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1 iRiS Institut de Relations Internationales et Stratégiques ASIE PERSPECTIVES STRATEGIQUES n°9 BANGLADESH, NEPAL, MALDIVES, INDE : un semestre de scruns sensibles, d’alternance polique en ASIE du SUD octobre 2013 Sommaire Alors que l’archipel tradionnellement paisible des Maldives peine à organiser le 2 e scrun présidenel ‘’libre’’ de son histoire (voir ASIE – Perspecves Straté- giques n°8, sept. 2013) - la date du 9 nov. est à présent avancée, après 4 annulaons/tergiversaons succes- sives...-, c’est en fait le sous-connent indien (et de ses marges immédiates) qui s’engouffre dans les arcanes complexes et les incertudes d’importants rendez-vous électoraux. Lors du semestre à venir, trois Etats d’Asie méridionale et non des moindres (INDE en mai 2014, BANGLADESH d’ici janv. 2014, NEPAL en nov.) seront accaparés par des cam- pagnes électorales (scruns législaf et constuant), enfiévrés par les enjeux d’une possible alternance, focalisés sur la date du jour où cee noria d’élec- teurs (720 millions d’inscrits sur les listes électorales en Inde) se rendra vers les urnes pour désigner — dans un contexte de tension, de violence ; Bangladesh et Népal surtout — leurs futurs représentants. Pour les 3 Etats cités — dans les 2 derniers spéciale- ment -, une atmosphère malsaine, viciée, une gouver- nance sujee à cauon quand elle n’est pas méprisable, une polarisaon polique maladive et un état de droit dégradé façonnent un cadre impropre à la sérénité et l’imparalité, éléments pourtant déterminants de la te- nue de telles échéances poliques. Comme de coutume, la dimension parsane l’emportera (de loin) sur la raison et les intérêts supérieurs de la naon, le désordre, l’in- midaon et la violence sur le souci de produire une image de pays respectable, à Katmandou et Dacca plus parculièrement, où ces valeurs se sont dépares pet à pet de tous sens ces dernières décennies, sans que cela n’émeuve grand monde au sud de l’Himalaya comme sur les bords du Golfe du Bengale. Dans la plus responsable et émergente Inde voisine, l’atmosphère est à peine moins crispée (cf. aentat ce week-end lors d’un meeng du BJP à Patna), les charges adressées aux pars rivaux tout aussi acérées (quand elles ne sont pas grossières ou diffamatoires). La plus grande démocrae du monde ne donne pas plus dans la mesure que ses voisins quand il s’agit de renouveler ses hémicycles ; des chambres où l’on trouve par ailleurs un pourcentage inouï d’individus déjà condamnés par la jusce ou en instance de l’être... Après une dizaine d’années de gouvernement et une fin de règne lestée par une succession de scandales (financiers, poliques) ces deux- trois dernières années, l’administraon Singh et sa coali- on gouvernementale (sous la bannière du par du Con- grès ; dynase Nehru–Gandhi) pourrait laisser la charge de la naon au virulent par du BJP (naonaliste hin- dou). Une alternance qui ne manquerait pas d’envoyer consécuvement quelques ondes de choc dans la région (cf. vers le Pakistan, la Chine) et au-delà (cf. relaons avec les Etats-Unis principalement). L’occasion de nous pencher brièvement dans ces quelques pages sur le détail et les enjeux (domesques et régionaux) entourant ces scruns sous haute tension. www.iris-france.org 2 bis rue Mercœur, 75 011 Paris—France ǁ tél. : 01 53 27 60 60 ǁ [email protected] Olivier Guillard est directeur de recherches Asie et enseignant à l’Instut de Relaons Internaonales et Stratégiques ( IRIS), également directeur de l’informaon chez Crisis 24, cabinet de conseil en geson des risques et des crises.

ANGLADESHNEPAL MALDIVES INDE - iris-france.org · scandales (financiers, politiques) ces deux-trois dernières années, l’administration Singh et sa coali- ... avec les Etats-Unis

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iRiS

Institut de Relations Internationales et Stratégiques

ASIE

PERSPECTIVES

STRATEGIQUES

n°9 BANGLADESH, NEPAL, MALDIVES, INDE : un semestre de

scrutins sensibles, d’alternance politique en ASIE du SUD

octobre 2013

Sommaire

□ Alors que l’archipel traditionnellement paisible des

Maldives peine à organiser le 2e scrutin présidentiel

‘’libre’’ de son histoire (voir ASIE – Perspectives Straté-

giques n°8, sept. 2013) - la date du 9 nov. est à présent

avancée, après 4 annulations/tergiversations succes-

sives...-, c’est en fait le sous-continent indien (et de ses

marges immédiates) qui s’engouffre dans les arcanes

complexes et les incertitudes d’importants rendez-vous

électoraux. Lors du semestre à venir, trois Etats d’Asie

méridionale et non des moindres (INDE en mai 2014,

BANGLADESH d’ici janv. 2014, NEPAL

en nov.) seront accaparés par des cam-

pagnes électorales (scrutins législatif et

constituant), enfiévrés par les enjeux

d’une possible alternance, focalisés sur

la date du jour où cette noria d’élec-

teurs (720 millions d’inscrits sur les

listes électorales en Inde) se rendra

vers les urnes pour désigner — dans un

contexte de tension, de violence ; Bangladesh et Népal

surtout — leurs futurs représentants.

□ Pour les 3 Etats cités — dans les 2 derniers spéciale-

ment -, une atmosphère malsaine, viciée, une gouver-

nance sujette à caution quand elle n’est pas méprisable,

une polarisation politique maladive et un état de droit

dégradé façonnent un cadre impropre à la sérénité et

l’impartialité, éléments pourtant déterminants de la te-

nue de telles échéances politiques. Comme de coutume,

la dimension partisane l’emportera (de loin) sur la raison

et les intérêts supérieurs de la nation, le désordre, l’inti-

midation et la violence sur le souci de produire une

image de pays respectable, à Katmandou et Dacca plus

particulièrement, où ces valeurs se sont départies petit à

petit de tous sens ces dernières décennies, sans que cela

n’émeuve grand monde au sud de l’Himalaya comme sur

les bords du Golfe du Bengale.

□ Dans la plus responsable et émergente Inde voisine,

l’atmosphère est à peine moins crispée (cf. attentat ce

week-end lors d’un meeting du BJP à Patna), les charges

adressées aux partis rivaux tout aussi acérées (quand

elles ne sont pas grossières ou diffamatoires). La plus

grande démocratie du monde ne donne pas plus dans la

mesure que ses voisins quand il s’agit de

renouveler ses hémicycles ; des chambres

où l’on trouve par ailleurs un pourcentage

inouï d’individus déjà condamnés par la

justice ou en instance de l’être... Après une

dizaine d’années de gouvernement et une

fin de règne lestée par une succession de

scandales (financiers, politiques) ces deux-

trois dernières années, l’administration Singh et sa coali-

tion gouvernementale (sous la bannière du parti du Con-

grès ; dynastie Nehru–Gandhi) pourrait laisser la charge

de la nation au virulent parti du BJP (nationaliste hin-

dou). Une alternance qui ne manquerait pas d’envoyer

consécutivement quelques ondes de choc dans la région

(cf. vers le Pakistan, la Chine) et au-delà (cf. relations

avec les Etats-Unis principalement).

□ L’occasion de nous pencher brièvement dans ces

quelques pages sur le détail et les enjeux (domestiques

et régionaux) entourant ces scrutins sous haute tension.

www.iris-france.org 2 bis rue Mercœur, 75 011 Paris—France ǁ tél. : 01 53 27 60 60 ǁ [email protected]

Olivier Guillard est directeur de recherches Asie et enseignant à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS),

également directeur de l’information chez Crisis 24, cabinet de conseil en gestion des risques et des crises.

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BANGLADESH ; mauvaise gouvernance et violence. Dans ce pays d’Asie méridionale aussi pauvre (550 euros annuels per capita), surpeuplé (2,3 fois la population française sur un territoire 4 fois moins étendu), qu’expo-sé aux maux de la nature (cf. inondations ; cyclone) et aux faiblesses de l’homme, l’automne 2013 s’esquisse sous les traits de la mauvaise gouvernance, du désordre politique et de la violence partisane. Non que ce jeune Etat (un « quadra » indépendant depuis 1971) soit expo-sé pour la première fois à un tel contexte, dégradé et brutal ; au contraire. Durant la courte histoire du Ban-gladesh, entre naissance douloureuse et période de ges-tion militaire (1981-91), excessive polarisation de la vie politique autour de deux formations plus ennemies que rivales (Awami League ; Bangladesh National Party), diri-gées par deux Dames de fer (Sheikh Hasina Wajed ; Kha-leda Zia) plus intéressées par l’exercice du pouvoir et ses privilèges que par les besoins primaires de la population et l’image extérieure (dégradée) de la nation, cette der-nière a connu son lot de victimes, de bourreaux et de tourments. Le concept de crise politique lui est des plus familiers. Les 100 000 militants de l’opposition ayant manifesté, rouges de colère et d’envie d’en découdre avec leurs rivaux autant qu’avec la police, dans les rues de Chitta-gong et de diverses autres villes le 25 oct. pour exiger le départ de la 1ère ministre Sheikh Hasina, ne diront pas le contraire. Depuis le 24 oct., le mandat de l’Assemblée nationale et du gou-vernement sortant est officielle-ment achevé et, toujours confor-mément au texte constitution-nel, des élections générales doi-vent être organisées sous 90 jours, soit au plus tard le 24 jan-vier 2014. Pour que ce scrutin se déroule dans une atmosphère moins partiale (a priori moins sujette aux abus et tentations qu’une administra-tion sortante), un gouvernement technocratique intéri-maire doit être investi pour expédier les affaires cou-rantes du trimestre menant aux élections. Un dispositif

qui avait produit des résultats pro-bants lors du der-nier scrutin (2008)...mais que l’équipe gouverne-mentale sortante (Awami League) - refuse, en contra-diction avec le texte constitution-nel, de considérer. Une attitude contestable qui ne manque pas de fournir des arguments solides à une op-position avide d’agir par le biais des urnes si ce n’est préalablement dans la rue. Au premier semestre 2013, le pays a déjà connu pas moins de 30 journées (!) de grèves générales (record d’Asie si ce n’est du monde), au cours desquelles des affrontements (AL vs BNP et ses alliés islamistes du Jamaat-e-Islami ; manifestants vs forces de l’ordre), des destructions matérielles ont fait plus de 150 victimes, des blessés et des arrestations par centaines. Sans que cela n’apaise le climat ou les esprits. Bien au contraire ; en dépit de l’interdiction de manifes-

ter dans les principaux centres urbains (Dacca, Chittagong, Khulna, Barisal), l’opposition électrise ses militants en entamant une énième grève générale le 27 oct. (5 morts ce jour dans des violences). Une timide tentative de décrispation - la 1ère min. sortante a proposé au BNP un gouvernement national temporaire - n’a guère abou-tie. Les sondages donnent l’Awami League (AL) perdante, dans la foulée de ses revers électoraux (municipales) de cet été. Or, l’acceptation de la dé-faite n’est pas la règle à l’AL ; idem pour le BNP. Non, décidemment, le

trimestre à venir devrait voir la situation politico-sécuritaire domestique se dégrader, au point de repous-ser la date du scrutin et de voir l’armée revenir dans le jeu politique comme elle le fit — avec une certaine réus-site - entre 2007 et 2009 ?

«Vendredi, notre Première mi-

nistre, dans un discours à la nation,

a proposé la création d’un gouver-

nement intérimaire national pour

superviser les 10e élections natio-

nales. Elle convia tous les partis, et

tout spécialement le BNP, à sélec-

tionner ses représentants afin

qu’ils participent au gouvernement

intérimaire (…)», Dawn, 21 oct.2013

Focus sur le BANGLADESH :

Superficie : 144 000 km²

Population: 164 millions d’habitants

Capitale : Dacca (16 millions habitants)

Religion: islam (90% de la population)

1er ministre actuel : S. Hasina Wajed

Parti au pouvoir : Awami League (AL)

1er parti de l’opposition : BNP

Date du scrutin : janv. 2014 au plus tard

Espérance de vie à la naissance : 70 ans

Revenus annuels per capita : 550 euros

PIB 2012 : 88 milliards euros

Croissance 2012 : + 6,1%

Population sous le seuil pauvreté : 33%

Partenaires commerciaux : Chine, USA,

Inde

Classement Doing Business 2013

(Banque Mondiale) : 129e rang mondial.

Corruption Perception Index 2012 : 144e

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NEPAL : incurie, divisions et inconséquences. D’ici trois semaines (le 19 novembre), les électeurs de ce pays himalayen sous-développé (un des 3 derniers IDH de la planète derrière l’Afghanistan et le Yémen) et en-clavé entre les géants chinois et indiens seront appelés aux urnes pour désigner leur nouvelle Assemblée Consti-tutante. La précédente, élue démocratiquement 5 ans plus tôt (2008), n’est pas parvenue, malgré un mandat à diverses reprises prolongé et a priori suffisant pour pa-reille tache rédactionnelle, à s’accorder et produire la loi fondamentale demandée. Une véritable honte et un mépris sans borne pour la nation et ses 30 millions

d’habitants, pour-tant parmi les 20 plus pauvres au monde et aspirant à se trouver une existence, une reconciliation na-tionale après une douloureuse de-cennie d’insurrec-tion maoïste con-finant à la guerre civile (1996-2006 ;

15000 morts ; plus de 100 000 déplacés). 12 années se sont écoulées depuis le massacre - encore entouré de zones d’ombre - de la famille royale, officiellement le fait d’un prince régicide. 5 années ont passé depuis la fin de la monarchie dans ce désormais ancien royaume hin-douiste et l’établissement d’une république fédérale. 5 années également où la proverbiale incurie des représentants des principaux partis politiques toutes obédiences confondues (UCPN-Maoist ; Nepali Con-gress, CPN-UML, RPP, Joint Madhesi Front) a démontré l’étendue de sa médiocrité, son dédain pour l’intérêt national, le rétablissement du pays, le sort de son peuple meutri, las et désabusé. Un quinquennat qui au-ra vu passer plus de 1ers ministres (l’actuel chef de gou-vernement, l’ancien Chief Justice Khil Raj Regmi, investi dans ses fonctions depuis mars 2013, étant le 6e depuis 2008) que d’avancées tangibles en matière de reconcili-

ation nationale, de reconstruction et de développement économique. Avec une morgue sans pareille en Asie, maoïstes, communistes, royalistes, socialistes, se sont employés sans relâche à se quereller, à manigancer con-tre leurs rivaux politiques, à user des maigres ressources du pays à leur unique profit partisan, quand il ne s’agis-sait pas de se les accaparer, purement et simplement. Il n’est hélas qu’à se pencher sur les préparatifs de ce prochain scrutin constituant pour anticiper la sinistre prolongation de cette intolérable impasse, consternante du point de vue politique, aux conséquences socio-économiques plus critiques encore. Dans l’Assemblée constituante sortante, 33 partis politiques étaient représentés (sur 119 enregistrés auprès des autorités !). Pour le scrutin du 19 novembre, pas moins de 122 partis politiques distincts (sur un total de 139) ont présenté des candidats. Des candidats avant tout soucieux de faire partie des élus, moins pour extraire le pays de sa tourmente politico-institutionnelle actuelle que pour tirer profit, dans cette nation parmi les trois moins dé-veloppées d’Asie, des privilèges et avantages associés à la fonction de parlementaire. En attendant, c’est sans grand espoir que les Népalais se préparent à ce nouveau rendez-vous électoral, dont ils n’attendent pas grand chose, si ce n’est une inflation de tension et de violence ces prochaines semaines, des manigances de dernière minute et un florilège de promesses vides. Un scrutin qui semble promis aux maoïstes (tout divisés soient-ils) du “camarade” et an-cien 1er ministre Prachanda ; une assemblée divisée, sans majorité absolue, offerte aux alliances fragiles et contre-nature, est anticipée par les experts. Un refrain familier dans l’ancien royaume ; rien de très rassurant.

« Les rapports avec nos deux

pays voisins (Chine au nord ;

Inde au sud) devront être cor-

diaux, équitables et pragma-

tiques, fondés sur les standards

et les valeurs internationaux »,

déclaration du Nepali Congress

(NC) , le 22 octobre 2013

Focus sur le NEPAL :

Superficie : 147 000 km²

Population: 30 millions d’habitants

Capitale : Katmandou (1 million h.)

Nom officiel : République Fédé. Démo.

Religion: hindouisme (81% population)

1er ministre actuel : Khil Raj Regmi

Principaux partis : UCPN-Maoist ; Nepali

Congress, CPN-UML, RPP, Madhesi Front

Date (théorique) du scrutin: 19 nov 2013

Alphabétisation (pop. + de 15 ans) : 57%

Revenus annuels per capita : 500 euros

PIB 2012 : 20 milliards euros

Croissance 2012 : + 4,6%

Chômage : 50 % de la population active

Inflation (2012) : 9,5%

Population sous le seuil pauvreté : 25%

Partenaires commerciaux : Inde, Chine,

USA

Classement Doing Business 2013

(Banque Mondiale) : 108e rang mondial.

Corruption Perception Index 2012 : 139e

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INDE : la plus grande démocratie du monde se prépare à une alternance printanière. L’Inde et ses 720 millions d’électeurs (soit l’équivalent de l’électorat de l’UE et des Etats-Unis combinés !) se préparent eux aussi — mais avec une plus confortable marge de temps que leurs voisins maldiviens, népalais et bangladais - à désigner les prochains représentants de la nation. Pour la 16e fois depuis l’indépendance (1947), le plus volumineux corps électoral du concert des nations s’est engagé dans une longue campagne électorale, laquelle, à l’aune de ce que l’on a déjà pu en juger, ne s’annonce pas comme un modèle de bonnes manières. A l’image du cadre bangladais esquissé plus tôt, une alternance politique semble attendre New Delhi et son 1,22 milliard de citoyens (1 habitant de la planète sur 6). Ereintée par une décennie au pouvoir, la lente érosion de sa crédibilité populaire et de son autorité, progressivement ensevelies sous un flot d’affaires (corruption) coûtant au budget national l’équivalent de plusieurs milliards d’euros (cf. Jeux du Commonwealth ; « coal gate » ; 2G spectrum scam ; etc.), la coalition au pouvoir depuis 2004 (United Progressive Alliance ; une dizaine de partis de gauche) derrière l’étendard du parti du Congrès, devrait céder la gestion des affaires natio-nales à l’opposition. Les dernières projections annon-cent un possible camouflet, une déroute électorale pour le Congrès, nonobstant l’entrée en campagne toni-truante de l’arrière petit-fils de Jawaharlal Nehru, Rahul Gandhi (Vice-Président du parti), et les appels du pied populistes grossiers (cf. mise en place récente d’un Pu-blic Distribution System subventionnant pour les plus pauvres l’accès aux denrées de 1ere nécessité ; coût an-nuel : 10 milliards euros) du gouvernement de M. Singh en direction des franges les plus paupérisées de la socié-té. Forte encore aujourd’hui de 259 sièges à l’assemblée nationale (Lok Sabha), l’alliance UPA pourrait perdre la moitié de sa représentation, tandis que l’opposition, regroupée dans les rangs (eux-aussi assez hétérogènes) de la National Democratic Alliance (NDA), gagnerait quelques dizaines de sièges supplémentaires (35% des voix) par rapport au scrutin de 2009. Une avancée syno-nyme de probable retour au pouvoir - mais dans un cadre de coalition — pour le premier parti de l’opposi-

tion, le Bha-ratiya Janata Party (BJP), mouvement ouverte-ment natio-naliste hin-dou, lequel dirigea la seconde dé-mographie de la planète entre 1998 et 2004. Un succès que nombre de commentateurs tiennent déjà pour quasi-acquis, sûrs de l’impact sur les électeurs du nouvel emblématique porte-voix de ce parti, Narendra Modi, Chief minister de l’Etat du Gujarat (ouest de l’Inde), plébiscité notamment par les milieux d’affaires, lassés de l’image dégra-dée du pays ces dernières années sur la scène inter-nationale, dési-reux de réinsuffler le dynamisme po-litique et écono-mique nécessaire pour obtenir une croissance plus soutenue, bien moins vigoureuse depuis deux ans (+6,5% en 2012 contre 11,2% en 2010). Du sang neuf pour le BJP (N. Modi à 63 ans) et pour l’Inde ? Certes, mais une candidature ne faisant pas pour autant l’unanimité (cf. attentat perpétré lors de son meeting électoral à Patna ce week-end ; 5 morts), l’individu ne passant pas pour un rassembleur et traine un passif invitant peu à la concorde intercommunautaire (cf. violence hindous-musulmans au Gujarat en 2002, alors qu’il était Chief Minister). A noter enfin que la ga-laxie hétéroclite des « petits » partis régionaux, à qui l’on prédit 35-40% des voix, sera la véritable faiseuse de roi à New Delhi.

« Les actions se déroulant depuis

deux mois sur la frontière (du

Cachemire) sont inacceptables.

Le temps est venu de répondre

au Pakistan en des termes clairs.

Si ce dernier ne cesse pas ses ac-

tions, il y a alors diverses façons

politiques de donner une leçon à

ce pays (…)», du porte-parole du

BJP, le 25 oct. 2015 (The Hindu).

Focus sur l’INDE:

Superficie : 3,3 millions km²

Population: 1,22 milliard d’habitants

Capitale : New Delhi (22 millions h.)

Religion: hindouisme (81% population)

1er ministre actuel : Manmohan Singh

Parti au pouvoir : Congrès (+ coalition)

1er parti de l’opposition : BJP

Date du scrutin : mai 2014 au plus tard

Espérance de vie à la naissance : 67 ans

Revenus annuels per capita : 1 100 euros

PIB 2012 : 1 322 milliards euros

Croissance 2012 : + 6,5%

Inflation (2012) : 9,3%

Population sous le seuil pauvreté : 30%

Partenaires commerciaux : Emirats A. U.,

USA, Chine

Classement Doing Business 2013

(Banque Mondiale) : 132e rang mondial.

Corruption Perception Index 2012 : 94e

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SCRUTINS NATIONAUX & IMPLICATIONS RÉGIONALES.

Si l’issue du scrutin présidentiel aux Maldives - à comp-ter qu’il soit finalement organisé, le 9 nov. …- n’est pas à même, quel qu’en soit le vainqueur, de bouleverser l’équilibre régional, il en va quelque peu différemment des autres rendez-vous électoraux évoqués plus haut.

Au NÉPAL. Retenons comme postulat de base que le niveau de violence électorale ne dépassera pas un seuil admissible, autorisant de facto le déroulement du scrutin (le 19 nov.) désignant une nouvelle Assemblée constituante. L’identité du / des vainqueurs de ce ren-dez-vous politique aura une relative incidence régionale. Les maoïstes de l’UCPN-Maoist, censés recueillir le plus de suffrages - sans pour autant profiter d’une majorité absolue dans le prochain hémicycle - ne bénéficie pas tout à fait de la même aura des deux côtés de la chaine himalayenne, New Delhi se montrant notamment (bien) plus réservée à leur égard et circonspecte quant au bienfondé de leur programme politique (même si ces derniers jours, en amont de ces élections, l’Inde vient de reprendre, après une interruption de neuf ans, ses livrai-sons de matériels militaires à l’armée népalaise) que Pékin, historiquement moins critique vis-à-vis de ces camarades ayant quitté la voie des armes en 2006 pour investir — avec un certain succès mais non sans difficul-té - le (laborieux) champ politique national.

Au BANGLADESH. A compter là encore que le con-texte sécuritaire s’y prête - pour l’heure, la chose est tout sauf garantie, à l’aune des incidents de ce week-end et des positions irrédentistes de l’AL et du BNP -, l’identité de la formation qui remporterait (avec le sou-tien de partis alliés) les élections générales emporterait des conséquences non-négligeables au-delà des 4096 km de frontières terrestres de cet Etat. Si l’Awami League (gouvernement sortant) est notoirement assez proche de New Delhi ou à tout le moins, se montre ou-verte à la coopération indo-bangladaise, il en va diffé-remment du Bangladesh National Party (BNP), histori-quement bien plus indo-sceptique et en tant que tel, moins disposé à composer avec le Big brother indien.

En INDE. Dans la patrie de Gandhi et de Nehru, les choses sont encore plus simples : la victoire annoncée un semestre à l’avance des ultranationalistes hindous du BJP devrait avoir, entre autres conséquences régionales, un changement de politique - substantiel à défaut d’être total - vis-à-vis du Pakistan (discours plus dur sur les questions terroriste et des accrochages armés des der-niers mois sur la Line of Control au Cachemire) et de la Chine (position moins conciliante que sous le gouverne-ment Singh, sur les contentieux frontaliers et le soutien au Pakistan, notamment). Il parait alors raisonnable d’anticiper moins ‘’d’empressement’’ dans le rapproche-ment sino-indien, une fois N. Modi nommé 1er ministre.

CONCLUSION. Lors des six prochains mois, 4 des 7 nations composant le sous-continent indien appelleront la po-

pulation à choisir leurs nouveaux dirigeants politiques. Dans 3 cas sur les 4 évoqués, une alternance gouvernemen-

tale semble vraisemblable (Maldives, Bangladesh, Inde) et ne surprendrait pas plus les observateurs que les vo-

tants. Si en Inde le verdict des urnes (probable revers du parti du Congrès et retour aux affaires du BJP) devrait a

priori être accepté par les foules, on peut légitimement douter - à condition que les scrutins aient in fine lieu - qu’il

en aille de même au Bangladesh, aux Maldives ainsi qu’au Népal, où la reconnaissance des défaites électorales

versent plus souvent qu’il ne faudrait dans la mauvaise volonté, la politique de la terre brûlée et le chaos que dans

les bonnes manières, sacrifiant sans remords les intérêts pourtant autrement supérieurs de la nation. Quand on

songe que ces quelques pages n’ont pas traité (un prochain exercice y sera entièrement consacré) l’élection régio-

nale assurément la plus sensible et critique de toutes - le scrutin présidentiel du 5 avril 2014 en Afghanistan -, on

ne peut s’empêcher (à raison probablement) d’estimer que cette région disparate et volatile se prépare à un se-

mestre tendu, difficile, où les passions et la violence prévaudront (de loin) sur la stabilité et la raison.

Sheikh Hasina Wajed (AL ; à gauche), 1ère

ministre sortante ; sa rivale du BNP (à droite),

l’ancienne 1ère ministre Khaleda Zia

Khil Raj Regmi (à gauche), 1er ministre

par interim depuis mars ; à droite, l’an-

cien 1er ministre (maoïste) Prachanda

M. Singh (à gauche), 1er ministre

(Congrès) depuis 2004 ; à droite, son

possible successeur N. Modi (BJP)