Anthony Buckeridge Bennett 11 BV Bennett Dans Le Bain 1960

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ANTHONY BUCKERIDGE

BENNETTDANS LE BAINQUAND Bennett fait couler son bain... l'inondation est proche! Le plafond de la salle de musique s'entrouvre pour laisser passer une cataracte, le grand escalier du collge de Linbury risque de se transformer en chutes du Niagara!Et comme une vulgaire baignoire, l'indignation du professeur Wilkinson dborde!...Pourtant, Bennett est inspir des meilleures intentions. Il inscrit ses bonnes rsolutions dans son petit carnet rouge. Il tudie mme Shakespeare avec tant d'ardeur qu'aprs avoir lu Macbeth, il descend l'escalier en pleine nuit, mains en avant, il vague, simulant parfaitement le somnambule... Ce qui dclenche non plus l'inondation, mais l'exercice d'alerte l'incendie. Pas de chance! Voil Bennett de nouveau dans le bain!

ANTHONY BUCKERIDGEBENNETT DANS LE BAINTEXTE FRANAIS DOLIVIER SECHAN

ILLUSTRATIONS DE DANIEL BILLON

HACHETTE

l'dition originale de ce roman a paru en

langue anglaise chez Collins. Londres,

sous le titre :

THE TROUBLE WITH JENNINGS

Anthony Buckeridge, 1960 Librairie Hachette, 1975tous droits de traduction, de reproduction

et d'adaptation rservs pour tous pays.

TABLE

I. Le petit carnet rouge

7II. Le gadget tous usages

20

III. La porte bloque

32IV. Alerte l'inondation!

42V. Les chutes du Niagara

49VI. Ici on parle franais

61VII. Shakespeare pose un problme

75VIII. Du plan A au plan D

87IX. L'tude fantme

100X. Alerte au feu!

109XI. Les petits cadeaux

120XII. Interlude musical

132XIII. Bonnes rsolutions

140XIV. Une vague de chaleur

152XV. Un tragique malentendu

167XVI. Une soire intime

177

CHAPITRE PREMIER

LE PETIT CARNET ROUGEpersonne ne prta grande attention Bennett quand, ce soir-l, au moment o ses camarades se couchaient, il s'avana en pyjama jusqu'au milieu du dortoir et, brandissant un petit carnet rouge, dclara d'un air important son ami Mortimer : Cette fois, je crois que j'ai trouv le truc pour tenir mes bonnes rsolutions. Tu sais comment? Mortimer ne rpondit pas, et les autres occupants du dortoir, bien que non interrogs, se contentrent d'mettre quelques Boff! , manifestant ainsi l'indiffrence la plus complte.Ce carnet que tenait Bennett un garon de onze ans, aux cheveux constamment bouriffs, aux yeux brun vif , ce n'tait pas un carnet ordinaire, oh! non. Sur la couverture rouge, on lisait tracs en lettres noires, ces mots : Bonnes rsolutions pour le second trimestre. Et l'intrieur, suivait la liste des actions louables que Bennett comptait raliser, pour apporter un peu de soleil dans la vie monotone des lves du collge de Linbury.Hlas! comme par un malin plaisir, le destin n'avait pas permis Bennett, du moins jusqu' prsent, d'tre la hauteur de ses engagements. Mais c'tait sans doute d au fait qu'il aimait fourrer son nez partout et se lancer dans des aventures qui, bien des fois, effaraient son ami Mortimer, d'un naturel plutt timor. Tu sais comment? rpta Bennett avec un peu d'impatience.Il ouvrit le petit carnet, comme s'il s'apprtait en donner lecture, puis, relevant la tte, il fit du regard le tour du dortoir.C'tait une grande pice contenant six lits, trois lavabos et une vaste armoire vtements divise en six compartiments. Morrison, un solide garon du mme ge que Bennett, se tenait devant celle-ci, ouverte, et essayait de faire rentrer un pull-over dans un tiroir dj plein craquer. Atkins et Bromwich l'an, debout prs des lavabos, s'envoyaient des signaux, dans un code secret, avec leurs chaussettes. Briggs, un garon de douze ans, trs grand pour son ge, tait dj sur son lit, et il examinait ses orteils en les regardant l'aide d'une petite longue-vue de bazar. Les yeux de Bennett se posrent enfin sur Mortimer, dans le lit le plus proche du sien. Alors, a ne t'intresse pas? grogna-t-il. Tu ne veux pas savoir o j'en suis? Mortimer soupira. Ce doux garon aux cheveux blond filasse, aux yeux bleus cachs par d'paisses lunettes, se livrait pour l'instant un exercice qui rclamait toute son attention. Il avait apport au dortoir le manuel intitul Les premires tudes du joueur de pipeau, afin de rpter sa leon dans son lit. Il y avait en effet, page 5, un morceau assez difficile, qu'il esprait excuter en se servant de sa brosse dents... en guise d'instrument. Or si Bennett se mettait raconter des histoires sur ses fameuses rsolutions, il y avait peu de chances pour Mortimer de parvenir au bout des Campanules d'Ecosse, avant que M. Wilkinson, le professeur de service, ne vnt faire sa dernire tourne aux dortoirs et teindre les lumires. Une autre fois, Ben, une autre fois! marmonna Mortimer. Je suis trs occup pour l'instant... Posant le troisime doigt sur le troisime trou, il trouva l'endroit approximatif, sur le manche de la brosse dents, et souffla doucement. Dans son imagination, il entendit la note juste rsonner dans la pice. Trs occup! soupira Bennett. Comment peux-tu tre occup en te contentant de rester l mordiller ta brosse dents! Bon, a va, coute quand mme... Je viens d'avoir une ide! Le musicien dposa son instrument de fortune et referma le manuel. Il savait par exprience qu'il tait inutile de discuter avec Bennett quand celui-ci avait dcid de parler. Vas-y, je t'coute! dit-il patiemment. C'est propos des bonnes rsolutions que j'ai prises la rentre de janvier, expliqua Bennett. Certaines taient faciles tenir, comme par exemple de me laver plus souvent les pieds, ou de ne pas jeter de papiers de bonbons dans la cour. Mais quand on arrive la rsolution n 5 : Je travaillerai avec acharnement et avec ponctualit... Acharnement! Ponctualit!' rpta Mortimer qui se permit un rire insultant. Tiens! rien que ce matin tu t'es fait attraper par Wilkie parce que tu arrivais en retard en classe, et que tu n'avais pas termin ta prparation! Oui, oui, je sais, admit Bennett. Mais j'ai rpar en allant lui ouvrir la porte la fin du cours, et a, c'est inscrire l'actif de la rsolution n 3, o je m'engage tre poli et serviable envers les personnes ges... Mais M. Wilkinson n'est pas un vieux! Presque! Il a au moins trente-cinq ans! Et M. Carter aussi... D'ailleurs, les professeurs sont les seules personnes ges au collge, et il faut bien que je les utilise pour appliquer cette rsolution! Bon, c'est parfait alors , dclara Mortimer qui reprit sa brosse dents.Avec un peu de chance, les discours de Bennett allaient prendre fin. Mais pas du tout! Eh bien, voil la brillante ide que j'ai eue, reprit Bennett au bout d'un instant de rflexion. Je vais inscrire dans mon carnet une nouvelle rsolu-lution... Ce sera Je prends la rsolution de tenir toutes mes rsolutions ... Pas mal, n'est-ce pas? Epatant! Rsultat garanti sur facture! rpliqua Mortimer. N'est-ce pas? Par exemple, il y en a une o je dcide d'tre chic envers mes amis... c'est--dire les gens comme toi, Briggs, toute cette bande... Si tu voulais tre chic, ragea Mortimer qui se sentit insult, tu fermerais ton bec pendant que tes amis essaient de jouer Les Campanules d'Ecosse. Oh! trs bien! Je croyais que a t'intressait puisque tu fais partie de ces gens envers qui je voulais justement me montrer chic... Avec un haussement d'paules Bennett glissa le petit carnet rouge dans la poche de son pyjama. Puis, de dessous son oreiller, il retira un trange instrument : c'tait un morceau de tuyau d'arrosage de soixante centimtres de long, muni d'un entonnoir aux deux extrmits. C'tait l ce qu'il appelait son priscope , fabrication maison, servant respirer sous les couvertures, ou sous la surface de l'eau de la baignoire.Pendant quelques semaines, au cours du prcdent trimestre, ces priscopes ou tubes respiratoires avaient fait fureur parmi les soixante-dix-neuf lves du collge de Linbury. Malheureusement, l'usage de cet instrument avait trouv une fin brutale, la suite d'un dplorable malentendu entre Bennett et M. Pemberton-Oakes, le directeur 1.Mais le premier trimestre tait dj loin, se disait Bennett. C'tait de l'histoire ancienne. Et, pour se livrer de nouvelles expriences avec ce remarquable instrument tous usages, Bennett venait rcemment de fabriquer un nouveau modle, le Priscope secret Bennett version II amliore (adjonction des entonnoirs). On l'appelait modle secret parce que les matres ignoraient son existence. Et s'ils l'apprenaient, le risque n'tait pas trs grand. Tout au plus Bennett se verrait-il confisquer son appareil.Comme Mortimer tait de nouveau absorb par sa musique silencieuse, Bennett lana un coup de trompette dans le tuyau, pour attirer l'attention de1. Voir Bennett et son piano, dans la mme collection.Briggs, couch dans le lit le plus proche d la porte. H, Briggs! regarde un peu a! Les mots sortaient du tuyau avec un son caverneux. Je suis le fameux explorateur du centre de la terre, qui se trouve dans une troite caverne, mille mtres de profondeur. L'air est presque irrespirable. Alors j'ai mis mon masque, mon tube respiratoire, et j'ai branch mes bouteilles d'oxygne... Regarde un peu, je vais te montrer... Sur ces mots, l'intrpide explorateur des abmes prit sur la chaise prs de son lit un vieil tui longue-vue, au cuir noirtre et racorni. Il passa la courroie autour de son cou, puis, ainsi quip, il enfona son nez dans l'un des entonnoirs de son tube respiratoire et plongea tte la premire dans son lit. Les couvertures se gonflrent et firent des vagues lorsque la taupe humaine s'enfouit sous elles.

Au mme instant, M. Wilkinson, le professeur de service, entra dans le dortoir, accompagn par son collgue M. Carter. A premire vue, il tait vident que la description qu'en avait faite Bennett ces personnes ges tait quelque peu exagre. Bien qu'ils eussent dans les trente-cinq ans, ils taient tous deux en pleine forme, vigoureux et bien vivants; M. Carter, toujours calme, pos, tchant de comprendre les lves; M. Wilkinson, au temprament plus colrique, qui, s'il aimait bien les enfants confis sa garde, avait du mal accepter les ides et les manires de la jeune gnration.Or, il avait justement sous les yeux un exemple prcis de ce qu'il rprouvait. Il fit tut-tut-tut comme un compteur Geiger en apercevant draps et couvertures follement agits, croire qu'un tremblement de terre venait d'branler les profondeurs du matelas. Petit forban! gronda-t-il. Regardez-moi ce beau travail!Mais, sans se douter de sa prsence, Bennett poursuivait sa dmonstration. Il fit merger l'une des extrmits du tuyau au pied du lit, et parla par ce porte-voix improvis : Fameuse invention! dclara-t-il. Je peux m'en servir comme bouche d'aration et comme haut-parleur en mme temps!... Mais je n'y vois rien... Que l'on m'avertisse si l'on entend les petits petons de Wilkinson sur le palier... Les occupants des autres lits taient terriblement embarrasss. Impossible d'avertir Bennett que le professeur, objet de ces propos irrespectueux, observait avec une irritation croissante les mouvements dsordonns des couvertures. M. Carter, lui, souriait. Il fit signe son collgue de rester silencieuxlorsque le reportage reprit, venant des profondeurs : Maintenant, j'explore une galerie trois mille mtres au-dessous du niveau de la mer, un endroit o la main de l'homme civilis n'a encore jamais mis le pied... Quand je reviendrai la surface, je serai le plus fameux splo... splogo... spgogo... Quel est ce mot interminable qui veut dire explorateur de cavernes? M. Carter saisit l'extrmit du tuyau, et approcha ses lvres de l'entonnoir. Sp-l-o-lo-gue! rpondit-il d'une voix forte.L'effet fut immdiat. Les couvertures sautrent en l'air, puis se dversrent sur le plancher, dgageant la forme accroupie du fameux splo-spgogo-splologue, qui contempla les deux matres d'un regard parfaitement ahuri. Oh! vous m'avez fait peur, m'sieur! dit Bennett. Je ne savais pas que vous tiez l... Excusez-moi... Je suis terriblement dsol... Et il y a de quoi! rpliqua M. Wilkinson. Regardez dans quel tat se trouve votre lit! Refaites-moi a proprement! Je ne comprends pas comment vous pouvez vous livrer de telles sottises, au lieu de vous coucher tranquillement comme les gens civiliss! Oui, m'sieur, rpondit Bennett en fourrant le tuyau sous son oreiller. Je croyais que le directeur vous avait interdit d'utiliser ces objets-l! fit observer M. Carter. Oh, non, m'sieur... C'tait le trimestre dernier! protesta Bennett. Il ne l'a pas interdit pour ce trimestre... L'autre jour, je suis presque sr qu'il m'a vu avec a dans la cour, et il n'a rien dit. Pas un mot! Hmm! Brrmm! trs vraisemblable! grommela M. Wilkinson. En tout cas, je vous avertis, Bennett : si vos inventions stupides provoquent des dsordres, je... je... Vous verrez! Oui, m'sieur! Et pendant que Bennett refaisait son lit, les yeux furieux du professeur firent le tour du dortoir, avec l'espoir de dcouvrir un autre aliment pour nourrir son indignation. Il le trouva vite. Et vous, Mortimer, que faites-vous, au lit, avec votre brosse dents? gronda-t-il. Vous auriez d vous laver les dents avant de vous coucher! C'est fait, m'sieur! rpliqua Mortimer d'un air d'innocence outrage. Et je ne 'me brosse pas les dents : je joue Les Campanules d'Ecosse. Hein? Quelles Campanusses d'Ecole? Euh... Quoi? je veux dire... Enfin, bref, vous jouez quoi? Pas fort, m'sieur, bien sr! On ne l'entend pas avec ses oreilles, pour ainsi dire. Mais moi, j'entends les notes dans ma tte, comme pour de bon. M. Wilkinson renona prolonger la discussion. Mais aprs avoir teint les lumires du dortoir, lorsqu'il suivit M. Carter dans l'escalier, il ne put s'empcher de se dire, pour la centime fois, que les garons avaient dcidment un comportement dnu de bon sens. Il n'y avait aucun mal, bien sr, ce que Bennett prouvt le besoin d'explorer les profondeurs de son lit, ou que Mortimer trouvt plaisir entendre dans sa tte des sons qui n'existaient pas. Mais d'un autre ct, il n'en voyait absolument pas l'intrt. Et, un exploit fantastique en entranant fatalement un autre, que diable allaient inventer ces petits sacripants la prochaine fois?A ses dpens, M. Wilkinson ne devait pas tarder connatre la rponse cette question.Le lendemain aprs-midi, M. Carter se dirigeait vers la salle des professeurs, lorsqu'une trange musique frappa ses oreilles. Il regarda sur sa droite et aperut la silhouette accroupie de Mortimer, jambes croises et pipeau aux lvres, tel un charmeur de serpents oriental, le corps pench en avant. Devant lui, sur le plancher, tait pos un cahier de musique. En raison de sa position penche, ses cheveux lui retombaient sur les yeux, et ses lunettes avaient gliss jusqu'au bout de son nez. Venez donc un peu, Mortimer , lui dit M. Carter.Le musicien se releva, ramassa son cahier et suivit le professeur dans le couloir. M. Hind, votre professeur de musique, vous encourage-t-il jouer de votre instrument dans cette extraordinaire position? demanda le professeur. Non, m'sieur. Si j'ai mis mon cahier par terre, c'est parce qu'il n'y avait rien pour le soutenir, et je ne pouvais voir les notes qu'en me penchant dessus... Pourquoi ne pas chercher un endroit plus appropri pour vous exercer? Eh bien, je jouais dans la salle des loisirs, expliqua Mortimer, et Bennett me tenait le cahier. Il n'a plus voulu continuer parce que son bras s'ankylosait. Mais moi, en restant courb en deux, a me tord la colonne vertbrale. Fcheux! soupira M. Carter. Arrtez-vous donc de jouer quand le lumbago menace. Oui, m'sieur. Ce qu'il me faudrait, c'est un pupitre, mais a cote cher... Et j'essaie justement de faire des conomies pour... pour... Je ne peux pas vous le dire, m'sieur, c'est un secret. M. Carter n'insista pas. Il pensa cependant qu'ildevait s'agir d'une chose assez importante, si, pour cela, Mortimer renonait acqurir un pupitre musique dont il aurait eu bien besoin.Mortimer tait l'un des meilleurs joueurs de pipeau de M. Hind, le professeur de musique. Celui-ci avait rcemment form un groupe musical avec l'intention de rgaler le collge d'un petit concert, le samedi aprs-midi par exemple. Et, bien que les musiciens fussent en progrs, les sons qu'ils mettaient au cours de leurs rptitions faisaient grincer les dents tout auditeur ayant l'oreille quelque peu musicale. Je me demande, m'sieur, si je ne devrais pas m'installer plutt dans la salle des casiers, reprit Mortimer en trottinant ct du professeur. Je placerais mon cahier sur les tuyaux de chauffage central... On m'a vid de la salle des loisirs, parce que Briggs a dit que je le gnais dans sa lecture, et Morrison que je faisais peur aux poissons rouges... Et en quittant M. Carter l'angle du couloir, Mortimer ajouta avec un petit haussement d'paules : Tout le monde n'est pas capable d'apprcier la grande musique, pas vrai, m'sieur? Lorsqu'il arriva devant la salle des professeurs, M. Carter trouva Bennett qui l'attendait. Est-ce que je pourrais retirer un peu de mon argent de poche, m'sieur? demanda le jeune garon, qui suivit le matre l'intrieur.M. Carter ouvrit son livre de compte. Oui, je pense , dit-il d'abord. Puis aprs avoir feuillet les pages, il reprit : Oh! mon pauvre ami, je crois que ce n'est malheureusement pas possible-Vtre compte est en dficit de cinq pence! Certainement pas! protesta Bennett. J'avais encore quarante pence la semaine dernire! M. Carter lui montra une annotation rcente. Vous oubliez le carreau cass dans la bibliothque? Oh! zut! gmit Bennett. Je n'y pensais plus-Mais aussi, les vitres du collge sont si fragiles! Je tapais seulement un petit coup pour appeler un copain dans la cour, et elle s'est casse... Toute seule! Ecrivez donc chez vous pour demander un peu d'argent, suggra M. Carter. A moins que ce ne soit urgent... Bah! ce n'est pas tellement urgent... Mais c'est en rapport avec mes bonnes rsolutions! dit Bennett qui ouvrit son petit carnet rouge pour le prsenter son professeur. Voyez a, m'sieur : Rsolution n 7 : Je dcide d'tre chic envers tous les copains de ma classe, qu'ils soient chics envers moi ou non. Et pourquoi donc voulez-vous retirer de l'argent? demanda M. Carter. Je ne vois pas le rapport... C'est cause de Mortimer, expliqua Bennett. C'est bientt son anniversaire, et comme il est trs chic avec moi, j'ai pens lui faire un cadeau. Bonne rsolution, n'est-ce pas, m'sieur? Certainement. Et que voulez-vous lui offrir? Eh bien, c'est l l'ennui. Je comptais lui donner une vieille montre que j'ai gagne dans un concours de plage, les vacances dernires... Mais il a dj une montre, il me semble. Oui, m'sieur, mais la sienne c'est pour lui donner l'heure. Celle que je voulais lui offrir ne marche pas, et je pensais qu'il pourrait s'amuser la rparer... Et pourquoi avez-vous chang d'ide? Parce qu'elle s'est remise marcher! dit Bennett en faisant la grimace. L'autre jour, je l'ai laisse tomber, et quand je l'ai ramasse elle faisait tic-tac comme une mitrailleuse! Alors, elle ne servirait rien Mortimer, s'il ne pouvait plus la rparer! M. Carter ne chercha pas discuter la logique de cet argument. Ce dont Mortimer a besoin, dit-il, c'est d'un pupitre musique. Voil un excellent cadeau. Oh! bonne ide, m'sieur! s'cria Bennett. Et a m'viterait de me fatiguer le bras lui tenir son cahier des Campanules d'Ecosse! Oui, c'est a, m'sieur. Je lui offrirai un pupitre musique. Un de ces trucs qui se replient... C'est exactement... II s'interrompit, son visage s'assombrit. Zut! je ne peux pas, m'sieur, puisque je n'ai pas d'argent!... Eh non! fit M. Carter. Bennett poussa un gros soupir. Tant pis, m'sieur. Mais je vais tout de mme y penser!

CHAPITRE IILE GADGET TOUS USAGES

lorsqu'il entra dans la salle des loisirs, aprs avoir quitt M. Carter, Bennett tomba sur Morrison et Briggs engags dans une ardente discussion pour savoir lequel des deux devait changer l'eau des poissons rouges.Ces infortuns poissons rouges taient un hritage du Club de sciences naturelles de la 3e division , un club qui ne vivait que pendant les beaux jours d't. Tout le reste de l'anne, il ne fonctionnait-1. Voir Bennett et ses grenouilles, dans la mme collection.plus qu'au ralenti, et la corve de veiller sur ses reliquats donnait videmment lieu de nombreuses disputes. N'essaie pas de te dfiler! criait Briggs. C'est ton tour de nettoyer l'aquarium, tout le monde le sait! Pas du tout! Mon tour, c'est la semaine prochaine! ripostait Morrison. C'est par ordre alphabtique, et je viens juste aprs Morell... Morell l'a fait la semaine dernire! triompha Briggs. H! Atkins, fais voir ta liste! D'un tiroir empli de fatras, Atkins retira la fameuse liste, et il apparut bien que Briggs avait raison. Morrison dut se rsigner. Et tche de le nettoyer fond, insista Atkins. La dernire fois, tu n'as chang que la moiti de l'eau! Je ne pouvais pas changer l'autre moiti sans retirer les poissons! protesta Morrison. Et d'ailleurs a remue le sable et les graviers au fond... C'est trs dsagrable. Dsagrable pour qui? Pour les poissons rouges. Tu devrais voir le coup d'il qu'ils te lancent quand tu les remets dans l'eau toute trouble. Et puis, si tu changes tout d'un seul coup, tu ne sais jamais si l'eau est la temprature convenable, et ils n'aiment pas a non plus. Excuses minables! dclara Briggs.Or, sa surprise, Morrison trouva un alli inattendu en Bennett. Trs juste! dit-il. Il faut changer l'eau graduellement, et pas d'un seul coup. Et comment ferais-tu? demanda Atkins. Je me servirais d'un siphon. D'un siphon? fit Atkins avec ahurissement.Mais c'est idiot! Les poissons rouges n'aiment peut-tre pas l'eau de Seltz! Je ne parle pas des siphons de bistrots, espce d'ignare! rpliqua Bennett. Tu prends un tube de caoutchouc, tu plonges l'une des extrmits dans l'aquarium, tu fais passer l'autre par-dessus bord, l'eau monte dans le tube... ... Et tombe sur le plancher? suggra Atkins. Si tu es malin, tu mettras un seau pour la recevoir , dit Morrison.Mais Bennett n'coutait pas. Il contemplait l'aquarium en silence, pendant que les autres discutaient. Mon priscope! cria-t-il soudain. Pourquoi ne pas y avoir pens plus tt? Bien sr! approuva Briggs, oubliant ses objections. Exactement ce qu'il faut pour siphonner l'eau. Allons le chercher pour voir si a fonctionne! A toute allure, Bennett, suivi de ses camarades, s'lana hors de la salle des loisirs et s'engagea dans l'escalier pour monter au dortoir n 4. C'est vraiment un instrument tous usages! disait Bennett en arrivant au premier tage. Il peut servir de tube respiratoire sous les couvertures, de tube acoustique, de porte-voix, d'appareil de plonge dans une baignoire... et maintenant de siphon! Si je le faisais breveter, je crois que je pourrais... II s'arrta brusquement et posa la main sur Briggs pour le retenir. Le groupe leva les yeux vers l'endroit qu'il indiquait de son doigt tendu, et l'on aperut, dans le couloir du premier tage, la haute silhouette de M. Pemberton-Oakes. Le directeur sortait de la salle de musique. Il tait accompagn d'un tranger portant un impermable et coiff d'un chapeau melon.Jusqu' prsent, le directeur n'avait pas remarqules lves. Tout dpendait du chemin qu'il prendrait. Ils attendirent, dans un silence anxieux, se tassant le long de la rampe, puis Bennett se redressa avec un soupir de soulagement, car le directeur et son visiteur se dirigeaient vers l'autre extrmit du couloir o se trouvait l'infirmerie. Ouf! On l'a chapp belle! dit Briggs, tandis que, sur la pointe des pieds, ils traversaient le palier et s'engageaient dans la deuxime vole de marches. Je me demande qui tait avec le Grand Chef. Le pre d'un nouveau, dcrta Atkins. Comment le sais-tu? Je le devine. Le directeur lui fait visiter la salle de musique et le reste. D'ailleurs, il a la tte d'un pre de nouveau. Ils discutaient encore de l'identit de l'inconnu quand ils atteignirent le dortoir 4. Bennett courut vers son lit pour retirer le priscope cach sous son oreiller. Et maintenant, retournons en bas! dclara-t-il. Voyons mon instrument tous usages en action... la plus sensationnelle invention du xxe sicle! *

**

Atkins tait plutt dans l'erreur en dclarant que le visiteur tait le pre d'un nouveau. Certes, M. Cooper, de la maison Cooper & Fils, tait un pre , mais son fils l'aidait dj dans son affaire depuis plusieurs annes, et il n'tait donc pas question pour le pre de trouver une place au collge pour son rejeton. En ralit, pendant qu'il faisait le tour des btiments, M. Cooper s'intressait aux rparations effectuer, plutt qu'aux activits scolaires. Son il de spcialiste notait l'tat des pltres, plafonds ou peinture dans les diffrentes salles o le menait le directeur. Et chaque instant son mtre mtallique se droulait pour mesurer une cloison ou un rebord de fentre.Quand il eut termin sa tourne et que son mtre eut rintgr son botier avec un ping final, M. Cooper dclara : Fort bien, M. Oakes, j'ai tous les renseignements ncessaires. Je vous fais parvenir un devis et nous pourrons commencer les travaux la semaine prochaine. Mes ouvriers s'arrangeront pour ne pas dranger le travail scolaire. Entendu, je vous remercie , rpondit le directeur en ouvrant la porte l'entrepreneur.La plupart de ces rparations ne semblaient donc pas devoir tre trop gnantes, se disait M. Pemberton-Oakes avec satisfaction. Remettre en tat un dortoir non occup, repeindre l'infirmerie, cela ne troublerait gure les lves ou les professeurs. Seule la salle de musique devrait tre interdite pour quelques jours, pendant que l'on en referait entirement le plafond. Trs mauvais tat! avait constat M. Cooper. Ce serait inutile d'y remettre une couche de blanc. Il faudra tout faire tomber, changer une partie des lattes et repltrer a convenablement. Cette rparation coterait cher, sans aucun doute, mais elle tait indispensable. Caria salle de musique se trouvait juste au-dessous de la cabine de bains n 2, et depuis plusieurs trimestres, les lattes du plafond taient imprgnes d'eau, les lves qui se baignaient ayant la fcheuse habitude de tout clabousser autour de la baignoire. Ce sont des choses qui arrivent dans les meilleurs collges!Quand Mortimer arriva devant la salle des loisirs,son pipeau la main, il fut surpris d'entendre des hurlements d'enthousiasme retentir l'intrieur. a y est, a marche! Bravo! II s'empressa d'ouvrir la porte et aperut Bennett, dansant de joie, et montrant du doigt un morceau de tuyau d'arrosage qui passait par-dessus le rebord de l'aquarium aux poissons rouges. L'eau s'coulait par ce siphon et tombait dans une cuvette. Pas mal, n'est-ce pas? cria Briggs avec admiration. H, Morty, viens voir un peu! Avec son priscope, Bennett a fabriqu un systme pour aspirer les eaux sales! Ouah! fit Mortimer profondment impressionn. Tu veux dire qu'il a invent un aspirateur sous-marin? Pas tout fait, mais presque. C'est un truc

en rapport avec la pression atmosphrique, il m'a dit. Vachement 'Scientifique en tout cas! Je ne crois pas que tu comprennes jamais. Bennett s'tait en fait content de plonger le tube dans l'aquarium pour le remplir d'eau, puis, pinant l'une des extrmits afin d'empcher l'eau de s'enfuir, il l'avait fait passer par-dessus bord. La vidange de l'aquarium se poursuivait, et Morrison sortit en hte pour aller chercher de l'eau de remplacement. Je t'avais dit que c'tait un gadget tous usages! dclara Bennett ravi. Tiens! j'ai une nouvelle ide : vendredi, quand je prendrai mon bain, j'essaierai d'en faire un appareil respiratoire d'homme-grenouille. Tu pourras venir m'aider si tu veux, Morty! Oh, merci, merci! dit Mortimer avec reconnaissance.Il ne fallut pas longtemps pour changer l'eau de l'aquarium. Quand tout fut termin, Bennett partit avec Morrison pour aller ranger l'appareil dans la salle des casiers, car il sentait qu'une nouvelle visite clandestine au dortoir serait trop risque. Atkins partit de son ct, Mortimer resta seul avec Briggs. Ecoute, Briggs, lui dit-il, peux-tu garder un secret? Le visage de Briggs s'illumina par avance. Oh, oui! fit-il. Tu peux me faire confiance. Qu'est-ce que c'est? Eh bien, c'est au sujet de Bennett. Comme il m'a moiti promis de m'emmener avec lui quand sa tante Angle viendra le chercher pour le faire sortir, j'aimerais le remercier par un petit cadeau... lorsque le moment approchera, rien que pour stimuler sa mmoire... L'expression intresse s'effaa du visage de Briggs. Il avait espr une rvlation sensationnelle. Papa dit toujours que ce qui compte c'est l'intention plus que le cadeau, reprit Mortimer. Alors j'ai dcid de lui offrir quelque chose dont il a vraiment besoin. Tu vois ces biscuits ronds qu'on nous donne avec un bol de lait la rcration? Eh bien, pendant quinze jours, Bennett n'a pas mang les siens. Il les a mis de ct et il les entasse dans ce vieil tui longue-vue, en cuir, qu'il garde au dortoir. Et alors? fit Briggs compltement perdu. Alors? Un vieil tui de cuir n'est pas ce qu'il faut pour y conserver des gteaux secs. Bien sr que non, reconnut Briggs. Tu veux donc lui offrir une bote en fer-blanc? Oh non, pas du tout! Je veux lui donner une longue-vue pour mettre dans son tui, expliqua Mortimer. Aprs tout, il peut garder ses biscuits dans son placard chaussures. Ou n'importe o. Trs juste, dit Briggs. Mais qu'est-ce que je viens faire l-dedans, moi? Toi, tu as une longue-vue, tu comprends? Et je me demandais si tu accepterais de me l'changer. Briggs secoua la tte. Je n'ai pas la moindre intention de me sparer de ma longue-vue, grogna-t-il. C'est terriblement pratique! Et elle est trs bonne, en plus. Tu peux voir l'heure l'horloge du gymnase, depuis la classe... condition qu'un prof ne te regarde pas, bien sr! Je t'offrirai quelque chose de chouette en change, insista Mortimer. Ou bien un aimant en forme de U, ou un canif sensationnel, quatre lames,

avec un truc spcial pour retirer les clous des sabots de cheval! A quoi bon? Je n'ai pas de cheval! Tu peux aussi retirer les clous des pneus d'auto, tu sais! II y eut un silence pendant lequel Briggs examina l'offre. Puis son regard tomba sur l'instrument de musique que Mortimer tenait en mains, et il dclara : Je t'change ma longue-vue contre ton pipeau. Mon pipeau! Mortimer ouvrit des yeux horrifis. Le pipeau occupait la place d'honneur dans toutes ses richesses. Il ne pouvait songer s'en sparer, surtout maintenant qu'il avait domin les difficults des Campanules d'Ecosse et pouvait esprer faire l'admiration de toute l'cole par sa prouesse musicale lors du petit concert d'amateurs de M. Hind. C'est prendre ou laisser, dclara rudement Briggs. Si tu ne veux pas faire l'change, je laisse tout tomber. II fit demi-tour et s'apprtait quitter la salle lorsque Mortimer le retint : H! une minute! Laisse-moi au moins le temps de rflchir! 'Pendant quelques instants, Mortimer hsita encore, dchir. C'tait vraiment l un trop grand sacrifice mme pour Bennett. Mais d'autre part, l'absence de pupitre signifiait qu'il ne pourrait jamais jouer dans de bonnes conditions. Mme sans considrer les risques de lumbago ou de distorsion de la colonne vertbrale, il aurait l'air idiot s'il jouait son morceau avec la musique tale par terre... Eh bien d'accord, dit-il enfin. Je fais l'change. Alors, donne-le! rpliqua Briggs, qui fouilla dans sa poche pour en retirer sa longue-vue. Pourrais-je y souffler une dernire fois? demanda Mortimer d'un ton pathtique. D'accord. Et moi, pendant ce temps, je regarde une dernire fois dans ma longue-vue. Lorsque ces ultimes concessions eurent t faites, les instruments changrent de main. Et pas un mot Bennett! recommanda Mortimer. Je ne le lui donnerai qu' la veille du jour o vient sa tante, et je voudrais que ce soit une surprise. Fais-moi confiance, rpondit Briggs. Je n'en soufflerai mot personne. Au moment mme o Mortimer et Briggs concluaient cet important march, Bennett et Morrison procdaient une transaction similaire, dans la salle des casiers.Bennett venait de dire, firement, comment M. Carter avait approuv son programme de bonnes rsolutions, et lui avait conseill d'offrir un" pupitre musique Mortimer, en cadeau d'anniversaire. Tiens! s'cria Morrison. Je sais justement o tu pourrais en acheter un. D'occasion, naturellement! C'est bien ce genre de truc en mtal qui se replie? Oui! Epatant! O donc? Chez un marchand de bric--brac de Dunhambury. J'en ai vu dans sa vitrine quand je suis sorti avec mon oncle, samedi dernier. Vingt-cinq pence pice, c'tait le prix; pas cher! Bennett soupira. L'ennui, rpondit-il, c'est que je n'ai pas d'argent! Je pourrais vendre quelque chose, bien sr, mais je ne vois pas...II s'interrompit soudain, car une ide lumineuse lui venait. Morrison tait en effet rput pour son solide apptit, et il rachetait frquemment des camarades biscuits ou gteaux que ceux-ci avaient reus de chez eux. En tout cas, cela valait la peine d'essayer. Dis donc, reprit-il, tu ne m'achterais pas mon vieil tui longue-vue? Il est trs bien, c'est du vrai cuir. Je le trane depuis des ternits en esprant toujours que quelqu'un me donnera une longue-vue pour mettre dedans, mais j'ai pour ainsi dire abandonn tout espoir. Morrison rejeta l'offre d'un ton mprisant. Rien faire, dit-il. M'intresse pas. Je n'ai pas de longue-vue, moi non plus. Si encore c'tait quelque chose qui se mange... C'est justement quelque chose qui se mange!interrompit Bennett, ravi. Je ne veux pas parler de l'tui de cuir... mais de ce qui est l'intrieur. II baissa la voix en un murmure confidentiel. C'est bourr jusqu'au bord de biscuits! Je les conomisais depuis des semaines, et il doit bien y en avoir pour vingt-cinq pence... Je te laisse le tout, tui et contenu, pour vingt-cinq pence! a colle? Entendu! fit Morrison. Il avait chang d'ide, car c'tait l une offre laquelle il ne pouvait rsister. Entendu, march conclu! Je retirerai demain les vingt-cinq pence sur mon compte d'argent de poche, et tu me donneras les biscuits quand nous monterons au dortoir... Et l'tui avec! ajouta-t-il comme la rflexion. Pas un mot Mortimer! recommanda Bennett en lui serrant la main pour conclure le march. C'est une surprise pour son anniversaire. Fais-moi confiance! rpondit Morrison. Je n'en soufflerai mot personne.

CHAPITRE III

LA PORTE BLOQUEce vendredi soir, M. Wilkinson, qui tait de service, surveillait la monte aux dortoirs des soixante-dix-neuf lves du collge de Linbury.Dominant le claquement des pieds dans l'escalier, et le brouhaha des conversations, on entendait retentir par moments sa voix tonitruante : H, l-bas, du calme, Morrison! Ne marchez pas sur le palier comme si vous portiez des bottes de scaphandrier! Excusez-moi, m'sieur. Je vais marcher sur la pointe des pieds... Morrison fit quelques pas vacillants, imitant uneballerine sur ses pointes, puis il perdit une chaussure, s'accrocha les pieds et s'croula avec fracas mais sans dommage. Brrloum-brrloumpff! gronda le professeur. Dpchez-vous de regagner votre dortoir, et ne cherchez pas faire le malin! Les derniers lves venaient d'atteindre le second tage lorsque M. Wilkinson aperut deux petites silhouettes en robe de chambre, qui sortaient en courant du dortoir 4. Bennett! Mortimer! O allez-vous si vite? Le coureur de tte parvint freiner sur place. Cabine n 2, m'sieur! rpondit-il. C'est mon soir de bain. Et c'est aussi le mien, ajouta le second coureur. Cabine n 3. Nous avons vite fait pour nous prparer, n'est-ce pas, m'sieur? Eh bien, continuez vous dpcher, grommela M. Wilkinson. Mais que cela ne vous dispense pas de bien vous frotter! Entendu, m'sieur! promit Mortimer qui, passant devant la cabine de bains n 2, se dirigea vers sa propre cabine, l'autre bout du palier. Pressons, Bennett! Allez faire couler votre bain ordonna alors le professeur. Ne faites pas dborder la baignoire et... II frona les sourcils en apercevant un morceau de tuyau d'arrosage qui sortait de la poche de la robe de chambre. Vous feriez mieux de me remettre ce tube, reprit-il. Vous n'en aurez pas besoin dans le bain. Oh, mais si, m'sieur! protesta Bennett en posant la main sur son tuyau comme pour le protger. Ne me le confisquez pas, s'il vous plat... Je vais faire une importante exprience... Si j'tais un homme-grenouille, avec un tube respiratoire commecelui-ci, mais avec une balle de ping-pong dans une petite cage l'une de ces extrmits, quand je respirerais la balle sauterait en l'air et... Mais tout l'intrt qu'aurait pu prouver M. Wilkinson pour cette exprience vitale fut rduit nant par des cris surexcits provenant du dortoir 4, de l'autre ct du palier. Par pour le lancement! hurla une voix qui, de toute vidence, tait celle de Briggs. L-dessus, on entendit la voix plus grave d'Atkins qui entamait le compte rebours : Cinq... quatre... trois... deux... un... zro...Vroummmm! Elle est partie! M. Wilkinson pivota sur lui-mme, exaspr. Qu'est-ce que c'est que ce tohu-bohu, l-bas? Je crois que c'est le lancement d'une fuse quatre tages, m'sieur, rpondit Bennett. Briggs a invent un systme pour lancer un crayon-fuse avec des lastiques et... Je vais lui en payer, des crayons-fuses! menaa M. Wilkinson qui, oubliant son intention de confisquer l'engin respiratoire, se dirigea vers le dortoir 4 pour rtablir l'ordre sur la base devancement.Bennett poussa un soupir de soulagement. Il jeta le tuyau dans sa baignoire et ouvrit les robinets. Quelques instants plus tard, Mortimer passait la tte dans l'entrebillement de la porte. H, Ben! O Wilkie a-t-il fil? demanda-t-il. Il est all dans notre dortoir. Entre un peu et attends, Morty. La baignoire n'est pas encore pleine. Je ne peux pas rester, j'ai laiss les robinets ouverts, expliqua Mortimer. Je me suis seulement dit que je pourrais venir voir si tu tais prt pour la grande exprience... Bennett secoua la tte. Je ne peux rien faire avant que la baignoiresoit pleine. En attendant, on pourrait voir si mon gadget fonctionne comme tube acoustique quand il est plein d'eau. Si tu mets ton oreille un bout... Ouais! Pas de danger! Si je mets mon oreille et que tu parles, je recevrai un jet d'eau qui me dgoulinera dans le cou. Mais si tu n'es pas prt, je reviendrai plus tard. Il faut que je retourne l-bas... Les robinets sont ouverts... Mortimer ne resta pas longtemps absent. A peine Bennett avait-il eu le temps de retirer ses chaussettes et d'enlever sa robe de chambre que son ami fit irruption dans la cabine, le visage distordu par l'horreur et la dsolation. Vite! vite! criait-il. Il arrive quelque chose de terrible!... Quoi? Je me suis enferm en dehors de la salle de bains! Comment as-tu fait? Je n'en sais rien. J'ai tir la porte derrire moi, quand je suis venu te voir, et maintenant impossible de la rouvrir! Elle est peut-tre coince? suggra Bennett. Non. Quelque chose la bloque de l'autre ct. Un instant de rflexion permit Bennett de trouver la rponse ce mystre. La dernire fois qu'il s'tait baign dans la cabine 3, il avait eu des ennuis avec le porte-serviettes en bois, dont un pied tait cass, et qui basculait sans cesse dans la baignoire. Sans aucun doute, la mme chose venait de se produire, mais cette fois le porte-serviettes tait tomb entre la baignoire et la porte, bloquant celle-ci. C'est le mme porte-serviettes, expliqua-t-il. Il m'a dj fait le coup quand j'tais dans la cabine 3... Oui, mais moi je suis en dehors de la cabine! gmit Mortimer. Et si la porte est bloque, qu'est-ce que je vais faire? Tu te passeras de bain, voil tout!

Voil tout? hurla Mortimer en faisant tournoyer ses bras. Mais tu ne te rends pas compte que j'ai laiss les robinets ouverts! Hou l! Hou l! fit Bennett pouvant par cette rvlation. Viens vite, on va voir ce qu'on peut faire. Bennett avait t sur le point de retirer son tuyau de l'eau au moment o Mortimer avait fait irruption pour annoncer la fcheuse nouvelle. Prcipitamment, il ferma les robinets et fit passer le tuyau par-dessus bord, une extrmit tranant par terre. Puis il fila la suite de Mortimer qui tait dj retourn sur les lieux du dsastre menaant.En approchant de la porte, ils entendirent l'eau couler dans la baignoire. Vite! vite! larmoya Mortimer. a va dborder si nous ne fermons pas les robinets! Bennett essaya d'ouvrir la porte, il poussa de toutes ses forces, mais en vain. Le porte-serviettes la maintenait bloque. Misre de malheur! souffla Bennett. Il nous faudrait un blier! Espce d'ahuri! Pourquoi n'as-tu pas arrt l'eau avant de venir me voir? Comment aurais-je pu deviner que la porte se bloquerait? protesta Mortimer. Et puis, je ne sortais que pour quelques secondes! Dommage que tu n'aies pas ouvert le bouchon de vidange avant de venir! Tu drailles! A quoi bon remplir une baignoire si tu la vides en mme temps? Avec dsespoir, Mortimer renouvela son assaut contre la porte. Mais il heurta si violemment le panneau que ses chaussons glissrent sur le linolum et il s'croula comme une masse informe. Oh! catastrophe! cria-t-il en se remettant sur pied.Au mme instant, la voix puissante du professeur de service retentit l'autre extrmit du palier. Brrloum-brrloumpf! Bennett! Mortimer! Qu'est-ce que vous fabriquez l-bas? Pourquoi n'tes-vous pas dans votre bain? Les deux garons se retournrent d'un bond et jugrent qu'il tait grand temps de faire appel un adulte pour sauver la situation. Oh, m'sieur, venez vite! Il s'est produit un horrible accident! cria Bennett. La porte de la cabine de Mortimer ne peut plus s'ouvrir! Un accident? De quoi diable parlez-vous? demanda M. Wilkinson en approchant grands pas. C'est cet idiot de porte-serviettes qui est tomben travers et a bloqu la porte! expliqua Bennett.Pendant quelques secondes, M. Wilkinson lutta son tour avec la porte inbranlable. Puis soudain, il interrompit ses vains efforts, tendit l'oreille et aboya : Qu'ous-je? Qu'entends-je? Qu'est-ce que ce bruit d'eau qui coule? C'est ma baignoire qui se remplit, m'sieur, avoua Mortimer. Quoi? mugit le professeur en bondissant comme s'il avait t piqu par une gupe. Oui, m'sieur. Oh! seulement le robinet d'eau chaude, ajouta Mortimer afin d'amortir le choc. Mais... mais... mais, espce de petit sacripant! Pourquoi faites-vous des stupidits semblables? Je ne l'ai pas fait exprs, m'sieur! J'tais seulement all dans la cabine n 2 pour voir ce que Bennett fabriquait et... Non! Pas possible! clama le professeur de service en plaquant les deux mains sur sa tte. Est-ce que vous vous rendez compte que a va faire une inondation? Si nous ne pouvons pas entrer pour refermer le robinet, le palier sera sous l'eau dans quelques minutes! De nouveau, il se jeta de tout son lan contre la porte. Sans rsultat!Ce fut ce moment que M. Carter traversa le palier, se dirigeant vers le bureau du directeur qui l'avait convoqu. Il s'arrta net la vue de son collgue poussant contre la porte, tel un rugbyman cherchant gagner du terrain au cours d'une mle. Que faites-vous l, Wilkinson? demanda-t-il tout surpris. Y a-t-il quelqu'un l'intrieur? J'aimerais bien qu'il y et quelqu'un, rpliquale lutteur en se redressant. Il pourrait nous ouvrir! Puis, pointant un doigt vengeur vers l'auteur de tous ces ennuis, qui maintenant tremblait de crainte et sautillait d'un pied sur l'autre, il ajouta : Ce petit forban a trouv moyen de coincer cette porte de l'intrieur! Ma parole, c'est assez curieux! dit M. Carter. Curieux? mugit M. Wilkinson, galvanis par le ton paisible de son collgue. C'est tout ce que vous trouvez dire? Eh bien, moi, je vous apprends que si nous n'ouvrons pas cette porte dans quelques secondes, il y aura une inondation, un dluge, nous aurons de l'eau jusqu'aux genoux sur le palier, et une cataracte dvalera dans l'escalier, comme les chutes du Niagara! Vous ne semblez pas comprendre quel point c'est urgent! II faut reconnatre que M. Wilkinson exagrait quelque peu dans sa vision apocalyptique. D'abord, un seul robinet tait ouvert, et le trou d'coulement absorberait sans doute le trop-plein lorsque l'eau parviendrait son niveau. Mais il tait tout de mme possible, si le robinet tait ouvert fond, que le volume d'eau ft trop important pour tre vacu par ce trou. Une action immdiate s'imposait. Nous perdons du temps bavarder, dclara rsolument M. Carter. Si vous ne pouvez pas passer par la porte, essayez donc par la fentre! La fentre? fit M. Wilkinson dont les yeux papillotrent de stupeur. Mais nous sommes au second tage, Carter! Pensez-vous que je vais grimper par les gouttires comme un rat d'htel? Venez, j'ai une ide! dit M. Carter qui s'lana vers l'escalier en entranant son collgue.Son plan tait extrmement simple. Dans la matine, un camion de la maison Cooper & Fils, maonnerie et dcoration, avait dcharg sa cargaison de matriel dans la cour des cuisines, sur l'arrire du collge. Dans ce matriel se trouvaient plusieurs chelles, et M. Carter comptait utiliser l'une d'entre elles. Ce sera trs facile, Wilkinson, dit-il en exposant le projet son collgue. Je vous aiderai mettre l'chelle en place, et vous pourrez monter et vous glisser par la fentre de la salle de bains. Oui, mais quelle histoire! haleta M. Wilkinson tandis que les deux hommes traversaient en hte le rfectoire pour gagner les cuisines. C'est que je ne suis pas trs fameux sur les chelles! Ne vaudrait-il pas mieux que... Pas de discussion, Wilkinson! Economisez votre souffle pour grimper! rpliqua brivement M. Carter.Il faisait trs sombre dans la cour, mais grce la lumire qui venait de la porte de la cuisine, les professeurs dcouvrirent une chelle allonge contre le mur de l'arrire-cuisine. En la prenant chacun par un bout ils l'emportrent de l'autre ct du btiment et, avec quelques difficults, la dressrent contre le mur. Elle atteignait juste le rebord de la fentre de la salle de bains n 3. Allons! Grimpez! ordonna M. Carter. Je vous tiens l'chelle. Soufflant comme un phoque et profrant de sourdes maldictions, M. Wilkinson empoigna les montants de l'chelle et commena son ascension.C'tait encore une chance que l'entrepreneur ait apport son matriel le matin mme, pensait M. Carter tandis que son collgue disparaissait dans l'ombre. En fait, la raison de sa convocation chez le directeur tait justement de discuter de ces travauxde rfection. M. Pemberton-Oakes tenait consulter ses professeurs sur des questions de couleurs choisir pour la peinture, notamment pour la salle de musique. Tout va bien? cria-t-il. Je ne sais pas encore! rpondit son collgue qui avait atteint la fentre. Je vais essayer d'entrer... Lorsqu'il eut la certitude que M. Wilkinson avait pntr dans la salle de bains, M. Carter lcha les montants de l'chelle et prit le chemin du bureau directorial.\

CHAPITRE IVALERTE A L'INONDATION!

monsieur wilkinson arriva juste temps. Lorsquil atteignit le sommet de l'chelle, il vit que la baignoire tait remplie ras bord et qu'un filet d'eau dbordait mme et tombait en cascade.Sans se soucier de salir son pantalon neuf, le professeur plongea par la fentre, tte la premire, et atterrit quatre pattes dans la mare qui se formait sur le linolum. Il se redressa, alla fermer le robinet, ouvrit la vidange puis se retourna pour enlever l'obstacle qui coinait la porte.Bennett avait vu juste. C'tait le porte-serviettes qui tait tomb en travers, entre la baignoire etla porte. M. Wilkinson le remit debout puis il ouvrit la porte et il fusilla du regard les deux petites silhouettes qui trpignaient sur le palier. Oh! m'sieur! C'est arrang, m'sieur? s'cria le responsable de tout ce drame. Vous tes arriv temps? Oui, heureusement pour vous... mais de justesse! rpondit M. Wilkinson encore tout haletant. Et comme il reprenait son souffle, Bennett s'exclama d'un ton admiratif : Bravo, m'sieur! Hurrah! Flicitations... Cela suffit! rpliqua schement le professeur. Je vous prviens tous les deux que a ne se passera pas comme a! Regardez ce que vous avez fait! C'est entirement d votre stupidit, Mortimer! A cause de vous, j'ai d jouer au sapeur-pompier, j'ai d grimper sur des chelles dans une nuit d'encre, sauter par des fentres, abmer mes vtements, m'rafler le tibia et patauger dans des mares! Dsol, m'sieur, marmonna le coupable. C'est bien la moindre des choses! J'espre que vous me serez reconnaissant d'avoir pargn au collge de graves dgts. C'est entirement grce mon action rapide et nergique si la salle de bains n'a pas t inonde, et le palier transform en piscine! Hlas! M. Wilkinson parlait trop tt. Car, au mme instant, des pas prcipits retentirent derrire eux, venant de l'autre bout du palier. Morrison, Briggs et Bromwich accouraient. Alerte, m'sieur, Alerte! criait Bromwich. Venez vite, m'sieur! Catastrophe! glapissait Briggs.Le trio vint s'immobiliser devant le professeur. De quoi s'agit-il? demanda M. Wilkinson. Inondation dans la cabine 2! annona Morrison. L'eau s'est dj rpandue sur tout le lino! Une inondation? Brrloum-brrloumpff! Ne dites pas de btises, mon garon. C'est prcisment ce que je viens d'empcher! Et M. Wilkinson se retourna pour montrer d'un geste la porte ouverte derrire lui. Oh, non, m'sieur, je ne veux pas parler de la cabine 3, insista Morrison. Mais de l'inondation dans la 2! Il n'y a pas d'inondation dans la 2, espce de petit flibustier! aboya le professeur. Oh, mais si, m'sieur! On vient de la voir... L'eau arrive dj aux chevilles! Quoi? quoi? balbutia M. Wilkinson en ouvrant des yeux normes. Qui donc se baigne l-bas? C'est moi, m'sieur, dclara Bennett. Ou plutt, j'allais le faire. Mais je n'ai pas caus d'inondation, moi! Je n'ai pas laiss les robinets ouverts, moi! Je peux mme le prouver parce que... Sans attendre les preuves, M. Wilkinson se rua vers le thtre de ce nouveau dsastre.Les lves le suivirent sur les talons. Je suis certain d'avoir ferm les robinets! grommelait Bennett. Je le sais bien! Tu parles d'un mystre! rpliqua Mortimer. Moi je croyais avoir provoqu une inondation, et il ne s'est rien pass. Toi, au contraire, tu croyais n'avoir rien provoqu, et a t'arrive! Marrant! Des cris d'indignation furieuse retentirent devant eux, leur apprenant que M. Wilkinson avait reconnu la vracit du fait. Brrloum-brrloumpff!... Qu'est-ce que... Oh!... Ah! le petit sacripant!... Bromwich souffla l'oreille de Mortimer : Tu trouves peut-tre a marrant, mais Wilkie n'est pas de cet avis! Je n'ai jamais dit que c'tait marrant! protesta Mortimer. Je voulais dire... Ouah! Houl! Zut alors! Pas tonnant qu'il pique sa crise! Quel gchis! De la porte de la cabine de bains, un ruisselet se rpandait sur le palier en formant de petits lacs dans les creux du plancher ingal.Bennett contempla l'inondation, bouche be. Il se fraya un passage entre ses camarades groups devant la porte, passa la tte l'intrieur de la cabine. Il vit M. Wilkinson draper sur le linolum, dans l'eau qui couvrait demi ses chaussures. Puis il constata que la baignoire tait presque vide et les deux robinets ferms! Alors par quel mystre?...Puis il vit son tuyau-priscope. L'une de ses extrmits tait toujours plonge au fond de la baignoire, l'autre pendait par-dessus le rebord, et dversait sur le plancher les derniers litres restant.M. Wilkinson, lui aussi, avait repr la cause du dsastre. Avec un cri de fureur, il empoigna le tuyau et le fit tournoyer dans les airs comme s'il tait engag dans une lutte mort avec un boa constrictor. Puis, s'apercevant qu'il en vidait ainsi le contenu sur son veston et son pantalon, il le rejeta dans la baignoire, se tourna vers le coupable. Non! C'est trop fort! postillonna-t-il. A-t-on ide de se livrer des farces aussi stupides!... Je suis dsol, m'sieur, s'excusa Bennett, mais ce n'tait pas une farce... C'est strictement scientifique, expliqua Morrison. Nous l'avons expriment l'autre jour pour changer l'eau des poissons rouges. L'eau monte dans le tuyau et... Silence! mugit le professeur. Nous parlerons de cela plus tard... Pour l'instant, il s'agit d'ponger! Et vous, Bennett, j'aurai deux mots vous dire quand tout sera arrang! Pouvons-nous vous aider, m'sieur? demanda Bromwich. Oui, bien sr! Allez chercher des seaux et des serpillires dans le placard balais! Puis le professeur s'adressa aux autres. Et vous, ne restez pas l ne rien faire. Mettez-vous immdiatement ponger. Avec quoi, m'sieur? demanda Morrison. Avec tout ce que vous trouverez. Morrison regarda autour de lui. Est-ce que je peux prendre le peignoir de Bennett? demanda-t-il. Si vous voulez, mais faites vite! ordonna M. Wilkinson. L'ennui, ce n'est pas seulement que cette cabine de bains soit inonde, ajouta-t-il. Si l'eau filtre travers le plancher, il y aura des dgts dans la pice d'en dessous. Mortimer souleva un coin de linolum pour inspecter le plancher. C'est dj pass, m'sieur, annona-t-il. Il y a une large fente par ici, et l'eau y tombe en cascade! Et ici aussi! annona Morrison de l'autre bout de la pice, et sur un ton de ravissement intense. Il y a un norme torrent qui passe par cette autre fente... Non! Non! Le professeur poussa un cri trangl, et, pataugeant dans l'eau, se prcipita sur le palier avec la lgret d'un rhinocros qui, au crpuscule, sort du marigot o il a somnol toute la journe. Vous devriez peut-tre prendre un parapluie, m'sieur? suggra Briggs. Si a passe travers le plafond de la salle de musique, la vitesse o a s'engouffre dans cette fente, ce doit tre la grande pluie de la mousson d't, l-dessous! Mais le professeur ne s'arrta pas pour rpondre. Il courut vers l'escalier tout en grommelant furieusement : Ah! ce Bennett! De tous les petits sacripants que j'ai rencontrs... Ses imprcations se perdirent dans le lointain.Quelques instants plus tard, Bromwich revenait avec l'quipement de sauvetage. Et voil! Deux seaux, deux serpillires et le gant de toilette de Mortimer! annona-t-il en dposant bruyamment les seaux. Tu ne manques pas de culot! protesta Mortimer. Qui t'a permis de prendre a? Wilkie a dit de prendre tout ce qu'on trouverait. Allons, au boulot! A l'exception de Bennett qui continuait mditer sombrement sur son infortune, tout le monde se mit l'uvre. Tout d'abord, on se servit du gant de toilette de Mortimer pour boucher la fente du plancher par laquelle l'eau s'coulait, puis, l'aide des serpillires, on pongea.Au bout de deux ou trois minutes, Bromwich se redressa en annonant : Dites donc, les gars, c'est presque sec par ici. Il ne reste plus que deux lacs et quelques petites mares dans les rgions basses... C'est parce que la plus grande partie de l'eau a dj travers le plancher , fit observer Morrison. Puis, frapp par cette ide, il ajouta : Eh! Je crois que nous devrions apporter un seau Wilkie, dans la salle de musique. Il doit avoir 'besoin de quelque chose pour recueillir l'eau qui traverse le plafond. Pas bte , dit Briggs. Il poussa un seau dans les pieds de Bennett. Vas-y, Ben, porte-le-lui! Bennett avala pniblement sa salive. Moi? Pas de danger! Il est dans une rogne noire! Evidemment. Mais tu ferais quand mme mieux de le lui porter. Il te sera peut-tre reconnaissant. Reconnaissant? Lui! Ben oui, intervint Mortimer. Grce toi, le plancher de la cabine est maintenant plus propre qu'auparavant! Ce n'est pas ce que je veux dire, reprit Briggs. Il sera drlement content d'avoir un seau. S'il ne recueille pas l'eau qui coule en dessous, il y aura une inondation au rez-de-chausse! Bon, d'accord! grogna Bennett qui, contrecur, s'empara du seau et sortit de la cabine, pour aller affronter la fureur lgitime de M. Wilkinson.

CHAPITRE V

LES CHUTES DU NIAGARA

quand bennett entra dans la salle de musique, il trouva M. Wilkinson debout au milieu de la pice, contemplant le plafond d'un il inquiet. Le claquement du seau dpos sur le plancher le tira de ses rflexions, et il se retourna avec irritation vers le visiteur. Que venez-vous faire ici, Bennett? gronda-t-il. Je croyais vous avoir dit d'ponger l-haut? Oui, m'sieur, mais j'ai pens que vous auriez peut-tre besoin d'un seau, rpondit Bennett. Juste dans le cas o il y aurait quelques taches d'humidit au plafond... Le professeur respira profondment pour calmer ses nerfs. Ces quelques taches d'humidit minimisaient vraiment la catastrophe! On ne dirait pas que a ait beaucoup travers, reprit Bennett aprs un rapide regard au pltre gorg d'eau, au-dessus de leurs ttes. Rien qu'une grosse tache ronde, au milieu, mais a ne coule pas pour le moment! En pntrant dans la salle de musique, Bennett avait constat avec surprise qu'elle avait t vide de tous ses meubles. Pourtant, lui seul, M. Wilkinson n'aurait pu le faire, et il aurait t notamment incapable de dmnager le piano! Mais ce n'tait pas le moment de s'interroger sur ce dtail. Bennett lana un coup d'il furtif M. Wilkinson, puis dtourna rapidement les yeux, car l'expression du visage du matre n'tait gure encourageante. Venez donc voir, Bennett! dit le professeur d'une voix trs douce, en saisissant Bennett par la manche de sa robe de chambre pour l'amener jusquau milieu de la pice. Puis il pointa un doigt vers le plafond. Si vous regardez plus attentivement ce que vous osez qualifier ingnument de tache d'humidit vous verrez pourquoi l'eau ne coule pas encore! Bennett regarda avec attention. Et sa grande horreur, il constata que la surface du plafond avait cess d'tre plane... Le rond de pltre humide, au-dessus de sa tte, formait une protubrance menaante en son centre et semblait de quelque dix centimtres plus bas que le reste du plafond. Oh! Misre de malheur! fit-il d'une voix trangle. Oui, je comprends, m'sieur... On dirait que a gonfle un petit peu... Et comment donc! rpliqua rageusementM. Wilkinson. Pour la bonne raison que presque tout le contenu de votre bain s'est rassembl au milieu pour former cette norme poche! II fit claquer ses doigts en montrant la zone dangereuse. Ne comprenez-vous pas que la pression de l'eau sur le pltre doit tre considrable? Le plafond s'est dj abaiss de vingt centimtres, et si nous n'intervenons pas immdiatement tout va s'effondrer d'un seul coup! Situation alarmante! Et, pour la seconde fois de la soire, M. Wilkinson dut intervenir. Il examina attentivement le plafond... S'il y perait un petit trou, au point le plus bas, l'eau pourrait s'couler dans le seau, et la pression sur le pltre diminuerait. C'tait la meilleure solution.Tout en grommelant, il quitta la pice, et revint quelques instants plus tard en apportant une chaise. Il plaa celle-ci au milieu de la pice et monta dessus pour tudier de plus prs le plafond. Apportez donc ce seau ici, Bennett, et mettez-le devant ma chaise! ordonna-t-il.Puis, de sa poche, il tira un canif confisqu et en ouvrit une lame avec un claquement sec. Vous allez essayez de recueillir l'eau dans le seau, m'sieur? demanda. Bennett. Evidemment, petit sot vous-mme! Vous n'imaginez pas que je vais construire une fontaine ornementale? Non, m'sieur, mais je crois que vous feriez mieux de ne pas enfoncer votre canif dans le plafond. Ce ne serait pas prudent! Du haut de sa chaise, M. Wilkinson foudroya du regard son assistant inquiet. Quand j'aurai besoin de votre avis, Bennett, je vous le ferai savoir, merci! C'est bien vous de donner des conseils aux autres! Si vous n'aviez pascommis une telle stupidit, nous ne serions pas dans une situation semblable. Je sais, m'sieur, seulement... . Restez donc tranquille et ne faites pas de remarques absurdes! II regarda de nouveau le plafond, son canif prt percer. Comme il levait la main, son geste fut arrt par une exclamation anxieuse venant d'en bas. Oh, attention, m'sieur! Si vous faites un gros trou, tout risque de dgringoler! Si M. Wilkinson n'avait pas t debout sur une chaise branlante, il en aurait trpign de rage. Je ne vais pas faire un gros trou, c'est absurde! tempta-t-il. Rien qu'un minuscule orifice pour laisser l'eau s'couler, c'est tout! Et, prenant soin de bien viser, le professeur enfona d'un coup sec la lame de canif en plein milieu du renflement humide au-dessus de sa tte.Le rsultat fut dramatique... Ds que le canif eut fendu le plafond, un jet d'eau en jaillit, qui ne fut que partiellement recueilli dans le seau.Puis ce fut le dsastre... Sous les yeux pouvants de M. Wilkinson, la petite entaille s'largit, devint un large trou quand un gros morceau de pltre dtremp fut emport par la cascade et tomba sur le plancher, suivi d'autres. La cascade se transforma alors en cataracte. Quelques secondes plus tard, de larges fissures apparurent dans le plafond, partant du trou central comme les rayons d'une roue, et, presque aussitt aprs, le plafond tout entier commena s'effondrer.Les lattes de la partie renfle craqurent les premires et tombrent au milieu d'une pluie d'eau boueuse. Privs de ce support central, d'autres endroits craqurent, puis dans une avalanche de lattes brises, d'eau, de pltras, une grande partie du plafond dgringola sur les ttes et les paules des spectateurs impuissants. M. Wilkinson parvint sauter de sa chaise, et chercha un abri le long du mur. Attention, mon garon! cria-t-il affol. Ecartez-vous! Bennett ferma les yeux et mit les bras sur sa tte pour se protger. Ouah! hurla-t-il. Gare l-dessous! 'Au secours, m'sieur!Quand les derniers morceaux furent tombs, M. Wilkinson se dbarrassa des dbris qui lui couvraient la tte et il revint vers le centre de la pice. Ses vtements taient souills de pltras et d'eau. Avec ses cheveux et son visage blancs, il regarda travers l'espce de brume poudreuse qui flottait encore dans l'air et il appela : a va, Bennett? Rien de cass? Un fantme crayeux apparut devant lui. a va bien, m'sieur. J'tais heureusement sur le ct de l'avalanche... Puis Bennett leva les yeux, et, non sans tonnement, il aperut au fond de l'norme trou, les solives et les lames de parquet de la salle de bains. Il ne put contenir un sentiment de triomphe. Ah! Je vous l'avais dit que tout descendrait, m'sieur! dclara-t-il. Je vous ai dit que vous devriez faire att... C'est bon, c'est bon! suffit! glapit M. Wilkinson. Pas la peine de revenir l-dessus. Non, m'sieur. Mais... Oh! regardez votre costume, m'sieur! Tout blanc de pltre! Si seulement vous n'aviez pas enfonc cette lame dans...

Brrloum-brrloumpff! Je me muque de mon costome! euh... je me moque de mon costume! rugit le professeur. Ce qui me proccupe, ce sont les dgts dans cette pice! Regardez le plafond, regardez-le! Eh oui, m'sieur, maintenant le plafond est devenu le plancher , murmura Bennett, avec un soupir. Puis, dsireux de trouver quelques consolations dans ce dsastre, il ajouta : En tout cas, vous avez recueilli presque toute l'eau dans le seau, m'sieur! Alors a ne coulera peut-tre pas jusqu'au rez-de-chausse. A cet instant, la porte s'ouvrit. Sur le seuil apparurent le directeur et M. Carter qui, alerts par lebruit, taient accourus pour voir ce qui se passait.M. Pemberton-Oakes, homme froid et rserv, trahissait rarement ses sentiments. Pour cette fois, cependant, il poussa un gloussement de stupeur devant ce spectacle de chaos : le plancher couvert de dix centimtres de gravats; les lattes brises pendant du plafond sur les bords d'un norme trou, un nuage de poussire crayeuse semblable un simoun au Sahara... Et au milieu de tout cela, deux silhouettes couvertes de pltre de la tte aux pieds. Grands dieux! s'exclama le directeur en avanant d'un pas dans les dcombres. Qu'est-il donc arriv? Wilkinson, qu'avez-vous donc fait? M. Wilkinson pointa un gros index tremblant vers le responsable. C'est ce garon, monsieur le directeur. Vous voyez de vos propres yeux ce qu'il a fait!

Le directeur en fut berlu. Quoi? C'est Bennett qui a fait cela? Oh non, m'sieur, c'est pas moi! protesta Bennett. Je n'ai mme pas touch au plafond! C'est m'sieur Wilkinson qui l'a piqu avec un couteau. Je lui avais conseill de ne pas le faire, mais il n'a pas voulu m'couter! Une expression d'incrdulit passa dans les yeux du directeur. Essayez-vous de me faire croire, Bennett, que, sans raison apparente, un membre du corps enseignant aurait commis cet acte de vandalisme? II se tourna vers le professeur pour en attendre d'autres claircissements. Eh bien, oui, monsieur, il se trouve que j'ai en effet enfonc un couteau dans le plafond, mais... commena M. Wilkinson. Quo-? Vous avez fait quo-? haleta le directeur dont les sourcils s'levrent de deux bons centimtres. ... mais c'est seulement parce que ce petit farceur avait permis plusieurs dizaines de litres d'eau de se collecter l'endroit o se trouve maintenant ce trou. Cette fois, ce fut au tour de M. Carter d'exprimer sa surprise : Bennett aurait fait cela? Vous m'avez pourtant dit que c'tait Mortimer le responsable de l'inondation. Non, non, Carter, vous avez mal compris! Mais je m'en souviens fort bien, Wilkinson. Quand nous sommes alls chercher l'chelle, vous m'avez dit que Mortimer avait bloqu la porte de la cabine de bains en laissant le robinet couler. Mais c'tait une autre inondation! cria M. Wilkinson en s'irritant. C'tait la premire! Le directeur coutait avec un ahurissement croissant. Je ne comprends strictement rien ce qui est arriv! dplora-t-il. A combien d'inondations devez-vous gnralement faire face, les soirs o vous tes de service, monsieur Wilkinson? M. Wilkinson rassembla toute la patience dont il tait capable et il entreprit d'expliquer dans le dtail ce qui s'tait pass. Mais au moment le plus dramatique de son rcit, il se laissa emporter par sa fureur passagrement matrise. Sans plus se soucier du directeur qui l'coutait, il se retourna vers Bennett en rugissant : Regardez un peu les dgts que vous avez causs, mon garon! Que vont dire vos parents quand on leur prsentera la note payer? Je ne sais pas, m'sieur, murmura Bennett. Evidemment! Vous causez des ravages, sans vous soucier de savoir qui paiera! Avez-vous une ide de ce que cela va coter pour refaire ce plafond? Chose inattendue, .la rponse lui fut donne par M. Pemberton-Oakes en personne : Quarante-deux livres cinquante! annona-t-il sans un instant d'hsitation.M. Wilkinson fut abasourdi par cette prompte rponse. Je vous demande pardon, monsieur le directeur? dit-il. Qu'avez-vous dit? J'ai dit quarante-deux livres cinquante , rpta le directeur. De sa poche, il tira une lettre portant l'en-tte de A. Cooper & Fils, entrepreneurs dcorateurs, et jeta un coup d'il sur la liste dactylographie qui couvrait la premire page. Oui, c'est bience que je pensais, reprit-il. Ceci, Wilkinson, est le devis de l'entrepreneur pour refaire entirement le plafond, de cette salle, repeindre les murs et tout remettre en tat. Bennett coutait, frapp de terreur. Quarante-deux livres cinquante pence! Avec dsespoir, il s'cria : Oh, m'sieur! Jamais je ne pourrai payer une somme pareille! Jamais! Le directeur secoua tristement la tte. II se trouve justement, Bennett, que ni vous, ni vos parents n'aurez payer les rparations... pour la bonne raison que l'administration du collge s'est dj engage les payer. Cela ne signifie pas, bien sr, que je sois dispos fermer les yeux sur votre conduite stupide dans la salle de bains. Nous en reparlerons demain matin. Puis, s'adressant M. Wilkinson, il ajouta : Vous feriez mieux, maintenant, d'envoyer ce garon se coucher et d'aller vous nettoyer avant de venir dner. Il n'est pas question de dblayer les gravats ce soir. Les pltriers s'en occuperont quand ils se mettront au travail, demain matin. Sur ces mots, M. Pemberton-Oakes fit demi-tour et quitta la pice, laissant Bennett et M. Wilkinson dans un tat de complet ahurissement. Je ne comprends pas, Carter! dit M. Wilkinson son collgue. Qu'est-ce que cette histoire de pltriers qui se mettent au travail demain matin? Le directeur ne pouvait pas savoir l'avance ce qui allait se passer! Certainement pas, rpliqua M. Carter. Mais, fort heureusement pour Bennett, le directeur avait dcid, il y a quelques jours, de faire entirement refaire cette salle. La lumire jaillit dans l'esprit de M. Wilkinson.Voil pourquoi tout le mobilier avait t dmnag! Et cela signifie, poursuivit M. Carter, que l'on aurait de toute faon refait le plafond et abattu le vieux pltre. Grce vous, Bennett, les ouvriers trouveront la besogne toute mche. Bennett parut se rassrner un peu. Oui, je comprends, m'sieur. Vous voulez dire que je leur ai pargn ce travail? C'est une faon de voir les choses, reconnut M. Carter. Trs bien, Bennett, et maintenant retournez dans votre dortoir. Bennett se dirigea vers la porte, en soulevant des nuages de poussire crayeuse. Sur le seuil, une ide parut le frapper, et il se retourna pour dire : Et mon bain, m'sieur? Je ne l'ai toujours pas pris, et j'en ai ce soir plus besoin que jamais! Oui, c'est certain, admit M. Carter. Mais ce n'est pas moi qu'il faut vous adresser. Je ne suis pas de service. Bennett se tourna alors vers M. Wilkinson. Est-ce que je peux aller le prendre, m'sieur? demanda-t-il. Et Mortimer aussi? En principe, nous devions tous deux nous baigner ce soir, mais jusqu' prsent, nous avons seulement fait couler l'eau... Depuis une demi-minute, M. Wilkinson bouillonnait en silence. Soudain sa colre dborda. Un cri furieux jaillit de ses lvres, il crasa une main sur son front et agita l'autre dans les airs comme un auto-stoppeur qui tente d'arrter un bolide sur l'autoroute. C'est tout ce que vous avez fait? ructa-t-il. C'est seulement ce que vous avez fait! Vous coincez les portes des cabines de bains, vous inondez tout le collge avec vos tuyaux d'arrosage, vous me gchez un pantalon tout neuf, vous faites dgringoler la moitid'un plafond sur nos crnes, vous nous recouvrez de pltre de la tte aux pieds... Il fit une pause pour reprendre son souffle. Si c'est tout ce que vous avez provoqu, seulement en remplissant vos baignoires, que diable va-t-il se passer quand vous vous mettrez vraiment dans le bain? D'un geste imprieux, il montra la porte. Dehors! mugit-il.Bennett sortit. En montant l'escalier, jusqu' son dortoir, il entendait encore la voix de M. Wilkinson qui poursuivait furieusement son lamenta : Non! Pas possible! C'est trop, Carter! Encore ce Bennett!... Comme d'habitude! C'est toujours ce mme affreux sacripant qui provoque des histoires quand je suis de service! Je vous le dis, Carter, l'ennui avec Bennett, c'est que... c'est que... Mais Bennett ne chercha pas en entendre davantage. Il avait eu suffisamment d'ennuis dans la soire, se dit-il, sans couter M. Wilkinson ressasser cette affaire, comme un disque ray rpte interminablement le mme passage.

CHAPITRE VI ICI ON PARLE FRANAIS Il faut absolument que je fasse quelque chose J. pour me remettre bien avec Wilkie! dclara Bennett Mortimer. Il faut que je fasse quelque chose..., mais quoi? C'tait plusieurs jours aprs cette soire fatale qui avait valu Bennett une fort dsagrable demi-heure dans le bureau du directeur, avec une semonce qu'il n'oublierait pas de sitt. Les deux garons taient installs dans un coin de la salle des loisirs, aprs le dner. Oui, mais comment m'y prendre? poursuivit Bennett. II a l'air plutt mal lun pour le moment!... Quand je m'approche de lui, il file comme un livre, en fermant les yeux pour ne pas me voir... Il a des remords! C'est sa conscience coupable qui le fait souffrir , dclara Mortimer. Il enleva ses lunettes et en polit les verres brumeux, avec le revers de sa chaussette. En fin de compte, cette histoire d'inondation, c'tait entirement sa faute! S'il avait cout tes bons conseils, il ne se serait pas risqu crever le plafond coups de canif et la catastrophe aurait t vite. Oui, c'est vrai, reconnut Bennett. Mais j'aimerais faire quelque chose pour qu'il ne continue pas se tourmenter, ce pauvre homme! N'oublie pas que cela fait partie de mes bonnes rsolutions... De sa poche, il extirpa son fameux petit carnet rouge et le feuilleta pour trouver les pages o tait inscrite la liste. Tiens, coute, reprit-il. Rsolution n 3 : Je serai bon, poli et serviable envers les personnes ges... Mortimer haussa les paules. Ouais! fit-il. Mais Wilkie n'en est pas encore au point o il faille l'aider monter dans l'autobus ou lui cder sa place! Peu importe, rpliqua Bennett, insensible l'ironie. Je crois tout de mme que les choses iraient mieux si je pouvais rconforter un peu ce pauvre Wilkie... Puis, tournant la page, il tomba sur la rsolution n 7, par laquelle il s'engageait tre chic envers tous ses amis, et cela lui rappela que Mortimer fterait son anniversaire dans moins d'une quinzaine. Il tait temps de songer au cadeau qu'il lui offrirait.Il glissa le carnet dans sa poche et, quittant la salledes loisirs, se mit la recherche de Morrison qu'il trouva dans la salle de ping-pong. Il attendit qu'il et termin son set, puis l'attira l'cart : Dis donc, Morrison, tu te rappelles ces pupitres d'occasion que tu avais vus Dunhambury? Oui, vingt-cinq pence pice. Pourquoi? Tu n'as pas dpens l'argent que je t'ai vers, j'espre? Bien sr que non! Il est dans mon gant de toilette! rpliqua Bennett avec indignation. Je veux seulement savoir o se trouve cette boutique. Je vais demander M. Carter la permission d'aller Dunhambury samedi prochain. Il m'y autorisera, puisquil s'agit d'un cadeau. Hum! Je ne crois pas que tu puisses trouver tout seul, rpondit Morrison. C'est au fond d'une sorte d'impasse o l'on range les botes ordures de l'immeuble voisin... Je ne suis tomb dessus que par hasard. Ces renseignements taient trop vagues pour que Bennett pt esprer dcouvrir la boutique sans aide. Dans ces conditions, il lui parut prfrable que Morrison l'accompagnt, si lui aussi pouvait obtenir l'autorisation. Trs bien, entendu! dclara Morrison. Seulement c'est toi qui demanderas M. Carter. Ce n'est pas facile d'obtenir la permission de sortie pour aller si loin, et nous ne serons certainement pas de retour avant dner. Morrison avait soulev l une objection d'importance. Si l'on permettait en effet souvent aux lves de se rendre au village de Linbury, situ huit cents mtres du collge, il tait rare qu'on les autorist aller plus loin. La question temps jouait son rle. Car si la petite ville de Dunhambury ne se trouvait, vol d'oiseau, qu' sept ou huit kilomtres du collge,mme un vieil oiseau fatigu aurait mis moins de temps parcourir ce trajet que n'en demandait l'autobus local pour effectuer le parcours. Il fallait donc une raison imprieuse pour qu'on laisst un lve se rendre seul Dunhambury.Bennett ne perdit pas confiance. Il avait la certitude que M. Carter accueillerait avec .sympathie une demande inspire par la Bonne Rsolu lion n" 7. Mais d'autre part, restait le problme du transport : la seule fortune de Bennett consistait en ces vingt cinq pence que Morrison lui avait donns en change de son tui longue-vue et de son contenu. S'il devait payer l-dessus sa place dans l'autobus, il ne lui resterait plus assez pour acheter le pupitre musique!Par bonheur, ce douloureux problme trouva sa solution avant la fin de la semaine. Le vendredi, Bennett entendit dire que M. Hind, le professeur de musique, avait l'intention de se rendre Dunhambury en auto, le lendemain aprs-midi. C'tait l'occasion saisir!M. Hind tait un homme mince et de haute taille, avec un regard vaguement douloureux dans son visage ple. Il parlait d'une voix lente, en donnant la curieuse impression qu'il tait mal rveill. En dehors du service, on ne le voyait jamais sans sa pipe en merisier qui laissait derrire lui une longue trane de fume bleue, permettant de le suivre la trace.En reniflant l'air comme des limiers, Bennett et Morrison suivirent donc les trames de fume, ce vendredi aprs-midi, et trouvrent M. Hind devant la porte de la salle de musique remise neuf. Vous voulez donc acheter un pupitre musique pour Mortimer? dit le matre lorsque Bennett lui eut

Bennett et Morrison suivirent les tranes de fume.expos sa requte. D'accord. Je veux bien vous emmener en ville. Oh, merci mille fois, m'sieur! s'cria Bennett. J'espre seulement que cela ranimera l'ardeur de Mortimer, reprit M. Hind. Il y a prs d'une dizaine de jours qu'il n'a plus reparu aux rptitions. Le professeur de musique ignorait le sacrifice de Mortimer cdant son instrument Briggs. Oh, m'sieur, je pense qu'il reviendra quand il aura son pupitre pour poser sa musique, dit Bennett qui n'avait d'ailleurs pas remarqu que son camarade avait rcemment dlaiss ses tudes musicales. Plus vite il reviendra, mieux cela vaudra, dclara M. Hind en se caressant le ct du nez avec le tuyau de sa pipe. En effet, j'organise un petit concert dans deux semaines et tous ceux qui possdent un pipeau devront montrer leurs talents. Oh! patant, m'sieur! s'cria Morrison. Ne possdant pas lui-mme d'instrument, il pouvait se permettre de paratre enthousiaste. Je suppose que ce sera obligatoire d'y assister... euh... je veux parler de ceux qui doivent jouer, pas des autres lves!... Evidemment, rpliqua M. Hind. Il n'est pas question que ces lves aient appris jouer et rpt pendant des semaines pour s'clipser au moment d'affronter le public. Tous les artistes en herbe devront subir cette preuve. Lorsque les deux eurent quitt le professeur de musique, Morrison prit soudain un air proccup. Tout a, c'est trs bien, dit-il. Mais je me demande si je retrouverai la boutique! Je me rappelle seulement qu'il y avait un camion gar au coin, et un gars qui lavait une vitrine, vers le milieu de la rue. Avec a, on est servi! Tu te figures qu'ils y sont toujours l'heure qu'il est? Non, je sais... Eh bien, je ferai de mon mieux! Le voyage jusqu' Dunhambury, l'aprs-midi suivant, fut sans histoire. Bennett et Morrison, assis l'arrire, coutaient M. Hind leur parler de sa soire musicale, et ils toussaient fendre l'me quand une bouffe de fume bleue venait vers eux. Voyager avec M. Hind, estima Bennett, c'tait comme traverser un tunnel dans un train vapeur, toutes fentres ouvertes. Et ne mettez pas trop longtemps faire vos achats, leur recommanda M. Hind en les dposant au dbut de la grand-rue de Dunhambury. Je vous attendrai dans trois quarts d'heure sur ce parking, l-bas. D'accord, m'sieur. Nous ne serons pas en retard , promit Bennett.Il leur fallut cependant un certain temps pour retrouver la boutique. Les souvenirs de Morrison taient vagues et ils durent explorer plusieurs rues. C'est un peu fort! gmit Bennett, au bout d'un quart d'heure de vaines recherches. Tu es bien sr de l'avoir vue, cette boutique? Et comment! affirma Morrison. C'tait juste aprs le djeuner. Mon oncle m'avait emmen l'Htel de la Cloche et, en sortant, nous avons tourn gauche... Allons donc l'Htel de la Cloche et partons de l! suggra Bennett.Morrison haussa les paules. C'est que je ne sais mme plus o il se trouve! avoua-t-il. a alors! protesta Bennett. Nous perdons un temps prcieux et toi... II s'interrompit en apercevant vingt mtres sur sa droite une enseigne pendue au-dessus d'une porte et annonant firement Htel de la Cloche en grosses lettres gothiques.Il fit claquer sa langue en signe de reproche. Tut-tut-tut! Tu l'avais juste sous ton nez! Zut, c'est vrai! s'cria Morrison tout rconfort. Je ne l'avais mme pas vu. Eh bien, la boutique doit tre dans l'impasse derrire nous. Faisant demi-tour, il s'engagea au petit trot dans une rue latrale et, au bout d'une vingtaine de mtres, s'arrta en poussant un cri de triomphe : Bravo! La voil! C'tait une boutique dlabre, qui semblait mme sans nom, car la peinture de l'inscription, au-dessus de la porte, tait si fane et caille qu'elle tait devenue illisible. Sur la vitrine, on distinguait vaguement le mot Antiquits , mais il s'appliquait assez mal aux articles en vente, car en fait d'antiquits la vitrine tait emplie d'un invraisemblable bric--brac, chenets dpareills, portemanteaux boiteux, aquarelles dlaves, vieux violons, vases prtendument chinois, thires fles et raquettes de tennis qui, elles toutes, n'avaient gure plus d'une corde intacte.Bennett examinait ce dballage. Hum! fit-il. Je suppose qu'il doit y avoir quand mme l-dedans quelques objets de valeur... Je comprends qu'on collectionne de vieilles thires en argent ou des trucs comme a, mais je n'imagine pas que quelqu'un aurait envie d'acheter cette paire de vieilles bottes de caoutchouc! Morrison approuva. Et qui voudrait acheter ces affreux chandeliers?

Sans parler de ce petit criteau dans le coin... Zut alors, ce n'est mme pas crit en anglais! Bennett suivit du regard la direction qu'indiquait le doigt de Morrison. Accroche une cloche rustique, il vit un petit criteau, imprim, qui portait ces mots : Ici on parle franais. C'est du franais, dit-il d'un air entendu. Ce n'est pas vendre, tu comprends? Cela veut dire que l'on parle franais l-dedans. Voil bien notre veine! soupira Morrison. Ils ne parlent pas anglais aussi? Il doit bien y avoir quelqu'un qui le parle, rpondit Bennett. Mais pas tous les vendeurs, sinon ils ne se seraient pas donn la peine de mettre cet criteau. Esprons seulement que nous serons servis par quelqu'un qui connat quelques mots d'anglais! Morrison continuait paratre inquiet. Le franais, comme la gographie, n'tait pas son fort. Je te parie que non, grogna-t-il. Avec notre veine habituelle, nous allons tomber sur le jour de cong des gens qui parlent anglais, et nous devrons nous dbrouiller avec des trangers qui ne comprendront rien ce que nous leur demanderons. II fit la grimace. C'est probablement pour cette raison qu'ils ont mis cet criteau en vitrine : comme a on peut prparer sa phrase pour dire ce que l'on veut, avant d'entrer dans la boutique. Eh bien : je voudrais un pupitre musique, dit Bennett. Voil ce que je vais demander. Gros malin! lana Morrison avec mpris. Comment pourras-tu le demander? Si tu ne sais pas comment a se dit en franais, pourquoi veux-tu que ces gens sachent comment a se dit en anglais? Sinon, ils n'auraient pas mis cet criteau. Il soupira : L'ennui, c'est qu'il n'y a plus ces pupitres musique en vitrine, comme l'autre jour. Sans a, il nous suffirait d'entrer, de les montrer du doigt et de payer. Mais si nous devons commencer par poser des tas de questions en franais, il faudra employer ces maudits verbes irrguliers, et toutes sortes de machins!... Bennett trouva que Morrison tait exagrment pessimiste. Au pire, ils devraient faire leur demande en franais. Aussi se creusa-t-il la cervelle pour former une phrase convenable. Il pourrait dire bond-jour pour commencer, cela ferait fondre la glace et mettrait l'tranger l'aise. Mais ensuite? Comment dire? Havey-v un... une... euh... miousique... chose? Bah! Le mot lui viendrait peut-tre l'esprit quand il serait lanc. Allons! Viens, nous perdons du temps , dit-il. Il poussa la porte et entra le premier.L'intrieur de la boutique tait sombre, et encombr par une norme quantit de bric--brac, du mme genre que celui expos dans la vitrine. Mais un rapide regard ne permit pas Bennett de dcouvrir la moindre trace d'un pupitre. Peut-tre taient-ils enfouis sous des piles de livres ou de vieux vtements?Il n'y avait personne dans la boutique. Aprs un instant d'hsitation, Bennett frappa sur le comptoir. Ses lvres remuaient silencieusement. Qu'est-ce que tu marmonnes? souffla Morrison. Je ne marmonne pas, je prpare mes phrases, rpliqua dignement le linguiste. Je veux que ce soit parfaitement correct, si je dois parler. Au bout d'un moment, une porte s'ouvrit au fond de la boutique, et un homme d'ge moyen s'avana vers eux.A sa vue, Bennett soupira. Le 'boutiquier tait trs brun, mince, avec une petite barbe noire. Vtu d'un costume bleu, il portait un bret basque et tait chauss d'espadrilles : un Franais, sans aucun doute! dcrta Bennett. L'homme ressemblait d'ailleurs beaucoup l'image de Monsieur Dupont, ce pre de famille parisien, dont les lves de la 3e division avaient rcemment lu les aventures dans leur Cours lmentaire de langue franaise.Donc, l'criteau en vitrine avait bien sa raison d'tre! On ne pouvait gure esprer de grandes connaissances en anglais chez un individu si typiquement gaulois!Le boutiquier s'avana jusqu'au comptoir et regarda ses deux clients, en attendant. Il y eut un court silence puis Bennett prit son courage deux mains et commena : Bondjour, monnssieu... Euh!... Havey-v... un... une thing... chose... pour holding miousique?... L'homme eut l'air lgrement ahuri. Voudriez-vous rpter? demanda-t-il.

Havey-v... Bennett recommena sa phrase puis s'interrompit brusquement, frapp par une ide. H! Dites donc! Mais vous venez de parler anglais! lana-t-il d'un air accusateur. Ben oui, j'ai parl anglais! rpliqua avec flegme le boutiquier. Etant donn que je suis n Dunhambury et que j'y ai toujours vcu, vous ne voudriez pas que je parle chinois?En voyant l'air dconcert de Bennett, Morrison fut pris d'une crise de fou rire. L, tu t'es fait avoir, Ben! gloussa-t-il quand son accs d'hilarit se fut apais. Ah! toi, avec tes grands discours en franais! Attends seulement que je raconte a aux copains! Ils vont drlement rigoler!... Ferme ton bec! rpliqua rageusement Bennett. C'tait ta faute, d'ailleurs. C'est toi qui as dit qu'on ne parlait pas anglais ici ! Pas du tout! J'ai seulement dit que les vendeurs qui parlaient anglais taient peut-tre en cong, et toi tu as dit... H! Minute! interrompit le boutiquier. Qu'est-ce que a signifie, tout a? Vous entrez ici en racontant un tas d'absurdits. De quoi parlez-vous au juste? Bennett se retourna vers l'homme. Eh bien, dit-il, tout a c'est la faute de votre criteau que vous avez mis dans la vitrine, pour dire aux gens de ne pas parler anglais... C'est une sale blague, avouez-le! J'ai pass un temps fou rviser mon franais, et tout a pour rien! Oh! a?... fit le boutiquier avec un petit sourire de comprhension. Eh bien, tout fait entre nous, cette pancarte n'a aucune raison d'tre, puisque personne ici ne parle franais. Je l'ai trouve dans un lot de bric--brac achet la semaine dernire dans une vente publique. C'est ma femme qui a eu l'ide de l'accrocher en vitrine. Elle dit que a donne du chic, de la classe au magasin. Il paraissait difficile Bennett que quelque chose pt ajouter de la classe cet effrayant dballage de bric--brac, et il tait assez mcontent l'ide que Morrison se gausserait de lui devant leurs camarades, une fois de retour au collge. Vous devriez tout de mme faire attention avec cet criteau! dit-il au boutiquier d'un air de reproche. Qu'est-ce que vous feriez si vous voyiez entrer ici un vritable Franais qui ne connaisse pas un mot d'anglais, hein? L'homme au bret basque eut de nouveau un petit rire. Facile! rpliqua-t-il. Je lui dirais que la personne qui parle franais est en vacances. Pour l'achat du pupitre musique, il n'y eut heureusement aucun malentendu. Il en restait en effet plusieurs, et, aprs en avoir dnich un sous une pile de livres, le brocanteur l'pousseta puis le dplia sur le comptoir. En vrai cuivre, dit-il. Vous pouvez rgler la hauteur... Ensuite, a se replie... Regardez... Il leva le pupitre au maximum, puis le rabattit. Bennett en parut ravi. Epatant! dit-il. Je suis content qu'on puisse changer la hauteur. Le gars qui je vais l'offrir n'est pas encore trs grand, mais comme a il pourra le faire monter d'anne en anne... Quelques instants plus tard, les deux garons quittaient la boutique et se htaient de regagner le parking o M. Hind les attendait. Sous le bras, Bennett portait un paquet envelopp dans un gros papier marron. Il souriait en montant en voiture. A part un lger malentendu sur les langues trangres, l'expdition avait t un succs.

CHAPITRE VIISHAKESPEARE POSE UN PROBLME

quand bennett rentra au collge, il trouva une lettre qui l'attendait dans la salle des loisirs. Un seul regard sur l'enveloppe lui fit pousser un cri de satisfaction. Ah! Cette bonne tante Angle! s'exclama-t-il en s'empressant d'ouvrir l'enveloppe. Il se tourna un instant vers Bromwich et Atkins qui changeaient des timbres sur le rebord de la fentre. Elle avait promis de me faire sortir le prochain week-end. Je pense qu'elle doit me dire quelle heure... Il dplia la lettre, et presque aussitt son visage s'allongea quand il lut : Mon cher John, A mon grand regret, je ne pourrai pas venir Linbury samedi prochain. En effet, j'avais compltement oubli que... Bennett touffa un grognement. Ah! On pouvait compter sur tante Angle pour toujours oublier quelque chose! Si ses intentions taient bonnes, sa mmoire tait dplorable. Bennett l'avait souvent appris ses dpens. Cette fois, elle avait oubli qu'une amie d'enfance devait passer chez elle le week-end en question. Suivait la vague promesse de venir plus tard, au cours du trimestre. En attendant elle expdiait son neveu, par la poste, une grosse bote de caramels ainsi qu'un cake de sa fabrication avec l'espoir que ces douceurs compenseraient la sortie manque.Mortimer fut plutt dsappoint lorsque Bennett lui apporta la nouvelle au dortoir, ce soir-l. Pendant un instant, il regretta presque d'avoir troqu son pipeau contre la longue-vue ce prsent destin remercier d'avance pour la sortie du samedi. Puis, Mortimer rejeta les regrets en les jugeant indignes. Si quelqu'un tait plaindre, ce n'tait pas lui, Mortimer, mais bien Bennett. Tout garon assez infortun pour tre dot d'une tante aussi tourdie que cette tant