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Ãpidémiologie et prophylaxie écologiques de la rage

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Page 1: Ãpidémiologie et prophylaxie écologiques de la rage

Medecine et Maladies lnfectieuses, t975 - 5 - 3 - t 83 h t89

l pidemiologie el prophylaxie cologlques par L. ANDRAL** et L. JOUBERT***

de la rage

A mesure que l'avance du front de rage sglvatique en France se poursuit ****, les interrelations ~troites entre la r~gion envahie et l'~pid~mioIogie de la pro- pagation virale se di~cernent davantage. De m~me, se pr~cisent les risq~es d'u~ne implantation d~finitive de la maladie, avec pollution virale irrdductible de l 'environnement, comme en tdmoigne la r~surgence de la rage g~ Montenach, Ie 17 ]anvier 1974, 6 ans apr~s' l 'invasion initiaIe de cette premiere commune contaminde en France le 28 mars 1968.

L'espoir d'une ~radication de la maladie s'eslompe ainsi peu d peu par m~connaissance d'une analyse dcologique de son dpid~miologie et de sa prophy- laxie, dont la ,faiIlite natt d'une tragiqu'e incompr~hension souvent aggravde par une indolence coupabIe.

SCHEMAS EPIDEMIOLOGIQUES Trois seh6mas 6pid6miologiques peuvent ~tre pro-

pos6s pour i l lustrer la propagat ion de la rage.

1) Seh6ma du cycle na tu re l du virus rabique :

Tr6s simple, voi re simpliste, certes appl icable pour toutes les esp6ces et en tous lieux, le sch6ma

du cycle naturel de t ransmiss ion du virus rabique (sch6ma 1) est priv6 de tout d6tail 6eologique et de- nleure sans pro longement prophylae t ique . I1 indi- que seulement que le virus, neurot rope pur, se trans- met essenl ie l lement de n6vraxe h n6vraxe par le t ruehement de la salive infect@, mat6riel virulent , et de crocs inoeulateurs , lors de la morsure conta- minante.

SCHEMA 1

Cycle natnrel du virus rabique.

Organisme Cerveau Glandes sal ivaires infect6 • infect6 ~ infect6es

Infec t ion Salive vi rulente _ _ organisme

--~- + morsure - - sain

I1 en d6coule la facilit6 th6oriquc d 'une prophyla- xie exc lus ivement sani ta i re de la rage, du moins lorsque le contr61e des populat ions animales est ais6 : ce fut le cas pour la rage canine, dont la France 6tait indemne depuis plusieurs d6cennies avant l ' invas ion r6cente de la rage vulpine.

Ce sch6ma permet de pr6ciser en outre que, selon la loi de Ch. Nicolle, le virus ne saurai t se propager que si le quadr i l lage des r6ceptivi t6s de- meure suffisamment serf6. En revanche, si ses mail- les s'61argissent grace, en par t icul ier , '~ la l imita- t ion contr616e et pe rmanente des popula t ions de l'es- p6ce vec t r i ce pr6f6renfielle, le f ront rab ique devient stat ionnaire.

Pour la rage, l ' exp6r ience sur le te r ra in a montr6 que le scull a pa r t i r duquel sa t ransmiss ion ne se fail plus est situ6 au niveau de 1 renard pour 250

300 hectares, ators que la densit6 de cette esp6ce couramment enregistr6e en F rance ~ t 'heure actuellc est de 8 h 10 fois sup6rieure "~ ce chiffre.

* M a n u s c r i t re£u le Ier d g c e m b r e 1974,

** Cent re d ' E t u d e s su r la Rage, Nancy, B.P. 9, 54200 Ma lzev i l l e .

*** Ecole N a t i o n a l e Vd td r ina i r e . Serv ice des M a l a d i e s Con tag i euse s , 69337 L y o n Cedex 1.

Par ailleurs, les preuves tangibles de l 'efficacit6 du contrble de la densit6 des renards sont donn6es en F rance :

- - p a r le si lence rabique observ6 pendant plu- sieurs ann6es en arr i6re du f ront enzootique du fait que 50 h 60 % de la popula t ion vulp ine a d i sparu sous l ' inf luence de la maladie et de Fact ion conjugu6e de l ' homme ;

- - p a r l 'absence de tout cas de rage darts la p la ine du Bhin, de Strasbourg h Mulhouse, en raison, certes, de l 'act ivi t6 agricole intense de cette r6gion, mais aussi et surtout dn type de chasse qui y est prat iqu6e (petit g ib ier p lume et "~ poll) pour lequel le renard est un

Au 30 septembre 1974, 17 d~partelnents de l'Est de la France ont 6l~ atteints (Aisne, Ardennes,. Aube, C6te-d'Or, Doubs, Marne, Haute-Marne, Meurthe-et- Moselle, Meuse, Moselle, Oise, Bas-Rhin, Haut-Rhiu, Haute-Sa6ne, Vosges, Yonne et Territoire dc Bel- fort) et le diagnostic dc rage a dt~ port6 au labo- ratoire sur : 5 188 vcnards, 210 must~lid6s dont 109 blaircaux, 44 chevrenils, 166 chiens, 209 chats, 830 bovins, 125 ovins, 32 dquins, 4 porcs, 1 lapin, soil un total de 6809 cas de rage d'origine vul- pine. A ce chiffre s'ajoutent 27 cas erratiques sur le reste du terriloire.

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Page 2: Ãpidémiologie et prophylaxie écologiques de la rage

prddateur impor tant (20 pibces de gible t p a r an et par renard) , ce qui suscite une l imita- t ion tr6s stricte de sa popula t ion par les chasseurs sans que cela ait entrain6, pour au- rant , un d6s6quilibre n6faste au niveau de la faune sauvage (rongeurs en par t icul ier) ;

- - p a r l ' ex t inc t ion compl6te des enzooties ponc- tuelles ant6r ieures de rage vulp ine observ6es en CSle-d'Or en 1928 et en Corse en 1945.

Aussi, route abdicat ion fatalisle devant la pro- gression rabique est-elle atti tude condamnable , in- justifi6e et dangereuse puisque la mul t ip l ica t ion des cas de rage animale augmente les probabil i t6s d 'une

infect ion humaine (1 pour 1 000 en moyenne) . De plus, on ne saurait trop longtemps compter sur l ' apparen t privil6ge dont jouit la F rance actuelle- merit, demeur6e vierge encore de cas autochtone de rage chez l 'homme pour un total de 6 836 cas de rage an imal ddcompt6s au 30 septembre 1974.

2) Sch fma du cycle an th ropocen t r ique : T o u s l e s sch6mas m6dico-v6t6rinaires relatifs au

m6canisme 6pid6miologique de la t ransmiss ion vi- tale, certes plus pr6cis, se r6v61ent sans rdels fon- dements 6cologiques et p@hent par leur complexit6, d6s lots qu ' i ls p rd tendent s ' appl iquer en lous l ieux sch6ma 2).

R SCHEMA 2

V A

Rage

ouverte

Retransmls - sible

Extensive.

<

- Renards

_ Chaca l s

_ Coyotes

_ Skunks

_ Loups

_ Mangoustes

_ Chlropt~res

_ Singes ?

_ Rongeurs ?

- ( A r t h ropodes ) ?

. - - -¢ t

les m~mes. ----.4 I

Jes m~mes

+

Ch lens

Chats

H O M M E J

Cycle anihropocentrique mddicow(~tdrinaire.

+ •

Chlens

mats +

Herbivores Porcs

( olseaux ) i

,

Rage

f e r ru l e

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Page 3: Ãpidémiologie et prophylaxie écologiques de la rage

l l s demeuren t centr6s d61ib6r6ment sur les ani- maux domest iqnes et sur l 'homme, dont la rage ne repr6sente pour tan t que des 6piph6nom6nes, des p ro longements occas ionnels de la rage sauvage, ja- mais alt6r6e dans sa p ropaga t ion sy lva t ique p a r l 'ap- p l i ca t ion aux esp6ces domest iques et h l ' homme d 'une p r o p h y l a x i e san i t a i re et m6dicale .

De r6servoi rs sauvages (R), forts diff6rents d 'une r6gion du globe i( l 'autre , le v i rus se t r ansmet aux m4mes esp6ces vec t r ices et ampl i f ica t r ices (V), aux- quelles s ' a joutent les ca rn ivo re s domest iques qui menacent d i r ec t emen t l ' homme, la p a r t i c i p a t i o n des a r th ropodes 6taut encore fort d iscutable . I1 gagne les v ic t imes animales (A), oh se rec ru ten t les mSmes r6servoi rs et ]es mSmes vecteurs , addi t ion- n6s des he rb ivores et du porc , excep t ionne l l ement parfois des oiseanx, qui peuven t in fec te r l ' homme mais demeuren t des impasses 6pid6miologiqnes , a lors que la rage des ca rn ivores domest iques et sau- rages, des ch i rop t6 res et, 6ventuel lement , des ron- geurs, est l a rgement ouverte, r e t r ansmiss ib l e et ex- tensive.

De tels sch6mas offrent, certes, le m6ri te de sou- l igner l ' impor t ance de la p r6vent ion m6dica le pa r vacc ina t ion d 'ob l iga t ion ou d ' i nc i t a t i on des ani lnaux domest iques (chiens et bovins surtout) , h la fois r6v61ateurs et i n t e rm6d ia i r e s de la rage sauvage l 'homme et de l ' immuni sa t ion sys t6mat ique des po- pula t ion s humaines ~ haut r i sque (v6t6rinaires, 6qua- r isseurs, garde-chasses) . Or l ' av6nement r6cent de vac- cins inact iv6s inoffensifs et tr6s efficaces chez l 'hom- me risque, p a r ai l leurs, de fa i re na i t re un d6sint6- r4t pou r la vacc ina t ion des an imaux domest iques et m6me pour les mesures de p r o p h y l a x i e san i t a i re sp6cifique, d ' au tan t p lus qu 'e l les sont appl iqn6es , h grand frais , beaucoup plus dans le desse in de pro- t6ger l ' homme cont re nne zoonose mortc l le qne de lut ter cont re une malad ie sans i nc idence 6conomique notable (830 bovins en 7 arts).

En outre, ces cons t ruc t ions sch6mat iques posent en accord avec la concep t ion moderne de la rage, malad ie ~t v i rus lent et h auto- immunit6 , le pro- bl6me non r6solu des r6servoi rs rab iques responsa- bles des r6surgenees diff6r6es en amont .du f ront enzootique. Class iquement esp6ce peu sensible, lon- guement excr6tr ice , l a rgement repr6sent6e dans un t e r r i to i re donnG le r6se rvo i r demeure hypo th6 t ique : r ena rds r6sis tants ou contamin6s a min ima , must6- lid6s (bla i reaux, mar t res , fouines, putois , belettes) leurs comp6t i teurs t rophiques , rongeurs contamin6s lors d 'nne cap ture inanqu6e p a r un r e n a r d malade ou h la suite de l ' inges t ion d ' insec tes n6erophages infect6s sur un cadavre rabique. La poursu i t e d 'une 6 rad ica t ion exige alors des 6tudes 6pid6miologiques appro fond ie s de la phase s'iIencleuse post-enzootique, toujours malais6es darts la r eche rche d 'un ph6no- m6ne s ta t i s t iquement rare , souvent m6sest im6es pa r paresse ou ignorance .

Au total peu exploi tables , de telles f igurat ions or ien ten t f f icheusement les p r o p h y l a x i e s vers une

app l i ca t ion , certes oppor tune , mats res t re in te et f ragmenta i re , de mesures h l ' encont re de la rage domest ique et de pr6vent ion chez l 'homme. En effet, n6cessa i re en sot, mats isol6ment impuissantes , ces m6thodes de lutte ignorent le p robl6me fonda- menta l de l ' 6 rad ica t ion de la rage sauvage, dont la r6solut ion leur enl6verai t lout int6r4t.

3) S c h 4 m a du cyc le 6 c o - 4 p i d ~ m i o l o g i q u e :

L'Ecologie, << sc ience qui consis te ~ 6 tudier les r a p p o r t s des 8tres v ivants avec leur mi l ieu ainsi que les r appor t s des 8lrcs v ivants en t re eux, l ' homme devant 8tre consid6r6 comme un ~tre v ivant au m~me t i t re que n ' impor t e quel an imal ou v6g6tal >> (Pier re Aguesse) nous perInet de r6al iser , pa r contre, une f igurat ion synth6t ique (syn6cologie) des 6qui- l ibres na ture l s entre les popu la t ions v6g6tales et an imales (6cosyst6mes) group6s en ensembles (bio- c6nose) et se t rouvant en dynamique constante sur un t e r r a in donn6 (biotope). Cette f igurat ion (sch6- ma 3) qni 6voque des c i rcu i t s 6nerg6tiques fond6s sur l '6nergie solaire , pr6sente une p y r a m i d e de bio- masses c ompre na n t de la base au sommet •

- - l a couverture vdg~tale, n6e de l ' a s s imi la t ion c h lo rophy l i e nne et assisc sur les 6cosyst6mes mic rob io log iqucs du sol, qui en assurent la fer t i l i t6 ;

- - I e s consommaleurs pNmai re s (herb ivores et g ran ivores ) cons t i tuant les p ro ies t r ad i t ion- nelles du renard , ou r6seau t roph iqne vu lp in (essent iel lement , p a r o rd re d ' impor t ance , ron- geurs, l agomorphes , oiseaux, insectes) ;

- - Ies consommateurs secondaires (prddateurs) :

a) ca rn ivo res parrot lesquels le r ena rd occupe actueIlement , une p lace ar t i f ic ie l lement pr6- pond6ran le ,

b) les r apaces (nocturnes e t c r6puscu la i res en pa r t i cu l i e r ) avec lesquels le r e n a r d sera i t en comp6t i t ion a l imen ta i re si leurs e f f e c t i f s n ' ava ien t pas 6t6 r6dui ts darts des p ropo r t i ons ca tas t roph iqnes p a r une chasse ant i6cologique et scandaleuse ;

- - les consommateurs tertiaires (superpr~dateurs) par ro t lesquels on t rouverai t , ent re autres, dans les cond i t ions normales d 'un 6qui l ibre biolo- gique non per turb6, le loup, le lynx, l ' a ig le royal , le grand-duc , mats qui ne c o m p r e n d plus ac tuel lement que l ' homme et, p a r p6r iodes plus ou moths cycl iques , des agents patho- g6nes sp6cifiques des esp6ces en su rnombre (dans le cas du renard , la gale sa reopt ique , la ma lad ie de Rubar th , la rage) repr6sen tan t une supe rp r6da t ion spontan6e de suppl6ance ;

- - l e s d~composeurs microscop iques enfin assu- ran t la fe rmeture du cycle b io logique avec re- tour au sol et cons t i tu t ion des cycles b iochi - miques du carbone, de l 'azote, de l 'oxygbne, du phosphore , du soufre.., sans omett re les 6co- systbmes bac t6r iens d iges t i fs p r o p r e s h chaque esp6ce.

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Page 4: Ãpidémiologie et prophylaxie écologiques de la rage

SCHEMA 3

R6seau t rophique du renard en 6cologie. La p y r a m i d c est ddcapitde par d ispar i t ion des prddateurs du rcnard qui, de ce fait , occupe le sommet dc la hi~rarchie na tu -

relle inter-csp~ces. La prfidation na tu rc l l e qui ne s 'exerce plus sur le r enard doit ~tre remplaeSe par la prfidation eontr61de de l ' h o m m e ou ineontr61~e des ma lad ies (gale,

rage).

HOMME A / ,

, ~, t

dt I

RAGE

GALE

Hyperpr~dateurs

e..

Consommateurs tertiaires

Superpr~dateurs

Competition al|mentalre

P r~dateL oi seaux

grao, vores/

Consommateurs secondaires

~aateurs :arnivores

Con sommal'eurs i , / ~ pri malres

herbivores

C tve r tu r e ' ~, !

E eosyst~,

D~composeurs.

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Page 5: Ãpidémiologie et prophylaxie écologiques de la rage

I~QUILIBRES BIOLOGIQUES ET PROPHYLAXIE

Dans une pyramide 6eologique harmonieuse et 6quilibr6e, le renard , avec des populat ions r6duites, oceupe une place m6diane entre les superpr6dat ions qu'i l subit et les pr6dat ions qu ' i l impose.

Or, dans les pays industr ia l is6s et nantis , comme la France, la pyramide 6cologique est d6capit6e par destruction des superpr6dateurs et l e s populat ions vulpines, e n explosion d6nmgraphique, oeeupent ar- t ificiellement le sommet de la h i6rarehie inter-es- p6ees.

L 'homme est d i reetement responsable, par son eomportement, de e et Oat de chases entra ln6 :

- - par la dest ruct ion des pr6dateurs naturels du renard, tels que Fours, le loup, le lynx, l 'aigle ;

- - par l ' inexis tenee de route eomp6ti t ion al imen- taire entre le renard et, d 'une part, les carni- vores sauvages (martres, fouines, putois, belet- tes) abus ivement pi6g6s en rue de la protec- t ion du gibier et, d 'aulre part, les rapaees noc- turnes ou er6puseulaires trap longtemps vie- times de la sottise populaire, au jourd 'hu i trhs judic ieusement prot6g6s par la lot mats sou- vent encore abattus par des chasseurs on des 61eveurs de giblet sans serupules ;

- - par l ' abandon de la ehasse au renard pour sa fourrure, au d6tr iment d'esp6ees en vote d'ex- t inet ion, mats plus reehereh6es ;

- - par la rarer6 des op6rations syst6matiques bien eonduites de l imita t ion du nombre des re- nards aux fins cyn6g6tiques, exceptions fai- tes pour des zones s t r ie tement prot6g6es, cam- me ta pla ine d'Alsaee d6jh cit6e ;

- - par une fausse concept ion du r61e de protec- teur de la nature et de la faune sauvage que l 'homme vient de se d6eouvr i r et qui l ' en t ra lne

/t ne plus exercer une pr6dat ion snffisante sur une esp6ce d6jh largement servie par sa pro- lifieit6 et ses faeult6s d ' adapta t ion ;

- - par l ' augmenta t ion du nombre des prates of- fertes au renard d6coulant h la fats de la modi- fication des techniques agrieoles, du d6peu- p lement des eampagnes, de la mul t ip l ica t ion des dSeharges inorganis6es ou sauvages (qui en t r a inen t la prol i f6rat ion des rats), de 1fi- ehers de gible t de repeuplement (levrauts, per- drix, faisans) inaptes h la vie sauvage et prates offertes aux pr6dateurs.

D6s lors, un m6eanisme d 'auto- l imita t ion des popu- lations vulpines en execs ne pouvait manquer de s ' ins taurer pour r6tablir les 6quil ibres naturels per- turbds. Aussi ta rage doit-elle dtre considdrJe comme I'in~uitable subst i tut ion dl l 'homme d~failla'nt d'une predat ion ndcessaire el comme l'il~exorabIe ranfolz d'une proli fdration exagdrde de l'espdce va:lpiz~e, la mu, l t ipl icat ion des contacts en l ro immt l'accroisse- men t de la propaga.tion virale.

De mfime que la myxomatose volontaire, destin6e h l imi ter les popula t ions de lapins de garenne hau- tement d6pr6dateurs, la rage aurai t pu repr6senter une mortal i t6 favorable, spontan~e, voire provoqu6e pour obtenir la l imita t ion des popula t ions vulPines, s'il ne s 'agissait d ' une maladie morlel le pour les anin laux domestiques et pour l 'homme, h l ' inverse pr6eis6ment de la myxomatose s t r ie tement sp6eifi- clue du lap in . Elle aurai t 6t6 avantageusement rem- plae6e par des eetoparasites (gale sareoptique en- zootique meur t r i6re d6j~ eonstat6e darts eertaines r6gions) ou d 'autres virus, tel celui de l 'h6patite in- fectieuse de Bubar th (ene6phalite du renard) non pathog6ne pour l 'homme.

BUTS ET MOYENS D'UNE

I1 importe donc, dans un t r iple but : - - s a n i t a i r e de lutte contre la rage, - - cyn6g6tique de protect ion du giblet , - - 6 e o l o g i q u e de res taurat ion durable des 6qui-

l ibres naturels,

de p romouvoi r une action eoneert6e, stricte et me- sur6e, v isant h la fats la l imita t ion des popula t ions pl6thoriques .des renards eL la sauvegarde de eette esp6ee, la protect ion accrue des esp6ees superpr6- datriees ou pr6datr iees en eomp6ti t ion a l imenta i re avee le renard , en un mot de subst i tuer h la super- pr6dat ion aveugle et dangereuse de l 'enzootie ra- bique une superpr6dat ion de l 'homme consid6rant 13 renard comme un giblet aetuel lement en sur- nombre et non pas eomme un an imal nuis ib le exterminer.

Tels sont les termes raisonn6s de la n6eessaire 6dueation d 'un publ ic de plus en plus eonquis h la

PROPHYLAXIE i~COLOGIQUE

protect ion de la nature, mats la parod ian t en contre- ear rant b ien des fats les op6rations de l imi ta t ion des renards entreprises dans le cadre de la lutte eontre l 'enzootie rabique.

Le seh6ma 6co-6pid6miologique (sch6ma 4) de- meure done le seul h 6tablir l ' i n te rd6pendanee de l '6eologie (pr6dation par le renard et superpr6da- t ion du renard) et de l '6pid6miologie (contagion), h centrer la propagat ion rabique et la prophylaxie an t i rab ique sur le renard, h s6parer les rages sau- rages, domestiques et aberrantes.

Les enseignements de cette 6pidSmiologie 6colo- gique doivent se prolonger par une prophylaxie 6co- logique de la rage vulpine. Cette derni6re dolt r i se r fondamenta lement et h long terme la reeonst i tu t ion progressive des 6quil ibres biologiques naturels an- tSrieurement d6truits, depuis des mill6naires, par l 'ae t ion anareh ique et anti-6eologique de l 'homme.

187

Page 6: Ãpidémiologie et prophylaxie écologiques de la rage

Superpr6d~ateurs

ours, Ioup, lynx ~" 2"-"

SCHEMA 4

Cycle 5co-6pid4miologique aetnel de la rage vulpine en France. (Statist iques du Centre d 'Etudes sur la Rage,

an 30 septembre 1974).

Rage des animaux domestiques 20 %

RAGE

H!. 7

, T l Herbivores 12 %

Chats 3 %

S ~ 2,4 Chiens %

,~ . Ecologie ( Pr6dation )

r Epid~miologie ( Contagion )

? Rapaces nocturnes

5 et cr6pusculaires

4

1 Petit glbier Rage du Renard 76,3 %

Rage des animaux sauvages 79, 9 %

flaireaux ,6 %

Zone enzootique.

Zone~saine

Rage err~que 0,5 %

/ Importation de I'Etranger

k (gh'~vreuils O, 6 %

Mustelid~s 1 , 4 %

I1 incite aux mesures prophylact iques f o n d a m e n t a l e s :

(1) Limita t ion contr61~e et permanente des populat ions ,de renards ,

(2) Restaura t ion de certains snrpr6dateurs dans des zones privil~gi6es,

(3) Amdnagement des conditions cyndg~tiques,

(4) Diminut ion des rongeurs-proies,

(5) Protect ion des colnp~titeurs al i inentaircs du renard,

(6) Contr61e des errants, surtout du chat, et accessoires :

(7) Abattage des animaux enrag6s - Vaccina[ions,

(8) Vaccination pr~vcntivc de l 'hommc (population h haut risque),

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Page 7: Ãpidémiologie et prophylaxie écologiques de la rage

Dans l 'a t tente de cette res taurat ion lente et pru- dente, elle dolt viser /t court terme et h t i tre de me- sures d 'urgence :

directement, la l imi ta t ion m6canique ou toxique,, contr61de et permanente , des popula t ions de r ena rds* pa r des 6quipes sp6cialis6es et com- p6tentes, pouvant mener leurs act ions sur tous les f o n d s (fir au fusil, pi6geage, gazage des terriers, empoisonnement ~ la s t rychn ine dans les c h a r n i e r s , d6t.errage, chasse), voire biolo- gique (st6rilisation par anovulatoires, eomp6- t i t ion virale par un autre virus, vacc ina t ion an t i rab ique de renards avec rel'~cher des vac- ein6s marqu6s) ;

__ indirectement, le r66quil ibre 6cologique par la d i m i n u t i o n du hombre des proies du r ena rd mise en o~uvre de m6thodes cul turales 6vitant la mul t ip l ica t ion des rongeurs) , l 'o rganisa t ion et le contr61e des d6charges publ iques et des ouvrages mi l i ta i res abandonn6s, l ' am6nagement des l~chers de giblets de repeuplement , la protect ion des pr6dateurs coneurrents , la r6- implan ta t ion 6ventuelle dans des zones pr ivi - 16gi6es de superpr6dateurs comme le lynx, le contr61e strict des an imaux domestiques er- rants (ehien et surtout chat).

- - de plus, les mesures accesgoires qui ne conser- veront ~ l ' aveni r leur caractbre capital qu 'au- tant que sera sous-estim6e l ' impor tanee de la prophylaxie 6cologique, doivent 6tre main- tenues et poursuivies, en par t icu l ie r les ac- t ions t radi t ionnet les de lutte m6dicale et sa- ni ta i re h l ' encont re de la rage des an imaux domestiqnes et de l 'homme.

Bacon disait, il y a plusieurs si6cles : (< On ne sau- rai l va incre la nature qu 'en ob6issant "~ ses lois >> et Remlinger, le grand rabiologue fran~'ais, confiait h Fun de nous, au terme de sa longue vie : << En d6finitive, les pays out toujours la rage qu' i ls m6- r i tent >>.

Nous souhai tons que de telles pens6es aident h eonvaincre que seule une prise de conscience col- lective de l ' ampleur d 'un problbme A r6soudre per- mettra d '6viter une abdica t ion coupable devant les obstacles ~t su rmonte r , abdicat ion qui en t ra inera i t

temps et pour tongtemps une r6elle pol lut ion biologique d 'un env i ronnemen t qui n 'a jamais 6t6 autant n6cessaire ~ la sauvegarde de la salubrit6, de la s6eurit6 et de la qualit6 de la vie.

CONCLUSIONS

1 ° La rage vulp ine actuelle i l luslre sans ambiguit6 la n6cessit6 de ra i sonner d6sormais l '6pid6miologie et ]a prophylaxie de la maladie en termes 6colo- giques.

2 o I1 para i t alors oppor tun de subst i tuer aux seh6- inas 6pid~miologiques classiques, d 'or ien ta t ion m6- dicale et v6t6rinaire, un sch6ma 6co-6pid6miologique inc i t an t h une prophylax ie 6cologique plus ration- nelle et plus efficace.

3 ° Seule, en effet, une prophylaxie 6cologique de la rage sauvage, visant essentiel lement la limi- tat ion contr616e et pe rmanente des popula t ions de renards, enferme en l '6tat actuel de nos connais- sances l 'espoir d 'une 6radicat ion h terme.

RESUME L'6pi-enzootie europ6enne de rage vu lp ine s6vit ma in t enan t en France depuis plus de six ans.

Au delh des moyens de lntte t r ad i t ionne l lement utilis6s, qui ne peuvent avoir d'effets prolong6s dans le temps, il est devenu urgent de rechercher , A la lumi~re des donn6es 6eologiques qui eond i t i onnen t l '6pid6miologie de la rage vulpine, des solutions 6cologiques aux probl~mes pos~,s par sa prophy- laxie.

M o t s - c l e f :

Rage - Renard - Epid6miologie - Prophylax ic - Ecologic.

SUMMARY The European fox rabies << Epi-enzootic >> rages in France for more than s ix years. It becomes urgent, beside the usual control programs of l imited effects to search w i th in in the scope of ecological data involved in the epidemiology of fox rabieg, solution to rabies prophylaxis .

K e y - w o r d s :

Rabies - Fox - Epidemiologg - Prophylaxis - Ecology.

* En France, cette pr6dation contr61de de l'homme a port~ sur 24000 renards en 1969, 25 000 cn 1970, 30 000 en 1971, 44 000 en 1972 et 47 000 en 1973, annie pour la- quelle les credits utilis6es ont atteint 1.600.00 frs.

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