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Studia NeophilologicaPublication details, including instructions forauthors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/snec20

AmbianceKarl MichaëlssonPublished online: 21 Jul 2008.

To cite this article: Karl Michaëlsson (1939) Ambiance, Studia Neophilologica, 12:1,91-119

To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/00393273908586842

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Ambiance.Si discute all'infinito sui rapporti che corrono

fra i mutamenti ģenerāli délie idee, délie istituzioni,del modo di vivere d'una nazione e la sua lingua.Chi considera esclusivamente i suoni e le formetrova mutamenti lievi, e rapporti scarsi e difficil-mente dimostrabili con i mutamenti culturistorici;chi considera esclusivamente il lessico vede im-mediatamente riflessi molteplici, e non sempresuperfîciali.

Bruno Migliorini, Lingua Contemporánea,Florence, 1938, p. 10.

Dans son beau livre La Sîeède1, M. André Bellessort con-sacre une page à la notion stämning; il écrit: « Le mot, dontaucun Suédois n'a pu me préciser le sens, doit signifier la sen-sation que toutes les autres concordent à créer: une harmonie.Il s'établit parfois une entente sympathique entre les choses etnous. Sur les lignes monotones de la vie, des notes se ren-contrent qui spontanément s'organisent et forment une musiquecharmante. Le crépuscule tombe; le paysage se voile commeun visage attristé. Ni le jour qui s'en va, ni la nuit qui vient,ni la nature qui se décolore ne sont mes amis. Mais tout àcoup le chant d'un inconnu s'élève, et voici que le ciel mourant,l'agonie du paysage et la cendre de ma rêverie, nous entronsdans le cercle fraternel de cette onde sonore. Tant que durerace chant, j'aurai l'impression que je fais partie d'un tout, et,si j'ai l'instinct religieux, d'être un des éléments indispensablesdu concert que, sur un point du monde, Dieu voulait se donnerce soir. Évanoui, j'en retiendrai l'écho pour endormir en moila fièvre de l'isolement et pour y prolonger le délicieux stäm-ning. Plus délicieux encore lorsqu'il m'unit à d'autres cœurs!

1 A. Bellessort, La Suède, Paris, 1910, p. 13 ss.

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Ces individualistes Scandinaves ne communiquent entre eux quepar le chant, la poésie ou les sombres tunnels de l'inexprimable.Ils ne cherchent pas à penser, mais à sentir ensemble. Lestämning ne naîtra pas d'un échange d'idées ni même d'unecauserie familière. Il éclôt au bruit d'une chanson qui passe,à la clarté d'une lampe, sous l'haleine d'un parfum, devant desverres servis où l'on savourera le même apaisement; et il nes'épanouit que sur les étangs du silence. Il est fait de coïn-cidences heureuses, mais qu'on sait provoquer. Nous aimons,au déclin d'une fête, à nous regarder dans les yeux et à nousen renvoyer les dernières étincelles ou les derniers éclairs. Ilspréfèrent éteindre les flambeaux, ne plus se voir, rentrer en eux-mêmes et partager, à la faveur de l'ombre, le charme vaguementsenti d'un accord éphémère. Les cloches du dimanche et desjours carillonnés répandent du stämning. Autour des héros etdes morts chéris le stämning entretient un air de fête religieuse. »

La plus grande partie de cette analyse est exacte, même sile futur académicien force quelque peu la note romantique etqu'un certain « stämning » puisse aussi être provoqué par unéchange d'idées ou une causerie intime. Le registre du motest plus étendu que ne le laisse peut-être soupçonner le textedonné, — allant du « cafard » d'un solitaire jusqu'à l'entraind'une tablée à la fin d'un bon dîner.

Les Français n'ont-ils vraiment pas d'expression analogue,lorsque, abandonnant les allées droites de la raison souveraine,ils passent par « les sombres tunnels de l'inexprimable » ? Carc'est un fait banal que ces tunnels ont une attirance singulièrepour bien des Français de nos jours. Dès 1874, Tourguéneffpouvait formuler cette déclaration, qui voulait être un compli-ment à l'égard des habitués du Grenier des Goncourt: «Votrelangue, messieurs, m'a tout l'air d'un instrument, dans lequelles inventeurs auraient bonassement cherché la clarté, la logique,le gros à peu près de la définition, et il arrive que l'instrumentse trouve manié aujourd'hui par les gens les plus nerveux, lesplus impressionables, les moins susceptibles de se satisfaire del'a peu près.»1 Aussi est-ce justement chez les Goncourt qu'ona trouvé les premiers exemples d'un terme servant à rendre une

1 Journal des Goncourt, tome V, p. 118.

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partie de la notion «stämning» : nous lisons dans Le Journal,à la date du 20 mars 1891 (t. VIII, p. 221): « . . . on soutenaitque l'homme de l'Occident était une individualité plus entière,plus détachée, plus en relief sur la nature, moins mangée parl'ambiance des milieux, par cela même une individualité plusdéteneuse d'une volonté propre que l'homme de l'Orient . . . »Et en date du 30 juillet 1892 (t. IX, p. 59): « Comme nous[nous] félicitions de notre jugeotte des hommes et des femmes, àpremière vue . . . Daudet me disait: C'est très curieux, moi lesgens, je les juge par le regard, par l'observation . . . Vous,c'est par une sorte & intuition de V ambiance. »T

Le mot à'ambiance a eu une fortune extraordinaire: il ré-pondait à un besoin de certains modernes de se complaire dansl'a peu près, l'indéfini, le vague, l'inexprimable.

Je donnerai d'abord les témoignages des dictionnaires sur ceterme, je discuterai ensuite son origine et sa formation, je pré-senterai un certain nombre des exemples que j'en ai relevés,pour jeter enfin un coup d'œil sur certaines autres langues ro-manes qui offrent un vocable apparenté et d'un emploi analogue.

Dans les dictionnaires étymologiques, ambiance figure pourla première fois chez Bloch comme dérivé de l'adjectif ambiant;M. Dauzāt (Diet, étym., s. v.) donne les mêmes indications.Meyer-Lübke, MM. Gamillscheg et von Wartburg n'en parlentpoint.

Le Nouveau Larousse illustré s'exprime de la façon que voici:« Ambiance (rad. ambiant) n. f. Ce qui environne quelqu'un ouquelque chose; ce qui constitue un milieu matériel, intellectuelou moral: Une œuvre d'art, pour être admirée comme il sied,exige un décor, une AMBIANCE, qui, en activant la compréhen-sion du spectateur, le prépare?tt à l'émotion esthétique. (Ch.Saunier). » Le Larousse du XX* siècle nous offre une définitionidentique avec les exemples suivants: Vivre dans une ambiancedangereuse. Echapper à l'ambiance. Les éditions du Nouveaupetit Larousse illustré (celle de 1939 inclusivement) présententla même définition en abrégé: « Ce qui environne, qui constitueun milieu matériel, intellectuel ou moral ».

1 Cf. Max. Fuchs, Lexique du « Journal des Goncourt», Paris, 1912, p. 5.

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J'insiste sur le fait que ce terme a été trouvé digne de fi-gurer dans la dernière édition du Dictomiaire de l'Académie,insigne honneur pour un mot si jeune, né aux environs de 1890;voici la citation : « Milieu matériel, intellectuel ou moral. Telleou telle ambiance peut améliorer ou déformer un caractère. »

Parmi les dictionnaires non français, le Harrap's StandardFrench and English Dictionary', edited by J. E. Mansion, Lon-dres, 1934, est un de ceux qui me semblent être le plus à jour:il donne les traductions 'surroundings', 'environment', 'atmo-sphere', et il poursuit: «Fin[ance]: etc: L'a. générale, 'the pre-vailing tone' ». Le dictionnaire français-suédois de M. Vising(1936), si étonnamment riche malgré son volume limité, ne donneque le sens 'omgivning', c.-à-d. 'milieu ambiant'. Qu'il me soitenfin permis de constater que, dans le dictionnaire suédois-français de Mlle Hammar (1936, 2e éd. 1938), qui collabora avecM. Beilessort au livre mentionné plus haut, le suédois stämningse trouve traduit par toute une série de mots, mais qu'on ycherche en vain ambiance, quoique, dans plusieurs des phrasescitées, ce mot soit celui qui donnerait sans doute la meilleuretraduction.

Si ambiance est un terme tout à fait moderne, l'adjectifambiant, ambient peut revendiquer des droits d'ancienneté plusconsidérable: les premiers exemples datent du XVIe siècle. Onl'a fait remonter au participe présent du verbe latin ambire'1,dont on trouve nombre d'exemples, à partir de Plaute, dansle Thesaurus Linguœ Latinœ — le participe présent est aussibien appuyé par les textes. Sénèque et Pline, entre autres, seservent fréquemment de ce mot. Voici quelques exemples em-pruntés au Thesaurus:

ut saepe eundem ignem ambiens aqua per tantum fluit spatii.Sen. nat. 3, 24, 2.

hic ventus circumactus et eundem ambiens locum . . . turbo est.Sen. nat. 5, 13, 3.

venu a laevo latere in dextrum ut sol ambiuntPlin. nat. 2, 128.

1 Bloch, Dauzat, s. V. ambiant; de même Dict. hist. de la langue fr.p. p. l'Académie Fr., t. III, Paris, 1888.

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non tota incisurae ambiente rugaPlin. nat. u , i.

medium hominem ambiens ignis sacerPlin. nat. 26, 121.

Les premiers exemples français se rattachent à cet emploi

technique du mot:

En esté . . . a raison de l'excessive chaleur de l'air ambiant, fautuser de viandes froides et humides, pour corriger ceste chaleurexcessive et comme febrile.

A. Paré, Œuvres, I, 17 ".

. . . une pelle de fer rouge: à fin que par la reverberation d'icelle,

l'air ambiens, c'est à dire qui est à l'entour, soit corrigé.Paré, VIII, 142.

11 me semble que par l'air ambient mesme n'y ait peu d'intellectestendu.

L. Leroy, Traduction des Politiques cFAristote: I, 3, Commentaire, parue en 15683.

J'insiste particulièrement sur l'exemple de Paré, dans lequel

il trouve utile de paraphraser l'air ambiens, ce qui me paraît

indiquer que le terme avait bien un sens purement technique

et qu'il n'était pas entré dans le vocabulaire courant.

Sainéan, Les Sources de l'argot ancien, II, Paris, 1912, p. 277,

donne le participe présent ambiant, et, p. 268, le v«rbe ambier,

embier, à partir de 1596, 'aller', 'fuir'. Sainéan fait remonter ce

terme argotique à un verbe de l'ancien français ambier, embier,

'aller à l'entour', seulement, je ne connais qu'un seul exemple

d'un verbe ambier, exemple que relève Tobler-Lommatzsch chez

Gilles le Muisis, et dans lequel le sens est sans aucun doute

'ambitionner': Mais pluseur en leur dis mains k'on ne sieut, se

fient. Pourquoy? pour chou qu'on voit que pluseur haut ambïent)

G. Muis., I, 260. Il est vrai que Huguet, dans son Dictiotinaire

de la l. fr. du seizième siècle, nous offre ambier comme terme

d'argot avec le sens 'aller' et Cotgrave dit: « ambier, to go;

(Barag;) also, to compass, or go about; also, to sue for an

Office, labour for promotion, canvas for a place. » Je constate

1 Cité par Dict. hist. de la langue fr., p. p. l'Académie Française, s. v.2 Cité par Littré, s. v.3 Edm. Huguet, Dict. de la langue fr. du seizième siècle, I, s. V.

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enfin que, d'après M. v. Wartburg dans FEW, les patois fran-çais conservent des traces d'un vieux ambitare, mais sous desformes qui, toutes, prouvent la chute de Xi protonique à uneépoque prélittéraire.

Résumons. i° Ambitare a survécu dans certains patoisgallo-romans, et la structure des vocables prouve une adoptionprélittéraire. 2° Ambier, forme plus récente de la même origine,notione petendi, rogandi de petitoribtis, supplicantibus, a empruntécette signification au verbe latin sur le participe passé duquelil est formé: ambire {Thesaurus, I, col. 1849). 30 Le mêmeambier, 'aller', terme d'argot, de «baragouin», pourrait bientirer son origine du langage des clercs (cf. Sainéan, Sources, I,p. 51 et Appendice, pp. 383 ss.). 40 Enfin, un participe pré-sent ambiens, ambient, ambia?tt se trouve employé dans un sensplus étroitement technique, se rattachant sans doute à un emploitechnique du mot chez les naturalistes latins. C'est seulementdans cette dernière acception que le mot a continué à vivre etqu'il a évolué dans le français.

Au XVIIIe siècle, les traductions de Newton amènent uneranimation du vocable ambiant. Dans la traduction de Coste,édition de 1720, nous lisons les passages que voici: « Ce quifait qu'une plaque a l'épaisseur requise pour produire une cer-taine couleur est uniquement fondé sur la densité de cetteplaque et non pas sur celle du milieu ambient » (le texte originaldit: And not on that of the ambient medium). « Un corpsmince transparent qui est plus dense que son milieu ambient(which is denser than its ambient medium)» (éd. de 1720, p.294). Dans l'édition de 1722 (p. 252), milieu ambient est rem-placé par le milieu qui V environne; de même p. 346 (1720) et265 (1722). Il faut remarquer que le texte de Newton offreambient, et que, dans le texte français, le caractère insolite dumot est indiqué par des italiques.1 Dans la traduction deMme du Châtelet (1745) Bruņot relève, non seulement les corpsambiants, mais aussi l'expression les ambiants employée sub-stantivement.2 Du reste, un tel emploi est déjà connu antérieure-

1 Les exemples se retrouvent chez Brunot, Hist. de la l. fr. VI, 1:2p. 558. Les périphrases de l'édition de 1722 sont des corrections dues aumathématicien de Moivre. Cf. aussi ibid., p. 564.

2 Brunot, Histoire, VI, 1:2, p. 558.

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ment, on le trouve sous la plume de Leibnitz: « Tout corps faiteffort pour agir au dehors, et agiroit notablement, si les effortscontraires des ambiants ne l'en empêchoient. »' Notons aussique Gohin, Les transformations de la l. fr. pendant la deuxièmemoitié du XVIIIe siècle (1740—1789), Paris, 1903, p. 323, citeambiant — les maisons ambiantes parmi les « mots techniques quiont passé d'une langue spéciale dans la langue générale, sansgarder une valeur métaphorique» (cf. op. cit., p. 231). Littrédonne un exemple à'Émile, dans lequel Rousseau parle de l'airmoins ambiant, un autre de Lamartine: l'air ambiant et pur.

La septième édition du Dictionnaire de l'Académie ne con-naît ambiant que comme terme de physique: un fluide ambiant,l'air ambiant. Le Dictionnaire général, 1889 (réimpression de1920) donne la définition: qui circide autour (enparlant d'tin

fluide). Dans le Nouveau Larousse illustré on ne lit que ceci:qui enveloppe de tous côtés : Tout ce qui refroidit la températureambiante fait déposer la rosée. Constatons enfin que la huitièmeédition du Dictiomiaire de ! Académie admet un usage figuré:« les influences ambiantes, Celles du milieu intellectuel ou moraldans lequel nous vivons. »

D'un emploi technique que les puristes combattent de leurmieux, ainsi qu'il ressort des corrections apportées à l'éditionde 1722 de la traduction de Newton, un sens figuré se développetardivement. J'en relève un exemple intéressant chez ErnestLegouvé, Les pères et les enfants au XIXe siècle (Enfance etadolescence), p. 239 de la septième édition (la première est de1867): le personnage de l'auteur, un marquis bien pensant, com-mence par faire l'éloge de la famille de son interlocuteur, et ilpoursuit: « Eh bien, telle est pourtant l'influence de ce que dansvotre jargon moderne vous appelez, je crois, l'air ambiant, quevotre fils est déjà atteint d'une certaine peste démocratique. »Nous apprenons par cette citation, antérieure à l'ambiance d'Al-phonse Daudet et des Goncourt, que air ambiant a pu prendrele sens 'milieu moral' dès cette époque, et aussi que cettesignification est considérée comme un néologisme: «ce que

1 Leibnitz, Lettres à Pellisson, imprimées dans le traité de la Tolérancedes religions, p. 68; citation du Dict. hist. de la l. fr., p. p. l'AcadémieFrançaise, s. v. ambiant.

7 — 39246. Sludia neophilologica 1939—1940.

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dans votre jargon moderne vous appelez, je crois, l'air am-biant. » Des expressions analogues sont fréquentes de nosjours: « . . . il n'y a presque jamais hostilité politique irré-ductible, quand l'atmosphère ambiante est faite de sympathie »(André Siegfried, Amérique latine'', 1934, p. 154); «Or il n'y apas d'invention spirituelle sans liberté. Je dirais plus: la pensée,le lyrisme, l'investigation psychologique s'opposent par natureau milieu ambiant, contestent les idées reçues ou les ignorent »(Robert de Traz dans la Revue hebdomadaire, 47e année, janvier1938, p. 621).

Je passe à la question de la naissance et de la formation dusubstantif ambiance. Pour le suffixe -anee, je renvoie, avanttout, à Nyrop, Grammaire historique de la l. fr., III, §§ 169—172, à Meyer-Lübke, Hist. Grammatik der frz. Sprache, II,Wortbildungslehre, 1921, §§ 123, 124, à A. Bottequin, Le fran-çais contemporain, Bruxelles, 1937, pp. 87—90, article attirance,et enfin à l'étude très poussée Suffixe littéraire -ANCE de AlexisFrançois, dans Vox Románica, IV (1939), pp. 20—34. (Voiraussi le c. r. de M. Leo Spitzer, Le français moderne, VII (1939),p. 276). Après une première vogue, ce suffixe subit une éclipse àpartir du dix-septième siècle, le dix-huitième apporte de nouvellesformations, surtout dérivées d'adjectifs, du type prépondérant(1723) — prépondérance (1752), avec l'école symboliste, «lesuccès littéraire du suffixe -anee, modéré jusqu'alors, se trans-forme en apothéose». Je cite, d'après M. François (p. 27), lacurieuse théorie de Paul Adam à propos de notre suffixe, théoriequi, il faut le remarquer, cadre à merveille avec la significationde ambiance: « Ance marque, particulièrement une atténuationdu sens primitif, qui devient alors moins déterminé, plus vague,et se nuance d'un recul. Ex. lueur, luisance. Lîieur, c'est l'effetdirect d'une flamme, luisance sera un reflet de flamme dans unpanneau verni, dans la nacre humide de l'œil, dans le froncisd'une sombre et soyeuse étoffe, etc., la syllabe anee produisantl'illusion sonore des dernières vibrations d'une corde harmoniqueau moment où elle va cesser de bruire. Le mot officiel asso-nance donne la marque étalon qui justifie la tentative. »

Paul Adam et les autres symbolistes joignent la pratique àla théorie: les mots en -anee — la plupart du temps éphémères —

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pullulent aux environs de l'année 1890. C'est donc dans un« milieu intellectuel et moral » particulièrement accueillant qu'estné ambiance.

M. François attire aussi l'attention sur la coloration rustique,poissarde et argotique du suffixe -anee, en faisant remarquer queMolière met déjà le terme signifiance dans la bouche du Pierrotde Don Juan. Il n'est pas sans intérêt de noter que ce mêmemot fait également partie du vocabulaire littéraire: M. François(p. 25) en cite trois exemples empruntés à Balzac; j'ajoute quec'est aussi un mot gidien : « L'œuvre d'art accomplie a ceci demiraculeux qu'elle nous présente toujours plus de signifianceque n'en imaginait l'auteur. » *

Je rappelle enfin que, parmi les mots en -anee qui ne sontpoint étudiés dans l'article de M. François, il y en a beaucoupqui rentrent dans le lexique ordinaire sans avoir aucune colora-tion littéraire, des mots comme assurance, ambulance, confiance,ignorance, importance, naissance, nuance, te7idance.

Passons au relevé d'un certain nombre des exemples quej'ai notés du terme à!ambiance. J'ai déjà donné deux citationsdu mot, citations que je dois aux renvois du Lexique du Journaldes Goncourt par Max. Fuchs. En voici une troisième, antérieurede quelques mois à celles-là:

1 Incidences. Cité par Ernst Bendz, André Gide et l'art d'écrire, Paris,1939' p. 50. Outre les exemples de Gide que donne M. François (p. 29),on en trouverait facilement d'autres. Les « legs du style symbolard » foi-sonnent chez Gide, même dans ses ouvrages de date récente (cf. Bendz,particulièrement pp. 37, 71 ss.), mais il y a aussi une autre raison quel'auteur arbore lui-même, et que M. Bendz discute dans les termes quevoici (pp. 67 ss.): « Dira-t-on que ces termes sentent un peu trop l'apprêt,l'envie de s'écarter à tout prix de l'usage courant? Voici sa raison: 'unepersonnalité neuve ne s'exprime sincèrement que dans une forme neuve.'(Nouveaux Prétextes) Donc, inconnaissance, et non 'ignorance'; . . . Il en abesoin pour rendre telle nuance infime, tel prolongement délicat d'une pensée,et le tire de lui-même, faute de le trouver dans le dictionnaire. Dans'l'ambiance incolorée' 'les étoiles innombrées', le terme rare, créé ou em-prunté, trahit la recherche d'une valeur, ou de suggestions, que ne com-portent ni 'incolore', ni 'innombrables'. » On rencontre des tendances ana-logues chez maint auteur moderne. Est-ce grâce à une influence gidienne,sans doute importante, sur la jeune génération? Est-ce parce que tous lesjeunes sont des personnalités neuves? Ou bien n'est-ce pas plutôt parceque cette génération, de même que M. Gide, obéit à une tendance plusgénérale, que nous sommes engagés dans une période de transition où lalangue et les hommes tendent à faire peau neuve, à ne point se contenterdu traditionnel, aiment surtout ces « prolongements de la pensée » qui laissent« à l'imagination pleine licence ».

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Au bord du fleuve du temps, Narcisse s'est arrêté. Fatale etillusoire rivière où les années passent et s'écoulent . . . Un morne,un léthargique canal, un presque horizontal miroir; et rien ne dis-tinguerait de l'ambiance incolorée cette eau terne, si l'on ne sentaitqu'elle coule.

André Gide, Le Retour de Tenfatit prodigue précédé de cinqautres traités, Paris, Au Sans Pareil, 1922, pp. 4, 5.1

M. François, p. 29, cite « une ambiance des jeux et deslumières » dans la Chanson des oiseaux de Vandeputte, en datedu 15 décembre 1895, et indique encore deux passages chezProust.

Mais, comme [Raynouard] s'était tourné vers les études linguis-tiques un peu tard . . . il était mal préparé à démontrer ce qu'ilvenait d'entrevoir. Diez, à cet égard, s'est trouvé dans des condi-tions tout autrement favorables, plongé dans une ambiance oùla science des langues, après la sensationnelle découverte du san-scrit vers la fin du XVIIIe siècle, était en train de faire de rapidesprogrès.

E. Bourciez, Archiv f. das Stud, der neueren Spr., 170(1936), p. 212.

Nous nous représentons la terre, la lune, le soleil dans une por-tion du monde stellaire que nous savons être déterminée, bienqu'elle ne le soit pas pour nous. Napoléon est pensé à Austerlitz,à Fontainebleau, à Sainte-Hélène, dans un cadre plus vague encore,mais toujours conçu comme déterminable. Don Quichotte estimaginé dans les ambiances diverses créées par Cervantes, mais cetespace est réel selon la définition donnée plus haut. C'est parcequ'une chose est localisée dans l'espace qu'elle peut être le substratd'un phénomène . . .

Ch. Bally, Linguistique générale et linguistique fran-çaise, Paris, 1932, p. 59.

Ce qui est vrai des noms de- lieu l'est bien davantage des motsde la langue commune. On les emploie plus fréquemment qu'unedésignation de commune ou de lieu-dit dans les relations quotidiennesentre Flamands et Wallons, et on est plus empressé, pour mieuxs'entendre, à faire le sacrifice de celui des deux synonymes qui estle moins commode à. prononcer ou à entendre, ou le moins familierdans l'ambiance.

M. Wilmotte, Nos dialectes et Ihistoire, 1935, p. 64.

1 Ce texte, Le Traité du Narcisse, parut dans les Entretiens politiqueset littéraires, numéro de janvier 1891 (éd. citée, p. 2); il a été écrit en1890 (cf. ibid., p. 14). Le passage exact où se trouve ces lignes m'a étéindiqué par mon ami M. Ernst Bendz.

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Le moment était au reste propice à la formation et au dé-veloppement d'une telle vocation. Depuis l'impulsion donnée en1835 par Guizot et depuis l'organisation du Comité des travauxhistoriques, les grandes publications . . . s'étaient multipliées . . . et cemouvement prenait un nouvel essor quand Victor Duruy devenaitministre de l'Instruction publique. C'est dans cette ambiancefavorable qu'apparut Longnon.

L. Mi rot dans Actes et Mémoires du Premier Congrès Int. deToponymie et d' Anthroponymie, Paris, 1939, p. 25.

La vie n'est pas un salon maniéré où l'on fait des grâces, c'estun torrent impétueux qui charrie dans ses ondes un pêle-mêled'individus qui se débattent et luttent entre eux par tous les moyens.On évolue dans une ambiance tourmentée, quelquefois hostile.

A. Depras, Le français de tous les jours, Paris, 1926, p. 209.[Si le mari futur trompe sa femme] elle vous rendra la poli-

tesse, je le crois! Oh! pas, bien sûr, par retour du courrier, mais,vous savez, dans l'ambiance d'une femme, il y a toujours le ou lesguetteurs qui attendent la syncope . . .

Denys Amiel, Ma Liberté! {La Petite Illustration, 13 février1937), P- 8.

. . . on juge ordinairement les actes d'un personnage d'aprèsson ambiance, d'après le parti auquel il appartient. Tout ce quipeut être fait ou dit par un homme qui ne partage pas vos opinionspolitiques est forcément abominable et scandaleux.

G. de la Fouchardière, dans son Hors dCEuvre, L'Œuvre,30 novembre 1936.

[Les gosses] sortis de l'histoire menteuse pour entrer dans uneambiance contemporaine plus menteuse encore, ils ont sous les yeux,dans la rue comme au cinéma, des défilés reluisants où sont àl'honneur les guerriers triomphants.

G. de la Fouchardière, dans son Hors (l'Œuvre, L'Œuvre,12 août 1938.

En fait, si les trois nouvelles qui composent ce volume ont entreelles une parenté d'ambiance incontestable, la disparité de leursintrigues et de leurs personnages ne permet pas de les classer dansle genre où leur auteur les catalogue.

Chronique des livres, dans L'Œuvre, 10 octobre 1937.

Je vous engage pour ma prochaine opérette Sports d'hiver. Maispour conserver l'ambiance, comme ça se passe sur la glace, vousn'appuierez pas sur les gros effets . . . vous glisserez! . . .

L'interlocuteur est un «directeur consciencieux», La semainecomique, L'Illustration, 8 janvier 1938.

HOTEL des SAPINS. Le grand confort — L'ambiance — Lacuisine d'une maison de ier ordre à des conditions avantageuses.

Annonce dans La Revue du Ski, 20 novembre 1937.

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Tous les exemples que j 'ai donnés jusqu'ici peuvent s'inter-préter comme 'entourage', 'milieu matériel, intellectuel ou moral'.Quelquefois on y trouve davantage, à y regarder de plus près:quelque chose qui « flotte dans l'air », qu'on sent inconsciem-ment, sans pouvoir bien l'analyser, quelque chose de vague,d'incertain, de flottant, bien exprimé dans le premier des exem-ples donnés ci-après. Les autres sont, plus ou moins décidément,susceptibles d'une analyse identique.

A la vérité, ce thème-là (la jeune femme aux prises avec lavie) n'est point, je le répète, le sujet essentiel de l'œuvre, mais unesorte d'indication vague, incertaine, flottante, destinée à créer uneambiance moderne, à nous révéler un état d'âme — d'âme féminine —un peu spécieusement et arbitrairement contemporain, à mon sens!

Edmond Sée dans un compte rendu de Denys Amiel, MaLiberté!, cité à la 3e page de la couverture de La Petite Il-lustration, 13 février 1937.

L'ambiance dans laquelle s'est déroulé le procès, la singulièreinaction de la défense rendent significative cette phrase que notrecollaborateur Pierre Bénard avait écrite en tête du compte rendu dela dernière audience: « Hier soir Violette Nozières a été condamnéeà mort pour avoir empoisonné son père et pour avoir choisi commeavocat Me de Vésinne-Larue. »

Article intitulé: 11 faut reviser le scandaleux procès de VioletteNozières, dans L'Œuvre, 9 avril 1937.

Le dernier acte du vaudeville judiciaire constitué par l'évasiondu banquier Pélissier de la cellule d'amour, tenue par le gardien-chef Vallet à la Souricière, a commencé hier devant la courd'assises.

On est venu là comme au théâtre, sauf les inculpés, bien en-tendu. Mais eux-mêmes ne peuvent pas complètement échapper àl'ambiance comique du sujet. Christiane Pélissier, Cri-Cri, commedit le programme, a la blancheur des stars à. la mode. En libertéprovisoire, venue se constituer prisonnière hier matin, ainsi quel'exige la loi, elle sort de chez son coiffeur pour entrer dans lebox des accusés.

Article intitulé: U évasion du banquier Pélissier. «Cri-Cri*,f épouse au grand cœur, et Vallet, le complaisant gardien de la« Chambre damour» devant les Assises de la Seine, dansL'Œuvre, 4 mars 1937.

Le rôle du metteur en scène, c'est de restituer à l'œuvre dupoète tout ce qui s'était perdu dans le chemin du rêve à sa réalisa-tion écrite; c'est trouver l'ambiance idéale qui doit mettre les

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spectateurs en état de réceptivité; c'est animer sur scène un rêvecohérent et provoquer dans la salle une hallucination collective.

R. Cardinne-Petit, Lavenir du théâtre, dans Le Journal,21 janvier 1937.

Paris s'est éveillé dans la brume. Elle emplit le ciel, ouate leslointains, recule les avenues. Un crêpe? Non. Mais un voile légerqui donne une ambiance toute particulière à la cérémonie qui va secélébrer à l'Arc de Triomphe, devant le Tombeau de l'Inconnu.

L'Illustration, 30 juillet 1938, p. 419.

M. Yves Gandon, en parlant de Colette, rattache la citationsuivante aux sensations tactiles: « La bonne chaleur sèche,poussiéreuse, m'enveloppe comme un manteau confortable etsale», et le critique poursuit:

Cette phrase de la Vagabonde ne traduit-elle pas, en un si brefespace, avec la vivacité d'un instantané, l'investissement, l'immer-sion, si je puis dire, de tous les pores de la peau dans l'ambianced'un petit théâtre de quartier, l'hiver?

Yves Gandon, Le démon du style, Paris, 1938, p. 215.

Le bon renom d'une nationalité est une excellente recommanda-tion auprès de l'acheteur. Les lettres de réclame, les en-têtes delettres, les inscriptions couvrant les colis ou caisses, les étiquettessupplémentaires doivent créer un cachet d'origine constituant uncertificat d'importation qui donne aussi l'ambiance dont le caractèreparticulier permet d'arriver au résultat désiré.

Paul Dupays, Nouveau cours de style commercial, Pitman,Londres, 1937, p. 145.

D'ailleurs, il est essentiel que la tenue de Serge et de Murielne suggère rien d'équivoque, ni de grivois, ni surtout d'intentionnelqui détruirait une ambiance plus émouvante et plus troublante ànaître seulement de ces deux grands enfants en présence, purs,ardents et nus.

Jacques Deval, L'Age de Juliette, pièce en trois actes, LaPetite Illustration, 9 mars 1935, p. 21.

Eh bien! Après tant d'années d'alternatives d'espoir et de déses-pérance, voici que les tunnellistes lancent une nouvelle offensive et qu'enGrande-Bretagne, où le grand projet avait reçu, jusqu'ici, un accueilplutôt frais, l'ambiance se fait favorable. Sans doute les événementspolitiques y sont-ils pour quelque chose.

Article intitulé: Va-t-on enfin réaliser le tunnel sous la Manche?cité dans E. Strömberg, Tidningsjranska, Stockholm, 1939, p. 29.

Damourette & Pichón, Des Mois à la Pensée, se serventfréquemment du mot ambiance: il ne faut évidemment pas

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attacher une importance exagérée à ce fait, puisque ces auteurs,à chaque page de leurs volumes, forgent des termes nouveauxet insolites pour l'amour du grec et du latin. Néanmoins,l'emploi et la définition du mot ambiance qui se trouvent chezeux ne sont pas sans intérêt pour exemplifier ce caractèreimprécis qu'un Français d'aujourd'hui attache au mot:

A l'inverse de la coalescence, l'ambiance est une adjacence pluslâche que la circonjacence. Le régime y figure comme une cir-constance accessoire dont l'omission ne modifierait essentiellementni le rôle du régent dans la phrase, ni le sens général de celle-ci.Le plus souvent d'ailleurs, il faut un effort spécial d'analyse pourindiquer quel est le support de ce complément flottant, qui ne faitpas partie de l'édifice logique de la phrase, mais qui s'y présentecomme un organisme indépendant dans un milieu qui l'enveloppeet le soutient.

« On y entend chanter un coq qu'on ne voit pas, chose extrême-ment désagréable. »

(V. Hugo, Les Travailleurs de la mer, I. I. 4, tome Ier, p. 27.)

L'ensemble chose extrêmement désagréable est un complémentambiant. Il flotte dans l'atmosphère sémantique de la phrase sansconcourir à son organisation: il pourrait y occuper des places di-verses, sans que le sens fût modifié de façon bien appréciable:

Damourette & Pichón, Des Mots à la Pensée, t. I, pp. 123, 124.

Dans une conférence faite le 8 février 1939, M. JacquesPaoli, lecteur de français à la Faculté des Lettres de Gothem-bourg, a parlé de Vambiance d'une phrase, 'l'impression, le pro-longement qui se dégage de la phrase'.

Le poète belge M. Olivier Meurice, dans une conférence deGothembourg, en octobre 1938, disait: « Bruges et Gand ontune ambiance adorable ».

M. Léon Daudet, Courrier des Pays-Bas, III, Melancholia,Paris, 1928, nous offre toute une théorie de l'ambiance.1

Cette application spéciale du terme, application qui prendcomme point de départ la définition physiologique que voici:« une constante d'équilibres entre nos rythmes intérieurs et lesrythmes de la nature» (M/lancholia, p. 21), n'est pas sansintérêt pour notre sujet. M. Daudet tente une analyse pousséedes diverses manifestations de ce qu'il appelle l'ambiance, de

1 L'article Montaigne et l'ambiance du savoir est réimprimé dans unvolume intitulé Flambeaux, Paris, 1929, mais, dans cette publication, on neretrouve pas les textes de la théorie générale de l'ambiance.

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ses localisations dans le temps et dans l 'espace. Les quelques

citations que j e donnerai permettront de juger de la significa-

tion que l 'auteur prête au mot, de sa tentative de faire entrer

dans le domaine de l 'analysable, sinon du délimitable, ce qui

flotte autour de nous, «ce qui court devant nous» , «ce qui

émane de n o u s » , « c e qui nous baigne et nous pénè t re» .

[L'ambiance] enveloppe l'espace et le temps, elle émane à lafois de l'univers et de nous; elle est en nous, consciences, personneset peuples, comme une inclusion de l'universel, comme le mouve-ment enveloppant et développé, puis redéveloppé et réenveloppant,continûment cycloïde et spiroïdal, de quelque chose qui relie aprèsavoir spécifié, qui n'est ni quantitatif, ni qualitatif et qui participedes deux à la fois, et qui a, dans la vie, une vie propre, dissimulée,cependant révélable, analogue à celle du radium, ou des ondes, ausein cryptoïde de la nature inanimée. L'ambiance ne se confondpas avec la pensée, et cependant elle sert de véhicule à la pensée.Elle ne se confond pas avec la sensation et cependant elle propage,augmente ou diminue, ordonne toute sensation, comme la main règlela lumière, le son, et met au point la machine, simple ou complexe.

Bien des phénomènes non rattachés sont, à mon avis, desphénomènes d'ambiance. Elle n'est pas absolument insaisissable.Si nous arrivions à la capter, nous interviendrions dans l'organismebien autrement que nous ne le faisons aujourd'hui; car elle est imeforce incalculable, un extrait de force, quelque chose qui est à laforce ce que l'alcool volatilisé est au vin.1

M. Daudet se représente l 'ambiance comme une émanation.

Comme une émanation à la fois morale et organique, reliée àl'ensemble de l'être sous son aspect moral, et aux tissus, epithelialet endothélial, sous leur aspect organique. Nos sens sont des lo-calisations, des points de concentration de cette faculté, à la foisrésistante et fragile, selon que l'équilibre vital est obtenu ounon, complet ou incomplet, durable ou instable. Tout ce quiassure cet équilibre confirme et amplifie l'ambiance. Tout ce quidétruit ou diminue cet équilibre, diminue aussi la faculté del'ambiance.2

Cependant l'aspect par lequel l'ambiance fait partie des rythmeshumains n'est pas le seul à envisager. Car il y a l'ambiance col-lective, cette faculté étant contagieuse entre toutes, de communica-tion et de transmission par excellence, et telle que des événements

1 Mélancholia, pp. 16, 17.2 Ibid., pp. 86, 87.

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de l'histoire, ou de la simultanéité terrestre, aucune ne saurait luiéchapper.1

L'hérédité, c'est l'ambiance dans le temps. Inversement, l'ambi-ance a, sur le plan de l'espace, des affinités avec l'hérédité, et quetraduisent les phénomènes de contagion.2

. . . l'ambiance groupe, pour une époque donnée, toutes lespuissances d'enquête et les oriente dans un même sens. C'est ceque le bon sens du peuple exprime par l'image « des idées qui sontdans l'air». L'exemple classique est celui de Newton et de Leibnitz,découvrant, en même temps, le calcul infinitésimal. A l'heure ouj'écris, les inventions mécaniques et physiques, arrivant à manifesterles puissances occultes et éparses de l'univers, à les utiliser pour lebien, ou pour le mal, pullulent et foisonnent avec une extrêmerapidité. En d'autres temps, l'efflorescence artistique et poétique dela Renaissance étonna l'univers. L'époque Elisabeth d'Angleterre aproduit une moisson de génies dramatiques incomparables, au som-met desquels étincelle Shakespeare. Ces événements, intellectuels etsensibles, sont ainsi sous le même signe que les événements orga-niques; et les lois, encore insoupçonnées, qui assurent leur apparitionet leur disparition ne sont pas différentes pour les corps humainset pour les sociétés humaines. Mais il en est de ces lois commedes étoiles. A peine en entrevoyons-nous quelques-unes, dans lesprofondeurs de la réflexion, que d'autres apparaissent à l'état denébuleuses, plus loin et encore plus loin.3

[Les conceptions philosophiques] ne recourent jamais au domainede l'olfactif et cela en raison de son imprécision, de son vague, deson côté diffusible à l'infini, qui coïncide avec son extraordinaireintensité. Comme l'ambiance, dont il est un poste, l'odorat nedélimite jamais.4

Jusqu'ici, j 'ai laissé de côté les exemples empruntés au langagede la Bourse. Je ne peux donner qu'un bien petit nombre descentaines d'exemples que j 'ai observés dans les pages commer-ciales des journaux. Voici quelques citations de L!Œuvre:

La séance officielle s'est déroulée dans une ambiance de réservecommandée par les nouvelles de la matinée . . . 29 septembre 1938.— La tendance a été plus hésitante sur le groupe des rentes fran-çaises, en raison de l'ambiance de réserve créée par les événementspolitiques extérieurs . . . 20 juillet 1938; cf. ibid. 30 mai 1938. —La détente du loyer de l'argent . . . a entretenu une ambiance fa-

1 Ibid., pp. 87, 88.2 Ibid., p. 96.3 Ibid., pp. 98, 99.4 Ibid., p. 111.

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vorable. 16 mai 1938. — Bien que la clôture se soit faite sur unenote quelque peu irrégulière . . . l'ambiance boursière n'était pasautrement défavorable. 27 décembre 1937. — Les charbonnagesfrançais ont fait bonne contenance. Ils ont bien résisté tout d'abordaux dégagements qui se sont produits, et ont vivement progressé dèsque l'ambiance s'y est prêtée. 11 octobre 1937. — Les valeurs demétallurgie ont été bien tenues au début de la semaine, puis sesont ressenties ensuite de l'ambiance moins satisfaisante. 12 avrilX937- — L'ouverture s'est faite dans une ambiance encore quelquepeu inquiète, étant donné l'incertitude où l'on était en ce qui con-cerne le discours du chancelier H i t l e r . . . 13 septembre 1938. —Les résultats définitifs des élections cantonales . . . n'ont pas amenéde modification sensible de l'ambiance boursière. 19 octobre 1937. —Wall Street a fortement baissé lundi et au début de la séance dumardi, dans une ambiance de panique. 25 octobre 1937. — Surcette partie du marché l'ambiance a donc été plus optimiste à ladernière heure. 29 novembre 1937. — A la faveur de cette am-biance un peu plus satisfaisante, les animateurs ont amorcé unmouvement de reprise. 13 mars 1939. — Toutefois, vers la fin dehuitaine, devant l'ambiance générale, ils ( = les fonds d'Etat) sontdevenus un peu indécis, mais sans accuser des écarts très sensibles . . .Les produits chimiques n'ont pas pu garder leur avance initiale, parsuite de l'ambiance. 6 septembre 1937. — La liquidation dequinzaine . . . a donc pu se faire . . . dans une ambiance relative-ment bonne . . . Les rentes . . . ont fléchi . . . étant donné l'ambiancecréée par les événements d'Europe Centrale. 19 mars 1939. —Les valeurs étrangères ont donc terminé sur une note franchementfaible, et les titres français n'ont pu échapper à cette ambiance delourdeur . . . La réponse des primes mardi, puis la liquidation defin de mois mercredi, se sont effectuées dans une ambiance favorable.Ibid. — En dernier lieu, on a noté quelque réserve de la part desopérateurs. Mais l'ambiance est demeurée satisfaisante dans cesgroupes locaux. 18 octobre 1937. — L'ambiance a encore été trèscalme dans l 'ensemble. . . 26 septembre 1939. — Les valeursétrangères ont donc terminé sur une note franchement faible, et lestitres français n'ont pu échapper à cette ambiance de lourdeur.5 février 1938. — Les Rentes Françaises n'ont pu se désolidariserde l'ambiance peu favorable qui a régné cette semaine sur l'ensembledu marché. 30 novembre 1936.

On trouverait facilement des exemples analogues dans d'autres

textes de nature commerciale; en voici un:

La constitution définitive de l'accord de Munich a permis à laBourse de poursuivre sans hésiter les progrès qu'elle avait déjà en-registrés la veille. D'autre part, l'ambiance ainsi créée a facilité les

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opérations de la liquidation qui se sont effectuées sans difficulté,bien qu'avec des taux de report plus élevés qu'auparavant. LeJournal, Ier octobre 1938.

C'est assez piquant d'observer que justement dans le langagedu milieu des affaires, dans un domaine où l'on dirait que leschiffres, les calculs doivent régner exclusivement, un termevague, d'une imprécision voulue, a trouvé droit de cité, etmême que ce mot est devenu un terme de prédilection dans cemilieu. Du reste, ambiance n'est pas le seul mot imprécis qu'ony rencontre fréquemment: tendance est d'un emploi si courantque je n'ai pas besoin d'en donner d'exemples, mot à la modequi peut également exprimer que quelque chose « flotte dansl'air », de même atmosphère; orientation, dispositions se rencontrentun peu moins souvent, si j'en crois mes impressions, tandis quel'allure {de la cote, etc.) est d'un usage plus régulier, mais aussid'un caractère plus précis. On s'étonne aussi un peu de trouverbien des fois le mot note, emprunté au langage musical, sousl'en-tête Bourse de Paris, comme dans les exemples que voici:

Sans conserver une note aussi ferme que pendant les deuxséances précédentes, notre marché a témoigné hier encore d'unerésistance appréciable . . . L'Œuvre, 22 septembre 1938. — D'unefaçon générale, la fermeté a été une fois de plus la note dominante . . .Ibid., 17 octobre 1939. — La clôture s'est donc faite sur une notebeaucoup plus soutenue dans les groupes locaux. Ibid., 13 sep-tembre 1938. — La clôture s'est donc faite sur une note satisfaisante.Ibid., 11 novembre 1937. — Ces dernières (= les rentes françaises)avaient débuté sur une note encore faible... Ibid., 24 avril 1937.

Du reste, si, à présent, nous laissons de côté le mot ambiancedans son usage financier pour nous tourner de nouveau vers lalangue ordinaire, nous verrons tout de suite que ce terme n'estpas le seul qui peigne le milieu ambiant avec tout ce quecelui-ci comporte de prolongements de pensées, d'idées, de sen-timents, de sensations qui sont, non point exprimés conformé-ment à un idéal cartésien, mais contingents, tangentiels, sous-entendus, subconscients. Ainsi climat, terme si parfaitementcourant dans un sens figuré qu'André Maurois n'a pas dû hésiteravant de donner à un de ses livres le titre de Climats, et dontje citerai un exemple emprunté à M. Léon Archambaud:

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Pour prendre une expression qui a fait fortune depuis quelquesannées, le 'climat' — le climat moral et social de la France —n'est pas propice à l'intransigeance, d'où qu'elle vienne.

L. Archambaud, dans un article intitulé: Signification etportdedu principe de Iarbitrage obligatoire, L'Œuvre, 31 décembre1936.

Atmosphère n'est pas moins à la mode, et quelquefoismilieu prend une coloration analogue, ainsi qu'il ressort d'un desexemples donnés ci-après:

Le climat intellectuel est tout proche du nôtre; ce n'est doncpas assez de dire, si l'on se re'fère à ce milieu, que l'atmosphèreest latine: elle est française.

André Siegfried, Amérique Latine*, 1934, p. 153.

Dans L'Illustration du 2 juillet 1938, on parle de la visitedes souverains britanniques à Paris, on insiste sur le « climatbritannique», dans les termes que voici:

Deux pays plus étroitement unis qu'ils ne le furent jamais vonttrouver dans la visite des souverains britanniques à Paris un sym-bole vivant de cette union. Comment ne signalerait-on pas ici despages qui, dans les publications d'aujourd'hui, participent de lacordiale atmosphère.

L Illustration n° 4974, p. 304.

Dans quelle mesure l'apparition de l'hitlérisme a-t-elle perturbél'atmosphère nécessaire à la vie de la science dans le monde, climatjusqu'alors entretenu par des traditions de libre recherche . . .?

Telle est la question à laquelle M. Joliot-Curie veut bien merépondre:

Ce climat indispensable dans le domaine international de lascience a, il faut bien le dire, disparu depuis l'hitlérisme, me déclarele jeune et illustre professeur.

C'est une constatation que m'ont exprimée tous mes collègues . . .Tous se plaignent: 'Nous n'avons plus notre milieu1.

Car il est vrai qu'un scientifique ne produit pas seul: c'estl'atmosphère qui permet la création.

Georges Schnéeberger, Deux ?nots dun ami de la jeunesse :M. Joliot-Curie, dans L'Œuvre, 17 juillet 1938.

Dans La Proie (roman d'Irène Nemirowsky) toute la premièrepartie fait à la fois songer à Mauriac par le rendu de l'atmosphèrefamiliale bourgeoise et la dénonciation implicite du vide de certainesjeunes âmes, et à Balzac par l'autorité avec laquelle sont traitéesles questions d'argent.

André Billy dans L'Œuvre, 30 mai 1938.

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II ressort de mon exposé que le terme ambiance, de mêmeque quelques expressions synonymes, s/est bien enraciné dans lalangue contemporaine, que la popularité extraordinaire de cenouveau venu du lexique montre bienvque son apparition et savogue sont dues à une tendance, à un besoin de faire bonmarché de la précision traditionnelle de la langue française, de sedébarrasser de ce qui est du domaine delà « clarté facile », de ne passe complaire dans l'évidence,1 de vouloir exprimer aussi quelquechose de plus: les prolongements des idées et des sensations,les suggestions, l'ouverture de « percées jusqu'au fond du mondeintérieur »2. Bergson et le bergsonisme, surtout dans son ap-plication vulgaire, sont, à côté du symbolisme, des facteurs qu'ilne faut pas négliger lorsqu'on veut expliquer cette tournured'esprit moderne. On peut dire d'un côté qu'une telle tendanceest contraire au «génie de la langue française», tel qu'il s'estréalisé au cours des siècles,3 d'un autre côté, qu'un certainrenouvellement du français est nécessaire aussi dans ce domaine,si l'on veut éviter le dessèchement et la sclérose. Un tel renou-vellement observé dans le vocabulaire et .ailleurs contre-balancela tendance à la différenciation entre la langue littéraire et lalangue «commune», milite contre la scission en faveur delaquelle plaide M. André Thérive dans Le français, lattgicemorte? ...

Si le français garde toujours intacts des traits fondamentauxqui relèvent de l'ancienne clarté, dans son sens classique, on yrencontre également une part plus large faite à l'intuitif, àl'expressivité, aux demi-jours, aux termes qui suggèrent plusqu'ils ne signifient, aux mots vagues sans contours précis.Parmi ces termes suggestifs et imprécis, le mot ambiance tientune place de premier plan, par son emploi et sa signification,non moins que par la vogue dont il jouit.

J'ai dit, en. commençant, que le terme ambiance pouvaitservir à rendre une partie de la notion qu'exprime le motsuédois stämning, mais il faut remarquer que cette dernièreexpression peut aussi s'employer de l'état d'âme d'un individu

1 Cf. Bally, Linguistique générale et linguistique française, 1932, p. 379.3 Cf. Taine, La Fontaine, p. 69, cité par Bailly, Op. cit., p. 381.3 Voir Bally, Op. cit., K. Michaëlsson, Det franska språkets klarhet,

Svenska Humanistiska Förbundets skriftserie, n° 47, 1938.

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seul, tandis qu'une ambiance se crée à l'aide d'un milieu oud'autres personnes; mais, une fois créée, elle peut être unphénomène purement individuel. Malgré tout, le terme françaisgarde aussi une teinte plus intellectuelle que le mot suédois cor-respondant. Par ailleurs, on doit avoir présent à l'esprit que« les surfaces totales de sens de deux vocables de languesdifférentes ne sont jamais exactement superposables, — elles necoïncident qu'en partie — partie plus ou moins étendue selonles mots. »T

Avant de terminer, je dois jeter un coup d'œil rapide surun terme qu'on relève fréquemment en italien, en espagnol, encatalan et en portugais, terme remontant à la même sourceque l'adjectif ambiant, mais employé aussi substantivement:ambiente. Le Vocabulario degli Accademici délia Crusca5, t. I.1863, donne des exemples de l'adjectif ambiente à partir deSanleolini et de Galilée « aria ambiente », etc., voire même unemploi nettement figuré, dès 1756:

Questa voce... nasce per un desiderio di gloria dalla con-cupiscenza ambiente intorno all'animo nostro.

Traduction de 1756 des Œuvres de saint Tertullien par Sel-vaggia Borghini.

Comme substantif « si dice dell'aria o d'altro fluido aeri-forme che circondi alciina cosa»; parmi les exemples j'en citeraiun de Galilée:

Per lo quai calore i granchi, gamberi e le conchiglie testacee,foméntate dal caldo dell'ambiente . . .

J'insiste sur deux autres exemples, le premier emprunté àLuigi di Orazio Rucellai (mort en 1627, selon rEnciclopediaitaliana).

lo m'immagino, che, considerando sottilmente donde si partanoi venti più gelidi del settentrione, . . . da quelli ambienti d'aria edalle nevi ch'e' passano, si volgano poi a tanta freddura.

le deuxième à G. F. Tozzetti, Relazione délie Febbri, ouvragedatant de 1767:

1 Félix Boillot, Le vrai ami du traducteur anglais-français et français-anglais, Paris, 1930, p. 10.

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Dal praticare lungamente coi malati di febbri perniciose, ancherade e sporadiche, ma dimoranti in ambiente ristretto e mal custodito,si contraggono da alcuni sani le medesime febbri.

J'ai donné ces deux citations parce que le contexte nousrévèle combien facilement peuvent naître les deux sens modernesdu mot: 'milieu', 'ambiance', d'un côté; 'pièce', 'chambre', del'autre.

Le Dizionario délia 1. it. de Tommaséo & Bellini n'apporterien de nouveau qui puisse nous intéresser.

Rigutini & Fanfani, Vocabulario italiano délia lingua parlata,novamente compilato da G. Rigutini, Florence, 1897, s. v., offrele passage que voici: «Ambiente, s. m. L'aria che sta attornoe involge un corpo qualunque. || -j* (= « segno di cattivo neo-logismo ») fig. Il luogo, le persone e le cose, in mezzo allequali viviamo: 'Quel giovîne vive in un certo ambiente, chenon puó non guastarsi.' È metafora grossolana. || Ambiente, suoldirsi ancora per Ispazio compreso dentro cērti limiti: 'II campoha un ambiente di mezzo chilometro: — Quella stanza ha unambiente di dieci metri.' || *{• Ambie?ite per Stanza, è neologismosgraziato: 'Casa di diece ambienti'. »

Le Nuovo Dizionario italiano-tedesco de Bulle' & Rigutiniprononce la même condamnation d'un emploi de ambiente pour'Zimmer' et 'Milieu', avec cette aggravation que le dernier sensest précédé d'un signe dont se servent les auteurs pour exprimerque certaines expressions « sono venute da dialetti o da linguestranieri, e che perciô non si dovrebbero adoprare nella buonalingua ».

Le Novo Dizionario universale délia Lingua Italiana dePetrocchi, plus accueillant à l'égard des néologismes, note queambiente est un substantif « non popolare », c.-à-d. appartenantà « una lingua non letteraria, che il popólo intenderà, anzi in-tende, ma che non adopra assolutamente » (Introduzione, p. VII):« L'aria dintorno. § fig. Il luogo e le cose di cui, vivendoci,sentiamo l'influenza. »

L'édition du Melsi que j'ai sous la main, celle de 1922,enregistre, sans autre commentaire, la signification figurée « illuogo, le persone e le cose, in mezzo alle quali ci troviamo»,

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mais note que 'stanza', 'vano' est à considérer comme un néo-logisme.

La première édition du Dizionario moderno de Panzini, Milan,1905, fait observer que « per stanza o vano o recipiente nonmi pare voce lodevole», mais il se résigne, à regret, à adopterl'acception vague et moderne d"ambiance': « Nel senso di con-dizione ed influsso di tempo, luogo, persone è cosí invalsa che,anche condannandola, sarebbe condanna inutile. Certo che èpreferibile, per chi onora l'arte del dire e dello scrivere, deter-minare queste condizioni con le loro precise parole. » La septièmeédition, de 1935, ne porte pas trace d'un article ambiente;la raison est, tout simplement, que les emplois du mot dontparle en 1905 M. Panzini sont définitivement entrés dans lalangue, et « questo Dizionario chiamato moderno, appunto perrimanere moderno è costretto ad ogni stagione, cioè per ogniedizione, di fare come le biscie: mutare la pelle. » (éd. de 1935,p. IX). En revanche, il y figure un verbe, ambientarsi, dérivélambiente, dérivation qui prouve la vogue du mot et des idéesqui s'y rattachent : « Ambietitarsi: abituarsi al luogo, alie per-sone, al costume, ecc. 'Si è ancora ambientato a Roma?' Nonè bello, ma dell'uso . . . Ambientare un personnaggio storico,fargli attorno il suo clima storico. »

Je citerai quelques exemples du terme ambiente, notés auhasard de mes lectures:

Quella vita di sposa, di madre, in quell'ambiente singolare, dovela solitudine profonda si alternava colla compagnia folta dei malvagi,ella l'aveva cominciata assai coraggiosamente.

Matilde Serao, Aïïerta, sentinella, Milan, 188g, p. 33 (l'héroïneest mariée avec un directeur de prison).

— Credo che la vostra signora non ci stia egualmente bene —osservô il Colonna.

— È vero, poverina — rispóse Gigli, con una tenerezza di voce— è un po' gracile di salute, un po' fantástica e l'ambiente, capite,sul principio, le era insopportabile.

— Adesso si è abituata? Ibid., p. 53.

I medici venuti a visitarlo mi ordinarono di condurlo fuori, difargli cambiare ambiente. Avrei dovuto lasciarlo solo, perché pareche la cura per queste malattie sia il far dimenticare al malatol'ambiente e le persone con le quali ha vissuto . . .

Grazia Deledda, / / segreto delluomo solitario, Milan, 1921, p. 56.8—39246. Stiidia neophilologica 1939—1940.

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Tratto caratteristico nell'ambiente mistilingue dei Balcani è inveceil bisogno di vivere e convivere entro un territorio relativamenteangusto . . .

Vittorio Bertoldi, Contatti e conflitti di lingue neltantico Me-diterráneo, Zeitschrift f. rom. Phil., tome 57 (1937), p. 138(= Festschrift Karl Jaberg zum 60. Geburtstag gewidmet).

Le sue filiazioni dirette più notevoli sono infatti l'estetica intel-lettualista del Muratori e del Graviņa e il pensiero giuridico delGraviņa stesso e del Giannone e dei loro continuatori. Ma daquesto ambiente cartesiano umanistico nasce anche il pensiero delVico . . .

S. Caramella, Senso comune, Teoj-ia e pratica, Bari, 1933, p.153 (cité par A. Schiaffini, Op. cit., p. 281).

J'ai aussi noté F ambiente délia Borsa, dans les pages commer-ciales des journaux.

Résumons ce qui vient d'être dit sur l'italien. L'adjectifambiente est connu depuis la Renaissance au moins, dans unsens analogue à celui que nous avons déjà observé en français.Son emploi figuré est attesté à une époque plus reculée quel'acception correspondante en français. D'après les dictionnaires,le terme ne s'emploie plus adjectivement (voir p. ex. Petrocchi),mais j'en relève un exemple chez D'Annunzio, Trionfo déliaMorte, p. 60:

II benessere ambiente non era favorevole a quello sforzo interiore.1

Le substantif est fréquent aujourd'hui pour 'stanza' et pour lanotion de 'milieu', 'milieu intellectuel et moral', avec la mêmeimprécision, les mêmes prolongements d'idées que nous avonsobservés à propos du vocable ambiance. La popularité de cesubstantif est notoire : « è vocabolo di cui oggi si abusa adope-randolo anche quando non ne sarebbe nécessita », fait remarquerM. Passerini2. Sa vogue ressort aussi du fait qu'on a forméun nouveau verbe: ambientarsi.

Je note en passant que, malgré le silence des dictionnaires,clima a subi une extension de sens, comparable à ce que nousavons enregistré pour climat. On lit ce mot dans un passagedéjà cité de Panzini: clima storico, M. Migliorini, Lingua com-temporánea, p. 64, nous offre ttn clima di disciplina.

1 Cité par G. L. Passerini, Il vocabulario dannunziano, Florence, 1928, s. v.2 Passerini, Il vocabolario dannunziano, l. c.

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Les exemples italiens lambiente indiquent que ce terme estplus ancien que le vocable français ambiance, ce qui, du reste,n'est pas pour nous étonner, si nous pensons au caractère moins« cartésien » de cette langue1. Dès lors, la question se pose desavoir si ambiance doit son existence au terme italien. Que laformation soit française, nul doute là-dessus. Que le « milieuintellectuel et moral » dans lequel il apparaît soit particulière-ment favorable à sa création, nul doute sur ce point non plus.Mais il se pourrait bien que le terme italien ait contribué àl'apparition du mot français: seulement, c'est là une questiond'importance secondaire. Ce qui importe, c'est le fait que leterme français n'est point resté une pure curiosité linguistiquecomme tant d'autres formations de l'époque des impressionisteset des symbolistes. Ce qui m'importe à moi, c'est la vogueextraordinaire du terme, sa marche triomphante et rapide versla forte position qu'il occupe aujourd'hui; c'est le fait qu'il a bienprouvé que sa création répondait à un besoin des modernes, queces modernes ont accepté et choyé ce nouveau venu qui pouvaitexprimer quelque chose dont l'expression leur tenait au cœur.

L'espagnol ambiente montre un développement de sens ana-logue. Le Diccionario de la Lengua Española de la RealAcademia Española, 1925, ne donne que les indications quevoici: « adj. Aplícase a cualquier fluido que rodea un cuerpoI) 2. m. Aire suave que rodea los cuerpos. || 3. Pint. Efecto dela perspectiva aérea que presta corpoeidad a lo pintado y fingelas distancias. » De même Tolhausen, Neues spanisch-deutschesWörterbuch™, 1928, n'offre que: «adj. umgebend (Phys.) || nahe-liegend, ambiente, m. die uns umgebende Luft. » Mais Slaby-Grossmann, Wörterbuch der spanischen und deutschen Sprache,1932, a de plus le sens figuré: «Umwelt, Umgebung, Milieu»,et, en accord avec l'Académie, « Pleinair, Freilicht», commeterme de peinture. Le Pequeño Larousse Illustrado, 1936,s'exprime de la façon suivante: « Ainbiente adj. Dicese del fluidoque rodea un cuerpo: las estufas vivían el aire ambiente. M.Aire que rodea los cuerpos. Fig. Lo que rodea: ambiente

1 Cf. W. von Wartburg, La posizione della lingua italiana nel mondoneolatino, Tre conferenze: Caratteristica comparativa dell' italiano e delfrancese, p. 30 ss., Bibliotheca Hertziana, Rome, Leipzig, 1936.

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intelectual; vivir en un ambiente peligroso. » L''Enciclopedia uni-versal ilustrada, tome V, s. v. nous présente l'adjectif avec sonsens ordinaire, et poursuit: « m. fig. Conjunto de circonstanciasque acompañan á una persona ó cosa. || Pint. Atmósfera en lacual parecen moverse las figuras pintadas en un lienzo. »

Voici maintenant quelques exemples:

Quedaría incompleto y aun tergiversando el análisis del estadopresente de España que estas páginas ensayan si se entendiera quela inquietud particularista descrita en ellas ha engendrado un am-biente de feroz lucha entre unas clases y otras.

Ortega y Gasset, España invertebrada*, Madrid, 1934, p. 74.

Respondía la empresa a un ambiente propicio, a una corrientede opiniones y de conveniencias sin la cual ningún hecho históricopuede desarrollarse.

Gonzalo de Reparaz, hijo, La época de los grandes descubri-mientos españoles y portugueses, Barcelone, 1931, p. 89.

La carta de Toscanelli, la obra de Pedro de Ailly y la idea, queestaba en el ambiente desde hacía tiempo, de la existencia de tierrasal Occidente . . .

P. Aguado-Bleye, Compendio de Hist, de Esp. II, Madrid, 1931, p. 35.

Poco a poco fue haciéndose mayor entre los tres viajeros delcoche — no íbamos más que nosotros tres — un ambiente decordialidad.

Azorín, En el tercer grado, in Langenscheidts Lektüre, n° 36, p. 140.

Seguía gris el cielo y el ambiente era grato, tibio.Azorín, I^a música, Ibid., p. 130.

Un tren que le traía, en la plenitud de la noche, el ambientede los cabarets de las dos metrópolis . . .

Alb. Insúa, La mujer, el torero y el toro, 14 millar, 1926, p. 180.

El acto se desarrolló dentro de un ambiente de gran simpatía(il s'agit d'un mariage).

Defensa de la Cultura 7. Ediciones 5° regimiento, p. 24.

J'ai parcouru en entier F. Carmona Nenclares, Vida y Lite-ratura de Rufino Blanco-Fombona, Madrid, 1928, en quêted'exemples d'ambiente: j 'y ai relevé cinq exemples de ce vocable(pp. 71, 75, 117, 152, 173), dont tous ne sont pas de la plume del'auteur. J'attire l'attention sur le passage suivant (p. 71), cita-tion de La lámpara de Aladino par Blanco-Fombona, où noustrouvons lo ambiente: «¿Que lo que miro dentro de mí y la

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manera como miro lo ambiente difieren de un día para otro?¡ No importa! » De plus, dans une citation de la revue Atlánticade Buenos Ayres, p. 24, ambiente, adjectif, est employé toutautrement que comme « terme de physique » : « Su recia per-sonalidad de publicista y su figura de maestro de idealismo lodestacan como un gran carácter en el chato ambiente hispano-americano. » II n'est pas moins intéressant de constater que noustrouvons dans ce volume, le mot ámbito dans un sens analogue,inconnu aux dictionnaires: celui de l'Académie espagnole donne« contorno o perímetro de un espacio o lugar », « espacio compren-dido dentro de límites determinados », le Pequeño Larousse Ilu-strado « recinto incluido dentro de límites determinados: el ambientedel palacio, de la iglesia. » Voici les exemples du livre en question :P. 11 « Fuerte es aquel solitario que llena el ámbito de lasoledad con el nervio de su propria energía. » P. 20 « Dentrode nosotros la ( = la vie du héros) sentimos como una cosa quesuperara todo ámbito vital.» P. 71 « . . . la existencia empujaal ámbito espiritual . . . » P. 77 « . . . cuando deja el ámbitoamable de la adolescencia . . . » P. 102 « . . . en el ámbito está-tico . . . » P. 108 « El ámbito de la escuela literaria es exiguopara B.-F. » P. 111 « Dentro del ámbito novelesco de R. B.-F.tiene un aspecto barroco. » On voit que la signification duterme peut être identique à celle de ambiente.

Le catalan nous offre des faits de même nature. P. Fabra,Diccionari General de la Llengua Catalana, Barcelone, 1932,dit: « ambient adj. Dit d'un fluid que circumda, que circula alvoltant. L'aire ambient. El medi ambient. || m. Allô que envolta,que circula al voltant d'una cosa, esp. l'aire. En aquella salahi havia un ambient irrespirable. | Fig. Conjunt de circumstànciesenmig de les quais hom creix, viu, fa una cosa. » Alcover,Dicconari català-valencià-balear, I, Palma de Mallorca, 1930, p.589: «AMBIENT: cast, ambiente. \ i. Que circueix un cos. (Hodiuen prôpiament de l'ayre o altre fluid, y metafôricament deles circumstàncies morals o espirituals) || 2. m. a) Ayre o altrefluid que circueix un cos. Flotava dins tin ambient obscur totaarruixada de llum, Ruyra, Parada 18. — b) met. Conjunt decircumstàncies intel-lectuals o morals en mig de les quais viuqualcú. Fon. ambién (or.); ambién (oca); ambient (val.); ambient

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(mall.). » Je fais observer que le Diccionari de la llengua caía-lana de Labernia, Barcelone, 1839, ne présente que le substantif,avec le sens « lo ayre suau que circuheix los cossos ».

Le portugais entre aussi en ligne de compte. Michaelis,Novo Diccionario da lingua portugueza e allemäs, Leipzig, 1907,écrit: «Amálente, adj. umgebend; ar ~ oder ~ umgebende Luft;fig. Sphäre, Schicht, Kreis; meio ~, Milieu, Welt, in der manlebt. » Figueiredo, Novo Diccioyiário da lingua portuguesa'1, Lis-bonne, 1922: « Ambiente, adj. Que anda ou está á roda de algumacoisa ou pessôa. M. O ar que se respira. Roda, esphera, emque se vive. » Ce dictionnaire offre en plus : « *Ambiència. f. neol.O meio em que vive um vegetal ou um animal. »'

Nous venons de voir que, outre l'italien, l'espagnol, le catalanet le portugais ont donné à ambiente (ambient) un sens cor-respondant à celui du terme français ambiance. Nous avonsaussi pu observer que l'espagnol ámbito, bien que les diction-naires n'en disent rien, peut prendre un sens analogue. Enfin,le portugais a accueilli un vocable nouveau atnbiência, évidem-ment emprunté au français, mais qui, d'après le silence deFigueiredo, ne s'emploie point en parlant de sujets humains.

Je renvoie encore au New English Dictionary qui nous fournitnombre d'exemples $ ambient; mais je dois faire remarquer que,pour l'évolution sémantique contemporaine d'ambiance, etc.,l'anglais n'entre pas en ligne de compte. Cette langue se sertd'autres expressions pour rendre la notion moderne : atmo-sphere, etc.

En conclusion: on constate que ambiance, — de même quequelques synonymes du mot — dans son acception imprécise,

1 M. Vising m'a rappelé l'intérêt pour mon sujet du terme portugaissaudade, vocable que bien des Portugais regardent comme intraduisible etcomme la fine fleur de l'âme portugaise. Pour saudade, je renvoie à Fon-seca & Roquette, Diccionario da lingua portuguesa, Paris, 186g: « lem-brança de alguma cousa com desejo d'ella; magoa que nos causa a ausenciade pessoa ou cousa amada », à Figueiredo, Novo Diccionario s. v., à Micha-elis, Novo Diccionario: « Sehnsucht, heisses Verlangen nach etw. », ä Fon-seca & Roquette, Op. cit., II, Diccionario dos Synonymos, etc., pp. 521 ss.,à Nascentes, Dicionario etimologico da lingua portuguesa, Rio de Janeiro,1932, s. v., et à l'article Saudosismo e integralismo de Fidelino de Figuei-redo dans Estudos de Litteratura, III, Lisbonne, 1921, pp. 229-232. Cetteespèce de « souvenir du cœur » a bien des rapports avec le längtan suédois,regardé comme spécifiquement suédois et également comme intraduisible(cf. Bellessort, La Suède, pp. 11 ss., et ci-dessus, p. 111).

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avec des échappées vers l'intuitif, le sous-entendu, etc., jouitd'une vogue étonnante à l'heure actuelle, que des termes ana-logues ont trouvé un accueil bienveillant dans quelques autreslangues romanes, que ces vocables, dont on rencontre descorrespondants dans les langues germaniques par exemple,constituent pour le français un nouvel apport au lexique, unenrichissement qui est en même temps un symptôme de transition.

En effet, notre époque se complaît volontiers dans I'à peuprès et aussi dans l'inexploré, son signe dominant n'est pascelui de la raison cartésienne, ni celui de la convention nette-ment établie; et le français n'a pas échappé à cette ambiance.

Addition.Au moment de la correction des épreuves, j'ai découvert

quelques exemples dans le Diccionario histórico de la lenguaespañola de l'Academia española, I.Madrid, 1933, s.v. ambiente,exemples qui permettent de faire remonter le sens modernebien plus haut qu'on n'avait pu le soupçonner, et aussi de voircomment s'est développé ce sens moderne. Pour l'explicationde cette apparition prématurée du terme et pour son rapportavec le français ambiance, je prie le lecteur de se référer à ceque j'ai dit sur un état de choses analogue observé en italien{ci-dessus, p. 115). Sous l'en-tête plutôt étonnant Aire suave querodea los cuerpos, nous lisons un exemple de Solís, Poesías, éd.de 1692: «Inficionóse el ambiente con tan malignos influjos,que el respirar era riesgo del vivir»; et un autre de Bretón,Los solitarios, 1883: « Bien, así lo haremos; pero déjame respirarun momento este ambiente que ella ha perfumado con su aliento ».Voici également quelques exemples du sens Circunstancias querodean a las personas o cosas: « Y que el venenoso ambientedel mundo no tiene tan fácil la entrada, como no le abran laspuertas de sus corazones,» Villaroel, Obr., éd. de 1794. Unautre exemple du même auteur dit qu'une « infelicísima conde-nada » «llegó a beber el viciado ambiente del mundo ». Zorrillaparle d'une fleur «que embalsama el ambiente de la vida».Enfin dans les Œuvres de S. Catalina, éd. de 1876, il y a lepassage suivant: « Amor, esperanzas: he ahí el ambiente quepuede volver su lozanía a esas flores. »

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