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AMAWATO LE MARCHÉ DE LA SANTÉ AU PAYS DU VAUDOU Anaïs Dresse Deborah De Baeremaeker

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AMAWATOle MArché de lA sAnTé Au pAys du vAudOu

Anaïs Dresse Deborah De Baeremaeker

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AmAwAto le MArché de lA sAnTé Au pAys du vAudOu

© CTB, Bruxelles, août 2013

www.btcctb.org

En accord avec la politique menée par la CTB pour réduire son impact sur l’environnement, ce livre est imprimé sur du papier certifié par le label FSC au moyen d’encres écologiques.

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Table des maTières1. Médecine Moderne versus Médecine TradiTionnelle? (p. 6)

2. porTraiTs d’aMawaTos (p. 18)

3. Vers une Médecine TradiTionnelle Moderne? (p. 36)

Médicaments traditionnels améliorés (p. 40)

Le rôle de la coopération au développement (p. 42)

Bibliographie (p. 45)

Conclusion (p. 44)

Introduction (p. 5)

Qu’est-ce que la médecine traditionnelle? (p. 8)

Le culte vaudou (p. 15)

Sicassi, Prêtresse vaudou (p. 20)

Gbetoho, Consultant du Fâ (p. 32)

Boukari, Spécialiste des fractures (p. 24)

Alimatou, Matrone (p. 28)

Après-Tout, Spécialiste des troubles mentaux (p. 30)

Le droit à des soins de santé de qualités : un droit universel (p. 38)

La médecine naturelle : des pratiques sans risques ? (p. 41)

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iNTrOdUCTiONAmawato désigne en Fon – l’une des langues majoritaires au sud du Bénin - celui qui soigne par les plantes. Nous utiliserons aussi les termes guérisseur traditionnel ou tradipraticien. Au Bénin, où 80% de la population a recours à la médecine traditionnelle (1), celle-ci constitue une alternative aux besoins des populations en matière de soins de santé face à un système de santé peu développé. L’accessibilité – que ce soit géographique, culturelle, ou financière – se positionne comme l’un des obstacles majeurs à l’utilisation des soins de santé modernes. On recense en effet plus de 7500 tradipraticiens au Bénin, contre seulement 600 médecins pour près de 10 millions d’habitants (2). De plus, bon nombre des agents de santé sont concentrés dans les zones urbaines, ce qui complique l’accessibilité géographique à la médecine moderne par les populations des zones rurales. Des facteurs socioculturels interviennent aussi dans ce choix, comme la confiance accordée par les populations aux guérisseurs, et les croyances vaudou, omniprésentes surtout au sud du pays. Au Bénin comme ailleurs, la santé est donc influencée par le contexte local.

Afin d’avoir un aperçu de la médecine traditionnelle au Bénin, nous avons rencontré une cinquantaine de guérisseurs (voir itinéraire ci-contre). Sur base des témoignages et photos collectés, nous avons tenté de répondre à trois questions: Qu’est-ce que la médecine traditionnelle, qui sont les guérisseurs traditionnels, et quel est l’avenir de la médecine

traditionnelle? Ces questions seront abordées dans les trois prochains chapitres. Premièrement, le concept «fourre-tout» de médecine traditionnelle sera redéfini par rapport à la médicine moderne. Tout comme en médecine moderne, il existe diverses spécialités en médecine traditionnelle, et le portrait de quelques guérisseurs sera ensuite dressé afin d’illustrer ces différentes facettes de la médecine traditionnelle béninoise. Enfin, les perspectives et limites de la médecine traditionnelle seront abordées dans le troisième chapitre, de même que le rôle des gouvernements, des agences de coopération au développement, et de leurs partenaires.

Table des maTières

1 Porto-Novo, Ifanghi2 Cotonou3 Comé, Sé, Houéyogbé, Ayiguinnou, Djakotomey, Klouékanmé, Toviklin, Athiémé, Avegode4 Bohicon 5 Dassa6 Djougou, Ouaké, Copargo, Dédéra7 Natintingou8 Tanguiéta

itinéraire

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1médeCiNe mOderNe versUs médeCiNe TradiTiONNelle?1.

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QU’esT-Ce QUe la médeCiNe TradiTiONNelle?La plupart des textes sur la médecine traditionnelle commencent par rappeler la définition officielle de l’OMS : «La médecine traditionnelle est la somme totale des connaissances, compétences et pratiques qui reposent sur les théories, croyances et expériences propres à une culture et qui sont utilisées pour maintenir les êtres humains en bonne santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir des maladies physiques et mentales» (3). Or, cette définition est tellement vaste que, si l’on enlève le troisième mot de cette phrase, rien ne permet de savoir qu’on parle de médecine traditionnelle plutôt que de médecine moderne. Dans sa stratégie pour la médecine traditionnelle 2002-2005, l’OMS complète cette définition par l’aspect spirituel, mais reconnait que la médecine traditionnelle est tellement variée à travers le monde qu’aucune définition exhaustive n’est possible.

Au Bénin, la médecine traditionnelle est caractérisée par une forte présence d’éléments magico-religieux, en particulier liés au culte vaudou, ce qui la distingue de la médecine moderne – en théorie du moins car nous verrons qu’il existe également des centres qui combinent pratiques médicales modernes et prière pour les malades. Contrairement à une société occidentale qui prône le rationnel et l’individuel (société à univers unique), la culture africaine est une société à univers multiples marquée par l’invisible et des liens sociaux très forts, et sa médecine reflète donc cette dimension à travers

une composante spirituelle plus développée (4). Cette forte influence de la spiritualité dans la médecine traditionnelle africaine en ferait une médecine plus holistique que la biomédecine. En effet, non seulement les guérisseurs ne se limitent pas aux symptômes physiques du mal-être et adaptent leurs traitements aux besoins de chaque patient (ce que fait normalement aussi un bon médecin), mais ils cherchent les causes du mal-être dans le contexte du patient et le monde invisible, dans le cas de maladies provoquées.

La médecine traditionnelle distingue en effet les maladies naturelles des maladies provoquées ou spirituelles. Pour identifier les causes de la maladie, le guérisseur traditionnel recourt à la divination pour interroger l’invisible, c’est ce qui lui sert de « laboratoire ». Dans le cas d’une maladie provoquée, la maladie résulte d’un déséquilibre (colère des dieux, mauvais sort) et celle-ci ne disparaitra pas en traitant seulement les symptômes : il faut traiter la cause du mal.

Contrairement à la médecine moderne, la maladie et sa cause peuvent donc être situées à l’extérieur du patient, ce qui explique que certains traitements ne seront pas administrés directement au patient mais à un tiers – qu’il s’agisse du guérisseur, d’un animal, ou d’un objet. Bien qu’ils n’aient pas de preuves scientifiques quant à l’efficacité de leurs pratiques, les tradipraticiens se reposent sur un savoir empirique dont le baromètre est la satisfaction du patient. La médecine traditionnelle béninoise se distingue donc de la médecine moderne par ses croyances, mais aussi par ses pratiques et traitements. Cela ne veut cependant pas dire que la médecine moderne est dénuée de toutes croyances ou traditions et ne considère pas le patient dans son ensemble, ni que la

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médecine traditionnelle est immuable et statique (5). Toutes deux ne sont donc pas opposées mais complémentaires, car elles visent un même objectif : le bien-être des patients. Les outils de diagnostic et les pratiques sont si différents qu’il n’est pas nécessaire et raisonnable de vouloir les comparer, chacune d’elles devant être appréhendée dans sa nature intrinsèque.

Outre l’aspect holistique et spirituel de la médecine traditionnelle, celle-ci se différencie de la médecine moderne par ses ingrédients. Au lieu de médicaments chimiques, le tradipraticien recourt à des ingrédients naturels qu’il cueille, traite, et mélange selon certains rituels. Ces ingrédients se divisent en plusieurs groupes, appelés «règnes» : le végétal, l’animal et le minéral. Les plantes sont un ingrédient essentiel de la médecine traditionnelle. Elles sont mélangées à d’autres matières (animales ou minérales) pour former des remèdes qui seront appliqués plusieurs fois par jour au malade.

L’un des points communs de la plupart des tradipraticiens est une bonne connaissance des plantes médicinales, qu’ils combineront à des rituels et des thérapies manuelles selon les cas. La plupart des tradipraticiens ont hérité leurs connaissances médicinales de leurs parents. D’autres ont été initiés par les membres du culte vaudou auquel ils appartiennent – on trouve dans les couvents vaudous les meilleurs experts en phytothérapie – ou par un guérisseur après avoir été eux-mêmes confrontés à la maladie, et certains évoquent également l’intervention d’esprits qui leur révèlent l’usage de certaines plantes ou techniques.

Alors que la médecine moderne est institutionnalisée et ses praticiens validés par les autorités, les tradipraticiens sont donc des figures sociales de proximité, des membres de la communauté reconnus pour leur savoir-faire et en qui la population à confiance et dont il partage la culture.

médecine moderne

---Maladie

Médecin/Agent qualifié (autorité)Diagnostic

Traitement scientifiqueGuérison

---

médecine traditionnelle

DéséquilibreMaladie

Tradipraticien (proximité culturelle)Divination

Traitement physique et spirituel Guérison

Retour à l’équilibre

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Le règne végétaL

Les matières végétales constituent une véritable richesse des tradiprati-

ciens, et il existe un savoir local popu-laire sur l’utilisation de ces plantes à des fins médicinales. Mais il n’y a pas que dans les pays en développement que les plantes sont utilisées pour soigner. En effet, on estime qu’un tiers des médicaments modernes sont à base de molécules

végétales, mais la science semble avoir effacé l’origine naturelle

des médicaments.

Le règne minéraL

Outre les règnes végétal et ani-mal, on trouve dans les médica-

ments traditionnels des ingrédients naturels d’origine minérale, comme le calcium, le sel et l’eau. Les bijoux à base de perles et de coquillages, les objets métalliques ou en terre cuite, et les poupées en bois sont éga-

lement utilisés par certains spécialistes, comme les

maîtres vaudous.

Le règne animaL

Les éléments à base animale représentent un autre ingrédient es-

sentiel à la préparation de nombreux re-mèdes des tradipraticiens. On trouve sur tous les marchés du Bénin des étals ven-dant des peaux, des ossements, et des ani-maux séchés ou vivants (reptiles, batra-ciens, tortures, oiseaux, insectes, etc.).

Les guérisseurs utilisent ces ma-tières comme composants dans

leurs remèdes et rituels.

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Parmi les types de maladies les plus fréquemment traitées par les tradipraticiens, on retrouve les maux de tête, les maux de ventre, et les envoûtements.

En médecine traditionnelle comme en médecine moderne, il existe donc diverses spécialités, et les tradipraticiens pratiquent eux-mêmes plusieurs de ces techniques ou font appel à des collègues lorsque le traitement d’un patient dépasse leurs compétences. Certains ont de bonnes relations avec les agents de santé locaux et il arrive qu’une coopération informelle se forme : lorsque la médecine traditionnelle ne peut résoudre le problème, certains tradipraticiens se tournent vers la médecine moderne et inversement, certains agents de santé se tournent vers les guérisseurs lorsque les limites de la médecine moderne sont atteintes.

On trouve des ingrédients «traditionnels» sur tous les marchés du Bénin, à côté de contrefaçons de médicaments modernes importés des pays voisins ou d’Asie. Avec la médecine traditionnelle, ces « faux médicaments » sont la seule alternative de soins accessible aux groupes les plus

vulnérables, et présentent un véritable risque pour leur santé. En effet, près d’un médicament sur quatre en Afrique est un faux médicament et, d’après, les chiffres de l’OMS, 40% des médicaments consommés en Afrique subsaharienne sont des faux médicaments.Le Bénin n’est pas épargné par ce phénomène. Sur les marchés, dans la rue, il est très facile de se procurer ces faux médicaments, et des tonnes de médicaments contrefaits sont régulièrement saisies dans les ports des côtes d’Afrique de l’Ouest. Selon Frédéric Loko, directeur de la Direction des Pharmacies, du Médicament et des Explorations Diagnostiques du Ministère de la Santé béninois, « la problématique des faux médicaments est liée à la pauvreté. Le médicament vendu au marché coûte parfois deux à trois fois moins cher que certains médicaments vendus dans les pharmacies ».

Photos ci-dessous: Le Marché Dantokpa de Coto-nou, qui est le plus grand marché d’Afrique de

l’Ouest, est une véritable pharmacie à ciel ouvert. On y trouve de nombreuses plantes médicinales ainsi que des médicaments modernes issus du

marché parallèle (faux médicaments).

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Alexis est vendeur de matières animales à Cotonou. Il pose devant son étal, où sont vendus des ossements, peaux, et autres parties d’animaux que les guérisseurs utilisent comme ingrédients pour le traitement de leurs patients.

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le CUlTe vaUdOU La médecine traditionnelle est donc dépendante du contexte et des croyances locales, plus encore que la médecine dite moderne dont les pratiques sont globalisées. Au Bénin, berceau du vaudou, les pratiques thérapeutiques traditionnelles sont donc fortement liées à ces cultes, et varient selon les régions. Il existe environ 300 divinités au Bénin, et parmi celles-ci, certaines sont la représentation de maladies (6). Contrairement à la médecine moderne, la médecine traditionnelle considère la maladie comme le signe d’un déséquilibre. Le rôle du tradipraticien se différencie donc celui du médecin, puisqu’il vise non seulement à guérir la personne mais aussi à rétablir l’équilibre dans son environnement. Si par exemple une personne s’est attiré la colère des dieux pour avoir délaissé ses traditions, la divination indiquera le comportement à adopter pour rétablir l’équilibre entre les mondes visible et invisible, entre l’éternel et le présent. Dans ce cas, le sort n’est pas seulement une punition morale mais aussi un moyen de garantir la stabilité de la société (7).

Divination

Avant de savoir quels rituels et comportements adopter, la personne devra donc recourir à la divination pour savoir si la maladie est naturelle ou provoquée, et donc si le traitement requis sera de nature purement physique ou également spirituel. La divination est le mode de diagnostic privilégié des guérisseurs, qui utilisent différents ustensiles « magiques » pour identifier la cause du mal de leurs patients et le traitement correspondant. La géomancie est une technique

de divination consistant à déchiffrer des signes formant un système quasi-mathématique et les consultants sont des tradipraticiens capables de lire les signes dans divers supports (coquillages, eau, sable, ou miroir par exemple). L’un des oracles les plus vieux et les plus répandus au Bénin est le Fâ, arrivé au Bénin au 18ème siècle du Nigeria, très aimé à la cour du royaume de Danhomè au 19ème siècle, mais dont les origines remontent à la Mésopotamie (7). Le Fâ est le porte-parole de tous les dieux et indique le chemin duquel un homme ne doit pas dévier, sans quoi sa vie bascule dans le déséquilibre, et est consulté à chaque moment important de la vie d’un homme. Il donne donc à ceux qui sont en mesure de déchiffrer l’oracle une certaine position de force.

L’outil le plus important du consultant du Fâ – appelé Bokonon – est son « chapelet du Fâ », même si des coquillages ou d’autres objets peuvent aussi être utilisés. Afin de consulter le Fâ, le Bokonon lance à terre cette chaîne composée de 8 moitiés de noix ou de pommes séchées, reliées par une chaîne en son milieu, avec quatre noix pendant de chaque côté. Il répète l’opération plusieurs fois et, selon le sens dans lequel retombent les objets, on obtient des signes différents. Le Fâ se compose de 16 signes, mais 256 combinaisons possibles existent au total. On trouve des consultants du Fâ partout au Bénin, mais la géomancie peut se lire dans divers supports. Certains lisent par exemple les signes dans l’eau, dans le sable, ou dans de la poudre. Par exemple, dans les signes qu’il dessine dans le sable, le guérisseur lit – avec son esprit et non ses yeux – de quelle maladie il s’agit, ses causes, et comment la guérir. D’autres encore passent un miroir sur le corps du patient pour voir où se trouve le mal et l’extraire. Ces signes sont lus et interprétés par le Bokonon, qui les utilise pour répondre

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aux interrogations – liées à la santé ou non – de son patient, parfois sans même avoir entendu la question de celui-ci. L’apprentissage du Fâ se transmet de génération en génération et cela dure plusieurs années pour qu’un Bokonon maîtrise les interprétations de chaque combinaison, d’autant plus que celles-ci varient selon la personne qui consulte – sa taille, son âge, son sexe, sa situation maritale… influencent la lecture des signes du Fâ. Les devins sont souvent aussi guérisseurs. L’oracle leur dit de quelle maladie il s’agit et quelle en est la cause, ce qui leur permet d’identifier le traitement adéquat. Au Bénin, le fait que seul le Bokonon soit en mesure de déchiffrer l’oracle lui donne donc une certaine position de force.

ritueLs

Les rituels sont au centre de la guérison spirituelle des malades en médecine traditionnelle. Il peut s’agir de rituels invisibles comme la manière de récolter ou préparer la plante médicinale – dans certains cas par exemple, des paroles sacrées sont prononcées lors de la cueillette, dans d’autres, les plantes doivent êtres cueillies dans un contexte de piété, et le guérisseur pourra par exemple faire appel à l’un de ses enfants initiés pour la cueillette – ou de rituels plus imposants comme les cérémonies célébrant la guérison d’un patient. Au cours de ces rituels, les guérisseurs peuvent recourir à des objets symboliques représentant le patient, comme des statuettes en bois, auxquels sont attribués des pouvoirs magiques. Ces «fétiches» peuvent contribuer à la guérison des maladies provoquées ou spirituelles, ou au contraire être utilisés pour envoûter quelqu’un. L’un des éléments les plus connus de la culture vaudou à travers le monde est

en effet la poupée vaudou. Si ces petites figurines de bois personnalisées sont utilisées dans de nombreux rituels, on est en réalité bien loin de l’image du «féticheur» plantant des aiguilles dans une poupée pour ensorceler une personne à distance. Si les envoûtements et autres ensorcellements font partie de la vie courante au Bénin, ce n’est pas là l’essence du vaudou, qui vise avant tout à protéger ses adhérents et à conserver l’équilibre entre les deux mondes: le visible et l’invisible. En théorie, ce n’est que si quelqu’un vient déranger cet équilibre que des mesures seront prises pour rétablir la situation.

sacrifices

Les matières d’origine animale ne servent pas seulement d’ingrédients aux médicaments traditionnels mais sont aussi utilisées pour les rites sacrificiels d’animaux, qui font partie intégrante du culte vaudou. Lors du sacrifice et des rituels l’accompagnant, la chair est consommée par les humains tandis que l’âme et le sang de l’animal sont offerts aux esprits comme énergie protectrice. Il s’agit d’une expérience spirituelle forte pour celui qui la vit, mais aussi d’un spectacle, et d’une passerelle avec le monde permettant de rétablir l’équilibre rompu. Dans certains cas, l’animal est utilisé comme « fétiche » représentant le malade et c’est à lui qu’on applique le traitement. C’est souvent le cas notamment pour soigner des fractures. S’il s’agit d’une patiente féminine s’étant cassé le pied droit par exemple, la patte droite d’une poule sera cassée, puis la poule sera soit relâchée, soit traitée, et la patiente sera rétablie en même temps que l’animal, sans avoir reçu de soins très poussés elle-même.

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17Les instruments et fétiches du maître vaudou lui servent à créer un lien entre le monde visible et invisible.

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POrTraiTs d’amawaTOs 2.

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siCassi PrêTresse vaUdOU

Disparitions inexpliquées, réapparitions surprenantes, maladies … ces quelques signaux inquiétants ont permis à la famille de Sicassi de comprendre que la petite fille avait été choisie par les esprits pour devenir à son tour prêtresse vaudou. En effet, dans la famille de Sicassi, les femmes deviennent prêtresses de la divinité Mamiwata de génération en génération, c’est-à-dire la divinité de la richesse incarnant la beauté et l’esthétique.

Dès son plus jeune âge, Sicassi disparaissait durant la nuit, se réveillait dans d’autres pièces ou s’élevait du sol pour des raisons inexpliquées. Très vite, ses parents ont réalisé qu’une divinité agissait à travers elle.

Issue d’une lignée de prêtresses, Sicassi succédera un jour à sa grand-mère et sa tante, Azikpéto Kpinso. La jeune fille vient d’être initiée au culte vaudou par cette dernière au travers d’une cérémonie de guérison, à laquelle deux autres malades guéris par Azikpéto participent. Elle lui enseignera ensuite son savoir et ses connaissances car, à seulement sept ans, l’avenir de Sicassi est tout tracé : Un jour, elle aussi aura son propre couvent et guérira les gens.

Photo d’arrière-plan: Les poupées vaudou, appelées «Mami», font partie intégrante des cérémonies du culte Mamiwata.

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Les cérémonies rythment la vie des couvents vaudous. Elles sont une composante essentielle du processus de guérison dans le cas de maladies spirituelles ou provoquées. C’est le moment où le monde du visible entre en communication avec le monde des esprits.

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Si les kinésithérapeutes traditionnels sont capables de ressouder un os d’une manière incroyablement rapide, les fractures plus complexes comme les fractures ouvertes ou multiples peuvent être aggravées si elles ne sont pas référées vers un centre de médecine moderne. C’est le cas du patient ci-dessus, qui a refusé de marcher avec des béquilles lors de la phase de rétablissement, alors qu’un plâtre l’aurait immobilisé.

bOUkari sPéCialisTe des fraCTUres

Chaque matin au lever du jour et chaque soir au coucher du soleil, Boukari prodigue les mêmes soins à ses patients souffrant de fractures. Sa réputation n’est plus à faire, les patients se déplacent de toute la région et même du Togo pour être soignés entre ses mains expertes.

Tout comme son père lui a transmis son savoir-faire, Boukari enseigne ses connaissances à sa fille âgée de 8 ans. Ce spécialiste des fractures, ou kinésithérapeute comme l’appellent parfois les autres tradiprati-ciens, prépare avec l’aide de sa fille des baumes et pommades afin de soulager les patients qu’il reçoit tous les jours dans sa cour. Il décrit à la fillette les effets des plantes et les bienfaits de chaque médicament. Encore à l’école primaire, cette dernière se voit déjà suivre le chemin de son père.

Outre ces remèdes végétaux et les rituels qui les entourent, les techniques sont les mêmes qu’en médecine moderne, à savoir la réduction de la fracture puis son immobilisation, mais les fractures simples guérissent bien plus vite avec la médecine traditionnelle qu’en médecine moderne. Ceci incite de nombreux patients à préférer les tradipraticiens aux centres de santé moderne. En effet, selon ce tradipraticien, les fractures simples peuvent guérir en trois semaines seulement grâce à ses techniques, contre plusieurs mois en médecine moderne.

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Djamila (page de gauche, en bas à droite), est une togolaise arrivée chez Boukari quelques jours auparavant car de vives douleurs dans le bas du dos l’empêchaient de marcher, mais elle n’avait pas les moyens d’aller à l’hôpital. Boukari a tenté de la guérir à l’aide de massages et de sacrifices, ce qui l’a quelque peu soulagée.

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alimaTOU aCCOUCheUse TradiTiONNelle

Accoucheuse traditionnelle depuis 30 ans, Alimatou a repris la spécialité de son père, et de son grand-père. Son travail reste une affaire de famille, et les deux fils d’Alimatou l’assistent dans les soins aux patientes, dans la récolte de plantes et la préparation des remèdes, même s’ils ont choisi une autre voie que la médecine traditionnelle et font aujourd’hui des études. Ils aident également les jeunes parents à obtenir l’acte de naissance de leur enfant au centre de santé.

Sa réputation d’accoucheuse traditionnelle pousse de nombreuses femmes à lui faire davantage confiance qu’au centre de santé local et, il y a quelques années, Alimatou a même été engagée par un centre de santé moderne proche de chez elle. Cependant, cette collaboration n’a pas duré car elle n’apportait rien à Alimatou, dont la réputation n’est plus à faire dans la région. C’est désormais chez elle et grâce aux plantes que cette matrone aide les femmes de Dédéra, son village, à accoucher.

Alimatou à reçu diverses formations du Ministère de la Santé (sur l’hygiène, la référence, et le VIH/sida par exemple). C’est d’ailleurs avec fierté qu’elle montre les gants et habits de protection qu’elle dit revêtir lors des accouchements. Elle suit les femmes avant et pendant leur grossesse, à raison de près de 40 patientes par mois selon ses dires. Mais lorsque l’accouchement a eu lieu, Alimatou réfère les nouveau-nés vers le centre de santé pour qu’ils puissent y être suivis. Une certaine harmonie entre médecine moderne et médecine traditionnelle est possible si chacun connait ses limites.

Maryame a donné naissance à son fils dans la salle d’accou-chement rudimentaire d’Alimatou quelques heures plus tôt.

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aPrès-TOUT sPéCialisTe des TrOUbles meNTaUx

Comme pour de nombreux tradipraticiens, Après-Tout a hérité son savoir de son père, et c’est accompagné de ses frères qu’il prodige aujourd’hui ses soins aux patients souffrant de troubles mentaux – sa spécialité. Après-Tout fait appel à son frère devin pour identifier la cause du mal de ses patients et, selon les conseils des esprits et divinités, il prépare les médicaments sous forme de solutions buvables, crèmes, ou autres. De plus, des paroles sacrées et rites sacrificiels sont utilisés lorsque c’est nécessaire. Il reçoit ses patients lors de consultations et dispose de plusieurs chambres pour loger les malades dont le traitement nécessite un suivi particulier.

C’est le cas de Julien, 16 ans, qui souffrait de troubles mentaux. En effet, Julien voyait des revenants et, après avoir consulté plusieurs centres de santé et suivi différents traitements, la famille du jeune garçon a décidé de l’amener consulter Après-Tout. Des sacrifices et plusieurs plantes ont été nécessaires pour venir à bout des visions de Julien, mais au bout de trois mois de traitement, le jeune homme semble guéri et prêt à reprendre sa vie normale d’avant la maladie.

Photos de droite: Après-Tout travaille avec ses frères comme guérisseur traditionnel dans le village de Mahou, au centre du pays.

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GbeTOhO CONsUlTaNT dU fâ

Comme Sicassi, Gbétoho (ci-contre) à grandi dans un couvent vaudou en apprenant de ses ancêtres, car le culte vaudou se transmet de génération en génération. Ainsi, Gbetoho a quatre fils et espère que l’un d’eux reprendra le flambeau après lui. Il saura lequel est voué à suivre ses traces en observant le comportement de ses fils et en voyant lequel se rapproche le plus de lui et s’intéressera le plus à son travail, par exemple en l’aidant à cueillir les plantes médicinales dont il aura besoin. C’est ainsi qu’il lui révèlera petit à petit les vertus des différentes plantes.

Les guérisseurs traditionnels ont chacun leurs spécialités et leurs points forts, et on trouve dans les couvents vaudous une connaissance très pointue de la médecine traditionnelle béninoise. La divination y est également un élément central du processus de guérison et, là encore, chaque maitre vaudou a ses spécialités. Si beaucoup ont recours à l’oracle du Fâ (voir encadré), d’autres lisent les signes dans divers supports, comme l’eau ou le sable.

L’oracle du Fâ est un système de géomancie basé sur une suite de deux fois quatre signes binaires (voir image ci-contre), donnant un total de 256 combinaisons possibles. Ces combinaisons servent à interpréter le chemin à suivre par un individu afin de conserver l’équilibre entre le monde du visible et de l’invisible, et donc par exemple de guérir d’une maladie spirituelle. Ils sont interprétés de manière différente pour chaque personne, et la période d’apprentissage pour maîtriser l’ensemble des signes est donc très longue au vu de la complexité de ce système.

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Il existe plusieurs supports dans lesquels les consultants peuvent lire les signes, comme le «chapelet du Fâ», mais aussi dans l’eau, les coquillages, le sable, ou même un miroir… Aux signes formés, le devin voit la cause de la maladie et comment la guérir. Il ne lit pas cela avec ses yeux mais son esprit, car il est le lien entre le visible et l’invisible. Ci-dessus, Houndji consulte le Fâ pour un client venu le voir du Nigeria au sujet de sa femme malade.

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vers UNe médeCiNe TradiTiONNelle mOderNe? 3.

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l’aCCès à des sOiNs de saNTé de QUaliTé : UN drOiT UNiverselLe droit aux soins de santé est prescrit comme un droit inaliénable par l’article 25.1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 (8), mais la santé, comme tout domaine de la vie courante, est un phénomène indissociable du contexte socioculturel. Au vu des réalités du terrain, il faut donc se poser la question de ce qui constitue des soins de santé adéquats selon les normes en vigueur au Bénin.

Ainsi, dans le cas de symptômes graves provoqués par un envoûtement, même s’il est indispensable d’assurer l’accès du patient à un centre de médecine moderne, cela ne suffira pas à rétablir son équilibre. Dans ce cas, le traitement adéquat sera de traiter ces symptômes physiques, mais également l’aspect spirituel du mal.

Les thérapies proposées par les tradipraticiens font donc partie des traitements jugés adéquats pour la population béninoise et le droit à la santé revêt donc un aspect culturel. Il concerne non seulement le droit d’accéder à des soins de qualité mais aussi adaptés à ses besoins, tout en visant les standards de qualité les plus hauts, ce qui peut, dans certains cas, requérir l’utilisation parallèle des deux médecines.

Cet appel à la collaboration est confirmé par l’article 82 de la Déclaration d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires de 1978 (9) qui évoque les médecins traditionnels en ces termes :

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L’intégration entre les deux médecines pourrait se heurter à la question suivante : les guérisseurs traditionnels n’ont-ils pas plus à y perdre qu’à y gagner ? Leurs connaissances, en particulier en matière de phytothérapie, ont en effet un fort potentiel économique pour la médecine moderne qui est en constante recherche de nouveaux traitements. Les laboratoires pharmaceutiques sont bien conscients de cet enjeu, et de nombreux remèdes modernes ont été découverts bien avant les laboratoires par les guérisseurs.

C’est par exemple le cas de traitements antipaludéens à base de quinine et d’artémisine, dont les vertus thérapeutiques étaient utilisées en médecine traditionnelle bien avant que la médecine moderne ne s’y intéresse. On estime d’ailleurs que près d’un quart des médicaments modernes sont issus de plantes, et ce puisement des ressources traditionnelles par des chercheurs occidentaux (parfois qualifié de « bio-piraterie ») a créé une certaine méfiance parmi les tradipraticiens, qui gardent leurs

recettes secrètes mais n’ont pas les moyens pour obtenir de brevets. Aucune régulation protectrice n’existe pour le moment au Bénin, et un exemple intéressant pour la médecine traditionnelle africaine pourrait être la Librairie Digitale de Connaissances Traditionnelles mise en place par l’Inde en 2001 et qui a déjà servi à invalider des brevets obtenus par des compagnies pharmaceutiques puisant les savoirs locaux de manière inéquitable (10 et 11).

Une politique nationale de la Médecine Traditionnelle existe au Bénin depuis 2008 (12), mise en œuvre par le Programme National de la Pharmacopée et de la Médecine Traditionnelles. Ces mesures sont essentielles pour encadrer les pratiques de la médecine traditionnelle. Depuis quelques années, le Ministère de la Santé a entrepris de réglementer le domaine de la médecine traditionnelle.

« Avec l’appui du système de santé officiel, ces praticiens officiels peuvent devenir de précieux partenaires dans l’organisation des efforts destinés à améliorer la santé de la communauté. (…) Il y aurait donc le plus grand intérêt à explorer les possibili-tés de les engager dans les soins de santé primaires et de les former à cette fin. »

L’ONG Sucovepo vend des produits à base de plantes

testés dans un laboratoire belge.

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médiCameNTs TradiTiONNels améliOrés La médecine traditionnelle n’est pas un milieu coupé du monde, et est en constante évolution. Le Ministère de la Santé béninois et ses différents partenaires ont organisé des formations pour les guérisseurs sur divers thèmes et les spécialistes des fractures ont été formés à lire une radiographie. Depuis janvier 2012, la publicité sur un média national de médicaments traditionnels non-homologués est d’ailleurs interdite par le Ministère de la Santé, et 14 « médicaments traditionnels améliorés » ont déjà été approuvés sur la base de critères d’innocuité, d’efficacité et de qualité du ministère. Des centres de médecine mixtes ont également vu le jour, comme un centre moderne collaboratif entre infirmiers et tradipraticiens spécialisé dans le traitement des fractures à Ayou (Allada), mais aussi des centres de confession catholique comme le Centre Sêyon situé à Cotonou et l’Hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiéta. Situé dans l’extrême nord du pays, l’hôpital Saint Jean de Dieu est dirigé par Frère Florent Pruli, un homme d’église d’origine italienne. Celui-ci avoue qu’il ne croyait pas en la médecine traditionnelle, jusqu’à ce qu’il constate lui-même ses effets bénéfiques pour soigner certaines maladies. Ses patients ont désormais le choix entre médicaments modernes et des soins à base de plantes créés dans l’hôpital même. Comme en médecine traditionnelle, l’aspect spirituel est pris en compte et une messe est organisée quotidiennement pour les malades.

Cette combinaison des deux médecines explique peut-être que l’hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiéta soit considéré comme le « meilleur centre hospitalier du Bénin ».Le Centre Sêyon et l’Hôpital Saint Jean de Dieu sont la preuve que l’aspect spirituel d’une maladie n’est pas propre uniquement à la culture vaudou mais peut aussi être pris en compte par les centres confessionnels. Il serait intéressant de comparer ces pratiques avec la manière dont les hôpitaux confessionnels en Europe intègrent cet aspect spirituel dans leurs traitements et sensibilisent leur personnel à l’écoute des besoins individuels de chaque patient et de son entourage, par exemple à travers les équipes d’aumônerie, bien qu’on ne puisse parler de médecine traditionnelle.

Les médicaments traditionnels améliorés et les centres de santé mixtes sont donc sans doute la solution dans un pays habitué à recourir à la médecine traditionnelle et menacé par l’invasion des «faux médicaments» vendus par des vendeurs ambulants, mais aussi par les dérives de la médecine traditionnelle.

L’Hôpital Saint Jean de Dieu de

Tanguiéta combine médecine moderne,

phytothérapie, et prière pour soigner

ses patients.

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la médeCiNe NaTUrelle : des PraTiQUes saNs risQUes ?En Europe aussi, d’autres types de soins que la médecine moderne gagnent en popularité, mais, plutôt que de parler de médecine traditionnelle, on qualifie ces médecines de complémentaires ou alternatives. En Belgique, on estime que près d’un tiers de la population a déjà eu recours à ces pratiques. En opposition à la surmédicalisation des maladies de la vie courante, ces médecines douces, comme la médecine traditionnelle, considèrent le symptôme comme l’expression localisée d’un désordre plus large et laisseraient davantage de place à l’écoute de manière à proposer un traitement adapté à chacun (13).

Ceci laisse penser que les pratiques et traitements de la médecine moderne sont perçus par les patients comme chimiques (opposé à naturel), mais aussi plus intrusifs, voire agressifs. Il ne s’agit bien sûr pas de substituer la phytothérapie et les soins de nature plus spirituelle à la médecine moderne, mais de l’utiliser en appui aux traitements classiques. Une demande croissante a en effet été constatée de la part des patients occidentaux, si bien que de plus en plus de médecins proposent des remèdes naturels comme médecine de support à leurs patients. L’un des avantages de cette médecine d’appui serait la simplicité d’utilisation des plantes, mais en Belgique comme au Bénin, un bon encadrement de ces pratiques est essentiel pour éviter les dérives (automédication, charlatanisme…). Ce qui est naturel à tendance à être considéré, à tort, comme étant inoffensif, or les plantes médicinales peuvent se révéler toxiques si elles

sont mal dosées ou mélangées. De plus, même si leurs vertus ont été constatées de manière empirique au fil des années, on manque de tests scientifiques sur leurs effets, car cela coûte très cher, et la question du contrôle des matières premières et de leur traçabilité se pose également. La législation européenne est d’ailleurs très vigilante à ce sujet, et une directive limitant la mise sur le marché des médicaments à base de végétaux est appliquée depuis 2011. De plus, si pour certains troubles, ce recours aux tradipraticiens ne pose aucun risque pour la santé des patients, dans d’autres cas, le recours à la médecine moderne s’avère indispensable, et l’habitude des communautés à consulter les guérisseurs traditionnels peut causer un retard dans le recours aux soins de santé modernes qui dans certains cas peut s’avérer fatal. Outre les risques existant pour les utilisateurs de la médecine traditionnelle, ce regain d’intérêt pourrait présenter un risque de dénaturer ces pratiques et de voir les droits des tradipraticiens à la propriété intellectuelle de leurs recettes bafoués. Des tentatives de collaboration ont déjà eu lieu au Bénin, sans succès, car les tradipraticiens bénéficient d’une bonne réputation au sein de leurs communautés et n’ont pas beaucoup à gagner d’une collaboration avec le système de santé officiel telle qu’elle est envisagée jusqu’à ce jour.

L’intérêt financier de la médecine traditionnelle incite également des personnes ayant de faibles connaissances médicinales à s’improviser guérisseur. Or, il faut dissocier les vrais guérisseurs de ces charlatans motivés par l’argent et le pouvoir plutôt que par le bien-être des patients, et qui représentent un vrai danger. Certains guérisseurs prétendent aussi soigner des maladies pour lesquelles la médecine moderne n’offre pas de cure, comme le cancer et le VIH/sida.

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S’il est reconnu que certains traitements naturels soignent les maladies opportunistes qui se déclarent chez les patients séropositifs, une guérison du virus en lui-même n’a jamais été avérée scientifiquement. Mais pour le guérisseur, l’expérience empirique – le patient se sent soulagé et ne présente plus aucun signe de la maladie – suffit comme preuve de l’efficacité des traitements traditionnels, même si la maladie n’a pas complètement disparu d’un point de vue biologique.

Il y a de plus un fort attrait financier à se dire capable de traiter des maladies pour lesquelles il n’existe aucun remède moderne, et des charlatans pourraient s’engouffrer dans cette brèche et proposer des « remèdes miracles » à des prix exorbitants à des patients en grande vulnérabilité, en Afrique mais aussi en Europe. S’il est envisageable que certaines plantes traditionnelles aient des effets immunostimulants, le risque est donc de donner un faux espoir aux patients et de retarder leur recours aux médicaments antirétroviraux. Dans certains cas, c’est le tradipraticien lui-même qui est le vecteur de la maladie, à travers l’utilisation d’ustensiles non-stérilisés et l’exposition directe au sang de différents patients par exemple.

Des sensibilisations sur ces risques sont donc nécessaires au niveau des guérisseurs et de la population. En 2010, le Ministère de la Santé béninois a formé près de deux tiers des tradipraticiens du pays au sujet du VIH/sida et du paludisme, et a réalisé un manuel sur la prise en charge du VIH/Sida et les infections sexuellement transmissibles à leur usage.

le rôle de la COOPéraTiON aU dévelOPPemeNT Après avoir longtemps négligé la médecine traditionnelle, considérée comme « en retard » par rapport à la médecine moderne, on constate depuis quelques années dans le monde occidental un regain d’intérêt pour le « naturel » et une certaine « romantisation » des valeurs et pratiques traditionnelles. Or, entre ces deux extrêmes, l’inclusion des savoirs locaux dans la formulation des programmes de développement a le potentiel d’améliorer la participation des populations bénéficiaires et cadrerait avec le changement de paradigme dans la coopération au développement en garantissant la pérennité des activités. Une fois qu’il a été établi que médecine traditionnelle et moderne ne s’opposent pas mais peuvent coexister et même être complémentaires, le rôle de la coopération ne sera pas d’essayer d’éliminer le recours aux tradipraticiens, mais plutôt d’aider les gouvernements à encadrer ces pratiques et à encourager une bonne coopération, tout en renforçant le système de santé moderne afin de garantir un accès à des soins de qualité à toute la population.

Certains partenaires techniques et financiers du Bénin sont déjà actifs dans ce domaine, comme le projet de recherche-action sur l’interface entre prestataires de soins modernes et traditionnels mis en œuvre depuis 2009 dans la sous-région (Bénin, Burkina-Faso, Mali) dans le cadre des accords Afrique-Caraïbes-Pacifique de l’Union Européenne par l’Université Libre de Bruxelles (14).

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Ce projet a stimulé la création d’une plateforme d’échange entre agents de santé et tradipraticiens et la formation de ceux-ci à reconnaitre les symptômes des maladies prioritaires à référer directement au centre de santé et éviter les retards de recours aux soins qui peuvent être mortels. Même si la valorisation des savoirs locaux en médecine traditionnelle est importante, l’atelier de clôture de ce projet à identifié que les questions suivantes restaient ouvertes quant aux limites du rôle que la coopération au développement peut jouer auprès des tradipraticiens. Premièrement, est-ce vraiment le rôle de l’Etat de former les guérisseurs et si oui, à qui faut-il se limiter, car, même si des associations de tradipraticiens ont été créées pour encadrer ces pratiques, celles-ci sont encore fragmentées et ne regroupent qu’une partie des nombreux types de guérisseurs qui exercent au Bénin.

De plus, ces initiatives visant à améliorer les compétences des tradipraticiens ne doivent pas se substituer à l’offre de soins modernes ni démobiliser les efforts pour améliorer ces derniers et encadrer d’autres types de pratiques à risque comme la vente de médicaments illicites et l’automédication, qui sont à côté de la médecine traditionnelle une autre alternative dangereuse pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas fréquenter le système de soins officiel en raison de ses nombreux dysfonctionnements (manque de personnel qualifié, infrastructures inadaptées, inaccessibilité géographique et financière, mais aussi mauvais accueil, temps d’attente trop long, ou encore corruption). En effet, si certains recourent à la médecine traditionnelle par rejet de la médecine moderne, qui peut être vue comme une « médecine de l’autre » ina-

daptée à la culture locale ou à certaines maladies, la plupart ne le font pas pour cette raison.

La poursuite du développement des structures de soins modernes reste donc indispensable pour améliorer la couverture sanitaire et la qualité des soins sur tout le territoire.Le Régime d’Assurance Maladie Universelle, lancé officiellement fin 2011 au Bénin, permettra, on l’espère, d’améliorer l’accessibilité financière aux soins, afin que ceux qui le souhaitent puissent recourir à la médecine moderne. D’autres facteurs comme l’accueil par les agents de santé et l’information des populations ont déjà fait l’objet de sensibilisations mais ces efforts devront être renforcés, afin de compléter les sensibilisations dispensées aux tradipraticiens. Enfin, l’élément clé semble être la collaboration entre ces derniers et les agents de santé, puisqu’une synergie entre les deux médecines permettrait de renforcer la stratégie des soins de santé primaires au Bénin, mais des mécanismes de collaboration valorisant les deux praticiens devront être conçus au préalable.

Des tradipraticiens en formation à

Klouékanmè.

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CONClUsiON Dans un pays ou plus de 80% de la population a recours à la médecine traditionnelle, on ne peut donc compter sans cette médecine pour assurer à la population béninoise l’accès à des soins de santé de qualité. Les malades se tournent vers ce genre de thérapies pour des raisons d’ordre pratique ou financière, mais aussi par préférence dans certains cas. Outre l’accessibilité géographique et financière à ce type de médecine, la proximité culturelle entre le guérisseur et son patient n’est en effet pas négligeable, de même que le caractère spirituel de ces pratiques qui convient mieux à certains cas.

Le titre « Amawato : Le marché de la santé au pays du vaudou » est donc un clin d’œil aux marchés où les guérisseurs se fournissent en plantes et autres ingrédients traditionnels, mais aussi au marché au sens sociologique du terme, car la médecine traditionnelle et ses dérivés constituent aujourd’hui un véritable enjeu social et économique, en Afrique mais aussi en Europe. Ce sont les spécificités de ce marché dans un contexte imprégné des traditions vaudous que nous avons tenté d’ébaucher, car la santé, comme tout autre domaine de la vie courante, est façonnée par le contexte local. Les traditions béninoises, et en particulier les croyances comme le vaudou, ont donc une grande influence sur l’utilisation des soins de santé au Bénin. La médecine, qu’elle soit dite moderne ou traditionnelle, incorpore toujours des particularités liées à ce contexte local et une part de modernité et de tradition. Toutes les deux ont des spécialistes, et même si l’aspect spirituel et

magico-religieux est absent de la médecine moderne, celle-ci repose néanmoins sur un certain nombre de croyances. S’il est vrai que la médecine moderne peut donc tirer des leçons de la médecine traditionnelle, en particulier sur la relation soignant-soigné, cette dernière comporte également des risques inhérents que le gouvernement béninois devra encadrer, avec l’appui de ses partenaires.

Ceci passe par la formation des tradipraticiens, mais aussi la sensibilisation des communautés, et l’amélioration des soins de santé modernes. Ces différentes mesures permettront à terme de limiter les retards dans le recours aux soins de santé modernes lorsque c’est nécessaire et d’assurer un meilleur taux de couverture sanitaire au sein de la population béninoise, en particulier les groupes les plus vulnérables.

Un guérisseur consulte la

radiographie de son patient, signe d’une perméabilité entre

les deux médecines.

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bibliOGraPhie

(1) OMS : Stratégie de l’OMS pour la Médecine Traditionnelle pour 2002–2005.(2) Ministère de la Santé de la République du Bénin, juin 2011 : Annuaire des statistiques sanitaires 2010.(3) OMS : Médecine traditionnelle : Définitions (www.who.int/topics/traditional_medicine/definitions/fr). (4) Tobie Nathan, 2012 : Médecins et sorciers, Editions La Découverte, Paris.(5) Adolphe Kpatchavi, 2011: Savoirs, maladie et thérapie en Afrique de l’Ouest, UAD, Cotonou.(6) Ramzi Omais, 2011 : Culture et tradition au Bénin : Le guèlèdé, le vodoun, et les femmes dans la santé, l’économie, la culture, Editions Sépia/Fondation Atef Omaïs/UNFPA.(7) Laura Salm et Ann-Christine Woehrl, 2011: Voodoo – Leben mit Göttern und Heilern in Benin, Terra Magica/Reich Verlag.(8) Nations Unies, 10 décembre 1948 : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.(9) OMS, 1978 : Déclaration d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires.(10) Priya Shetty, 30 juin 2010 : Integrating modern and traditional medicine: Facts and figures, SciDevNet (http://www.scidev.net/global/disease/feature/integrating-modern-and-traditional-medicine-facts-and-figures.html).(11) WIPO: Background Brief n°6: Intellectual property and traditional medical knowledge.(12) Ministère de la Santé de la République du Bénin : Plan stratégique quinquennal de la médecine traditionnelle au Bénin (2012-2016).(13) La plupart des informations de ce paragraphe sont issues de : L’Express n°3238, 24 juillet 2013 : Ces plantes qui nous guérissent.(14) Les informations qui suivent sont tirées de l’atelier de clôture du projet « Interface entre prestataires de soins modernes et traditionnels » dirigé par Dr. Paul De Munck et se retrouvent dans le livret consacré au Bénin : Dr. Julien Aïssan, Yves Bokossa, Anaïs Dresse, et François Zinsou, juillet 2013 : Les Acquis du projet de recherche-action ACP « interface entre prestataires de soins modernes et traditionnels » dans la Zone Sanitaire de Klouékanmè-Toviklin-Lalo.

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REmERciEmENtSNous tenons à remercier les personnes qui ont soutenu ce projet dès le départ et ont contribué à sa réalisation :

Le Ministère de la Santé de la République du Bénin, à travers le Programme National de la Pharmacopée et de la Médecine Traditionnelles (PNPMT) et en particulier son coordonnateur, Dr. Roch Houngnihin ; Les Equipes d’Encadrement des Zones Sanitaires de Comé et de Klouékanmè pour leurs apports et accompagnement au sujet de la médecine traditionnelle ; Les Présidents des Associations de Tradipraticiens qui nous ont accompagnées ainsi que tous les tradipraticiens que nous avons rencontrés à travers le pays et qui nous ont accordé leur confiance et leur temps ; Nos collègues des projets PARZS et AIMS, en particulier nos coachs Dr. Jean-Pierre Kashala et Dr. Evariste Lodi, qui nous ont aidé à réaliser ce projet, ainsi que les Assistantes Juniors du projet FAFA MC, Anke Leflère et Hanne Flachet, pour la version néerlandophone des différents supports ; Enfin, un grand merci à toute l’équipe du Programme Junior et du service communication de la CTB !

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Au Bénin, on estime que 80% de la population a recours à la médecine traditionnelle. En tant qu’Assistantes Junior au Programme d’Appui au Secteur Santé de l’Agence belge de développement (CTB) au Bénin, ce constat nous a interpellées. Nous nous sommes alors intéressées à ces guérisseurs traditionnels, ou Amawatos, comme on appelle en Fon ceux qui soignent par les plantes. Le terme Amawato est en effet celui que nous avons choisi pour vous parler des tradipraticiens du Bénin, mais dans ce pays, berceau du vaudou, la médecine traditionnelle ne se limite pas aux plantes. De nombreux autres types d’ingrédients et rituels interviennent dans le processus de guérison traditionnel. Dans le cadre des projets de développement que mènent la CTB et d’autres partenaires au Bénin, cette réalité ne peut être ignorée si l’on veut réellement améliorer l’accès des populations les plus vulnérables à des soins de santé de qualité. Ce sont les particularités du marché de la santé béninois, ou médecine traditionnelle et moderne se côtoient, que nous vous proposons d’explorer à travers ces textes et photos.

Deborah De Baeremaeker est titulaire d’une licence en journalisme, d’un DESS en communication et développement, et d’un Certificat universitaire en relations internationales et analyse des conflits. Elle a été Assistante Junior au projet d’Appui Institutionnel au Ministère de la Santé (AIMS) de la CTB Bénin d’octobre 2011 à avril 2013.

Anaïs Dresse est titulaire d’un Bachelor en Sociologie-Anthropologie, d’un Master en Etudes de la Paix et des Conflits, et d’un LL.M. en Droit Public International, et a suivi des cours de photographie à l’Académie Constantin Meunier à Bruxelles. Elle est Assistante Junior au Projet d’Appui au Renforcement des Zones et des Départements Sanitaires du Mono-Couffo de l’Atacora-Donga (PARZS) de la CTB Bénin depuis juin 2012.