pour ne pas dire une importancecertaine – à la connaissance de la logique en tant qu’art de raisonner. Cela n’ad’ailleurs rien de surprenant, car dans la quatrième Introduction au 7DKbIXW, il ditexplicitement : « Certainement, leur (à savoir, des philosophes) affirmation(qawluhum) que les sciences logiques doivent être maîtrisées, est correcte » 12.

PREMIÈRE PARTIE : « LES PRÉMISSES AU SYLLOGISME »

Cette première partie se subdivise en trois sections : la première a trait auxmots, à leur signification et à leur rapport entre eux (42-58), la deuxième examineles « intentions » (ma‘bQLQ) en elles-mêmes ou, en d’autres mots, fait une analysedes cinq prédicables (59-78) et, enfin, la troisième 13 traite de la composition de cesintentions, c’est-à-dire des propositions (79-96).

A. Les mots et leur signification

Cette section se divise à son tour en sept sous-sections (WDTV�PbW).La première (42-43) présente les trois modes, selon lesquels les mots peuvent

signifier quelque chose, à savoir les modes de pleine concordance (PX�bELT),d’implication (WDiDPPXQ) et de concomitance (LOWL]bP). Ce passage est largement

pourtant nullement en cause notre qualification des 0DTb�LG de « traduction interprétative » du'bQHVK-1bPHK, voir notre « Le 'bQHVK-1bPHK d’Ibn 6�Qb… » cité n. 1, p. 127. Ajoutons que nousn’avons pas encore trouvé le moindre passage dans ce texte ghazzalien, dont la seule source directeserait un écrit d’al-)bUbE�. M. M. RAHMAN, The Materials in the Works of al-)bUbE� and Ibn 6�Qb onwhich the Metaphysical Section of al-*KD]bO�’s 0DTb�LG is based. (Unpublished) Ph.-D. Thesis.Edinburgh, 1966 ignore le 'bQHVK-1bPHK. Quand il fait mention d’une influence farabienne, il s’agitsouvent, pour ne pas dire toujours, d’idées présentes aussi au moins dans une des œuvresavicenniennes. De plus, al-*KD]]bO� n’a décalqué clairement aucun des textes farabiens cités. Nousremercions R. Wisnovsky de nous avoir procuré une copie de cette thèse.

(12) AL-*+$==c/�, The incoherence of the Philosophers. A parallel English-Arabic Text, transl.,introd. and annot. M. MARMURA, Provo, Utah, 1997, p. 9.

(13) L’édition de Beyrouth porte : al-fann al-WKbQ�, mais il s’agit là de toute évidence d’une fauted’impression.

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tributaire des ,VKbUbW, p. 4, 19-5, 7, nonobstant quelques changements, surtoutdans le choix des exemples 14.

La deuxième a pour objet le mot particulier et le mot universel. L’affirmationde base (43, 11-44, 4) a sa source en ,VKbUbW, p. 6, 10-14. Quant à la façon dont lenom de « Zayd » est expliqué comme un exemple typique de mot particulier, elleest très proche de la formulation du 'bQHVK-1bPHK, p. 13, 1-2 15. Al-*KD]]bO� yfait suivre (44, 5-11) une considération sur l’article défini arabe al-, dérivée des,VKbUbW, p. 25, 6-12. Ensuite (44, 12-46), il se demande si un mot, ne renvoyantqu’à un seul individu en acte, peut être universel. Sa réponse est affirmative, car detels mots peuvent être communs en puissance. Tout en apportant quelques déve-loppements mineurs, al-*KD]]bO� met à contribution�,VKbUbW, p. 6, 15-7, 4. Enfin, ilconclut (46, 1-9) par une remarque qualifiée d’« avantage judiciaire », c’est-à-direpar une application à un domaine concret de la théorie qui vient d’être exposée : ils’agit donc probablement d’un développement introduit par lui-même.

Dans la troisième sous-section, le troisième rang parmi les quatre degrés del’existence (ZXM�G), qui sont : réalité, esprit, mot et écriture, est attribué aux mots(DO�DOIb�). L’affirmation centrale (46, 10-47, 9) se base sur la 1DMbW, p. 17, 8-18, 2,en l’élaborant légèrement. Une remarque sur la généralisation (LVWLJKUbT) (47, 10-48, 3) est ajoutée, mais al-*KD]]bO� renvoie à la quatrième partie pour la solutiondu problème signalé.

Quant à la quatrième (48, 4-50, 3), elle traite de la division des mots : simplesou composés. Les ,VKbUbW, p. 5, 13-6, 8, en constituent la source majeure d’inspira-tion, mais certains exemples semblent, du moins partiellement, dériver de la1DMbW, p. 9, 10-10, 7 16.

La cinquième présente une quadruple division du mot simple, à savoir en :nom (ism), verbe (fi‘l), lettre (�DUf) et particule (kalima). Pour le nom (50, 7-51, 3),al-*KD]]bO� cite la définition d’Aristote, Topiques, 16a20-22, tout en ajoutant quesa signification doit être réalisée – addition qu’il base sans le moindre doute suribid., 16a30-32. Il offre en plus une brève analyse de chaque élément de la défi-nition, en s’inspirant de façon assez libre de DO�6KLIbt�� DO�s,EbUD, p. 7-8, 2 17. Laprésence de quelques termes, tels que ceux de �DZW�et de jins, est éventuellementdue à une influence farabienne. On consultera avec profit son Grand

(14) Les 0DTb�LG, éd. S. DUNYA. Le Caire, 1960, p. 39 contiennent un exposé assez similaire,inspiré incontestablement par le même passage des ,VKbUbW (le 'bQHVK-1bPHK ne dit rien à ce propos).Avicenne offre aussi la même doctrine, dans une formulation un peu différente, dans le 0DQ�LT al-0DVKULTL\\�Q, Le Caire, 1910, p. 14-15.

(15) Les 0DTb�LG se limitent à citer le nom de « Zayd » sans la moindre précision ; tout indiquedonc qu’al-*KD]]bO� a eu recours directement au texte persan, pour lequel nous utilisons l’édition deM. MO‘IN et M. MESHKAT, Téhéran, 1952. Pourtant les deux autres exemples du mot particulier,offerts dans le Mi‘\bU, ne se retrouvent à notre connaissance nulle part dans les écrits d’Avicenne, maissont par contre présents dans ces mêmes 0DTb�LG.

(16) Dans les 0DTb�LG, p. 40, où est traité le même sujet, al-*KD]]bO� a utilisé aussi la 1DMbW et les,VKbUbW pour préciser davantage le texte assez abstrait du 'bQHVK-1bPHK.

(17) Ce volume a été édité par M. KHODEIRI, Le Caire, 1970.

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Commentaire sur les Topiques 18. La présentation du verbe (51, 4-10) se rapprocheclairement des 0DTb�LG, p. 41, 12-23 ('bQHVK-1bPHK, 0DQ�LT, p. 26, 6-7 et 30,3-32) 19, sans en faire pourtant un décalque littéral. Pour les deux notions restantesde lettre et de particule, al-*KD]]bO� (51, 11-52, 1) s’est basé directement sur la1DMbW, p. 18, 3-19, 1.

La signification des mots est articulée selon quatre catégories (PXVKWDUDN�PXWDZb�Ð��PXWDUbGLI�HW�PXWD]b\DO��i.e.�PXWDEb\DQ) dans la sixième sous-section(52, 2-62, 1). Al-Ghazzbl� cite presque littéralement de larges parties de DO�6KLIbt�0DT�ObW 20, I, c. 2. Toutefois la formulation des notions d’équivocité et d’univocité(52, 5-11) se rapproche un peu plus de celle offerte par Avicenne dans son 0DQ�LTal-0DVKULTL\\�Q, p. 75, 5-9. Par contre, quand al-*KD]]bO� expose la synonymie etl’hétéronomie (52, 12-53, 1), il s’inspire clairement de al-6KLIbt, 0DT�ObW, p. 15,16-16, 3. Dans la suite, lors d’un apport de précision sur le rapport entre équivocitéet univocité (53, 2-55, 5), ainsi que sur les mots hétéronomiques (55, 6-56, 1), delarges extraits des pages 9-12 de ces mêmes 0DT�ObW sont presque littéralementcités.

Enfin, dans la septième et dernière sous-section, al-*KD]]bO� indiquel’existence de trois catégories de mots équivoques : métaphorique (PXVWDsbU� HWPXMb]), métonymique (PDQT�O) et équivoque (mushtarak) (56, 2-58). Tout enapportant des élaborations, et tout en changeant l’ordre du texte, il n’en reste pasmoins qu’il s’appuie indéniablement sur la 1DMbW, p. 177, 3-178, 10.

B. Les intentions simples

Cette partie comporte six sous-sections, auxquelles une « synthèse finali-sante » est ajoutée.

La première (59-62, 17) discute le rapport des choses existantes à notreperception. Al-*KD]]bO� établit une distinction entre les choses perçues par lescinq sens externes, d’une part, et celles qui sont connues (ma‘O�PD), d’autre part.En ce qui concerne ces dernières, il spécifie au début que leur connaissance seforme par « voie d’indice » (bi-LVWLGObO). Au cours de son exposé, il accentue ledanger de l’action d’une imagination (al-NKD\\bO) non contrôlée. Il finit ainsi parévoquer une distinction nette entre choses perçues et choses connues par l’intel-lect (bi l-‘aql). Bien qu’al-*KD]]bO� renvoie lui-même (60, 8) à un « livre entre sesmains », nous n’avons pu identifier sa source directe. Toutefois, malgré la

(18) Voir 'c1(6+-PAZHUH, Al-PDQ�LTL\\bW lil-)bUbE�, Qom, 1409 h., t. II, p. 1-259.(19) Pour le rapprochement entre ces deux ouvrages, voir notre « Le 'bQHVK-1bPHK d’Ibn 6�Qb�

un texte à revoir ? », cité n. 1.(20) La référence se rapporte à l’édition de G.C. ANAWATI, M. KHODEIRI, A. AHWANI et S. ZAYED,

Le Caire, 1959. Précisons que la première partie de l’exposé est assez similaire, malgré quelquesdifférences indéniables, au texte des 0DTb�LG, qui, en l’absence d’un exposé sur ce thème dans le'bQHVK-1bPHK, s’est sans doute inspiré du 6KLIb’.

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présence de la notion de LVWLGObO, la doctrine exposée ne semble pas fondamen-talement dévier de l’interprétation (aristotélico-)avicennienne en cette matière 21.

La deuxième sous-section (p. 62, 18-63, 9) évoque le rapport entre les« intentions » des choses existantes en termes de généralité et de particularité. Al-*KD]]bO� se base sans doute sur al-)bUbE�, al-$OIb�, p. 61, 9-13 22.

Quant à la troisième (p. 63, 10-64, 14), elle a pour objet la distinction entreparticulier et universel. Elle se laisse qualifier comme une légère reformulationd’al-)bUbE�, al-$OIb�, p. 58,12-60,8.

La quatrième présente d’abord (64,15-65,18) la différence fondamentale entreaccidentel (sDUDm�), concomitant (Ob]LP) et essentiel (GKbW�). Cet exposé est trèsproche des ,VKbUbW, p. 7, 5-16. Ensuite (65, 19-67), al-*KD]]bO� consacre un longdéveloppement au délicat problème de la distinction entre concomitant nonconstitutif et essentiel constitutif. Il élabore deux critères : (im)possibilité de (1)être retiré dans l’imagination sans perdre l’existence et de (2) comprendrel’essence de la chose immédiatement. Il met à contribution la 1DMbW, p. 11, 2-12, 5,tout en incorporant quelques éléments des ,VKbUbW, à savoir p. 9, 15-17 et 18-20. Ilest à noter aussi qu’al-*KD]]bO� (65, 21-24) ajoute une remarque d’ordre termi-nologique : les adeptes du NDObP parlent, au lieu de « concomitants », de « dérivés(ou dépendants) de l’essence », WDZbELs� DO�GKbW, voire de « dérivés (ou dépen-dants) de la génération », WDZbELs�DO��XG�WK 23.

Dans la cinquième sous-section, al-*KD]]bO� offre une analyse de base (68-69,15) des cinq prédicables : propre et accident commun au niveau accidentel (avecune insistance particulière sur la différence entre accident essentiel et accident nonessentiel) ; genre, espèce et différence au niveau essentiel. Il y combine despassages, plus ou moins retouchés, des ,VKbUbW, à savoir p. 15, 15-16, 10 ; 10, 3-14 ;13, 19-14, 5 et 16, 11-13. Ensuite, il discute quatre points particuliers sous formede question-réponse. Le premier (69, 15-19) concerne l’appellation précise de cequi se situe entre un genre et une espèce ; il est directement lié aux ,VKbUbW, p. 14,17-18. Quant au deuxième (65, 20-70, 3), il établit qu’il y a équivocité entrel’espèce suprême et l’espèce intermédiaire. La 1DMbW, p. 15, 8-16, 1 et/ou al-6KLIb’,Madkhal, p. 64, 1-9 en peuvent constituer la source d’inspiration. Le troisième(70, 3-71, 4) insiste sur le fait que les notions d’être (ZXM�G) et de chose (shay’) nepeuvent nullement être considérées comme un genre. Cette affirmation rappelleles ,VKbUbW, p. 7, 17-8, 18 24. Le quatrième (71, 5-72, 3) précise la différence essen-tielle comme réponse à la question « Quelle chose est-ce ? » et semble avoir une

(21) Le raisonnement par voie d’indice, al-LVWLGObO, fut considéré par Avicenne comme faible,mais acceptable au niveau de la dialectique. Voir 'bQHVK-1bPHK, 0DQ�LT, p. 95-106.

(22) Nous renvoyons à l’édition de M. MAHDI, al-$OIb� al-musta‘PDODI� l-PDQ�LT, 2 e éd.,Beyrouth, 1986.

(23) Cette dernière expression est présente entre autres chez ‘Abd al--DEEbU, voir R. FRANK,Beings and their Attributes, Albany, 1978, p. 126 et p. 139, n. 8.

(24) Il tient sans doute aussi compte de al-6KLIb’, ,ObKL\\bW, éd. G. C. ANAWATI, S. ZAYED etS. DUNYA, Le Caire, 1960, I, 5, p. 29, 5-6, où Avicenne fait mention de ces deux notions (avec celle de« nécessaire ») comme étant présentes d’une impression première dans l’âme.

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source, peu littérale, en ,VKbUbW, p. 15, 3-12. Al-*KD]]bO� y observe en plus qu’endroit (fiqh), le terme pour évoquer la « différence » n’est pas ID�O, mais L�WLUb](« caution ») et que ce dernier terme, contrairement au premier, désigne aussi lenon-essentiel.

Au cœur de la sixième sous-section se trouve la question « qu’est-ce ? ». Troissortes de réponse peuvent être données à cette question, à savoir par une parti-cularité absolue (72, 18-73, 4), par le commun absolu (73, 5-11) et par une combi-naison d’un caractère commun et d’une particularité (73, 12-74, 8). Al-*KD]]bO�utilise respectivement Ishbrbt, 11, 16-19 ; 11, 19-12, 4 et 12, 17-13, 1 ; 13, 1-17. Ilfait précéder cet ensemble d’une introduction (72, 6-17), qui part d’une affirma-tion empruntée aux ,VKbUbW, p. 11, 4-5. Il ajoute par ailleurs deux précisions. Selonla première (74, 9-75, 4), le « constitutif concomitant » ne peut pas remplacer lecaractère commun dans la seconde sorte de réponse possible ; elle est assez prochedes ,VKbUbW, p. 12, 5-17. Quant à la seconde, elle met en évidence que tous lesconstitutifs de la quiddité entrent avec elle dans le concept, bien qu’ils ne soientpas présents à l’esprit en détail. Les lignes 11-14 des ,VKbUbW, p. 8 sont presquelittéralement citées, et, d’une façon plus générale, les ,VKbUbW, p. 7, 17-8, 18semblent avoir fonctionné comme source d’inspiration.

La « synthèse finale » débute (76, 3-10) par une description (rasm) des cinqprédicables, basée directement sur les ,VKbUbt, p. 16, 14-17, 2. Y fait suite (76, 11-17), une brève évocation de leur ordre (WDUW�E), doctrinalement assez similaire àdes textes tels que ,VKbUbW, p. 14, 11-18 ou 1DMbW, p. 15, 12-16. Enfin, al-*KD]]bO�énumère les dix catégories en des termes presqu’identiques à la traduction arabedes Catégories 25. Il ajoute qu’il les détaillera scrupuleusement dans le « Livre desdivisions de l’être », c’est-à-dire à la dernière partie du présent ouvrage.

C. Les propositions

Comme pour la partie précédente, il y a ici de nouveau six sous-sections. Al-*KD]]bO� les fait précéder d’une petite introduction (79, 2-12), où il définit la pro-position comme un jugement énonciatif ayant rapport à la vérité ou au mensonge,en accord avec les ,VKbUbW, p. 22, 2-7.

La première sous-section (79, 13-80, 11) apporte quelques précisions concer-nant les deux composantes principales de la proposition, à savoir le sujet et leprédicat. Les ,VKbUbW, p. 22, 10-11 et p. 5, 8-12 semblent former l’arrière-fond dece passage. Toutefois, l’affirmation de l’existence du sujet et de l’attribut, estincontestablement plus proche des 0DTb�LG, p. 54, 16-23 (= 'bQHVK-1bPHK,0DQ�LT, p. 35, 8-36, 2) que du premier passage indiqué plus haut des ,VKbUbW. Lamajeure partie de cette sous-section (80, 11-83, 8) est pourtant consacrée à la pré-sentation des trois sortes de propositions : attributive, conditionnelle conjonctiveet conditionnelle disjonctive. Les ,VKbUbW, p. 22, 7-23, 9 en constituent la source

(25) Voir A. BADAWI, 0DQ�LT $ULV���� Qowait, Beyrouth, 1980, t. I, p. 35, 14-36, 3 (1b25-27).Contrairement à Avicenne, al-*KD]]bO�, comme d’ailleurs al-)bUbE�, utilise, en pleine conformité avecla traduction arabe, le terme de lahu pour désigner la catégorie de |FHLQ.

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principale. Quelques éléments particuliers y ont été incorporés : la distinctionentre antécédent et conséquent (base : ,VKbUbW, p. 23, 16-18) ; la réductibilité de laproposition conditionnelle à l’attributive (base : ,VKbUbW, p. 27, 1-8) et les troisgenres de propositions conditionnelles disjonctives en fonction de groupement oud’exclusion (base : ,VKbUbW, p. 29, 12-30, 5). Quant à la proposition conditionnelledisjonctive, al-*KD]]bO� observe qu’elle est appelée en NDObP : sabr wa-WDTV�P(« examen et partage ») 26.

Dans la seconde sous-section (83, 9-86, 7), l’attention se porte sur le caractèrepositif ou négatif de la proposition. L’affirmation de base (83, 11-84, 8) est assezproche des ,VKbUbW, p. 23, 10-24, 6. Suit une remarque sous forme de question-réponse (84, 9-85, 18), ayant trait à la place de la négation à l’intérieur d’uneproposition, plus précisément par rapport à la copule ou à l’attribut. Al-*KD]]bO� ycombine ,VKbUbW, p. 27, 9-28, 9 (en introduisant des éléments dérivés des 0DTb�LG,p. 57, 22-58, 18) et 1DMbW, p. 26, 4-13 et 28, 11-29, 1. Quant à la seconde remarque,elle évoque le problème de l’équivalence ou de non-équivalence au niveau desmots entre négation et privation ; elle s’enracine en ,VKbUbW, p. 28, 10-29, 2.

La troisième sous-section présente d’abord (86, 10-87, 3) une nouvelledivision des propositions, à savoir celle entre singulière, déterminée etindéterminée. Les ,VKbUbW, p. 24, 7-12 ; 24, 15-25, 5 et 25, 13-15 en constituentindéniablement la source. Une fois de plus, deux remarques additionnelles ont étéformulées : la première (87, 4-15) concerne le caractère indéterminé impliquédans l’article défini arabe al-, et semble s’inspirer des ,VKbUbW, p. 24, 12-15 et 25,16-26, 9 et des 0DTb�LG, p. 59, spécialement les lignes 24-26 ('bQHVK-1bPHK,Man�iq, p. 42, 2-9) ; la seconde (87, 16-88, 2) discute la détermination et l’indéter-mination de la quantité dans les propositions conditionnelles et est directementbasée sur les ,VKbUbW, p. 28, 10-29, 2.

C’est encore une division, cette fois-ci entre nécessaire, possible etimpossible, qui est au centre de la quatrième sous-section (88, 6-13). Elle estfondée sur les ,VKbUbW, p. 32, 2-10, quelques éléments dérivés de la 1DMbW, p. 25, 10-26, 3 y étant insérés. Dans la suite (88, 14-90, 4), plusieurs sortes de propositionsnécessaires sont distinguées. La source principale est un passage des ,VKbUbW, àsavoir p. 32, 11-33, 10, à nouveau complété par quelques emprunts à la 1DMbW, plusprécisément p. 35, 2-37, 7. Al-*KD]]bO� conclut (90, 5-11) par une remarque sur ladifférence entre durable (Gb’im) et nécessaire, qui est sensiblement similaire aux,VKbUbW, p. 33, 15-34, 8.

Le problème de la contradiction se trouve au cœur de la cinquième sous-section (90, 12-94, 7). L’exposé, à l’exception de l’addition d’un bon nombred’exemples ayant trait au domaine du fiqh, est assez similaire à celui des 0DTb�LG,p. 62-64, 3 (= 'bQHVK�1bPHK, 0DQ�LT, p. 53, 4-56, 7), et a en plus une sourcelointaine dans les ,VKbUbW, p. 43, 16-44, 15. Toutefois, la présentation de la

(26) W. HALLAQ, Ibn Taymiyya. Against the Greek logicians, Oxford, 1993, p. 45, n. 2 traduitcette notion en anglais par « classification and successive elimination », et en donne une excellenteexplication.

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huitième et dernière condition évoquée comme indispensable pour arriver à unevéritable contradiction, à savoir la différence en quantité, se base directement surles ,VKbUbW, p. 44, 15-45, 15.

Enfin, la conversion des propositions forme l’objet de la sixième sous-section(94, 8-96). Cette fois-ci, la 1DMbW, p. 45-48, 2, nonobstant quelques omissions et/ouréaménagements, a servi de texte de référence, bien que quelques élémentssemblent dériver des 0DTb�LG, p. 64, 9-65 27.

DEUXIÈME PARTIE : « LE SYLLOGISME »

Al-*KD]]bO� commence (97) cette deuxième partie par une introduction assezgénérale incluant l’énumération des quatre « considérations » (forme, matière,erreur, appendices) qui vont suivre. On se trouve sans doute face à une rédactionpersonnelle, bien qu’elle puisse s’inspirer d’une certaine manière de la 1DMbW, p. 7,9-8, 6.

A. La forme du syllogisme

Cette section est divisée à son tour en sept sous-parties.Dans une petite introduction à la première de ces sous-parties (98, 2-13), les

trois modes de raisonnement, à savoir syllogisme, induction et raisonnement paranalogie, ainsi que les éléments de base du syllogisme sont brièvement évoqués. Ala source se trouvent les ,VKbUbW, p. 64, 7-10 et p. 65, 4-8 et 15-19 avec deux petitesinsertions dérivées des 0DTb�LG, p. 67, 1-2 et 68, 27-28. Dans la suite (98, 14-100,5), le syllogisme catégorique 28 est articulé dans ses éléments constitutifs.L’ensemble est assez similaire à 0DTb�LG, p. 67, 12-68, 23, tout en étant trèsproche des ,VKbUbW, p. 67, 6-9 en ce qui concerne la présentation des trois termes demineur, majeur et moyen terme. Enfin (100, 6-111, 14), les trois 29 formes desyllogisme, et, plus particulièrement, les quatorze modes de déduction valide, sontprésentés en détail. Al-)bUbE�, al-4L\bV al-�DJK�U, p. 160, 10-166, 4, en constitueindéniablement la source directe, du moins en ce qui concerne l’articulation des

(27) Il faut ajouter que les deux premières lignes se trouvent presque littéralement dans les,VKbUbW, p. 51, 1-3.

(28) Al-*KD]]bO� présente ce syllogisme sous la désignation « al-TL\bV�DO��DPO� », qui est le termeusuel chez al-)bUbE� (voir J. LAMEER, Al-)bUbE� and Aristotelian Syllogistics. Greek Theory andIslamic Practice, Leiden, 1994, p. 47). Mais il ajoute tout de suite qu’il est appelé aussi «�LTWLUbQ�»(comme il est de règle chez Avicenne) ou «�MD]P�» (comme dans le al-4L\bV al-�DJK�U ou, du moins,dans certains de ses manuscrits, voir J. LAMEER, op. cit., p. 45-47).

(29) Al-)bUbE� ne fait nulle part mention de la quatrième forme, ou bien parce qu’il la rejetaitcatégoriquement, ou bien parce qu’il l’ignorait (Sabra défend la première position, Lameer la seconde,voir J. LAMEER, op. cit., p. 126). Quoi qu’il en soit, il est clair qu’al-*KD]]bO� se limite aussi à la simplemention de trois formes.

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modes 30, et cela malgré certains déplacements et/ou légères retouches. Toutefois,la description de la spécificité, ainsi que des particularités de chaque forme,contient des passages dérivés des 0DTb�LG, p. 69-83. Enfin, la dernière partie (109,16-111, 14) est sans doute propre à al-*KD]]bO�, car en vue d’illustrer les quatorzemodes de déduction valide, des exemples typiques du fiqh y sont offerts.

La deuxième sous-partie (111, 15-113, 12) a pour objet le syllogisme condi-tionnel conjonctif. De nouveau, le livre farabien al-4L\bV al-�DJK�U, plusparticulièrement, p. 166, 8-167, 17 fonctionne comme source principale, mais unefois de plus des éléments ont été ajoutés à partir des 0DTb�LG, p. 84, 9-86, 8. Cetteaddition consiste surtout dans la précision de la condition, comme étant liée soit aupropre, soit au contradictoire, ou bien de l’antécédent, ou bien du conséquent.

La troisième (113, 13-114, 13) évoque le syllogisme conditionnel disjonctif 31

et est très proche de al-4L\bV al-�DJK�U, p. 167, 18-169, 8, tandis que la quatrième(114, 14-115, 10) examine le syllogisme « par l’impossible » (ou « par l’absurde »)(al-khalf), s’inspirant aussi de al-4L\bV� DO��DJK�U, à savoir p. 169, 9-170, 6.Cependant, al-*KD]]bO� y incorpore un exemple appartenant au domaine du fiqh.

En ce qui concerne la cinquième sous-partie (115, 11-119, 13), l’induction yconstitue l’objet de recherche. Elle débute (115, 11-116, 4) par un petit exposéqu’on pourrait qualifier de présentation de base. Al-*KD]]bO� semble s’appuyersur DO�4L\bV�DO��DJK�U, p. 173, 15-174, 2. Suivent alors deux questions-réponses,dont la première (116, 4-117, 4) indique que la véritable induction impliquenécessairement l’examen de tous les particuliers, et que la prise en compte de laplupart d’entre eux ne suffit donc pas. Basée directement sur les ,VKbUbW, p. 64, 7-65, 1, la distinction fondamentale entre syllogisme à proprement parler, inductionet raisonnement par analogie est ainsi articulée. En plus, al-*KD]]bO� offre uneapplication du raisonnement par induction en fiqh. Quant à la seconde (117, 5-119,13), elle souligne que dans le fiqh, on peut se contenter de l’induction non parfaite,dans la mesure où l’opinion (al-�DQQ) suffit. Les 0DTb�LG, p. 89-90, 4 et le DO�4L\bV�DO��DJK�U, p. 173, 3-174, 9 en forment les sources principales d’inspiration.Toutefois, à la fin (118, 12-119, 13), al-*KD]]bO� se demande si par induction onpeut valablement conclure que les puissances intellectuelles percevant lesintelligibles ne sont pas du tout imprimées dans le corps ? Nous n’avons pas trouvéde texte farabien ou avicennien suffisamment similaire, qui mériterait l’étiquettede « source ». Néanmoins, la question a indéniablement une haute tonalitéphilosophique.

Le raisonnement par analogie, al-WDPWK�O, est au centre de la longue sixièmesous-partie (119, 14-130, 6). Al-*KD]]bO� spécifie tout de suite que ce raison-nement s’appelle en fiqh « TL\bV», « syllogisme » et en NDObP « UDGG�DO�JKbtLE�LOb

(30) J. LAMEER, op.cit., p. 99-123 en offre une analyse détaillée, selon leur formulation dans le al-4L\bV al-�DJK�U (tout en spécifiant les ressemblances et dissemblances avec le K. al-Mudkhal� LOb l-TL\bV). En ce qui concerne le al-4L\bV al-�DJK�U, nous utilisons l’édition de 'c1(6+�3$=+8+, Al-PDQ�LTL\\bW lil-)bUbE�� Qom, 1409 h., p. 152-194.

(31) Al-*KD]]bO� insiste et répète (voir supra) que ce syllogisme équivaut à ce que le NDObPappelle sabr wa-WDTV�P.

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O�VKbKLG�, « ramener le caché au présent » 32, plus communément désigné comme« DO�LVWLGObO� EL� O�VKbKLG� sDOb� O�JKbtLE». D’abord (119, 14-121, 10), ce raisonne-ment consiste dans le transfert de la qualification (�XNP) d’une chose particulièrevers une autre chose particulière. Toutefois, il existe une difficulté pour valorisercorrectement l’intention (ou le caractère) commune (al-ma‘Qb al-MbPL‘a). Le al-4L\bV DO��DJK�U, p. 175, 10-176, 20 en fonde clairement l’articulation, bien quedeux des exemples donnés soient sans doute propres à al-*KD]]bO�, car d’ordre« théologique ». Deux observations, sous forme de question-réponse, y font suite :la première (121, 11-19) nie radicalement que l’intention commune puisseconstituer la « cause » (‘illa) de la qualification (�XNP), tandis que la seconde(121, 20-123, 7) mentionne deux raisons particulières pour expliquer la facilitéd’erreur impliquée dans ce genre de raisonnement : 1. le caractère apparemmentuniversel de l’article défini en arabe 33 et 2. la conviction ferme d’avoir atteint lavéritable exhaustivité dans l’induction. Pour cet ensemble, al-*KD]]bO� met àcontribution le al-4L\bV al-�DJK�U, p. 180, 6-17 et 182, 20-183, 20. Dans unedernière section (123, 7-130, 6), il y a une analyse détaillée de ce genre de raison-nement dans le domaine spécifique du fiqh 34. Il s’agit là de toute évidence d’undéveloppement propre à al-*KD]]bO�.

Dans la septième et dernière partie (130, 7-133), l’attention se porte sur deuxgenres de syllogismes, à savoir le composé et l’imparfait. Al-*KD]]bO� expliqued’abord (130, 8-17) que les paroles n’expriment pas toujours de façon précise cequ’elles veulent dire. Il se base en cela sur le DO�4L\bV� DO��DJK�U, p. 170, 8-17.Ensuite (130, 9-131, 16), il présente deux cas de syllogisme imparfait : un où lamajeure et un autre où la mineure a été omise, conformément à la 1DMbW, p. 108, 3-109, 4 35. Il continue (131, 17-133, 2) par une analyse du syllogisme composé, où ilmet à contribution le DO�4L\bV�DO��DJK�U, p. 170, 18-172, tout en inversant l’ordredu texte farabien. Il termine (133, 3-21) par une analyse du cas du syllogismeimparfait, où la conclusion n’est pas mentionnée explicitement. Il l’illustre par desexemples d’ordre « religieux », ce qui donne à croire qu’il s’agit là d’une additionde sa main.

(32) R. BRUNSCHVIG, Pour ou contre la logique grecque chez les théologiens-juristes de l’Islam :,EQ��D]P, al-*KD]bO�, ,bn Taymiya, dans A. M. TURKI (éd), Etudes d’islamologie, Paris, 1976, t. I,p. 303-327 (318, traduit « ramener l’absent au présent »).

(33) Voir supra (les propositions, troisième sous-section).(34) Al-*KD]]bO� y distingue six cas à partir du facteur commun : soit il accompagne la

qualification légale, soit il possède une affinité avec elle ; soit sa description affecte quelque part ; soitil est certain que le seul caractère qui n’est pas commun ne concerne en rien la qualification légale, soitcela résulte d’une opinion évidente ; soit, enfin, il existe une « intention » secrète, qui justifie l’ana-logie. Il insiste sur la nécessité d’une certaine prudence dans l’utilisation de ce genre de raisonnement(dans ce contexte, il discute entre autres le phénomène de l’LMWLKbG, « réflexion personnelle », ainsi quela notion de PXUDMML�, « facteur de prépondérance »), et en défend, bien que de façon nuancée, l’usagedans le fiqh. Tout ce passage mériterait en lui-même un examen, mais il va de soi que cela dépasseraitlargement le cadre strict de la présente étude.

(35) Avicenne utilise pour désigner le premier cas (omission de la majeure) le terme technique demDP�U, « enthymème », et pour le second (omission de la mineure) celui de ra’y, « opinion ».

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B. La matière du syllogisme

Dans une assez longue introduction (134-138, 3), al-*KD]]bO�, inspiré par la1DMbW, p. 112, 10-113, 1, affirme d’abord (134, 3-13) que la matière du syllogismeconsiste dans la science ayant rapport à l’assentiment (al-‘ilm al-WD�G�T�) véritableet universel. Ensuite (134, 13-135, 19), il explique que les prémisses, qui formentla matière des syllogismes, renvoient à la compréhension des lettres et des motsdans l’âme, et que leur mise en ordre prépare l’âme à recevoir la conclusion de lapart de (min ‘inda) Dieu 36. Ce passage peut avoir une source, il est vrai lointaine,dans la 1DMbW, p. 17, 8-18, 2. Puis (135, 20-136, 18) quatre sortes de preuves, dontle degré de vérité est comparé au degré de pureté de l’or, à savoir la démonstrative,la dialectique, la sophistique et la rhétorique, sont évoquées. Cet exposé est trèsproche de celui des 0DTb�LG, p. 100-101 37. Enfin (136, 19-138, 3), al-*KD]]bO�dresse un petit tableau du syllogisme poétique en analysant quelques exemples.Pour lui, ce syllogisme n’a aucune valeur véridique : il n’a aucun autre but qued’influencer l’âme. Cette idée semble avoir une base dans la 1DMbW, p. 9, 1-3. Lereste résulte à première vue d’une élaboration de sa propre main, mais continue às’inscrire dans cette même perspective fondamentale.

Al-*KD]]bO� distingue alors trois sortes de prémisses :La première sorte (138, 5-142, 13) contient celles qui méritent la qualification

de « certaines » (\DT�Q). Elle se subdivise à son tour en quatre genres : donnéespremières (DZZDOL\\bW) (138, 6-139, 5), données de la perception (PD�VXVbW)(139, 6-14), données de l’expérience (PXMDUUDEbW) (139, 15-141, 20) et prémissesincorporées à leurs syllogismes, qu’al-*KD]]bO� désigne par l’appellation « propo-sitions qui ne sont pas connues par elles-mêmes mais par un intermédiaire » (141,21-142, 13). Quant aux deux premières sections, elles combinent des élémentstirés de la 1DMbW, p. 121, 10-122, 7, respectivement 113, 7-9 avec des extraits des,VKbUbW, p. 56, 5-12, et 12-16. En ce qui concerne les données de l’expérience, leurdéfinition primaire (139, 15-140, 2) se base directement sur les ,VKbUbW, p. 56, 17-57, 1 et p. 57, 13-58, 4 pour le passage (140, 2-5) où est évoquée la donnéetransmise (DO�WDZbWXU). Une remarque, faisant suite sous forme d’objection-réponse (140, 6-17), insiste sur l’absence de lien direct entre la certitude d’uneexpérience et la nature précise du lien entre deux choses perçues comme étantliées. Al-*KD]]bO�, s’inspirant sans doute des ,VKbUbW, p. 57, 2-7 38, se réfère

(36) M. MARMURA, « Ghazali and Demonstrative Science », dans Journal of the History ofPhilosophy, 3 (1965), p. 183-204 ; p. 194, discerne une allusion à l’épistémologie « occasionaliste »d’al-*KD]]bO�, tout en reconnaissant qu’il existe un parallèle avec la théorie avicennienne d’uneillumination par l’Intellect Agent (ibid., n. 49). R. FRANK, Creation and the Cosmic system : al-*KD]bO� and Avicenna, Heidelberg, 1992, p. 39 et n. 64 souligne davantage ce dernier aspect.

(37) Précisons que la comparaison avec l’or est absente du 'bQHVK-1bPHK, et que nous avons envain cherché une autre source. Il se pourrait donc qu’elle soit propre à al-*KD]]bO�.

(38) M. MARMURA, « Ghazali and Demonstrative Science », p. 195-196 en présente unetraduction anglaise, ainsi qu’une brève analyse. Pour lui, il est clair qu’al-*KD]]bO��rejette l’idée d’unecausalité inhérente aux choses. Toutefois, il est à noter que dans le passage des ,VKbUbW, servant desource, il est clairement dit : « … parfois elle (l’expérience) n’exige qu’un arrêt applicable à lamajorité des cas » (nous soulignons).

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expressis verbis au 7DKbIXW. Après cette « excursion », al-*KD]]bO��continue (140,17-141, 20) son analyse des données de l’expérience en présentant une dernièrecatégorie : les données de l’intuition (al-�DGVL\\bt), à la suite des� ,VKbUbt, p. 57,7-13. Enfin, pour décrire la quatrième sorte de prémisses « certaines », il prend denouveau appui sur les ,VKbUbW, plus précisément p. 58, 4-7, bien qu’il ajoutequelques exemples.

Les prémisses de la seconde sorte (142, 15-146, 22) ne sont pas certaines, maissont néanmoins valides du point de vue du fiqh. Trois sous-genres s’y distinguent :prémisses connues de tout le monde (PDVK�UbW) (142, 15-146, 2), prémissesreçues (PDTE�ObW) (146, 3-10) et prémisses présumées (PD�Q�QbW) (146, 11-22).Les ,VKbUbW, respectivement p. 58, 11-59, 14 ; p. 61, 2-4 et p. 62, 8-18, constituentune fois de plus une source d’inspiration majeure. Faisons observer pourtantqu’al-*KD]]bO� limite la catégorie des prémisses « connues de tout le monde » à cequ’Avicenne appelle « les louables » (al-PD�P�GD) et qu’il élabore largement lesbrèves indications offertes par les ,VKbUbW en ce qui concerne les raisons poussantles hommes à y adhérer, telles compassion de l’âme, pudeur, bonne éducation, etc.En général, on a surtout affaire à l’addition d’exemples concrets, mais dans lapartie sur la compassion une position anti-mu‘tazilite est introduite et soutenue.A noter aussi que le début de l’exposé sur les prémisses présumées reprendpresque littéralement 1DMbW, p. 120, 9-10 et ajoute un exemple, présent dans les0DTb�LG, p. 109, 2 (= 'bQHVK-1bPHK, p. 127, 1-2).

Quant à la troisième sorte (146, 23-150, 11), elle comporte aussi une triplesubdivision : prémisses purement estimatives (DO�ZDKPL\\bW� DO��LUID) (147, 2-148, 3), données de l’imagination (DO�PXNKD\\DObW) (148, 4-149, 8) et erreurs(DJKObW) produites soit par l’intermédiaire du mot, soit par l’intermédiaire de l’idée(149, 9-150, 11). L’exposé des « estimatives » dérive essentiellement des ,VKbUbW,p. 59, 14-61, 1, mais quelques lignes des 0DTb�LG, p. 105, 1-4 y ont été entre-mêlées, et la fin se rapproche plutôt de la 1DMbW, p. 118, 6-9. Avant de traiterproprement des données de l’imagination, al-*KD]]bO� fait d’abord mention de cequi ressemble aux prémisses présumées ou à celles connues de tout le monde. Cequi a été dit lors de l’analyse des prémisses présumées est partiellement repris,mais il met en exergue le fait que le syllogisme rhétorique 39 a une certaine valeur :ce syllogisme est basé sur une « conviction » (LsWLTbG), non un simple ouï-dire oupréjugé, comme c’est le cas pour les données de l’imagination (ces dernièresrésultent d’une association sans fondement). Tout cet ensemble est assez prochedes 0DTb�LG, p. 107, 17-109, 8 (= 'bQHVK-1bPHK, 125, 8-128, 2), même si al-*KD]]bO� illustre les données de l’imagination par un autre exemple 40. Enfin,

(39) En fait, al-*KD]]bO� se limite à utiliser un exemple : « celui qui sort la nuit est suspect ».ARISTOTE, Rhétorique, II, 24, 1401b23-25 en semble constituer l’ultime source. Voir D. BLACK,Logic and Aristotle’s Rhetoric and Poetics in Medieval Arabic Philosophy (I.P.T.S., VII), Leiden,1990, p. 161, n. 65 où l’auteur insiste en disant que cet enthymème n’est pas selon al-*KD]]bO� sansfondement, mais est basé sur une cause (bi-sabab).

(40) 0DTb�LG / 'bQHVK-1bPHK offrent l’exemple de l’association entre miel et bile ; le Mi‘\bUévoque celui où à partir du nom d’une femme, on conclut à sa laideur. Ce dernier exemple est cité et

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parmi les erreurs liées aux mots et aux significations, trois sont articulées auniveau des mots (à savoir, homonymie, ponctuation, déclinaison) et deux auniveau de la signification (à savoir, imaginer la conversion et prendre le concomi-tant de la chose à la place de la chose). Cet exposé est proche des ,VKbUbW, p. 61, 20-62, 17, à l’exception d’un exemple appartenant au fiqh.

Ayant examiné toutes les sortes de prémisses, al-*KD]]bO� conclut (150, 12-153) que le syllogisme légal et le syllogisme rationnel ne diffèrent pas par laforme, mais par la matière, du moins dans les cas où le droit accepte l’utilisation deprémisses rejetées au niveau purement intellectuel 41. Il distingue avec al-)bUbE�,al-4L\bV al-�DJK�U, p. 184, 9-191, 22, quatre « situations » 42 : application sansrestriction (universel impliquant universel) ; paradigme (PLWKbO; particulier impli-quant particulier) ; restriction (universel impliquant particulier) et amplification(particulier impliquant universel). Tout en apportant d’importantes modifications(changement de l’ordre, autres exemples, réductions ou amplifications), il restefidèle aux idées maîtresses de l’exposé farabien. Tout à la fin, il souligne qu’en casde doute, on ne peut en décider autrement que par les six voies indiquéesauparavant, et s’oppose ainsi tout particulièrement aux �bKLULWHV 43. On y découvreun passage proche du al-4L\bV al-�DJK�U, p. 191, 23-192, 5.

C. Erreurs syllogistiques

Deux chapitres sont consacrés au problème des sophismes. Le premier (154,3-161, 9) se concentre sur le lieu de leur origine, tandis que le second (161, 10-177) se focalise sur le caractère imaginaire (NKD\\bO) de l’art sophistique.

Le premier chapitre débute (154, 3-12) par une brève évocation de « sept lieuxd’erreur », reproduisant presque littéralement la 1DMbW, p. 175, 12-176, 5. Ils sontalors repris un à un en plus grand détail. Le premier lieu (154, 14-155), consistantdans l’absence d’une forme syllogistique correcte, s’arrête plus amplement sur leserreurs dues à l’ordre des mots. Avec la 1DMbW, p. 178, 11-179, 10, quatre cas sontprésentés. Le deuxième (156, 1-15) a trait à une forme non concluante. La 1DMbW lamentionne, mais ne la développe pas. Al-*KD]]bO� illustre par deux exemples,appartenant à la logique « philosophique » 44, la thèse, affirmée auparavant (108,

analysé par D. BLACK, op. cit., p. 215. Il est clair que ce changement d’exemple n’affecte en rien ladoctrine sous-jacente.

(41) Il s’agit de ce qu’on vient de décrire comme « deuxième sorte de prémisses ». A noter que lesprémisses admises par l’intellect sont aussi valables en droit, et là il n’y a donc pas de différence deforme ni de matière.

(42) Nous empruntons ce terme à J. LAMEER, op. cit., p. 242-243. Pour une analyse détaillée de cesquatre situations, voir ibid., p. 243-256.

(43) Al-*KD]]bO� les désigne comme les $��bE� DO��DZbKLU. Ils s’en tiennent en matière dejugements légaux à la lettre du Coran et de la sunna, rejetant en principe tout recours au raisonnementanalogique, voir D. GIMARET et G. MONNOT, (trad., introd. et notes), Shahrastani. Livre des religionset des sectes, Paris, 1986, p. 581, n. 95 (mais leur désignation y est : $��bE�DO��bKLU).

(44) Cette caractéristique semble indiquer qu’al-*KD]]bO� ne les a pas élaborés, mais les a trouvésdans sa source. En effet, la 1DMbW telle qu’elle nous est parvenue en parle dans sa présentation de base,mais sans y revenir dans la suite : al-*KD]]bO� aurait-il disposé d’un texte plus complet de cette œuvre

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13-14), que deux prémisses particulières ou négatives ne peuvent jamais mener àun syllogisme valable. Le troisième (156, 16-21) et le quatrième (156, 22-158, 4)se rapportent aux termes et aux prémisses désignées comme parties premières etsecondes. On retrouve la 1DMbW, p. 179, 11-180, 9, légèrement reformulée. Les pré-misses fausses, tant au niveau du mot que de la signification, sont indiquées encinquième lieu (158, 5-159, 15). De nouveau, mais sensiblement plus modifiéequant aux exemples, la 1DMbW, plus précisément p. 180, 10-183, 2, est mise à contri-bution. Enfin, l’inclusion de la conclusion dans les prémisses (donc postuler lachose à démontrer) 45, ou l’absence d’une plus grande connaissance des prémisseseu égard à la conclusion (c’est-à-dire commettre une pétition de principe) formentla sixième (159, 16-160, 5) et la septième (160, 6-22) causes d’un raisonnementsyllogistique déficient. La 1DMbW, p. 183, 3-6, respectivement 7-10 y est élaborée,surtout par l’addition d’exemples ayant trait au domaine du fiqh. Sous forme deconclusion générale (160, 23-161, 9), al-*KD]]bO�, imitant les ,VKbUbW, p. 88,18-89, 5, affirme qu’il n’est pas difficile d’éviter ces erreurs.

Dans l’introduction du deuxième chapitre, al-*KD]]bO� met (161, 11-162, 13)en évidence que l’homme peut dans certains cas vérifier l’existence ou la non-existence d’une chose, voire savoir avec certitude qu’une telle connaissance ne luiappartient pas. Par la suite, il démontre à partir d’exemples concrets que les lois dela logique ne sont pas sujettes au doute. Il examine alors trois sortes de doute :

La première sorte (162, 15-165, 12) concerne la forme du syllogisme, et sesubdivise à son tour en trois cas : 1. inversion de l’universel négatif par soi-même(162, 13-163, 9), mis en doute par des exemples qui toutefois ne respectent pas larègle que sujet et attribut doivent rester identiques lors de la conversion ; cetexposé se rapproche des 0DTb�LG, p. 113, 11-114, 11 (= 'bQHVK-1bPHK, p. 157,7-158), complétés par un exemple présent dans al-6KLIb’, al-4L\bV, p. 87, 1-6 46 ;2. inversion entre affirmatif universel et négatif particulier (163, 10-21), où lamise en question résulte d’un respect de la condition propre de cette conversion ;3. la nature concluante de la première forme, rejetée à tort à cause de l’utilisationdans la conclusion d’un terme absent de la mineure (163, 22-164, 18), de l’igno-rance des modalités d’attribution en ce qui concerne des termes relatifs (164, 19-165, 1), de l’utilisation de deux prémisses négatives (165, 2-7) ou de l’utilisationd’une mineure négative (165, 8-12). Nous avons en vain cherché une sourceprécise pour les deux derniers points. Il se pourrait donc qu’al-*KD]]bO� les aitrédigés de sa propre initiative. Toutefois, leur formulation est très philosophiqueet certaines des idées en présence ont déjà été développées auparavant.

La deuxième sorte de doute (165, 13-169, 12) a trait aux prémisses. Al-*KD]]bO��présente d’abord cinq soit-disant contre-exemples, et les réfute ensuite

avicennienne ? Ou avait-il accès à un ouvrage similaire à la 1DMbW ? Un examen approfondi de cettequestion est souhaitable, mais elle dépasse le cadre de la présente étude.

(45) Pour une analyse plus détaillée, voir A.-M. GOICHON (trad., introd. et notes), Ibn 6�Qb(Avicenne). Livre des directives et des remarques, Paris-Beyrouth, 1951 (rééd. Paris, EditionsUnesco-Vrin, 1999), p. 240, n. 2.

(46) Nous renvoyons à l’édition de S. ZAYED, Le Caire, 1964.

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un à un, en signalant les erreurs suivantes : 1. universalisation d’un aspect par-ticulier ; 2. manque d’examen critique de la nécessité de la prémisse 47 ; 3. absencede lien nécessaire entre conséquent et antécédent ; 4. utilisation de prémissesimaginaires 48 et 5. ignorance de la signification précise d’un terme. Dans ce cas,nous n’avons guère pu trouver une source claire. Les remarques formulées à la findu paragraphe précédent valent ici aussi.

La troisième sorte est liée tant à la conclusion qu’aux prémisses du syllogisme.L’exposé se présente sous forme de six interrogations-réponses. La premièred’entre elles (169, 14-171, 12) se rapporte à la nature de la connaissance : innée ouacquise ? Al-*KD]]bO� répond en termes hautement avicenniens qu’il y a deschoses « premières » non démontrables, et qu’à partir d’elles il y a une acquisitionde science. Il précise dans ce contexte les concepts bien connus de WD�DZZXU,conception et WD�G�T, assentiment 49. Cet exposé a indéniablement des éléments encommun avec la 1DMbW, p. 112, 5-113, 6 et p. 121, 10-123, 3. A noter que le début dela réponse est littéralement proche des premières lignes du premier chapitre de al-6KLIb’, al-%XUKbQ, p. 51, 6-8 50. Ensuite (171, 13-172, 17), on examine si unescience universelle est réellement possible, étant donné que les sens ne saisissentque l’individu particulier. Al-*KD]]bO� distingue radicalement objet d’intellectionet objet de sensation, faculté intellectuelle et faculté sensitive. Il reformule sous unangle plus concret la 1DMbW, p. 168, 9-169, 3 et 170, 2-10. Puis (172, 13-174, 14), ens’interrogeant sur l’abstraction, al-*KD]]bO� met l’accent sur la faculté del’imagination (al-quwwa al-NKD\\bO�), mais aussi sur une illumination venant deDieu ou d’« un ange des anges » 51. La partie sur l’imagination se fonde sur la1DMbW, p. 169, 10-170, 1 et 170, 10-172, 2. Quant à celle sur l’illumination, ellecomporte incontestablement une connotation avicennienne. Elle se laisserapprocher de DO�6KLIbt, De anima, V, 5 (surtout le début), et par son interprétationdu fameux verset de la lumière (s. 24, v. 35) en termes d’acte d’intellection, elle estproche des ,VKbUbW, 126, 5-127, 1 52. Après quoi (174, 15-175, 6), al-*KD]]bO�rejette catégoriquement l’idée que la conclusion d’un syllogisme n’offre pas plusde connaissance que les prémisses. Nous n’avons pas trouvé de source directe,

(47) Al-*KD]]bO� note que les PXWDNDOOLP�Q se rendent souvent coupables de ce genre d’erreur.(48) Al-*KD]]bO� renvoie à cette occasion à un exposé plus ample, élaboré dans « un livre autre

que ce livre » (f� NLWbE ghayr KDGKb l-NLWbE). Est-ce une référence aux 0DTb�LG (104-105), maispourquoi ne se réfère-t-il pas alors à ce qu’il a dit auparavant (p. 147-148) à partir des 0DTb�LG ?

(49) Pour une analyse approfondie de ces deux concepts dans la pensée avicennienne, voirM. MAROTH, « 7D�DZZXU and WD�G�T », dans S. KNUUTTILA, R. TYORINOJA et S. EBBESEN (eds),Knowledge and the Sciences in Medieval Philosophy, Proc. 8. Intern. Congr. Med. Philos., Helsinki,1990, II, p. 265-274 et D. BLACK, op. cit., p. 71-78.

(50) Ed. A. ‘AFTFT, Le Caire, 1954.(51) Tout porte à croire que par cette expression al-*KD]]bO� désigne l’Intellect Agent des

philosophes.(52) IBN 6�1c, F� ithbbt al-QXEXZZbW, ed. M. MARMURA, Beyrouth, 1968, p. 49-51, offre une

interprétation assez analogue. Pour une plus ample analyse de ces deux versions, ainsi que d’autrestextes « avicenniens » y ayant trait, voir notre « Avicenna and the Qur’bQ : A Survey of his Qur’anicComments » (communication à l’American Philosophical Association, Society for Medieval andRenaissance Studies, New York, décembre 2000, à paraître dans MIDEO, 2002).

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mais il se pourrait que ce passage ait été inspiré par la 1DMbW, p. 105, 6, où il estexplicitement affirmé que la science présente dans les prémisses est différente dela science présente dans la conclusion. Dans la suite (175, 7-176, 6), al-*KD]]bO�,utilisant la 1DMbW, p. 104, 5-106, 3, précisera que ce surplus de connaissance,atteinte par la maîtrise de la conclusion, consiste dans le passage d’une connais-sance en puissance à une connaissance en acte. Enfin (176, 7-21), il est mis enexergue que la connaissance atteint l’objet recherché, parce qu’elle part d’uneconception en acte et d’un assentiment en puissance pour parvenir en fin decompte à un assentiment en acte. Il ne nous a pas été possible de rapprocher cepassage d’un texte avicennien (ou farabien) particulier, mais sa tonalité philo-sophique est évidente.

Al-*KD]]bO� termine cette dernière partie, et probablement tout le deuxièmechapitre, par une accusation de WDTO�G, « imitation aveugle » 53 vis-à-vis dessophistes, les plaçant à côté des %D�LQLWHV à cause de leur refus obstiné et catégo-rique de la démonstration raisonnable. Eu égard au contenu, il est probable quecette conclusion reflète une idée personnelle d’al-*KD]]bO�.

D. L’art démonstratif 54

Cette section se divise en huit chapitres.Le premier (178, 3-180, 2) identifie les deux raisonnements de base du fiqh, à

savoir TL\bV al-‘illa (analogie par « cause ») et TL\bV al-GDObOD (analogie par signe)avec les deux types de démonstration de la logique : EXUKbQ al-lima (démonstra-tion par le pourquoi) et EXUKbQ al-inna (démonstration d’être) 55, et présente alorsune analyse détaillée des deux types. Cette dernière se laisse qualifier de « formu-lation révisée » (ordre inversé, autres exemples…) de la 1DMbW, p. 126, 6-128, 4. Lapremière catégorie de TL\bV� DO�sLOOD est décrite dans des termes proches du'bQHVK�1bPHK, p. 153,1-4

56.Le deuxième (180, 3-182, 8) a pour objet la science « certaine ». Al-*KD]]bO�

évoque les notions premières et insiste sur le fait qu’une telle science implique uneinvariabilité absolue dans la description d’une chose. La 1DMbW, p. 138, 14-139, 5en peut constituer la source lointaine d’inspiration. A noter pourtant que la « défi-nition » de la science certaine (180, 8 sq.) est assez proche de al-6KLIb’, al-%XUKbQ,p. 256, 8-11. Dans une première remarque (180, 19-181, 14), al-*KD]]bO� insistesur le fait qu’une vraie démonstration nécessite l’utilisation de véritables donnéespremières. A cette occasion, il condamne l’adhésion « aveugle » (ta‘D��XE),

(53) C’est une accusation grave dans l’esprit d’al-*KD]]bO�, voir notre « Al-*KD]]bO�’s 7DKbIXW : isit really a rejection of Ibn 6�Qb’s philosophy ? », Journal of Islamic Studies, 12 (2001), p. 1-17, passim.

(54) Al-*KD]]bO� intitule le chapitre de façon plutôt surprenante : « appendices du syllogisme »(ODZb�LT�DO�TL\bV).

(55) A.-M. GOICHON, Livre des directives, p. 231, n. 2 défend la lecture EXUKbQ in, « argumen-tation conditionnelle ». Mais Ibn 6�Qb dit dans le 'bQHVK-1bPHK, p. 149, 8-150, 1 que ce genre deEXUKbQ est EXUKbQ�KDVW�, démonstration d’être (KDVW� étant l’équivalent parfait du grec einai).

(56) Exceptionnellement le texte du Mi‘\bU est plus proche du texte persan que celui des 0DTb�LG(p. 121, 5-6).

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typique de certains PXWDNDOOLP�Q 57. Dans une seconde remarque (181, 15-182, 8),il précise que la qualité, non la quantité, des prémisses mène à une véritableconnaissance. Dans ce contexte, il fait mention de l’intuition saine, en utilisant lesnotions bien connues de �DGV 58 et GKDNb’ 59.

Quant au troisième chapitre (182, 9-183, 11), les quatre questions fondamen-tales 60 y sont exposées d’après la 1DMbW, p. 128, 5-130, 3, bien que pour la dernièrequestion de ayy, l’exposé se rapproche davantage des ,VKbUbW, plus précisémentp. 86, 7-12.

Dans le quatrième (183, 12-184, 7), les deux notions de GKbW�, « essentiel »et DZZDO�, « primaire », eu égard aux prémisses d’une démonstration, sontprécisées. Tout en changeant certains exemples, al-*KD]]bO� reprend la 1DMbW,p. 131, 3-133, 4.

Le cinquième (184, 8-186, 11) traite des trois choses que comporte toutescience démonstrative : principes, objet et questions. Des principes (184, 10-11),il est dit simplement qu’il en fut déjà question 61. Les objets (180, 12-20) sontarticulés conformément à la 1DMbW, p. 135, 2-11 (bien que modifiée). Al-*KD]]bO�introduit une distinction, qui sans doute lui est propre, entre l’objet de la sciencelinguistique, celui du fiqh et celui de la Logique. Quant aux questions, al-*KD]]bO�, en combinant des éléments dérivés de la�1DMbW, p. 135, 12-137, 11 avecdes formulations empruntées aux 0DTb�LG, p. 127, 12-128, 4 et p. 128, 17-129, 3,met en garde contre toute circularité dans la détermination de l’objet de recherche.

La « preuve en cercle » (al-EXUKbQ al-GDZU�) est examinée au sixième chapitre(186, 12-187, 2). Elle n’implique pas une pétition de principe, si le terme de basen’est pas entendu en un sens essentiellement identique au début et à la fin. Cetteformulation est proche de la 1DMbW, p. 164, 12-166, 2.

La « preuve véritable » (al-EXUKbQ al-�DT�T�) lui fait suite (187, 3-189, 6) 62.Une telle preuve ne peut que concerner les choses éternelles, durables. Al-*KD]]bO� ajoute pourtant qu’une connaissance hautement probable peut êtreacquise à partir des choses qui arrivent la plupart du temps, mais nullement à partirde ce qui est par pur hasard. La 1DMbW, p. 143, 10-144, 2 et les ,VKbUbW, p. 81, 10-82,10 en semblent constituer des sources lointaines. A noter qu’à la fin, al-*KD]]bO�affirme en des termes assez énigmatiques que les sciences « non-nécessaires »

(57) Voir R. FRANK, « Al-*KD]bO� on WDTO�G. Scholars, Theologians and Philosophers », ZeitschriftGesch. Arab.-isl. Wissenschaften, 7 (1991-92), p. 207-252 (233 et n. 51, 240-241).

(58) Pour la place et la signification de cette notion dans la pensée avicennienne, voir D. GUTAS,Avicenna and the Aristotelian Tradition (I.P.T.S., 4), Leiden, 1988, p. 159-176.

(59) Voir R. FRANK, art. cit., p. 224, n. 33.(60) On trouve une analyse fondamentale de leur place dans la pensée grecque et arabe, chez

M. MAROTH, Die Araber und die antike Wissenschaftstheorie (I.P.T.S., 17), Leiden, 1994.(61) Al-*KD]]bO� semble renvoyer aux chapitres précédents.(62) F. JABRE, La notion de certitude selon Ghazali dans ses origines psychologiques et

historiques, 2 e éd. Beyrouth, 1986, p. 283, n. 5 offre une traduction française presqu’intégrale de cechapitre (les dernières lignes manquaient-elles dans l’édition utilisée ?). Pour une analyse doctrinale,voir M. MARMURA, Ghazali and Demonstrative Science, p. 201.

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sont à étudier en vue d’autres choses, mais qu’expliquer cela dépasse le cadre decet ouvrage, à savoir le Mi‘\bU.

Au huitième et dernier chapitre, on trouve un exposé des « quatre causes » (ausens aristotélicien). Tout en ajoutant des comparaisons avec le fiqh, al-*KD]]bO�met largement à contribution la 1DMbW, p. 160, 7-164, 6.

TROISIÈME PARTIE : « LA DÉFINITION »

Il n’y a pas de véritable introduction. Al-*KD]]bO� se contente (192, 2-4)d’évoquer brièvement la division en deux parties majeures : règles universelles etdéfinitions particulières.

A. Les règles de la définition

Cette partie comporte sept chapitres.Dans le premier (192, 6-194, 4), les notions de �DGG, « définition » et rasm,

« description » sont spécifiées. Al-*KD]]bO� élabore plusieurs distinctions : entreconception et vérification ; entre nom (ism) et définition ; entre définitions etdescriptions, respectivement parfaites et imparfaites. Il évoque des élémentsexposés auparavant (39-40 et 71-72), mais surtout en combinant des idées prisesdans les ,VKbUbW, p. 18, 17-19, 6 avec d’autres empruntées aux 0DTb�LG, p. 50, 18-51, 14. Il termine par des « définitions » de la définition et de la description. Pour lapremière, il reprend Aristote, Topiques, 101b 37, sans doute en se basant sur le K.al-�XG�G d’Ibn 6�Qb, p. 10, 8-9 (déf. 1) ; quant à la définition de la description, elleressemble, sans lui être identique, à celle du même ouvrage, à savoir K. al-�XG�G,p. 10, 13-15 (déf. 2) 63.

Le deuxième débute (194, 7-195, 1) par une insistance particulière sur lanécessité de respecter l’ordre des différences essentielles (al-IX��O al-GKbWL\\DW) etd’utiliser le véritable genre prochain (al-jins al-TDU�E) pour établir une vraiedéfinition. Nous n’avons pas détecté de source littérale, mais les ,VKbUbW, p. 17, 19-18, 3 peuvent avoir inspiré cet exposé. Puis (195, 2-13), il est mis en évidence quechaque chose possède une seule et unique définition. L’idée de base est sans douteempruntée à la 1DMbW, p. 147, 4-5. L’évocation des essentiels, qu’ils soient enpuissance ou en acte, est proche du K. al-�XG�G, p. 3, 8-9. Enfin (195, 14-196, 5),fondée sur les ,VKbUbW, p. 18, 6-16, une précision est formulée : certaines opéra-tions, telle l’omission de certaines différences, empêchent la définition parfaite,mais d’autres, par ex. le remplacement du genre prochain par sa définition, nenuisent pas vraiment.

Le troisième (196, 6-197) examine la réelle possibilité d’une vraie définition.En premier lieu (196, 7-20), l’ordre des quatre questions de l’Isagogè y est discuté.

(63) Nous renvoyons à A.-M. GOICHON (éd., trad. et annoté), Avicenne. Livre des définitions(Mém. Avicenne, VI), Le Caire, 1963.

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Les premières lignes sont très proches de la 1DMbW, 157, 3-8. L’ensemble se laisserapprocher de al-6KLIb’, al-%XUKbQ, I, c. 5 (début). La question (196, 21-197, 5) sepose alors si, en voulant définir une chose, on ne risque pas un enchaînement àl’infini ? Selon al-*KD]]bO�, l’existence de concepts premiers, ainsi que deprémisses premières, nous en garde. La 1DMbW, p. 146, 13-147, 4 paraît avoirinspiré la question. La réponse, nonobstant sa tonalité avicennienne, a sans douteété rédigée par l’auteur même, car il en fut déjà question auparavant, p. 169-171.Enfin (197, 6-25), il est souligné que sans la présence d’un genre et d’une diffé-rence spécifique (ID�O�, aucune définition n’est possible ; il ne suffit donc pas dedonner un mot synonyme. De nouveau, nous n’avons pas trouvé de texte pouvantfaire figure de source plus ou moins directe. Toutefois, quand al-*KD]]bO� pré-sente la notion de PDZM�G (« ens ») comme exemple d’un mot de nature indéfinis-sable, il semble se fonder sur les 0DTb�LG, p. 141, 1-11 et/ou la 1DMbW, p. 496, 1-3.

Quant au quatrième chapitre (198-199, 12), cinq façons d’envisager ladéfinition – à savoir, facteur expliquant la signification d’un mot ; conclusion ouprincipe d’une démonstration, voire combinaison des deux ; définition de ce quin’a pas de cause – y sont analysées en pleine conformité avec la 1DMbW, p. 159, 7-160, 6. De plus, dans la partie consacrée à la définition parfaite, la 1DMbW, p. 157, 9-159, 6 et 164, 7-10 est mise à contribution. A la fin, al-*KD]]bO� ajoute, sans s’yattarder, que la description peut être considérée comme une sixième « sorte » dedéfinition.

Le cinquième (199, 13-201, 17) peut se diviser en deux parties. Dans lapremière (199, 13-200, 14), al-*KD]]bO�, en reformulant et en élargissant un peu la1DMbW, 146, 12-148, 9, insiste sur le fait qu’une définition ne peut jamais résulterd’une démonstration (EXUKbQ). Dans la seconde (200, 14-201, 17), il suit d’assezprès la 1DMbW, p. 149, 10-151, 2, bien qu’y ajoutant des illustrations dans ledomaine du fiqh. Il fait savoir en plus, sous forme de question-réponse, que ladéfinition est acquise selon la voie de la « composition » (�DU�T al-WDUN�E), enréférence à l’expression technique de al-�DUG wa l-‘aks, « coextensivité etexclusion réciproque » 64.

Les différents facteurs d’erreur concernant l’acte de définir ont tous rapportsoit au genre, soit à la différence spécifique, soit à une combinaison des deux.C’est le sujet du chapitre six (201, 18-203, 16), qui reprend presque littéralement(à quelques petits passages près) la 1DMbW, 171, 9-175, 1 65.

Enfin, le septième chapitre (203, 17-205) met en exergue l’effort humainextrême, nécessaire à l’établissement d’une vraie définition : il faut, sans

(64) W. HALLAQ, Ibn Taymiyya. Against the Greek Logicians, p. 10, § 15 (et n. 1), traduit par« coextensiveness and coexclusiveness » et spécifie que la première notion « represents the exactequivalence between the definition and the definiendum », tandis que la seconde « dictates that whenthe definition is absent the definiendum must be absent too ». Voir aussi J. VAN ESS, « The LogicalStructure of Islamic Theology », dans G. E. VON GRUNEBAUM (ed), Logic in Classical Islamic Culture,Wiesbaden, 1970, p. 21-50 (39).

(65) Dans le K. al-�XG�G, § 10-17, on trouve un texte similaire à celui de la 1DMbW, mais il est clairqu’al-*KD]]bO� a puisé dans le dernier ouvrage.

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ambiguïté aucune, fixer l’unique genre prochain, le caractère essentiel desdifférences, l’ensemble de ces différences essentielles de façon exhaustive et ladifférence spécifique, en tant que constituant l’espèce et divisant le genre.L’élaboration des trois premiers points rappelle le K. al-�XG�G, § 7 (p. 5). Pourcelle du dernier point, al-*KD]]bO� a pourtant choisi une autre source, à savoir la1DMbW, p. 152, 10-153, 9. A la fin (205, 1-5), al-*KD]]bO� note que les mutakal-OLP�Q, eu égard à ces exigences d’une difficulté extrême, se sont contentés de « cequi distingue » (al-mumayyiz). Ils ont par conséquent appelé définition « la parolequi rassemble et qui empêche » (al-qawl al-MbPL‘ al-PbQL‘) 66 : il suffit dementionner ce qui est propre, par ex. le cheval hennit. Cet exemple est mentionnéaussi par al-FbUbE�, al-4L\bV al-�DJK�U, p. 181, 13-14.

B. Définitions particulières

Dans une courte introduction (206-207, 7), al-*KD]]bO� insiste une fois de plus(voir ci-dessus A, troisième chapitre) sur le fait que l’acte de définir n’est pas sanslimite. En faisant référence au quatrième prologue du 7DKbIXt 67, il souligne deplus que le langage utilisé dans cette partie est celui des philosophes. Il l’illustreimmédiatement par deux définitions, reprises au K. al-�XG�G : celle de jinn(déf. 22) et celle de vide (déf. 39).

Al-*KD]]bO� présente alors quatorze 68 définitions qualifiées de « méta-physiques » (I� l-,ObKL\\bW) (207, 8-214), cinquante-cinq considérées comme« naturelles » (215-224) et six « d’ordre mathémathique » (225-226). Toutes cesdéfinitions, abstraction faite de quelques additions explicatives ou comparatives,se retrouvent littéralement, ou presque 69, dans le K. al-�XG�G d’Ibn 6�Qb. Lesdéfinitions de ‘définition’ et de ‘description’ avaient déjà été données auparavant(voir ci-dessus A, premier chap.), ainsi que celle de jinn (dans l’introductionprécédente) : l’ensemble des définitions du livre avicennien est ainsi repris, àl’exception (peu compréhensible) de la notion de hashsh, « friable » 70.

(66) Pour une analyse plus approfondie de cette notion, voir R. BRUNSCHVIG, « rbPL‘ 0bQL‘ »,dans A. M. TURKI (éd), Etudes d’islamologie, Paris, 1976, t. I, p. 355-357. IBN TAYMIYYA, Against theGreek Logicians, transl. W. HALLAQ, p. 12, § 18, déclare qu’à l’exception d’al-*KD]]bO� et de sesdisciples, « scholars of all other denomination … hold that the function of definition is to distinguishbetween the definiendum and other things ».

(67) AL-*+$=c/�, The Incoherence of the Philosophers. A parallel English-Arabic Text. Transl.,introd. and comm. by M. MARMURA, Provo, Utah, 1997, p. 9-10.

(68) L’édition mentionne à tort : quinze.(69) Certaines particularités du texte ghazzalien recoupent des variantes de l’apparat critique de

l’édition Goichon. Toutefois, n’ayant à notre disposition qu’une édition non-critique du texteghazzalien et une édition malgré tout semi-critique du texte avicennien, il nous est difficile, sinonimpossible, de juger des différences se présentant dans l’articulation de quelques définitions.

(70) Cette omission résulte peut-être d’une inattention de l’éditeur contemporain ; ou bien al-*KD]]bO� s’est-il rendu lui-même coupable d’une telle faute ? Quoi qu’il en soit, rien ne permet desupposer une omission volontaire.

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Dans la partie « métaphysique », al-*KD]]bO� cite d’abord les définitions deCréateur (K. al-�XG�G, § 17) 71, d’intellect (déf. 3), d’âme (déf. 4, § 25), d’intellectuniversel et intellect du tout (§ 26) 72, de l’âme universelle et de l’âme du tout(§ 27) selon l’ordre actuel (d’inspiration indéniablement néoplatonicienne) dutraité avicennien. Il les fait suivre par celle de malak, « ange » (déf. 17), pourterminer par les six dernières définitions du K. al-�XG�G : la cause, le causé, lestrois modes de « produire » : LEGb ‘, khalq et L�GbWK 73, et qadam, « l’antériorité-éternité ». Observons que des clarifications d’ordre « pédagogique » accompa-gnent de façon nette les sept premières définitions, mais disparaissent presquetotalement dans les sept autres. A deux reprises, il y a aussi une référence expliciteà la NDObP : la première fois (208, 13-23), sa compréhension particulière de lanotion de ‘aql, « intellect », est spécifiée ; la seconde fois (210, 8-10), il est sou-ligné que le terme jawhar y a un sens totalement différent de celui habituel de« substance » en philosophie, puisque signifiant « ce qui est localisé » (al-PXWD�D\\L]).

Cette même idée est répétée (219, 15-18) lors de l’exposé de la définition dejawhar, subsumée par al-*KD]]bO� sous les définitions « naturelles ». Mais cettefois-ci, il ajoute que selon les PXWDNDOOLP�Q le terme jawhar ne peut pas êtreattribué au Principe Premier, c’est-à-dire à Dieu 74.

Les autres définitions, tant « naturelles » que « mathématiques », sont iden-tiques, ou presqu’identiques, à celles d’Avicenne, et le nombre d’additions expli-catives est plutôt insignifiant. Eu égard à la nature de l’étude présente, il est doncinutile d’en offrir le détail 75.

(71) Dans l’édition Goichon, ce paragraphe fait partie de la définition de la « description », sansdoute à tort. N’est-il pas normal qu’Ibn 6�Qb fasse précéder les définitions de l’intellect et de l’âme parcelle de Dieu (ne fut-ce que par une désignation particulière telle que al-EbU�, « Créateur » – notion parailleurs présente dans le titre de la cinquième P�PbU de la Théologie d’Aristote) ?

(72) L’inclusion par A.-M. Goichon de ces deux définitions, ainsi que des deux suivantes, sous lasimple définition de l’âme a de nouveau (voir note précédente) de quoi surprendre.

(73) Pour la façon dont Ibn 6�Qb comprend ces notions, voir notre « Creation and Emanation in Ibn6�Qb », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale, VIII (1997), p. 455-477 (469-476).

(74) Il donne ainsi l’impression que les PXWDNDOOLP�Q, en opposition directe aux philosophes,refusent d’appeler Dieu jawhar. Pourtant, Ibn 6�Qb, dans la Métaphysique du 'bQHVK-1bPHK, chap. 25(et cela déjà explicitement dans le titre) affirme catégoriquement que Dieu n’est pas jawhar,affirmation reproduite par al-*KD]]bO� dans les 0DTb�LG, p. 216, 24. Comme dans le 7DKbIXW, voirnotre « Al-*KD]]bO�’s 7DKbIXW … », p. 14, il se pourrait qu’al-*KD]]bO� se limite à ce qui constitue laformulation la plus « aristotélicienne » d’Ibn 6�Qb.

(75) Une comparaison systématique entre les formulations des diverses définitions dans les deuxœuvres est plus que souhaitable, mais dépasse le cadre de cet article (et nécessiterait des éditionshautement critiques, voir supra n. 69). Pour d’autres éditions du livre avicennien, voir notre AnAnnotated Bibliography on Ibn 6�Qb (1970-1989) (Ancient and Med. Philos., Ser. I, t. XIII), Leuven,1991, p. 46 et An Annotated Bibliography on Ibn 6�Qb : First Supplement (1990-1994) (Textes etétudes du Moyen Age, 12), Louvain-la-Neuve, 1999, p. 23-24.

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62 JULES JANSSENS

QUATRIÈME PARTIE : LES DIVISIONS ($46c0) ET LES MODES ($�.c0) DE L’ÊTRE

En guise d’introduction (227-228, 3), al-*KD]]bO� précise que par « divisions »il renvoie aux catégories, et par « modes » aux accidents essentiels. Il le fait d’unefaçon qui rappelle la 1DMbW, p. 495, 1-496, 3.

A. Les catégories

Cette section (228, 4-239) analyse les dix catégories une à une.Dans une brève introduction (228, 4-11), la liste des catégories, telle qu’elle

avait été formulée dans la synthèse finale de la section sur les intentions simples dupremier livre 76, est reprise.

Puis l’analyse des différentes catégories est abordée. Celle de substance (228,12-231, 6) vient bien sûr en premier lieu. Il est d’abord (228, 13-229, 1) affirméavec Aristote, mais en suivant la 1DMbW, p. 496, 3 et 497, 1-5 (avec additiond’exemples), que l’être se divise en substance et accident et que la substance est« ce qui n’existe pas dans un sujet ». Puis (229, 2-11), NDObP et falsafa sontopposées l’une à l’autre quant à la façon de concevoir la substance : la NDObP secontente de dire « ce qui n’est pas dans un réceptacle » au lieu de « dans un sujet » ;les philosophes considèrent la « forme » et la « matière » (KD\�Ob) comme dessubstances. Cette partie a une base directe dans le K. al-�XG�G, p. 24, 2-8, 11-13 77.L’examen de la division fondamentale de substance (respectivement accident) enuniversel et particulier y fait suite (229, 11-230, 11) : ces lignes majeures sontdérivées d’al-)bUbE�, al-0DT�ObW, p. 41, 9-12, 42, 5-8 et 13-15 78, mais quelquesexemples illustratifs sont ajoutés. En s’inspirant du même ouvrage, i.e. 0DT�ObW,p. 43, 18-23, respectivement p. 42, 23-43, 6, al-*KD]]bO� apporte deux notesadditionnelles : la première (230, 11-16) souligne que la substance universelle nepeut exister sans l’existence d’individus ; la seconde (230, 16-23) évoque les divi-sions de la substance. En fin de compte (230, 24-231, 5), une nouvelle différenceentre PXWDNDOOLP�Q et philosophes est mise en valeur touchant la notion desubstance : appartenance de toutes les substances (en tant que « localisées ») à unseul genre (opinion défendue par la NDObP) versus chaque sustance a en elle-mêmela raison de sa distinction des autres (théorie de la falsafa). C’est incontesta-blement un apport personnel d’al-*KD]]bO�, indiquant par ailleurs ne pas vouloirprendre position à ce sujet, du moins dans le présent livre.

Quant à la catégorie de quantité (231, 5-232, 11), y compris les notions de lieu(PDNbQ), de temps (]DPbQ) et de discontinu (al-PXQID�LO), elle est rapportée en destermes presqu’identiques à ceux de la 1DMbW, p. 154, 2-15. Vers la fin, quelques

(76) Voir supra, p. 46.(77) Ibn 6�Qb donne « ce qui n’est pas dans un réceptacle » comme « une » des différentes

significations de substance, mais il ne fait aucune référence à la NDObP. Toutefois, rien n’empêchequ’il se soit basé sur la formule de la NDObP.

(78) Nous renvoyons à l’édition de 'c1(6+�3$=+8+, Al-PDQ�LTL\\bW lil-)bUbE�, Qom, 1409 h.,p. 41-82.

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lignes se laissent par contre rapprocher d’al-)bUbE�, al-0DT�ObW, p. 44, 22-45, 2 et45, 7-11.

La section sur la qualité (232, 12-233, 11) décalque une fois encore presquelittéralement la 1DMbW, plus précisément p. 155, 2-156, 7, mais commence par troislignes inspirées des 0DT�ObW d’al-)bUbE�, p. 50, 21-24.

L’exposé de la catégorie de relation (233, 12-234) combine plusieurs sources :la 1DMbW, p. 154, 16-155, 1 et les 0DT�ObW (al-)bUbE�), p. 55, 10-12 ; 56, 7-14 et 57,5-58, 3, où un passage inséré se fonde sur la p. 56, 15-18. La façon dont la relationest dite être présente dans d’autres catégories paraît par contre avoir été inspiréepar al-6KLIb’, ,ObKL\\bW, p. 152, 8-153, 6.

Pour la catégorie de ubi (235, 1-16), al-*KD]]bO� utilise la 1DMbW, p. 156, 8-9 etles 0DT�ObW (al-)bUbE�), p. 61, 15-62, 12 et pour celle de quando (235, 17-238, 12),les 0DT�ObW (al-)bUbE�), p. 60, 1-3 ; 60, 7-21 et 61, 6-14.

La position (236, 13-237, 8) est évoquée en combinant la 1DMbW, p. 156, 12-14avec les 0DT�ObW (al-)bUbE�), p. 62, 16-20 (source « lointaine ») et p. 63, 11-19(source « proche »). Regardant la catégorie de habitus (237, 9-16), al-*KD]]bO�utilise seulement les 0DT�ObW (al-)bUbE�), p. 63, 20-64, 5.

Concernant la catégorie d’action (237, 17-238, 4), l’affirmation de base dérivede la 1DMbW, p. 156, 18-19. Elle est pourvue d’un « commentaire explicatif », rédigéprobablement par al-*KD]]bO��lui-même.

Enfin, la catégorie de passion (238, 5-15) est présentée sur la base d’unecombinaison entre la 1DMbW, p. 157, 1-2 et les 0DT�Obt (al-)bUbE�), p. 64, 8-23 (avecquelques modifications). Al-*KD]]bO� observe en plus que pour les « Gens de lavérité », Ahl al-�DTT 79, la passion résulte de l’agent par « coutume générale » (al-‘bGD al-PX��DULGD), tandis que pour les philosophes et les Mu‘tazilites, c’est par« nécessité naturelle » (mDU�UDW al-jibilla).

Dans la conclusion finale (238, 15-239), al-*KD]]bO� argumente sur lecaractère scientifique et démonstratif de ces dix catégories, nonobstant la possibi-lité du doute dans la catégorisation, surtout au niveau de la relation. La formula-tion de ce doute s’inspire vaguement des 0DT�ObW (al-)bUbE�), p. 58, 24-59.Toutefois, les 0DT�ObW (al-)bUbE�), p. 54, 4-7 sont presque littéralement repro-duites à la fin.

B. Les modes de l’être

Après une brève introduction (240, 3-7) énumérant les principaux modes,ceux-ci sont présentés en six rubriques sous forme de couples d’opposés : cause-effet (240, 8-241, 8) ; puissance-acte (241, 9-242, 15) ; antériorité-postériorité(242, 16-244, 8) ; universalité-particularité (244, 9-247, 14) ; unité-multiplicité(247, 15-249, 1) ; possibilité-nécessité (249, 2-251, 24).

(79) Référence aux sunnites-ash‘arites, voir F. JABRE, La notion de certitude selon Ghazali dansses origines psychologiques et historiques, p. 541.

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64 JULES JANSSENS

De larges extraits de la Métaphysique de la 1DMbW y sont mis à contribution. Envoici le détail : p. 518, 7-522, 6 (certaines phrases [presque] littéralement repro-duites, mais aussi de brèves additions et omissions ; la fin [p. 520-22] est résuméeen quelques mots) pour cause-effet ;

524, 7-525, 22 (quelques légères retouches) pour puissance-acte ;532, 14-533, 2 et 540, 7-541, 15 (quelques additions mineures) pour

antériorité-postériorité ;536, 7-540, 6 (début assez modifié et additions de nature explicative, ayant une

fois rapport à la NDObP) pour universalité-particularité ;544, 1-545 (additions mineures, dont une évoque une fois encore la NDObP)

pour unité-multiplicité ;546-553 (surtout 546, 3-4 ; 546, 11-547, 2 ; 547, 8-17 ; 548, 9-16 ; 550, 9-12 ;

551, 8-10 ; 553, 9-10 et 16-19 – y compris de légères modifications et/ouadditions) 80 pour possibilité-nécessité.

Regardant le dernier couple, il utilise aussi (249, 3-22) la partie logique, plusprécisément p. 30, 6-34, 7 pour l’explication des quatre significations de‘possible’ (la quatrième ne rappelle que très vaguement le texte de la 1DMbW ; quantaux autres, des éléments littéraux sont présents). En outre, deux additions méritentune mention spéciale : l’une (242, 8-15) concerne la puissance active, qui sembleimpliquer une nécessité absolue ; l’autre (243, 1-17) pointe sur une difficulté dansl’affirmation des philosophes disant que le monde est éternellement « originé »(PX�GDWK). Al-*KD]]bO� renvoie pour la solution de ces deux « difficultés » au7DKbIXW. Il se contente ici de présenter la façon de penser des philosophes par lebiais du seul Ibn 6�Qb, voire d’un seul ouvrage de lui.

CONCLUSION

Selon al-*KD]]bO� (21, 25-25, 2), le présent livre n’a d’autre but que d’ouvrir lavoie à la véritable connaissance, nécessaire au bonheur parfait. Toutefois, cedernier nécessite aussi une bonne conduite dont il exposera les règles dans un autrelivre, intitulé : 0Ð]bQ al-‘amal 81.

(80) R. FRANK, Creation and the Cosmic System : $O�*KD]bO� and Avicenna, p. 72, observe en cequi concerne l’affirmation de la nécessité absolue de l’Être nécessaire (251, 13-16) : « al-*KD]bO�would seem intentionally to mimic the language of Avicenna ». En fait, il ne se limite pas à imiter, maiscopie (presque) verbatim la 1DMbW, p. 153, 9-10 et 16-19 en intercalant seulement « de sorte qu’il (l’Êtrenécessaire) ne soit pas substrat pour les choses originées et qu’il ne soit pas sujet au changement », cequi n’implique en rien un changement de perspective. Nous doutons donc qu’al-*KD]]bO� propose unereformulation ash‘arite.

(81) Plus tard, nous comptons publier un bilan des sources utilisées dans le 0�]bQ, tel que nousvenons de le faire pour le Mi‘\bU.

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Bilan final

L’essentiel de ce manuel de logique dérive de deux livres farabiens : al-4L\bVal-�DJK�U et al-0DT�ObW (auxquels on peut ajouter quelques références minimes àl’ouvrage al-$OIb�), ainsi que de quatre livres avicenniens : 1DMbW (logique etmétaphysique), ,VKbUbW (logique), 'bQHVK-1bPHK (logique) et K. DO��XG�G.Certains passages peuvent être rapprochés de différents volumes du 6KLIb’, plusparticulièrement des 0DT�ObW, mais on ne peut pas exclure a priori qu’al-*KD]]bO�disposait d’un texte proche de, mais non identique à, la 1DMbW 82. Quoi qu’il en soit,il est impressionant de voir comment al-*KD]]bO��a intégré ces différents textes,d’autant plus qu’il semble avoir eu un recours direct, il est vrai dans quelques casexceptionnels, aux textes d’Aristote. Bien sûr, seule une comparaison détailléeentre sa rédaction et les formulations des sources permettrait une valorisationprécise de son propre apport. A défaut d’éditions critiques et eu égard à l’ampleurd’une telle entreprise, nécessitant incontestablement une monographie, nous noussommes limités à en signaler les grandes lignes. Elles nous ont révélé nonseulement une combinaison de plusieurs ouvrages, mais aussi de deux, voire troisauteurs. Contrairement aux 0DTb�LG 83, la présence de ‘IDObVLID’ dans le titre duprésent ouvrage aurait été pleinement justifiée. Le lien étroit avec le 7DKbIXW estindéniable, car explicité à plusieurs reprises. Par contre, l’interprétation du 0Ls\bUn’est pas simple : au niveau purement logique, al-*KD]]bO� paraît accepter, voirevouloir promouvoir la logique des philosophes ; par contre, quand il s’agit denotions de métaphysique, il semble parfois exprimer des réserves, mais jamais defaçon claire et nette. Sous le prétexte de n’exposer que les idées des philosophes,de sorte qu’elles deviennent accessibles dans leur vraie signification aux adeptesde la NDObP, il se contente de constater des différences au niveau de la compré-hension fondamentale entre PXWDNDOOLP�Q et philosophes. Toutefois, ce qui ne faitaucun doute, c’est la grande familiarité d’al-*KD]]bO� avec les œuvres des deuxgrands philosophes arabo-islamiques ayant vécu avant lui.

Jules JANSSENS est collaborateur du Centre De Wulf-Mansion, K.U. Leuven,attaché à l’Université de Louvain et enseignant à l’Athénée de Bruxelles. Depuis1996, il est chargé par l’Académie Royale de Belgique de l’édition de l’AvicennaLatinus, Physique 2 et 3. Il a publié de nombreux articles, parmi lesquels :

« Ibn Sînâ’s Ideas on Ultimate Reality and Meaning. Neoplatonism and theQur’ân as Problem-Solving Paradigms in the Avicennian System », UltimateReality and Meaning, 10 (1987), 252-271 ;

(82) Rien n’indique en effet une utilisation systématique du 6KLIb’.(83) Voir supra, n. 11.

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66 JULES JANSSENS

« L’idéal politique selon le Nahj al-Balâghah », al-Muntaka, 5 (1989-1990),9-33 ;« Le Ma‘ârij al-quds fî madârij ma‘rifat al-nafs : un élément-clé pour le dossierGhazzâlî-Ibn Sînâ ? », AHDLMA, 60 (1993), 27-55 ;« The Problem of Emanation and Creation in Ibn Sînâ », Documenti e studi sullatradizione filosofica medievale, 8 (1997), 455-477 ;« L’Avicenne latin : un témoin (indirect) des commentateurs (Alexandred’Aphrodise, Thémistius, Jean Philopon) », dans R. BEYERS, J. BRAMS, D. SACRE,K. VERRYCKEN (eds), Tradition et traduction. Les textes philosophiques etscientifiques au moyen âge latin. Hommage à F. Bossier, Leuven, UniversityPress, 1999, 89-105 ; ainsi que :An Annotated Bibliography on Ibn Sînâ (1970-1989). Including Arabic andPersian Publications, and Turkish and Russian References (Ancient andMedieval Philosophy, Series I, t. XIII), Leuven, University Press, 1991 ; AnAnnotated Bibliography on Ibn Sînâ : First Supplement (1990-1994) (FIDEM,Textes et Études du Moyen Age, 12), Louvain-la-Neuve, FIDEM, 1999.

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