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QUELQUES REMARQUES SUR LE PASSAGE DU SON AU SENS Alain Didier-Weill ERES | Insistance 2011/1 - n° 5 pages 11 à 13 ISSN 1778-7807 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-insistance-2011-1-page-11.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Didier-Weill Alain, « Quelques remarques sur le passage du son au sens », Insistance, 2011/1 n° 5, p. 11-13. DOI : 10.3917/insi.005.0011 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h56. © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h56. © ERES

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QUELQUES REMARQUES SUR LE PASSAGE DU SON AU SENS Alain Didier-Weill ERES | Insistance 2011/1 - n° 5pages 11 à 13

ISSN 1778-7807

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-insistance-2011-1-page-11.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Didier-Weill Alain, « Quelques remarques sur le passage du son au sens »,

Insistance, 2011/1 n° 5, p. 11-13. DOI : 10.3917/insi.005.0011

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Distribution électronique Cairn.info pour ERES.

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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INSISTANCE N° 5 11

QUELQUES REMARQUESSUR LE PASSAGE DU SON AU SENSAlain Didier-Weill

Alain Didier-Weill, psychanalyste.

Pourquoi le jour où Freud regardant et écoutant son petit-fils jouer au jeu de la bobine, entendit-il « O-A » et non « A-O » ?Parce qu’avant même de comprendre l’alternance du sens (absence-présence) il avait entendu, à travers ces deux voyelles, l’alternance par laquelle le son est promu à l’existence par le rythme musical : il n’y a d’auditeur de musique qu’à partir du moment où un récepteur entend, sans qu’on ait à lui expliquer quoi que ce soit, l’existence d’une pulsa-tion rythmique qui ne peut exister qu’à une condition : l’auditeur doit percevoir l’existence d’un début, d’un commencement absolu – le premier temps – qui détient le pouvoir absolument énigmatique de laisser supposer l’imminence d’un deuxième temps qui va fugitivement effacer le premier temps, en lui offrant par là même, les conditions de possibilité de son retour. La possibilité de perception de ce retour fait qu’à tout moment, en écoutant une musique, je suis à même de repérer le premier temps et d’entendre ainsi que quelque chose est premier.Je pense que c’est la possibilité de reconnaître cette chose première – ce par quoi la pulsation du temps peut indéfiniment recommencer en ne s’autorisant que d’elle-même, qui poussa Freud à entendre chez ce fils du langage qu’était son petit-fils, l’existence d’un commencement

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12 INSISTANCE N° 5

L’INCONSCIENT ET SES MUSIQUES

absolu non pas dans la voyelle « A » mais, dans la voyelle « O ».Le passage du couple « O-A » au couple « Fort-Da » pose cette question : comment passer du chant à la parole ? Avant de parler l’humain serait-il porté – comme le supposait déjà Jean-Jacques Rousseau – à chanter ?Autrement dit, comment comprendre le passage du son continu de la voyelle par lequel la voix laisse sonner son chant, au son discontinu intro-duit par la consonne ? Posons que c’est avec la consonne qu’apparaît le mot par lequel un dire soustrait le sujet en devenir au règne exclusif du son pour l’exposer au règne du sens. Il s’agit d’examiner en quoi consiste la mutation intro-duite par le passage du couple sonore « O-A » au couple phonématique « Fort-Da ».Cette mutation est une inversion : alors que ce qui commence absolument avec le mot « Fort » est le sens de l’absence originaire (refoulement originaire) 1, ce qui commence absolument avec la voyelle « O » est, tout au contraire, présence de l’existence d’un premier temps procréateur d’une poursuite rythmique fondant le sujet à se constituer comme un éternel poursuivant.Cette inversion est sans doute introduite pas le refoulement originaire qu’on peut, entre autre, comprendre comme un oubli radical du son premier : cet oubli permet de fonder le sens à partir de « l’ab-sens ».Ce passage du son au sens est aussi ce par quoi le sujet peut passer des lois de l’harmonie aux lois de la parole.Alors que la loi de l’harmonie nous initie à ce que sont le possible et l’impossible, la loi de la parole règne, tout au contraire, à partir de l’ins-

tauration de l’interdit. Ce que l’Harmonie rend possible sont les rencontres rendues vivantes par les lois de la tonalité qui instaurent entre les sept sons des rapports consonants ou disso-nants avec la tonique. Ce rapport est éventuel-lement pensable en termes sexués pour autant que dans certaines traditions il est dit de la note tonale (par exemple Do) qu’elle est le roi et que sa quinte, (le sol), sera dite la reine.Qu’il y ait consonance entre do et sol signifie que les harmoniques du do et du sol sont communes et peuvent entrer en résonance les unes avec les autres.Mais que se passe-t-il si on réduit l’écart tonique-quinte d’un demi ton et que l’on laisse ainsi entendre l’écart do-sol bémol ? Une catastrophe sonore qui fait entendre un écart musical nommé « triton diabolicum » par les pères de l’église. Pourquoi cette nomination n’est-elle pas sans raison ? Parce qu’elle fait entendre une disso-nance éminemment dangereuse ; en effet entre le do et le sol bémol il n’y a aucune harmoniques communes de telle sorte que ces deux notes, si elles sont jouées ensemble, font entendre qu’elles n’ont aucun rapport commensurable.Pourquoi la perfection de l’accord parfait « do-mi-sol » était-elle divine ? Parce qu’elle faisait entendre à travers la consonance des trois sons – métaphoriquement identifiés par saint Augustin au Père au Fils et au Saint Esprit – que la trinité faisait entendre l’Un. Inversement l’accord do-mi-sol bémol était dit diabolique car, par sa dissonance, il ruinait l’existence de la trinité chrétienne. S’il était interdit de faire entendre l’écart de triton c’est parce que ces deux notes laissaient entendre l’existence d’un

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INSISTANCE N° 5 13

QUELQUES REMARQUES SUR LE PASSAGE DU SON AU SENS

impossible rapport entre le sujet et l’Autre : alors que la possibilité d’un rapport entre le roi et la reine, entre l’homme et la femme, entre le sujet et l’Autre, est possible si le sujet est placé en do et que l’Autre est placé en sol, ce rapport devient impossible si l’Autre est placé, par rapport au sujet, dans un rapport de triton, c’est-à-dire un rapport où est mis en évidence la part de non-rapport, d’incommensurable, entre le sujet et l’altérité signifiante.Que se passe-t-il quand le sujet rencontre une altérité sans commune mesure ? Là où il ne peut pas penser cet impossible, il peut le danser avec son pied ou avec sa main qui peint. Le pouvoir de ce triton, qui n’est autre que celui de la « blue note » et celui du mode phrygien de Dionysos, est prodigieux : par sa fréquentation les auditeurs de Dionysos deviennent danseurs, les esclaves du Mississippi se redressent pour chanter le blues et, comme le fit remarquer Lacan, le psychana-lyste peut rencontrer l’enthousiasme.Je conclurai en disant que la fonction de l’interdit symbolique est d’interdire la disparition de cet impossible que la musique peut faire sonner pour nous.

Résumé : En supposant que la langue arrive à l’enfant à travers le chant des voyelles qui permet la production d’une continuité entre, par exemple, « O » et « A », comment devons-nous comprendre la transition vers le mot qui exige l’introduction de la consonne ? Est-ce le « Fort-Da » qui rend cette discontinuité possible ?

Mots-clés : Consonne, voyelle, chant, mot.

Abstract : Assuming the language befalls the infant through the singing of vowels which allows for the production of a continuity between for example « o » and « a », how should we understand the transition towards the word which requires the consonant ? Does this latter make the « Fort-Da » discontinuity possible ?

Keywords : Consonant, vowel, singing, word.

Resumen : Si el lenguaje le adviene al niño de pecho con el cantar vocales que permiten la producción de una continuidad entre, por ejemplo « o » y « a », como puédese comprender el pasar a la palabra la cual necesita la consonante. ¿ Es a través de ésta que la discontinuidad « Fort-Da » se vuelve posible ?

Palabras clave : Consonante, vocal, canto, palabra.

1. Sur cette question, le livre de Dominique Bertrand Le diabolus des sages est absolument incontournable.

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