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Santé-Mag - N° 03 Février 2012 44 SANTÉ ET BIEN ETRE L ’humanité doit faire face à un double problème : nourrir l’ensemble de la population, en utilisant des moyens industriels, pour faire face à la demande, mais, aussi, la nourrir de façon qualitative, sans la ren- dre malade. Les produits alimentaires, que nous trouvons sur le marché, peuvent contenir des substances non natu- relles, liées aux pratiques agricoles, à la pollution de l’envi- ronnement ou aux emballages alimentaires. Aujourd’hui, partout et devenus incontournables, les ré- frigérateurs, les pesticides ou, encore, les additifs alimen- taires n’ont, pourtant, pas, toujours, existé. L’alimentation a, énormément, évolué, depuis l’apparition de l’agriculture, il y a 10.000 ans, passant d’une agriculture « biologique » à une agriculture intensive, au XX e siècle, indissociable de ce que l’on appelle l’industrie agroalimentaire. Les dates clé de l’industrialisation de l’alimentation : • 1790 : les prémices de la stérilisation. Fin du XVIII e siècle, une nouvelle méthode de conser- vation (autre que le salage, le fumage et le séchage) est in- ventée, par un britannique, à base de chauffage des aliments dans des boîtes, hermétiquement, closes. Cette méthode, appelée stérilisation, sera, bientôt, répandue en Europe et dans le monde entier. • 1913 : l’électroménager. Début de l’électroménager, dans les cuisines. Le premier réfrigérateur est construit et sera commercialisé, pour les particuliers, en 1926. Le congélateur arrivera, bien plus tard, dans les années 1960, quasiment en même temps que le four à micro-ondes (1959). • 1929 : industries agroalimentaires. Les grosses entreprises agroalimentaires commencent à voir le jour. • 1930 : début des pesticides chimiques. Grâce au développement des armes chimiques de guerre, des molécules chimiques, utiles à l’agricul- ture, ont pu être découvertes. C’est le début des pes- ticides de synthèse, des herbicides et des fongicides. • 1961 : additifs alimentaires. Les additifs alimentaires sont, maintenant, recensés et contrôlés par un code alimentaire. • 1990 : scandales alimentaires. Cette décennie voit apparaître des scandales alimentaires, comme la vache folle en 1996, et les dioxines en 1999. Les additifs alimentaires permettent d’améliorer le goût des produits, issus de l’industrie agroalimentaire, leur tex- ture, leur aspect visuel, ou leur durée de conservation. D’où viennent ces molécules, aux noms étranges et quels sont leurs effets sur la santé ? Les additifs alimentaires sont des molécules ajoutées aux aliments en petites quantités, et permettent d’ajuster le goût, la couleur, ou de donner au produit une consistance inté- ressante. Ces molécules sont recensées et contrôlées par une organisation internationale, la Commission du Codex Alimentarius. Ils sont classés en de nombreuses catégories (23), dont voici les principales. Les colorants, qui donnent de la couleur aux aliments (la chlorophylle, E140). Les conservateurs, qui donnent une durée de vie, plus longue, au produit (le dioxyde de carbone ou E290). les antioxydants qui, empêchent l’oxydation des produits (la vitamine E, E307). Les émulsifiants stabilisent l’émulsion et évitent que deux phases se séparent, comme dans les vinaigrettes (la cellu- lose, E460). les épaississants et gélifiants, qui renforcent la tenue d’un ali- ment trop liquide (la gomme xanthane ou E415). Nos aliments participent à la construction de notre organisme. Leur qualité est, donc, essentielle ! Pesticides, antibiotiques, phtalates ou bisphénol, que consommez-vous réellement et quels sont les risques ? Aliments : une source de produits dangereux ?

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Santé-Mag - N° 03 Février 201244

SANTÉ ET BIEN ETRE

L’humanité doit faire face à un double problème :nourrir l’ensemble de la population, en utilisant

des moyens industriels, pour faire face à la demande,mais, aussi, la nourrir de façon qualitative, sans la ren-dre malade. Les produits alimentaires, que nous trouvonssur le marché, peuvent contenir des substances non natu-relles, liées aux pratiques agricoles, à la pollution de l’envi-ronnement ou aux emballages alimentaires. 

Aujourd’hui, partout et devenus incontournables, les ré-frigérateurs, les pesticides ou, encore, les additifs alimen-taires n’ont, pourtant, pas, toujours, existé. L’alimentationa, énormément, évolué, depuis l’apparition de l’agriculture,il y a 10.000 ans, passant d’une agriculture « biologique » àune agriculture intensive, au XXe siècle, indissociable de ceque l’on appelle l’industrie agroalimentaire.

Les dates clé de l’industrialisation de l’alimentation :• 1790 : les prémices de la stérilisation.Fin du XVIIIe siècle, une nouvelle méthode de conser-

vation (autre que le salage, le fumage et le séchage) est in-ventée, par un britannique, à base de chauffage des alimentsdans des boîtes, hermétiquement, closes. Cette méthode,appelée stérilisation, sera, bientôt, répandue en Europe etdans le monde entier.

• 1913 : l’électroménager.Début de l’électroménager, dans les cuisines. Le premier

réfrigérateur est construit et sera commercialisé, pour lesparticuliers, en 1926. Le congélateur arrivera, bien plus tard,dans les années 1960, quasiment en même temps que lefour à micro-ondes (1959).

• 1929 : industries agroalimentaires.Les grosses entreprises agroalimentaires commencent à

voir le jour.• 1930 : début des pesticides chimiques.

Grâce au développement des armes chimiques deguerre, des molécules chimiques, utiles à l’agricul-ture, ont pu être découvertes. C’est le début des pes-ticides de synthèse, des herbicides et des fongicides.

• 1961 : additifs alimentaires.Les additifs alimentaires sont, maintenant, recensés et

contrôlés par un code alimentaire.• 1990 : scandales alimentaires.Cette décennie voit apparaître des scandales alimentaires,

comme la vache folle en 1996, et les dioxines en 1999.Les additifs alimentaires permettent d’améliorer le goût

des produits, issus de l’industrie agroalimentaire, leur tex-ture, leur aspect visuel, ou leur durée de conservation. D’oùviennent ces molécules, aux noms étranges et quels sontleurs effets sur la santé ?

Les additifs alimentaires sont des molécules ajoutées auxaliments en petites quantités, et permettent d’ajuster le goût,la couleur, ou de donner au produit une consistance inté-ressante. Ces molécules sont recensées et contrôlées parune organisation internationale, la Commission du CodexAlimentarius. Ils sont classés en de nombreuses catégories(23), dont voici les principales.

Les colorants, qui donnent de la couleur aux aliments (lachlorophylle, E140).

Les conservateurs, qui donnent une durée de vie, pluslongue, au produit (le dioxyde de carbone ou E290).

les antioxydants qui, empêchent l’oxydation des produits(la vitamine E, E307).

Les émulsifiants stabilisent l’émulsion et évitent que deuxphases se séparent, comme dans les vinaigrettes (la cellu-lose, E460).

les épaississants et gélifiants, qui renforcent la tenue d’un ali-ment trop liquide (la gomme xanthane ou E415).

Nos aliments participent à la construction de notre organisme. Leur qualitéest, donc, essentielle ! Pesticides, antibiotiques, phtalates ou bisphénol, queconsommez-vous réellement et quels sont les risques ?

Aliments : une sourcede produits dangereux ?

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Les acidifiants, qui augmentent l’acidité des aliments (l’acidecitrique ou E330).

Les exhausteurs, qui augmentent la perception du goût (laglycine ou E640).

Les édulcorants, qui rendent les aliments sucrés (le sorbitolou E420).

Ils portent, tous, un numéro SINxxx ou Exxx. Beaucoupd’entre eux sont des molécules naturelles, comme la vita-mine C (E300 ou acide ascorbique), ou la lécithine (E322),un émulsifiant issu des œufs ou du soja. Globalement, cesmolécules ne présenteraient que peu de risques pour lesconsommateurs, excepté dans les cas d’allergies ou d’into-lérances. Elles sont, malgré tout, très contrôlées, chacuneayant sa propre fiche signalétique résumant les études scien-tifiques réalisées sur la molécule, et présentant ses caracté-ristiques et ses potentiels dangers.

Certains de ces additifs sont-ils, malgré tout, potentielle-ment dangereux? Faisons le point sur l’aspartame, le caramelcolorant, les parabènes, le propylène glycol et la saccharine :

Dans un communiqué, daté de 2006, l’Institut de cancé-rologie Gustave Roussy alertait sur la circulation d’un do-cument, mensonger, présentant une liste de substances,dont près d’une vingtaine qualifiées de «toxiques », « can-cérigènes » ou de « suspectes ». Pourtant,tous les additifs ne sont pas, totalement,inoffensifs ou manquent, parfois,d’études sérieuses et fiables, permettantd’assurer leur innocuité. Ainsi, certainssont autorisés dans tous les pays, d’autresnon, et si beaucoup sont encore étudiés,certains font l’objet d’études renforcées.

L’aspartame, un édulcorant très ré-pandu, possède un pouvoir sucrant 200

fois supérieur à celui du sucre (le saccharose). Depuis plusde vingt ans, cette substance inquiète certains scientifiques,une inquiétude qui s’est transmise aux consommateurs. 

En 2009, une étude  avait conclut qu’il n’existait pas d’élé-ment indiquant un potentiel génotoxique ou cancérigènede l’édulcorant aspartame et qu’il n’était, par conséquent,pas nécessaire de modifier la dose journalière acceptable(DJA) précédemment établie à 40 milligramme, par kilo-gramme de poids corporel, par jour. Après deux études pa-rues en 2010, l’une sur le potentiel carcinogène, chez lessouris exposées à l’aspartame, par le biais de leur alimenta-tion, et une étude épidémiologique examinant l’associationentre la consommation de boissons, non alcoolisées conte-nant des édulcorants artificiels et le risque, accru, d’accou-chement prématuré.

Caramel colorant (E150c)  :En mars 2011,  la réévaluation du colorant caramel E150c

a conduit à une diminution de sa dose, journalière accep-table, à 100 milligrammes, par kilogramme de poids cor-porel par jour, pour prendre en compte un, potentiel, effetsur le système immunitaire de l’un de ses constituants, le 2- acétyl-4-tétrahydroxibutylimidazole (ou THI).

Parabènes (E216 et E217) :Utilisés comme conservateurs, les pa-

rabènes E216 (p-hydroxybenzoate depropyle) et E217 (p-hydroxybenzoate depropyle sodique) ont été retirés de la listedes substances autorisées, dans l’Unioneuropéenne, en 2004, pour cause de ré-évaluation de leur dose journalière, ac-ceptable. Les parabènes sont, aussi,

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retirés, peu à peu, des produits cosmétiques, où ils sont ac-cusés de provoquer des cancers ou de diminuer la fertilité,du fait de leur interaction avec les récepteurs hormonauxœstrogéniques.

Propylène glycol (E1520)  :Le propylène glycol (E1520) est utilisé comme émulsi-

fiant, et est considéré, par certains, comme un additif ali-mentaire dangereux. Pourtant, des études ont été réaliséeset démontrent que les doses létales 50 sont élevées (entre18 et 24,9 grammes par kilogramme de poids corporel enfonction des animaux testés), que le produit n’est pas can-cérigène, pas mutagène, n’affecte pas la fertilité. Il sembletoutefois que le chat soit plus sensible que les rongeurs (ladose, sans effet toxique, étant inférieure à 675 milli-grammes, par kilogramme de poids corporel, contre 1.700à 2.000, chez le rat et le chien).

Saccharine (E954) :La saccharine est le plus ancien édulcorant, mais est, au-

jourd’hui, moins utilisé que l’aspartame, du fait de son ar-rière-goût métallique. Suspectée d’être cancérigène, suite àde nombreuses études, démontrant son effet sur les ron-geurs, elle a, longtemps, été boudée aux États-Unis. Lesdoses, utilisées dans les produits alimentaires, étant beau-coup plus faibles que celles accusées de provoquer des pro-blèmes de santé chez les animaux, la saccharine est,aujourd’hui, autorisée, sans obligation de mise en garde,pour la santé.

L’UTILISATION DES PESTICIDES :Pour améliorer les rendements, des pesticides sont utili-

sés par les agriculteurs ou les éleveurs, évitant, ainsi, la pro-pagation de micro-organismes ou d’insectes, sur leursproduits. Quelles conséquences pour le consommateur ?

Substances répandues sur les cultures agricoles, les pes-ticides ou « produits phytosanitaires » ont pour rôle de lut-

ter contre des organismes nuisibles et deprotéger les cultures. C’est un terme,très générique, qui rassemble les insecti-cides, les fongicides, les herbicides, lesparasiticides. 

De 1945 à 1985, la consommation depesticides a doublé, tous les dix ans, dufait de leur efficacité et de leur faibleprix, pour, finalement, décroître aucours de dernières années, grâce à unmeilleur contrôle de leur utilisation.

Selon un rapport de l’Autorité euro-péenne de sécurité des aliments, daté dejuillet 2010, les produits alimentaires eu-ropéens seraient contaminés par despesticides. Sur les 70.000 produits tes-

tés, dont 200 appartenant à des catégories d’aliments biendifférentes, la grande majorité d’entre eux (96,5 %) conte-naient ces substances, dans les limites autorisées, menantl’EFSA à conclure que l’exposition, à long terme, desconsommateurs, ne mettait pas en danger leur santé. Enrevanche, pour 137 produits, leur consommation, engrande quantité, induirait un dépassement des doses cri-tiques.

UTILISATION DES ANTIBIOTIQUES, DANS LES ÉLEVAGES :

Les antibiotiques sont utilisés, en médecine vétérinaire,pour soigner les élevages de bovins ou d’ovins. Se retrou-vent-ils dans nos assiettes et y’a-t-il un risque, pour notresanté?

Introduits, de façon courante, au XXe siècle, les antibio-tiques renferment de nombreuses familles (pénicillines,aminosides, cyclines, quinolones…), dont les modes d’ac-tion sont différents, mais qui ont, tous, la particularité detuer ou de limiter la croissance des bactéries pathogènes.Certaines familles sont, ainsi, plus efficaces que d’autres,pour cibler des souches bactériennes, alors que d’autresbactéries seront, davantage, affectées par une autre familled’antibiotiques.

Les antibiotiques sont utilisés, très fréquemment, chezl’Homme, mais, aussi, chez les animaux d’élevage, destinésà produire de la viande, comme les poulets, les bovins oules ovins. Les antibiotiques utilisés sont, d’ailleurs, généra-lement similaires à ceux administrés aux Hommes. En plusde cet usage, purement médical, les antibiotiques ont, aussi,été utilisés, pour favoriser la croissance des animaux (quigagneraient 3 % de masse), sans que l’on ne connaisse leprocessus, métabolique, de cette prise de poids.

RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES, UN RISQUE POUR LA SANTÉ HUMAINE :

Les antibiotiques ne sont pas, directement, dangereux

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SANTÉ ET BIEN ETRE

pour la santé hu-maine. Les molé-cules n’agissent

que sur les systèmes bactériens, et sont, donc, pour la plu-part, inoffensifs pour les cellules humaines.

En revanche, il existe un risque, indirect, pour lesconsommateurs de viande : ce sont les zoonoses. En avril2010, l’Autorité européenne de sécurité des aliments(EFSA) consacrait un dossier sur ces maladies, qui se trans-mettent, facilement, de l’animal à l’Homme, et leur lien avecl’utilisation des antibiotiques. L’utilisation, en masse ouinappropriée, des antibiotiques est, en effet, une cause, ma-jeure, de l’émergence des résistances de certaines bactériesà certaines classes d’antibiotiques.

Les bactéries résistantes, qui se développent dans les ani-maux, peuvent être transmises à l’Homme, principalement,par le biais de la viande. Escherichia coli, Salmonella, Cam-pylobacter, Enterococcus et Staphylococcus aureus, peu-vent donc causer des maladies infectieusesgastro-intestinales qui peuvent être difficiles à soigner. Lesgènes de résistance, portés par les bactéries résistantes, peu-vent, aussi, être transmises à d’autres espèces bactérienneset les rendre, elles-mêmes, résistantes.

D’après l’OMS, au moins 61 % des pathogènes, touchantl’Homme, sont des zoonoses et les trois quart des mala-dies, ayant émergé ces dix dernières années, sont d’originezoonotiques. Cette résistance, progressive, des bactéries auxantibiotiques, est un vrai problème de santé publique. 

LA MAUVAISE UTILISATION DES ANTIBIOTIQUES :

Les antibiotiques, utilisés pour traiter les animaux d’éle-vage, sont un, véritable, problème de santé publique, car ilsprovoquent une résistance des bactéries, à ces molécules.Leur utilisation a augmenté, entre 1999 et 2009 (atteignant1.067 tonnes), avec un niveau d’exposition des animaux,qui s’est élevé de 12,6 %. Par ailleurs, le non-respect de larédaction de l’ordonnance et l’utilisation d’antibiotiques,dans l’alimentation des animaux, pour activer leur crois-sance, sont, pénalement, répréhensibles, comme l’est, éga-lement, le manque de soins des animaux.

Les dioxines apparaissent, accidentellement, dans lesproduits alimentaires et sont la cause de contaminationsqui ont fait grand bruit. Malgré des contrôles réguliers, quigarantissent une qualité sanitaire des produits aux consom-mateurs, les accidents peuvent, difficilement, être évités.

Les dioxines sont des composés aromatiques chlorés,qui regroupent plus de 200 molécules. Elles possèdent unegrande stabilité thermique et sont peu biodégradables.Elles sont insolubles dans l’eau, mais très solubles dans lesgraisses, ce qui favorise leur accumulation dans les tissusgraisseux, où elles peuvent persister, très longtemps. Elless’accumulent, tout au long de la chaîne alimentaire et on les

retrouve, donc, dans les aliments riches en graisse, commeles poissons, les crustacés, les produits laitiers et les œufs.

Les dioxines s’accumulent, dans le foie et les tissus adi-peux des humains (dont le lait maternel). Leur effet, à dosesrépétées, sur la santé n’est pas très bien connu, car les étudesont été menées sur l’animal ou sur l’observation de cas decontaminations humaines, très fortes. Néanmoins, leurdemi-vie (le temps nécessaire à l’élimination de la moitiédes molécules) est très longue, voire 07 ans.

D’un point de vue moléculaire, son mode d’action estconnu. À l’intérieur de la cellule, la dioxine se lie à un ré-cepteur Ah (Aryl Hydrocarbone) ; ce qui recrute la pro-téine Arnt. Ce complexe peut, alors, pénétrer dans le noyauet activer des séquences, spécifiques, sur l’ADN ; ce qui in-duit une perturbation du fonctionnement de la cellule. Sibeaucoup de cellules sont touchées, c’est l’organe, dans saglobalité, qui dysfonctionne.

L’effet dermatologique est avéré (chloracné, affection cu-tanée), mais, il existerait, également, des effets tératogèneset cancérigènes. D’autres effets (troubles du système im-munitaire, troubles du système endocrinien, altération dela fonction hépatique, troubles de la reproduction, mala-dies neurologiques) ont été retrouvés, dans certaines étudesdiscutées.

LES EMBALLAGES ALIMENTAIRES :Les aliments, prêts à l’emploi, sont, généralement, com-mercialisés dans de jolis emballages, souvent très pratiques.Peuvent-ils influencer la qualité des aliments et présenterun danger pour les consommateurs ?

Les emballages alimentaires sont devenus incontourna-bles, et bien qu’ils ne soient pas directement consommés,ils peuvent, tout de même, être nocifs pour notre santé. Enconditions normales d’utilisation, les matériaux utilisés nedoivent pas céder aux aliments des constituants en quantitésusceptible de présenter un danger, pour la santé humaine,ou d’entraîner une modification, inacceptable, de la com-position des denrées avec, ou non, une altération des ca-ractères organoleptiques de celles-ci.

Les phtalates, utilisés comme plastifiants, sont retrouvés

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dans beaucoup de produits du quotidien, mais aussi, dansdes emballages alimentaires. Quels sont les risques pour lesconsommateurs?

Les trois millions de tonnes de phtalates produits, chaqueannée, sont utilisées dans de nombreux produits d’utilisa-tion courante, notamment des jouets, des appareils médi-caux, mais, en particulier, dans certains emballagesalimentaires. Molécules hydrophobes, elles ont une affinité,particulière, pour les graisses et les alcools lourds.

Du fait de ces propriétés, les phtalates peuvent migrer,passivement, des emballages alimentaires vers des produitsgras, comme le fromage. Les aliments contaminés ingéréssont une des sources d’exposition connues, avec une in-gestion, moyenne, de 0,25 milligramme, par jour. D’autressources d’exposition constituent la mise à la bouche desjouets, une hospitalisation, dans la mesure où les poches desang contiennent, également, des phtalates, ou, encore, parvoie cutanée, lors de l’utilisation de cosmétiques.

Le phtalate de bis (2-éthylhexyle) ou DEHP est le phta-late le plus étudié et considéré comme le plus inquié-tant. Chez le rat, il provoque, notamment, une baisse de lafertilité, une atrophie testiculaire, une réduction du poidsdu fœtus, une mortalité fœtale et des malformations. Cer-tains phtalates sont, également, des perturbateurs endocri-niens et peuvent provoquer des anomalies dudéveloppement sexuel, chez le jeune rat mâle, exposé inutero. De plus, des effets sur le foie, les reins et le systèmereproducteur mâle ont été rapportés. Il est un cancérigène,probable, pour l’animal, mais ses effets, chez l’Homme, nesont pas, suffisamment, étudiés.

La dose journalière recommandée est, actuellement, de0,05 milligramme, par kilogramme de poids corporel, soitplus élevée que l’ingestion, moyenne, réellement constatée.Des nausées et des vertiges peuvent survenir, en cas d’uneingestion, supérieure à 5 grammes.

D’autre part, le bisphénol A est l’une des molécules, re-trouvées dans nos aliments, les plus médiatisées. Ce com-posant de nos plastiques alimentaires est-il, réellement,dangereux pour notre santé?

Créé en 1891, le bisphénol A (ou BPA ou 4,4’-(propan-

2-ylidène) diphénol, ou p, p’-isopropylidène bisphénol) estun composé organique, aromatique artificiel, de formuleC15H16O2, constitué de deux phénols, liés par un équiva-lent propane.

Il possède des propriétés similaires à l’œstrogène et fut,à ce sujet, très étudié, dans les années 1930. En effet, il pos-sède la capacité de se fixer (1.000 fois moins efficacementque la molécule naturelle) sur le récepteur alpha des œs-trogènes, ce qui aurait pu mener à son utilisation, dans lerôle d’œstrogène de synthèse.

Finalement, détourné de son rôle premier, suite à la dé-couverte de molécules encore plus efficaces, il fut utilisé,dès les années 1960, dans la fabrication de plastiques et derésines, où il est associé à d’autres substances chimiques.

Ainsi, on retrouve du bisphénol A dans un grand nom-bre de produits, comme dans les CD, les lunettes de soleil,les tickets de caisse, mais aussi les emballages alimentaires: bouteilles recyclables, biberons vaisselle (assiettes ettasses). Des résidus de BPA se retrouvent, également, dansdes résines époxy, utilisées pour fabriquer des films de pro-tection, dans les canettes et certaines boîtes de conserve.

Le BPA peut migrer, en petites quantités, dans les ali-ments et les boissons, stockées dans des matériaux, quicontiennent cette substance, surtout lors du chauffage duplastique. Ainsi, l’exposition, journalière, moyenne est esti-mée à 7 microgrammes de BPA, par adulte et par jour et 90% des adultes testés ont des traces de bisphénol A, dansleurs urines.

Au cours des ans, le bisphénol A fait l’objet de beaucoupd’études, scientifiques, concernant ses effets sur la santé,qui ont souvent donné des résultats contradictoires. Malgrétout, son action sur le récepteur alpha des œstrogènes luiconfère une action hormonale possible, et permet de leclasser dans la catégorie des perturbateurs endocriniens. 

Des études effectuées sur des rats ou des souris ont mon-tré des effets, néfastes, sur la reproduction, sur les intestins,le cœur, voire sur le développement embryonnaire. Chezl’Homme, le bisphénol est, rapidement, éliminé par lesurines (en 4 à 5 heures) et ne s’accumule, vraisemblable-ment pas, excepté chez les fœtus et les nourrissons. 

Ces dernières années, le bisphénol A a, beaucoup, faitparler de lui, avec ses détracteurs et ses défenseurs. Retoursur le fil d’actualité, mouvementé, de cette molécule aux ef-fets, encore, bien mystérieux…•

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