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Onze sites régionaux inscrits au patrimoine de l’Unesco Avec la chapelle Notre Dame du Haut à Ronchamp (Haute-Saône) inscrite en juillet dernier au sein d’un ensemble architectural signé Le Corbusier, la Bour- gogne-Franche-Comté peut s’enorgueillir de comp- ter onze sites appartenant au patrimoine mondial de l’Unesco. Au-delà de cette reconnaissance presti- gieuse, le label renforce l’activité touristique, culturelle et économique. Premier site français inscrit en 1979, la basilique de Vézelay avec sa colline (Yonne) a été rejointe deux ans plus tard par l’abbaye cistercienne de Fontenay (Côte d’Or), la plus ancienne conservée en France. La saline royale d’Arc-et-Senans (Doubs) a fait son entrée au sein de cette élite en 1982 avant d’y être associée à sa voisine de Salins-les-Bains (Jura) en 2009. Auparavant, en 1998, le prieuré de La Cha- rité-sur-Loire (Nièvre) et l’église d’Asquins (Yonne) ont été retenus au titre des chemins de Saint-Jacques- de-Compostelle. La citadelle de Besançon a suivi en 2008, au sein du réseau Vauban et le Jura a marqué des points en 2011 avec l’inscription des lacs de Cha- lain et de Clairvaux en tant qu’anciens sites lacustres préhistoriques. Les Climats de Bourgogne, qui comprennent Beaune et Dijon en Côte d’Or, complètent la liste depuis 2015, ainsi que la chapelle de Ronchamp, dernière arrivée. De quoi s’offrir un circuit de découverte varié, mêlant architecture industrielle, militaire et cultuelle, de dimension internationale. Besançon, citadelle ouverte La splendeur royale d’Arc-et-Senans Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2008 parmi douze sites majeurs créés par Vauban, la citadelle de Besançon (Doubs) est devenue le premier établissement touris- tique à entrée payante de Franche-Comté. Elle le doit à son grand intérêt patrimonial, mais aussi à ses activités culturelles et lu- diques qui enrichissent la visite. La citadelle abrite en effet trois musées au label national : celui de la Résistance et de la Déportation, haut-lieu mémoriel et pédagogique, celui des traditions comtoises, et le museum réparti en cinq centres d’intérêts, dont le zoo. Sa situation, en aplomb de la capitale régio- nale, lui confère une majesté indéniable. Mais ceux qui en ont fait une forteresse n’étaient pas seulement subjugués par la beauté du panorama. Jules César y avait déjà décelé un intérêt stratégique majeur lors de la guerre des Gaules et les Habsbourg avaient commencé à fortifier le site avant leur confrontation avec le Roi-Soleil. Après la conquête de la Franche-Comté, Vauban, l’ingénieur militaire de Louis XIV, leur avait naturellement emboîté le pas. Achevée en 1683, la citadelle n’a pourtant pas connu un grand destin militaire, ce qui lui doit en partie d’avoir conservé sa richesse patrimo- niale. La lettre de Henri Fertet Elle a surtout servi de prison, particulière- ment pendant l’Occupation, donnant ainsi une légitimité renforcée au musée de la Ré- sistance et de la Déportation. C’est en effet dans ses murs qu’une centaine de patriotes ont été fusillés, dont Henri Fertet, âgé de 17 ans. A l’instar de Guy Mocquet, le jeune homme avait écrit une lettre émouvante à ses parents. Ironie du sort, comme à la saline d’Arc-et-Senans : les résistants ont laissé la place à des prisonniers allemands jusqu’en 1948. Classée au titre des monuments histo- riques, la citadelle de Besançon a été cédée à la Ville par l’Armée en 1960. Plusieurs fois restaurée, elle tient une place majeure dans le musée à ciel ouvert reconnu par l’Unesco, pour mieux comprendre le génie militaire de Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban. Contact : www.citadelle.com. Ouvert de 10h à 17h30 ce week-end, avec présentation des res- taurations actuelles ce samedi, et démonstrations des Compagnons du devoir ce dimanche. Anima- tions également au musée de la Résistance et de la Déportation et au musée comtois. Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1982, la saline royale d’Arc-et-Senans (Doubs) est un bijou d’architecture indus- trielle et sociale. Sa construction, entre 1775 et 1779, a révolutionné l’habitat, valorisant un ordonnancement harmonieux où se mê- laient activité saline, vie ouvrière et majesté du pouvoir. Son concepteur Claude-Nicolas Ledoux, architecte du roi Louis XV, n’a pas eu l’occasion de poursuivre son œuvre qui devait prolonger la manufacture sous la forme d’une cité idéale. Le musée qui lui est dédié dans le bâtiment des Tonneliers montre d’ailleurs des maquettes de plu- sieurs projets inaboutis. Mais ce témoignage tangible du siècle des Lumières se suffit à lui-même, faisant admirer sa beauté tout en reprenant du service. La dernière preuve en date est le méga-concert de David Gilmour, l’ex-guitariste de Pink Floyd, qui a attiré près de 20 000 spectateurs sur le site en juillet dernier. Une petite sœurjurassienne Etablissement public de coopération cultu- relle, la saline d’Arc-et-Senans accueille également des expositions temporaires dans son bâtiment des sels, et diverses ani- mations. Elle abrite aussi l’institut Claude- Nicolas Ledoux, qui fait partie du réseau européen des centres culturels de rencontre depuis plus de quarante ans. La saline n’est pas orgueilleuse puisqu’elle partage les honneurs du patrimoine mondial avec une petite sœurjurassienne. L’Unesco lui a en effet adjoint la saline de Salins-les-Bains en 2009. Une reconnaissance logique, les deux établissements étant reliés à l’époque par un cordon ombilical permettant la circulation de l’eau salée. Mais l’industrie du sel n’est pas la seule à avoir imprégné les murs. La manufacture d’Arc-et-Senans a également accueilli des républicains espagnols en 1939, puis des tziganes et des nomades vic- times de l’oppression nazie de 1941 à 1943. Ironie du sort : ce sont des prisonniers de guerre allemands qui les ont remplacés en 1944 et 1945. Ce site incomparable, qui fait depuis long- temps la fierté de la Franche-Comté, a survé- cu aux vicissitudes pour le bonheur de tous. D’abord à l’arrêt de la production saline à la fin du XIX° siècle, victime de la concur- rence du sel marin. Ensuite à l’oubli et à la dégradation après-guerre. A chaque fois, la mobilisation a été au rendez-vous, entraî- nant son classement au titre des monu- ments historiques en 1926, son rachat par le département du Doubs l’année suivante et une première restauration en 1930. Suivie d’une autre réhabilitation plus récente et de son inscription au patrimoine de l’Unesco. Arc-et-Senans reste un phare culturel incon- tournable. François Zimmer n Contact : 03 81 54 45 45 ou www.salineroyale. com. Entrée de 9h à 18h ce week-end : 5€ à par- tir de 12 ans. Visites guidées possibles de 9h30 à 16h30 (avec supplément de 2,20€). Le béton sacré de Le Corbusier Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en juillet dernier, après deux échecs en 2009 et 2011, la chapelle de Ronchamp (Haute- Saône) a enfin la reconnaissance qu’elle mérite, au même titre que seize autres ré- alisations de l’architecte franco-suisse Le Corbusier. Classée monument historique en 1967, elle avait décroché le label Patri- moine du XX° siècleen 1999. L’ensemble du site avait obtenu un classement cinq ans plus tard, à savoir la maison du gardien, l’abri du pèlerin, les tables de béton, la cave, la pyramide et le campanile créé par Jean Prouvé. Construite de 1953 à 1955 sur la col- line de Bourlémont, la chapelle catholique de Ronchamp n’est pas simplement Notre- Dame-du-Haut, un bâtiment cultuel repré- sentatif de son époque. Elle a été érigée à la place d’une ancienne chapelle détruite par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, elle-même bâtie sur un ancien sanctuaire gallo-romain. Cette identité spiri- tuelle persistante en fait un lieu unique en Franche-Comté. La création d’une nouvelle porterie et d’un couvent pour les clarisses de Besançon en 2011, œuvre de l’architecte Renzo Piano, n’a pas perturbé l’inscription à l’Unesco, malgré les critiques émises à l’époque. Cette adjonction a été accompagnée d’un remo- delage paysager effectué par Michel Cora- joud. Une touche qui ajoute encore à l’image verdoyante de la chapelle, tache blanche au milieu de la forêt et véritable phare pour les automobilistes qui la voient de loin. Pour certains, le béton employé par Le Corbusier, architecte athée pourtant peu enclin à créer des courbes, est devenu sacré. Contact : 03 84 20 65 13 ou www.collinenotre- dameduhaut.com. Visite commentée ce week- end de 10 h à 18 h et circuit nocturne samedi de 19h15 à 20h45. Prix : 8€ (4€ moins de 8 ans). Inscription obligatoire. “Le patrimoine fait société” Pour Bernard Falga, Directeur régional des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté, les Journées européennes du Patrimoine expriment un besoin commun de vivre-en- semble. La citoyenneté servira de fil conducteur à ces nouvelles Journées du Patrimoine. Le choix de cette thématique vous semble-t-il pertinent ? Tout à fait. Ce rapprochement entre patrimoine et citoyenneté n’est pas de circonstance, les deux thèmes sont intrinsèquement liés. Si l’on veut former des citoyens, renforcer la cohésion entre les différents groupes qui forment une société, il faut un socle commun. Nous avons une histoire, des valeurs partagées, des monuments ouverts à tous et que l’on se doit de transmettre aux générations qui vont nous succéder. Le patrimoine, c’est tout ça. L’un des buts de ces Journées, c’est de toucher un maximum de jeunes, le plus tôt possible, pour qu’ils puissent sentir que tous ces lieux que nous protégeons ont du sens, font société et constituent une référence pour tous les citoyens de ce pays. L’engouement que suscitent les Journées du Patrimoine ne se dément pas d’une édition à l’autre. Comment expliquez-vous ce succès ? Par le besoin qu’il exprime dans une société de plus en plus morcelée, individualiste, prise dans une course effrénée à l’acquisition de biens matériels. Ce besoin collectif, c’est la nécessité de pouvoir se retrouver autour de références communes, matérialisées par des biens, des monu- ments qui appartiennent à tous, sans exclusive. En ce sens, le succès des Journées du patrimoine est sûrement l’expression d’un besoin de vivre ensemble. La chapelle de Ronchamp (Haute-Saône), classée cet été au Patrimoine mondial de l’Unesco, sera l’une des vedettesde cette édition… Le classement de la chapelle Notre-Dame du Haut est en effet très impor- tant. Il s’agit là d’un chef d’œuvre absolu ; c’est aussi un élément très singulier du travail de Le Corbusier, aujourd’hui classé, dont on connaît surtout les ensembles urbains, les unités d’habitation, les grands im- meubles... La chapelle est en soi une œuvre d’art, une sculpture monu- mentale qui touche au sacré ce qui peut surprendre de la part de ce grand architecte agnostique. Il se trouve que ce joyau est situé en Haute-Saône ce qui renforce la position de la Bourgogne-Franche-Comté, l’une des régions les plus riches - avec l’Occitanie-Midi Pyrénées - au regard du Patrimoine mondial de l’Unesco avec une dizaine de sites classés, dans nos huit départements (lire ci-dessous). Difficile de ne pas évoquer la menace terroriste. Quelles mesures allez- vous prendre pour assurer la sécurité des visiteurs ? Ministères de l’Intérieur et de la Culture ont travaillé main dans la main sur cette question en effet cruciale. Des instructions très précises ont été envoyées aux préfets pour sécuriser les sites qui seront ouverts au public, ce week-end (1 500 en Bourgogne-Franche-Comté), avec des contrôles extrêmement stricts à l’entrée des lieux publics et l’obligation, pour les sites privés, d’organiser des dispositifs similaires. Quelles seront les temps forts de cette 33e édition ? Ils seront nombreux (lire le programme détaillé en pages centrales), de l’exposition consacrée aux symboles de la République proposée à la mairie de Lons-le-Saulnier aux ateliers pour jeunes mis en place sur le thème de la Résistance à la citadelle de Besançon, en passant par le mur d’expression citoyen installé dans la cour d’honneur de la citadelle de Belfort, jusqu’aux circuits découvertes tracés dans la ville de Dole et les animations imaginées au Palais des États de Dijon. Encore ne s’agit-il là que de quelques exemples, dans un programme particulièrement étoffé cette année. Propos recueillis par Nicolas BASTUCK Bernard Falga en 6 dates 1951 : naissance à Épernay (Marne) 1973 : entre à l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud 1978 : agrégation de philosophie 1987 : dirige l’Institut Français de Berlin 1998 : conseiller culturel à l’ambassade de France à Moscou 2016 : Directeur des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté Arc-et-Senans reste un phare culturel incontournable. ©Photo Samuel Coulon La citadelle n’a pas connu un grand destin militaire. ©Photo Nicolas Barreau Un phare pour les automo- bilistes qui la voient de loin. ©Photo L. Vadam ©Lionel Vadam

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Onze sites régionaux inscrits au patrimoine de l’Unesco

Avec la chapelle Notre Dame du Haut à Ronchamp (Haute-Saône) inscrite en juillet dernier au sein d’un ensemble architectural signé Le Corbusier, la Bour-gogne-Franche-Comté peut s’enorgueillir de comp-ter onze sites appartenant au patrimoine mondial de l’Unesco. Au-delà de cette reconnaissance presti-gieuse, le label renforce l’activité touristique, culturelle et économique. Premier site français inscrit en 1979, la basilique de Vézelay avec sa colline (Yonne) a été rejointe deux ans plus tard par l’abbaye cistercienne de Fontenay (Côte d’Or), la plus ancienne conservée en France. La saline royale d’Arc-et-Senans (Doubs) a fait son entrée au sein de cette élite en 1982 avant d’y être associée à sa voisine de Salins-les-Bains (Jura) en 2009. Auparavant, en 1998, le prieuré de La Cha-rité-sur-Loire (Nièvre) et l’église d’Asquins (Yonne) ont été retenus au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. La citadelle de Besançon a suivi en 2008, au sein du réseau Vauban et le Jura a marqué des points en 2011 avec l’inscription des lacs de Cha-lain et de Clairvaux en tant qu’anciens sites lacustres préhistoriques. Les Climats de Bourgogne, qui comprennent Beaune et Dijon en Côte d’Or, complètent la liste depuis 2015, ainsi que la chapelle de Ronchamp, dernière arrivée. De quoi s’offrir un circuit de découverte varié, mêlant architecture industrielle, militaire et cultuelle, de dimension internationale.

Besançon, citadelle ouverte

La splendeur royale d’Arc-et-Senans

Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2008 parmi douze sites majeurs créés par Vauban, la citadelle de Besançon (Doubs) est devenue le premier établissement touris-tique à entrée payante de Franche-Comté. Elle le doit à son grand intérêt patrimonial, mais aussi à ses activités culturelles et lu-

diques qui enrichissent la visite. La citadelle abrite en effet trois musées au label national : celui de la Résistance et de la Déportation, haut-lieu mémoriel et pédagogique, celui des traditions comtoises, et le museum réparti en cinq centres d’intérêts, dont le zoo.Sa situation, en aplomb de la capitale régio-nale, lui confère une majesté indéniable. Mais ceux qui en ont fait une forteresse n’étaient pas seulement subjugués par la beauté du panorama. Jules César y avait déjà décelé un intérêt stratégique majeur lors de la guerre des Gaules et les Habsbourg avaient commencé à forti� er le site avant leur confrontation avec le Roi-Soleil. Après la conquête de la Franche-Comté, Vauban, l’ingénieur militaire de Louis XIV, leur avait naturellement emboîté le pas. Achevée en 1683, la citadelle n’a pourtant pas connu un grand destin militaire, ce qui lui doit en partie d’avoir conservé sa richesse patrimo-niale.

La lettre de Henri FertetElle a surtout servi de prison, particulière-ment pendant l’Occupation, donnant ainsi

une légitimité renforcée au musée de la Ré-sistance et de la Déportation. C’est en effet dans ses murs qu’une centaine de patriotes ont été fusillés, dont Henri Fertet, âgé de 17 ans. A l’instar de Guy Mocquet, le jeune homme avait écrit une lettre émouvante à ses parents. Ironie du sort, comme à la saline d’Arc-et-Senans : les résistants ont laissé la place à des prisonniers allemands jusqu’en 1948. Classée au titre des monuments histo-riques, la citadelle de Besançon a été cédée à la Ville par l’Armée en 1960. Plusieurs fois restaurée, elle tient une place majeure dans le musée à ciel ouvert reconnu par l’Unesco, pour mieux comprendre le génie militaire de Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban.

Contact : www.citadelle.com. Ouvert de 10h à 17h30 ce week-end, avec présentation des res-taurations actuelles ce samedi, et démonstrations des Compagnons du devoir ce dimanche. Anima-tions également au musée de la Résistance et de la Déportation et au musée comtois.

Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1982, la saline royale d’Arc-et-Senans (Doubs) est un bijou d’architecture indus-trielle et sociale. Sa construction, entre 1775 et 1779, a révolutionné l’habitat, valorisant un ordonnancement harmonieux où se mê-laient activité saline, vie ouvrière et majesté du pouvoir. Son concepteur Claude-Nicolas Ledoux, architecte du roi Louis XV, n’a pas eu l’occasion de poursuivre son œuvre qui devait prolonger la manufacture sous la forme d’une cité idéale. Le musée qui lui est dédié dans le bâtiment des Tonneliers

montre d’ailleurs des maquettes de plu-sieurs projets inaboutis. Mais ce témoignage tangible du siècle des Lumières se suf� t à lui-même, faisant admirer sa beauté tout en reprenant du service. La dernière preuve en date est le méga-concert de David Gilmour, l’ex-guitariste de Pink Floyd, qui a attiré près de 20 000 spectateurs sur le site en juillet dernier.

Une “petite sœur” jurassienneEtablissement public de coopération cultu-relle, la saline d’Arc-et-Senans accueille également des expositions temporaires dans son bâtiment des sels, et diverses ani-mations. Elle abrite aussi l’institut Claude-Nicolas Ledoux, qui fait partie du réseau européen des centres culturels de rencontre depuis plus de quarante ans. La saline n’est pas orgueilleuse puisqu’elle partage les honneurs du patrimoine mondial avec une “petite sœur” jurassienne. L’Unesco lui a en effet adjoint la saline de Salins-les-Bains en 2009. Une reconnaissance logique, les deux établissements étant reliés à l’époque par un cordon ombilical permettant la circulation de l’eau salée. Mais l’industrie du sel n’est pas la seule à avoir imprégné les murs. La manufacture d’Arc-et-Senans a également accueilli des républicains espagnols en 1939, puis des tziganes et des nomades vic-times de l’oppression nazie de 1941 à 1943.

Ironie du sort : ce sont des prisonniers de guerre allemands qui les ont remplacés en 1944 et 1945.Ce site incomparable, qui fait depuis long-temps la � erté de la Franche-Comté, a survé-cu aux vicissitudes pour le bonheur de tous. D’abord à l’arrêt de la production saline à la � n du XIX° siècle, victime de la concur-rence du sel marin. Ensuite à l’oubli et à la dégradation après-guerre. A chaque fois, la mobilisation a été au rendez-vous, entraî-nant son classement au titre des monu-ments historiques en 1926, son rachat par le département du Doubs l’année suivante et une première restauration en 1930. Suivie d’une autre réhabilitation plus récente et de son inscription au patrimoine de l’Unesco. Arc-et-Senans reste un phare culturel incon-tournable.

François Zimmer n

Contact : 03 81 54 45 45 ou www.salineroyale.com. Entrée de 9h à 18h ce week-end : 5€ à par-tir de 12 ans. Visites guidées possibles de 9h30 à 16h30 (avec supplément de 2,20€).

Le béton sacré de Le Corbusier

Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en juillet dernier, après deux échecs en 2009 et 2011, la chapelle de Ronchamp (Haute-Saône) a en� n la reconnaissance qu’elle

mérite, au même titre que seize autres ré-alisations de l’architecte franco-suisse Le Corbusier. Classée monument historique en 1967, elle avait décroché le label “Patri-moine du XX° siècle” en 1999. L’ensemble du site avait obtenu un classement cinq ans plus tard, à savoir la maison du gardien, l’abri du pèlerin, les tables de béton, la cave, la pyramide et le campanile créé par Jean Prouvé. Construite de 1953 à 1955 sur la col-line de Bourlémont, la chapelle catholique de Ronchamp n’est pas simplement Notre-Dame-du-Haut, un bâtiment cultuel repré-sentatif de son époque. Elle a été érigée à la place d’une ancienne chapelle détruite par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, elle-même bâtie sur un ancien sanctuaire gallo-romain. Cette identité spiri-tuelle persistante en fait un lieu unique en Franche-Comté.

La création d’une nouvelle porterie et d’un couvent pour les clarisses de Besançon en 2011, œuvre de l’architecte Renzo Piano, n’a pas perturbé l’inscription à l’Unesco, malgré les critiques émises à l’époque. Cette adjonction a été accompagnée d’un remo-delage paysager effectué par Michel Cora-joud. Une touche qui ajoute encore à l’image verdoyante de la chapelle, tache blanche au milieu de la forêt et véritable phare pour les automobilistes qui la voient de loin. Pour certains, le béton employé par Le Corbusier, architecte athée pourtant peu enclin à créer des courbes, est devenu sacré.

Contact : 03 84 20 65 13 ou www.collinenotre-dameduhaut.com. Visite commentée ce week-end de 10 h à 18 h et circuit nocturne samedi de 19h15 à 20h45. Prix : 8€ (4€ moins de 8 ans). Inscription obligatoire.

“Le patrimoine fait société”Pour Bernard Falga, Directeur régional des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté, les Journées européennes du Patrimoine expriment “un besoin commun de vivre-en-semble”.

La citoyenneté servira de fi l conducteur à ces nouvelles Journées duPatrimoine. Le choix de cette thématique vous semble-t-il pertinent ?Tout à fait. Ce rapprochement entre patrimoine et citoyenneté n’est pas de circonstance, les deux thèmes sont intrinsèquement liés. Si l’on veut former des citoyens, renforcer la cohésion entre les différents groupes qui forment une société, il faut un socle commun. Nous avons une histoire, des valeurs partagées, des monuments ouverts à tous et que l’on se doit de transmettre aux générations qui vont nous succéder. Le patrimoine, c’est tout ça. L’un des buts de ces Journées, c’est de toucher un maximum de jeunes, le plus tôt possible, pour qu’ils puissent sentir que tous ces lieux que nous protégeons ont du sens, font société et constituent une référence pour tous les citoyens de ce pays.

L’engouement que suscitent les Journées du Patrimoine ne se dément pas d’une édition à l’autre. Comment expliquez-vous ce succès ?Par le besoin qu’il exprime dans une société de plus en plus morcelée, individualiste, prise dans une course effrénée à l’acquisition de biens matériels. Ce besoin collectif, c’est la nécessité de pouvoir se retrouver autour de références communes, matérialisées par des biens, des monu-ments qui appartiennent à tous, sans exclusive. En ce sens, le succès des Journées du patrimoine est sûrement l’expression d’un besoin de vivre ensemble.

La chapelle de Ronchamp (Haute-Saône), classée cet été au Patrimoine mondial de l’Unesco, sera l’une des “vedettes” de cette édition…Le classement de la chapelle Notre-Dame du Haut est en effet très impor-tant. Il s’agit là d’un chef d’œuvre absolu ; c’est aussi un élément très singulier du travail de Le Corbusier, aujourd’hui classé, dont on connaît surtout les ensembles urbains, les unités d’habitation, les grands im-meubles... La chapelle est en soi une œuvre d’art, une sculpture monu-mentale qui touche au sacré ce qui peut surprendre de la part de ce grand architecte agnostique. Il se trouve que ce joyau est situé en Haute-Saône ce qui renforce la position de la Bourgogne-Franche-Comté, l’une des régions les plus riches - avec l’Occitanie-Midi Pyrénées - au regard du Patrimoine mondial de l’Unesco avec une dizaine de sites classés, dans nos huit départements (lire ci-dessous).

Diffi cile de ne pas évoquer la menace terroriste. Quelles mesures allez-vous prendre pour assurer la sécurité des visiteurs ?Ministères de l’Intérieur et de la Culture ont travaillé main dans la main sur cette question en effet cruciale. Des instructions très précises ont été envoyées aux préfets pour sécuriser les sites qui seront ouverts au public, ce week-end (1 500 en Bourgogne-Franche-Comté), avec des contrôles extrêmement stricts à l’entrée des lieux publics et l’obligation, pour les sites privés, d’organiser des dispositifs similaires.

Quelles seront les temps forts de cette 33e édition ?Ils seront nombreux (lire le programme détaillé en pages centrales), de l’exposition consacrée aux symboles de la République proposée à la mairie de Lons-le-Saulnier aux ateliers pour jeunes mis en place sur le thème de la Résistance à la citadelle de Besançon, en passant par le mur d’expression citoyen installé dans la cour d’honneur de la citadelle de Belfort, jusqu’aux circuits découvertes tracés dans la ville de Dole et les animations imaginées au Palais des États de Dijon. Encore ne s’agit-il là que de quelques exemples, dans un programme particulièrement étoffé cette année.

Propos recueillis par Nicolas BASTUCK

Bernard Falga en 6 dates

1951 : naissance à Épernay (Marne) 1973 : entre à l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud 1978 : agrégation de philosophie 1987 : dirige l’Institut Français de Berlin 1998 : conseiller culturel à l’ambassade de France à Moscou 2016 : Directeur des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté

Arc-et-Senans reste un phare culturel incontournable.©Photo SamuelCoulon

La citadelle n’a pas connu un grand destin militaire.©Photo NicolasBarreau

Un phare pour les automo-bilistes qui la voient de loin. ©Photo L. Vadam

©Lionel Vadam