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ANNE DE CHANTRAINE - Numilog

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ANNE DE CHANTRAINE ou la naissance d'une ombre

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© Jean-Pierre Kupczyk, Editeur, 1988 18, rue des Jachères, 94440 Marolles en Brie Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés dans tous pays ISBN 2-907440-03-9

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GASTON COMPERE

ANNE DE CHANTRAINE ou la naissance d'une ombre

JEAN-PIERRE KUPCZYK Editeur

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DU MEME AUTEUR

Poésie : Le Sagittaire, Maison d'Editions Mosanes, 1952. Europe mon amour, ed. C.E.L.F, 1960. Le signe infortuné, ed. C.E.L.F, 1964. Géométrie de l'absence, Ed. De Rache, 1969. Ecrits de la caverne, Ed. Jacques Antoine, 1976. Un millénaire de patience d'ange, Ed. P. Ide Gallery, 1979. Le grand bestiaire, Ed. La Renaissance du Livre, 1979. Profération de la parole perdue, Ed Le Cormier, 1983. Songes de l'oeil bleu, Ed. Dur-an-ki, 1985. Sol majeur, Montagne d'or, Ed. Le Cormier, 1985. Romans : Le fort de Gleisse, Ed. Pierre Belfond, 1975. Portrait d'un roi dépossédé, Ed. Pierre Belfond, 1978. L'office des ténèbres, Ed. Pierre Belfond, 1979. Les griffes de l'ange, Ed. Le Cri, 1981. La constellation du serpent, Ed. Pierre Belfond, 1983. Je soussigné Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, Ed. Pierre

Belfond, 1985. Dieu dans le trou, Ed. SCE Jacques Antoine, 1986. Robinson 86, Ed. Pierre Belfond, 1986. Nouvelles :

Sept machines à rêver, Ed. Pierre Belfond, 1974. La femme de Puthiphar, Ed. Marabout, 1975. Derrière l'oeil, Ed. Jacques Antoine, 1979. Les eaux de l'Achéron, Ed. L'Age d'homme, 1985. Le fouille-merde, Ed. Le Cri, 1988. Divers : Le théâtre de Maurice Maeterlinck, Palais des Académies, 1955. Le dernier duc d'Occident, Cahier du service dramatique, R.T.B. 1977. Jean-Sébastien Bach, Ed. Duculot, 1980. L'Apocalypse de saint Jean, Ed. Le Préambule, 1987. L'art de parler en public pour ne rien dire, Ed. Jacques Antoine,

1987. Théâtre : Pourrir par les orteils, créé en 1977. Le rempart de Babylone, créé en 1977. Gueule de glace, créé en 1981. Le bout du monde, créé en 1984. Sade, disait-il, créé en 1984.

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Adaptation d'ouvrages dramatiques étrangers représentés Dommage qu'elle soit une putain, de John Ford, 1982. Damien, d'Aldyth Morris. Le cauchemar de l'acteur, de Christopher Durang, 1983. Soeur Marie-Ignace vous explique tout, de Christopher Durang, 1983. La Mandragore, de Machiavel, 1983. Kean, ou la colère de Dieu, de Fitz-Simmons, 1984. Nathan le Sage, de Gotthold Ephraïm Lessing, 1988. L'Apocalypse, créé en 1988.

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Pour Bob et pour Shih-Yu.

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C'était un pauvre petit être mystérieux, comme tout le monde. M. Maeterlinck, Pelléas et Mélisande. V,2.

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Anne de Chantraine... J'ai trouvé plus de musique que je ne puis dire dans ce nom, et une musique qui me convient. Entendez : qui m'émeut, et m'émeut d'une telle émotion qu'elle me met en état de goûter, et de savourer, la beauté des choses et des êtres, devenus qu'ils sont mystérieusement beaux. Que dire de la beauté sinon qu'elle est la communion la plus pure du bien et de la fortune ? Etes-vous sensible à cette musique ? « O musique lointaine et discrète... ». Je ne vous ferai pas l'injure de croire que vous ne connaissez pas ce vers. Pour peu que vous l'entendiez, cette musique, c'est que votre âme s'est éveillée, c'est qu'elle vous a investi, c'est que vous êtes prêt, absurdement, à croire que l'avenir va vous révéler ses secrets. C'est vous dire qu'il n'est presque rien d'humain qui puisse échapper à votre amour. Si vous vivez ces instants d'éveil, vous les connaîtrez non point inou- bliables (car tout s'oublie qui n'est pas écrit) mais quasi, vous le croiriez du moins si vous êtes vraiment éveillé et que l'âme musicienne se marie à l'impitoyable conscience.

Connaissez-vous Warêt-la-Chaussée ? Non, sans doute. Un village comme il y en a cent. A une dizaine de kilomètres au nord de Namur. De la pierre, de l'ardoise, des gens — peu de gens : le village est petit et semble sans mystère. Il y a bientôt trente ans que j'ai quitté la région de Warêt-la- Chaussée, qui m'a vu naître — Warêt-la-Chaussée, où a vécu Anne de Chantraine. Bientôt trente ans, oui, moi. Bientôt trois cents, Anne, la petite Anne. Trois cents, quel abîme...

Anne de Chantraine, pauvre entre les pauvres, à l'image de milliers de pauvres, avec rien sur le dos, les lèvres gercées, gercés les talons et les doigts. Rien sur le dos, et rien dans les mains que la misère à offrir, et qui l'accepte, la misère ? Les saints, c'est l'exception, une aristocratie toujours mal vue par une masse qui se trouve plutôt bien à vivre dans ses

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ordures. On n'est pas des saints : c'est clair, ça en dit long, point final, amen, alléluia. Anne de Chantraine, pauvre entre les pauvres, mais dont le nom vibre mystérieusement...

Certes, je conçois qu'il peut sembler étrange que je m'in- téresse à cette fille perdue... Perdue, vous m'entendez, presque rongée par le temps, presque oubliée, ombre presque anonyme parmi les ombres sans nom, dont on ne se doute de l'existence que par l'exercice de la raison la plus aride.

C'est la musique de son nom qui l'a, pour moi, ressuscitée : on l'a compris. Mais ce n'est pas assez dire. Et ici nous entrons dans une espèce de no man's land où les choses se disent mal et se comprennent plus mal encore. Ne me comprendront vraiment que ceux qui connaissent bien la campagne namuroise et verront Anne à travers la douceur de son espace. Vous m'incriminerez de partialité, je m'en doute, si je vous dis cette campagne unique. Mais elle l'est pour moi. Unique, oui, par le mélange le plus exquis de prairies et de bois, disposés de telle sorte que l'on ignore si ce sont les prairies qui forcent les bois ou les bois qui pénètrent les prairies. Unique aussi, unique surtout dans le contexte de ce récit par la tonalité, et je reprends l'adjectif à dessein, étonnamment exquise de ses couleurs. Il me semble parfois qu'il n'est guère possible qu'au pastel de la peindre avec vérité. Connaissez-vous le mauve usé et frais de la cardamine, le bleu du myosotis dont il semble qu'à l'azur se mêle du lait, le vert poudreux des feuilles de l'épiaire laineuse ? Je veux le croire, me disant que vous pouvez imaginer à partir de ces couleurs les vallons condruziens et la plaine hesbi- gnonne. Aquarelle, lavis... Oui, et non cependant : poudre aux yeux, rien de péjoratif, qui les enchante, fusain tendre, tendre pastel, et je connais des gens qui, au souvenir de ces visions incomparables, ne se refusent pas les larmes, comme si la beauté exténuait l'âme comblée.

Ces couleurs — dont l'argent, qui ne se refuse pas aux andains, et l'ocre aux labours —, ces couleurs, et me faut-il parler du rose sourd qu'il arrive aux jardins de nous livrer à travers les haies d'aubépine ?, ces couleurs sont à leur manière murmure et chuchotement, ou, plus exactement, musique chuchotante — musique lointaine et discrète, n 'est-ce pas ?

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Douceur de la couleur, douceur de la musique : il me faut pourtant dire que cette douceur jumelle et unie est la force même, que l'âme fermée s'en effraie, et qu'il arrive à celle qu'elle fascine de s'en épouvanter parce que, par degrés, et parfois tout à coup, se découvre le mystère sans quoi elle ne peut ni vivre ni sans doute survivre. Mais Dieu, qui au mystique se donne, se retire parce qu'il ne veut point sa mort.

Ceci encore. Anne, cette fille perdue dans le temps, m'est bien plus présente que ne le seraient des dizaines de filles que je connais, qui ne me sont rien en dépit de leur sang battant, de leur évidente avidité de tout, de cette peau qu'elles rêvent dorée sans doute comme certaines pilules peuvent l'être. Anne a vécu là où j'ai vécu, moi qui suis encore en vie, Anne a vu de ce paysage ce qu'autrefois du moins on pouvait tenir pour éternel. Cela à quoi n'a touché nulle machine, ici, à Warêt-la-Chaussée, cela : les lignes qu'il me serait agréable de dire éternelles, ces lignes du paysage que j'aimerais que vous voyiez et qui ne vous diraient peut-être rien, encore que leur beauté soit évidente, parce que vous n'avez pas goûté la vie naissante dans leur lacis : celle des crêtes des collines, celle des creux des vallons. J'ai parlé de lacis. Et si je parlais de filet ? Parce que, elle et moi, nous nous sommes (moi du moins) sentis prisonniers de leur réseau. Ce paysage, que je n'ai qu'en mémoire, notez-le, j'aimerais que vous le connaissiez, j'aimerais vous mener là où la petite a posé le pied, hâté sa marche, essayé la danse, là où elle a rêvé autre chose que ce à quoi la contraignait une société d'ignorance, de pouvoir, d'illusions atrocement présentes... Ce paysage... Comment vous dire ? Sans lui il ne me serait jamais venu à l'esprit d'écrire ce texte où je vais essayer de ressusciter la figure de cette fille perdue. Il est au centre de ces pages. Je sais l'entreprise vaine mais, cela dit, j'aimerais quand même en voir le dessin ou la photographie parmi ces pages de regret, d'adoration et de désespoir. Laissons, voulez-vous. C'est sans doute dans cette convergence de lignes que je la rejoins, car...

Car je la rejoins. Car nous nous rejoignons. Je veux croire que la porte la vie encore donnée aux ombres, une vie en

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quelque sorte aimantée par ce nord brûlant qu'est celui de l'amour. Anne au loin... Cette enfant blonde... démunie et offerte... Anne et le trésor de ses mains vides... Anne, qu'il m'est facile maintenant de rejoindre pour ceci qu'elle n'est plus livrée aux souffles instables d'une mémoire imaginative, mais aux règles précises d'une écriture amoureuse. Viens-t'en, ma chère petite. Nous avons maintenant de quoi nous abriter du monde sinon du sort.

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JEAN DE CHANTRAINE

Février 1603

C'est comme ça. C'est comme ça, je vous dis. Oui. L'engrenage quoi. On tend le petit doigt. On vous prend la main. Puis le bras. Tenez, c'est en chair à saucisse que je me suis transformé, et puis là, en douce, dans le boyau. Et Marie le nez dessus, à renifler, les dents agacées, de la salive plein la gueule, Marie Husset. A lui voir les narines ouvertes et les canines pointues, pas de doute, on se dit pas de doute, c'est la fille du boucher. Le vieux Husset, oh là, c'est le type qui vous en met plein la vue, comme cela, sans se forcer, sans même son hachoir et ses coutelas, comme ça, oui. A quoi ça tient, l'autorité, je vous le demande. A la moustache de fer ? A la braguette garnie ? A quoi au juste ? Au regard sans doute. Droit et rêche comme sa queue-de-rat. Tenez, j'en suis à me demander, nom de Dieu, comment j'ai osé lui parler au boucher. Il a fallu.

Marie, Marie, Marie à me tanner. Vas-y. Bin quoi. T'as rien vu ? Les femmes. Faut que ça s'installe. Leur faut du foin où poser leurs fesses. C'est comme ça. T'as rien vu, dis donc. Bien mise pourtant qu'elle était pour savoir que c'était pas la question à poser. Car le ballon,

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elle l'avait. Ça ne se voyait pas encore, et c'était pas pour demain. Mais elle était prise, et bien prise. J'étais pas fier de moi, je pensais au père Husset, à son hachoir, à ses coutelas, je me voyais pendu à un croc dans l'arrière-boutique, les orteils en quinconce, et le maïeur à lui serrer la pince, bravo, c'est comme ça qu'il faut s'y prendre avec ces salopards, et ils crachaient tous les deux, de leur semelle écrasaient leur graillon, puis se bourraient l'estomac à grands coups de poing mous — en se dilatant la rate, un peu d'autorité, rien de tel pour vous aider à rire. Moi...

Moi, voilà, on ne se fait pas, c'est là le malheur, moi, j'ai beau faire ma poire, je suis le pigeon, toujours le pigeon, et il n'y a aucune raison pour que ça s'arrête : Marie Husset, elle m'a choisi, elle m'a eu, même dans son lit, et voilà qu'il me fallait rencontrer son père et le baratiner. Le baratin, faut dire, c'est un peu ma spécialité. N'empêche : le père Husset... J'avais rien, apparemment rien de commun avec ce gaillard à mous- tache, et vous avez pas vu ses mains, rouges et bleues, avec des tendons poilus et du sang dans les crevasses. Le père Husset, quoi ? Est-ce qu'un boucher ça accepte comme gendre un colporteur toujours aux quatre coins du paysage ?

Eh bien oui, faut croire que je me faisais des idées avec autant de facilité que je me noie dans un crachat, faut croire. Le père Husset a dit oui, sur-le-champ, là, vlan dans la gueule, oui, oui, comme si le Bon Dieu lui tombait dessus, merci, alléluia chante le curé, merci de me soulever ma fille, merci, c'est à vous maintenant la putain. Putain, Marie ? Et puis merde, elles le sont toutes.

On s'est marié, et me voilà avec une femme, moi, moi avec une femme dans les bras, sur les bras. Partout, dans la gueule, sur le dos, dans les jambes, au cul. Allons, si on se fendait la pipe, non ? Vaut mieux rire.

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On dit la grimace plus belle : c'est pas sûr. La pipe, oui, j'emploie le mot parce qu'il me vient aux lèvres — comme m'y vient ma pipe, une pipe de bruyère, trouvée culottée dans le bric-à-brac d'une vieille boutique, fi- celles, poussière et pots de chambre — à Jemeppe si j'ai bon souvenir. Ma pipe, docile, brûlante, puant bon, consolatrice comme le curé le dit de la Vierge. J'avais ma pipe, j'avais une femme : balance égale, ou peut s'en faut. Je fumais de la feuille verte, la plus âcre, qui vous emporte le goulot. Merci. Merci qui ? Merci, mon Dieu, ça vous va ? Je fumais, je courais les routes.

Ma charrette, ni lourde, ni légère. Trop lourde pour- tant, c'est sûr. Sortir de Liège, du trou de Meuse, la courroie de cuir vous sciait l'épaule. Mais après. Après, c'était le paysage, toujours ouvert, on siffle, on crie, on aboie à la lune, les bonnes femmes se signent, et la paille, on est bien la nuit dans la paille des granges. Sans grand intérêt tout ça. On ne parle que de ses misères. Pas du vent de muguet, pas de la feuille suante, pas de l'ombre fraîche aux pâquerettes. Marie, elle aurait voulu me suivre. Rendez-vous compte. Me suivre, et quoi encore ? La bonne excuse : t'as avalé le pépin, ma grosse, repos, repos. On habitait une maison de boue et de crachat, le long de la Meuse, et la Meuse puait plus souvent qu'à son tour. Et déjà elle s'emmer- dait, Marie. Les femmes, toutes, elles s'emmerdent dans leur trou. L'âtre qui fume, les casseroles et la suie, la serpillière qui tape, la vitre où se coller le nez, la porte qu'elles n'ouvrent jamais qu'à leurs dépens, toutes qu'elles sont à se surveiller comme des bêtes. Moi, j'ai l'espace, le vert et le blanc, mon trou oui, mon trou aussi, de feuilles ou de neige, un trou d'espace quoi, sans cesse à se creuser, et le vent, ses mains de soie ou ses griffes, la nuit comme le cul du diable et le soleil comme celui de Dieu, qu'il me pardonne, je me laisse entraîner. Mais elles, les femmes ? Mais elle, Marie ?

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Marie, rien que la baraque, la baraque et la Meuse à deux pas, et les bateaux qui passent et qui lui disent qu'est-ce que tu fous à l'ombre, en tôle autant dire, Marie, Marie ? Pas sûr sans doute qu'elle pensait jusque- là. Moi, le curé disait : mon fils, du calme, vous avez trop d'imagination. C'est vrai, je vois tout trop d'avance, trop, nom de Dieu, trop, et ça me fout la chiasse parfois, la verte, la bien verte, ah, bon sang ! mais Marie, mais les femmes, après tout pas tellement différentes des vaches, patience, patience, le ventre plein, on attend. Mais, je me dis, mais c'est pas des vaches, ça s'énerve, ça s'irrite, ça a des fièvres et des impa- tiences, ça rêve, ça se fait sorcière. Ça se fait sorcière parce que ça s'emmerde, et puis quoi ? On n'a qu'une vie, on en tire ce qu'on peut, le plus possible, sûr, alors quoi, un balai, ça se trouve, un balai ou n'importe quoi, une verge garnie de trois poils enlevés aux parties honteuses, à moi le bouc, les viandes cuites et les galants membrés.

Ce que je vendais par la campagne ? Rien de bien terrible. Surtout ce qu'attendaient les femmes, des ru- bans, des boutons, du fil, de la mercerie quoi, un peu d'étoffe, tout ça n'a pas bien d'intérêt. Je vendais, ça marchait pas trop mal, je rentrais avec de quoi nous faire vivre, Marie et moi — Marie qui se faisait ronde, à qui venait de la mauvaise graisse sous les mâchoires, et qui geignait, et qui me disait... Ça suffit. C 'est pas que ça me déplaisait de rentrer à Liège, au contraire, Liège ça pète, ça gueule, ça se poile, ça vit quoi, mais les sempiternelles lamentations de Marie... Je lui disais : va voir ta mère. Après tout, les mères, c'est ce qu'il y a le moins à craindre, on dit ça, faudrait quand même voir. Elle boudait. Non, non. Voir sa mère, c 'était tomber sur le boucher et sa moustache et ses pattes rouges du sang des bêtes. J'avais compris depuis long- temps : elle ne m'avait suivi que pour échapper au

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colosse, à ses bacantes infernales, à ses battoirs qui vous marbraient la peau. Moi au moins... Je paie pas de mine, sac d'os, carcasse à salières, cagneux et ce cul de guingois, les chats de gouttière ça se craint pas, les harengs saurs ça se bouffe, voilà. Doux, doux, mon petit homme. Grincheux mais doux doux doux. Fous-moi la paix, je suis grosse. Laisse-moi chiner, chigner et chichi- ter. Laisse-moi, j'ai tous les droits. Pensez, à moi le bistrot ou la campagne ! La vie, ça cahote, ça va comme ça peut, on s'essouffle à mourir. On sait ça. Le pauvre monde sait ça, l'a toujours su et rien ne changera, rien de rien. J'aurai toujours mes cals et elle aura un peu de douceur entre les cuisses. Mais la femme grosse, c'en est fini du rêve et du doux tralala. Que soit béni le fruit de vos entrailles, vous connaissez le refrain. Avec les femmes, faut s'y faire, il suffit d'avoir réussi son coup pour être écarté du jeu. Faut s'y faire. Je m'y suis fait. J'ai vendu de la dentelle. J'ai bu des chopes. La Meuse pour moi ouvrait sa grande gueule d'abîme — celle qu'elle avait fermée pour elle.

Faut pas comprendre. Je rappliquais du bistrot. Je rappliquais de la campagne. Je me remettais, presque content, dans les pattes de Marie. C'est comme ça. J'avais beau me gratter le crâne. Les hommes, ça aime à savoir quoi et pourquoi et tout ça. Je croquais le marmot en regardant mes cals. C'était pas désagréable. Marie, je ne l'écoutais pas, j'étais ailleurs, elle faisait de la musique.

C'est un dimanche que la comédie a pris fin. Mais elle était à l'image de Marie : elle était grosse, la comédie, et grosse naturellement d'une autre comédie. Faire quoi ? Rien. Le curé du doigt montrait le ciel. Le ciel, bon, on avait compris. Mais Anne était devant moi, du violet pauvre des enfants du pauvre monde. A peine viable, mais la vie s'accroche, et on l'aide. On l'aide, figurez-vous : on est mal foutu, rien dans le

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cerveau, quelque chose ailleurs, on ne sait pas où : quelque chose d'abominable. On dit hardi. On dit amen. On va jusqu'à rire. Anne était là et j'ai ri. J'ai ri en pensant vaguement qu'il serait bon de mourir.

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MARIE HUSSET

Mars 1604

Je n'ai rien à dire, moi. Autant dire rien. Le curé, il est bon l'abbé Delcourt, bon comme du bon pain, il m'a dit l'abbé en me prenant les mains, et c'était meilleur que tout d'avoir les mains dans les siennes, il m'a dit : « Ma chère enfant, Dieu est venu sur terre avant tout pour les humbles. Pour les gens comme vous et comme moi. Dieu vous aime, Marie. Parlez. Vous avez à dire des choses essentielles ». Il doit se tromper. J'ai rien à dire, rien. Et essentiel, qu'est-ce que ça veut dire au juste ? Je vis. Je ne fais rien d'autre que de vivre. Je suis dans ma peau comme l'arbre dans son écorce. Il ne me faut rien demander, ou du moins presque rien. Je m'occupe. Il y a le pavé à laver, les chaudrons à récurer, la cuisine à faire, et j'aime pas tellement voir la Meuse passer, et être toujours là. J'y pense, parce que cela me donnerait des idées et que ces idées ne me vaudraient rien : j'attends, comme on dit. Il m'a dit l'abbé Delcourt : « Dieu vous aime et aime votre enfant », voilà ce qu'il m'a dit il y a des semaines et des semaines, et, ma foi, oui, vrai, c'était là une musique bonne à entendre. La solitude ça ne vaut rien

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pour personne. Jean, où il était Jean, Jean et sa char- rette, parmi des femmes, sa clientèle, c'était bien. Moi, ici, toute seule... J'aurais voulu le suivre. Il me faut dire que les voisines avaient des gueules qui ne me plaisaient pas. Caquet et cancans qu'il disait Jean. Elles le faisaient rire, il les faisait rire : si maigre et si vif, et faisant des femmes tout ce qu'il voulait. C'est vrai, j'avais de la chance, papa pouvait la fermer, Jean me faisait rire comme ses bonnes femmes, et il me venait dans le ventre un bébé que dans quelques mois j'aurais rose comme les roses. Ce bébé, il me faisait supporter d'être seule. Après tout, être deux, ce n'est pas seulement être l'un à côté de l'autre. L'un dans l'autre, ou l'autre dans l'un, comment il faut dire ? conseillez-moi. Et puis voilà, tout a une fin, les bébés je sais pas si ça demande à sortir, mais ça sort et vous n'y pouvez rien. Je l'aurais bien gardée, moi, la petite. Elle était, là, à l'abri, et je sais mieux que personne qu'il est bon d'être à l'abri. Et d'ailleurs, je ne sais si vous pouvez me comprendre, elle aussi, la petite, elle m'abritait, je me sentais comme sous un marronnier par temps de pluie : les voisines s'étaient calmées à me voir le ventre rond. Même qu'il y en a eu une pour alerter la sage-femme, et quand je l'ai vue, Léonie Huriaux, avec sa poitrine rebondie, ses mains blanc-jaune comme le beurre d'hiver et ses yeux saillants qui disaient on y va petite ? On va le mettre au soleil cet enfant ? Qui disait ayez pas peur, tout ça c'est la nature, la nature est bonne et moi je lui donne un coup de main, quand je l'ai vue et entendue, l'eau chaude qu'elle disait aux deux femmes qui l'accompagnaient, vous allez me faire bouillir de l'eau, espèces de fei- gnasses ? Elle disait ça, feignasses, sans méchanceté, elle grognait comme on peut grogner quand on mange du massepain, allez, démerdez-vous, quoi ! et les deux femmes souriaient en soupirant, quand je l'ai vue et entendue, et sentie, car elle m'avait mis les mains sur

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le ventre et m'avait palpée comme je l'avais vu faire cent fois par papa aux bêtes à acheter, bon, bon, bon, doux, doux, doux, et tous les deux ils employaient les mêmes mots, doux, doux, ah... alors oui, là je me suis de nouveau sentie sous le marronnier, et la pluie pouvait venir, et l'orage même, et les vraies douleurs. Mais la petite au soleil, comme elle disait Léonie Huriaux, la petite, là, sous mes mains comme je l'étais tantôt sous les siennes, ah ! qu'est-ce que je peux vous dire, moi, moi ? Quoi, c'était possible, cela, que j'aie jamais pu la faire, moi, cette enfant ? Moi ? Moi qui n'est rien — rien autant dire, n'en déplaise au curé Delcourt qui me dit, comme il dit, unique et irremplaçable aux yeux de Dieu. Elle était là, la petite, et bien là, on l'entendait, de petits cris, de petits râles, je pourrais pas dire de quoi, mais il semblait pas que c'était spécialement de la joie, non, pas de la joie, et je comprenais, du lait autant dire que j'en avais pas, même que j'ai eu de la chance d'avoir le curé qui m'en envoyait par le sacris- tain, le temps du moins que je me remette sur pied et que Jean rentre de sa tournée. « Nom de Dieu, et tes parents ? » qu'il m'a dit, Jean. Mais la petite était arrivée plus vite que prévu et sûr que mes parents n'avaient pas été prévenus, voilà ce que je lui ai dit. Il bougonnait. « Tes parents, c'est rien que... ». Mais lais- sons ça. D'ailleurs tout était bien, là, je m'étais relevée et Jean s'occupait du lait. Non, je n'avais pas trop à me plaindre, les gens avaient été plutôt serviables. « Ce qu'il vous faut savoir, Marie, qu'il disait le curé, c'est que la Providence aime intervenir », et il fallait croire que c'était vrai. Je ne savais pas si j'étais heureuse, je savais du moins que je n'étais pas malheureuse. Y avait la petite, le jour, la nuit, tout le temps, elle était ma chérie, ma colombe, ma fleur de mai, mon poussin, ma délicieuse. Jean grognait. Je peux pas croire qu'il ne l'aimait pas, mais les hommes sont les hommes, ils ont

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ce que maman appelait des pudeurs, et je me demande pourquoi maman, parce que papa n'en avait même pas l'ombre. C'est pas qu'il ne riait pas, Jean, en lui frottant le nez du bout du doigt à la petite. Mais il lui trouvait une couleur pas catholique, une couleur de pauvre qu'il disait, quoi ? quelle couleur ? Elle était rose, mon ange, un peu rose, c'était bien, le sang, la fraîcheur, juste ce qu'il fallait de soleil dans le sang, de soleil frais comme on en voit en avril sur les hauteurs de la vallée. Et moi, pauvre fille, pauvre femme, moi quand vers midi, après le lait, je lui voyais cette lumière lui naître dans les yeux, je me faisais autrement molle que lorsque Jean s'occupait de moi d'un peu près, et l'envie de pleurer me venait sans que je sache pourquoi, et de crier sourd, sourd, avec une voix blanche et tellement qu'il n'y avait que moi pour l'entendre. « T'as pas bonne mine », qu'il disait Jean, et le curé Delcourt le disait aussi, et d'autres, les femmes du coin, tenez, et maman qui m'est tombée dessus une après-midi, « t'as pas bonne mine », et puis quoi ? Qu'est-ce que cela voulait dire t'as pas bonne mine ?, je me sentais bien, faible et tranquille, avec le bonheur de la petite, mon petit canard, Anne, lapin- lapin que je disais, ma rose et mon miel, mon bout d'oignon qui me faisait pleurer, Anne, Anne, mon bébé, qu'est-ce qui t'attend, mon ange, quoi? Quoi sous le ciel où il y a le Bon Dieu qu'il disait l 'abbé Delcourt mais où je ne l'ai jamais vu, moi, jamais, même dans la lumière. La vie comme la Meuse coulait que rien n'arrêtait et ne pouvait arrêter, nous sommes comme les bateaux qui passent, qu'on suit un moment des yeux et puis voilà, ils ne sont plus là. « Ils ne sont plus là », ça me trottait en tête, vaguement, comme ça, et il me semblait que je descendais une pente et qu'il valait mieux que je m'arrête, mais comment ? Comment, dites ? Je toussais, je perdais du sang, et je ne sais quel jour le curé Delcourt m'a fait envoyer du pain frais,

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« cela vous a goûté ? », qu'il m'a demandé le lendemain, et j'étais bien heureuse de lui dire oui, que la petite avait mangé de la mie trempée dans du lait, et qu'elle venait bien, la petite, « bien ? », disait le curé, et je lui voyais des yeux songeurs. « Est-ce que vous avez des nouvelles de votre mari ? » J'aurais bien aimé lui dire que oui. « Ah bon. Il est vrai qu'Ostende n'est pas Maestricht. Je vais parler de vous à monsieur de Phen- cenal ». J'étais de nouveau seule, seule et seule ; et qu'on m'entende, seule avec la petite, qui venait bien, je l'ai dit, mais elle avait, c'est vrai, les paupières violettes et les cheveux trop pâles, blond-blanc, allez savoir au juste. Seule, oui. Un mois après la naissance, Jean avait repris ses tournées, mais allez savoir pourquoi, elles ne don- naient autant dire plus rien ses tournées, les fanfreluches ça ne semblait plus les intéresser les femmes, les fanfre- luches ni rien, le nécessaire même, elles devaient se tirer d'affaire comme ça, avec l'air du temps et des bouts de ficelle, ou quoi ? De la concurrence ? Il y en avait toujours eu un peu, mais de plus malin que mon Jean auprès des femmes j'en voyais pas, je n'en imaginais même pas tant il avait les mains promptes et la gueule en fleur : hop, hop, oh belle dame... Parfois, mon Dieu, ce qu'il a pu me faire rire, mais je riais pas, je riais noir en silence, en regardant la petite, les doigts chauds, les doigts, le coeur. Bien, madame la Vierge, je serai sage. Voilà. Il aurait pu s'obstiner et courir la cam- pagne, mais pour tirer la charrette il faut manger, et pour manger il faut tirer la charrette, il n'en sortait pas, on ne sort pas de cette espèce de cercle, et si on en sort, c'est le cimetière ou la chance. La chance ne sourit guère au pauvre monde, aidez-moi qu'elle dit la chance, elle est de la famille des riches qui ont besoin de l'argent du pauvre monde pour tenir sur leurs jambes, aidez-moi, je vous aiderai, la misère il est plus difficile d'en sortir que d'une église. Pourtant, à en

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croire Jean, ça s'est fait comme cela : la Providence du curé Delcourt. Au Pot d'étain que ça s'est passé, un soir où il se trouvait à s'arroser le gosier, de la bière, jamais de l'alcool, qui le rendait drôlement malade et le faisait tomber comme du haut mal. Quand il m'est revenu, jamais je ne lui ai vu un visage si allumé. « On en sort, qu'il m'a dit. On en est même sorti. Tu sais qui j'ai rencontré au Pot d'étain ? Je racontais mes blagues de bonnes femmes, comment je les embobinais, mon vieux répertoire quoi, quand on me fait un signe, on me fait asseoir, on m'offre une pinte. C'était Wauthier Lhomme, oui, commerce en gros, toile velours et caetera. Il m'a engagé comme vivandier. Je pars lundi. Je prends le bateau et descends la Meuse. Destination : Ostende. Il y a des affaires à faire. Le siège n'est pas près de se terminer. Wauthier Lhomme s'occupera de toi le temps de mon absence, de toi et de la petite, t'as rien à craindre, et puis le curé, il n'est pas curé pour rien, le curé. » J'avais rien à craindre sans doute, mais quoi, il n'était plus là, lui, Jean, mon Jean, et mes meilleurs jours étaient ceux où il était là avec la petite, à bavarder et à faire ses grimaces pendant que je m'occupais d'elle. J'ai eu beau faire, il est parti, et, ma foi, je l'ai bien vu, quand il est monté à bord, il avait l'air plutôt content. D'accord, sur les trois, il y en avait au moins un qui n'avait pas l'air malheureux, c'était toujours ça de pris, pris sur quoi, allez voir. On est bien seul dans sa peau. Anne, c'était pas la joie. Moi, ce ne l'était pas du tout. Inquiète que j'étais, seule, seule en fin de compte, seule et inquiète, tout ce temps inquiète pour la petite, car elle allait pas bien la petite et tellement que je me disais que j'allais pas la conserver. Et c'étaient pas mes quintes de toux et mes hémorragies qui me rendaient le moral. Je me disais : pauvre innocente, mon pauvre petit lapin, si je disparais, hein ? Je voyais pas maman la prendre chez elle, c'est tout juste si elle

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Anne de Chantraine vécut, au début du dix-septième siècle, dans ces marches de la romanité que furent la principauté de Liège et le comté de Namur. Victime de l'impitoyable chasse aux sorcières qui sévissait à l'époque, elle mourut, toute jeune encore, brûlée vive. Cette mort allait si fortement frapper le peuple que son souvenir hanta ses légen- des. Dans la nuit du passé, brillèrent longtemps l'éclat de sa beauté et, particulièrement, la lumière de sa chevelure. On peut affirmer que ce fut la télévision qui finit par avoir raison de ce fantôme gracieux et tragique. Un hasard heureux voulut que tombent dans les mains de Gaston Com- père les minutes du procès — minutes obscures et embrouillées, qui révélèrent l'existence d'un personnage énigmatique. Pour Gaston Com- père, il ne s'agissait plus, comme il fut écrit à propos de ses derniers romans, de « réinventer la fiction vraie ». Anne de Chantraine est de celles dont on interroge l'ombre. Qui est-elle ? Les témoins du procès racontent ce qu'ils savent d'elle et, ce faisant, suscitent son histoire. Mais cette histoire ne nous la révèle guère. Son essence nous fuit. Comme la Mélisande de Maeterlinck, elle n'est qu'« un pauvre petit être mystérieux, comme tout le monde ». Gaston Compère n 'a garde de nous donner son opinion, qui ne vaut que pour lui seul. Il invite le lecteur à la plus précieuse quête : en interrogeant cette figure d'un autre siècle, c'est la sienne propre qu'il interrogera. Et peut-être lui sera-t-il donné de mieux se connaître. Né en Wallonie, docteur en philosophie et lettres, Gaston Compère est l' auteur d'une œuvre importante, notamment sur le plan romanesque, où il s 'interesse à des techniques nouvelles dont l'originalité le dispute à l'efficacité. En 1988, Gaston Compère vient d'obtenir, pour l'ensemble de son œuvre, le Grand Prix biennal d'expression française F.I.D.E.L.F. (Fédération Internationale des Ecrivains de Langue Française).

ISBN 2 907440 03 9

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