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Numéro 2014 EDITORIAL Vers une mobilité durable et responsable Serge Piperno ENTRETIEN AVEC Thierry Georges Président du Directoire d’Oxxius www.see.asso.fr 4 ISSN 1265-6534 DOSSIERS Les enjeux de la recherche pour la transition énergétique Par Pierre Papon L'ARTICLE INVITÉ

Aperçu du numéro 2014-4 de la REE (octobre 2014)

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ÉNERGIE TELECOMMUNICATIONS SIGNAL COMPOSANTS AUTOMATIQUE INFORMATIQUE

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014 EDITORIAL

Vers une mobilité durable et responsableSerge Piperno

ENTRETIEN AVEC Thierry Georges

Président du Directoire d’Oxxius

www.see.asso.fr

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ISSN

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DOSSIERS

Les enjeux de la recherche pour la transition énergétiquePar Pierre Papon

L'ARTICLE INVITÉ

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Zone de texte
Cette aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2014-4 de la revue, publié en octobre 2014. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.
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L ’IFSTTAR, Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aména-gement et des Réseaux, est depuis 20111 l’établissement français de recherche pu-

blique en pointe sur les transports terrestres, qu’il aborde dans l’ensemble de ses dimensions – systèmes, infras-tructures, sécurité, santé, aménagement, usages, etc. – mais aussi sous ses angles scientifiques et techniques. Dès 2012, le tout nouvel institut a mobilisé ses forces vives et ses réseaux pour construire sa stratégie scienti-fique à 10 ans et cibler les grands thèmes de recherche prioritaires pour les années à venir. Les thématiques liées aux transports y sont omniprésentes et cette photogra-phie, qu’il faudra actualiser régulièrement, peut être éclai-rante pour les lecteurs de la REE.

L’Institut inscrit son action dans une perspective essen-tielle : « innover pour une mobilité durable et respon-sable ». Il s’agit aussi bien de réduire la consommation d’énergie fossile, la production de gaz à effet de serre et la pollution locale, notamment par l’offre de nouveaux transports collectifs et de nouvelles pratiques, que de réduire l’accidentalité routière et aller au-delà des succès déjà rencontrés.

Ceci passe par une meilleure compréhension des comportements et des usages (télétravail, covoiturage, nouveaux services, multi-modalité, modes doux), une meilleure métrologie (développement de nouvelles méthodologies d’enquêtes, intégration de données mas-sives de mobilité – téléphonie mobile, billetterie, observa-tion), une meilleure anticipation des besoins émergents en transports et en mobilité. Nous nous intéressons à l’analyse de la dynamique des mobilités et des usages à toutes les échelles, en intégrant les facteurs écono-miques, psychologiques, environnementaux, sociaux et décisionnels. Tous ces éléments permettront aussi de concevoir des politiques, des solutions et des services de mobilité innovants. Pour cela, nous nous appuyons sur des recherches visant l’élaboration et le partage des données, le développement de briques technologiques

1 Création de l’IFSTTAR début janvier 2011, par fusion de l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets) et du Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC).

pour les services et les systèmes de transport intelligents et leur intégration dans des démonstrateurs (communi-cation, détection, coopération véhicule/infrastructures, géolocalisation, géomatique, approches intégrées habitat transport, etc.). Dans ce cadre, nous développons une approche pluridisciplinaire articulant développements technologiques et sciences humaines et sociales, prenant en compte l’acceptabilité de ces dispositifs, leur impact sur les habitudes de mobilité, l’ergonomie des interfaces et des interactions, le design des solutions de transport, les pratiques et politiques actuelles, les pratiques liées aux nouveaux outils, les approches économiques.

Parallèlement, renforcer la sécurité et le confort dans les transports et minimiser les impacts sur la santé restent des sujets d’intérêt majeur, pour lesquels l’Institut est l’un des leaders internationaux (biomécanique, épi-démiologie des accidents, psycho-ergonomie, études détaillées d’accidents, etc.). Il reste des progrès à faire sur la compréhension des causes d’accidents et leurs conséquences corporelles, en particulier pour certaines catégories spécifiques d’usagers (deux-roues motorisés, piétons, handicapés, conducteurs professionnels...). Les comportements à risque (certains jeunes, alcools...), l’altération de la compétence de conduite (vieillissement, pathologie, etc.), et les modifications « nouvelles » des conditions de conduite (distraction par les téléphones mobiles ou dispositifs d’assistance à la conduite) consti-tuent également des thèmes de recherche.

Enfin, les contraintes économiques et écologiques ac-tuelles, souvent contradictoires (économies d’énergie, faibles impacts environnementaux, rapidité, sécurité, flexibilité, confort, coût, accessibilité...) incitent à viser une gestion optimale des systèmes de transport. Les questions de recherche induites concernent aussi bien le mode routier (voiture, deux-roues motorisés) que les modes guidés (train, métro, tramway) ou les modes ac-tifs (vélo, marche) et nécessitent des modèles précis et complets, permettant d’analyser le système, de le gérer et d’éclairer sur ses usages réels. Ces modèles pourront être validés grâce aux nouvelles sources de données géo-localisées, apportant une traçabilité inédite des mobilités. A terme, des outils permettant la comparaison quanti-tative de stratégies de gestion des réseaux constituent

Vers une mobilité durable et responsable

EDITORIAL SERGE PIPERNO

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un objectif d’intérêt majeur, offrant la possibilité d’évaluer a priori ou a posteriori, en termes économiques, tech-niques et humains, les politiques de transport.

L’Ifsttar est également très actif sur un grand nombre de thématiques connexes au champ des transports : les infrastructures de transport (et de génie civil en général) doivent être durables, c’est-à-dire optimales du point de vue des performances mécaniques à long terme (main-tenance, fatigue, endommagement) et avec des impacts environnementaux minimaux (analyse de cycle de vie, évaluation intégrée). Cet axe requiert nécessairement des travaux sur les matériaux et des structures (compor-tement sous sollicitations exceptionnelles notamment). De même, les transports s’insèrent dans des milieux et réseaux urbains et périurbains dont les dynamiques et les enjeux doivent être bien analysés. Par exemple, la modélisation des interactions entre l’aménagement du territoire et la mobilité en prenant en compte la lo-gique des acteurs, la distribution spatiale des activités humaines, les modes de transport des personnes et des marchandises, l’usage des sols, etc., ou encore, la modé-

lisation et la gestion des réseaux urbains comme ceux de l’eau et des déchets sont des points de recherche en cours. Enfin, renforcer la résilience et les stratégies d’adaptation des villes et territoires aux changements glo-baux (climat, démographie, économie, biodiversité), aux phénomènes de ruptures (technologique, énergétique, etc.) et, de façon générale, aux effets de court et long termes, reste un enjeu majeur, chaque territoire ayant ses spécificités, ses interdépendances et sa propre vul-nérabilité aux aléas.

Ces problématiques, très diverses et toutes de grande importance, traduisent la mobilisation collective de l’Ins-titut sur la thématique des transports et sont autant de manifestations de l’intérêt d’avoir créé un institut capable d’appréhender, de façon pluridisciplinaire, un domaine des transports si complexe et aux enjeux si fondamen-taux pour nos sociétés.

Serge Piperno Directeur scientifique de l’IFSTTAR

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sommaireNuméro 4 ĀþÿĂ

1 EDITORIAL Vers une mobilité durable et responsable

Par Serge Piperno

4 SOMMAIRE

7 FLASH INFOS Transmission et orientation d’un faisceau optique émis

par une nano-antenne plasmonique9 Le caching proactif dans les réseaux cellulaires 5G 10 Transistors optiques commutés par un unique photon 11 Les mots peuvent-ils équivaloir aux nombres ?12 Extraire le CO2 de l’atmosphère14 Des voitures au toit solaire15 Une treizième médaille Fields pour la France17 ENOVA PARIS 2014 : les 4e trophées de l’innovation

18 A RETENIR Congrès et manifestations

20 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande

23 ARTICLE INVITÉ Les enjeux de la recherche pour la transition énergétique

Par Pierre Papon

32 LES GRANDS DOSSSIERS Le véhicule connecté

Introduction Par Gérard Ségarra, Sidi-Mohammed Senouci

34 Véhicule connecté : architectures, normes, défis et solutions Par Sidi-Mohammed Senouci, Hichem Sedjelmaci, Sara Mehar, Bernadette Villeforceix, Patrick Martinoli, Farid Benbadis

45 Véhicule connecté sans conducteur Par Abdeljalil Abbas-Turki, Cindy Cappelle, Franck Gechter, Florent Perronnet, Abderrafiaa Koukam, Yassine Ruichek

54 Voiture connectée. Nouveaux usages, nouveaux modèles économiques Par Joëlle Ensminger, Olivier Segard

60 Le véhicule connecté dans les transports publics : technologies existantes et perspectives Par Marion Berbineau, Mohamed Kassab, Christophe Gransart, Martine Wahl, Yann Cocheril, Emile Masson, Divitha Seetharamdoo, David Sanz, Hassan Ghannoum, Oriane Gatin

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p. 32

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p. 69p. 23 p. 81

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MEA

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I SUPPLÉMENT HORS SÉRIE Jicable HVDC’13 - Perpignan - 18-20 novembre 2013 Introduction : Matériaux pour câbles & accessoires haute tension à courant continu/Materials for HVDC cables & accessories Par Lucien Deschamps, Alain Toureille

III Technical challenges linked to HVDC cable development Par Marc Jeroense, Markus Saltzer, Hossein Ghorbani

XI Materials for HVDC cables Par Thomas Hjertberg, Villgot Englund, Per-Ola Hagstrand, Wendy Loyens, Ulf Nilsson, Annika Smedberg

XVI Space Charge Measurements in Cable Insulating Materials: from Research Laboratory to Industrial Application Par Serge Agnel, Jerome Castellon, Petru Notingher, Alain Toureille

XXII Aging: What is expected from a Transmission System Operator (TSO)? Par Mandana Taleb, Soraya Ammi

XXVIII Modelling charge generation and transport in solid organic dielectrics under DC stress Par Séverine Le Roy, Thi Thu Nga Vu, Christian Laurent, Gilbert Teyssedre

69 GROS PLAN SUR … Le kWh mal traité – Première partie :

le syndrome de l’énergie primaire Par Jean-Pierre Hauet

74 RETOUR SUR ... Ettore Majorana (1906-1938 ?)

Par Marc Leconte

81 ENTRETIEN AVEC... Thierry Georges

Président du Directoire d’Oxxius

85 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE Echos de l’enseignement supérieur

Par Bernard Ayrault

87 CHRONIQUE Actualité de Norbert Wiener et de la cybernétique !

Par Bernard Ayrault

88 SEE EN DIRECT La vie de l'association

MEA'2015MORE ELECTRIC AIRCRAFT

4-5 February, 2015Toulouse - France

Organized by:

www.see.asso.fr/mea2015

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FLASHINFOS

Transmission et orientation d’un faisceau optique émis par une nano- antenne plasmonique

La nanophotonique est l’étude de la lumière et de ses interactions avec la matière à l’échelle nanométrique, très inférieure aux longueurs d’ondes du spectre visible. Les phénomènes observés à cette échelle sont de nature fon-damentalement différente de ceux que nous connaissons en optique classique et transcendent les limites impo-sées par le phénomène de diffraction. On peut citer, par exemple, le phénomène de « transmission optique extraor-dinaire » mis en évidence en 1998 par Thomas Ebbesen : lorsqu’on éclaire un film métallique opaque percé d’une matrice périodique de N petits trous de taille nanomé-trique, la quantité de lumière qui ressort est plus impor-tante que N fois celle qui passe à travers un trou isolé.

On perçoit la possibilité de réaliser en nanophoto-nique des systèmes plus performants que les systèmes optiques ou électroniques classiques ou offrant des fonctionnalités nouvelles : détecteurs et capteurs ultra-sensibles, vision-couleur dans l’infra-rouge, effet photo-voltaïque stimulé, microscopie optique à très haute préci-sion, nano-optoélectronique intégrée pour calculs à très grande vitesse et communications à ultra-haut débit, etc.

L’un des problèmes à résoudre est le transfert à l’échelle nanométrique de la lumière, les guides d’onde et les fibres optiques étant des solutions trop volumineuses et insuffi-samment performantes. C’est là l’intérêt des travaux réali-sés par Daniel Dregely & Al.1 de l’Université de Stuttgart pu-bliés dans la revue Nature Communications en juillet 2014.

La nanophotonique rejoint ici la plasmonique que nous avons déjà évoquée dans des Flash-infos précé-dents2. Les plasmons sont des oscillations collectives du gaz d’électrons à l’intérieur d’un métal, par exemple à des fréquences optiques. Les plasmons de surface se développent par résonance entre une onde électroma-gnétique incidente et la structure électronique conduc-trice d’un film récepteur mince dans lequel le champ électromagnétique se trouve confiné sous forme de plasmons. On met assez facilement en évidence la réso-nance plasmonique en faisant varier l’angle d’incidence

1 Daniel Dregely, Klas Lindfors, Markus Lippitz, Nader Engheta, Michael Totzeck & Harald Giessen – Université de Stuttgart – NATURE COMMUNICATIONS | DOI: 10.1038/ncomms5354.

2 Voir notamment le Flash-info du numéro 2013-2 sur la production d’hydrogène par photolyse de l’eau assistée par résonance plasmon.

d’un faisceau polarisé incident sur une interface entre une fine couche de métal et un milieu diélectrique. Pour un angle bien déterminé, caractéristique du métal et du milieu environnant, l’onde qui était totalement réfléchie est absorbée par l’excitation des plasmons de surface : l’onde réfléchie disparaît (figure 1).

Les plasmons de surface se développent également dans des nanoparticules dont on peut modifier les dimen-sions, la forme, l’espacement, la composition et celle du milieu environnant pour confiner la lumière d’une longueur d’onde déterminée et la diriger ensuite dans une direction privilégiée. On parvient ainsi à la notion de nano-antenne plasmonique, objet de la communication de D. Dregely & Al.

Les auteurs partent du concept de transmission en es-pace libre de la lumière entre deux nano-antennes (l'une émettrice, l’autre réceptrice) situées à des distances très supérieures à la longueur d’onde et donc opérant en champ lointain (figure 2).

L’antenne émettrice, excitée par un faisceau laser de longueur d’onde h = 785 nm, est constituée d’un arran-gement linéaire de cinq dipôles en or ayant chacun la forme d’un bâtonnet de 100 nm de longueur. Ces dipôles sont orientés selon l’axe x de polarisation du faisceau la-ser incident qui déclenche la résonance plasmonique en

Figure 1 : Capture d’une onde incidente sous forme de plasmons de surface.

Figure 2 : Des nano-antennes optiques améliorent la transmission et la réception d’ondes électromagnétiques grâce à un couplage

d’impédance et une haute directivité. Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications.

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FLASHINFOS

leur sein. Le faisceau renvoyé par l’antenne est testé par des pastilles luminescentes de 250 nm de diamètre et 60 nm d’épaisseur (figure 3).

Ce dispositif permet de caractériser, en x et y et en fonction de la distance d, l’intensité de l’onde transmise par l’antenne émettrice. On vérifie ainsi que l’antenne émettrice a un effet directionnel et que l’intensité reçue décroît en 1/d2 selon le modèle de transmission usuel en espace libre (courbe verte de la figure 4) alors qu’une

transmission par guide d’onde plasmonique conduit à une atténuation plus forte au-delà d’une certaine dis-tance (courbe bleue de la figure 4).

Lorsqu’on installe à une certaine distance (20 µm, soit 38 h, dans le cas de l’expérience de Stuttgart) une nano-antenne réceptrice à résonance plasmonique, dimension-née de façon à résonner à h = 785 nm (en l’occurrence un plot de 130 nm de diamètre et de 40 nm de hau-teur), le signal reçu est amplifié dans un facteur significatif (7,5 dans l’expérience considérée) correspondant à une surface équivalente D de l’antenne (figure 4).

L’intérêt de nano-antennes plasmoniques est ainsi dé-montré pour transmettre, en photonique intégrée, une onde de lumière à des distances relevant du champ lointain.

Une deuxième partie de l’expérience consiste à démontrer qu’il est possible d’orienter le faisceau émis par l’antenne émettrice, dans une direction variable, en

Figure 3 : a- Positions respectives du transmetteur et des récepteurs. Le transmetteur est excité par un faisceau laser polarisé selon la

direction x. b- Images fluorescentes recueillies par des détecteurs positionnés selon l’axe y avec une antenne plasmonique résonante

à une distance de 38 h.- Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications.

Figure 4 : La transmission directe par nano-antenne optique à résonance plasmonique entraîne un affaiblissement du signal

en 1/d2 alors qu’une transmission par guide d’onde entraîne un affaiblissement exponentiel. Au-delà d’une certaine distance

la transmission directe en espace libre l’emporte. Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications.

Figure 5 : La phase des éléments de l’antenne émettrice est ajustée en déplaçant le point de convergence du faisceau incident à partir du centre de l’arrangement constitutif de l’antenne. - Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications.

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FLASHINFOS

contrôlant le front d’onde du faisceau laser incident. Ce front d’onde n’est pas plan et en déplaçant latéralement le faisceau par rapport à l’antenne émettrice (figure 5), on introduit un gradient de phase entre les différents élé-ments constitutifs de l’antenne.

On constate alors que la direction du faisceau trans-mis peut varier dans une plage de 29 °C conforme à la théorie (figure 6).

Ce résultat ouvre la possibilité de diriger le faisceau optique émis par une antenne vers un récepteur donné en modulant la phase du faisceau d’excitation et de réa-liser ainsi des liaisons à très haut débit en champ loin-tain entre composants optoélectroniques intégrés, sans risques d’interférences.

La très belle manipulation de l’équipe de Stuttgart ouvre la voie à de nouveaux progrès en optoélectronique à très haut niveau d’intégration, en direction de débits et de vitesses de traitement très supérieurs à ceux permis par l’électronique conventionnelle. ■

JPH

Le caching proactif dans les réseaux cellulaires 5G

Les réseaux à petites cellulesDurant ces dernières années, la prolifération des

smartphones ainsi que l’utilisation des réseaux sociaux ont considérablement contribué à la croissance expo-nentielle du trafic des données mobiles. Pour répondre aux demandes sans précèdent des utilisateurs, les opé-rateurs se sont appuyés sur le déploiement de réseaux à petites cellules (RPC). Ces réseaux représentent un nouveau paradigme réseau basé sur l’idée de déployer de petites stations de base à courte portée, de faible puissance et à faible coût, superposées au réseau macro-cellulaire. Or, le déploiement à large échelle de ces réseaux repose sur l’acquisition de sites coûteux, en plus du coût d’installation et de backhaul. Ces observa-tions clés conduisent à un nouveau paradigme réseau qui va au-delà des déploiements hétérogènes actuels de petites cellules et qui met à profit les derniers déve-loppements dans le stockage, la sensibilité au contexte, et les réseaux sociaux.

Le principe du caching proactifLe paradigme réseau proposé est essentiellement

proactif dans le sens où les nœuds du réseau (c’est-à-dire, les stations de base, ordinateurs et smartphones) exploitent les informations sur les utilisateurs et anticipent les requêtes des utilisateurs en tirant profit de leurs capaci-tés prédictives. Ce qui permet d’économiser les ressources radio tout en garantissant les exigences des utilisateurs en termes de qualité de service. Plus précisément, les stations de base récupèrent les données prédites à partir du cœur du réseau lorsque le trafic est faible (par exemple la nuit), afin de pouvoir servir les utilisateurs localement sans utili-ser les liens backhaul durant les heures de pointe.

En exploitant intelligemment les modèles statistiques du trafic et les informations sur les utilisateurs – distribu-tions de la popularité des fichiers, emplacements, interdé- pendance entre les utilisateurs à travers les liens sociaux –

Figure 6 : Une nano-antenne optique constituée d’un arrangement d’éléments permet d’orienter le faisceau émis en direction de

récepteurs déterminés – Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications.

jphauet
Rectangle
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CATEGORIE GREEN/ENVIRONNEMENTAlphanov : décapage de composites par laser

Dans la cadre du projet Perceval piloté par SNECMA, ALPHA-NOV a mis au point un procédé laser femtoseconde pour déca-per les matériaux composites des peintures ou films polymères qui les recouvrent.

Contrairement aux procédés chimiques, celui-ci est res-pectueux de l’environnement et des hommes qui le mettent en oeuvre. Le procédé a été initialement mis au point pour des applications aéronautiques. Il est en cours d’extension au domaine des cosmétiques pour traiter notamment le problème de l’hydrophilie des surfaces.

CATEGORIE PRODUCTIVITÉ/RENTABILITÉExcelsius : inspection 3D de cartes électroniques

Le système PI d’inspection de pâte à souder repose sur une reconstruction 3D à partir de 32 caméras et 8 projecteurs HD. La qualité de l'image 3D (40 fois plus grande et en couleur), la programmation automatisée, et l’extrême facilité d’usage de PI (interface utilisateur tactile), représentent une innova-tion majeure.

CATEGORIE QUALITE/SECURITE/REGLEMENTATIONPM Instrumentation : cartographie de pression

Ce système a été mis au point pour mesurer l’empreinte de pneus lors d’essais roulant ou sur des machines de fatigue. Il

repose sur 64 000 capteurs capacitifs répartis sur une surface de 30 x 30 à 100 x 100 cm. Les capteurs capacitifs assurent la répétabilité et la stabilité des mesures ainsi que la calibration.

CATEGORIE TECHNOLOGIE EMBARQUEENethis – Newterahertz imagine systems : système d’imagerie Terahertz plein champ

Ce système permet de scanner de grandes surfaces en rédui-sant considérablement le temps de test grâce à une visualisation plein champ. L’imagerie pénétrante permet de dévoiler et de mesurer les propriétés physiques des matériaux au cœur même de la matière.

Les domaines d’application concernent l’aéronautique, l’au-tomobile, la chimie, le bâtiment, la conservation des oeuvres d’art, etc.

Le système Nethis a également reçu la palme de l’inno-vation décernée par les visiteurs du salon.

Le trophée FORUM RADIOCOMS a été attribué àETELM : e-TBS

L' e-TBS est une sta-tion de base TETRA di-rectement intégrée dans un réseau large bande LTE public ou privé ; elle s'interconnecte au coeur de réseau LTE via une interface normalisée S1,

comme une station de base LTE (enodeB). Elle permet d'interconnecter et d'unifier des flottes de terminaux et TETRA.

A l’occasion du salon Enova, Jean-Pierre Hauet et Bernard Ayrault ont donné deux conférences sur le Technorama REE 2012-2014 et sur les TIC et la lutte contre la perte d'autonomie. Le Technorama 2012-2014 peut être téléchargé sur le site www.see.asso.fr ■

ENOVA PARIS 2014 : les 4e trophées de l’innovationLes Trophées de l’Innovation 2014 ont été remis le 16 septembre dans le cadre du salon Enova 2014, salon des technologies en

électronique, mesure, vision et optique, qui s’est tenu à la Porte de Versailles du 16-18 septembre 2014. Les lauréats ont été sélec-tionnés parmi 42 dossiers par un jury présidé par Jean-Jacques Aubert, Program Manager au CEA-Leti, auquel participait, Jean-Pierre Hauet, rédacteur en chef de la REE.

FLASHINFOS

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REE N°4/2014 Z 23

Introduction

L a transition énergétique est à l’ordre du jour, depuis le début du siècle, et des agences natio-nales ainsi que des organismes internationaux comme l’Agence Internationale de l’Energie (AIE)

et le Conseil Mondial de l’Energie proposent des scénarios qui explorent les voies qu’elle pourrait emprunter. L’objectif central de cette transition est de diminuer la consommation mondiale d’énergies fossiles qui est la principale cause du réchauffement climatique1 et la plupart des scénarios énergétiques font l’hypo-thèse que l’intensité énergétique pourrait diminuer de façon continue tandis que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial serait en forte croissance. Toutefois, nombre de filières d’avenir ne peuvent être développées qu’au prix de ruptures (des sauts techniques) afin de faire sauter des verrous qui en bloquent le développement. Dans ces perspec-tives, le rôle de la recherche est capital et l’on doit s’interroger sur les orientations qu’il convient de lui donner en passant en revue les grands chantiers sur lesquels elle travaille.

L’éclairage des scénarios : une stratégie en trois temps

Les scénarios énergétiques volontaristes, compatibles avec une limitation à 2° C du réchauffement climatique de la pla-nète d’ici la fin du siècle, font l’hypothèse qu’il est possible de diminuer la part des énergies carbonées dans le mix éner-gétique mondial, de faire monter en puissance les énergies renouvelables et notamment dans la production d’électricité

1 Elles représentent environ les deux tiers de la consommation d’énergie finale en France.

et de carburants2,3. Les scénarios proposés pour la France, par l’Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour l’Energie (ANCRE) vont dans le même sens4 ; ils permettraient de diviser par un facteur 4 les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Observons aussi que, dans son rapport Energy Technology Perspectives 2014, l’AIE fait l’hypothèse d’une forte progression de la demande mondiale d’électricité à l’horizon 2050, dans une fourchette de 80 à 130 %5.

La plupart des scénarios permettent d’identifier les do-maines où des avancées, voire des « ruptures », sont indis-pensables pour « décarboner » l’énergie mais on doit obser-ver que les grandes thématiques de l’énergie (économies d’énergie, énergies renouvelables, nucléaire, etc.) appellent presque toutes des progrès scientifiques et techniques et donc une mobilisation de la recherche-développement (R&D). Sur quels chantiers faut-elle la mobiliser ? Il est impor-tant de tenter de répondre à cette question.

Stimuler et orienter la recherche a toujours été une opé-ration difficile dans le domaine de l’énergie comme dans d’autres. Nombre de rapports sur la recherche en énergie déclinent des grandes thématiques sectorielles (la biomasse, la géothermie, le nucléaire, le solaire, etc.), il en va ainsi des

2 IEA, World Energy Outlook 2013, Paris, 2013, www.iea.org.3 Conseil Mondial de l’Energie, Les scénarios mondiaux de l’énergie à l’hori-

zon 2050, Paris, 2013, www.wec-france.org. 4 ANCRE, Scénarios de l’Ancre pour la transition énergétique, 2013,

www.allianceenergie.fr. Cette « alliance » coordonne la stratégie de R&D en matière d’énergie des principaux organismes de recherche publics et des universités.

5 IEA, Energy Technology Perspectives 2014, Harnessing electricity potential, Paris, mai 2014,

Les enjeux de la recherche pour la transition énergétique

L'ARTICLE INVITÉ PIERRE PAPONProfesseur émérite à l’ESPCI

The energy transition has been on the political agenda for a good ten years now and its main objectives will be embedded in a law which will be passed, in 2014, by Parliament in France. Most energy issues (energy savings, the emergence of renewable energy, the future of nuclear power, etc.) call scientific and technical developments and R&D should certainly play a key role to overcome the major technical obstacles which block future breakthroughs. After recalling the conclusions of scenarios for energy demand in 2050, which take into account the necessity of curbing greenhouse gases emissions (the main cause of climate change), we review the main issues which R&D should address in the short and long term: developing new materials for solar energy, smart grids, batteries for electricity storage, new catalysts for fuel cells, processes for the production of biofuels, nuclear fuels for a new generation of reactors, metal recycling. R&D should be considered as a key player in a long-term energy strategy which calls for prospective views.

ABSTRACT

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24 Z�REE N°4/2014

L'ARTICLE INVITÉ

rapports sur les « Grands défis de la transition énergétique », publié fin 2013 par l’ANCRE6, et de celui de l’Académie des sciences « La recherche scientifique face aux défis de l’éner-gie »7, mais il reste, bien sûr, à mettre en oeuvre une stratégie. Le rôle de la R&D est de perfectionner les techniques exis-tantes afin d’améliorer leur efficacité mais aussi de préparer l’avenir par des innovations, elle travaille donc avec des hori-zons temporels différents et nous prendrons ici une approche en trois temps, ou en trois étapes étalées dans le temps.

Le premier, un horizon de dix ans, concerne les théma-tiques où des avancées sont indispensables sans pour autant viser des « ruptures ». Sans en faire un inventaire à la Prévert, on trouve ainsi parmi celles-ci la question de l’amélioration des rendements des machines thermiques (des automobiles aux turbines à gaz) – ce qui suppose la mise au point de matériaux résistants à des hautes températures ou de nou-velles architectures – et la production des biocarburants de deuxième génération (de l’éthanol notamment) à partir de la biomasse. S’agissant des énergies renouvelables, si l’éolien terrestre peut être considéré comme « mature », il est néces-saire d’extrapoler la puissance des turbines actuelles dans la gamme des 10-20 MW en mettant au point des composants robustes et allégés mais aussi d’assurer les bonnes condi-tions de fonctionnement des éoliennes off-shore. L’améliora-tion des performances des actuelles cellules au silicium ou avec d’autres matériaux semi-conducteurs est une priorité pour le solaire photovoltaïque. Quant au solaire à concen-tration (ou thermodynamique) il n’a pas besoin de ruptures mais d’améliorations des miroirs et des dispositifs de stoc-kage de la chaleur.

Le deuxième temps d’une stratégie prend en compte tous les chantiers qui s’intéressent aux « verrous » scienti-fiques et techniques qu’il faudrait faire sauter au prix d’un effort de plus longue haleine (15-20 ans). Une technologie clé sur laquelle nous reviendrons, le stockage de l’électricité avec les batteries, est un bon exemple. Dans le troisième temps de la R&D, une stratégie à un horizon de 30 ans et au-delà, doit s'attaquer aux questions clés où l’insuffisance des connaissances scientifiques et techniques bloquera d’éven-tuelles ruptures, c’est le cas par exemple pour le nucléaire du futur. Bien entendu, ces trois étapes d’une stratégie de recherche sont conduites en synchronie et ne sont pas indé-pendantes ; ainsi par exemple les travaux sur les batteries électriques prennent en compte à la fois la nécessité d’amé-liorer à moyen terme les actuelles batteries lithium-ion et de travailler sur de nouvelles filières.

6 Alliance ANCRE, La recherche scientifique face aux défis de l’énergie, 2013.7 Académie des sciences, La recherche scientifique face aux défis de l’éner-

gie, EDP sciences, Paris, 2013, www.academie-sciences.fr. Cf. aussi : R. Mosseri, C. Jeandel, L’énergie à découvert, Paris, CNRS Editions, 2013 et P. Papon, Energie : la science peut-elle changer la donne ? Paris, Le Pommier, 2012.

Les thématiques du moyen terme : quelles énergies renouvelables ?

Intéressons-nous plus particulièrement d’abord aux re-cherches les plus prospectives à un horizon de 20 ans (le deuxième temps de la stratégie). En schématisant on peut considérer qu’elles s’organisent autour de trois questions :

La recherche sur les matériaux travaille sur deux fronts : – la relation entre les propriétés et les structures des maté-riaux (par exemple la conductivité électrique dans les élec-trodes de batteries) – la synthèse de matériaux permettant de trouver des propriétés nouvelles ou d’améliorer des per-formances (pour les cellules solaires par exemple). Mieux comprendre, par exemple, ce qui se passe à la surface et à l’interface de films ou de cristaux (des nanocristaux notam-ment) dans une cellule photovoltaïque ou à l’interface d’une électrode de batterie (ou de pile à combustible) avec un électrolyte est un point clé.

S’agissant de l’énergie solaire, contentons-nous d’exami-ner des avancées potentielles pour la filière photovoltaïque. L’objectif est d’abaisser le coût des cellules et de trouver des nouveaux matériaux avec des rendements plus élevés que celui du silicium8. Des semi-conducteurs comme l’arsé-niure de gallium (AsGa) ou le tellurure de cadmium (CdTe, le cadmium est interdit en France car il est toxique) sont une alternative au silicium auquel on peut les coupler car ils n’absorbent pas les mêmes photons, les rendements des cellules peuvent atteindre 45 % mais leur coût est plus élevé. On peut aussi les augmenter en jouant sur les nanostruc-tures des matériaux ou sur des phénomènes comme l’effet thermo-ionique ou l’amplification de l’absorption la lumière à la surface d’une cellule par des effets non linéaires (les plasmons). Par ailleurs, les cellules de Grätzel, constituées par des particules de semi-conducteurs, comme l’oxyde de titane, dopées avec un colorant atteignent un rendement de 15 %, elles ont l’avantage d’être peu coûteuses. La chimie du solide permet d’ouvrir des voies nouvelles par la synthèse de nouveaux matériaux semi-conducteurs pour des cellules. Ain-si, avec des pérovskites (en général ce sont des oxydes mé-talliques), où un organométallique composé d’un halogène (le chlore, l’iode ou le brome) et d’un métal comme le plomb ou l’étain est déposé en phase vapeur sur un support, on réalise des cellules dont le rendement est actuellement de 18 %, avec un voltage supérieur à celui du silicium9 ; il faut

8 Les cellules solaires commerciales au silicium cristallin ont un rendement de 20 % que l’on peut pousser à 25 % si l’on utilise des systèmes optiques pour concentrer la lumière.

9 M. Grätzel, The light and shade of perovskite solar cells, Nature Materials, 13, p. 838, 2014, www.nature.com/natmat.

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32 Z�REE N°4/2014

Le véhicule connecté est devenu une réalité dès que les technologies de télé-communication sans fil ont été disponibles : téléphones portables et autres objets mobiles sont couramment utilisés dans les véhicules. Cependant, l’usage de ces technologies dans un véhi-cule, objet volumineux et massif pouvant se déplacer à grande vitesse, est soumis à des contraintes diffé-rentes selon la nature et l’utilisateur des services of-ferts : le conducteur, les passagers ou bien le véhicule lui-même. Donner des capacités de communication et de coopération aux véhicules doit permettre de réduire de façon significative les impacts environnementaux et humains (accidentologie) résultant de la circulation des véhicules. Ainsi les exigences de sécurité conduisent-elles à limiter la nature et le volume des informations à destination du conducteur pour ne pas détourner son attention, alors même que les capacités de commu-nication des véhicules ouvrent la porte à de multiples applications nouvelles. Certaines d’entre elles comme l’appel d’urgence peuvent devenir obligatoires. Les moyens de communication seront utilisés largement par les applications embarquées dans le véhicule qui viendront en soutien au conducteur : la qualité de l’er-gonomie de leur interaction avec celui-ci est essentielle pour leur acceptation et leur participation à l’objectif de réduction de l’accidentologie.

La gamme des applications rendues possibles par la connexion des véhicules est très large et très variée. La première application développée et à présent largement répandue (via les récepteurs GPS) est la « navigation informée » permettant un ajustement dynamique d’un itinéraire en fonction du trafic et des besoins du client (points d’Intérêt). L’info trafic n’est pas aujourd’hui suffi-samment fiable et sa couverture insuffisante : une meil-leure collecte de l’état du trafic devient possible grâce à la généralisation des « véhicules sondes » connectés qui fourniront en temps réel leurs perceptions de celui-ci et des causes perturbatrices de son écoulement. Les autorités routières auront également un accès direct aux conducteurs via l’infrastructure routière et pour-ront donc leur diffuser les consignes les mieux adap-tées pour réguler globalement le trafic et assurer leur

sécurité. En fonction de leurs besoins, les clients pourront être guidés en temps réel vers les points d’intérêt qui correspondent le mieux à leurs critères de choix et à leurs positions géographiques (station d’essence, point de charge d’un véhicule élec-trique, station de gonflage,

les plus proches) en s’appuyant sur des données les plus actuelles possibles (par exemple choix du parking en fonction des places disponibles). Ils pourront égale-ment payer dans leurs véhicules, électroniquement, les produits et services délivrés à ces points d’intérêt.

Le recours aux échanges de données via les réseaux cellulaires publics rendrait d’ores et déjà possibles une bonne partie de ces améliorations mais il faudra s’ap-puyer sur la communication de véhicule à infrastructure et de véhicule à véhicule pour atteindre le service opti-mal notamment en matière de régulation de trafic. On peut penser que les premiers véhicules ainsi équipés devraient être mis sur le marché vers 2016.

L’implantation de systèmes de transport intelligents coopératifs (C-ITS) dans les véhicules combinée au développement du véhicule autonome ou automatisé permettront d’atteindre l’objectif ambitieux des pou-voirs publics du « zéro mort et zéro blessé grave sur les routes ». Le véhicule automatisé qui devrait apparaître commercialement vers 2020 en Europe ouvrira pro-gressivement la porte à une liberté totale du conduc-teur qui deviendra alors un passager en situation de conduite automatisée. Il pourra alors bénéficier de tous les services multimédia disponibles au niveau d’un por-table, mais dans un environnement optimisé au niveau du confort et de la sécurité. Mais l’automatisation se fera par étapes en privilégiant d’abord certaines situa-tions de circulation comme le parcage automatique (valet de parking) ou la circulation sur autoroute à faible vitesse lors de bouchons. Le nombre de situations où l’automatisation est applicable augmentera en fonction des progrès technologiques et du déploiement des infrastructures. Les phases de transition dans la com-mande du véhicule (passage de la conduite automa-tisée à la conduite humaine en particulier) requerront une attention particulière du conducteur : le véhicule devra s’assurer de l’état de vigilance de celui-ci avant de

LES GRANDS DOSSIERS Introduction

Le véhicule connecté

Gérard SégarraSidi-Mohammed

Senouci

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REE N°4/2014 Z 33

Introduction LES GRANDS DOSSIERS

lui rendre le contrôle et en particulier ne pas solliciter son attention dans cette phase via par exemple des services multimédia.

Bien sûr, le véhicule connecté concerne une grande variété de véhicules (privé, public, véhicules légers, véhicules utilitaires, poids lourds, transport de matières dangereuses, motos, vélos, voire même piétons,…etc.) évoluant dans divers contextes (privé, public, professionnel, etc.). Il ouvre la porte à de nombreuses applications spécifiques (télépéage, taxation, contrôle d’accès, véhicule partagé, covoiturage, gestion de tour-nées, etc.). Certaines d’entre elles seront naturellement déployées par les constructeurs, d’autres devront être stimulées par les autorités.

La diversité des technologies de communication sans fil (réseaux cellulaires, réseaux locaux, réseaux à diffusion terrestre et satellitaire) ainsi que l’évolution des techno-logies de positionnement des objets mobiles et fixes (par exemple l’arrivée de GALILEO) nécessiteront une ges-tion permanente concertée de la confi-guration des équipements embarqués dans le véhicule connecté. Le véhicule fera partie de l’Internet des Objets et la communication Machine à Machine (M2M) se développera non seulement entre véhicules, mais également avec les objets de la route et de la maison.

La sécurité du système est un point clé, aussi bien pour préserver le

respect de la vie privée des utilisateurs que pour être à même de résister à toute attaque externe pouvant entraîner des effets catastrophiques au niveau des vies humaines ou des biens matériels. On doit éviter, par exemple, une prise de contrôle non autorisée d’un véhicule se déplaçant à grande vitesse. A contrario, des prises de contrôle de véhicules connectés pourraient résulter d’un choix de société pour lutter contre les vols, les agressions/attentats voire restreindre l’accès de cer-taines zones à certaines catégories de véhicules par exemple les véhicules polluants dans les villes.

Ce dossier vise à donner un état des lieux des pro-blématiques du véhicule connecté. Le premier article donne un aperçu général sur le véhicule connecté, l’infrastructure de télécommunication utilisée, les dif-férentes classes d’applications, les normes applicables, les projets et défis de recherche. Le deuxième article

traite du véhicule connecté sans conducteur communément appelé véhicule autonome. Le troisième article se concentre non pas sur les aspects technologiques mais plutôt sur les aspects économiques et sur l’acceptabilité de cette nouvelle tech-nologie. Le dernier article dresse un panorama sur les technologies exis-tantes et sur les perspectives d’uti-lisation de la connectivité dans les transports publics (bus, métros, tram-ways, trains). Q

Véhicule connecté : architectures, normes, défis et solutionsPar Sidi-Mohammed Senouci, Hichem Sedjelmaci, Sara Mehar, Bernadette Villeforceix, Patrick Martinolli, Farid Benbadis ......................................................................................................................... p. 34Véhicule connecté sans conducteurPar Abdeljalil Abbas-Turki, Cindy Cappelle, Franck Gechter, Florent Perronnet, Abderrafiaa Koukam, Yassine Ruichek ................................................................................................................... p. 45Voiture connectée. Nouveaux usages, nouveaux modèles économiquesJoëlle Ensminger, Olivier Segard ........................................................................................................................... p. 54Le véhicule connecté dans les transports publics : technologies existantes et perspectivesPar Marion Berbineau, Mohamed Kassab, Christophe Gransart, Martine Wahl, Yann Cocheril, Emile Masson, Divitha Seetharamdoo, David Sanz, Hassan Ghannoum, Oriane Gatin .................................................................................................................................................................... p. 60

LES ARTICLES

Gérard Segarra a travaillé 30 ans chez Renault. Il y a conduit la participation à des consortiums européens et à la normalisation sur les systèmes de transport intelligents. Il est actuellement consultant.Sidi-Mohammed Senouci a travaillé 6 ans chez Orange Labs sur les véhicules connectés. Il est actuellement professeur des universités à l’Université de Bourgogne.

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34 Z�REE N°4/2014

LE VÉHICULE CONNECTÉ DOSSIER 1

Véhicule connecté : EVGLMXIGXYVIW��RSVQIW��HqÁW�IX�WSPYXMSRW

Par Sidi-Mohammed Senouci1, Hichem Sedjelmaci1, Sara Mehar1, Bernadette Villeforceix2, Patrick Martinolli2, Farid Benbadis3

DRIVE Labs, Université de Bourgogne1, Orange2, Thales communications and security3

A connected vehicle network can vastly improve our transportation system in the areas of safety, mobi-lity and environment. This technology provides connectivity among vehicles to enable crash prevention

and between vehicles and the infrastructure to enable safety, mobility, and environmental benefits. This paper pro-vides an overview of connected vehicle technology, the related challenges, projects and standardization activities.

ABSTRACT

Figure 1 : Exemples d’applications ITS – Les systèmes de transport intelligents englobent les télématiques et différents types de communications : satellite,

cellulaire, véhicule-à-véhicule, véhicule-à-infrastructure-routière – Source : ETSI ITS.

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Véhicule connecté : architectures, normes, défis et solutions

IntroductionLe marché du transport a connu une

énorme évolution ces dernières décen-nies ; le monde compte aujourd’hui près d’un milliard de voitures sur les routes. Cette révolution a facilité la vie des utilisateurs et a accéléré la crois-sance économique à travers le monde. Cependant, elle a engendré des incon-vénients parfois dramatiques : embou-teillages, accidents mortels, pollution de l’environnement et dépendance envers les énergies fossiles non renouvelables. Ces ennuis ont ouvert la porte à des développements mondiaux qui ont contribué à la naissance du concept de véhicule connecté (appelé aussi véhi-cule coopératif). Ce dernier permet de pénétrer dans une autre dimension de la mobilité, appelée mobilité connectée, avec l’objectif d’assister le conducteur dans sa conduite en lui offrant davan-tage de confort et de sécurité. Cette mobilité 2.0 est née de la convergence de la révolution des transports et des technologies de l’information et de la communication [1].

Le véhicule connecté est donc un véhicule faisant appel aux systèmes de transport intelligents (ITS1) pour amé-liorer la sécurité des déplacements, leur efficacité et leur coût [1], comme illustré sur la figure 1. Les principales applications envisagées sont des appli-cations de gestion de trafic routier, des applications de sécurité routière et des applications de mobilité et de confort. Néanmoins, certaines caractéristiques des véhicules, telles que la mobilité, la vitesse élevée, la fragmentation fré-quente du réseau de communication et la connectivité intermittente en ré-sultant, représentent un vrai frein dans l’amélioration des services de commu-nication et dans l’obtention d’une garan-tie d’une connectivité similaire à celle des réseaux non mobiles. De ce fait,

1 Intelligent Transportation System.

et depuis une quinzaine d’années, plu-sieurs projets et travaux de recherches sont menés par plusieurs communau-tés scientifiques, industrielles et aca-démiques afin d’améliorer la qualité et les performances de la communication dans un réseau de véhicules connectés. De plus, les travaux de recherche ont permis aux instances de normalisation de développer des standards qui sont maintenant prêts pour le déploiement de ces technologies et services à grande échelle, que ce soit en Europe, aux États-Unis ou en Asie.

Dans cet article, nous décrirons le principe de fonctionnement d’un véhi-cule connecté, les composants matériels embarqués dans ce type de véhicule ainsi que l’infrastructure de télécommu-nication utilisée. Ensuite, nous présente-rons les différentes classes d’applications qu’offre le véhicule connecté ainsi que les différents standards et projets concer-nant ce type de véhicule. Enfin, nous évoquerons les défis de recherche ac-tuels liés au développement des véhi-cules connectés et quelques solutions proposées.

Principes de fonctionne-ment d’un véhicule connecté

Les premiers conducteurs de véhi-cules devaient commander manuelle-ment la majorité des composants de la voiture pour pouvoir la conduire en toute sécurité. En effet, les micropro-cesseurs n’ont été introduits dans la fabrication des véhicules que depuis les années 70-80 afin d’améliorer la stabilité ou le système de freinage de la voiture. Le GPS (Global Positioning System) a d’abord été introduit dans les véhicules militaires avant son appa-rition, dans une version moins précise, dans les véhicules de particuliers, dans les années 1990. Durant la dernière décennie, d’autres composants électro-niques ont été intégrés aux véhicules, formant ainsi tout un système embar-

qué. Aujourd’hui, beaucoup de tâches classiques ont été automatisées : par exemple, la régulation de vitesse est maintenant très courante, le déclenche-ment automatique des essuie-glaces est très souvent proposé, l’ouverture et fermeture des portes de voiture se font à distance. Cela est fait grâce à l’inté-gration d’un ensemble de composants électroniques qui coopèrent afin de rendre la voiture de plus en plus intel-ligente.

La voiture connectée peut être vue comme un système embarqué ou une plate-forme à plusieurs couches où on trouve des systèmes de collecte, de trai-tement et d’échange/communication de données.

Prenons l’exemple de l’application de diagnostic à distance : le véhicule envoie automatiquement au travers d’une inter-face de communication, via un réseau cellulaire ou de véhicule-à-véhicule, les données relatives aux organes essen-tiels de sécurité ou la mesure de l’usure des pièces. Ces informations seront trai-tées chez le constructeur qui peut, soit réparer les fautes à distance, soit infor-mer en temps réel le conducteur de la nécessité d’effectuer un entretien.

La contrainte de temps peut être très importante dans ce genre de système temps-réel. En effet, chaque événement signalé doit être traité dans un délai très court, tout retard de traitement pouvant parfois avoir des implications graves. Par exemple, dans le cas de la détection d’un obstacle ou d’un piéton traversant la route via une caméra embarquée dans le véhicule, la réaction à cette détection doit être rapide pour éviter l’accident.

Le véhicule connecté est un véhi-cule faisant appel à des systèmes de transport intelligents : il s’appuie sur le véhicule lui-même et son système em-barqué, sur l’infrastructure de télécom-munication et sur des plates-formes de service qui traitent les données et pro-

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36 Z�REE N°4/2014

LE VÉHICULE CONNECTÉ DOSSIER 1

posent des actions ou des informations au véhicule. Nous détaillerons tout cela dans les paragraphes suivants.

Le véhicule et son système embarqué

Un système embarqué (ou système enfoui) est défini comme un système électronique et informatique autonome, souvent temps-réel, spécialisé dans une tâche bien précise. Dans le domaine automobile, l’électronique est apparue pour la première fois dans les véhicules à injection électronique (première voi-ture DS21 Injection électronique en 1969), puis dans les calculateurs pour l’ABS (première voiture Mercedes en 1979). Actuellement, les calculateurs dédiés sont omniprésents : freinage avec anti-blocage mais aussi intensi-fication de l’effort de freinage lors de l’urgence, alarme de changement de file, gestion de la suspension (pour mieux remplacer l’hydraulique et jouer sur l’amortissement), affichage à bord, sécurité des ouvrants, etc. On envisage maintenant du “all-by-wire”, c’est-à-dire du tout électrique y compris pour la direction qui verra elle aussi à terme dis-paraître sa composante mécanique (co-lonne de direction) ainsi que les freins.

Plus généralement, un système em-barqué permet, dans le cas d’un véhicule connecté, illustré dans la figure 2, la col-lecte, le traitement et la prise de décision.

Dans les ITS, la collecte d’informations comprend non seulement le recueil de données provenant du véhicule lui-même mais aussi celui de données relatives à son environnement extérieur. Cette col-lecte est effectuée par l’ensemble des capteurs embarqués dans le véhicule qui sont multiples : capteur de pluie pour la mise en marche automatique des essuie-glaces, capteur de vitesse pour le verrouil-lage automatique des portes lorsque le véhicule bouge, capteur de verglas, ca-méra embarquée pour la surveillance de trafic, radars/sonars, capteur de pollution, capteur de niveau de nuisance sonore, capteur de choc permettant de mesurer la gravité du choc que la voiture a subi, GPS et beaucoup d’autres. Les unités de contrôle récupèrent les informations ainsi collectées. Ces informations sont soit trai-tées localement par l’unité de commande de bord (OBU, On-Board-Unit) pour une prise de décision à travers la commande d’actionneurs, soit renvoyées vers une plate-forme de service distante2 selon

2 Cette plate-forme peut appartenir à un des acteurs de l’écosystème : constructeurs auto-mobiles, pouvoirs publics qui désirent savoir où roulent les véhicules et à quelle fréquence/vitesse, assureurs qui vont pouvoir mieux dé-terminer les risques pour chaque véhicule et ainsi adapter leur prime d’assurance, conduc-teurs qui peuvent obtenir des informations de leur véhicule même lorsqu’ils ne sont pas à bord et qui peuvent pré-conditionner à dis-tance leur véhicule.

la sensibilité de l’information et l’envi-ronnement concerné par ces données. Certaines informations seront stockées si besoin dans la mémoire intégrée du véhi-cule. Par exemple, dans une application qui surveille le comportement du conduc-teur, la voiture enregistre le cycle de conduite lors d’un trajet donné et en fin de voyage, ces informations seront trans-mises à un serveur dédié. On peut trouver plusieurs types d’unités de contrôle par exemple :

-lage des portes et des fenêtres (Body control unit “BCU”) ;

Brake Control Module “BCM”) ;

Engine control unit “ECU”) ;

(Human-machine interface “HMI”) ; Airbag

control unit “ACU”).Tous ces composants sont reliés

par un réseau embarqué qui est majo-ritairement filaire mais parfois sans fil : Bluetooth, CAN3, LIN4, Ethernet et bien d’autres sont utilisés. Nous résumons les types de réseaux embarqués dans le tableau 1.

L’infrastructure de télécommu-nication

L’infrastructure de télécommunica-tion permet d’établir des liens pour le transfert d’informations entre les véhi-cules connectés et les plates-formes de service. Pour construire la chaine de communication, plusieurs approches peuvent être utilisées, elles sont illus-trées sur la figure 3 :

des réseaux de télécommunications ouverts au public. Un équipement disposant d’un accès au réseau mo-

3 Controller Area Network : bus série utilisé dans l’automobile.

4 Local Interconnect Network : bus à bas débit et de petite taille utilisé aussi dans l’automobile.

Figure 2 : Exemples de composants matériels d’une voiture connectée.

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I Z�REE N°4/2014

Le développement de câbles haute tension à courant continu à isolation synthétique permet aujourd’hui, dans des conditions économiques plus favo-rables que celles liées à l’utilisation des technologies au papier, la réalisation de liaisons électriques isolées (souter-raines, en galerie…) de grandes puis-sances et sur de grandes longueurs. Ces matériels, dont l’utilisation est en plein essor, devraient contribuer, en association avec les nouvelles techno-logies de conversion, à relever les défis qui seront posés par l’évolution, l’expansion et l’interconnexion des grands réseaux électriques dans les prochaines décennies.

Les câbles électriques haute tension à courant continu ont été à l’honneur à Perpignan, du 18 au 20 novembre 2013, à l’occasion du séminaire international « Jicable HVDC’13 » qui a regroupé plus de 200 experts d’une trentaine de pays. Le choix de la ville de Perpignan pour l’organisation de ce rendez-vous mondial était naturellement lié à la proximité du chantier de la future liaison INELFE France/Espagne. Une liaison de 2 000 MW, 320 kV qui permettra, en préservant grâce à un tunnel les paysages du massif des Albères dans les Pyrénées Orientales, le doublement de la capacité d’interconnexion électrique entre les deux pays. Les caractéristiques techniques de cette liaison constituent une première mondiale mais dès à présent de nombreux autres projets sont à l’étude en Europe et dans le monde pour assurer la sécurité en énergie électrique des pays.

Le séminaire avait pour objectif d’établir un état de l’art du domaine. Il a abordé, au cours de trois journées de travail, le comportement des matériaux, les études de modélisation, les essais et les procédures de qualification des câbles et des accessoires associés. Une table ronde sur les développements des liaisons par câbles à courant continu en Europe a clôturé les travaux.

Quelques conclusions de ce séminaire sont résumées ci-après :

haute tension à courant continu ;

des avantages d’exploitation sur les technologies « imprégnées » ;

impose une maîtrise de la conduction et de l’évolution des charges d’espace dans le matériau isolant ;

mise au point de nouveaux matériaux chargés de nanoparticules permettant l’évacuation des charges tout en évitant l’emballement thermique ;

pour l’élaboration de modèles de trans-port de charges dans le PE et le PRC ;

sont faits sur des modèles de câbles et sur des câbles en vraie gran-deur pour étudier leur comportement dans le temps ;

-tées aux câbles haute tension à courant continu.

Cinq communications ont été retenues pour ce supplément spé-cial de la REE afin d’illustrer les principaux faits marquants des actions menées dans l’industrie et les universités sur les matériaux pour câbles haute tension à courant continu :1 - “Technical challenges linked to HVDC cable development” par Marc Jeroense et ses collaborateurs d’ABB. Cette communication compare les points forts et les points faibles des câbles à isolation im-prégnée et des câbles à isolation extrudée. Pour les câbles à isolationimprégnée, il met en lumière le problème des cavités et des décharges partielles tandis que pour les câbles à isolation extrudée, il souligne le problème de base de la conduction électrique. La communication résume les quelques principes du contrôle du champ électrique dans les accessoires. Enfin, elle souligne les défis posés pour le développe-ment et les essais de ces câbles.2 - “Materials for HVDC cable” par Thomas Hjertberg et ses colla-borateurs de Borealis. Cette communication analyse les propriétés et performances nécessaires des matériaux pour les câbles haute tension à courant continu, d’abord les aspects thermo mécaniques ainsi que les conditions de mise en œuvre. Elle considère ensuite les paramètres fondamentaux du diélectrique : la conductibilité, les charges d’espace et la tension de rupture. Pour ces différentes carac-téristiques, les puretés physique et chimique sont essentielles. La

IntroductionLES GRANDS DOSSIERSSUPPLÉMENT HORS-SÉRIE À LA REE 2014-4

Jicable HVDC'13Matériaux pour câbles et accessoires haute tension à courant continu

Materials for HVDC cables and accessories

Perpignan - 18 au 20 novembre 2013 - www.jicable-hvdc13.fr

Lucien Deschamps, Président du Comité

d’Organisation de Jicable HVDC’13

Alain Toureille, Président du Comité scientifique et tech-nique international de Jicable HVDC’13

The objective of the seminar Jicable HVDC’13 was to present state of knowledge on the behaviour of materials for HVDC cables and accessories. It has first address the physical behaviour, physic-chemical and electrical properties

of these materials: dielectric, space charges, interfaces, ageing, reliability. It has then discussed the results of modelling studies and the relationship between modelling and behaviour of materials to clarify the role of tests: investigation, qualification, reception, control in operation.Finally, the seminar has showed how these scientific and technical information and results are taken into account by the system operators to demonstrate and evaluate the equipment over time.

ABSTRACT

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Introduction

communication souligne enfin la nécessité de diminuer la conduc-tibilité électrique.3 - “Space Charge Measurements in Cable Insulating Materials: from Research Laboratory to Industrial Application” par Serge Agnel et ses collaborateurs de l’Université de Montpellier. Après avoir décrit la technique de mesure non destructive des charges d’espace développée ces dernières années à l’Univer-sité de Montpellier (MOT, Méthode de l’Onde Thermique), la communication donne quel-ques exemples de recherches étendues à des modèles de câbles et à des transferts de tech-nologies dans l’industrie. Cette technique pré-sente l’avantage de mesurer la distribution du champ électrique à la fois dans des conditions de court-circuit et directement sous contrainte de tension continue. Développée à l’origine dans le cadre d’études académiques dans un laboratoire de recherche, la technique a été adaptée, ces dernières années, pour être ex-ploitée dans des installations industrielles, afin de mesurer la charge d’espace dans l’isolation de câbles haute tension à courant continu soumis à des champs électriques élevés.4 - “Aging: what is expected from a Trans-mission System Operator (TSO)?” par Mandana Taleb et Soraya Ammi de RTE. Les qualités techniques et économiques des câbles à isolation synthétique extrudée ont dès à présent conduit à leur utilisation par di-vers exploitants de réseaux pour des liaisons haute tension à courant continu, en particu-lier pour des liaisons de grande longueur. Les conditions d’exploitation en réseau de ces câbles en courant continu sont toutefois très

différentes de celles des câbles à courant alternatif. Il en résulte un besoin d’approfondissement des connaissances des comportements des matériaux en courant continu sous contraintes thermique et élec-trique et par voie de conséquence des lois de vieillissement et de

la durée de vie. La communication présente différents projets de liaisons de l’exploitant de réseau RTE ainsi que les phénomènes physiques importants à prendre en compte pour maîtriser les conditions de vieillisse-ment.5 - “Modelling charge generation and transport in solid organic dielectrics un-der DC stress”, communication présentée par Séverine Le Roy et ses collaborateurs de l’université de Toulouse. La connaissance de la conductibilité et de la permittivité permet d’approcher le comportement d’un diélec-trique en fonction de la température et du champ électrique. Ces éléments ne sont toutefois pas suffisants, les charges d’espace doivent être prises en compte. Des modèles tenant compte de la génération et du trans-port de charges en fonction du temps et de l’espace doivent ainsi être développés. C’est en particulier le cas lorsque l’on considère un câble avec un champ électrique et une température inhomogènes au sein de l’iso-lant. Dans la présente communication des simulations ont été effectuées en utilisant un modèle cylindrique unidimensionnel, avec injection, transport, piégeage, dépiégeage et recombinaison de charges, afin de mettre en évidence les effets de la géométrie, de la température et des gradients de température sur le comportement du matériau. Q

Technical challenges linked to HVDC cable development Par Marc Jeroense, Markus Saltzer, Hossein Ghorbani ....................................................................................................... p. IIIMaterials for HVDC cables Par Thomas Hjertberg, Villgot Englund, Per-Ola Hagstrand, Wendy Loyens, Ulf Nilsson, Annika Smedberg ........................................................................................................................................................ p. XISpace Charge Measurements in Cable Insulating Materials: from Research Laboratory to Industrial Application Par Serge Agnel, Jerome Castellon, Petru Notingher, Alain Toureille ...................................................................... p. XVIAging: What is expected from a Transmission System Operator (TSO)? Par Mandana Taleb, Soraya Ammi ............................................................................................................................................... p. XXIIModelling charge generation and transport in solid organic dielectrics under DC stress Par Séverine Le Roy, Thi Thu Nga Vu, Christian Laurent, Gilbert Teyssedre ......................................................... p. XXVIII

LES ARTICLES

LES GRANDS DOSSIERSSUPPLÉMENT HORS-SÉRIE À LA REE 2014-4

REE N°4/2014 Z II

Lucien Deschamps a été conseiller scienti-fique à Electricité de France. Ses travaux ont porté sur les matériaux pour l’électrotech-nique, les câbles de transport d’énergie et la prospective technologique. Il a en particulier travaillé sur l’énergétique spatiale et le concept de centrale solaire spatiale. Lucien Deschamps a créé et organisé de nombreux événements internationaux dont en par-ticulier le cycle des congrès Jicable. Il est aujourd’hui Secrétaire général de l’associa-tion de prospective à long terme Prospective 21OO et Président de la commission Astro-nautique de l’Aéro-Club de France.

Alain Toureille a été professeur d’élec-trotechnique à l’université Montpellier 2 et directeur du département Electronique, Elec-trotechnique, Automatique à cette université. Professeur émérite en 2007, il est président SEE de la région Sud-Est Méditerranée depuis 2008. Son activité de recherches a porté sur les matériaux diélectriques et plus particu-lièrement sur leur application aux câbles à isolation extrudée utilisés en continu ou alternatif. Il a créé et développé la méthode de l’onde thermique qui permet de mesurer les distributions des champs électriques et les charges d’espace dans les isolants minces et épais et donc dans les câbles sous tension. Durant sa carrière, il a collaboré avec les grands industriels nationaux et internatio-naux du génie électrique.

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Jicable HVDC'13DOSSIER 2

III Z�REE N°4/2014

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REE N°4/2014 Z IV

Technical challenges linked to HVDC cable development

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GROS PLAN SUR ...

L a comparaison entre formes d'énergie constitue un exercice délicat. Certaines formes d'énergie sont disponibles dans la nature : charbon, fuel, pétrole, nu-

cléaire, solaire, d'où leur qualification d'énergies primaires ; d’autres, l'électricité, les carburants ou l'hydrogène, résultent de transformations et sont donc considérées comme wdes énergies secondaires ou vecteurs énergétiques ; d’autres enfin n’interviennent qu’au stade de l’utilisation, en revêtant différentes formes : mécanique, thermique, élec-trique, on parle alors d'énergies finales.

Dans la vie courante comme en macroéconomie, il est nécessaire de pouvoir comparer entre elles ces différentes formes d'énergie et d'en tenir une comptabilité. Pour rendre compte de leur utilité collective, la meilleure solution est évidemment de recourir à leurs prix, à la condition que les mécanismes de leur formation soient ceux du marché. Une évaluation faite en euros a l'immense mérite de permettre des comparaisons entre des biens de nature totalement dif-férente. Elle traduit l'intérêt que l'on porte à leur possession ou à leur consommation, quelle qu’en soit leur nature, qu’il s’agisse par exemple de charbon, de gaz, de nucléaire ou de solaire… A service rendu équivalent, les prix permettent de comparer l'efficacité économique de filières alternatives.

Bien entendu, se trouve posé le problème de l'agrégation de flux financiers répartis dans le temps et ceci est particuliè-rement important dans le domaine de l'énergie où les charges d'investissement sont lourdes et les revenus qui en résultent répartis sur une longue période. La théorie de l'actualisation a apporté à cette question une réponse jugée satisfaisante pendant des décennies, la fixation du taux d'actualisation constituant pour les opérateurs économiques et pour l'Etat en particulier, une décision stratégique importante. Cette ap-proche économique a permis de donner de la rationalité aux décisions très importantes prises en France en matière éner-gétique à la suite des deux premiers chocs pétroliers.

Il y a cependant également nécessité à comptabiliser l'éner-gie en termes physiques pour contrôler l'évolution des consom-mations, apprécier l'effort d'efficacité énergétique accompli, juger du taux d'épuisement des ressources ou quantifier le taux d'indépendance énergétique. Des facteurs de conversion entre formes d'énergie ont donc été mis au point et des structures de bilan énergétique ont été définies afin de pouvoir agréger

les différentes formes d'énergie entre elles. Les pratiques internationales ont été harmonisées au sein de l’Agence Internationale de l’Energie et de l’Eurostat afin de rendre possibles des comparai-sons et des synthèses entre pays.

Il n'y a rien de blâmable à cela. Les indica-teurs statistiques sont indispensables au suivi et à la comparaison des situations, même s'ils ne sont pas parfaits en eux-mêmes. Leur évolution est généralement plus riche d'enseignements

que la contemplation de leur valeur absolue.Malheureusement, dans le secteur de l'énergie, la situa-

tion n'en est pas restée là et au cours des dernières années, une importance croissance a été donnée à certains indica-teurs supposés refléter certains aspects de l'intérêt général.

Cette évolution a résulté de la volonté de prendre en compte des impératifs allant au-delà de la logique économique :

venu questionner le bien-fondé de l'actualisation dès lors que l'on s'intéresse à des horizons très éloignés ;

« économies d'énergie »1), qui nécessite le recours à une comptabilité de l'énergie ;

2 liées à la transformation, au transport ou à l'utilisation de l'énergie.

S'est ajouté à cela un effritement de la signification du si-gnal prix dû au fait que des systèmes dirigistes de fixation des

essentiellement) sont venus se télescoper avec les méca-nismes de marché en entraînant des dérèglements profonds, au point, par exemple, d'engendrer de façon récurrente des niveaux de prix négatifs pour les kWh électriques. Débous-solés, les prix ont cessé de constituer la référence pertinente et primordiale pour la détermination des comportements et des investissements.

Certains de ces critères para-économiques ont pris une telle importance qu'il a été décidé de les inscrire dans la loi ou le règlement, transformant ainsi des grandeurs conçues pour n'être que de simples indicateurs statistiques en fon-dements de la politique énergétique. Il s'en est suivi une désoptimisation des comportements et des processus de

1 Pour apprécier l’impropriété de cette notion, nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage « Comprendre l’énergie » publié par l’auteur de cet article aux Editions de l’Harmattan en avril 2014.

Le kWh mal traitéPremière partie : le syndrome de l'énergie primaire

Jean-Pierre Hauet

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GROS PLAN SUR

décision et donc un coût additionnel pour la collectivité, à une époque où il faudrait faire preuve d'un maximum de rationalité. Cette situation est grave et pernicieuse. Certaines parties prenantes surfent sur la complexité des choses et la logique apparente des critères de décision ainsi mis en place pour convaincre l'opinion du bien-fondé de leurs positions qui ne sont en fait que le reflet d'une appréciation de la situa-tion qui leur est propre.

Nous consacrerons la suite de cet article à deux exemples caractéristiques :

2 du kWh électrique.

Le syndrome de l’énergie primaireLa dérive des statistiques

Dès que l'on a cherché à dresser un bilan de la consomma-tion d'énergie au niveau de la nation, la question s'est posée des coefficients d'équivalence à adopter entre les différentes formes d'énergie. C'est ainsi qu'on a trouvé commode de mesurer les consommations ou les ressources en combustibles fossiles en tonnes d'équivalent-charbon ou « tec », puis, de façon plus mo-derne, en tonnes d'équivalent-pétrole ou « tep ». Ainsi est née une comptabilité en « énergie primaire », concept initialement assimilable à celui d'énergie disponible dans la nature et trans-formable à différentes fins. Curieusement, on notera que l'acro-nyme « tep » peut également se lire « tonne d'énergie primaire » et la confusion entre les deux lectures est souvent faite.

Concaténer des formes d'énergies comparables, c'est-à-dire aux caractéristiques voisines et relativement inter-changeables, ne pose pas de problème majeur. La mission devient plus délicate lorsqu'il s'agit de formes d'énergie fondamentalement différentes. L'électricité pose ainsi un problème complexe compte tenu de ses spécificités. L'élec-tricité est directement convertible en travail sans génération majeure d'entropie à la différence des combustibles fossiles. Comment peut-on dès lors l'agréger avec eux ? Par ailleurs, l'électricité ne se rencontre pas à l'état natif dans la nature. Elle a résulté historiquement de la transformation de l'éner-gie hydraulique puis des énergies fossiles dans des centrales électriques. Plus récemment, s'est développée l'électricité d'origine nucléaire puis les énergies renouvelables.

S'agissant de l'énergie hydroélectrique qui rivalisa jusque dans les années 60 avec l'électricité produite par les cen-trales au charbon2, il a paru pendant longtemps satisfaisant de la traiter statistiquement comme cette dernière et donc de l'intégrer dans les bilans en énergie primaire en adoptant un coefficient d'équivalence entre MWh et « tec » égal au ren-

2 En 1949, l’énergie hydraulique assurait 60 % de la production d’élec-tricité du pays.

dement moyen des centrales thermiques de l'époque, soit 32,2 %, ce qui conduisait au ratio de 0,4 tec/MWh. Par la suite, le rendement des centrales s'est amélioré et les cen-trales à fioul sont venues concurrencer les centrales à char-bon. Ainsi est né en 1972, le coefficient d'équivalence de 1 MWh = 0,222 tep correspondant à un rendement moyen des centrales de 38,7 % alors que l'équivalence physique est de 1 MWh = 0,086 tep.

Lorsque l'électricité d'origine nucléaire a commencé à se dé-velopper à grande échelle, le coefficient de 0,222 a été discuté mais n'a pas été fondamentalement remis en cause. Certains se souviennent que l’une des raisons en était que ce coefficient permettait de faire apparaître dans le bilan énergétique national une croissance rapide de l'énergie nucléaire et donc de réduire significativement le taux de dépendance énergétique.

Mais avec le développement des énergies renouvelables, il est apparu qu'il n'était plus approprié de faire supporter par ces énergies, dans les statistiques, des pertes corres-pondant à un rendement de 38,7 %. En 2002, la France a décidé de s'aligner sur les conventions préconisées par

d'autres organisations internationales dont Eurostat, selon lesquelles dans les statistiques en énergie primaire, toutes

-tion de la géothermie3) sont comptabilisées selon leur équi-valent physique de 1 MWh = 0,086 tep, alors que l'électricité d'origine nucléaire est comptabilisée selon l'équivalence de

Par contre, au niveau de l'emploi final, l'électricité reste, quelle qu’en soit son origine4, comptabilisée à son équivalent énergétique physique de 1 MWh = 0,086 tep.

Dans ces conditions apparaissent dans les bilans éner-gétiques en énergie primaire publiés chaque année par l'administration des pertes très importantes au niveau des

Cette façon de compter a l'apparence de la logique mais elle est spécieuse. Elle laisse croire que les centrales nu-cléaires sont seules à être à l'origine de pertes considérables

les réduire en priorité. Quoi de plus simple dès lors que de chercher à réduire les usages de l'électricité puisque celle-ci est majoritairement d'origine nucléaire et en provenance de centrales dont le rendement est déclaré médiocre ?

En fait les pertes sont localisées tout au long de chacune des chaines énergétiques ; qu'il s'agisse des pertes résultant

-

3 La géothermie est comptabilisée avec un rendement de 10 % lorsqu’elle sert à la production d’électricité.

4 Cette origine est évidemment indiscernable, nous y reviendrons à pro-pos du contenu en CO2 du kWh.

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❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱ RETOUR SUR

Marc Leconte Membre émérite de la SEE

Parler d’Ettore Majorana, c’est se heurter à plusieurs écueils : il n’a pas découvert de théorie physique qui ait révolutionné notre vision du monde comme ont pu le faire Newton ou Einstein. Cependant Fermi le tenait pour un égal de ces derniers grands noms et, plus on appréhende son œuvre scientifique, publiée ou non publiée, plus on se trouve en accord avec Fermi. Enfin, dernière particularité, il a mystérieusement disparu, ce qui a donné à sa vie et à sa fin hypothétique un carac-tère tragique qui a masqué son œuvre scientifique. Les actes du centenaire de sa naissance et la publication d’ouvrages en français com-mencent à le faire connaître en France. Nous allons dans ce qui suit tenter de faire comprendre l’intérêt que Majorana suscite aujourd’hui.

Les premières années d’études

Ettore Majorana est né le 5 août 1906 à Catane en Sicile de Fabio Majorana (1875-1934) et de Dorina Corso (1873-1965). Sa famille était bien connue et même assez prestigieuse à Catane. Son père était le plus jeune frère de Quirino Majorana, professeur de physique très connu à l’université de Bologne. Fabio quant à lui était directeur du téléphone à Catane et, quelques années plus tard, inspecteur du téléphone du ministère des télécommunications à Rome. Sa mère Dorina Corso descendait d’une vielle famille sicilienne de Catane. Fabio et Dorina eurent cinq en-fants, Rosina, Salvator, Luciano, Ettore et Maria.

Les membres de la famille remarquèrent très vite que le jeune Ettore possédait dès quatre ans des dons exceptionnels en arithmétique et en calcul men-tal. Vers sa septième année, il était devenu un très bon joueur d’échecs à tel point qu’il fut remarqué par

un journal local. Après avoir complété une instruction reçue à domicile, fait habituel chez les Majorana, il commença en 1915 des études en tant que pen-sionnaire à l’institut Massimo de Rome où il termi-nera ses études élémentaires avant de passer dans le cycle secondaire au cours duquel il sautera la classe de cinquième. En 1921 sa famille vient s’installer à Rome et il n’est plus pensionnaire. En 1923 il passe son “diplomati di maturita classica” de fin d’études équivalent au baccalauréat. Il suit ensuite les traces de son père en entreprenant des études d’ingénieur

à l’université de Rome, avec comme compagnon son frère Luciano. Il rencontre aussi, et cela aura une grande impor-tance pour la suite, Emilio Segré (futur prix Nobel) qui suit les mêmes études. Après avoir terminé un premier cycle de deux ans, il continue dans une école d’application (Scuola di Applicazione di Ingeniera) qui durera trois années. A la fois dans cette école et dans la précédente, Majorana acquiert la réputa-tion de pouvoir résoudre les problèmes difficiles, surtout

en mathématiques. En même temps, il peut se mon-trer extrêmement critique vis-à-vis de l’enseignement qu’il reçoit de ses professeurs.

Bifurcation vers la physiqueEn 1927, au début de la deuxième année de l’école

d’application, Emilio Segré décide de changer de do-maine et de suivre, en 1928, un cursus de physique théorique, n’ayant pas achevé le cursus d’ingénieur (il n’a passé qu’un examen de physique). Majorana fera de même, dans les règles, en en faisant la demande officielle au cours de l’année 1928. Le 19 novembre, il est admis en quatrième année, compte tenu de son cursus déjà effectué au sein de l’école d’application. Ce changement d’orientation est lié au fait que Segré, suivant un intérêt ancien pour la physique et sur les conseils de Francesco Rassetti (physicien expérimen-

Ettore Majorana (1906-1938 ?)

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Ettore Majorana (1906-1938 ?)

tateur), a rencontré Enrico Fermi qui vient d’être nommé (novembre 1926) professeur de physique théorique à l’uni-versité de Rome [SP XXXIII). Enrico Fermi est en 1927 l’un des premiers chercheurs italiens à s’investir dans la physique qui se développe depuis une dizaine d’années sous l’impul-sion de Bohr, Schrödinger, Heisenberg, Dirac et quelques autres. Segré sent probablement qu’une physique nouvelle est en train d’émerger et il convainc Majorana de le suivre dans cette voie, ce qu’il fera à une année d’intervalle.

Fermi travaille à cette époque sur le modèle statistique de l’atome et il cherche à s’entourer de jeunes physiciens. Majorana rencontre Fermi au début de l’année 1928 et

l’échange entre les deux a été raconté par plusieurs témoins dont son biographe Amaldi qui était présent et montre cer-tains aspects du caractère de Majorana [SP XXXIII, EK 46]. En effet, après avoir exposé ses intentions, Majorana s’en va sans rien dire et revient le lendemain avec des solutions plus élégantes d’un problème sur lequel travaille Fermi (voir encadré sur le modèle Thomas Fermi). Il est donc intégré sans délai au petit groupe qui entoure Fermi. Il se révèle bientôt comme un esprit exceptionnellement doué pour la physique théorique qui le fait apparaître bien supérieur à ses collègues, doté d’une intelligence pénétrante et d’un esprit critique impitoyable.

Enrico Fermi est né le 21 septembre 1901. Son père était employé des chemins de fer. Il fait des études bril-lantes au cours desquelles il montre un talent particulier pour les mathématiques. En 1918 il rentre à l’Ecole nor-male supérieure de Pise où il obtient son doctorat en 1922. Il est déjà considéré en Italie comme un expert en relativité. Avec une bourse post-doctorale, il part à Göttingen en 1923 auprès de Max Born. Il rentre ensuite en Italie pour obtenir un poste temporaire auprès d’Orso Mario Corbino physicien, acadé-micien, sénateur qui rêve de favoriser l’émergence d’une nouvelle génération de physiciens pour redonner à l’Italie le rayonnement qu’elle avait du temps de Galilée. A Rome, Fermi accomplit des recherches dans des domaines variés mais il mène en Italie ses recherches de mécanique quantique dans un iso-lement total car personne n’est com-pétent dans ce domaine. C’est pourquoi il se rend à Leyde, à l’institut dirigé par Paul Ehrenfest où il se plait beaucoup pour acquérir de l’expérience en physique quantique. En 1926, de retour en Italie, il obtient une chaire toute nou-velle de physique théorique ouverte à l’initiative de Cor-bino. Il va dès lors travailler sur les statistiques quantiques dont la célèbre statistique de Fermi Dirac, le physicien anglais l’ayant découverte de manière indépendante. Il développe un modèle atomique connu sous le nom de Thomas-Fermi1 qui est une façon approchée très efficace de traiter le problème du potentiel d’un atome possédant plus d’un électron, soit pratiquement tous les atomes

sauf l’hydrogène. Fermi imagine une méthode pour tenir compte pour chaque électron de la moyenne des autres électrons qui créent un force répulsive diminuant l’attrac-tion du noyau. Le potentiel appelé potentiel universel de Fermi pouvait alors être calculé. Fermi travaillait sur ce mo-dèle quand Majorana conduit par Segré, se présenta à lui.

Il y avait là également Franco Rasseti et Edoardo Arnaldi. Majorana écoute puis demande quelques explications puis disparaît sans rien dire. Il revient le len-demain en demandant à Fermi la table qu’il a entrevue la veille. Tenant la table à la main, il la compare avec un papier tiré de sa poche dans lequel il avait cal-culé une table semblable, chez lui et en moins de vingt-quatre heures, en trans-formant l’équation du second ordre de Thomas Fermi en une équation de Riccati qu’il avait intégrée numérique-ment. Une fois qu’il eût comparé les

deux tables, il déclara que la table de Fermi était correcte ! C’est ainsi que Fermi pris conscience des capacités excep-tionnelles de Majorana.

Fermi poursuivra une carrière brillante et sera récom-pensé par le prix Nobel en 1938. La situation politique de l’Italie devenant insupportable, il émigre aux Etats-Unis la même année. Il contribua ensuite à la mise au point de la bombe atomique. Q

1 Le physicien anglais Llewellyn Thomas avait fait un calcul semblable qui s’applique à des atomes contenant au moins une dizaine d’élec-trons. Chaque électron est soumis au même potentiel attractif de sy-métrie sphérique dû au noyau et à l’ensemble des autres électrons.

Le modèle Thomas Fermi

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Président du directoire d’OxxiusENTRETIEN AVEC THIERRY GEORGES

REE : Vous êtes aujourd’hui président du directoire d’Oxxius, pouvez-vous nous présenter brièvement votre société ? T. G. : Oxxius construit des lasers qui sont utilisés dans les domaines de la métrologie et du biomédical. On les trouve dans des appareils de vélocimé-trie laser qui mesurent la vitesse d’écou-lement des fluides par exemple dans les souffleries ou bien dans les travaux préparatoires d’implantation de champs d’éoliennes ou dans l’optimisation de leur fonctionnement. Ils sont aussi utili-sés pour la mesure des contraintes dans des structures en matériau composite (shearographie). Dans le domaine bio-médical, on les utilise dans des appareils qui comptent et trient les cellules (cyto-métrie en flux).

REE : De quels types de laser s’agit-il ?T. G. : Nos lasers couvrent le spectre vis-ible. Notre idée était de remplacer dans un certain nombre de domaines les lasers à gaz (argon, hélium, néon) par des lasers solides à semi-conducteurs. Il fallait pour cela trouver une technologie qui couvre une large gamme du spectre visible y compris le bleu cyan qui est très utilisé, notamment dans les lecteurs Blu-ray. Nous utilisons deux technologies de laser à semi-conducteur dont GaN et également la technologie DPSS (laser semi-conducteur pompé par diode) qui date de 1988. A l’origine, elle donne des lasers fortement bruités : notre travail a été de rendre ces lasers monofréquenc-es. Nous avons retenu une technologie d’assemblage par contactage molécu-laire qui a été difficile à mettre en pra-tique : il nous a fallu 10 ans pour parvenir à l’utiliser efficacement.

REE : Que représente Oxxius sur le marché ?T. G. : Nous fabriquons environ 500 lasers par an vendus entre 2 000 et 15 000 F pièce. Nos clients sont plu-tôt à l’étranger et sont peu nombreux en France : les sociétés photoniques de taille intermédiaire ont hélas du mal à se développer en France. Le marché mondial sur lequel nous travaillons est d’environ 200 MF : en 2013, le chiffre d’affaires d’Oxxius s’est monté à environ 2 MF. L’Amérique du Nord a représenté 45 % des ventes et l’Europe 30 à 35 %, pour l’essentiel en Allemagne, en Angle-terre et en Italie.

REE : Oxxius est implantée en Bretagne mais est très active sur le marché inter-national. Peut-on encore développer et fabriquer en France ?T. G. : On bénéficie en France d’un en-vironnement très favorable au dévelop-pement. Au plan économique, le crédit impôt recherche constitue une incita-tion très favorable et ne soulève pas de difficulté pour les entreprises comme Oxxius qui font vraiment de la recherche. De plus, nous disposons de laboratoires de recherche universitaires de très bon niveau mais qui cependant ne vont pas assez loin dans le passage à l’applica-tion. En Allemagne, les Instituts Fraun-hofer sont davantage impliqués dans le prototypage de solutions résultant de leurs travaux de recherche. Dans notre domaine les travaux « amont » sont donc

effectués par les laboratoires univer-sitaires et par Oxxius. Les transferts de technologie venant de la recherche pub-lique restent difficiles. Il faut, par exem-ple, payer cash la licence sur un brevet du CNRS sans savoir si on pourra réel-lement en tirer parti. Dans beaucoup de cas les SATT (Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologie) ont tué dans l’œuf des projets.

La fabrication en France est possible dans notre domaine grâce à une bonne efficacité qui compense l’application de la semaine de 35 h. Notre projet industriel, de volume moyen et à hautes qualifica-tions, s’y prête également. Aujourd’hui nous avons 11 personnes en production de niveau Bac Pro, éventuellement de niveau BTS.

Pourquoi la Bretagne ? Il y a en Bre-tagne un terreau de compétences dans le domaine de la photonique, des écoles d’ingénieurs et des startups… Certains pourraient hésiter avec Bordeaux qui propose des aides au développement qui n’existent pas à Lannion mais globa-lement l’écosystème est favorable.

REE : Votre parcours vous a amené de la recherche à l’industrie, ce qui n’est pas si fréquent. Est-ce le fruit du hasard ou d’une volonté délibérée ?T. G. : Pour mon stage de fin d’année, lors de ma formation dans le corps des

Oxxius : une société high-tech spécialisée dans les lasers DPSS

à semi-conducteurs opérant dans le spectre visible

La saga d’un entrepreneur high-tech français

L’environnement en France est favorable

au développement. La fabrication y reste possible

avec une forte motivation et un haut niveau de qualification

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82 Z�REE N°4/2014

télécommunications, j’avais deux objec-tifs principaux, apprendre l’anglais et acquérir une connaissance profonde des lasers. C’est pour cela que j’ai choisi un stage aux États-Unis chez Quantel qui allait devenir Continuum, société spécia-lisée dans les lasers. Je devais contribuer à rénover le produit phare de la société qui représentait un quart de son chiffre d’affaires. Ce stage a confirmé mon inté-rêt pour les lasers mais finalement je m’y suis assez peu formé à l’optique car le travail de développement ne m’a pas laissé de temps pour le faire. A mon re-tour en France, j’ai été nommé au CNET à Lannion en 1989. J’y ai trouvé un très bon environnement : Luc Jeunhomme qui avait constitué l’équipe à laquelle j’appar-tenais y avait attiré des chercheurs bril-lants. J’y suis resté dix ans travaillant sur les lasers et sur la transmission optique.

Dès 1995, j’ai fait le projet de mon-ter une société : une première tentative avec Sprint, alors partenaire de France Télécom, pour développer des systèmes Terabit à solitons a échoué. Les projets de transmission optique à très haut débit avaient du mal à démarrer en Europe car les opérateurs et France Télécom en par-ticulier ne croyaient pas à l’explosion de la demande en transport de données. Les investisseurs quant à eux étaient prêts à financer des opérations dans le domaine dans la Silicon Valley mais pas en Bre-tagne. J’ai cherché à obtenir 100 MF de société de capital-risque mais c’était impossible en France, ce n’était possible qu’aux États-Unis.

Arrive la période où le CNET encou-rage un certain nombre de ses cher-cheurs à sortir du CNET : Innovacom la société de capital-risque du groupe France Télécom peut accompagner financièrement les projets mais à un niveau insuffisant pour mon projet. Il se trouve alors que l’un des investisseurs dans la société Highwave, startup fon-dée à Lannion par des ingénieurs du CNET pour produire des amplificateurs optiques était un fonds américain. Il nous propose alors d’investir 5 MF dans mon

projet. Avec Innovacom, Banexi, New-bury Ventures et Crescendo Ventures comme actionnaires, il devenait possible en 1999 de se lancer dans l’aventure de la construction d’Algety, société spéciali-sée dans les systèmes de transmission à très haut débit par solitons.

REE : Quelles difficultés avez-vous eu à surmonter dans ce parcours ? T. G. : Je n’avais aucune expérience de l’industrie et des systèmes de télé-com. Au-delà de la couche de trans-mission sur laquelle j’avais porté toute mon attention, il fallait développer tout l’environnement électronique néces-saire, développer le logiciel embarqué (firmware) et disposer des moyens de gestion du système de transmission. Il me fallait donc trouver de l’ordre de 150 personnes compétentes dans ces diffé-rents domaines. Dans un premier temps, je me suis évertué à :

-puyant sur des personnes venant du CNET et d’Alcatel, notamment des an-ciens des équipes des systèmes sous-marins Alcatel et des personnes ayant acquis une expérience en gestion de réseau à France Télécom ;

de l’aide d’un ami.J’ai pu constituer ainsi une première

équipe de 30 personnes compétentes pour démarrer les travaux. Ils ont rapi-

dement progressé, moyennant une très forte implication de tous : de mon côté pendant un an, j’ai travaillé sans re-lâche. Assez rapidement, en novembre- décembre 1999, nous avons pu signer des contrats de fourniture avec deux opé-rateurs nord-américains AT&T et QWEST. Ces signatures ont facilité l’accès à des financements complémentaires : l’argent était facile à trouver auprès d’investis-seurs nord-américains. Nous décidons donc de foncer dans le développement. Notre environnement était néanmoins complexe : les investisseurs avaient évi-demment un poids très important, les promesses de contrat changeaient la va-lorisation de l’entreprise et renforçaient encore leur influence sur la conduite de l’entreprise.

Le premier système sort après 18 mois d’existence d’Algety. Il est testé par AT&T qui en est très satisfait. En mars 2000, un deuxième tour de financement à la hauteur de 30 MF est assuré par les investisseurs initiaux auxquels s’est asso-cié Dassault. Devant le succès qui s’es-quisse, de nombreuses offres de rachat d’Algety apparaissent : elles proviennent de Siemens, Corvis, Nortel… mais pas d’Alcatel. Par ailleurs, les clients font pres-sion pour qu’Algety augmente son capital de 200 MF. La question posée est alors de savoir si les actionnaires souhaitent accompagner l’augmentation de capital d’Algety ou bien vendre la société à cette occasion. Notre conclusion commune avec les actionnaires est de vendre à Corvis dont l’activité est alors très com-plémentaire à la nôtre : c’est donc Corvis qui rachète Algety pour 200 MF.

Ma première aventure, Algety, a demandé un investissement

personnel considérable

J’ai toujours souhaité monter mon entreprise mais réunir les fonds

nécessaires était difficile

Le projet industriel se déroulait bien

mais les investisseurs ont souhaité réaliser leur gain

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C ette année 2014 aura été riche en cérémonies ou évènements mémo-riels, mais sans les éditions du Seuil et leur politique éditoriale, on aurait

sans doute manqué d’honorer un des génies du siècle passé, Norbert Wiener. Il avait pourtant droit à quelque témoignage de reconnaissance puisque, né en 1894 – il y a juste 120 ans –, il est décédé en 1964, après avoir donné en 1954 la version définitive de son ouvrage le plus illustre.

Cette actualité éditoriale marque un re-gain d’intérêt pour l’homme et l’œuvre ; nous avions signalé (REE 2013-1) la biographie de N. Wiener, traduite notamment par Robert Vallée, l’un de ses plus anciens et fidèles disciples fran-çais (Héros pathétique de l’âge de l’informa-tion : en quête de Norbert Wiener, père de la cybernétique, aux éditions Hermann). Le phi-losophe Pierre Cassou-Noguès s’était intéressé aux Démons de GÖDEL (Points Sciences 2012), l’éminent logicien contemporain de N. Wiener. Il se passionne pour Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener, essai psychologique autant que philosophique qui replace notre héros dans son époque et témoigne d’une fort large documen-tation. Mentionnons aussi, pour les ouvrages de Wiener, les érudites et passionnantes présenta-tions de Ronan Le Roux, qui annoncent une His-toire de la cybernétique en France de 1948 à 1970 (à paraître dans les « Classiques Garnier »).

Revenons brièvement sur la vie de N. Wiener que deux traits essentiels caractérisent : il fut d’abord un génie précoce et ensuite un mathé-maticien éminent ; les deux tomes de son au-tobiographie (non traduite en français) portent d’ailleurs des titres significatifs Ex-Prodigy & I am a Mathematician. Mais on ne saurait ré-duire à ces seuls aspects la vie d’un prodige qui, sachant lire à 18 mois, entra à 11 ans à l’université et fut à 18 ans le plus jeune PhD de l’histoire de Harvard. Au hasard de ses séjours scientifiques, il fréquenta Russell et Hardy à Cambridge, puis E. Landau et Hilbert à Göttin-gen, puis aux USA, von Neumann et Shannon… A une exceptionnelle formation mathématique, il ajouta une remarquable culture littéraire et philosophique : sa carrière universitaire com-mença d’ailleurs par l’enseignement de la phi-losophie à Harvard, avant qu’il ne devînt l’une des stars du MIT en mathématiques !

Génie romantique, Wiener fut aussi un gé-nie tourmenté, marié à une femme odieuse et

souffrant de troubles maniacodépressifs. Il per-fectionna la lutte antiaérienne, mais refusa de coopérer au programme Manhattan ; traumatisé par l’implication des scientifiques dans les tragé-dies nucléaires de 1945, il hésita à poursuivre ses recherches scientifiques et refusa tout crédit d’origine militaire : cette attitude lui valut la sur-veillance assidue du FBI, en particulier à la pé-riode du maccarthisme. Simultanément, il se fit l’apôtre d’une nouvelle religion laïque, marquée par ses propres travaux, l’utopie de la communi-

cation et se réfugia dans l’écriture, ce qui permet à P. Cassou-Noguès de compléter son ouvrage par une nouvelle retrouvée dans ses archives Un savant réapparaît.

Les deux ouvrages de base sur la cyberné-tique sont enfin disponibles en français, dans des éditions enrichies. Ils n’ont pas le même statut : le premier s’appuie sur des arguments et techniques mathématiques, qu’il est toutefois

loisible de sauter dans une lecture s’attachant aux aspects les plus novateurs. Wiener y fait étalage de sa virtuosité intellectuelle à rappro-cher des domaines éloignés et l’ouvrage illustre l’ambitieuse volonté d’élaborer des concepts qui, comme le sous-titre l’affiche, s’appliquent au vivant comme à la machine. Ainsi plusieurs chapitres portent la marque d‘une double approche, tels Machines à calculer et système nerveux, Apprentissage et autoreproduction des machines ou encore Ondes cérébrales et auto-organisation. Même si des thèmes tels que rétroaction et oscillation, information et entropie commençaient alors à diffuser parmi les scien-tifiques et ingénieurs, on ne laisse point d’admi-rer les synthèses, telles celles qui rapprochent les travaux de Gibbs et de Lebesgue, la théo-rie des groupes et la mécanique statistique… Paradoxalement cet ouvrage n’était toujours pas disponible en français, alors même que les édi-tions Hermann l’avaient rapidement inscrit – en anglais – dans leur prestigieuse collection « Ac-tualités scientifiques et industrielles » aux côtés de Einstein ou Bourbaki !

Après la percée conceptuelle que consti-tua La cybernétique, Wiener récidiva avec Cybernétique et société, dans lequel aucune équation ne vient rebuter ou effrayer le lecteur, mais où les sciences humaines sont à la fois interpellées et enrichies : avec un sous-titre sur l’usage humain des êtres humains, on entre au cœur du fonctionnement de l’individu comme des sociétés. Information, commu-nication et régulation sont illustrées dans des aspects variés, allant du droit à la pédagogie, de la théorie du langage (avant Chomsky !) à des considérations sur la seconde révolution industrielle (au moment même de la décou-verte du transistor aux Bell Labs !).

Les trois ouvrages récemment publiés au Seuil contribueront à réveiller et à stimuler la mémoire collective : le terme de cybernétique semble en effet quelque peu tombé en désué-tude, après de vives polémiques dans les années 50. Souhaitons que ceux qui sont concernés par l’automation et la commande, les machines de communication et l’organisation, lisent Wiener et ses analystes : ils seront éclairés sur leurs propres engagements professionnels et confortés dans leur compréhension du progrès technique. Q

B. Ay.

Actualité de Norbert Wiener et de la cybernétique !

CHRONIQUE

Norbert Wiener LA CYBERNÉTIQUE

Information et régulation dans le vivant et la machine

376 p. - 28 F

Cybernétique et société L’usage humain des êtres humains

224 p. - 8 F

Pierre Cassou-Noguès Les rêves cybernétiques

de Norbert Wiener 288 p. - 22 F

Ces trois ouvrages ont été publiés en avril 2014 aux éditions du Seuil, respectivement dans les collections Sources du savoir, Points Sciences

et Science ouverte.

Page 28: Aperçu du numéro 2014-4 de la REE (octobre 2014)

92 Z�REE N°4/2014

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