Anthony Buckeridge Bennett 19 BV Bennett Se Met en Boule 1970

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ANTHONY BUCKERIDGE

BENNETT SE MET EN BOULESI l'on touche mon hrisson, je me mets en boule! dclare Bennett son ami Mortimer. J'ai eu assez de mal le ramener jusqu'ici ! L'ennui, c'est que ce hrisson, introduit en cachette au collge de Linbury, sme la perturbation parmi le corps enseignant. Et c'est ce pensionnaire apparemment peu encombrant, surnomm la Ronflette, qui va poser Bennett de redoutables problmes hrisss de difficults, c'est le cas de !e dire ! et l'obliger se lancer dans des aventures qui risqueront plusieurs fois de se terminer en catastrophe. Ce n'est plus une boule de piquants, ce hrisson, mais une vraie bombe !Pendant ce temps, insouciant des drames qu'il cause et des fureurs du professeur Wilkinson, la Ronflette dort toujours poings ferms... si bien que Bennett pourrait chantonner : Un hrisson, a ronfle, a ronfle, Un hrisson, a ronfle normment !

ANTHONY BUCKERIDGEBENNETT SE MET EN BOULETEXTE FRANAIS DOLIVIER SECHAN ILLUSTRATIONS DE DANIEL BILLON

HACHETTELdition originale de ce roman a paru en

langue anglaise chez Collins. Londres, sous le titre : THE JENNINGS REPORT Anthony Buckeridge, 1970 Librairie hachette, 1974. tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation rservs pour tous pays.TABLE

I. Les surprises de Mortimer

7II. Un drame au Lavarama

23III. D'accord pour l'accordeur!

38

IV. Les tranges visiteurs

54V. Le rveil de la bte

66VI. La dcouverte

85VII. Une piste embrouille

102VIII. Le hrisson clandestin

119IX. Enqutes en tous genres

134X. La pause-caf

151XI. Chasse courre au village

161XII. Une odeur De ptrole

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CHAPITRE PREMIER.

LA DCOUVERTE

UN mugissement troubla le calme de l'aprs-midi : H, l-bas! N'essayez pas de vous dfiler! Comme pour rpondre cet appel, lanc par M. Wilkinson, professeur au collge de Linbury, une vache leva la tte par-dessus la haie qui bordait le chemin et meugla longuement. Quelques lves retardataires, qui tranassaient loin derrire les autres, se htrent de rejoindre le gros de la troupe. Ah! quelle corve, ces promenades! soupira M. Wilkinson.En ces aprs-midi de fvrier, lorsque les terrainsde sports du collge taient dtrempes par la pluie, il fallait parfois annuler les matches d'entranement de football ou de cricket, qui en temps ordinaire avaient lieu entre une heure et trois heures. Mais pour permettre aux soixante-dix-sept pensionnaires du collge de dpenser leur excs de vitalit, qui aurait pu avoir des effets explosifs dans un local clos, le directeur avait dcid d'organiser de courtes promenades, depuis le collge jusqu'au village de Linbury, huit cents mtres de l. A l'aller comme au retour, on suivait non point la route, mais le chemin bord de haies, -qui filait travers champs, et longeait les terres de la grosse ferme Collins.Pas plus que les garons, M. Wilkinson n'apprciait ces promenades. Il supportait la compagnie des lves petite dose! mais il aurait voulu qu'ils perdent l'habitude de s'agglutiner autour de lui, en mettant sa patience bout par leur caquetage incessant.Ce jour-l, il se trouvait flanqu d'Atkins et de Bromwich (de la 3e division) sur sa gauche, tandis que sur sa droite Binns junior et Blotwell, les deux benjamins du collge, trottinaient en essayant de suivre l'allure de leurs ans.Depuis dix minutes au moins, Atkins, un garon aux cheveux bouriffs, discutait des possibilits d'lever des fourmis comme des animaux domestiques. ...Et si l'on extrayait une fourmilire avec une bche, ajoutait-il, pour la mettre dans une grande bote en plastique transparent, on pourrait observer les fourmis de tous les cts, mme par en dessous! On ne pourrait pas les dresser pour debon, bien sr, comme des puces savantes, mais peut-tre qu'avec beaucoup de patience on russirait leur apprendre quelques trucs simples. Vous ne croyez pas, m'sieur? M. Wilkinson ne rpondit rien. Il "n'avait jamais essay de dresser des fourmis ou des puces, et d'ailleurs son attention s'tait fixe sur Briggs et Morrison, deux garons de la 3e division, qui, cinquante mtres devant lui, projetaient en l'air, grands coups de pied, les blocs de glaise colls leurs bottes de caoutchouc, et tentaient de les reprendre au vol quand ils retombaient. C'est bientt fini, vous, l-bas? cria le professeur en dsignant les dlinquants du bout de sa canne. Puis, jetant un coup d'il par-dessus son paule, il s'aperut que Rumbelow et Martin-Jones restaient loin derrire. Dpchez-vous, les retardataires! gronda-t-il. Vous savez que je ne veux pas qu'on trane! Je vous ai l'il! Bromwich avait remarqu un point faible dans le projet d'Atkins. D'un air mprisant, il demanda ses camarades qui avaient paru approuver le systme de la bote en plastique : Et l'air, qu'est-ce que vous en faites? Elles auront besoin de respirer! Elles s'chapperont si vous ouvrez le couvercle, et elles toufferont si vous le fermez. C'est pas vrai, m'sieur? ajouta-t-il en levant la tte vers le professeur.Mais M. Wilkinson n'avait cout que d'une oreille distraite, et il tait cent lieues de songer aux fourmis. Brrloum-brrloumpff! gronda-t-il. Toujours ces questions stupides! Qui donc toufferait si je levais le couvercle de quoi? Les fourmis, m'sieur! Dans la bote en plastique d'Atkins! Le dresseur de fourmis vint au secours du professeur. Ce ne serait pas la peine de fermer le couvercle, m'sieur, si vous suiviez ma mthode! dclara-t-il. Il suffirait de fixer quatre pieds la bote, et de les placer dans des soucoupes remplies de ptrole. Les fourmis n'aiment pas le ptrole; alors, quand elles arriveraient aux soucoupes, elles feraient demi-tour et rentreraient bien sagement chez elles. a ferait l'effet d'une sorte de clture lectrique, comme pour les vaches, mais elle marcherait au ptrole. Bromwich fut impressionn par la simplicit de ce dispositif de scurit. Oui, c'est vident, reconnut-il. Absolument garanti contre l'vasion. On va essayer, tu veux, Atkins? Il y a des tas de fourmilires dans le petit bois, prs de l'tang du collge. Nous irons en extraire une quand nous serons revenus de la promenade. Oui, mais comment faire pour la bote en plastique? Aprs un instant de rflexion, Bromwich rpondit : Nous pourrions emprunter Morrison son casque de cosmonaute. Il est transparent, c'est parfait. Et il n'aurait qu' enlever les fourmis quand il voudrait le porter. Allons vite le lui demander! Tout feu tout flamme cette ide, les deux garons abandonnrent le professeur et se mirent courir pour rejoindre Morrison et Briggs quimarchaient une centaine de mtres devant eux.M. Wilkinson ne regretta pas de les perdre : il en avait suffisamment entendu pour l'aprs-midi sur les fourmis, les souricires ptrole et autres balivernes! Mais son rpit fut de courte dure, car, quelques instants plus tard, Blotwell lui disait : Excusez-moi, m'sieur, mais est-ce que vous faites collection de papillons? Absolument pas! rpondit schement M. Wilkinson.On marcha en silence sur quelques mtres, puis : Vous savez, m'sieur, reprit Blotwell, je connaissais ct de chez moi un gars qui collectionnait les papillons. Il en avait des millions, tous marqus avec une tiquette! Je te parie qu'il n'y en avait pas des millions! intervint Binns. Eh bien, des centaines en tout cas, placs dans de magnifiques botes vitres. Et puis un jour, il y eu un drame affreux... Tous ne devinerez jamais.. Blotwell fit une pause savante jour susciter des questions, tout en se tordant les lvres afin de faire comprendre l'horreur de cette catastrophe.M. Wilkinson ne se laissa pas prendre, mais Binns, lui, ne put supporter le suspense. Alors, vas-y! cria-t-il. Que s'est-l pass? Eh bien, un jour que ce gars que je connaissais est all regarder ses papillons... il s'est aperu qu'on les lui avait tous mangs! Mangs? rpta Binns avec incrdulit. Tuveux rire? Oui donc aurait l'ide d'aller manger des papillons morts? Les mites! dit tristement Blotwell. De toute ta vie, tu n'as jamais vu une telle quantit de mites mangeuses de papillons! II s'adressa au professeur : Et je vais vous dire une autre chose bizarre, m'sieur... Mais M. Wilkinson n'coutait pas, car l'on approchait d'une ouverture de la haie, permettant de passer dans la prairie voisine.Or c'tait l'un des endroits du trajet o le professeur de service devait ouvrir l'il. Parfois pas trs souvent bien sr, mais le cas s'tait produit des lves couraient devant les autres, et se trouvaient hors de vue du professeur quand ils atteignaient cette ouverture. Il leur tait alors

facile de se glisser par l, et de se dissimuler derrire la haie, jusqu' ce que le long serpent des promeneurs les et dpasss. Puis, mergeant avec prcaution de leur cachette, ils repartaient en sens inverse, toutes jambes, vers le collge, et ils y arrivaient avec une demi-heure de libert vole, dont ils pouvaient disposer avant le retour de leurs camarades.M. Wilkinson s'arrta devant l'ouverture, et son regard explora la prairie, au bout de laquelle, tir par un tracteur, le taille-haie mcanique du fermier Collins tait en pleine action. Puis il baissa les yeux et remarqua deux empreintes boueuses au milieu du passage. En fronant les sourcils, il suivit les empreintes dans le pr et aperut alors deux petites silhouettes en impermables, accroupies, et semblant examiner quelque objet sur le sol. Chose curieuse, elles taient une certaine distance de la haie, et ne faisaient aucun effort pour se dissimuler.Du plus haut de sa puissante voix, M. Wilkinson aboya : Bennett! Mortimer! Revenez immdiatement ici! Les silhouettes se redressrent pour accourir vers lui. En tte venait Bennett, impermable grand ouvert et chaussettes en tire-bouchon. Sous une touffe de cheveux bouriffs, ses yeux bruns brillaient de surexcitation. M'sieur! criait-il en approchant. Dernire minute! Un flash sensationnel! Nous avons fait une dcouverte, m'sieur! Derrire lui venait son ami Mortimer. C'tait l'ordre naturel des choses, car l o Bennettmenait, Mortimer suivait, pas toujours de bon gr, parce qu'il tait prudent de nature, et que les entreprises de Bennett se terminaient souvent en catastrophe. Mais le loyalisme de Mortimer prenait le pas sur ses inquitudes.M. Wilkinson attendit que les deux garons se fussent immobiliss sur le sol boueux. Puis, agitant son gros index, il dclara : Vous avez dlibrment tent de vous cacher pour nous fausser compagnie! Ds que nous serons de retour au collge, vous viendrez me trouver dans mon bureau pour y recevoir une punition. Nous cacher? Nous? Oh! m'sieur, je vous jure que non! protesta Bennett en ouvrant de grands yeux innocents. Nous n'essayions pas de nous cacher! Non, absolument pas! Alors que faisiez-vous, embusqus derrire la haie, au lieu de suivre le chemin? Eh bien, m'sieur, nous passions devant l'ouverture lorsque l'homme au rteau nous a cri de venir voir quelque chose qu'il avait trouv.... Et, en guise de preuve, Bennett montra l'un des garons de ferme que l'on apercevait, ratissant les branches coupes par le taille-haie mcanique qui faisait le tour du pr. C'est vraiment trs rare d'en trouver un, m'sieur! Il a dit qu'il n'tait jamais tomb dessus depuis qu'il taille les haies, m'sieur! Qui n'tait jamais tomb sur quoi? Depuis quand? demanda le professeur. Sur un hrisson en tat d'hibernation, m'sieur! C'est a que nous regardions! Ah! oui, vraiment? Oui, m'sieur. Il s'appelle Bobby. Du moins c'est comme a que les autres l'appellent. C'est lui qui porte un bonnet de laine et un cache-nez, m'sieur! Tout cela parut absurde M. Wilkinson. En dehors des livres d'images pour les moins de six ans, on n'avait jamais vu de hrisson veill ou endormi qui ft accoutr de faon aussi invraisemblable. Je ne veux pas dire que le hrisson s'appelle Bobby! rectifia Bennett. C'est le nom du gars qui nous l'a montr. Et, toujours au comble de l'agitation, il donna de nouveaux dtails sur cette dcouverte. Le taille-haie mcanique tait pass le long de la haie, suivi par Bobby qui ratissait les branches coupes et les entassait pour les brler. Dans une cavit, entre les racines d'un chne qui poussait au bord du pr, son rteau avait accroch quelque chose, et il en avait retir une sorte de boule, entoure de feuilles mortes, qui avait roul jusqu ses pieds. C'tait le hrisson, m'sieur! poursuivit Bennett. Tout endormi, envelopp de feuilles et ne laissant voir que le bout de son nez. A ce moment, Bobby nous a vus, il nous a appels pour nous demander si nous voulions le regarder... ...Et c'est pour a que nous sommes passs dans le pr! complta Mortimer. Nous n'essayions pas de nous dfiler! M. Wilkinson approuva d'un signe de tte. L'application semblait plausible. C'est bon, dit-il. Maintenant, rejoignez les autres. II fit demi-tour, s'engagea de nouveau sur le chemin. Mais, jetant un regard derrire lui, il constata que les deux garons ne faisaient pas mine de le suivre. Allons, vite! cria-t-il. Vous avez entendu ce que j'ai dit? Mais le hrisson, m'sieur! protesta Bennett. On ne peut pas le laisser comme a, au milieu du champ! Pourquoi pas? Vous l'avez regard. Que dsirez-vous de plus? Le remettre bien l'abri dans la haie, rpondit Mortimer. Le tracteur va repasser, avec le taille-haie, et il risque d'tre cras s'il reste l. J'en doute. La plupart des animaux sont capables de veiller sur eux-mmes. Pas quand ils sont en tat d'hibernation! objecta Bennett. Mme s'il ne se fait pas craser, il ne peut pas rester l, au froid, maintenant qu'on a drang son nid! D'accord, mais dpchez-vous, concda M. Wilkinson. Mettez-le sous la haie, et revenez immdiatement. Et il attendit, avec impatience, en tapotant le sol du bout de sa canne, que les deux garons eussent accompli leur mission salvatrice.Le hrisson tait toujours la mme place, mais les feuilles qui l'enveloppaient avaient t disperses, de sorte que le petit animal tait parfaitement visible.Bennett s'agenouilla dans l'herbe mouille et l'examina de prs. Comme il ne remarquait aucun signe de respiration, il crut tout d'abord qu'il tait mort. Du bout du doigt, il toucha le petit museau

glac, mais les piquants se dressrent sur le dos de la bte, si soudainement qu'il retira sa main, par prudence. II est vivant! dclara Bennett. Il inspecta les dbris du nid, et constata que les feuilles mortes taient tasses plat, comme les feuillets d'un livre. Nous n'allons pas le remettre dans son vieux sac de couchage tout moisi, reprit-il. Plaons-le sous la haie, et enveloppons-le le mieux possible. Oui, mais comment le porter? demanda Mortimer. Ces piquants ne m'inspirent pas confiance. Bennett retira son impermable, il en enveloppa le hrisson, puis souleva le ballot ainsi form, Suivi par Mortimer, il se dirigea pas prudents vers le chne et dposa avec prcautions la petite bte dans les hautes herbes qui entouraient ses racines. On ne peut pas le laisser l et s'en aller! grogna Bennett en secouant son impermable. Suppose qu'il ne se rendorme pas? Il pourrait mourir de froid! Et suppose qu'il se rendorme? Il mourrait de froid s'il n'tait pas bien envelopp! rpliqua Mortimer. L'ennui, c'est que nous ne savons rien sur les hrissons. Il y a un livre la bibliothque qui en parle. Je le regarderai ce soir. Nous serons bien avancs! C'est maintenant qu'il faut savoir! Leur ignorance des murs de l'animal les rendait soucieux. Ils se sentaient responsables de lui, et auraient eu besoin d'une personne bien renseigne pour leur donner un conseil. Mais qui auraient-ils pu interroger?Alors, Bennett prit la dcision : Nous allons le ramener au collge, dit-il, et nous regarderons ce qu'il faut faire dans le livre dont tu parles. Je ne crois pas que Wilkie refusera, si nous le lui demandons poliment. Et s'il est d'assez bon poil, il pourrait mme... II fut interrompu par un cri d'impatience, venant de l'ouverture de la haie, et indiquant que l'humeur prsente de M. Wilkinson tait plutt instable. Cette impression tait renforce par la vue du professeur qui faisait tournoyer sa canne en trpignant d'exaspration. Allons! vite, vous, l-bas! mugissait-il. Voulez-vous revenir? Je vous ai dit de laisser cet animal et de me rejoindre immdiatement! Allez-vous me faire attendre encore longtemps? Mortimer fit la grimace. C'est toi qui lui demandes! dit-il son ami,tandis que tous deux se redressaient pour retourner vers leur matre. Toi, tu lui demandes la permission, et moi je regarderai dans le livre quand nous serons rentrs. Allons-y tout de suite, avant qu'il ait une attaque... II serait exagr de dire que M. Wilkinson tait de charmante humeur quand les deux garons l'eurent rejoint. A force de les attendre, il avait perdu le contact avec le reste des lves confis sa charge. A prsent, ceux du groupe de tte avaient une telle avance qu'ils devaient se trouver aux abords du village, hors de porte de ses coups de sifflet, et qu'il avait d expdier Blotwell la course pour les rattraper et leur dire de revenir sur leurs pas, car il tait temps de regagner le collge.De plus, le ciel se chargeait de gros nuages noirs qui faisaient craindre d'un instant l'autre une violente averse. Aussi M. Wilkinson tenait-il ramener les lves au collge le plus rapidement possible. Le moment tait donc plutt mal choisi par Bennett pour faire une suggestion qui risquait de provoquer un nouveau retard. S'il vous plat, m'sieur, nous l'avons rapport l-bas, mais nous avons maintenant une meilleure ide, commena le garon en levant les yeux vers M. Wilkinson, avec l'expression implorante d'un caniche qui espre un biscuit. Nous aimerions le ramener au collge, comme a nous pourrions regarder dans un livre... Le rapporter au collge! s'exclama le professeur horrifi. C'est une bte sauvage, pas un animal domestique! Mais il ne nous ferait pas d'ennuis, m'sieur!

Nous pourrions le mettre dans le placard aux chaussures, ou dans le garage bicyclettes, ou un autre endroit pour le garder au chaud... Non, au froid! rectifia Mortimer. Il se rveillerait trop tt si on le gardait au chaud! Bon! Au chaud ou au froid, comme tu voudras... Mais si nous ne faisons rien, il risque de mourir! Il devra courir sa chance, rpliqua M. Wilkinson. Et il a plus de chances de survivre, dans son milieu naturel que dans un placard chaussures! Oh! m'sieur, mais vous ne voyez pas... Vous avez entendu ce que j'ai dit, Bennett? Vous ne ramnerez pas au collge des hrissons couverts de vermine et pleins de puces. Un point, c'est tout! Mais, m'sieur... Silence! tonna M. Wilkinson. Ne discutez pas! Du bout de sa canne il montra le chemin. Allez! en route, vous deux! Et ne vous cartez plus du chemin jusqu'au collge! Blotwell avait d poursuivre le groupe de tte jusqu'au village de Linbury avant d'avoir pu lui transmettre l'ordre de revenir en arrire, et ce fut presque vingt minutes plus tard que les derniers lves repassrent devant l'ouverture de la haie, et que M. Wilkinson put enfin les suivre en fermant la marche.Une violente averse ne fit rien pour ramener sa bonne humeur. Pas plus que l'insipide caquetage de Binns et Blotwell qui trottinaient aux cts du professeur. ...Et il y a un autre truc marrant qui est arriv ce gars qui collectionnait les papillons! disait Blotwell, alors qu'ils tournaient l'angle de la haie. a vous amuserait de le savoir, m'sieur? Sincrement, non! rpliqua M. Wilkinson du fond du cur. Tant pis, il faut que je vous le raconte quand mme, parce que c'est terriblement marrant! poursuivit Blotwell, nullement branl. On avait organis une confrence la salle des ftes de son village, et le crieur public avait annonc dans les rues : Toutes les personnes qui s'intressent la mythologie seront les bienvenues! Alors, comme notre gars avait des ennuis avec les mites, il y est all pour savoir... M. Wilkinson se fora grimacer un ple sourire de comprhension, mais Binns, lui, ouvrit de grands yeux en disant : Et alors? Qu'est-ce qu'il y a de drle? Eh bien, quand le gars est arriv, reprit Blotwell, il s'est aperu au bout d'un quart d'heure que c'tait une confrence sur la mythologie... tu comprends? Les histoires des dieux grecs et romains, quoi! Lui, il avait cru qu'on lui parlerait de la mite au logis! Ha-ha-ha! Binns eut un grognement de dfiance. Je te parie que c'est pas vrai! Je parie que ce n'est jamais arriv! Bien sr que non! Mais c'est un jeu de mots, une blague... Elle est bien bonne quand mme, pas vrai, m'sieur? Le conteur adressa un sourire la haute silhouette du professeur, en esprant qu'il apprcierait l'excellente plaisanterie. Binns n'est pas trs malin, pas vrai m'sieur? insista-t-il. Il est plutt bouch! Mais M. Wilkinson ne rpondit que par un petit toussotement du fond de la gorge, indiquant qu'il tait fatigu par le genre d'humour propre aux lves de la lre division. La pluie tombait de plus en plus fort. Il tait parti en promenade sans son chapeau de pluie ni son cache-col, et des gouttes d'eau lui coulaient dans le cou et perlaient au bout de son nez. Hlas! hlas! se disait-il avec une lassitude rsigne. Pourquoi ces maudites promenades ont-elles lieu prcisment aux jours o je suis de service?

CHAPITRE II

UNE PISTE EMBROUILLE

Cette histoire me met en boule! grommela Bennett. Abandonner notre hrisson comme a, c'est trop dur! Tout au long du chemin qui les ramenait au collge, Bennett ne cessa de rager sourdement contre l'impitoyable dcision de M. Wilkinson. Il trouvait intolrable que l'on pt se montrer aussi indiffrent au bien-tre et la survie des habitants des champs et des bois. Je ne crois pas qu'il voulait tre cruel, mais il est tout simplement incapable de se mettre la place du hrisson! dclara-t-il Mortimer, tandis qu'ils se changeaient au vestiaire. Tu crois qu'il

serait content, Wilkie, s'il se rveillait en pleine nuit, en s'apercevant qu'il lui faudrait attendre des semaines et des semaines avant l'heure de son petit djeuner? Ou s'il se rveillait en ayant perdu ses couvertures, et ne savait plus comment se tenir au chaud! ajouta Mortimer.Briggs et son ami Morrison entrrent dans le vestiaire juste temps pour entendre cette dernire phrase. Qui donc s'est rveill en ayant perdu ses couvertures? demanda Morrison. Wilkie, videmment! rpondit Mortimer. Ce serait bien fait pour lui! Morrison eut l'air intrigu. Qu'est-ce que tu racontes l? Quand on perd ses couvertures, on les ramasse et on se recouvre, ce n'est pas compliqu. Mais tout le monde ne le peut pas! Ce n'est pas facile d'entrelacer de nouveau toutes ces feuilles et ces bouts de paille, et de les tasser ensemble, une fois qu'on les a disperss. Et si l'on est en tat d'hibernation... Des feuilles? De la paille? Alors, quoi, Wilkie n'a plus de draps ni de couvertures? Il couche dans les bois? Je ne te parle pas de Wilkie, ballot! cria Mortimer. Je te parle du hrisson! Comme la discussion devenait confuse, Bennett donna un bref rcit de la dcouverte qu'ils avaient faite et du refus oppos par M. Wilkinson leur proposition d'adopter le pauvre petit animal. Il ne fera pas long feu s'il reste l o il est! dclara Briggs lorsque l'histoire fut termine. S'ilest trop endormi pour se recouvrir lui-mme ou trouver un abri, il risque de mourir de froid, moins qu'un renard ne le mange. Un renard? s'exclama Bennett qui resta bouche be. C'tait en effet une ventualit qu'il n'avait pas envisage. Tu crois que les renards mangent les hrissons? Tu en es certain? Briggs fit une grimace apitoye. Tu parles, qu'ils les mangent! Ton hrisson ne tiendrait pas dix secondes devant un renard affam. Oh! misre! soupira Mortimer. Si seulement Wilkie nous avait permis de le ramener! Si nous avions pu le sauver!... C'est peut-tre encore possible, dit Bennett qui parut soudain retrouver l'espoir. Si nous russissons monter une opration de sauvetage sans que Wilkie le sache, nous pourrons veiller sur lui jusqu' ce qu'il sorte de son sommeil. Cette ide fut accueillie par des hochements de ttes lugubres. Tout bien considr, les chances de succs taient des plus faibles. A l'heure prsente, le hrisson avait peut-tre quitt sa retraite au pied du grand chne, et on ne le retrouverait plus. Mme s'il n'avait pas chang de place, il ne survivrait probablement pas aux rigueurs d'une nuit en plein air, ou il n'chapperait pas au flair d'un renard en chasse. II faudrait le secourir ce soir-mme, dclara Briggs, sinon ce sera trop tard... Et la cloche de rentre en classe va sonner d'une minute l'autre... D'ailleurs, aprs ce que Wilkie a dit... Oui, mais je n'avais pas pens lui parler des renards! intervint Bennett. a changeraitpeut-tre son point de vue, si je lui disais a. Or, tout espoir de voir M. Wilkinson revenir sur sa dcision fut rduit nant, quelques instants plus tard, lorsque le professeur, dernier revenu de la promenade, passa devant le vestiaire, et que Bennett lui eut prsent sa requte. II n'est pas question que vous retourniez l-bas! mugit-il. Vous avez la tte dure, mon garon! Je vous ai dj dit que cet animal se dbrouillerait bien mieux par lui-mme, sans que vous portiez atteinte sa libert. Compris? Et comme la cloche sonnait la reprise des cours, il pointa un norme index vers l'escalier qui conduisait aux salles de classe. Allez, filez! Au travail! Le premier cours de l'aprs-midi tait un cours d'anglais avec M. Carter, l'assistant du directeur, un homme d'ge moyen, calme, aimable, qui comprenait fort bien la mentalit des lves. Ah! si seulement c'avait t M. Carter qui avait dirig la promenade, au lieu de M. Wilkinson! se disait Bennett en prenant place sa table. Tout aurait tourn diffremment. M. Carter lui aurait permis de ramener l'animal au collge, il en tait certain. Mais il ne pouvait plus lui en demander l'autorisation, maintenant que son collgue avait refus de faon aussi catgorique.Pendant tout l'aprs-midi, Bennett ne cessa de songer ce pauvre hrisson sans dfense, qui se trouvait maintenant expos toutes sortes de prils. Et avant la fin des cours, il avait pris sa dcision : afin de se dlivrer de son tourment intrieur, et de donner quelques chances de survie la bte, il s'arrangerait, d'une faon ou d'une autre, pour retourner dans la prairie. Toute cette histoire m'a mis en boule! dclara-t-il un peu plus tard Mortimer, pendant qu'ils faisaient la queue devant la porte du rfectoire. Je ne veux pas le laisser tomber! J'irai voir aprs le dner, et si je le trouve, je le ramne au collge. On l'appellera la Ronflette. Entre le dner et l'tude du soir, les lves disposaient d'une demi-heure de libert. Ce serait le moment favorable, estimait Bennett. En se dpchant, il pourrait faire l'aller et retour en une dizaine de minutes. La nuit serait dj tombe, bien sr, et ce ne serait pas facile de retrouver le hrisson la lueur d'une lampe de poche; mais en revanche l'obscurit couvrirait sa sortie furtive du collge, et son retour en cachette.Mortimer fut pouvant par tous les risques que comportait l'opration la Ronflette. Tu es fou! explosa-t-il. Depuis que je suis n, j'ai entendu bien des crtineries, mais toi, tu mrites le diplme d'honneur! Sur ses doigts, il se mit numrer les dangers : D'abord, c'est vendredi, et Wilkie a dit qu'il voulait te voir pendant la rcration propos de cette enqute qu'il veut faire faire toute la classe sur la vie au collge et aux environs. Deuximement : il a interdit de ramener le hrisson au collge; et o que tu le caches, quelqu'un finira tt ou tard par le dcouvrir. Troisimement : s'il a chang de place, comment le retrouveras-tu dans le noir? Quatrimement : nous ne sommes pas capables de nous occuper convenablement de lui, nous ne savons mme pas s'il faut le garder au chaud ou au froid quand il est en hibernation, et dans ces conditions...

C'est toi de te renseigner l-dessus! rappela Bennett son ami. As-tu regard dans ce livre de la bibliothque dont tu parlais? Bien sr que non! Ce n'tait plus la peine, puisque nous n'avions pas de hrisson! Eh bien, avec un peu de chance, nous en aurons bientt un. Alors, va consulter ce bouquin aprs le dner. Oui, mais coute un peu... Pas de discussion, Morty! Tu as le boulot de mille fois le plus facile... Il te suffit de rester assis dans un fauteuil en bouquinant... Un sourire taquin passa sur les lvres de Bennett. ...Ou bien, nous pouvons changer, si tu veux? Toi, tu te glisses dehors pour aller chercher le hrisson, et moi j'irai consulter le livre. Non, non, merci! s'empressa de rpliquerMortimer. C'est bon. Vas-y, si tu veux, mais tu n'as pas beaucoup de chances de t'en tirer! Au cours du dner, Bennett ne cessa de songer aux problmes qu'il devrait affronter. Il tait fort possible, comme le lui avait rappel Mortimer, que M. Wilkinson voult le voir pendant la rcration avant l'tude du soir. En effet, il avait annonc qu'il profiterait de ce moment-l pour mieux expliquer certains lves dont Bennett le but et les dtails de la vaste enqute statistique laquelle devait procder la 3e division.Le meilleur moyen de retarder cette entrevue, estima Bennett, ce serait de prparer une piste, trs visible mais fausse, travers tout le collge. Quelques indices trompeurs jets a et l couvriraient ses traces, et retarderaient assez longtemps les soupons de M. Wilkinson pour permettre De mener jusqu'au bout l'opration hrisson.Aussi, ds la fin du repas, Bennett se rendit-il tout de suite dans la salle de jeux, o Martin-Jones et Rumbelow venaient d'entamer une partie de ping-pong. Si quelqu'un me demande, je suis all la bibliothque! annona-t-il ses camarades.Ils accueillirent cette information avec un signe de tte et poursuivirent leur partie. Ils n'avaient aucune raison de s'intresser spcialement au lieu o jugeait bon d'aller leur camarade.L-dessus, Bennett se prcipita la bibliothque, au premier tage, o il trouva Mortimer plong dans un gros ouvrage de zoologie. Pour un observateur non prvenu, le lecteur n'tait qu'un garon aux cheveux blondasses, porteur d'paisseslunettes, et inconfortablement juch sur le bras d'un fauteuil. Mais l'imagination de Mortimer ragissait vivement ce qu'il lisait, et il se voyait sous les traits du professeur Charles E.J. Mortimer, savant minent, engag dans d'importantes recherches de physiologie animale.Bennett dut lui tapoter l'paule avant qu'il consentt lever les yeux. Ecoute, Morty! lui dit-il. Si Wilkie vient me chercher ici, dis-lui que je suis venu, puis reparti pour le vestiaire des sports. Pour le vestiaire? s'exclama Mortimer. Je croyais que tu devais aller... Evidemment, j'y vais. Mais il se trouve que je passe d'abord par le vestiaire, alors tu conseilleras Wilkie d'aller voir si j'y suis. En bas, dans le vestiaire, Binns et Blotwell taient en train de changer les lacets de leurs chaussures de football. Bennett s'arrta sur le seuil pour leur dire : Si Wilkie ou quelqu'un d'autre me demande, je monte dans la salle n 3. Pourquoi? demanda Binns. Ne t'occupe pas de a. C'est mon affaire. Dis-lui simplement que c'est l que j'allais quand tu m'as vu pour la dernire fois. Et Bennett entreprit la nouvelle tape de sa tourne. Il tait dj mi-hauteur de l'escalier quand Blotwell le rappela d'en bas : H! attends! cria-t-il. Qu'est-ce qu'il faudra dire si Wilkie ne nous demande rien? Bennett lui lana une chaussure de basket, gare sur les marches, et il fila jusqu'au premier tage.II n'y avait que trois ou quatre lves venus l'avance dans la salle n 3 lorsque Bennett passa la tte par l'entrebillement de la porte. H l! dit-il. Si Wilkie me cherche, conseillez-lui d'aller voir dans la salle de jeux... Et fort honntement, il se crut oblig d'ajouter : Je n'y serai probablement pas, mais il peut toujours aller y jeter un coup d'il! Ayant ainsi boucl le cercle de sa fausse piste, Bennett tait maintenant prt entreprendre l'opration hrisson. Il alla chercher sa lampe de poche dans son casier et emprunta la serviette ponge de Mortimer pour se protger les mains des piquants de l'animal. Il n'oublia pas non plus de mettre ses bottes de caoutchouc, pour que ses chaussettes et chaussures ne portent pas, au retour, des traces de boue rvlatrices.Il jeta un coup d'il sa montre. La cloche de l'tude du soir sonnerait dans un quart d'heure, constata-t-il en se glissant dehors, par la petite porte, dans la cour obscure et balaye par le vent. Dix minutes suffiraient amplement excuter l'opration hrisson, si la chance le favorisait.*

**

Bennett s'tait donn bien inutilement du mal pour laisser une fausse piste travers tout le collge, car il se trouva que M. Wilkinson avait compltement oubli son intention de lui parler pendant la demi-heure de rcration. Mais comme il tait de service ce soir-l, sa ronde l'amena au vestiaire des sports, o les deux plus jeunes lvesdu collge changeaient les lacets de leurs chaussures de football.Binns accueillit le professeur avec un sourire serviable. Vous cherchez Bennett, m'sieur? demanda-t-il. Non, rpondit M. Wilkinson. Ah! je comprends. C'est seulement dans le cas o vous l'auriez cherch qu'il nous a chargs de vous dire d'aller voir salle 3. C'tait chose nouvelle pour le professeur, que des lves fissent annoncer, de cette faon, leurs dplacements dans le collge. Pourquoi vous a-t-il charg de me dire cela? demanda-t-il sur un ton souponneux. Je ne sais pas, m'sieur. Mais il avait l'air de tenir beaucoup ce que nous vous disions o il tait. II y avait du louche dans l'air! estima M. Wilkinson. Cette tentative pour diriger ses pas vers la salle 3 ne pouvait signifier qu'une chose : c'est qu'on y prparait quelque mauvais tour qui conciderait avec son arrive! Travaill de soupons, il se prcipita vers le lieu o se prmditait le mfait.Il n'y avait aucune trace du dlinquant prsum, dans la salle 3. Mais comme M. Wilkinson en franchissait le seuil, Atkins tourna la tte vers lui en disant : Vous cherchez Bennett, m'sieur? Voulez-vous que j'aille voir votre place dans la salle de jeux? Il n'y est peut-tre pas, bien sr, mais il a dit que vous pourriez toujours essayer par l, si vous le cherchiez... Se glissant dehors, dans la cour obscure... -

M. Wilkinson fut alors convaincu qu'il tait la victime dsigne de quelque sombre plaisanterie. Et ses soupons ne furent nullement dissips lorsquil se rendit dans la salle de jeux, pour tre inform par Rumbelow que Bennett tait bien pass par l, mais qu'il tait reparti en annonant que si on le cherchait on veuille bien se rendre la bibliothque!...Mortimer en tait au milieu du chapitre sur les hrissons lorsque M. Wilkinson entra dans la pice. Le professeur matrisait sa colre, car il la rservait pour le moment o il aurait dcouvert le but de ce complot, mais l'on devinait son ton qu'il ne supporterait plus longtemps d'tre ainsi men en bateau. O est Bennett? questionna-t-il d'une voix tonnante.Mortimer sursauta comme un livre effarouch, le livre lui chappa des mains. Bennett, m'sieur? demanda-t-il comme s'il entendait ce nom pour la premire fois. Eh bien... euh!... je ne sais pas exactement o il est l'instant mme, mais si c'est urgent, m'sieur, je pourrais aller voir votre place au vestiaire des sports... II y avait moins de trois minutes que M. Wilkinson avait quitt le vestiaire pour entreprendre ses vaines recherches. L'ide de continuer poursuivre un feu follet travers le collge ne le tentait gure. Et qu'est-ce qui vous fait croire qu'il se trouve au vestiaire des sports? demanda-t-il d'un ton doucereux. C'est seulement parce que... euh!... parcequ'il m'a dit de le dire... Il me l'a dit trs nettement! Pas d'erreur possible!... Ah! vraiment? De toute vidence, pensa M. Wilkinson, il ne pouvait esprer claircir ce mystre que lorsqu'il aurait mis la main sur l'insaisissable Bennett. Mais avant qu'il ait pu dcider la direction de nouvelles recherches, la cloche sonna l'tude du soir, et le couloir retentit de la cavalcade des lves qui gagnaient leurs classes.M. Wilkinson passa sur le seuil juste temps pour apercevoir un groupe d'lves de la 3e division qui dbouchait l'angle du couloir comme une quipe de hockey sur glace. A la vue du professeur, ils freinrent brutalement. L'un de vous sait-il o se trouve Bennett? demanda M. Wilkinson.

Oui, m'sieur! rpondirent-ils en chur. Puis chacun prcisa, en solo : II est dans la bibliothque, m'sieur! dit Martin-Jones. Il est dans la salle 3! dit Blotwell. Il est dans la salle de jeux! dit Atkins. Un peu de bon sens! mugit M. Wilkinson. Il ne peut pas tre plus d'un endroit la fois, je pense? Bien sr que non, m'sieur! lana une voix claire, de derrire le groupe. En fin de compte, je suis ici, m'sieur!Et Bennett apparut, un sourire de parfaite innocence sur les lvres. D'une main il tenait sa lampe de poche, de l'autre une serviette ponge macule de boue. Vous vouliez me voir, m'sieur? demanda-t-il. Non, je ne voulais pas vous voir! clama le professeur. Je ne voulais pas vous voir, jusqu' ce que vos camarades m'aient fait suffisamment comprendre que vous essayiez de ne pas tre vu! O tiez-vous donc? Qu'avez-vous fabriqu? Bennett rflchit toute vitesse. L'opration de secours avait pleinement russi, et la Ronflette se trouvait maintenant en scurit dans une bote en carton, et celle-ci cache dans la cave aux bagages. Il tait inimaginable que ce triomphe ft gch par un dsastre de dernire heure. Eh bien, m'sieur, dit-il, je pensais que vous vouliez me voir propos de ce projet d'enqute auquel je n'avais rien compris en classe... Ce fut pour M. Wilkinson un trait de lumire. Toutes les pices du puzzle se mirent en place. Bennett avait donc dlibrment mont cette

comdie pour obliger le professeur tourner en rond dans le collge, ce qui permettait de remettre la rencontre plus tard. Quelle diabolique imagination chez ces galopins!En fronant les sourcils, M. Wilkinson dclara : C'est bon. Nous verrons a une autre fois, Bennett. Maintenant, prparez-vous aller en tude! Oui, m'sieur! Et Bennett, bien sagement, suivit ses camarades qui s'engageaient dans le couloir. En fin de compte, la soire avait t un succs complet. Le seul qui et connu quelques dsagrments tait M. Wilkinson, mais il l'avait bien cherch!

CHAPITRE III

LE HRISSON CLANDESTIN

ce fut seulement aprs l'tude du soir, dans la demi-heure de rcration qui prcdait le coucher, que Bennett put conter Mortimer les dtails de son opration de sauvetage. Vraiment, a n'a pas t difficile, dit-il tandis qu'ils se dirigeaient vers la cave aux bagages pour y voir son occupant. Je savais exactement o le chercher, grce ce grand chne. Il n'avait pas boug de l'endroit o nous l'avions laiss. Alors je l'ai envelopp dans ta serviette et je l'ai ramen ici.

Ma serviette? Eh bien, tu ne manques pas de toupet! Bennett tourna la tte pour regarder son compagnon d'un air de surprise indigne. Non, franchement, Morty! tu ne m'aides pas beaucoup! dit-il. C'est moi qui me tape tout le travail dangereux, toi tu n'as qu' rester l te tourner les pouces, et tu as encore le culot de grogner propos de ta vieille serviette tout effiloche. Excuse-moi, fit Mortimer, confus. Mais je n'ai pas perdu mon temps, quand mme! Pendant que tu tais dehors, j'ai fait d'importantes recherches la bibliothque, et j'ai dcouvert des tas de choses sur les hrissons. II courba les paules et se mit marcher, lgrement pench en avant, comme un vieux savant plong dans ses penses. De nouveau, dans son imagination, il redevenait le professeur Mortimer, l'minent spcialiste de la vie des btes sauvages.L'endroit o l'on rangeait les bagages tait une troite cave, sans fentre ni lectricit, l'extrmit du btiment. Le long des murs s'empilaient valises et malles appartenant aux lves et aux professeurs. Ce qui la rendait fort pratique pour y cacher des hrissons en tat d'hibernation, c'tait que personne n'aurait eu l'ide d'y venir en temps normal, avant que l'on et besoin de ces bagages pour le dpart en vacances, en fin de trimestre.Bennett ouvrit la porte et alluma sa lampe de poche. Le hrisson tait roul en boule, au milieu des copeaux, dans le carton chaussures que le garon avait trouv par terre lors de sa prcdente visite.Les deux amis contemplrent leur protg avec une admiration respectueuse. N'est-ce pas qu'il est beau? demanda Bennett voix basse, comme s'il craignait de dranger le dormeur. Et il est nous, maintenant... du moins pour un certain temps. Mortimer paraissait lgrement inquiet. J'espre qu'il sera bien, ici, murmura-t-il. J'ai l'impression que a sent l'humidit... Ce n'est tout de mme pas aussi humide que sous la haie par une pluie battante, rpliqua Bennett. D'ailleurs, puisque tu es un fameux expert qui a tout lu ce sujet, peux-tu me dire ce que nous devrions faire : le garder au chaud ou le garder au froid? Le fameux expert se gratta le bout du nez, fort embarrass. Le livre de sciences naturelles tait plein de renseignements passionnants sur la vie des btes, mais il ne rpondait pas certaines questions.Or c'en tait une. Mais admettre son ignorance sur un point aussi important, c'tait nuire la rputation que Mortimer tentait d'affirmer. Il fit donc l'impossible pour trouver une rponse. Eh bien... euh!... dit-il en essayant de gagner du temps, c'est un peu les deux la fois, tu comprends? Nous devons le tenir au chaud et l'abri, mais sans le laisser avoir trop chaud... En mme temps, il a besoin d'tre dans un endroit plutt froid, pour pouvoir prendre le frais... Bennett braqua sa lampe de poche sur le visage de son compagnon, et il eut un soupir de dsespoir. Tu dois commencer perdre les pdales! grogna-t-il. Comment pouvons-nous le tenir au chaud et au froid en mme temps? Tu pourrais aussi bien proposer de le mettre au sauna puis de le flanquer dans le rfrigrateur! II teignit sa lampe et sortit avec Mortimer dans le couloir clair du sous-sol. Franchement, Morty, reprit-il, tu n'es qu'un fumiste! Tu prtends avoir lu des tas de bouquins la bibliothque, et tu ne sais rien sur la faon de soigner les hrissons! Mais si, mais si! protesta Mortimer. C'est seulement que je ne suis pas encore arriv au chapitre sur l'hibernation... J'ai tout de mme appris des tas de choses! II plissa le front et se creusa la cervelle pour chercher une preuve. Tiens, par exemple... Je te parie que tu ne sais pas a : les bonnes femmes, la campagne, croient que les hrissons viennent traire les vaches pendant la nuit! Cette information, bien que fort intressante, parut Bennett plutt hors du sujet. Est-ce qu'ils se servent d'un escabeau et d'un seau lait? demanda-t-il. Pas besoin de ricaner! C'est vrai, d'ailleurs... du moins a pourrait tre vrai, mais des tas de gens n'y croient pas. Veux-tu que je te dise comment ils s'y prennent pour traire les vaches? Pas maintenant! Si nous avions dans la cave une vache en hibernation, en mme temps qu'un hrisson, ce serait peut-tre une chose utile savoir, mais pour l'instant, il y a des questions plus urgentes rgler! Le ton de Bennett tait imprieux, pressant. Nourriture, abri, dispositifs de scurit! poursuivit-il. La Ronflette seratrs bien ici cette nuit, mais il faut lui trouver une meilleure cachette pour le jour o il commencera se rveiller. Au loin, ils entendirent sonner la cloche du coucher, et Bennett rentra une dernire fois dans la cave pour donner un dernier regard la petite boule hrisse de piquants, immobile au milieu des copeaux. Il cacha le carton derrire une pile de malles, un endroit o l'on avait peu de chances de le voir depuis l'entre. Puis, refermant la porte derrire lui, il reprit en sens inverse le couloir du sous-sol jusqu' l'escalier qui les mnerait au dortoir 4. Je sais encore des tas de choses sur ses habitudes alimentaires, dit Mortimer, dsireux de faire valoir le rsultat de ses recherches. Les hrissons mangent des limaces, des escargots, des vers de terre, des grenouilles, des scarabes, des mille-pattes... Bennett eut un petit rire. Facile! rpliqua-t-il. Invitons-le demain djeuner avec nous au rfectoire... Il se rgalera! Ils mangent aussi d'autres choses, bien sr! poursuivit Mortimer, alors qu'ils arrivaient leur dortoir o Briggs, Morrison et Atkins commenaient dj se dshabiller. Le gars du bouquin dit qu'ils mangent du pain, des glands, des pommes chips... et mme des haricots en conserve! II rflchit un instant, puis ajouta : Evidemment, ils ne peuvent pas ouvrir les botes eux-mmes!... Atkins n'avait pas encore entendu parler du hrisson. Quant Briggs et Morrison, ils ignoraient les vnements qui s'taient drouls

depuis le dner. Bennett dut donc les mettre au courant de toute l'histoire et il leur fit jurer le secret.A peine avait-il termin que M. Wilkinson fit irruption dans le dortoir. Allons, allons, dpchons ! mugit-il. Tout le monde au lit, et que a ne trane pas! Oui, m'sieur! Le dortoir 4 fut saisi d'une folle prcipitation. On se dshabilla toute vitesse; des souliers tombrent avec fracas sur le plancher, des chaussettes roules en boule voltigrent, et l'on vit mme un unijambiste faire des bonds dsordonns, ses deux pieds ayant gliss dans la mme jambe de son pyjama.M. Wilkinson observait ces gambades en contenant son exaspration. Il avait eu tort, comprenait-il maintenant, de leur donner l'ordre de sedpcher. S'il n'avait rien dit, ils auraient t couchs en deux fois moins de temps! A propos, Bennett, dit le professeur comme le garon rapparaissait de dessous le lit de Morrison, o il avait pourchass une pantoufle vagabonde, propos, vous devrez attendre lundi pour que je vous explique le projet d'enqute en question... Je serai absent pendant tout le week-end. Cette nouvelle fut accueillie avec un ravissement mal dissimul. Cela veut dire que vous ne nous ferez pas classe demain matin? demanda Briggs avec espoir.- Parfaitement. Mais ce n'est pas la peine de prendre des airs si enchants. A mon retour, je vous ferai travailler deux fois plus. C'tait seulement en de rares occasions que des professeurs passaient la nuit hors du collge, au cours d'un trimestre; mais cette fois-l, M. Wilkinson avait exprim le dsir d'assister un important congrs sur l'ducation, qui avait lieu Londres pendant le week-end, et le directeur l'avait autoris s'absenter.Ces quelques secondes d'enthousiasme prirent brutalement fin, chez Bennett, quand une horrible ide lui traversa l'esprit. En faisant de son mieux pour avoir l'air indiffrent, il demanda : Est-ce que vous emporterez des bagages avec vous, m'sieur? Evidemment! Vous ne pensez tout de mme pas que je vais envelopper mes affaires dans un grand mouchoir carreaux, et porter mon balluchon sur l'paule, au bout d'un bton? M. Wilkinson eut un bon sourire, son humeur s'tantconsidrablement adoucie l'ide de ne pas faire classe la 3e division le lendemain. Oui, reprit-il, ds que j'aurai teint les lumires, j'irai chercher ma valise la cave, afin d'tre prt partir demain matin, tout de suite aprs le breakfast... Sans se rendre compte qu'il venait de jeter une bombe au milieu de son auditoire, le professeur sortit alors de la pice, pour aller voir quel genre de sottises se tramaient dans les autres dortoirs. II ne verra peut-tre pas la Ronflette! chuchota Mortimer, en se raccrochant ce faible espoir. Tu plaisantes? Il est forc de le voir! riposta Bennett d'une voix trangle. Tu sais trs bien que les valises et les malles sont empiles les unes sur les autres... Il devra peut-tre en dplacer une douzaine avant d'atteindre la sienne! Il reprera fatalement le carton qui est derrire! Que vas-tu faire, alors? demanda Morrison. Le sortir de l o il est, tout de suite! Mais o vas-tu le cacher? Bennett haussa les paules. N'importe o! Sous mon lit, si je ne trouve rien de mieux. Je lui chercherai une autre cachette demain. Tu ne peux pas le mettre sous ton lit! objecta Briggs. Suppose qu'il se mette ronfler, et que Wilkie vienne voir ici la raison de ce bruit? Dans mon livre, il n'tait pas question de hrissons qui ronflent, dclara Mortimer d'un ton doctoral. Mais il y avait d'autres choses trs intressantes sur eux; par exemple, ils n'attrapent pas le ttanos, ils ne craignent pas les morsures des serpents... Oh! a suffit, Morty! interrompit Bennett. Tu nous fais perdre du temps. Wilkie est drlement plus dangereux qu'un serpent sonnette, du moins en ce qui nous concerne! Il n'y a pas une seconde perdre, si je veux aller le rcuprer avant qu'on teigne les lumires! Atkins avait fini de se brosser les dents. Il passait sa robe de chambre pour se rendre l'infirmerie o Mme Smith devait lui donner une cuillere de sirop contre la toux. Quand je reviendrai, proposa-t-il, je te dirai o Wilkie est en train de rder. Mais Bennett en dcida autrement. Non, attends-moi! dit-il. Je t'accompagne. Il enfila sa robe de chambre, glissa sa lampe lectrique dans sa poche et rejoignit son camarade sur le seuil. Pas la peine de m'accompagner! Tu ne tousses pas, toi! fit observer Atkins. Ah, tu crois? N'importe qui peut tousser en cas de besoin... Ecoute-moi a!... Et une horrible toux catarrhale jaillit du larynx de Bennett. Si je peux dire que je vais voir Mme Smith, j'aurai une excuse au cas o je rencontrerais Wilkie en descendant la cave. Et si tu tombes sur lui en remontant, avec des hrissons plein les bras? demanda Briggs. S'il n'y regarde pas de trop prs, il croira peut-tre que Ben transporte des brosses en chiendent... suggra Atkins.Ddaignant de relever cette remarque, Bennett suivit Atkins sur le palier. Il avait une ide assez prcise des dplacements du professeur de service travers le collge, l'heure du coucher. En cet instant, M. Wilkinson devait se trouver dans le dortoir n 6, l'tage suprieur, et, avec un peu de chance, il resterait suffisamment de temps au dernier tage pour permettre l'excution de l'opration de secours. Mais avec les professeurs, on n'tait jamais sr de rien! Ils avaient une faon parfois dconcertante de changer leurs habitudes!Bennett savait qu'il y avait toujours un groupe d'lves, faisant la queue devant l'infirmerie, juste avant la cloche du coucher, et que cela lui donnerait un prtexte pour traner sur le palier. Puis, quand la voie serait libre, il pourrait descendre toute vitesse jusqu' la cave, reprendre son hrisson, en esprant remonter au dortoir sans se faire remarquer. Toi, tu vas rester la fin de la queue, d'o tu pourras regarder par-dessus la rampe, dit-il Atkins quand ils approchrent de l'infirmerie. Aprs avoir repris le hrisson, j'attendrai au pied de l'escalier, jusqu' ce que tu me donnes le signal que je peux remonter sans danger. Et quelle sorte de signal? demanda son complice. Il ne faut pas que ce soit quelque chose qui mette la puce l'oreille des profs, s'ils tranent par l. Non, bien sr. Alors, le plus simple ce sera que tu tousses trois fois de suite. Atkins fit une moue dubitative. Je me sens dj beaucoup mieux, dit-il, et ce n'est pas facile de tousser convenablement si l'on n'en a pas envie... Oh! ne fais pas l'idiot! rpliqua Bennett. Tu viens faire la queue ici pour prendre un remdecontre ta toux, et maintenant tu me racontes que tu ne tousses plus! Je ne disais pas a! Je disais que a allait mieux et que je...__ Pas de discussion, Atkins! Ce nest pas le moment!Et, faisant demi-tour, Bennett descendit lescalier quatre quatre, en formant des vux ardents pour ne pas tomber sur un professeur. Mais il ne s'en trouvait pas sur le palier infrieur, non plus que dans le hall, quand il atteignit le rez-de-chausse. La dernire tape du voyage jusqu'au sous-sol fut trs facile, car cette heure, l'endroit n'tait videmment pas frquent.Bennett atteignit donc sans incident la cave aux bagages. Il alluma sa lampe de poche, pntra l'intrieur, saisit le carton du hrisson endormi, et reprit toute vitesse le chemin inverse.

La chance lui souriait encore quand il mergea au rez-de-chausse pour constater que le hall tait toujours vide. Le palier du premier tage tait galement dsert, et, avec un espoir grandissant, il commena monter vers le second tage o Atkins l'attendait.Mais sur la troisime marche, il s'immobilisa, tte leve, pris d'une horrible inquitude. Atkins se penchait par-dessus la rampe, le visage dform par des grimaces de silencieux avertissement.M. Wilkinson devait rder dans les parages! Bennett attendit donc, les nerfs crisps, serrant la prcieuse bote contre son estomac, mais le signal indiquant que la voie tait libre ne venait toujours pas. Bennett commena s'affoler. Il lui fallait tre de retour au dortoir avant l'extinction des lumires. Or tout mouvement imprudent risquait maintenant de provoquer la catastrophe. Que diable fabriquait M. Wilkinson, l-haut?Bennett leva de nouveau les yeux juste au moment o Atkins, aprs un rapide coup d'il droite et gauche, descendait cinq ou six marches vers lui. a ne marche pas! Tu es coinc! annona le guetteur d'une voix basse et haletante. Wilkie et le directeur sont en train de discuter de l'autre ct du palier! Impossible de retourner au dortoir sans passer devant eux! Cette fois, Bennett sentit venir la panique. Oh! misre de malheur! souffla-t-il. Tu crois qu'ils vont rester longtemps? Atkins fit la grimace. Possible! Ils parlent de la fameuse enqutede Wilkie. Au train o a va, ils en ont pour des heures! II lana un regard anxieux vers le haut. Je ne peux pas rester! S'ils regardent de ce ct, ils pourraient trouver bizarre que je ne sois plus dans la file d'attente! Il remonta furtivement, mais il n'avait pas encore repris pied sur le palier suprieur que Bennett entendit la voix du directeur. Elle lui parut dsagrablement proche. Que faisiez-vous l'tage en dessous? demandait M. Pemberton-Oakes. Je remonte, m'sieur, rpondit Atkins. J'attendais pour voir Mme Smith, puis j'ai pens que je pourrais aller faire un tour en bas pour... euh... pour vrifier si tout allait bien... Et pourquoi tout, n'irait-il pas bien l'tage en dessous? Eh bien... euh... vous voyez ce que je veux dire, m'sieur. Je voulais seulement m'assurer que personne n'avait laiss de lumire allume ou un robinet ouvert ou des choses comme a... L'excuse tait faiblarde, mais M. Pemberton-Oakes ne jugea pas utile d'approfondir la question. C'est trs complaisant de votre part, Atkins, dit-il. Je pense cependant que vous emploieriez mieux votre temps en prenant, votre tour dans la file. Oui, m'sieur... Les pieds d'Atkins disparurent du champ visuel de Bennett lorsqu'il remonta sur le palier, et les deux professeurs reprirent leur conversation. D'aprs leur intonation, Bennett estima qu'Atkins ne se trompait pas dans ses prvisions : ils parlaienttranquillement, avec la sage lenteur de personnes qui seraient disposes prolonger leur discussion toute la nuit.** *Rconfort par sa cuillere de sirop pectoral, Atkins regagna le dortoir 4 dans un tat d'intense surexcitation. Ecoutez un peu a! Dernire nouvelle! Dernire heure! Le pauvre Ben est fait comme un rat! annona-t-il d'une voix dramatique. Il est coinc avec un hrisson dans les bras, et il ne peut pas remonter l'escalier sans tomber sur Wilkie et le directeur! Briggs, Morrison et Mortimer s'assirent dans leur lit, avec des mines horrifies. Hou-l! le pauvre Ben! Qu'est-ce qu'il va faire? Il va tre oblig de se rendre et de livrer le hrisson, dclara Atkins. Ou bien c'est a, ou bien il attendra que Wilkie le dcouvre. Il ne peut plus rien faire d'autre. Pendant quelques minutes, ils examinrent la situation, en chuchotant anxieusement, et ils en discutaient toujours quand Bennett fit soudain irruption dans le dortoir, suivi de prs par M. Wilkinson qui venait rclamer le silence et teindre les lumires.La premire chose que remarqurent les lves dj couchs, ce fut que Bennett avait les mains vides; la seconde, qui les frappa, ce fut le sourire de satisfaction sur son visage et la lueur de triomphe dans ses yeux.Nul ne put l'interroger tant que le professeur resta l, une main sur l'interrupteur, mais ds qu'il fut sorti les questions jaillirent de toutes parts : Qu'est-ce qui est arriv? Tu ne t'es pas fait piquer? demanda Atkins au comble de l'tonn-ment. Et o est le hrisson? Est-ce que Wilkie l'a vu? ajouta Mortimer avant mme que Bennett ait pu rpondre.Dans l'ombre, un petit rire monta du lit de Bennett. Pas de panique, les amis! Tout va comme sui des roulettes, annona-t-il. Je savais que je ne pourrais pas franchir le barrage avec la Ronflette dans les bras; alors je l'ai ramen dans la cave, et je l'ai chang contre la valise de Wilkie. Quoi? Qu'est-ce que tu as fait? s'cria Briggs. C'a t un coup de veine, vraiment. Je baladais ma lampe de poche tout autour, pour chercher un autre endroit o cacher le hrisson, quand j'ai vu cette valise avec les initiales L.P.W. graves sur le couvercle, qui me faisait comme un clin d'il... Lopold Prosper Wilkinson!... Alors, je l'ai retire de la cave et je suis all la porter Wilkie quand il a eu fini de discuter avec le directeur. II y eut un court silence, pendant que les auditeurs digraient cette nouvelle. Puis Morrison demanda : Et il ne t'a pas grond pour tre descendu la cave sans permission? Eh bien, il allait le faire, rpondit Bennett,mais je lui ai dit que c'tait ma bonne action de la journe : il venait de dclarer qu'il avait besoin de sa valise; alors j'ai eu le beau geste de lui viter de descendre jusqu'au sous-sol pour aller la chercher. Bennett parlait sur le ton de celui dont les arguments sont si raisonnables que mme l'adulte le plus demeur est oblig de les admettre. Et a lui a coup le sifflet, conclut-il. Il n'a pas pu rpliquer, tant donn qu'il nous rpte tout le temps qu'il faut s'aider les uns les autres!

CHAPITRE IV

ENQUTES EN TOUS GENRES

m. wilkinson revint le lundi matin de son congrs de week-end, juste avant la reprise des cours. Mais dj le hrisson avait t transfr dans un asile plus sr, tout au fond d'une cabane outils dsaffecte. Depuis le samedi il restait l, toujours en tat d'hibernation, sans rien rclamer ses deux jeunes gardiens qui venaient le regarder en cachette, chaque fois qu'ils en avaient l'occasion.Pendant la premire heure de cours avec la 3e division, M. Wilkinson avait l'intention d'aiderles lves mettre dfinitivement au point un vaste projet d'enqute statistique dont il avait dj esquiss les grandes lignes, la semaine prcdente.Il s'agissait de diviser la classe en plusieurs groupes, chacun tant charg de recueillir divers faits et chiffres au sujet de la vie du collge et de la rgion environnante. Quand toutes les informations auraient t runies et classes, les lves disposeraient d'une sorte de tableau statistique sur eux-mmes, les gens qu'ils rencontraient, et les choses avec lesquelles ils se trouvaient en contact quotidien.Par exemple, un groupe dirig par Bromwich avait dcid de visiter les fermes voisines, dont la ferme Collins, pour obtenir des informations sur les cultures que l'on y pratiquait et le btail qu'on y levait. On apprendrait aussi combien d'ouvriers agricoles, de tracteurs, charrues, herses et sac d'engrais taient ncessaires dans des fermes d'importance variable.A propos du collge lui-mme, on avait galement envisag d'intressants sujets d'tudes. C'est ainsi que Briggs et Morrison avaient entrepris la tche de calculer la quantit d'eau utilise par les soixante-dix-sept pensionnaires du collge pour faire leur toilette au cours d'un trimestre. Ils se serviraient de la liste des bains pris chaque semaine, et d'un pot confiture contenant un litre environ. Par la mme occasion, Morrison comptait aussi calculer combien de mtres cubes d'eau on perdait chaque anne par le robinet qui fuyait, au-dessus du lavabo du vestiaire.Les groupes taient libres de choisir leur sujet d'tude, condition que les rsultats de ces travaux pussent tre utiles l'ensemble de l'enqute. Or, ce qui tracassait justement M. Wilkinson, c'est que certains lves n'avaient fait que des propositions aussi fantaisistes qu'irralisables, donc sans aucun intrt. Bennett tait dans ce cas. Et c'tait prcisment pour l'aider trouver un bon sujet d'enqute que M. Wilkinson avait essay de le rencontrer en dehors des heures de classe. Mais comme le professeur s'tait absent pendant tout le week-end, la tte de Bennett tait toujours pleine d'ides fausses.Avec l'espoir de donner satisfaction son matre, il avait pass une bonne partie du dimanche aprs-midi importuner ses camarades en leur demandant de rpondre un questionnaire qu'il avait prpar. Et maintenant, en attendant l'arrive en classe de M. Wilkinson, il tudiait les rsultats chiffrs de ce sondage d'opinion. H, Morty! dit-il en levant les yeux de son bloc-notes. Je viens de terminer! Quatre-vingt-douze pour cent des gars de la 3e division savent monter bicyclette; soixante-trois pour cent ont eu la rougeole, et trente-trois copains, virgule neuf, croient qu'il y a des hommes sur Mars,.. Ah! c'est tout de mme beau, les mathmatiques appliques! Trente-trois copains virgule neuf? rpta Mortimer d'un air ahuri. C'est la dcimale, expliqua Bennett. Quand on fait des pourcentages, on est parfois forc de diviser les bonshommes en morceaux, et l'onobtient des virgule neuf d'un gars, ou neuf diximes si tu prfres. Je vois, dit Mortimer en tentant bien en vain de se reprsenter les neuf diximes d'un copain. Mais je ne crois pas que ce soit le genre de choses que nous demande Wilkie: Nous devons travailler sur des .choses relles, trouver par exemple combien il faudrait placer de tuyaux de drainage pour empcher^ que le terrain de football soit inond les jours de pluie... H! minute! protesta Martin-Jones, de la table voisine. C'est nous qui nous occupons des tuyaux, et notre groupe est dj au complet!

Je n'en voudrais pas, de tes tuyaux vaseux! rpliqua Bennett avec mpris. Je suis bien certain que Wilkie en restera baba quand il saura ce que j ai prpar, moi! Par malheur. M, Wilkinson ne fut pas du tout impressionn par les recherches de Bennett, quand il arriva pour commencer son cours. Je n'ai jamais vu tant d'absurdits! gmit-il en jetant les yeux sur les statistiques de l'lve. Etes bicyclettes! La rougeole! La vie sur Mars! A quoi voulez-vous que servent des informations de ce genre? Eh bien, m'seur, rpliqua bravement Bennett, vous savez peut-tre quon n'attrape la rougeole qu'une seule fois dans sa vie? Alors, si je vous dis combien de gars l'ont dj eue, vous pourrez calculer combien de sandwiches il vous faudra pour un pique-nique pendant une pidmie ! Et si quelques-uns des gars qui ont dj eu la rougeole ne savent pas monter bicyclette, vous saurez aussi... Brrloumm-brrloumpfff! a suffit! J'en ai trop entendu! gronda le professeur.Il roula en boule le feuillet que lui avait remis Bennett et le jeta dans la corbeille papiers. Puis il entama une petite promenade travers la classe, afin de.se dtendre les nerfs. Trop dcourag pour perdre encore du temps avec Bennett et ses imbcillits, il passa les vingt minutes suivantes aider les autres lves choisir leurs sujets d'tude. Vers la fin de l'heure, quand tout lui parut au point, il dclara : Si nous parvenons raliser quelque chose de vraiment valable, nous exposerons les rsultats de cette vaste enqute le jour de la fte du collge. Nous montrerons ainsi vos parents comment vous avez occup votre temps... Puis son regard se dirigea vers le dernier rang, o Bennett, demi tourn, regardait rveusement par la fentre, et il ajouta d'une voix tonnante : II est bien dommage que notre ami, tout au fond, soit trop occup contempler les tourneaux sur les fils tlphoniques pour prendre part ce travail. Il regrettera probablement de rester seul dans la salle de classera faire des problmes de mathmatiques, pendant que tous ses camarades seront dehors, en train de mettre en pratique leurs connaissances! Bennett se retourna vivement vers le professeur. Il tait bless et indign par une accusation aussi injuste, car, depuis une dizaine de minutes, son cerveau bouillonnait d'ides neuves au sujet de l'enqute, Je ne regardais pas les tourneaux protesta-t-il. Je r-fl-chis-sais, m'sieur! Je me concentre toujours mieux quand je regarde ailleurs, je vous le jure, m'sieur! Ravi de l'apprendre! Il me tarde de connatre le rsultat de vos profondes rflexions, dit M. Wilkinson avec un humour pesant. Eh bien, m'sieur, j'aimerais faire une enqute sur le village de Linbury. M. Wilkinson leva un sourcil souponneux. Expliquez-vous! grommela-t-il. Dans cette enqute, je calculerais des tas de choses, dit Bennett. Par exemple, combien il y a d'habitants au village, les mtiers qu'ils exercent; s'ils aiment mieux regarder la tl que jouer au football; combien ils dpensent pour

leur nourriture; s'ils collectionnent les tickets-primes; s'ils rclament un meilleur service d'autobus pour aller Dunhambury; ce qu'ils font le dimanche; combien ils demandent... M. Wilkinson l'interrompit en levant la main. Suffit pour commencer! dclara-t-il. Tout cela me semble un peu en dehors du sujet, mais vous aurez au moins quelque chose vous mettre sous la dent. Il vous faudra faire quipe avec quelquun, car vous ne pourrez jamais raliser ce travail vous seul. Mortimer leva la main. J'aimerais aller avec Bennett, m'sieur, dit-il. J'aimerais mieux a que d'aider Thompson faire la maquette en carton de la ferme Collins! M. Wilkinson eut un instant d'hsitation. Etait-il raisonnable de donner Bennett la libert de

choisir son propre sujet d'enqute? Et Mortimer galement? Hum! L'exprience avait montr que lorsqu'on lchait la bride ces deux particuliers, les rsultats taient gnralement dsastreux. Puis il dcida, malgr tout, de leur faire confiance. C'est bon, dit-il. Bennett et Mortimer travailleront donc ensemble pour faire une enqute sur... euh... sur les facteurs conomiques dans la vie du village de Linbury. L'expression tait peut-tre un peu trop solennelle pour une chose qui risquait de n'avoir aucun intrt, mais ce fut tout ce qu'il trouva sur le moment. Pendant un instant il contempla, sourcils froncs, les deux auteurs du futur rapport, puis, comme la cloche sonnait, il agita son index de faon quelque peu menaante. . Et tchez de faire du bon travail, compris? ajouta-t-il.Il pleuvait pendant la rcration du matin, quand Mortimer rejoignit Bennett dans la file d'lves qui attendaient devant le rfectoire pour avoir leur bol de lait et leurs biscuits. Pas une mauvaise ide, ce projet d'enqute Linbury! dit4l en prenant place derrire son ami. Ce sera peut-tre amusant d'aller demander aux vieilles demoiselles du village si elles ont des machines laver ou des trucs comme a. Puis il abandonna pour un instant son rle d'minent zoologiste pour celui de brillant animateur d'mission tlvise consacre quelque enqute sociale. Avec aisance, l'il vif, s'inclinant lgrement, il dclama d'une voix suraigu : Bonjour, madame! En tant que locataire de ce cottage croulant, sans eau courante, accepteriez-vous-de voir votre loyer augment pour financer la construction d'un nouvel abri d'autobus, au coin de ce lotissement? Bennett flicita Mortimer pour son nouveau rle en lui assenant dans le dos une claque qui fit glisser ses lunettes jusqu'au bout de son nez. Dans mon projet astucieux, dit-il, il y a autre chose qu'une enqute sur les appareils mnagers! Tu ne te rends pas compte quil nous donne un prtexte, garanti sans danger, pour aller nous amuser au village pendant les heures de classe? Mais c'est vrai! s'cria Mortimer en remettant ses lunettes en place. Je n'y avais pas pens! C'est tout simplement gnial.1 J'ai eu cette ide quand Wilkie a autoris Bromwich se rendre la ferme du pre Collins une matine entire, expliqua Bennett, tout en prenant une petite bouteille de lait et une paille. Je me suis dit : Tiens, tiens! Tous les autres gars, qui vont mesurer la longueur des tuyaux de drainage ou faire une enqute sur le collge mme, seront toujours coincs sur les lieux.,. Moi, il faut que je trouve quelque chose qui me sorte des griffes de Wilkie pendant deux ou trois heures. Mortimer accabla son ami de flicitations. Et nous pourrons mme aller faire un tour la ptisserie Lumley, ajouta-t-il, pour y prendre un verre de jus de fruits et quelques choux la crme... Nous en aurons d'ailleurs bien besoin, car nous nous serons fatigu la tte recueillir des tas d'informations sur les tickets-primes, et autres choses aussi passionnantes, Bennett finit son lait, prit sur le plateau sa ration de biscuits et la glissa dans sa poche.

Je les garde pour la Ronflette, dit-il afin d'expliquer ce comportement inhabituel. Ton livre dit que les hrissons mangent des biscuits, pas vrai? Instantanment, Mortimer abandonna son rle de brillant enquteur pour redevenir l'minent zoologiste. Hum! Oui, bien sr, admit-il, en fronant les sourcils et en prenant des airs penchs. Mais notre ami Erinaceus europeus ne portera certainement pas son museau sur des biscuits... mme aussi moisis que ceux du collge! De qui parles-tu? De notre Erinaceus europeus : a veut dire hrisson en latin. Ou plutt, a ne veut pas dire exactement a, parce que les Romains l'appelaient autrement... Alors, pourquoi dire que c'est du latin, si a n'en est pas? Oh! mais si, c'en est! C'est une sorte spciale de latin que les savants ont invente, maintenant que les gens ne parlent plus latin. Ou plutt, c'est comme si... Mortimer s'interrompit. L'explication devenait si confuse qu'il jugea prfrable de changer prcipitamment de sujet : Allons un peu le voir, tu veux? proposa-t-il.Mais au mme instant, la cloche sonna la fin de la rcration, et ce fut seulement le lendemain, aprs le football, que les deux garons purent se rendre sans tre observs dans la cabane outils. Ils apportaient une petite bouteille de lait et quelques biscuits.Le hrisson tait toujours une boule compltement inerte; l'eau et la nourriture que les garonslui avaient apportes lors des prcdentes visites, n'avaient pas t touches. Bennett s'accroupit et observa de prs la petite bte endormie. Il ne discerna pas le moindre signe de vie. II sera incapable de mettre son nez dans la bouteille de lait, dit Mortimer en cherchant, parmi les pots de fleurs, un rcipient plat et tanche. D'ailleurs, je me demande si c'est ncessaire de lui laisser manger, tant qu'il n'est pas rveill... II montra les bribes de nourriture dessche ou demi moisie, ainsi que la soucoupe d'eau recouverte d'une pellicule de poussire. C'est seulement encourager les rats! Oui, dit Bennett, mais si on ne laisse rien, que se passera-t-il quand il s'veillera, hein? Nous ne serons probablement pas l, ce moment, et il ne trouvera rien manger. Que faut-il faire ? Une fois de plus, ils se sentaient dsempars, n'ayant personne pour les conseiller. Le livre de la bibliothque tait plein de prcieux renseignements, mais il ne rpondait justement pas aux questions qui les proccupaient.Il tait temps pour eux de repartir, car, s'ils arrivaient en retard au vestiaire, ils risquaient de se faire remarquer par le professeur de service. Moi, je ne m'inquiterais pas trop, dit Mortimer qui rempocha sa petite bouteille de lait et ses biscuits. La Ronflette ne va pas se rveiller d'un coup, tout frtillant de la queue, en hurlant pour rclamer son breakfast! Je crois que case fera progressivement, puis il se rendormira encore pour un moment... Du moins c'est ce que je pense. Bennett tait en train d'enterrer les restes de

nourriture dans le sol spongieux, prs de la porte de la cabane. Il eut un rire moqueur. Eh bien, tu penses tout de travers, dit-il. Il faut trouver quelqu'un qui connaisse la question, voil! II termina son travail, jeta un regard prudent travers le potager, puis, avec Mortimer, il reprit en hte le chemin du collge. Nous trouverons peut-tre quelque chose en faisant notre enqute au village, dit-il avec espoir. Aprs tout, il doit bien y avoir quelqu'un Linbury qui s'y connat en hrissons!

CHAPITRE VLA PAUSE-CAF

aprs s'tre donn beaucoup de mal pour former les diffrentes quipes et dfinir leurs tches, M. Wilkinson put se dire avec satisfaction, vers le milieu de la semaine, que son projet d'enqute tait parfaitement au point et pouvait dmarrer.Les seuls lves avec lesquels il et prouv des difficults taient Bennett et Mortimer. Ils avaient dress une liste des choses qu'ils comptaient faire, et qui, au premier abord, semblaient prometteuses. Mais y regarder de plus prs,

cependant, on s'apercevait que ce qu'ils proposaient tait soit difficilement ralisable, soit dnu d'intrt.Bennett, par exemple, voulait interroger tous les gens qui, Linbury, possdaient un potager : faisaient-ils pousser leurs propres lgumes parce que cela revenait moins cher, ou parce qu'ils avaient meilleur got que les lgumes surgels en vente dans la boutique du village? Vous ne pouvez pas aller importuner des inconnus avec des questions semblables! gmit M. Wilkinson, alors que toutes les quipes d'enquteurs taient runies dans la salle de classe, pour une dernire mise au point, le jeudi aprs-midi Mais vous avez dit que Bromwich pourrait demander tout ce qu'il voudrait M. Collins au sujet de sa ferme et de ses cochons! objecta Bennett. Ce n'est pas la mme chose. M. Collins est un ami du collge, et il a accept de cooprer avec nous. Puis M. Wilkinson tapota sur sa table avec son crayon bille, pour bien souligner ce qu'il allait dire : Mais je ne veux pas, reprit-il, que vous alliez sonner aux portes pour empoisonner les mnagres au milieu de leur travail. Vous devrez dcouvrir les faits par votre seule observation personnelle. Bennett soupira. C'tait la troisime suggestion de sa liste que M. Wilkinson rayait depuis le dbut de la sance. Eh bien, que diriez-vous des antennes de tlvision, m'sieur? intervint Mortimer avec espoir. Cette ide avait t sa contribution personnelle l'enqute, et il en tait trs fier. Nous pouvons circuler partout et compter les antennes sur les chemines, sans adresser la parole personne! M. Wilkinson fit la moue, mais il couta tout de mme la suite : Mortimer proposait de compter toutes les maisons du village, en notant combien d'entre elles avaient une antenne de tlvision sur leur toit. Aprs cela, les deux garons feraient le mme calcul Dunhambury, mais sur une plus petite chelle. De la sorte, dclarait Mortimer, on pourrait comparer le nombre de rcepteurs en usage dans une zone rurale, avec ceux d'une ville de moyenne importance.M. Wilkinson n'apprciait que modrment ce sujet d'enqute, mais il s'tait dj oppos tant de propositions absurdes qu'il ne voulut pas dcourager les deux garons. Il pensa d'ailleurs que Bennett et Mortimer risquaient moins de faire des btises si leur seule occupation tait d'arpenter les rues du village en regardant les chemines. C'est bon, dclara-t-il, en les renvoyant d'un geste leur place. Mais je ne veux pas seulement une masse de chiffres qui ne signifient rien. Tchez d'en tirer des enseignements valables! Le village de Linbury est situ cheval sur la grand-route de Dunhambury, qui va du nord au sud, et il s'parpille des deux cts vers l'est et vers l'ouest. En fait, il s'parpille si bien, et