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Mec. Ind. (2000) 1, 123–130 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1296-2139(00)00118-4/FLA Amélioration du confort dynamique des trains dans l’optique d’une augmentation des vitesses Jean-Pierre Chenais *, Laurent Hazard, Georges Palais Alstom transport, 48 rue Albert Dhalenne 93482, Saint-Ouen cedex, France (Reçu le 28 février 2000 ; accepté le 17 mars 2000) Résumé — La recherche constante de compétitivité du chemin de fer dans le domaine du transport des voyageurs passe par un certain nombre de facteurs, l’un d’entre eux étant l’augmentation des vitesses de circulation, tant sur voies conventionnelles que sur voies nouvelles à grande vitesse. Sans précautions particulières, de telles augmentations de vitesse conduiraient inexorablement à une détérioration du confort dynamique des passagers, c’est-à-dire à une augmentation des sollicitations, surtout transversales, auxquelles sont soumis les passagers. Ces sollicitations sont dues soit à la force centrifuge dans les courbes, soit aux vibrations transmises à la caisse par les bogies. Afin d’être en mesure d’éviter cette détérioration, Alstom Transport et la SNCF mènent actuellement conjointement des travaux de recherche sur deux axes. (1) La pendulation des trains, testée sur une rame TGV Paris- Sud-Est, autorise sur un parcours donné un gain de vitesse de l’ordre de 15 % tout en réduisant l’accélération transversale à laquelle sont soumis les voyageurs de prés de moitié ; (2) La suspension transversale active permet d’obtenir à 350 km·h -1 un confort supérieur à celui constaté aujourd’hui dans une rame TGV roulant à 300 km·h -1 . 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS ferroviaire / grande vitesse / confort dynamique / pendulation / mécatronique Abstract Improving dynamic train comfort to increase train speed. The permanent focus of railway competitiveness in the field of passenger transport is determined by several factors, one of which is the increase in traffic speed both on conventional and new very high speed lines. Without taking special precautions, such increases in speed could lead to an inevitable downgrading of the dynamic comfort of passengers, i.e. an increase in stresses especially of the transverse type affecting the train passengers. Such stresses are generated either by centrifugal forces when running through curves, or by vibrations transmitted by the bogies to the carbody. Alstom Transport and SNCF have pooled their efforts to prevent this deterioration and are currently undertaking research work along two lines. (1) The train tilting system as tested on a TGV of the Paris-Sud-Est class shows that there is a 15 percent speed increase on a given distance while simultaneously reducing by half the transverse acceleration to which the passengers are subjected to. (2) The so-called active transverse suspension helps to obtain at 350 km·h -1 a passenger comfort level superior to the one recorded on a TGV train running at 300 km·h -1 . 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS railways / high speed / dynamic comfort / tilting trains / mechatronics 1. LA PENDULATION DES TRAINS 1.1. La pertinence économique de la pendulation Parce qu’elle permet d’améliorer la vitesse des trains sur des voies classiques en augmentant le niveau de confort pour les voyageurs, la pendulation des véhicules offre des perspectives d’autant plus intéressantes qu’elles * Correspondance et tirés à part : [email protected] peuvent s’envisager à un coût inférieur à la Grande Vitesse. 1.1.1. Concilier l’objectif de gain de temps avec un niveau d’investissement modéré Les performances du TGV (300 à 350 km·h -1 ) sur lignes nouvelles à grande vitesse permettent de réduire de moitié les temps de parcours, en revanche, les coûts d’investissement sont très élevés. Le système pendulaire permettra, en France, de pro- curer des gains de l’ordre de 10 à 15 % sur les temps de parcours, mais avec des aménagements relativement li- 123

Amélioration du confort dynamique des trains dans l'optique d'une augmentation des vitesses

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Page 1: Amélioration du confort dynamique des trains dans l'optique d'une augmentation des vitesses

Mec. Ind. (2000) 1, 123–130 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1296-2139(00)00118-4/FLA

Amélioration du confort dynamique des trains dansl’optique d’une augmentation des vitesses

Jean-Pierre Chenais *, Laurent Hazard, Georges PalaisAlstom transport, 48 rue Albert Dhalenne 93482, Saint-Ouen cedex, France

(Reçu le 28 février 2000 ; accepté le 17 mars 2000)

Résumé —La recherche constante de compétitivité du chemin de fer dans le domaine du transport des voyageurs passe par uncertain nombre de facteurs, l’un d’entre eux étant l’augmentation des vitesses de circulation, tant sur voies conventionnelles quesur voies nouvelles à grande vitesse. Sans précautions particulières, de telles augmentations de vitesse conduiraient inexorablementà une détérioration du confort dynamique des passagers, c’est-à-dire à une augmentation des sollicitations, surtout transversales,auxquelles sont soumis les passagers. Ces sollicitations sont dues soit à la force centrifuge dans les courbes, soit aux vibrationstransmises à la caisse par les bogies. Afin d’être en mesure d’éviter cette détérioration, Alstom Transport et la SNCF mènentactuellement conjointement des travaux de recherche sur deux axes. (1) La pendulation des trains, testée sur une rame TGV Paris-Sud-Est, autorise sur un parcours donné un gain de vitesse de l’ordre de 15 % tout en réduisant l’accélération transversale à laquellesont soumis les voyageurs de prés de moitié ; (2) La suspension transversale active permet d’obtenir à 350 km·h−1 un confortsupérieur à celui constaté aujourd’hui dans une rame TGV roulant à 300 km·h−1. 2000 Éditions scientifiques et médicales ElsevierSASferroviaire / grande vitesse / confort dynamique / pendulation / mécatronique

Abstract — Improving dynamic train comfort to increase train speed. The permanent focus of railway competitiveness in the fieldof passenger transport is determined by several factors, one of which is the increase in traffic speed both on conventional andnew very high speed lines. Without taking special precautions, such increases in speed could lead to an inevitable downgradingof the dynamic comfort of passengers, i.e. an increase in stresses especially of the transverse type affecting the train passengers.Such stresses are generated either by centrifugal forces when running through curves, or by vibrations transmitted by the bogiesto the carbody. Alstom Transport and SNCF have pooled their efforts to prevent this deterioration and are currently undertakingresearch work along two lines. (1) The train tilting system as tested on a TGV of the Paris-Sud-Est class shows that there is a15 percent speed increase on a given distance while simultaneously reducing by half the transverse acceleration to which thepassengers are subjected to. (2) The so-called active transverse suspension helps to obtain at 350 km·h−1 a passenger comfortlevel superior to the one recorded on a TGV train running at 300 km·h−1. 2000 Éditions scientifiques et médicales ElsevierSASrailways / high speed / dynamic comfort / tilting trains / mechatronics

1. LA PENDULATION DES TRAINS

1.1. La pertinence économiquede la pendulation

Parce qu’elle permet d’améliorer la vitesse des trainssur des voies classiques en augmentant le niveau deconfort pour les voyageurs, la pendulation des véhiculesoffre des perspectives d’autant plus intéressantes qu’elles

* Correspondance et tirés à part :[email protected]

peuvent s’envisager à un coût inférieur à la GrandeVitesse.

1.1.1. Concilier l’objectif de gainde temps avec un niveaud’investissement modéré

Les performances du TGV (300 à 350 km·h−1) surlignes nouvelles à grande vitesse permettent de réduirede moitié les temps de parcours, en revanche, les coûtsd’investissement sont très élevés.

Le système pendulaire permettra, en France, de pro-curer des gains de l’ordre de 10 à 15 % sur les temps deparcours, mais avec des aménagements relativement li-

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mités des lignes existantes, dont les coûts sont très sensi-blement différents (le rapport pouvant atteindre 5).

Dans les pays limitrophes, en particulier en Alle-magne, on parle de gains de temps plus importants, del’ordre de 30 à 40 %. Ceci est dû au fait que dans ces pays,dans une courbe de rayon donné, les trains roulent moinsvite qu’en France, du moins sur ligne conventionnelle : laSNCF admet depuis toujours de soumettre les voyageursà des accélérations transversales apparentes plus élevéesque nos voisins : 1,5 m·s−2 contre 0,85 m·s−2, ce qui per-met des vitesses de circulation plus élevées en courbe etn’a pas engendré de plaintes particulières de la part desvoyageurs.

C’est ce que l’on appelle l’insuffisance de dévers.En fait, en France, l’insuffisance de dévers est voisinedu dévers, car la SNCF admet de solliciter de la mêmefaçon (mais en sens inverse) un voyageur dans une courbedonnée lorsqu’un train y passe à la vitesse maximale, ouau contraire est amené à s’y arrêter.

Mais, en France comme ailleurs, la vitesse maximalede circulation dans une courbe est limitée non par lerisque de déraillement ou de basculement comme onpourrait le croire a priori, mais par le critère, dit « dePrudhomme », qui est le risque de ripage de la voie surson lit de ballast. On ne doit en effet pas oublier quel’effort transversal auquel est soumise la voie de la partdes bogies est le même, que le véhicule soit pendulaireou non.

En revanche, la pendulation va être mise à contributionpour diminuer les accélérations transversales apparentesinfligées aux voyageurs, pour les ramener dans les mêmesordres de grandeur que celles pratiquées par nos voisins.

En théorie, on pourrait même les annuler, mais ce n’estpas souhaitable car le confort du voyageur est meilleurlorsque le basculement du paysage dû soit au seul déversde la voie soit à son action combinée à celle de lapendulation, est accompagné d’une certaine accélérationtransversale. Et la valeur de 0,85 m·s−2 semble proche del’optimum.

De plus, cette valeur correspond également à la limitefixée par la SNCF pour les courbes des lignes à grandevitesse. Ainsi, une rame TGV munie d’un système dependulation pourra procurer aux passagers les mêmesimpressions, que ce soit sur ligne à grande vitesse,sans que la pendulation ne soit activée, ou sur ligneconventionnelle, avec la pendulation en fonctionnement.

Figure 1. Le démonstrateur TGV pendulaire.

1.2. La genèse, le principe et lesobjectifs du démonstrateur

L’objectif, à terme, est donc de pouvoir réaliser untrain à grande vitesse apte à 300 km·h−1 sur ligne àgrande vitesse, sans pendulation, et capable d’assurerles dessertes terminales jusqu’à 200 ou 220 km·h−1 enpendulant.

Les matériels pendulaires performants actuellementexploités par les réseaux européens peuvent circuler àdes vitesses maximales de 200 à 250 km·h−1. Aucund’entre eux ne peut atteindre la vitesse de 300 km·h−1

qui lui permettrait de répondre aux préoccupations de laSNCF.

Le concept de « TGV pendulaire » s’impose alors,grâce aux avantages, qui ne sont plus à démontrer, entermes de stabilité et de sécurité de l’architecture de nosrames « articulées ».

La SNCF et Alstom ont donc décidé de réaliser un« démonstrateur » de TGV pendulaire (figure 1). Ce dé-veloppement a d’ailleurs pu bénéficier d’une certaineaide des Pouvoirs Publics dans le cadre du PREDIT(Programme de REcherche et de Développement pourl’Innovation et la Technologie dans les Transports Ter-restres).

1.3. Les problématiques

La première préoccupation dans le développementd’un TGV pendulaire, a été d’imaginer et de conce-voir des dispositions originales, adaptées à la rame ar-ticulée, permettant de faire penduler les remorques touten préservant l’aptitude à circuler à très grande vi-tesse (300 km·h−1). Deux autres problématiques ont été

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Amélioration du confort dynamique des trains

Figure 2. Le concept de rame articulée : 1 : anneau d ’intercir-culation ; 2 : rotule ; 3 : suspension secondaire pneumatique ;4 : amortisseur anti-gite ; 5 : amortisseur inter-caisses haut ;6 : amortisseur inter-caisses bas ; 7 : amortisseur anti-lacet ;8 : amortisseur anti-galop.

abordées : le développement d’un système de contrôle-commande de la pendulation plus performant sur le plandu confort que les systèmes actuellement en service àl’étranger et l’hypothèse de la pendulation des motriceset des voitures extrêmes.

1.3.1. Un bogie articulé pendulaire

La première préoccupation constitue l’enjeu principaldu démonstrateur pendulaire : l’architecture en ramearticulée présente, en effet, cette originalité que chaquevoiture intermédiaire est portée en trois points, deuxpoints latéraux à une extrémité et un point central rotulantsur la remorque adjacente à l’autre extrémité (figure 2).Il suffit donc d’un seul dispositif de pendulation parremorque, et non deux pour les architectures classiques,dispositif qui restait à mettre au point.

Les études ont permis de démontrer qu’il était possiblede sauvegarder les qualités du bogie TGV et d’installeren son sein un système de pendulation sans nuire àl’espace disponible en caisse, en particulier au niveaude l’articulation : une « traverse danseuse », suspenduepar un jeu de bielles lui permettant de s’incliner sousl’action d’un vérin, a pu être logée au centre du bogie(figure 3). Chaque caisse s’appuie sur cette traversepar l’intermédiaire de la suspension secondaire existante(figures 4et 5).

Figure 3. Bogie pendulaire.

1.3.2. Le choix d’un systèmede contrôle-commande

Le second problème a été abordé en deux étapes :

dans une première phase, le démonstrateur a étééquipé d’un système de pendulation existant (FIAT) afinde rechercher les particularités du comportement globalde la rame TGV pendulaire. Durant ce temps, un nouveausystème de

pendulation, permettant d’optimiser le confort, a étédéfini. Ce système, développé par Alstom, a été mis enlieu et place du système précédent et la rame a été l’objetd’une seconde campagne d’essais, commencée mi-1999,et qui est en train de s’achever.

1.3.3. Cas des véhicules d’extrémité

Les études menées par la Délégation à la Traction dela SNCF ont conclu que, sous réserve d’aménagementsde l’ergonomie de conduite et d’un raidissement de lasuspension des motrices, les conditions de travail desconducteurs ne nécessitaient pas d’adapter les motricesTGV à la pendulation, ce qui aurait conduit à des remisesen cause très profondes incompatibles avec les délais deréalisation et d’essais du démonstrateur.

En effet, les conducteurs, qui voient arriver les courbeset peuvent donc s’y préparer, et qui, contrairement auxvoyageurs, n’ont pas à se déplacer dans le train avecéventuellement des bagages à la main, supportent par-faitement des accélérations transversales supérieures à1,5 m·s−2. D’ailleurs les automobilistes, conducteur oupassagers, sont, eux, amenés à supporter des accéléra-tions transversales très nettement supérieures, du fait del’adhérence transversale du pneu sur la chaussée très su-périeure à 0,5.

En revanche dans le cas de rames automotrices, ar-ticulées ou non, où des passagers se trouveront dans la

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Figure 4. Le TGV pendulaire (alignement).

première voiture, il sera obligatoire de pouvoir pendulerles motrices, qui pourront être soit extrêmes, soit intermé-diaires. Les études d’un bogie moteur et pendulaire sonten cours.

Mais c’est surtout le cas des voitures extrêmes detelles rames automotrices qui a retenu toute notre at-tention dans la mise au point du système de contrôle-commande. En effet, en raison des inerties des massesà mettre en mouvement, des retards dans la transmissiondes informations en provenance des capteurs du fait desfiltrages qui doivent être mis en œuvre (figure 6), il estessentiel d’être en mesure d’anticiper les ordres d’incli-naison par rapport à l’entrée en courbe.

Enfin, le pantographe devra être « contre-pendulé »afin d’assurer à l’archet une position de captation cor-recte. Son asservissement sera lié à celui de la voiture surlaquelle il sera implanté.

1.4. Les techniques

Le bogie a été modifié. Il intègre un système cinéma-tique breveté permettant d’incliner les voitures de 6,3◦tout en conservant le confort et la stabilité de roulementdu train.

Des actionneurs, de technique électromécanique, ontété développés pour permettre une meilleure perfor-mance, une fiabilité accrue et une maintenance réduitepar rapport aux systèmes hydrauliques utilisés par lesautres réseaux. Au nombre de deux par traverse danseuse,pour assurer une redondance, ils comportent un moteursynchrone avec induit à aimants permanents et détecteurde position de l’induit, un réducteur et une vis à billes ré-versible, pour permettre le retour à la position d’équilibreen cas de régime dégradé (figure 7).

La structure de l’anneau d’intercirculation a été adap-tée pour permettre des débattements plus importants entrevoitures.

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Amélioration du confort dynamique des trains

Figure 5. Le TGV pendulaire (courbe). Angle de pendulation :6,3◦ ; angle maximal entre voitures : 3,5◦.

Les études d’intégration ont été réalisées afin d’instal-ler tous les équipements liés à la pendulation. En parti-culier, un système de sauvegarde de l’alimentation élec-trique de la pendulation lors du franchissement des « sec-tions neutres » de la caténaire, nécessaires pour passerd’une phase à l’autre dans le cas d’une alimentation mo-nophasée, ou pour changer de type d’alimentation (mo-nophasé ou continu).

Les simulations numériques du comportement dyna-mique de la rame ont produit les éléments techniquesnécessaires à la conception : calcul de gabarit, sécuritéen cas de modes dégradés, dimensionnement du système,confort. . .

Comme indiqué plus haut, une loi de commandedite « anticipative » a été étudiée par Alstom afin deneutraliser le temps de réaction du système en entrée decourbe et permettre une meilleure modulation de l’angled’inclinaison en fonction du tracé de la voie. Cette loi decommande utilise une base de données embarquée et unsystème de localisation original.

Deux ensembles comprenant chacun trois détecteurs(un accéléromètre pour la mesure de l’accélération trans-versale et deux gyromètres pour la mesure du lacet et duroulis) sont installés sur chaque bogie d’extrémité de larame. Un algorithme de sélection choisit la meilleure desinformations et détecte les pannes.

Figure 6. Signaux émis par les capteurs. Gyromètres de roulis ; gyromètre de lacet ; accéléromètre transversal.

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Figure 7. Vérin électromécanique : meilleure fiabilité, maintenance aisée, plus léger, volume reduit.

Figure 8. Ordres transmis aux différents bogies.

Un calculateur digital est installé dans chaque motriceTGV (ou ultérieurement dans chaque voiture extrême) etélabore la consigne d’inclinaison de chacune des voituresdu train. En fonction de la vitesse du train, l’angle variera,ainsi que le décalage en temps entre les ordres, d’unevoiture à l’autre (figure 8).

Le calculateur compare les caractéristiques de la voiedéterminées instantanément par l’accéléromètre et les gy-

romètres aux caractéristiques enregistrées en mémoirelors d’un premier passage du train sur la ligne considérée.Cette comparaison permet une localisation du train sur laligne à quelques mètres prés, précision très supérieure àcelle fournie par le système GPS, nettement insuffisantedans le cas de la pendulation.

Un tel système permet de s’affranchir de tout équipe-ment sur la voie et d’affecter très rapidement une rame à

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Amélioration du confort dynamique des trains

une nouvelle ligne, à condition bien sûr que les caracté-ristiques de cette ligne aient été revue de façon à y rendrerentable l’utilisation de la pendulation, comme indiquéau tout début de ce chapitre (principalement signalisationet qualité de dressage de la voie).

1.5. Les essais

Le démonstrateur, assemblé début 1998, a subi pen-dant deux mois un certain nombre d’essais à poste fixeà l’établissement industriel de Bischheim du MatérielSNCF.

Puis il a procédé à des essais en ligne qui ont permisde valider les options techniques retenues. Ces essais onteu lieu sur des lignes de profils différents, à des vitessesallant de 130 à 300 km·h−1, avec ou sans pendulation.

En septembre 1998, le démonstrateur a entrepris sesessais d’homologation puis le mois d’octobre a étéconsacré à des essais de confort physiologique qui se sontachevés par un sondage sur un groupe témoin.

La première moitié de l’année 1999 a été consacréeà l’équipement avec la nouvelle technologie de pendula-tion.

Les essais ont repris en Septembre et sont en voied’achèvement.

1.6. Les résultats

Le TGV pendulaire reste apte à la circulation à300 km·h−1 sur ligne nouvelle.

Le démonstrateur a pu être homologué pour circuler àdes vitesses permettant des gains de temps de 15 % sur lamajorité des lignes sinueuses de la SNCF.

Les tests de confort positifs confirment que la pendu-lation permet d’accroître la vitesse ’tout en améliorant leniveau de confort sur les voies conventionnelles.

2. LA SUSPENSION TRANSVERSALEACTIVE

2.1. Généralités

Afin de pouvoir porter la vitesse de circulation desTGV de 300 km·h−1 à 350 km·h−1, tout en conservant lemême niveau de confort, il est nécessaire d’améliorer ledécouplage mécanique transversal entre bogies et caisses.

Ceci sera réalisé par l’augmentation de 30 % environ dela flexibilité de la suspension transversale.

Toutefois, une telle action ne pourra pas être menéeseule, car elle conduirait à des déplacements transversauxde la caisse incompatible avec le gabarit. Comme il esthors de question de rétrécir les caisses, la seule solutionconsiste donc à contrôler « activement » le déplacementtransversal des caisses, par l’intermédiaire de vérinsdisposés au droit de chaque suspension secondaire : c’estla Suspension Transversale Active ou STA.

La STA permet donc d’assurer les fonction suivantes :

(1) une diminution de la raideur transversale appa-rente de la suspension secondaire caisse/bogie ;

(2) un recentrage de la caisse en courbe afin d’éviterles forts déplacements transversaux caisse/bogie dus àl’insuffisance de dévers ;

(3) un amortissement actif qui a pour but de stabiliserles caisses en réduisant les mouvements dynamiquesbasses fréquences générés le long de la rame (effet« serpent »).

L’ensemble de ces fonctions contribue à une amélio-ration importante du confort.

2.2. Architecture du système

Chacune des deux motrices de la rame est équipée :

• d’un capteur accélérométrique monté sur le châssisdu bogie de tête, permettant après filtrage d’avoir uneestimation de l’accélération transversale non compenséequasi-statique issue du tracé ;

• d’une unité centrale pilotant ce capteur et permet-tant, via un réseau informatique (FIP), d’émettre desconsignes (vitesse du train, accélérations transversales) àdes commandes rapprochées des vérins situées dans cha-cune des remorques.

Chacune des remorques est équipée :

• d’un vérin électromécanique, piloté en effort et montétransversalement entre caisse et bogie (figure 9) ;

• d’un calculateur/variateur de commande rapprochéedu vérin (gestion locale de l’effort).

2.3. Fonctions réalisées

2.3.1. Assouplissement

Pour réaliser cette fonction, le vérin électromécaniquede la STA est équipé d’un capteur de déplacement linéaire

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Figure 9. Vue isométrique montage vérin STA.

qui mesure la course du vérin et donne le débattementcaisse/bogie.

Deux courbes de raideur sont mémorisées dans lecalculateur de commande du vérin : la courbe réelle, etune courbe objective. Le déplacement transversal étantconnu, l’effort d’assouplissement peut être calculé etappliqué par le vérin.

2.3.2. Recentrage

Cette fonction consiste à recentrer la caisse (par rap-port au centre de la voie) lorsque la rame circule encourbe, avec insuffisance de dévers. Pour cela, il fautmesurer l’accélération transversale non compensée en

amont des vérins, sur le premier bogie de la motrice detête. Cette mesure est ensuite filtrée pour en extraire l’ac-célération transversale non compensée. La transmissionde cette mesure aux remorques est assurée par le calcula-teur de motrice via le réseau FIP.

La masse suspendue de la caisse étant variable, le gainde recentrage est auto-adaptatif en utilisant la mesure dela course du vérin.

2.3.3. Amortissement

Cette fonction consiste à amortir les déplacementstransversaux de caisse et à introduire un effort d’amor-tissement actif afin de stabiliser la rame (réduire les mou-vements basse fréquence des caisses, c’est-à-dire l’effetserpent).

2.4. Résultats d’essais

Une rame TGV-R a été prélevée sur le parc et équipéede vérins sur quatre bogies (sur les neuf que comportele « tronçon voyageur » de huit voitures), afin de pouvoirfaire des mesures comparatives avec et sans STA dansdes conditions de circulation strictement identiques. Desmarches à 350 km·h−1 ont été faites dans les deux sens decirculation : bogies équipés en tête, puis bogies équipésen queue.

Les mesures réalisées au cours des essais ont mon-tré que, effectivement, la note de confort obtenue à350 km·h−1 avec la STA était du même niveau, et plutôtsupérieure, à celle obtenue à 300 km·h−1 sur une ramenon équipée. Qui plus est, elle est à peu près constante lelong de la rame, la STA permet donc de supprimer l’effetde serpent.

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