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expositions importantes. L’interprétation est facilitée en présen- tant les résultats sous forme graphique. Certaines observations sont évocatrices d’un AP, mais aucune n’est pathognomonique et il est souvent utile d’en confier l’interprétation à un spécialiste. Les mesures en série du DEP ont l’avantage d’être peu coûteuses et d’offrir une corrélation satisfaisante avec les résultats des tests de provocation bronchique; la méthode a toutefois plusieurs inconvé- nients. Elle exige notamment une coopération étroite du patient et les résultats ne sont pas nécessairement précis; en outre, il n’existe pas de méthode normalisée pour l’interprétation des don- nées; certains patients sont obligés de prendre une ou deux semai- nes consécutives de repos pour que les mesures confirment que leur état s’améliore sensiblement. Les spiromètres enregistreurs électroniques portables, conçus pour l’autocontrôle des patients, permettent de remédier à certains inconvénients des mesures en série du DEP; encore faut-il en avoir à disposition. Les médicaments antiasthmatiques ont tendance à réduire l’ef- fet des expositions professionnelles sur les mesures d’exploration ventilatoire. Il n’est toutefois pas recommandé d’interrompre les traitements au cours de la surveillance des débits respiratoires au travail. Au contraire, le patient devrait rester sous médication (à dose faible, mais constante, d’anti-inflammatoires) pendant toute la période d’établissement du diagnostic; il faut également sur- veiller de près les symptômes et le débit respiratoire et noter dans le protocole si l’on a utilisé des bronchodilatateurs à courte durée d’action pour enrayer les symptômes. L’absence de variation du DEP pendant les heures de travail régulières du patient n’exclut pas le diagnostic d’AP; dans de nombreux cas, en effet, il faudra plus que les deux jours d’une fin de semaine pour qu’une amélioration considérable du DEP se manifeste. Dans ce cas, un essai diagnostique d’arrêt de travail prolongé (étape 5) devrait être envisagé. Si une mesure quantita- tive de la RBNS n’a pas encore été effectuée et si le patient ne présente aucune contre-indication médicale, il convient d’y procé- der immédiatement après deux semaines au moins d’exposition sur le lieu de travail. Etape 5: évaluation clinique de l’asthme en période de repos ou essai diagnostique d’arrêt de travail prolongé Cette étape consiste à réaliser des mesures en série du DEP quoti- diennement toutes les deux heures, et cela pendant un congé d’au moins neuf jours (par exemple, cinq jours d’arrêt de travail précé- dés et suivis d’une fin de semaine). Si ces mesures, comparées à celles effectuées quotidiennement au travail, ne suffisent pas pour diagnostiquer un AP, elles devraient être poursuivies pendant une deuxième semaine consécutive d’arrêt de travail. Après deux se- maines de repos ou plus, il est possible d’effectuer une mesure quantitative de la RBNS et de la comparer à la valeur mesurée en période de travail. Si aucune mesure en série du DEP n’a été pratiquée pendant deux semaines de travail au moins, il est alors possible de procéder à un essai diagnostique d’arrêt de travail (voir l’étape 4), après avoir soigneusement informé les intéressés et en étroite collaboration avec le médecin traitant. L’étape 5 joue sou- vent un rôle extrêmement important dans la confirmation ou l’ex- clusion du diagnostic d’AP, bien qu’elle puisse également être l’étape la plus délicate et onéreuse. Si un arrêt de travail prolongé est tenté, la meilleure façon d’optimiser la procédure diagnostique et son efficacité consiste à y inclure des mesures du DEP, du VEMS et de la RBNS pour que le bilan soit complet. Une consul- tation médicale hebdomadaire destinée à conseiller le patient et à analyser le tracé du DEP peut contribuer à l’obtention de résultats complets et précis. Lorsque la surveillance du patient pendant deux semaines de travail et deux semaines de repos au moins ne suffit pas pour apporter la preuve diagnostique, il faut alors envisager l’étape 6, si elle est réalisable. Etape 6: tests de provocation bronchique spécifique ou tests de provocation sur le lieu de travail Les tests de provocation bronchique spécifique utilisant une chambre d’exposition et des niveaux d’exposition normalisés ont été qualifiés d’«étalon or» du diagnostic de l’AP. Ils ont pour avantage de confirmer formellement l’AP en permettant d’identi- fier une réponse asthmatique à un taux subirritant d’agents sensi- bilisants spécifiques qu’il est ensuite possible d’éviter soigneuse- ment. De toutes les méthodes diagnostiques, c’est la seule qui permette d’établir une distinction fiable entre l’asthme induit par un agent sensibilisant et une provocation par des agents irritants. Cette méthode présente toutefois plusieurs inconvénients, notam- ment son coût et la nécessité d’une surveillance attentive ou d’une hospitalisation pendant plusieurs jours; en outre, elle n’est appli- cable que dans quelques centres spécialisés. Des faux négatifs peuvent s’observer s’il n’est pas possible d’appliquer la méthodo- logie standard à tous les agents suspectés, si certains agents sont soupçonnés à tort ou s’il s’est écoulé trop de temps entre la dernière exposition et le test. Par ailleurs, des faux positifs peuvent s’observer si les niveaux d’exposition entraînant des phénomènes d’irritation ont été atteints par inadvertance. Pour toutes ces rai- sons, les tests de provocation bronchique spécifique restent une procédure expérimentale dans la plupart des cas d’AP. Les tests de provocation sur le lieu de travail consistent en une série d’épreuves spirométriques effectuées à fréquence élevée, sous la direction d’un technicien (par exemple, toutes les heures), avant et pendant toute la durée de l’exposition aux agents ou aux processus présumés responsables tout au long d’une journée de travail. Ils peuvent être plus sensibles que les tests de provocation bronchique spécifique, car ils font intervenir les expositions réel- les; mais, comme l’obstruction des voies respiratoires peut être déclenchée par des agents irritants ou sensibilisants, la positivité des tests ne traduit pas obligatoirement une sensibilisation. Ces tests exigent également la coopération de l’employeur et deman- dent beaucoup de temps au technicien qui doit utiliser un spiro- mètre portable. Les deux méthodes mentionnées comportent cer- tains risques de déclenchement d’une crise d’asthme grave et devraient donc être appliquées sous surveillance étroite de spécia- listes en la matière. Le traitement et la prévention Le traitement de l’AP comprend des interventions médicales et préventives adaptées à chaque patient, ainsi que le recours à certaines mesures de prévention dans les milieux de travail pré- sentant un risque élevé d’AP. Le traitement médical est le même que celui de l’asthme non professionnel et a fait l’objet d’une étude approfondie (NAEP, 1991). Le traitement médical seul per- met rarement un contrôle symptomatique correct et la prévention par la limitation ou l’arrêt de l’exposition fait partie intégrante du traitement. Celui-ci doit être précédé du diagnostic exact et de l’identification des expositions et conditions de travail responsa- bles. En ce qui concerne l’AP induit par un agent sensibilisant, la réduction de l’exposition à cet agent ne suffit généralement pas pour faire disparaître complètement les symptômes. Des épisodes asthmatiques graves ou une aggravation progressive de la maladie peuvent être causés par des expositions à de très faibles concentra- tions de l’agent et il est recommandé, par conséquent, de sous- traire complètement et définitivement le sujet à toute exposition dangereuse. Dans certains cas, il peut être indispensable de procé- der en temps utile à la réadaptation professionnelle ou au recy- clage du travailleur. Si une éviction totale de l’exposition est impossible, sa forte réduction, associée à une surveillance médi- cale étroite et à un traitement médical approprié, peut être une solution acceptable, bien qu’elle ne soit pas toujours applicable et que son efficacité à long terme n’ait pas été évaluée. Ainsi, il serait difficile de justifier la toxicité d’une corticothérapie systémique à 10.26 LE CORPS ASTHME PROFESSIONNEL 10.26 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

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expositions importantes. L’interprétation est facilitée en présen-tant les résultats sous forme graphique. Certaines observationssont évocatrices d’un AP, mais aucune n’est pathognomonique etil est souvent utile d’en confier l’interprétation à un spécialiste. Lesmesures en série du DEP ont l’avantage d’être peu coûteuses etd’offrir une corrélation satisfaisante avec les résultats des tests deprovocation bronchique; la méthode a toutefois plusieurs inconvé-nients. Elle exige notamment une coopération étroite du patientet les résultats ne sont pas nécessairement précis; en outre, iln’existe pas de méthode normalisée pour l’interprétation des don-nées; certains patients sont obligés de prendre une ou deux semai-nes consécutives de repos pour que les mesures confirment queleur état s’améliore sensiblement. Les spiromètres enregistreursélectroniques portables, conçus pour l’autocontrôle des patients,permettent de remédier à certains inconvénients des mesures ensérie du DEP; encore faut-il en avoir à disposition.

Les médicaments antiasthmatiques ont tendance à réduire l’ef-fet des expositions professionnelles sur les mesures d’explorationventilatoire. Il n’est toutefois pas recommandé d’interrompre lestraitements au cours de la surveillance des débits respiratoires autravail. Au contraire, le patient devrait rester sous médication (àdose faible, mais constante, d’anti-inflammatoires) pendant toutela période d’établissement du diagnostic; il faut également sur-veiller de près les symptômes et le débit respiratoire et noter dansle protocole si l’on a utilisé des bronchodilatateurs à courte duréed’action pour enrayer les symptômes.

L’absence de variation du DEP pendant les heures de travailrégulières du patient n’exclut pas le diagnostic d’AP; dans denombreux cas, en effet, il faudra plus que les deux jours d’une finde semaine pour qu’une amélioration considérable du DEP semanifeste. Dans ce cas, un essai diagnostique d’arrêt de travailprolongé (étape 5) devrait être envisagé. Si une mesure quantita-tive de la RBNS n’a pas encore été effectuée et si le patient neprésente aucune contre-indication médicale, il convient d’y procé-der immédiatement après deux semaines au moins d’expositionsur le lieu de travail.

Etape 5: évaluation clinique de l’asthme en périodede repos ou essai diagnostique d’arrêtde travail prolongéCette étape consiste à réaliser des mesures en série du DEP quoti-diennement toutes les deux heures, et cela pendant un congé d’aumoins neuf jours (par exemple, cinq jours d’arrêt de travail précé-dés et suivis d’une fin de semaine). Si ces mesures, comparées àcelles effectuées quotidiennement au travail, ne suffisent pas pourdiagnostiquer un AP, elles devraient être poursuivies pendant unedeuxième semaine consécutive d’arrêt de travail. Après deux se-maines de repos ou plus, il est possible d’effectuer une mesurequantitative de la RBNS et de la comparer à la valeur mesurée enpériode de travail. Si aucune mesure en série du DEP n’a étépratiquée pendant deux semaines de travail au moins, il est alorspossible de procéder à un essai diagnostique d’arrêt de travail (voirl’étape 4), après avoir soigneusement informé les intéressés et enétroite collaboration avec le médecin traitant. L’étape 5 joue sou-vent un rôle extrêmement important dans la confirmation ou l’ex-clusion du diagnostic d’AP, bien qu’elle puisse également êtrel’étape la plus délicate et onéreuse. Si un arrêt de travail prolongéest tenté, la meilleure façon d’optimiser la procédure diagnostiqueet son efficacité consiste à y inclure des mesures du DEP, duVEMS et de la RBNS pour que le bilan soit complet. Une consul-tation médicale hebdomadaire destinée à conseiller le patient et àanalyser le tracé du DEP peut contribuer à l’obtention de résultatscomplets et précis. Lorsque la surveillance du patient pendant deuxsemaines de travail et deux semaines de repos au moins ne suffitpas pour apporter la preuve diagnostique, il faut alors envisagerl’étape 6, si elle est réalisable.

Etape 6: tests de provocation bronchique spécifiqueou tests de provocation sur le lieu de travailLes tests de provocation bronchique spécifique utilisant unechambre d’exposition et des niveaux d’exposition normalisés ontété qualifiés d’«étalon or» du diagnostic de l’AP. Ils ont pouravantage de confirmer formellement l’AP en permettant d’identi-fier une réponse asthmatique à un taux subirritant d’agents sensi-bilisants spécifiques qu’il est ensuite possible d’éviter soigneuse-ment. De toutes les méthodes diagnostiques, c’est la seule quipermette d’établir une distinction fiable entre l’asthme induit parun agent sensibilisant et une provocation par des agents irritants.Cette méthode présente toutefois plusieurs inconvénients, notam-ment son coût et la nécessité d’une surveillance attentive ou d’unehospitalisation pendant plusieurs jours; en outre, elle n’est appli-cable que dans quelques centres spécialisés. Des faux négatifspeuvent s’observer s’il n’est pas possible d’appliquer la méthodo-logie standard à tous les agents suspectés, si certains agents sontsoupçonnés à tort ou s’il s’est écoulé trop de temps entre ladernière exposition et le test. Par ailleurs, des faux positifs peuvents’observer si les niveaux d’exposition entraînant des phénomènesd’irritation ont été atteints par inadvertance. Pour toutes ces rai-sons, les tests de provocation bronchique spécifique restent uneprocédure expérimentale dans la plupart des cas d’AP.

Les tests de provocation sur le lieu de travail consistent en unesérie d’épreuves spirométriques effectuées à fréquence élevée, sousla direction d’un technicien (par exemple, toutes les heures), avantet pendant toute la durée de l’exposition aux agents ou auxprocessus présumés responsables tout au long d’une journée detravail. Ils peuvent être plus sensibles que les tests de provocationbronchique spécifique, car ils font intervenir les expositions réel-les; mais, comme l’obstruction des voies respiratoires peut êtredéclenchée par des agents irritants ou sensibilisants, la positivitédes tests ne traduit pas obligatoirement une sensibilisation. Cestests exigent également la coopération de l’employeur et deman-dent beaucoup de temps au technicien qui doit utiliser un spiro-mètre portable. Les deux méthodes mentionnées comportent cer-tains risques de déclenchement d’une crise d’asthme grave etdevraient donc être appliquées sous surveillance étroite de spécia-listes en la matière.

Le traitement et la préventionLe traitement de l’AP comprend des interventions médicales etpréventives adaptées à chaque patient, ainsi que le recours àcertaines mesures de prévention dans les milieux de travail pré-sentant un risque élevé d’AP. Le traitement médical est le mêmeque celui de l’asthme non professionnel et a fait l’objet d’uneétude approfondie (NAEP, 1991). Le traitement médical seul per-met rarement un contrôle symptomatique correct et la préventionpar la limitation ou l’arrêt de l’exposition fait partie intégrante dutraitement. Celui-ci doit être précédé du diagnostic exact et del’identification des expositions et conditions de travail responsa-bles. En ce qui concerne l’AP induit par un agent sensibilisant, laréduction de l’exposition à cet agent ne suffit généralement paspour faire disparaître complètement les symptômes. Des épisodesasthmatiques graves ou une aggravation progressive de la maladiepeuvent être causés par des expositions à de très faibles concentra-tions de l’agent et il est recommandé, par conséquent, de sous-traire complètement et définitivement le sujet à toute expositiondangereuse. Dans certains cas, il peut être indispensable de procé-der en temps utile à la réadaptation professionnelle ou au recy-clage du travailleur. Si une éviction totale de l’exposition estimpossible, sa forte réduction, associée à une surveillance médi-cale étroite et à un traitement médical approprié, peut être unesolution acceptable, bien qu’elle ne soit pas toujours applicable etque son efficacité à long terme n’ait pas été évaluée. Ainsi, il seraitdifficile de justifier la toxicité d’une corticothérapie systémique à

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long terme destinée à permettre au patient de continuer à exercersa profession. En ce qui concerne l’asthme induit ou déclenchépar des agents irritants, la relation dose-réponse est facile à pré-voir et une réduction des concentrations de l’agent irritant, ac-compagnée d’une surveillance médicale étroite, est probablementmoins dangereuse et plus efficace que dans le cas de l’AP induitpar un agent sensibilisant. Si le patient continue à travailler dansdes conditions modifiées, le suivi médical devrait comprendre desconsultations médicales fréquentes avec examen des mesures duDEP notées dans le protocole, un accès facilité aux services d’ur-gence et des épreuves spirométriques en série accompagnées ounon de tests de provocation à la méthacholine, selon les cas.

Dès qu’on soupçonne un lieu de travail d’être à haut risque enraison de l’apparition d’un cas sentinelle d’AP ou de l’utilisationd’agents asthmogènes connus, le recours à des mesures de santépublique peut être extrêmement utile. Le dépistage précoce, untraitement efficace, la prévention d’une incapacité de travail parmiles travailleurs atteints d’AP et la prévention de nouveaux cas sontprimordiaux, au même titre que l’identification du ou des agentsspécifiques et des processus industriels responsables. Dans un pre-mier temps, il est utile de mener sur place une enquête par ques-tionnaire et d’évaluer les réponses en fonction des critères A, B, Cet D1 ou D5 de la définition des cas d’AP. Cette façon de procéderpermet de repérer les sujets pour lesquels une évaluation cliniqueplus poussée s’impose, tout en facilitant la détection des agents oudes conditions de travail responsables de la situation. L’évaluationdes résultats collectifs peut contribuer à décider s’il convient d’ap-profondir les investigations sur le terrain ou d’envisager d’autresinterventions et, si c’est le cas, d’indiquer où les efforts de préven-tion ultérieurs pourront être les plus efficaces. Un questionnaire nepermet cependant pas, dans ce cas, de porter un diagnostic d’AP àl’échelon individuel, car la valeur prédictive des réponses collecti-ves n’est pas suffisamment élevée. Si l’on veut atteindre un degréde certitude diagnostique plus élevé, on peut également envisagerun dépistage médical faisant appel à des procédures diagnostiquestelles que la spirométrie, la détermination quantitative de la RBNS,des mesures en série du DEP et des tests immunologiques. Dans leslieux de travail à risque confirmé, il peut être utile d’assurer unesurveillance suivie et un programme de dépistage. Cependant,l’exclusion sélective des travailleurs asymptomatiques ayant desantécédents d’atopie ou d’autres facteurs sensibilisants potentielsliés au travail et présumés à haut risque provoquerait le retrait d’ungrand nombre de travailleurs pour prévenir un nombre relative-ment restreint de cas d’AP; les études publiées jusqu’à présent neconfirment pas le bien-fondé d’une telle démarche.

En réduisant les concentrations de substances nocives, ou en leséliminant, ou encore en évitant, par une réorganisation du travail,les périodes d’exposition à des concentrations élevées, on protége-ra les collègues de travail du «cas sentinelle» contre une sensibili-sation aux substances incriminées et contre le développementd’un AP. Il convient de mettre en place, selon les cas et dansl’ordre de priorité ci-après, les diverses mesures dont on dispose:substitution, prévention technique et dispositions administratives,équipement de protection individuelle, éducation des travailleurset des cadres. Les employeurs soucieux de faire de la préventionmettront ces mesures en œuvre en totalité ou en partie; si cesmesures s’avèrent inefficaces et si le risque demeure élevé pour lestravailleurs, il peut être utile de faire appel aux services d’inspec-tion gouvernementaux.

L’incapacité fonctionnelle et l’invaliditéPar incapacité fonctionnelle, on entend un trouble fonctionnel résul-tant d’un état morbide, alors que l’invalidité se rapporte au retentis-sement global de l’incapacité fonctionnelle sur la vie du patient,compte tenu de nombreux facteurs non médicaux tels que l’âge etle statut socio-économique (ATS, 1995).

L’incapacité fonctionnelle est évaluée par le médecin et peutinclure un indice d’incapacité calculé, ainsi que d’autres considé-rations cliniques. L’indice d’incapacité est fondé sur: 1) le degré delimitation ventilatoire après administration d’un bronchodilata-teur; 2) le degré de réversibilité de la limitation ventilatoire avecun bronchodilatateur ou l’hyperréactivité des voies respiratoireslors de la mesure quantitative de la RBNS; 3) le traitement mini-mal nécessaire pour contrôler l’asthme. L’autre élément majeurde l’évaluation d’une incapacité fonctionnelle est l’opinion dumédecin quant à l’aptitude du patient à travailler dans l’environ-nement responsable de son asthme. Par exemple, un patient at-teint d’AP induit par un agent sensibilisant peut souffrir d’uneincapacité fonctionnelle seulement lorsqu’il est en présence del’agent auquel il a été sensibilisé. S’il ne présente des troubles quelorsqu’il est exposé à cet agent, il pourra exercer d’autres activités,mais il sera définitivement incapable d’exercer le métier danslequel il avait acquis le plus de compétence et d’expérience.

L’évaluation de l’invalidité due à l’asthme (y compris l’AP)nécessite la prise en compte non seulement du handicap, maisaussi d’autres facteurs non médicaux retentissant sur la capacitéde travail et la vie de tous les jours. L’invalidité est d’abordévaluée par le médecin, qui doit identifier tous les facteurs inter-venant dans le retentissement de l’altération sur la vie du patient.De nombreux facteurs tels que la profession, le niveau d’instruc-tion, la possession d’autres aptitudes, les conditions économiqueset d’autres facteurs sociaux peuvent se traduire par différentsdegrés d’invalidité chez des sujets ayant la même incapacitéfonctionnelle. Ces informations sont ensuite utilisées par l’admi-nistration pour déterminer le degré d’incapacité aux fins de répa-ration.

L’incapacité fonctionnelle et l’invalidité peuvent être temporai-res ou permanentes selon la probabilité d’une amélioration signifi-cative et si des contrôles efficaces de l’exposition sont instaurés surle lieu de travail. Ainsi, un sujet atteint d’un AP induit par unagent sensibilisant sera, en règle générale, jugé définitivement ettotalement inapte à toute profession impliquant une exposition àl’agent responsable. Si, en revanche, les symptômes disparaissentpartiellement ou totalement après l’arrêt de l’exposition, le sujetpourra être considéré comme moins inapte ou apte à d’autrestravaux. On considère souvent cela comme une incapacité fonc-tionnelle ou une invalidité partielle permanente, mais la termino-logie peut varier. Un asthmatique dont l’asthme est déclenché defaçon dose-dépendante par des agents irritants présents sur le lieude travail devrait être jugé atteint d’une incapacité temporairequand il est symptomatique, et être jugé moins inapte ou apte encas d’instauration de contrôles satisfaisants de l’exposition assu-rant une atténuation efficace ou la disparition des symptômes. Enl’absence de mesures adéquates de limitation de l’exposition, lemême sujet devra peut-être être jugé comme définitivement in-apte à l’exercice de son métier, avec recommandation d’arrêtpour raison médicale. Si nécessaire, des évaluations de l’incapaci-té fonctionnelle ou de l’invalidité à long terme pourront êtrerépétées deux ans après la réduction ou la disparition de l’exposi-tion, quand on estimera que l’amélioration de l’AP a atteint unpalier. Si le patient continue à travailler, la surveillance médicaledevrait être poursuivie et l’évaluation de l’inaptitude ou de l’inva-lidité répétée au besoin.

En cas d’invalidité due à un AP ou à un AAT, le travailleurpeut prétendre à une prise en charge de ses frais médicaux ou àune indemnisation pour perte de salaire, ou aux deux à la fois.Outre qu’elle réduit directement l’impact financier de l’invaliditésur les travailleurs et leur famille, l’indemnisation peut être néces-saire pour assurer un traitement médical correct, l’instauration demesures préventives et l’accès à la réinsertion professionnelle. Unebonne connaissance des questions médico-légales de la part dutravailleur et de son médecin peut être nécessaire pour garantir

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que le bilan diagnostique satisfait aux obligations locales et qu’ilne compromet pas les droits du travailleur affecté.

Quand on parle de faire des économies, on pense surtout auxinsuffisances des systèmes de réparation. En réalité, si l’on veutréduire les charges financières et les dépenses de santé imposées àla société par l’AP et l’AAT, il faudrait s’inquiéter bien davantagede l’efficacité des moyens techniques mis en œuvre pour détecter etcombattre, et même supprimer, de façon radicale, les risques d’ex-position aux agents nocifs responsables de nouveaux cas d’asthme.

ConclusionL’AP est devenu la principale maladie respiratoire professionnelledans de nombreux pays. Il est plus fréquent qu’on ne le pensehabituellement, peut être sévère et invalidant et est généralementévitable. Son dépistage précoce et des mesures préventives effica-ces peuvent réduire considérablement le risque d’invalidité per-manente et le coût humain et financier élevé associé à l’asthmechronique. Pour de nombreuses raisons, l’AP justifie une attentionaccrue de la part des médecins praticiens, des services de sécuritéet de santé, des chercheurs, des responsables de la politique sani-taire, des hygiénistes industriels et de toutes les autres personnesconcernées par la prévention des maladies professionnelles.

• LES MALADIES PROVOQUÉESPAR LES POUSSIÈRES ORGANIQUES

MALADIES PROVOQUÉES PAR LES POUSSIÈRES ORGANIQUES

Ragnar Rylanderet Richard S.F. Schilling

Les poussières organiques et la morbiditéLes poussières d’origine végétale, animale et microbienne onttoujours fait partie de l’environnement humain. Quand les pre-miers organismes aquatiques ont abordé la terre ferme il y aenviron 450 millions d’années, ils ont rapidement élaboré dessystèmes de défense contre les nombreuses substances nocives(pour la plupart d’origine végétale) présentes dans l’environne-ment terrestre. L’exposition à cet environnement ne pose généra-lement aucun problème spécifique, bien que les végétaux renfer-ment diverses substances extrêmement toxiques, en particuliercelles présentes dans les moisissures ou produites par celles-ci.

Au cours du développement de la civilisation, les conditionsclimatiques rencontrées dans quelques parties du monde ont exigéque certaines activités se déroulent en milieu clos. Dans les paysscandinaves, le battage du blé avait lieu à l’intérieur pendantl’hiver, d’après les chroniqueurs de l’Antiquité. Le confinementdes processus dégageant de la poussière a entraîné des maladieschez les personnes exposées; l’une des premières maladies à avoirfait l’objet d’une publication a été rapportée par un évêque da-nois, Olaus Magnus, en 1555 (cité par Rask-Andersen, 1988). Ildécrivait ainsi cette maladie des batteurs de grain scandinaves:

Pour séparer le grain de la balle, il faut veiller à choisir unjour de vent pour que la poussière du grain soit dispersée etne provoque aucune lésion des organes vitaux des batteurs.Cette poussière est si fine qu’elle pénètre de façon pratique-ment imperceptible dans la bouche et s’accumule dans lagorge. Si l’on ne l’élimine pas rapidement en buvant de labière fraîche, il se peut que le batteur ne mange jamais, ouseulement pendant peu de temps, le grain qu’il a battu.

Avec l’introduction du traitement mécanique des matières or-ganiques, les opérations mettant en œuvre d’importantes quanti-tés de matières à l’intérieur de locaux mal ventilés ont provoquédes concentrations élevées de poussières en suspension dans l’air.Les observations de l’évêque Olaus Magnus et, plus tard, de

Ramazzini (1713) ont été suivies de plusieurs constats sur lesmaladies et les poussières organiques au cours du XIXe siècle, enparticulier chez les ouvriers des filatures de coton (Leach, 1863;Prausnitz, 1936). Par la suite, on a également décrit la maladiepulmonaire spécifique fréquemment observée chez les paysansmanipulant des matières portant des moisissures (Campbell, 1932).

Au cours des dernières décennies, un grand nombre de rap-ports sur les maladies observées chez les personnes exposées auxpoussières organiques ont été publiés. Au début, la plupart d’entreeux concernaient des personnes ayant recouru à une assistancemédicale. Le nom des maladies, dans ce cas, était souvent lié àl’environnement particulier dans lequel la maladie avait été iden-tifiée pour la première fois; il en est résulté un nombre incroyablede dénominations telles que poumon du fermier, poumon duchampignonniste, poumon brun et fièvre des humidificateurs.

Avec le développement de l’épidémiologie moderne, on a obte-nu des chiffres plus fiables sur l’incidence des maladies respiratoi-res professionnelles liées à l’inhalation de poussières organiques(Rylander, Donham et Peterson, 1986; Rylander et Peterson,1990). Des progrès ont également été réalisés dans la connais-sance des mécanismes physiopathologiques sous-jacents, en parti-culier la réponse inflammatoire (Henson et Murphy, 1989). Tou-tes ces avancées ont permis l’élaboration d’un tableau pluscohérent des maladies provoquées par les poussières organiques(Rylander et Jacobs, 1997).

On trouvera ci-après un aperçu des divers environnementscomportant des poussières organiques et dans lesquels des cas demaladie ont été signalés, avec l’indication des diverses entitésnosologiques elles-mêmes; il sera également question de la byssi-nose, ainsi que des mesures de prévention qui s’imposent.

L’environnementLes poussières organiques sont des particules atmosphériques d’ori-gine végétale, animale ou microbienne.

Le tableau 10.9 offre des exemples de milieux, de processusindustriels et d’agents comportant un risque d’exposition à cespoussières organiques.

AgricultureManipulation des grains, du foin

et des autres productions végétalesTraitement de la canne à sucreSerresSilos

AnimauxPorcheries, étables à vaches laitièresElevage et transformation

de la volailleAnimaux de laboratoire, animaux

de ferme et animaux de compagnie

Traitement des déchetsEaux usées et bouesDéchets ménagersCompostage

IndustrieTravail des fibres végétales (coton,

lin, chanvre, jute, sisal)FermentationAbattage et travail du boisBoulangeriesProduits biotechnologiques

BâtimentsEau contaminée des humidificateursProlifération microbienne sur les

structures ou dans les conduitsde ventilation

Tableau 10.9 • Sources de risques liés à l’expositionaux poussières organiques(liste non exhaustive)

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MALADIES PROVOQUÉES PAR LES POUSSIÈRES ORGANIQUES 10.28 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

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Les agents responsablesOn sait désormais que le développement des maladies causées parles poussières organiques est dû essentiellement à des agents spéci-fiques présents dans les poussières. Les poussières organiquescontiennent une foule d’agents susceptibles d’avoir certains effetsbiologiques. Les principaux agents incriminés sont mentionnés autableau 10.10.

Le rôle relatif de chacun d’eux dans le développement desmaladies — qu’il soit isolé ou associé à d’autres agents — estpratiquement inconnu. La plupart des informations dont on dis-pose se rapportent à des endotoxines bactériennes présentes danstoutes les poussières organiques.

Les endotoxines sont des liposaccharides fixés sur la surfaceexterne des bactéries à Gram négatif. Elles possèdent de nom-breuses propriétés biologiques. Après avoir été inhalées, elles pro-voquent une inflammation aiguë (Snella et Rylander, 1982;Brigham et Meyrick, 1986), réaction qui se caractérise par unafflux de granulocytes neutrophiles (leucocytes) dans les poumonset par la sécrétion de médiateurs de l’inflammation. Après desexpositions répétées, l’inflammation s’atténue (il y a adaptation).La réaction se limite à la muqueuse des voies respiratoires et l’onne constate pas d’atteinte importante du parenchyme pulmonaire.

Un autre agent spécifique des poussières organiques est le(1-3)-β-D-glucane. Il s’agit d’un polyoside présent dans la structurepariétale des moisissures et de certaines bactéries. Il stimule laréponse inflammatoire provoquée par les endotoxines et altère lafonction des cellules inflammatoires, en particulier celle desmacrophages et des lymphocytes T (Di Luzio, 1985; Fogelmark etcoll., 1992).

Parmi les autres agents spécifiques présents dans les poussièresorganiques, on peut citer des protéines, des tannins, des protéaseset d’autres enzymes, ainsi que les toxines sécrétées par les moisis-sures. On ne dispose que de très peu de données sur la concentra-tion de ces agents dans les poussières organiques. Quelques-unsd’entre eux, comme les protéines et les enzymes, sont des allergè-nes.

La morbiditéLes maladies provoquées par les poussières organiques sont énu-mérées au tableau 10.11, avec les codes correspondants de laClassification internationale des maladies (CIM) (Rylander et Ja-cobs, 1994).

La principale voie d’exposition aux poussières organiques estl’inhalation; ce sont donc surtout les effets pulmonaires qui ontretenu l’attention des chercheurs comme des cliniciens. Il ressortcependant de plus en plus nettement des études épidémiologiquespubliées et des études de cas, ainsi que d’études isolées, que cespoussières ont également des effets systémiques. Le mécanisme

impliqué semble être une inflammation locale de l’organe cible, lepoumon, accompagnée d’une libération ultérieure de cytokinesqui exercent soit des effets systémiques (Dunn, 1992; Michel etcoll., 1991), soit un effet sur l’épithélium intestinal (Axmacher etcoll., 1991). Les effets cliniques extrapulmonaires sont de la fièvre,des arthralgies, des effets neurosensoriels, des troubles cutanés etintestinaux, de la fatigue et des céphalées.

Les différentes entités nosologiques décrites au tableau 10.11sont d’un diagnostic aisé dans les cas typiques; les aspects anato-mopathologiques sous-jacents sont nettement différents. Cepen-dant, un travailleur atteint d’une maladie due à une exposition àdes poussières organiques présente souvent en réalité un mélanged’entités nosologiques. Un sujet peut souffrir d’une inflammationdes voies respiratoires pendant un certain nombre d’années, puisfaire de l’asthme du jour au lendemain en manifestant en outredes symptômes de pneumopathie toxique en cas d’exposition par-ticulièrement intense. Un autre peut avoir une pneumopathied’hypersensibilité infraclinique, accompagnée d’une hyperlympho-cytose dans les voies respiratoires et développer une pneumonietoxique lorsque l’exposition est particulièrement forte.

La byssinose est un bon exemple du mélange d’entités morbi-des susceptibles d’apparaître. Cette maladie a été constatée pourla première fois dans les filatures de coton, mais ses diversescomposantes pathologiques s’observent aussi dans d’autres envi-ronnements comportant des émissions de poussières organiques.On en trouvera une description générale ci-après.

La byssinose

La maladieLe premier constat de byssinose a été dressé dans les années millehuit cent. Prausnitz (1936) en a fait une étude classique compor-tant une partie clinique et une partie expérimentale; il a décritcomme suit les symptômes observés chez des ouvriers des filaturesde coton:

Après plusieurs années de travail sans problème notable, àl’exception d’une petite toux, les ouvriers des filatures decoton remarquent une soudaine aggravation de leur toux quidevient sèche et extrêmement irritante [...] Ces crises sur-viennent habituellement le lundi [...], mais les symptômescommencent progressivement à s’étendre aux autres jours dela semaine; à terme, la différence s’estompe et les symptômesdeviennent permanents.

Les premières études épidémiologiques ont été réalisées enAngleterre au cours des années cinquante (Schilling et coll., 1955;Schilling, 1956). Le diagnostic initial reposait sur l’apparitiond’une oppression thoracique typique le lundi, confirmée par un

Agents végétauxTannins

Histamine

Acide plicatique

Alcaloïdes (nicotine,par exemple)

Cytochalasines

Agents animauxProtéinesEnzymes

Agents microbiensEndotoxines(1-3)-β-D-glucaneProtéasesMycotoxines

Tableau 10.10 • Principaux agents des poussièresorganiques potentiellement bioactives

Bronchite et pneumopathies (CIM J40)Pneumopathies toxiques (fièvre d’inhalation, syndrome toxique des poussières

organiques)Inflammation des voies respiratoires (inflammation des membranes muqueuses)Bronchite chronique (CIM J42)

Pneumopathies d’hypersensibilisation (alvéolite allergique) (CIM J67)

Asthme (CIM J45)Rhinite, conjonctivite

Tableau 10.11 • Maladies induites par les poussièresorganiques et codes CIM correspondants

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.29 MALADIES PROVOQUÉES PAR LES POUSSIÈRES ORGANIQUES

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questionnaire. Une échelle d’évaluation de la gravité de la byssi-nose, fondée sur le type et la périodicité des symptômes, a étéétablie (Mekky, Roach et Schilling, 1967; Schilling et coll., 1955).On s’est servi de la durée d’exposition pour mesurer la dose, etcelle-ci a été mise en rapport avec l’importance de la réaction.Grâce aux interrogatoires cliniques d’un grand nombre de tra-vailleurs, cette échelle d’évaluation a été modifiée par la suite afinde mieux refléter les durées nécessaires à la diminution du VEMS(Berry et coll., 1973).

On a pu, dans une étude, observer des différences de la préva-lence de la byssinose dans les filatures traitant diverses sortes decoton (Jones et coll., 1979). Dans celles employant du coton dequalité supérieure pour fabriquer des fils plus fins, la prévalenceétait moindre que dans celles fabriquant des fils grossiers et utili-sant un coton de qualité inférieure. C’est ainsi qu’outre l’intensitéet la durée de l’exposition — deux variables dose-dépendantes —le type de poussière est devenu une variable importante de l’éva-luation de l’exposition. On a montré par la suite que les différen-ces de réponse des travailleurs exposés aux cotons grossiers ou dequalité moyenne ne dépendaient pas seulement du type de coton,mais aussi de l’hygrométrie, de la ventilation et d’autres variablesliées à la fabrication, comme les différentes méthodes de traite-ment des fils (Berry et coll., 1973).

La connaissance plus approfondie que l’on a de la relationentre l’exposition à la poussière de coton et une réponse (qu’ils’agisse de symptômes ou des mesures objectives de la fonctionpulmonaire) provient d’études américaines comparant des ou-vriers travaillant sur un coton à 100% et d’autres ouvriers utilisantle même coton (mais dans un mélange de 50/50 avec des fibressynthétiques), avec des témoins non exposés au coton (Merchantet coll., 1973). On a trouvé la plus forte prévalence de byssinosechez les ouvriers travaillant avec du coton pur (100%) et cela,indépendamment du tabagisme, l’un des facteurs de confusion àprendre en compte. Cette relation semi-quantitative entre la doseet la réponse à la poussière de coton a été étudiée de façon plusapprofondie dans un groupe d’ouvriers du textile stratifiés enfonction du sexe, de l’existence d’un tabagisme, de la zone detravail et du type de filature. Dans chacune de ces catégories, unerelation a été mise en évidence entre les concentrations de pous-sière proches de la valeur plancher et la prévalence de labyssinose ou les modifications du volume expiratoire maximalseconde (VEMS).

Dans les études plus récentes, on s’est servi de la diminution duVEMS au cours de la journée de travail pour évaluer les effets del’exposition; ce facteur fait également partie de la norme améri-caine sur la poussière de coton (Cotton Dust Standard).

La byssinose a été longtemps considérée comme une maladieparticulière caractérisée par une série de symptômes, mais donton ignorait la pathologie spécifique. Quelques auteurs ont suggéréqu’il s’agissait d’un asthme professionnel (Bouhuys, 1976). Lorsd’un symposium tenu en 1987, on a analysé la symptomatologieet la physiopathologie de la maladie (Rylander et coll., 1987) etadopté l’idée que cette maladie comporte plusieurs entités clini-ques, généralement liées à une exposition à des poussières organi-ques.

Des cas de pneumonie toxique ont été notés chez des ouvrierstravaillant pour la première fois dans une filature, en particulierdans les ateliers où l’on procédait à l’ouverture des balles, ausoufflage ou au cardage (Trice, 1940). En dépit du développementd’une accoutumance, les symptômes peuvent réapparaître ulté-rieurement après une exposition exceptionnellement intense.

L’inflammation des voies respiratoires est la maladie la plus large-ment répandue; elle peut présenter différents degrés de gravité,allant d’une simple irritation du nez et des voies aériennes à unetoux sèche sévère accompagnée de dyspnée. L’inflammation en-traîne une constriction des voies respiratoires et une diminution

du VEMS. La réactivité des voies respiratoires est accrue, commeen témoignent les tests à la méthacholine ou à l’histamine. Ons’est demandé si l’inflammation des voies respiratoires devait êtreconsidérée comme une entité nosologique en soi ou si elle neconstituait qu’un symptôme. Etant donné que les symptômes ob-servés à la suite d’un examen clinique, à savoir une toux sévère etune constriction des voies respiratoires, peuvent aboutir à unediminution de la capacité de travail, il est justifié de considérerl’inflammation des voies respiratoires comme une maladie profes-sionnelle.

La persistance d’une inflammation de ce type pendant plusieursannées peut déboucher sur une bronchite chronique, surtout chez lestravailleurs soumis à des expositions importantes dans les ateliersde soufflage et de cardage. Le tableau clinique serait alors celuid’une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO).

Un asthme professionnel apparaît chez un petit pourcentage detravailleurs, mais il n’est généralement pas diagnostiqué dans lesétudes transversales, car la maladie contraint les ouvriers à aban-donner leur travail. Aucune pneumopathie d’hypersensibilité n’a étédécelée dans les études épidémiologiques entreprises et aucun casn’a été rapporté en relation avec une exposition à la poussière decoton. L’absence de pneumopathie d’hypersensibilité peut êtredue à la quantité relativement faible de moisissures dans le coton,car le coton moisi ne peut être utilisé.

Une sensation subjective d’oppression thoracique, plus fréquente lelundi, constitue le symptôme classique de l’exposition à la pous-sière de coton (Schilling et coll., 1955). Elle n’est cependant paspathognomonique de l’exposition à la poussière de coton, car onla note également chez des sujets soumis à d’autres types depoussières organiques (Donham et coll., 1989). L’oppression tho-racique apparaît lentement, en plusieurs années, mais elle peutégalement se produire chez des personnes non exposées antérieu-rement si le niveau d’exposition est élevé (Haglind et Rylander,1984). La présence d’une oppression thoracique n’est pas directe-ment liée à une diminution du VEMS. Son mécanisme physiopa-thologique demeure inexpliqué. Certains auteurs ont émis l’hypo-thèse que les symptômes seraient dus à une augmentation del’adhésivité des plaquettes qui s’accumulent dans les capillairespulmonaires et élèvent la pression artérielle pulmonaire. Il estprobable que l’oppression thoracique implique une certaine formede sensibilisation cellulaire, car des expositions répétées sont né-cessaires pour que ce symptôme apparaisse. Cette hypothèse sem-ble confirmée par l’étude des monocytes sanguins chez les tra-vailleurs de l’industrie cotonnière (Beijer et coll., 1990); on aobservé chez eux une plus grande aptitude à sécréter un facteurde coagulation, ce qui traduit une sensibilisation cellulaire parrapport à des sujets témoins.

L’environnementL’évolution de la maladie a été décrite pour la première fois chezdes ouvriers des filatures de coton, de lin et de chanvre. Au coursde la première phase de traitement du coton dans les filatures —ouverture des balles, soufflage et cardage — plus de la moitié desouvriers peuvent présenter des troubles du type oppression thora-cique ou inflammation des voies respiratoires. L’incidence dimi-nue au fur et à mesure que le traitement du coton se poursuit,reflétant ainsi l’élimination progressive de l’agent responsable desfibres. La byssinose a été décrite dans tous les pays où les filaturesde coton ont fait l’objet d’enquêtes. L’incidence est cependantanormalement faible dans certains pays comme l’Australie (Gunet coll., 1983).

Il est désormais généralement admis que des endotoxines bac-tériennes sont responsables de la pneumopathie toxique et del’inflammation des voies respiratoires (Castellan et coll., 1987;Pernis et coll., 1961; Rylander, Haglind et Lundholm, 1985;Rylander et Haglind, 1986; Herbert et coll., 1992; Sigsgaard et

10.30

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MALADIES PROVOQUÉES PAR LES POUSSIÈRES ORGANIQUES 10.30 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

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coll., 1992). Des relations dose-effet ont été mises en évidence etles symptômes caractéristiques ont été provoqués par l’inhalationd’une endotoxine purifiée (Rylander et coll., 1989; Michel et coll.,1995). Bien que cela n’exclue pas la possibilité que d’autres agentspuissent intervenir dans la pathogenèse, les endotoxines peuventservir de marqueurs du risque morbide. Il est peu probable qu’el-les soient responsables de l’apparition d’un asthme professionnel,mais elles peuvent faciliter l’action d’allergènes potentiels de lapoussière de coton.

Les critères de diagnosticLe diagnostic de byssinose est généralement porté en ayant re-cours à des questionnaires comportant la question spécifique:«Ressentez-vous une oppression thoracique, et dans l’affirmative,quel jour de la semaine?». Les sujets ressentant une oppressionthoracique le lundi matin sont considérés comme atteints de byssi-nose, conformément au protocole proposé par Schilling (1956).Une épreuve spirométrique peut être pratiquée et, en fonction desdifférentes combinaisons d’oppression thoracique et de diminu-tion du VEMS, on a établi le schéma diagnostique présenté autableau 10.12.

Le traitementLe traitement de la byssinose à ses premiers stades est symptomati-que et la plupart des ouvriers apprennent à vivre avec la faibleoppression thoracique et la bronchoconstriction qu’ils ressentent lelundi ou quand ils nettoient des machines ou effectuent des tâchesanalogues comportant une exposition supérieure à la normale. Lesstades plus avancés d’inflammation des voies respiratoires ou d’op-pression thoracique régulière, plusieurs jours par semaine, exigentle passage à des postes moins empoussiérés. L’asthme professionnelnécessite généralement un changement de travail.

La préventionLa prévention en général est décrite en détail dans une autrepartie de l’Encyclopédie. Les principes de base de la prévention, àsavoir l’utilisation de produits de substitution, la limitation del’exposition, la protection des travailleurs exposés et le dépistagedes maladies, s’appliquent également à l’exposition à la poussièrede coton.

En ce qui concerne le remplacement du produit ordinaire, on aproposé l’utilisation d’un coton à contamination bactérienne fai-ble. Cette méthode trouve sa justification dans le fait que, selondes rapports datant de 1863 déjà, la prévalence des symptômes aaugmenté chez les ouvriers après qu’ils ont été obligés de tra-vailler avec du coton souillé (Leach, 1863). Il est également poss-ible de passer à d’autres fibres, en particulier les fibres synthéti-ques, quoique cela ne soit pas toujours réalisable pour desquestions de qualité des produits. Il n’existe actuellement aucunetechnique applicable à la production qui permette de réduire lateneur en endotoxines des fibres de coton.

En ce qui concerne la lutte contre les poussières, des pro-grammes ont été mis en œuvre avec succès aux Etats-Unis etailleurs (Jacobs, 1987). Ces programmes sont néanmoins onéreuxet leur coût peut être prohibitif pour les pays en cours d’industria-lisation (Corn, 1987).

En ce qui concerne la limitation de l’exposition, la mesure dutaux d’empoussièrement n’est pas un indice suffisamment précisdu risque. Selon le degré de contamination par des bactéries àGram négatif et, par conséquent, par des endotoxines, un tauxdonné peut constituer un risque ou non. Pour les endotoxines,aucune directive officielle n’a été établie. On a recommandé defixer la valeur seuil à 200 ng/m3 pour la pneumopathie toxique, à100-200 ng/m3 pour la bronchoconstriction aiguë au cours de lajournée de travail et à 10 ng/m3 pour l’inflammation des voiesrespiratoires (Rylander et Jacobs, 1997).

Il est important, en vue de la prévention, de connaître lesfacteurs de risque et les conséquences de l’exposition. Nos con-naissances de base se sont fortement enrichies ces dernières an-nées, mais une grande partie n’est pas encore présentée dans lesmanuels et les autres sources d’information. Un autre problèmetient au fait que les symptômes et les signes des maladies respira-toires induites par les poussières organiques sont aspécifiques et semanifestent normalement au sein de la population, ce qui peutcompliquer le dépistage précoce.

La diffusion correcte des connaissances relatives aux effets ducoton et des autres poussières organiques exige l’établissement deprogrammes de formation adaptés. Ceux-ci ne devraient pas êtreaxés uniquement sur les travailleurs soumis à une exposition po-tentielle, mais aussi sur les employeurs et le personnel des servicesde santé, en particulier les médecins inspecteurs du travail et lestechniciens des services du travail. L’information doit porter surl’origine du problème, la description des symptômes et de lamaladie proprement dite, ainsi que sur les méthodes de protec-tion. Un travailleur bien informé reconnaît plus facilement dessymptômes d’origine professionnelle et les signale plus efficace-ment au médecin du travail. En ce qui concerne la surveillancemédicale et le dépistage, les questionnaires sont un outil précieux.Plusieurs versions de questionnaires spécialement conçus pourdiagnostiquer les maladies induites par les poussières organiquesont été décrites dans les ouvrages spécialisés (Rylander, Petersonet Donham, 1990; Schwartz et coll., 1995). Les épreuves fonction-nelles respiratoires représentent un instrument utile de surveillanceet de diagnostic. Les mesures de la réactivité des voies respiratoiresse sont également avérées utiles (Rylander et Bergström, 1993;Carvalheiro et coll., 1995). Les autres examens diagnostiques —tels que l’évaluation précise des médiateurs de l’inflammation oude l’activité cellulaire — sont encore à l’état expérimental.

•LA BÉRYLLIOSE*BÉRYLLIOSE

Homayoun Kazemi

La bérylliose est une maladie systémique atteignant plusieurs or-ganes, les manifestations pulmonaires étant les plus nombreuses etles plus fréquentes. Elle apparaît à la suite de l’exposition aubéryllium utilisé pour fabriquer des alliages ou de nombreusessubstances chimiques. La voie d’exposition est l’inhalation; la

Degré ½ Oppression thoracique le premier jour de certaines semainesde travail

Degré 1 Oppression thoracique le premier jour de chaque semainede travail

Degré 2 Oppression thoracique le premier jour et certains autres joursde la semaine de travail

Degré 3 Symptômes du degré 2 accompagnés de signes établisd’incapacité permanente tels qu’une diminutionde la tolérance à l’effort ou de la capacité ventilatoire

Tableau 10.12 • Critères diagnostiques de la byssinose

* Cet article est tiré en partie de l’article sur la bérylliose rédigé parH.L. Hardy, L.B. Tepper et R.I. Chamberlin et publié dans la 3e édition del’Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.31 BÉRYLLIOSE

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maladie peut être aiguë ou chronique. La forme aiguë est actuel-lement très rare et aucun cas n’a été rapporté depuis que desmesures d’hygiène industrielle visant à réduire l’exposition à desdoses élevées ont été prises durant les années quarante, époque àlaquelle le béryllium était utilisé en quantité dans l’industrie. Descas de bérylliose chronique continuent à être signalés.

Le béryllium, les alliages et les composésLe béryllium, substance industrielle soupçonnée d’être cancéro-gène, se caractérise par sa légèreté, sa résistance élevée à la trac-tion et sa résistance à la corrosion.

Le tableau 10.13 résume les propriétés du béryllium et de sescomposés.

SourcesLe béryl (3BeO·Al2O3·6SiO2) est la principale source commer-ciale de béryllium; c’est le plus abondant des minerais contenantdes concentrations élevées d’oxyde de béryllium (10 à 13%). Lesprincipales sources de béryl se trouvent en Argentine, au Brésil,en Inde, au Zimbabwe et en Afrique du Sud. Aux Etats-Unis, lebéryl est extrait dans le Colorado, le Dakota du Sud, au Nouveau-Mexique et dans l’Utah. La bertrandite, un minerai de qualitéinférieure (0,1 à 3%) contenant du béryllium soluble dans l’acide,est désormais extrait et traité dans l’Utah.

La productionLes deux principales méthodes d’extraction du béryllium du mine-rai sont le procédé au sulfate et le procédé au fluorure.

Dans le procédé au sulfate, le béryl broyé est fondu dans unfour à arc chauffé à 1 650 °C, puis versé dans un courant d’eau àgrande vitesse pour être fritté. Après traitement thermique, lafritte est broyée dans un broyeur à boulets et mélangée à del’acide sulfurique concentré pour former des boues qui sont en-

voyées à travers une buse dans un moulin rotatif à sulfatation et àchauffage direct. Le béryllium, qui se trouve alors sous formehydrosoluble, est lessivé à partir de la boue; on ajoute de l’hy-droxyde d’ammonium au liquide de lixiviation qui est ensuiteversé dans un cristallisoir où l’alun ammonié est séparé en cris-taux. On ajoute des chélateurs au liquide pour maintenir ensolution le fer et le nickel, puis de l’hydroxyde de sodium; lebéryllate de sodium ainsi formé est hydrolysé pour précipiterl’hydroxyde de béryllium. Ce dernier produit peut être transforméen fluorure de béryllium pour être réduit en béryllium métalliquepar le magnésium ou en chlorure de béryllium en vue d’uneréduction électrolytique.

Dans le procédé au fluorure (voir figure 10.11), un mélangecomprimé de minerai broyé, de silicofluorure de sodium et desoude est fritté dans un four rotatif. Le produit fritté est concassé,broyé et lessivé. On ajoute de l’hydroxyde de sodium à la solutionde fluorure de béryllium ainsi obtenue et le précipité d’hydroxydede béryllium est filtré sur un filtre rotatif. Le béryllium métalliqueest obtenu, de la même façon que dans le procédé précédent, parréduction par le magnésium du fluorure de béryllium ou parélectrolyse du chlorure de béryllium.

Les utilisationsLe béryllium entre dans la fabrication d’alliages avec un grandnombre de métaux dont l’acier, le nickel, le magnésium, le zinc etl’aluminium, l’alliage le plus utilisé étant le cuprobéryllium —appelé à juste titre «un bronze» — qui possède une granderésistance à la traction et la capacité de durcir après traitementthermique. Les bronzes au béryllium servent à fabriquer des outilsantiétincelants, des contacts et rupteurs électriques, des spiraux demontre, des diaphragmes, des cames, des paliers et des coussinets.

Ce métal est surtout utilisé comme ralentisseur des neutronsthermiques dans les réacteurs nucléaires et comme réflecteur pour

Masse atomique relative Densité Point de fusion/d’ébullition (°C)

Solubilité Description

Béryllium (Be) 9,01 (moyenne) 1,85 1 298±5/2 970 — Métal gris argentChlorure de béryllium1

(BeCl2)79,9 1,90 405/520 Très soluble dans l’eau;

soluble dans l’alcooléthylique, le benzène,l’éther éthyliqueet le sulfure de carbone

Cristaux déliquescentsblancs ou jaune pâle

Fluorure de béryllium2

(BeF2)47,02 1,99 Sublimation à 800 Assez soluble dans l’eau;

peu soluble dans l’alcooléthylique

Solide hygroscopique

Nitrate de béryllium3

(Be(NO3)2 ·3H2O)187,08 1,56 60/142 Soluble dans l’eau

et l’alcool éthyliqueCristaux déliquescents

blancs ou jaune très pâleNitrure de béryllium4

(Be3 N2)55,06 — 2 200±100/— — Cristaux durs, réfractaires,

de couleur blancheOxyde de béryllium (BeO) 25 3,02 2 530±30/— Soluble dans les acides

et les bases; insolubledans l’eau

Poudre amorphe blanche

Sulfate de bérylliumhydraté5 (BeSO4· 4H2O)

177,2 1,71 100/— Soluble dans l’eau;insoluble dans l’alcooléthylique

Cristaux incolores

1 Le chlorure de béryllium est fabriqué en faisant passer du chlore sur un mélange d’oxyde de béryllium et de carbone. 2 Le fluorure de béryllium est obtenu par décomposition à 900-950 °C du fluorure doubled’ammonium et du béryllium. Il est surtout employé pour la production du béryllium métallique par réduction par le magnésium. 3 Le nitrate de béryllium est obtenu par l’action d’acide nitrique sur de l’oxyde debéryllium. On l’emploie comme réactif chimique et comme durcisseur des récipients de gaz. 4 Le nitrure de béryllium est obtenu par chauffage de poudre de béryllium sous atmosphère d’azote exempte d’oxygène,à 700-1 400 °C. On l’emploie dans les réactions atomiques, y compris dans la production de l’isotope radioactif du carbone, le carbone 14. 5 Le sulfate de béryllium hydraté est obtenu par traitement du mineraifritté avec de l’acide sulfurique concentré. On l’utilise dans la production de béryllium métallique par le procédé au sulfate.

Tableau 10.13 • Propriétés du béryllium et de ses composés

10.32

LE CORPS

BÉRYLLIOSE 10.32 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

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réduire la fuite des neutrons du cœur des réacteurs. On utilisesouvent un mélange d’uranium et de béryllium comme source deneutrons. Conditionné en feuille, le béryllium sert à fabriquer desfenêtres dans les tubes à rayons X. Sa légèreté, son module d’élas-ticité élevé et sa grande stabilité thermique en font un matériau dechoix pour l’industrie aéronautique et aérospatiale.

L’oxyde de béryllium est obtenu par chauffage de nitrate oud’hydroxyde de béryllium. On l’utilise dans la fabrication descéramiques, des produits réfractaires et d’autres composés du

béryllium. Il entrait également dans la fabrication des composésphosphorés des lampes à fluorescence jusqu’au moment où l’on arenoncé à l’utiliser en raison de la fréquence des cas de béryllioseindustrielle (en 1949 aux Etats-Unis).

Les risquesLes procédés mettant en œuvre du béryllium présentent des ris-ques d’incendie et des risques pour la santé. La poudre fine debéryllium peut s’enflammer, le degré de combustibilité dépendantde la taille des particules. Des incendies se sont produits dans desunités de filtration de la poussière et pendant le soudage de gainesde ventilation dans lesquelles du béryllium finement divisé étaitprésent.

Le béryllium et ses composés sont des substances hautementtoxiques. Le béryllium peut affecter tous les organes, quoique saprincipale cible soit le poumon. Le béryllium provoque une mala-die systémique par inhalation et peut diffuser à l’ensemble del’organisme après avoir été absorbé par les poumons. Son absorp-tion digestive est faible. Le béryllium peut entraîner une irritationcutanée et son introduction traumatique dans les tissus sous-cuta-nés peut induire une irritation locale et la formation de granulo-mes.

La pathogenèseLa maladie a été associée à toutes les formes de béryllium, àl’exception du minerai, le béryl. Le béryllium pénètre par inhala-tion et, dans la maladie aiguë, il exerce un effet toxique direct surla muqueuse naso-pharyngée et sur celle de l’ensemble de l’arbretrachéo-bronchique, provoquant la formation d’un œdème et uneinflammation. Au niveau du poumon, il induit une pneumopathiechimique aiguë. La principale manifestation toxique du bérylliumest actuellement la bérylliose chronique. Le plus important méca-nisme de cette affection chronique fait intervenir une hypersensi-bilité à retardement, propre au béryllium. La pénétration systémi-que du béryllium par les poumons entraîne une prolifération delymphocytes CD4 spécifiques, le béryllium se comportant commeun antigène spécifique, seul ou en tant qu’haptène, par un proces-sus faisant intervenir les récepteurs de l’interleukine-2 (IL-2). Lasensibilité individuelle au béryllium peut ainsi s’expliquer par laréponse individuelle des lymphocytes CD4. La libération de lym-phokines par les lymphocytes activés peut alors induire la forma-tion de granulomes et le recrutement de macrophages. Le béryl-lium peut être emmené dans des sites extrapulmonaires où ilprovoque la formation de granulomes. Le béryllium est libérélentement par les différents sites et est excrété par les reins; cettelibération peut durer de vingt à trente ans. La chronicité et letemps de latence de la maladie peuvent s’expliquer par la lenteurdu métabolisme et par un phénomène de relargage. Les mécanis-mes immunitaires impliqués dans la pathogenèse de la bérylliosepermettent également de s’appuyer sur des critères précis pour lediagnostic (voir ci-après).

L’histopathologieLa principale anomalie anatomopathologique observée dans labérylliose est la formation de granulomes non caséeux dans lespoumons, les ganglions lymphatiques et d’autres parties du corps.Les études histopathologiques des poumons de patients atteints debérylliose aiguë ont mis en évidence une bronchite aiguë ousubaiguë non spécifique et une pneumopathie. La bérylliose chro-nique, de son côté, se caractérise par divers degrés d’infiltrationlymphocytaire de l’interstitium pulmonaire et la formation degranulomes non caséeux (voir figure 10.12).

De nombreux granulomes se situent dans les zones péribron-chiolaires. De plus, il est possible d’y trouver des histiocytes, desplasmocytes et des cellules géantes contenant des inclusions calci-fiées. Si les lésions se limitent à la seule formation de granulomes,

Béryl minerai

Na3FeF6

Na2SiF6

Frittage

Broyage

Lixiviation

H2O

Boues rouges(déchets)

SiO2 Fe2O3 Al2O3

Solutionde Na2BeF4

Solution de NaF

Précipitationde la cryolithe

NaOH

Précipitationde l’hydroxydede béryllium

Fe2(SO4)3

Be(OH2)

Calcination enoxyde de béryllium

Résidusde Na2SO4

etNa2Co3

Na3FeF6

Figure 10.11 • Production de l’oxyde de bérylliumpar le procédé au fluorure

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.33 BÉRYLLIOSE

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le pronostic à long terme est meilleur. L’aspect histologique despoumons dans la bérylliose chronique est indiscernable de celuide la sarcoïdose. On note également la présence de granulomesnon caséeux dans les ganglions lymphatiques, le foie, la rate, lesmuscles et la peau.

Les manifestations cliniques

Les lésions cutanéesLes sels acides de béryllium induisent une dermatose de contactallergique. Ces lésions peuvent être érythémateuses, papuleusesou papulo-vésiculeuses; elles sont fréquemment prurigineuses et selocalisent aux zones exposées du corps. On observe généralementun intervalle de deux semaines entre l’exposition initiale et l’appa-rition de la dermatose, sauf dans le cas d’une exposition particu-lièrement forte qui peut provoquer une réaction irritative immé-diate. On estime que cet intervalle correspond au temps nécessaireau développement de l’état d’hypersensibilité.

L’implantation accidentelle de béryllium métallique ou de cris-taux d’un composé de béryllium soluble dans une excoriation,une gerçure ou sous l’ongle peut provoquer une induration avecsuppuration centrale. Des granulomes peuvent également se for-mer à ces endroits.

Une conjonctivite ou une dermatose peuvent se développer,seules ou associées. En cas de conjonctivite, l’œdème périorbitairepeut être important.

La maladie aiguëLa rhino-pharyngite béryllienne se caractérise par une tuméfac-tion et une hyperémie des muqueuses, des zones hémorragiques,des fissures et des ulcérations. On a signalé des perforations duseptum nasal. L’arrêt de l’exposition stoppe le processus inflam-matoire en trois à six semaines.

L’atteinte trachéale et bronchique consécutive à l’exposition àdes taux plus élevés de béryllium entraîne une toux non produc-tive, des douleurs sous-sternales et une dyspnée modérée. Desronchi ou des râles sont audibles à l’auscultation et les radiogra-phies pulmonaires peuvent montrer une accentuation de la tramebroncho-vasculaire. Le caractère et la vitesse d’apparition de l’af-fection, ainsi que la sévérité de ces signes et symptômes, dépen-dent de la nature et de l’importance de l’exposition. La guérison

peut survenir en une à quatre semaines si le sujet est soustrait àl’exposition.

La corticothérapie est très utile dans le traitement de la formeaiguë de cette maladie. Aucun nouveau cas de bérylliose aiguë n’aété inscrit dans le registre américain des cas de bérylliose depuisplus de trente ans. Ce registre, instauré par Harriet Hardy en1952, comprend près de 1 000 cas, dont 212 cas aigus. Presquetous se sont produits dans des fabriques de lampes fluorescentes.Dans 44 cas, la maladie est passée au stade chronique.

La bérylliose chroniqueLa bérylliose chronique est une granulomatose pulmonaire etsystémique secondaire à l’inhalation de béryllium. Elle peut resterlatente pendant une période de un à trente ans et survient généra-lement dix à quinze ans après la première exposition. La béryl-liose chronique a une évolution variable comportant des pousséesaiguës et des phases de rémission de ses manifestations cliniques.Il s’agit cependant d’ordinaire d’une maladie à évolution pro-gressive. On a rapporté quelques cas d’anomalies radiologiquesassociées à un état clinique stable et à une absence de symptômessignificatifs.

La dyspnée d’effort est le symptôme le plus fréquent de labérylliose chronique. Les autres symptômes sont la toux, la fati-gue, l’amaigrissement, les douleurs thoraciques et les arthralgies.L’examen clinique peut être parfaitement normal ou révéler descrépitants dans les deux bases pulmonaires, une lymphadénopa-thie, des lésions cutanées, une hépato-splénomégalie et un hippo-cratisme digital. On peut constater des signes d’hypertension arté-rielle pulmonaire dans les cas sévères évoluant depuis longtemps.

Une lithiase rénale et une hyperuricémie peuvent être obser-vées chez certains patients; on a également rapporté quelquesrares cas d’augmentation de volume de la parotide et d’atteinte dusystème nerveux central. Les manifestations cliniques de la béryl-liose chronique sont très proches de celles de la sarcoïdose.

Les signes radiologiquesL’aspect radiologique de la bérylliose chronique est aspécifique etproche de celui qu’on peut observer dans la sarcoïdose, la fibrosepulmonaire idiopathique, la tuberculose, les mycoses et les mala-dies consécutives à l’inhalation de poussières (voir figure 10.13).Au début de l’évolution, les clichés peuvent présenter des opacitésgranuleuses, nodulaires ou linéaires. Ces anomalies peuvent s’ac-centuer, régresser ou rester inchangées, avec ou sans fibrose. Uneatteinte du lobe supérieur est fréquente. Des adénopathies hilai-res, observées chez un tiers environ des patients, sont générale-ment bilatérales et s’accompagnent d’une réticulation dans lesdeux champs pulmonaires. L’absence d’anomalies pulmonairesen présence d’adénopathies est un indice, mais non une preuveabsolue, qu’il peut s’agir d’une sarcoïdose et non d’une bérylliosechronique. Des adénopathies hilaires unilatérales sont possibles,mais très rares.

Les radiographies sont sans corrélation nette avec l’état cliniqueet ne reflètent pas d’aspects qualitatifs ou quantitatifs particuliersde l’exposition responsable.

Les épreuves fonctionnelles respiratoiresLes données du registre américain des cas de bérylliose indiquentqu’il est possible de rencontrer trois types d’anomalies dans labérylliose chronique. Sur 41 patients étudiés pendant vingt-troisans en moyenne après l’exposition initiale au béryllium, 20%présentaient un trouble restrictif, 36% un trouble interstitiel (volu-mes et débits pulmonaires normaux, avec diminution de la capa-cité de diffusion du monoxyde de carbone) et 39% un troubleobstructif; 5% étaient normaux. Le type obstructif, observé chezles fumeurs comme chez les non-fumeurs, était associé à desgranulomes péribronchiques. L’étude a montré que le type d’ano-

Figure 10.12 • Tissu pulmonaire d’un patient atteintde bérylliose chronique

On peut voir des granulomes et un infiltrat de cellules arrondies.

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BÉRYLLIOSE 10.34 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

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malie influe sur le pronostic. Les patients présentant un troubleinterstitiel ont eu l’évolution la plus favorable, avec la détériora-tion la moins importante sur une période de cinq ans, tandis queles patients atteints de troubles obstructifs ou restrictifs ont présen-té une aggravation de leurs troubles malgré la corticothérapie.

Les études de la fonction pulmonaire réalisées chez des ouvriersasymptomatiques travaillant à l’extraction du béryllium ont mon-tré la présence d’une petite hypoxie artérielle. Ce phénomènes’observe généralement au cours des dix premières années d’expo-sition. Chez des travailleurs exposés au béryllium pendant vingtans ou plus, on a noté une diminution de la capacité vitaleexpiratoire forcée (CVF) et du volume expiratoire maximal se-conde (VEMS). Ces constatations suggèrent que la petite hypoxieinitiale pourrait être due à l’alvéolite précoce et, qu’à la longue, sil’exposition persiste, la diminution du VEMS et de la CVF pour-raient être un signe de fibrose et de formation de granulomes.

Les autres examens paracliniquesDes anomalies biologiques non spécifiques ont été mentionnéesdans la bérylliose chronique: augmentation de la vitesse de sédi-mentation, polyglobulie, élévation des gammaglobulines, hyperuri-cémie et hypercalcémie.

Le test cutané de Kveim est négatif dans la bérylliose, alorsqu’il est positif dans la sarcoïdose. Le taux de l’enzyme de conver-sion de l’angiotensine est habituellement normal dans la béryl-liose, mais il peut être augmenté chez 60% ou plus des patientsatteints de sarcoïdose évolutive.

Le diagnosticPendant de nombreuses années, le diagnostic de la bérylliosechronique a reposé sur les critères énoncés à partir du registre descas de bérylliose, à savoir:

1. importante exposition au béryllium;2. signes d’atteintes des voies respiratoires inférieures;3. anomalies radiographiques avec atteinte fibro-nodulaire inter-

stitielle;4. anomalies des épreuves fonctionnelles respiratoires avec dimi-

nution de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone(DLCO);

5. anomalies anatomopathologiques compatibles avec une expo-sition au béryllium au niveau des poumons et des ganglionslymphatiques thoraciques;

6. présence de béryllium dans les tissus.

Il fallait répondre à quatre de ces six critères, dont obligatoire-ment le premier ou le sixième. Depuis les années quatre-vingt, lesprogrès réalisés dans le domaine de l’immunologie ont permis deposer le diagnostic de bérylliose sans nécessiter de biopsies tissulai-res pour examen histologique ou recherche de béryllium. Latransformation des lymphocytes sanguins en réponse à l’exposi-tion au béryllium (comme dans le test de transformation lympho-blastique, TTL) ou des lymphocytes du liquide de lavage bron-cho-alvéolaire (LBA) a été proposée par Newman et coll. (1989)comme test diagnostique de la bérylliose chez les sujets exposés.Leurs données indiquent que la positivité d’un TTL sanguin estévocatrice d’une sensibilisation. Cependant, des données récentesmontrent que la corrélation entre le TTL sanguin et la maladierespiratoire n’est pas nette. La corrélation entre la transformationdes lymphocytes du LBA et les anomalies fonctionnelles pulmo-naires est beaucoup plus claire, mais ce n’est pas le cas en ce quiconcerne les anomalies concomitantes du TTL sanguin. Pourporter le diagnostic de bérylliose, il faut donc déceler à la fois desanomalies cliniques, des anomalies radiologiques et des anomaliesfonctionnelles pulmonaires, ainsi qu’un TTL positif sur LBA. UnTTL sanguin positif n’est pas pathognomonique en soi. La techni-que de détection de la présence de béryllium par microsonde dansde petits échantillons tissulaires constitue une innovation récentesusceptible de contribuer au diagnostic de la maladie sur de petitséchantillons tissulaires obtenus par biopsie pulmonaire transbron-chique.

La sarcoïdose est la maladie qui ressemble le plus à la béryl-liose, ce qui peut rendre le diagnostic différentiel difficile. Jus-qu’ici, on n’a pas observé de kystes osseux ou d’atteintes oculairesou amygdaliennes dans la bérylliose. Le test de Kveim est égale-ment négatif dans le cas de la bérylliose. Il n’est pas recommandéd’effectuer des tests cutanés pour mettre en évidence une sensibili-sation au béryllium, puisque le test est sensibilisant, qu’il peutéventuellement provoquer des réactions systémiques chez les per-sonnes sensibilisées et qu’il ne permet pas de savoir avec certitudesi la maladie en question est liée au béryllium.

Les progrès réalisés dans les techniques d’établissement d’undiagnostic différentiel fondées sur l’analyse des réactions immuni-taires devraient permettre d’établir plus facilement la distinctionentre la bérylliose et la sarcoïdoise.

Le pronosticLe pronostic de la bérylliose chronique a évolué favorablement aufil des ans; on pense que l’allongement du délai d’apparitionobservé chez les travailleurs manipulant du béryllium pourraitvenir d’une réduction de l’exposition ou d’une charge corporellemoindre en béryllium, avec pour résultat une évolution moinsgrave. Sur le plan clinique, on a constaté que la corticothérapie àdoses adéquates, prescrite dès l’apparition d’une incapacité mesu-

Figure 10.13 • Radiographie pulmonaire d’un patientatteint de bérylliose chronique, montrantdes infiltrats fibro-nodulaires diffuset des hiles saillants

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rable, administrée pendant des périodes suffisantes, améliore l’étatclinique de nombreux patients et permet même à certains d’entreeux de reprendre un travail actif. La preuve absolue d’une guéri-son de l’intoxication chronique par le béryllium grâce à la cortico-thérapie n’a pas encore été établie.

Le béryllium et le cancerChez l’animal, l’administration expérimentale de béryllium estcancérogène et induit un sarcome ostéogénique après injectionintraveineuse chez le lapin et un cancer pulmonaire après inhala-tion chez le rat et le singe. Le potentiel cancérogène du bérylliumchez l’humain reste une question controversée. Certaines étudesépidémiologiques ont évoqué une association, en particulier aprèsune bérylliose aiguë, mais cette observation a été mise en doutepar d’autres auteurs. Il est possible de conclure que le bérylliumest cancérogène chez l’animal et qu’il peut y avoir un lien entre lecancer du poumon et le béryllium chez l’humain, en particulieraprès une bérylliose aiguë.

Les mesures de sécurité et d’hygièneCes mesures doivent viser les risques d’incendie, ainsi que lesrisques beaucoup plus graves d’intoxication.

La prévention des incendies et la lutte contre le feuDes dispositions doivent être prises pour éliminer les éventuellessources d’ignition, telles que la formation d’étincelles ou d’arcsélectriques, le frottement, etc., à proximité de la poudre de béryl-lium finement divisée. Les récipients ayant contenu cette poudredevraient être vidés et nettoyés avant toute opération de soudageà l’acétylène ou à l’arc. La poudre de béryllium ultrafine, exempted’oxyde et qui a été préparée sous atmosphère de gaz inerte, peuts’enflammer spontanément au contact de l’air.

Il convient d’utiliser une poudre sèche appropriée — jamaisd’eau — pour éteindre un incendie en présence de béryllium. Lessapeurs-pompiers devraient porter un équipement de protectioncomplet, y compris un appareil de protection respiratoire; ilsdevraient ensuite prendre un bain et faire laver leur linge séparé-ment.

La protection de la santéLes opérations impliquant la manipulation de béryllium doiventse dérouler de manière parfaitement contrôlée afin de protéger lestravailleurs et la population. Le principal risque prend la formed’une contamination atmosphérique; par conséquent, les installa-tions et les opérations devraient être conçues de manière à géné-rer aussi peu de poussières et de fumées que possible. Les procé-dés humides sont préférables aux procédés secs et les composantsdes préparations de béryllium devraient être mis en œuvre ensuspensions aqueuses plutôt qu’en poudres sèches. Chaque instal-lation devrait être composée, autant que possible, d’unités auto-nomes closes. La concentration admissible de béryllium dans l’airest si faible qu’un confinement peut s’imposer, même avec lesprocédés humides, sinon les éclaboussures et les divers liquidespeuvent sécher et les poussières passer dans l’atmosphère.

Les opérations susceptibles de produire des poussières devraients’effectuer dans des zones présentant le confinement optimal com-patible avec les nécessités du travail. Certaines opérations sontexécutées dans des boîtes à gants, mais la plupart le sont dans desendroits clos munis d’un dispositif d’évacuation semblable à celuides hottes recueillant les fumées de substances chimiques. Lesopérations d’usinage devraient s’effectuer sous aspiration localiséeà grande vitesse et faible volume, ou en enceintes closes muniesd’une hotte d’aspiration.

Le contrôle de l’efficacité de ces diverses mesures exige d’effec-tuer des prélèvements d’ambiance pour déterminer l’exposition

quotidienne moyenne des travailleurs aux particules de bérylliumrespirables. La zone de travail devrait être nettoyée régulièrementau moyen d’un aspirateur efficace ou d’un balai-éponge humide.Les opérations mettant en œuvre du béryllium devraient se dérou-ler à l’écart dans des locaux séparés.

Un équipement de protection individuelle devrait être fourniaux travailleurs exposés. S’ils sont engagés à temps complet dansdes processus comportant une manipulation de composés de bé-ryllium ou dans des processus en rapport avec l’extraction dumétal à partir du minerai, des dispositions devraient être prisespour qu’ils puissent se changer complètement et ne pas rentrerchez eux avec leurs vêtements de travail. Des mesures devraientaussi être prises pour que ces vêtements puissent être lavés sansdanger et des combinaisons protectrices devraient être fourniesaux employés des laveries. Le blanchissage à domicile devrait êtreproscrit; des cas d’intoxication par le béryllium imputés aux vête-ments contaminés ramenés à domicile ou portés chez eux par lestravailleurs ont en effet été constatés.

La limite d’exposition de 2 µg/m3 proposée en 1949 par uncomité opérant sous le patronage de la Commission améri-caine de l’énergie atomique (U.S. Atomic Energy Commission) estappliquée dans la plupart des cas. Les interprétations actuellestolèrent généralement des excursions jusqu’à une valeur plafondde 5 µg/m3, pour autant que la valeur moyenne d’expositionpondérée dans le temps (Time-Weighted Average (TWA)) ne soitpas dépassée. On admet en outre des pointes de concentrationsupérieures à cette valeur à condition qu’elles n’excèdent pas25 µg/m3 pendant trente minutes au maximum. De telles concen-trations peuvent effectivement être atteintes dans le cadre desactivités industrielles et rien ne prouve qu’elles ont un effet néfastesur la santé des ouvriers travaillant dans un environnement conve-nablement contrôlé. En raison d’un lien possible entre le béryl-lium et le cancer du poumon, on a proposé d’abaisser à 1 µg/m3

la limite autorisée, mais aucune mesure officielle dans ce sens n’aété prise jusqu’ici aux Etats-Unis.

Les travailleurs susceptibles de contracter une bérylliose sontceux qui sont exposés au béryllium au cours de son extraction oude ses utilisations ultérieures. On a cependant rapporté quelquescas de contamination indirecte due à la présence d’une usined’extraction distante de 1 ou 2 km.

Dans plusieurs pays, les travailleurs exposés au béryllium et àses composés doivent subir un examen médical avant d’être em-bauchés, puis des examens périodiques par la suite. Le bilanrecommandé comprend un questionnaire annuel sur la fonctionrespiratoire, une radiographie pulmonaire et des épreuves fonc-tionnelles respiratoires. Grâce aux progrès réalisés dans le do-maine de l’immunologie, le TTL pourrait également devenir cou-rant, bien que l’on n’ait pas encore de preuves suffisantes de sonutilité pour recommander son emploi systématique. En cas dediagnostic ferme, il n’est pas prudent de permettre au travailleurconcerné de rester exposé au béryllium, même si la concentrationde béryllium dans l’air reste dans les limites admissibles à l’endroitoù il travaille.

Le traitementLa principale mesure thérapeutique consiste à écarter toute nou-velle exposition au béryllium. La corticothérapie est le principalmode de traitement de la bérylliose chronique. Les corticoïdessemblent en effet ralentir l’évolution de la maladie, sans toutefoisla guérir.

La corticothérapie devrait débuter par l’administration quoti-dienne d’une dose relativement forte de Prednisone (de 0,5 à1 mg/kg ou plus) et se poursuivre jusqu’à ce que l’état clinique oules résultats des épreuves fonctionnelles respiratoires s’améliorentou se stabilisent, ce qui prend généralement de quatre à sixsemaines. On recommande une réduction progressive des doses

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BÉRYLLIOSE 10.36 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

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et, pour finir, l’administration du médicament un jour sur deux.La corticothérapie est généralement un traitement à vie.

D’autres mesures d’appoint telles que l’oxygénothérapie, lesdiurétiques, les digitaliques et les antibiotiques (en cas d’infection)sont indiquées selon l’état clinique du patient. La vaccinationcontre la grippe et le pneumocoque devrait également être envisa-gée, comme chez tous les patients porteurs d’une maladie respira-toire chronique.

• LES PNEUMOCONIOSES: DÉFINITIONPNEUMOCONIOSES: DÉFINITION

Alois David

Le terme pneumoconiose, du grec pneuma (air, souffle) et konios (pous-sière), a été forgé en Allemagne par Zenker en 1867 pour désignerles altérations pulmonaires provoquées par l’accumulation depoussières inhalées. La nécessité d’une distinction entre les effetsde différents types de poussières s’est fait progressivement sentir. Ilest ainsi devenu nécessaire d’établir une distinction entre les pous-sières minérales ou végétales et leur composante microbiologique.En conséquence, la troisième Conférence internationale d’expertsen pneumoconioses, organisée par le BIT à Sydney, en 1950, aadopté la définition suivante: «La pneumoconiose est une maladiepulmonaire pouvant être diagnostiquée, due à l’inhalation depoussières, le terme ‘poussières’ s’appliquant à des particules àl’état solide, à l’exclusion des organismes vivants».

Le terme maladie qui apparaît dans cette définition semble im-pliquer une altération de l’état de santé, ce qui n’est pas forcémentle cas avec les pneumoconioses ne comportant pas de lésionsfibreuses ou cicatricielles des poumons. En règle générale, la réac-tion du tissu pulmonaire à la présence de poussières varie avec lanature de celles-ci. Les poussières non fibrogènes induisent uneréaction tissulaire des poumons caractérisée par une réaction fi-breuse minime et une absence d’anomalies fonctionnelles respira-toires. Ces poussières — citons à titre d’exemple les poussièresfinement broyées de kaolinite, de dioxyde de titane, d’oxyde stan-neux, de sulfate de baryum ou d’oxyde de fer — sont souventconsidérées comme biologiquement inertes.

Les poussières fibrogènes comme la silice et l’amiante induisentune réaction fibreuse plus marquée qui aboutit à la formation decicatrices au sein du tissu pulmonaire; dans ce cas, la maladie estpatente. La division des poussières en fibrogènes et non fibrogènesn’a rien d’absolu: de nombreux minéraux, en effet, et notammentles silicates, ont un potentiel fibrogène pulmonaire intermédiaire.Elle s’est néanmoins révélée utile à des fins cliniques et se reflètedans la classification des pneumoconioses.

Une nouvelle définition des pneumoconioses a été adoptée parle groupe de travail réuni par le BIT dans le cadre de la qua-trième Conférence internationale sur les pneumoconioses, tenue àBucarest en 1971: «La pneumoconiose correspond à l’accumula-tion de poussières dans les poumons et à la réaction des tissus à laprésence de ces poussières. Dans le cadre de cette définition, onentend par ‘poussière’ un aérosol composé de particules solidesinertes».

Pour éviter toute erreur d’interprétation, le terme non néoplasiqueest parfois ajouté à l’expression «réaction des tissus».

A cette conférence, le groupe de travail a adopté une déclara-tion détaillée dont l’essentiel est résumé ci-après:

Définition de la pneumoconiose

Dans le passé, en 1950, une définition de la pneumoco-niose a été établie lors de la troisième Conférence internatio-nale d’experts sur les pneumoconioses et a été utilisée jus-qu’ici.

Depuis 1950, le développement de nouvelles technologiesa aggravé les risques professionnels, en particulier ceux liés àl’inhalation de polluants en suspension dans l’air.

Le développement des connaissances dans le domaine dela médecine du travail a permis l’identification de nouvellesmaladies respiratoires d’origine professionnelle, mais il a éga-lement montré la nécessité d’un réexamen de la définitiondes pneumoconioses donnée en 1950.

Le BIT a donc constitué un groupe de travail dans lecadre de la quatrième Conférence internationale sur les pneu-moconioses afin d’étudier la question de la définition despneumoconioses.

Le groupe de travail a examiné les propositions soumisespar ses membres avant d’adopter une nouvelle définition dela pneumoconiose à laquelle il a joint un certain nombre decommentaires.

Ces dernières années, pour des raisons socio-économiques,plusieurs pays ont inclus dans les pneumoconioses des mala-dies qui n’en sont manifestement pas, mais qui sont cepen-dant des maladies respiratoires professionnelles. Par «mala-die», on entend, pour des raisons préventives, les toutes pre-mières manifestations qui ne sont pas forcément invalidantesou menaçantes pour le pronostic vital.

Le groupe de travail a donc entrepris de redéfinir la pneu-moconiose (voir ci-dessus).

Sur le plan anatomopathologique, les pneumoconiosespeuvent être divisées en formes collagènes et non collagènes.

Une pneumoconiose non collagène est due à une pous-sière non fibrogène et présente les caractéristiques suivantes:i) l’architecture alvéolaire reste intacte;ii) la réaction stromale est minime et faite essentiellement

de fibres de réticuline; etiii) la réaction à la poussière est potentiellement réversible.

Comme exemples de pneumoconioses non collagènes, onpeut citer celles provoquées par les poussières d’oxyde d’étain(stannose) et de sulfate de baryum (barytose).

Les pneumoconioses collagènes se caractérisent par:i) une altération permanente ou une destruction

de l’architecture alvéolaire;ii) une réaction collagène stromale d’intensité moyenne

à sévère; etiii) des lésions cicatricielles permanentes des poumons.

Ces pneumoconioses collagènes peuvent être provoquéespar des poussières fibrogènes ou par la réponse d’un tissulésé à une poussière non fibrogène.

Comme exemples de pneumoconioses collagènes dues àdes poussières fibrogènes, on peut citer la silicose et l’asbes-tose, tandis que la pneumoconiose des houilleurs ou fibrosemassive progressive (FMP) correspond à la réponse d’un tissualtéré à une poussière relativement non fibrogène.

En pratique, la distinction entre pneumoconioses collagè-nes et non collagènes est difficile à établir. L’exposition conti-nue à la même poussière peut entraîner le passage d’uneforme non collagène à une forme collagène. De plus, l’expo-sition à une seule poussière est désormais moins courante etles expositions à des poussières mixtes, de potentiels fibrogè-nes différents, peuvent induire des pneumoconioses de for-mes diverses, collagènes ou non.

Il existe également des maladies respiratoires chroniquesprofessionnelles qui, bien qu’elles apparaissent à la suite del’inhalation de poussières, ne sont pas des pneumoconiosesdu fait que les particules ne sont pas censées s’accumulerdans les poumons.

La byssinose, la bérylliose, le poumon du fermier et lesmaladies apparentées sont des exemples de maladies respira-

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toires chroniques professionnelles, potentiellement invalidan-tes. Elles ont pour dénominateur commun la sensibilisationdu tissu pulmonaire ou bronchique par le composant étiolo-gique de la poussière, de sorte que si le tissu pulmonaireréagit, l’inflammation a tendance à être de type granuloma-teux, alors que si c’est le tissu bronchique qui réagit, unebronchoconstriction est possible.

L’exposition à des substances nocives inhalées dans certai-nes industries s’associe à un risque accru de mortalité parcancer de l’appareil respiratoire. Les substances radioactives,l’amiante et les chromates sont des exemples de ces substan-ces.

Adoptée à la quatrième Conférence internationale du BIT sur les pneumoconioses, Bucarest,1971.

• CLASSIFICATION INTERNATIONALEDES RADIOGRAPHIESDE PNEUMOCONIOSES DU BIT

CLASSIFICATION DU BIT

Michel Lesage

En dépit de tous les efforts nationaux et internationaux consacrésà leur prévention, les pneumoconioses sont toujours présentesdans les pays industriels et les pays en développement où ellesentraînent l’incapacité de travail de nombreux travailleurs. C’estla raison pour laquelle le Bureau international du Travail (BIT),l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de nombreusesinstitutions nationales de sécurité et de santé au travail continuentà les combattre et à proposer des programmes de prévention àlong terme. Le BIT, l’OMS et, aux Etats-Unis, l’Institut nationalde la sécurité et de la santé au travail (National Institute forOccupational Safety and Health (NIOSH)) s’emploient officielle-ment à lutter ensemble contre la silicose. Un aspect de cettecollaboration vise une surveillance médicale comportant notam-ment l’examen de radiographies pulmonaires pour faciliter lediagnostic de cette forme de pneumoconiose. C’est dans ce butque le BIT, en collaboration avec de nombreux experts, a mis aupoint et tient régulièrement à jour une classification des aspectsradiologiques des pneumoconioses qui permet d’enregistrer systé-matiquement les anomalies radiologiques thoraciques dues à l’in-halation de poussières. Il s’agit de classifier les images de radiogra-phies du thorax prises en incidence postéro-antérieure (PA).

Cette classification a pour objet de codifier les anomalies radio-graphiques des pneumoconioses de façon simple et reproductible.Elle ne définit pas d’entités nosologiques et ne prend pas non plusen considération l’incapacité de travail. La classification n’impli-que aucune définition légale des pneumoconioses à des fins deréparation, ni une valeur seuil à partir de laquelle une réparationserait due. Il s’est néanmoins avéré qu’elle est utilisée de manièreplus étendue que prévu. Elle est désormais largement utilisée auniveau international pour la recherche épidémiologique, pour lasurveillance de la santé des travailleurs dans différentes branches,ainsi qu’à des fins cliniques. Son utilisation a également permisd’améliorer la comparabilité internationale des statistiques depneumoconioses. Enfin, elle sert à décrire et à enregistrer, demanière systématique, une partie des informations nécessaires àune éventuelle réparation.

La principale condition d’utilisation optimale de ce système declassification, du point de vue scientifique et éthique, est toujoursde lire les clichés en les comparant systématiquement aux 22 cli-chés types de la Classification internationale du BIT. Si le lecteurtente de classifier un cliché sans se référer à l’un de ces clichés de

référence, il ne pourra pas être fait mention d’une lecture con-forme à la Classification internationale. Le risque de s’écarter dela classification par une lecture par excès ou par défaut est siimportant qu’une telle lecture ne devrait pas être utilisée à des finsde recherche épidémiologique ou en vue d’une comparaison in-ternationale des statistiques de pneumoconioses.

Une première classification avait été adoptée pour la silicosepar la première Conférence internationale d’experts en pneumo-conioses, tenue à Johannesburg en 1930. Elle associait des critèresradiologiques, cliniques et physiologiques (fonction respiratoire).En 1958, une nouvelle classification, basée sur les anomalies ra-diologiques, a été établie (Classification de Genève, 1958). Elle aété révisée par la suite à plusieurs reprises, pour la dernière fois en1980, toujours dans le but de fournir une version améliorée per-mettant une large utilisation à des fins cliniques et épidémiologi-ques. Chaque nouvelle version de la Classification du BIT aapporté des modifications basées sur l’expérience internationaleacquise avec les classifications précédentes.

Pour permettre une utilisation claire de la classification, le BITa publié en 1970 la Classification internationale des radiographies depneumoconioses, 1968 dans la série Sécurité, Hygiène et Médecinedu Travail (no 22). Cette publication a été révisée en 1972 sous letitre Classification internationale BIT U/C des radiographies de pneumoco-nioses, 1971, puis une nouvelle fois en 1980 sous le titre Instructionspour l’utilisation de la Classification internationale du BIT des radiographiesde pneumoconioses, édition révisée en 1986. La description des cli-chés types est fournie au tableau 10.14.

La classification du BIT de 1980La révision de 1980 a été entreprise par le BIT avec la collabora-tion de la Commission des Communautés européennes, duNIOSH et du Collège américain de radiologie (American Collegeof Radiology). Le tableau 10.15 en présente un résumé. La Classi-fication de 1980 conserve le principe des classifications antérieu-res (1968 et 1971).

Elle est fondée sur un jeu de 22 clichés types, des instructions etune notice explicative. Aucune donnée visible sur une radiogra-phie pulmonaire n’est pathognomonique d’une exposition auxpoussières. Le principe essentiel est qu’il faut classifier tous lesaspects compatibles avec ceux définis et représentés sur les clichéstypes et dans les instructions pour l’utilisation de la Classificationinternationale. Si le lecteur estime qu’un aspect n’a probablementou formellement aucun rapport avec la poussière, la radiographiene doit pas être classifiée, mais faire l’objet d’un commentaireapproprié. Les 22 clichés types ont été sélectionnés à la suited’études faites au niveau international; ils illustrent les images descatégories médianes pour les petites opacités (mm) et fournissentdes exemples des catégories A, B et C pour les grandes opacités(diamètre 10 mm). Les anomalies pleurales (épaississement pleuraldiffus, plaques pleurales et comblement de l’angle costo-phréni-que) sont également visibles sur différents clichés.

Les discussions ultérieures, en particulier lors de la septièmeConférence internationale sur les pneumoconioses, tenue à Pitts-burgh en 1988, ont montré qu’il fallait améliorer certaines partiesde la classification, surtout celles concernant les anomalies pleura-les. Une réunion du groupe de travail pour la révision de laClassification internationale du BIT des radiographies de pneu-moconioses s’est tenue à Genève en novembre 1989. Les expertsont émis l’opinion que la classification abrégée n’était d’aucuneutilité et qu’il était possible de la supprimer. En ce qui concerneles anomalies pleurales, le groupe a reconnu que cette classifica-tion pouvait désormais être divisée en trois parties: épaississementpleural diffus, plaques pleurales et comblement de l’angle costo-phrénique. L’épaississement pleural diffus peut être divisé en at-teinte de la paroi thoracique et en atteinte diaphragmatique. On aidentifié ces atteintes d’après six zones — parties supérieure,

10.38

LE CORPS

CLASSIFICATION DU BIT 10.38 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

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Petites opacités Epaississements pleuraux

Paroithoracique

Clichétypede 1980montrant Qu

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Form

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Diffu

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Comb

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l’ang

leco

sto-

diaph

ragm

atiqu

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Calci

ficat

ions

pleur

ales

Sym

boles

Commentaires

0/0 (exemple 1) 1 0/0 — — Non Non Non Non Non Non Non Le dessin vasculaire est bien illustré.0/0 (exemple 2) 1 0/0 — — Non Non Non Non Non Non Non Montre également bien le dessin vasculaire,

moins clairement que dans l’exemple 1.1/1; p/p 1 1/1 p/p R L

x xx xx x

A Non Non Non Non Non rp. Pneumoconiose rhumatoïde dans la zoneinférieure gauche. Les petites opacités sontprésentes dans toutes les zones, maisla densité dans la zone supérieure droiteest typique de ce qui est classifiableen catégorie bien que certains puissentl’estimer légèrement plus dense.

2/2; p/p 2 2/2 p/p R Lx xx xx x

— Non Non Non Non Non pi; tb. Insuffisance de qualité: la radiographie esttrop claire.

3/3; p/p 1 3/3 p/p R Lx xx xx x

Non Non Non Non OuiR Lx –

Non ax. —

1/1; q/q 1 1/1 q/q R Lx xx x– –

Non Non Non Non Non Non Non La densité 1/1 est mieux illustréeque la forme et la taille.

2/2; q/q 1 2/2 q/q R Lx xx xx x

Non Non Oui NonNon R LNon x x

Epaisseur:Non a a

EEtendue:Non 1 1

OuiR Lx x

Non Non —

3/3; q/q 2 3/3 q/q R Lx xx xx x

Non Non Non Non Non Non pi. Insuffisance de qualité: médiocre définitionde la plèvre et des sinus costo-diaphragmatiques.

1/1; r/r 2 1/1 r/r R Lx xx x– –

Non Non Non Non OuiR L– x

Non Non Insuffisance de qualité: mouvementdes sujets. Densité des petites opacitésles plus marquées dans le poumon droit.

2/2; r/r 2 2/2 r/r R Lx xx xx x

Non Non Non Non Non Non Non Insuffisance de qualité: radiographie tropclaire et contraste trop haut. L’ombredu cœur est légèrement déplacéevers la gauche.

3/3; r/r 1 3/3 r/r R Lx xx xx x

Non Non Non Non Non Non ax; ih. —

1/1; s/t 2 1/1 s/t R Lx –x xx x

Non Non Non Non Non Non kl. Insuffisance de qualité: amputationdes bases. Ligne de Kerley dans la zoneinférieure droite.

2/2; s/s 2 2/2 s/s R L– –x xx x

Non Non Non Non Non Non em. Insuffisance de qualité: distension des basesdue à la contraction. Emphysème dans leszones supérieures.

Tableau 10.14 • Descriptions des clichés types

Suite au verso.

10.39

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.39 CLASSIFICATION DU BIT

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Petites opacités Epaississements pleuraux

Paroithoracique

Clichétypede 1980montrant Qu

alité

techn

ique

Dens

ité

Form

eett

aille

Etend

ue

Gran

deso

pacit

és

Circo

nscri

t(p

laque

s)

Diffu

s

Diap

hrag

me

Comb

lemen

tde

l’ang

leco

sto-

diaph

ragm

atiqu

e

Calci

ficat

ions

pleur

ales

Sym

boles

Commentaires

3/3; s/s 2 3/3 s/s R Lx xx xx x

Non Non Oui NonNon R LNon x x

Epaisseur:Non a a

EEtendue:Non 3 3

Non Non ho; ih;pi.

Insuffisance de qualité: la radiographie esttrop claire; l’aspect en rayon de miel n’estpas marqué.

1/1; t/tOblitération

de l’angle costo-phrénique

1 1/1 t/t R L– –x xx x

Non Non Oui NonNon R LNon x x

Epaisseur:Non a a

EEtendue:Non 2 2

Oui Oui NonR L R Lx – x –

Etendue:2 –

La radiographie illustre la limite bassedu comblement de l’angle costo-phrénique.Noter la rétraction dans les champspulmonaires inférieurs.

2/2; t/t 1 2/2 t/t R Lx xx xx x

Non Non Oui NonNon R LNon x x

Epaisseur:Non a a

EEtendue:Non 1 1

Non Non ih. L’épaississement pleural est présent dansles sommets des poumons.

3/3; t/t 1 3/3 t/t R Lx xx xx x

Non Non Non Non Non Non hi; ho;id; ih;tb.

1/1; u/u2/2; u/u3/3; u/u

— — — — — — — — — — — Cette radiographie composite illustrela catégorie moyenne de densitédes petites opacités classifiablespour forme et taille comme u/u.

A 2 2/2 p/q R Lx xx xx x

A Non Non Non Non Non Non Insuffisance de qualité: la radiographieest trop claire et la définition pleuraleest médiocre.

B 1 1/2 p/q R Lx xx xx x

B Non Non Non Non Non ax; co. La définition de la plèvre est légèrementimparfaite.

C 1 2/1 q/t R Lx xx xx x

C Non Non Non Non Non bu; di;em;es; hi;ih.

Les petites opacités sont difficiles à classifieren raison de la présence des grandes opacités.A noter le comblement de l’angle costo-diaphragmatique gauche. Celui-ci n’est pasclassifiable parce qu’il n’atteint pas la limitebasse définie par le cliché type 1/1; t/t.

Epaississementpleuralcirconscrit

— — — — — Oui Non Non Non Non — Cet épaississement pleural vu de face estd’épaisseur indéterminée et d’étendue «2».

Epaississementpleural diffus

— — — — — Non Oui Non Non Oui — Cet épaississement pleural vu de profil estd’épaisseur «a» et d’étendue «2»; petitescalcifications non associées.

Epaississementpleural (calcifica-tions) de la plèvrediaphragmatique

— — — — — Non Oui Oui Non Oui — Epaississement pleural circonscrit d’étendue«2».

Epaississementpleural (calcifica-tions) de la paroithoracique

— — — — — Oui Non Non Non Oui — Epaississement pleural calcifié et noncalcifié vu de face, d’épaisseurindéterminée et d’étendue «2».

Tableau 10.14 • Descriptions des clichés types

10.40

LE CORPS

CLASSIFICATION DU BIT 10.40 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

Page 16: APPAREIL RESPIATOIR2.pdf

Données Codes Définitions

Qualité technique

1 Bonne.2 Acceptable, sans défaut technique susceptible de gêner la classification de la radiographie

dans le domaine des pneumoconioses.3 Avec quelques défauts techniques, mais encore acceptable en vue de la classification.4 Inacceptable.

Anomalies parenchymateuses

Petites opacités Densité — La catégorie de densité est basée sur l’évaluation de la concentration des opacitéspar comparaison avec le cliché type.

0/– 0/0 0/11/0 1/1 1/22/1 2/2 2/33/2 3/3 3/+

Catégorie 0 — petites opacités absentes ou moins nombreuses que la limite inférieurede la catégorie 1.

Catégories 1, 2 et 3 représentent une densité croissante de petites opacités commedéfini par le cliché type correspondant.

Situation RU RM RLLU LM LL

On notera les régions où sont observées les opacités. Le champ pulmonaire droit (R)et gauche (L) sont tous les deux divisés en trois zones: supérieure (U), moyenne (M)et inférieure (L).

La catégorie de densité est déterminée en considérant la densité pour la totalité du pou-mon comme celle constatée sur les zones affectées et par comparaison avec le clichétype.

Taille et forme:

arrondies p/p q/q r/r Les lettres p, q et r concernent la présence de petites opacités arrondies. Trois taillessont définies par les images des clichés types:

p = diamètre jusqu’à 1,5 mm;q = diamètre compris entre 1,5 mm et 3 mm;r = diamètre excédant 3 mm et jusqu’à 10 mm.

irrégulières s/s t/t u/u Les lettres s, t et u concernent la présence de petites opacités irrégulières. Trois taillessont définies par les images des clichés types:

s = largeur jusqu’à 1,5 mm environ;t = largeur comprise entre 1,5 mm et 3 mm;u = largeur dépassant 3 mm et jusqu’à 10 mm.

mixtes p/s p/t p/u p/q p/rq/s q/t q/u q/p q/rr/s r/t r/u r/p r/qs/p s/q s/r s/t s/ut/p t/q t/ r t/s t/uu/p u/q u/r u/s u/t

Pour les formes (ou tailles) mixtes des petites opacités, la forme et la taille prédomi-nantes sont notées d’abord. La présence d’un nombre significatif d’une autre formeou taille est enregistrée après une barre oblique.

Grandes opacités A B C Les catégories sont définies en terme de dimension des opacités.Catégorie A — une opacité dont le plus grand diamètre est compris entre 10 mm

et 5 mm ou plusieurs opacités. Chacune est supérieure à 10 mm, la somme des plusgrands diamètres n’excédant pas 50 mm.

Catégorie B — une ou plusieurs opacités plus étendues ou plus nombreuses que cellesdéfinies à la catégorie A; la surface totale de ces opacités ne dépassant pas l’équiva-lent de la zone supérieure droite.

Catégorie C — une ou plusieurs opacités dont la surface totale dépasse l’équivalentde la zone supérieure droite.

Anomalies pleurales

Epaississement pleural:Paroi thoracique Type — Deux types d’épaississement pleural de la paroi thoracique sont définis: circonscrits

(plaques) et diffus. Les deux types peuvent être simultanément présents.

Siège R L L’épaississement pleural de la paroi thoracique est noté séparément pour le champ pulmo-naire droit (R) et gauche (L).

Tableau 10.15 • Classification internationale du BIT, 1980: détails de la classification

Suite au verso.

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.41 CLASSIFICATION DU BIT

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Données Codes Définitions

Epaisseur a b c La mesure du degré d’épaississement pleural sur la paroi thoracique se fait depuis lalimite intérieure de la paroi jusqu’à la marge interne de l’opacité dans la zone où lafrontière pleuro-parenchymateuse est la plus clairement définie. L’épaisseur maximaleest habituellement constatée à la limite interne de l’ombre costale à son pointextrême.

a = épaisseur inférieure à 5 mm;b = épaisseur maximum comprise entre 5 mm et 10 mm;c = épaisseur maximum supérieure à 10 mm.

Vue de face Y N La présence d’un épaississement pleural vu de face est notée habituellement si elle peutêtre également vue de profil. Si l’épaississement pleural est seulement vu de face,l’épaisseur ne peut habituellement être mesurée.

Etendue 1 2 3 L’étendue de l’épaississement pleural est définie en terme de hauteur maximum de zonepleurale concernée ou comme la somme des longueurs maximales, qu’elle soit vuede profil ou de face.

1 = longueur totale équivalente jusqu’à ¼ de la projection de la paroi thoracique latérale.2 = longueur totale comprise entre ¼ et la moitié de la projection de la paroi thoracique2 = latérale.3 = longueur totale supérieure à la moitié de la projection de la paroi thoracique latérale.

Diaphragme Présence Y N Une plaque concernant la plèvre diaphragmatique est notée comme présente (Y) ou-absente (N), séparément pour la droite (R) et la gauche (L) de l’image thoracique.

Siège R L —

Oblitération de l’anglecostophrénique

Présence Y N La présence (Y) ou l’absence (N) de l’oblitération de l’angle costo-phrénique est enre-gistrée (séparément de l’épaississement en d’autres zones) pour le côté droit (R) et lecôté gauche (L) du thorax. La limite inférieure de cette oblitération est définie par uncliché type.

Siège R L Si l’épaississement s’étend en hauteur sur la paroi thoracique, dans ce cas l’oblitérationde l’angle costo-phrénique d’une part, et l’épaisseur pleurale d’autre part doivent êtreenregistrées.

Calcifications pleurales Siège — Le siège et l’étendue de la calcification pleurale sont notés séparément pour les deux pou-mons et l’étendue est définie en terme de dimension.

Paroi thoracique R L —

Diaphragme R L —

Autres R L «Autres» concernent les calcifications de la plèvre médiastinale ou péricardiaque.

Etendue 1 2 3 1 = une zone de plèvre calcifiée dont le plus grand diamètre peut atteindre 20 mm1 = ou un nombre de telles zones dont la somme des plus grands diamètres n’excède pas1 = 20 mm environ.2 = une zone de plèvre calcifiée dont le plus grand diamètre est compris entre 20 mm2 = et 100 mm environ ou un nombre de telles zones dont la somme des plus grands2 = diamètres est comprise entre 20 mm et 100 mm environ.3 = une zone de plèvre calcifiée dont le plus grand diamètre dépasse 100 mm environ3 = ou un nombre de telles zones dont la somme des plus grands diamètres dépasse3 = 100 mm environ.

Symboles

Il est admis que la définition de chacun des symboles peut être précédée d’un motou d’une expression appropriés tels que «suspect de», «altération suggérant…»,«opacités évoquant…», etc.

ax Coalescence de petites opacités pneumoconiotiques.bu Bulles.ca Cancer du poumon ou de la plèvre.cn Calcification au sein de petites opacités pneumoconiotiques.co Anomalies du volume ou de la silhouette cardiaque.cp Cœur pulmonaire.cv Image cavitaire.

Tableau 10.15 • Classification internationale du BIT, 1980: détails de la classification

10.42

LE CORPS

CLASSIFICATION DU BIT 10.42 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

Page 18: APPAREIL RESPIATOIR2.pdf

moyenne et inférieure des poumons droit et gauche. Si un épais-sissement pleural est limité, il peut être considéré comme uneplaque. Toutes les plaques devraient être mesurées en centimètres.Le comblement de l’angle costo-phrénique devrait être consignésystématiquement (qu’il existe ou non). Il est important de noter sil’angle costo-phrénique est visible ou non, en raison de son impor-tance par rapport à l’épaississement pleural diffus. Un symboledevrait être utilisé pour indiquer si les plaques ont été classées ounon. L’aplatissement du diaphragme devrait être signalé par unautre symbole, car il s’agit d’une caractéristique très importantedans l’exposition à l’amiante. La présence de plaques devrait êtreindiquée dans les cases appropriées en utilisant les symboles «c»(calcifiées) ou «h» (hyalines).

Une description complète de la Classification, avec ses applica-tions et limitations, se trouve dans la publication mentionnée plushaut (BIT, 1986). La révision de cette classification retient enpermanence l’attention du BIT; des instructions révisées devraientêtre publiées d’ici à l’an 2000 pour tenir compte des recomman-dations du groupe de travail.

• L’ÉTIOPATHOGENÈSEDES PNEUMOCONIOSES

ÉTIOPATHOGENÈSE DES PNEUMOCONIOSES

Patrick Sébastien et Raymond Bégin

Les pneumoconioses sont reconnues depuis longtemps déjà commedes maladies professionnelles. De grands efforts ont été faits dansles domaines de la recherche, de la prévention primaire et dutraitement médical. Mais, de l’avis des médecins et des hygiénis-tes, le problème demeure présent dans les pays industriels commedans les pays en cours d’industrialisation (Valiante, Richards et

Kinsley, 1992; Markowitz, 1992). Etant donné que les trois prin-cipaux minerais industriels responsables des pneumoconioses(amiante, charbon et silice) sont fort probablement appelés àconserver une certaine importance économique, on peut s’atten-dre que le problème continue à se poser avec une certaine intensi-té dans le monde entier, en particulier parmi la main-d’œuvresouvent délaissée des petites entreprises industrielles et des petitesexploitations minières. Les difficultés pratiques de la préventionprimaire et la méconnaissance des mécanismes responsables del’apparition et du développement de la maladie sont des facteursqui peuvent tous expliquer la persistance du problème.

L’étiopathogenèse des pneumoconioses peut se définir commel’évaluation et la compréhension de tous les phénomènes surve-nant au niveau des poumons à la suite de l’inhalation de particu-les de poussières fibrogènes. L’expression cascade d’événements seretrouve souvent dans la littérature consacrée à ce sujet; elledésigne une série d’événements qui débute avec la première expo-sition et qui aboutit aux formes pathologiques les plus graves. Sil’on excepte les rares formes de silicose accélérée qui peuvent sedévelopper après quelques mois seulement d’exposition, la plu-part des pneumoconioses apparaissent à la suite d’une périoded’exposition qui se compte en décennies plutôt qu’en années.C’est particulièrement vrai de nos jours dans les entreprises quiobservent les normes modernes de prévention. Le phénomèneétiopathogénique doit donc être analysé dans la perspective d’unedynamique à long terme.

Ces vingt dernières années, une foule d’informations ont étérecueillies sur les nombreuses et complexes réactions pulmonairesimpliquées dans la fibrose pulmonaire interstitielle induite parplusieurs agents, dont les poussières minérales. Ces réactions ontété décrites sur le plan biochimique et cellulaire (Richards, Maseket Brown, 1991). Les médecins, les chercheurs en médecine expé-rimentale, de même que les cliniciens utilisant le lavage broncho-

Données Codes Définitions

di Distension marquée des organes intrathoraciques.ef Epanchement pleural.em Emphysème marqué.es Calcification en coquille d’œuf des ganglions lymphatiques hilaires ou médiastinaux.Fr Fracture de côte(s).Hi Elargissement des ganglions hilaires ou médiastinaux.Ho Aspect en «nid d’abeilles».Id Diaphragme mal défini.Ih Silhouette cardiaque mal définie.Kl Lignes de Kerley.Od Autres anomalies significatives.Pi Epaississement pleural dans la scissure interlobaire ou le médiastin.Px Pneumothorax.Rp Pneumoconiose rhumatoïde.Tb Tuberculose.

Commentaires

Présence Y N La classification du cliché doit être assortie de commentaires, surtout si l’on estimequ’une image radiologique, pouvant être attribuée par certains à une pneumoconiose,est en fait imputable à une autre cause; un commentaire est également nécessairepour les radiographies dont la lecture peut avoir été sensiblement influencée par leniveau de la qualité technique.

Tableau 10.15 • Classification internationale du BIT, 1980: détails de la classification

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.43 ÉTIOPATHOGENÈSE DES PNEUMOCONIOSES

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alvéolaire comme nouvelle technique d’étude pulmonaire, onttous apporté leur contribution. L’étiopathogenèse est présentéecomme une entité extrêmement complexe, mais qui peut néan-moins être fragmentée pour montrer différentes facettes: 1) l’inha-lation elle-même de particules de poussières et la constitution etl’importance de la charge pulmonaire résultante (relation exposi-tion-dose); 2) les caractéristiques physico-chimiques des particulesfibrogènes; 3) les réactions biochimiques et cellulaires induisant leslésions fondamentales de pneumoconiose; 4) les facteurs détermi-nants de l’évolution et des complications de la maladie. Cettedernière facette ne doit pas être négligée, car les formes les plussévères de pneumoconiose sont celles qui conduisent à l’incapacitéde travail et à l’invalidité.

Une analyse détaillée de l’étiopathogenèse des pneumoconiosessort du cadre du présent article. Il faudrait faire la distinctionentre plusieurs types de poussières et approfondir l’étude de nom-breux domaines spécialisés dont certains font encore l’objet derecherches actives. Il est cependant possible de tirer des notionsgénérales intéressantes des connaissances actuelles. Nous les pré-senterons ici dans le cadre des quatre facettes citées plus haut; labibliographie permettra au lecteur intéressé de consulter des ou-vrages plus spécialisés. Des exemples seront fournis essentielle-ment pour les trois principales pneumoconioses, qui sont égale-ment les mieux documentées: l’asbestose, la pneumoconiose deshouilleurs (PH) et la silicose. Les éventuelles conséquences sur laprévention seront abordées.

Les relations exposition-dose-réponseLes pneumoconioses résultent de l’inhalation de certaines particu-les de poussières fibrogènes. En physique des aérosols, le termepoussière a une signification bien précise (Hinds, 1982). Il désigneles particules en suspension dans l’air obtenues par division méca-nique d’une substance mère à l’état solide. Les particules généréespar d’autres procédés ne devraient pas être qualifiées de poussiè-res. Les nuages de poussière observés dans différents environne-ments industriels (mines, minières et carrières, percement de gale-ries, sablage, etc.) sont généralement constitués d’un mélange deplusieurs types de poussière. Les particules en suspension dansl’air n’ont pas une taille homogène, mais une distribution granulo-métrique. La taille et d’autres paramètres physiques (masse volu-mique, forme et charge superficielle) déterminent le comporte-ment aérodynamique des particules et la probabilité de leur péné-tration et de leur accumulation dans les différentes régions del’appareil respiratoire.

Dans le domaine des pneumoconioses, le secteur le plus intéres-sant est le compartiment alvéolaire. Les particules en suspensiondans l’air suffisamment petites pour atteindre ce compartimentsont appelées particules respirables ou alvéolaires. Toutes les particulesatteignant le compartiment alvéolaire ne s’y déposent pas systé-matiquement, certaines restant présentes dans l’air expiré. Lesmécanismes physiques responsables de leur déposition sont main-tenant bien connus dans les cas des particules isométriques (Raa-be, 1984) et des particules fibreuses (Sébastien, 1991). Les fonc-tions liant les probabilités de déposition aux paramètres physiquesont été définies. Les particules respirables et les particules dépo-sées dans le compartiment alvéolaire ont des caractéristiques detaille quelque peu différentes. Pour les particules non fibreuses, onse sert d’instruments d’échantillonnage de l’air avec dispositif desélection par fraction granulométrique et d’instruments à lecturedirecte pour mesurer la concentration pondérale des particulesrespirables. Pour les particules fibreuses, l’approche est différente;la technique consiste à recueillir la «poussière totale» sur desfiltres et à compter les fibres au microscope optique. Dans ce cas,la sélection granulométrique s’effectue en excluant du comptageles fibres «non respirables» ayant des dimensions sortant des limi-tes préétablies.

Une fois les particules déposées à la surface des alvéoles com-mence le processus dit de clairance alvéolaire dont les premièresphases consistent en un recrutement chimiotactique des macro-phages et en une phagocytose. Cette clairance peut prendre plu-sieurs formes: élimination des macrophages chargés de poussièresvers les voies respiratoires ciliées, interaction avec les cellulesépithéliales et transport des particules libres à travers les membra-nes alvéolaires, phagocytose par les macrophages, séquestrationdans l’interstitium et transport vers les ganglions lymphatiques(Lauweryns et Baert, 1977), chacune de ces formes de clairanceayant une cinétique particulière. L’activation des différents pro-cessus responsables de la rétention des agents contaminants dansles poumons est déclenchée non seulement par la nature de l’ex-position, mais aussi par les caractéristiques physico-chimiques desparticules déposées.

La notion de processus rétentionnel propre à chaque type depoussière est relativement nouvelle, mais on dispose désormaisd’un nombre suffisant d’arguments pour l’intégrer dans les sché-mas étiopathogéniques. Par exemple, l’un des auteurs du présentarticle a constaté qu’après une exposition prolongée à l’amianteles fibres s’accumulent dans les poumons si elles sont du typeamphibole, mais non si elles sont du type chrysotile (Sébastien,1991). On a pu montrer par ailleurs que les fibres courtes sontéliminées plus rapidement que les longues. On sait aussi que lequartz présente un certain tropisme lymphatique et qu’il pénètrefacilement dans le système lymphatique. On a démontré que lamodification des caractères chimiques superficiels des particulesde quartz influe sur la clairance alvéolaire (Hemenway et coll.,1994; Dubois et coll., 1988). L’exposition simultanée à plusieurstypes de poussières peut influer elle aussi sur la clairance alvéo-laire (Davis, Jones et Miller, 1991).

Au cours du processus de clairance alvéolaire, les particules depoussières subissent des modifications chimiques et physiques,telles que l’enrobage avec une substance ferrugineuse, le lessivagede certains composants élémentaires et l’adsorption de certainesmolécules biologiques.

Une autre notion récemment dérivée des expériences chez l’ani-mal est celle de la «surcharge pulmonaire» (Mermelstein et coll.,1994). Des rats soumis à une inhalation massive d’un ensemble depoussières insolubles ont réagi de la même façon: inflammationchronique, augmentation du nombre de macrophages chargés departicules, augmentation du nombre de particules dans l’intersti-tium, épaississement des septa, lipoprotéinose et fibrose. Ces ano-malies n’ont pas été imputées à la réactivité de la poussière testée(dioxyde de titane, cendres volcaniques, cendres volantes, coke depétrole, poly(chlorure de vinyle), toner, noir de carbone et parti-cules d’échappement des moteurs diesel), mais à une expositionpulmonaire excessive. On ignore s’il faut tenir compte de la sur-charge pulmonaire dans le cas d’une exposition humaine à despoussières fibrogènes.

Parmi les différents processus de clairance, le passage dansl’interstitium semble jouer un rôle particulièrement importantdans la genèse des pneumoconioses. La clairance des particulesséquestrées dans l’interstitium est beaucoup moins efficace quecelle des particules absorbées par les macrophages dans l’espacealvéolaire et éliminées par les voies respiratoires ciliées (Vincent etDonaldson, 1990). Chez l’humain, on a constaté qu’après uneexposition prolongée à un certain nombre de polluants inorgani-ques en suspension dans l’air la rétention dans les macrophagesinterstitiels était beaucoup plus importante que dans les macro-phages alvéolaires (Sébastien et coll., 1994). On a également sug-géré que la fibrose pulmonaire induite par la silice résulte plutôtde la réaction des particules avec les macrophages interstitielsqu’avec ceux des alvéoles (Bowden, Hedgecock et Adamson,1989). La rétention est responsable de la «dose» qui mesure lecontact des particules de poussières avec leur milieu biologique.

10.44

LE CORPS

ÉTIOPATHOGENÈSE DES PNEUMOCONIOSES 10.44 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

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Pour décrire correctement la dose, il faudrait connaître à chaqueinstant la quantité de poussières accumulée dans les structures etles cellules pulmonaires, l’état physico-chimique de ces particules(y compris leur état de surface), ainsi que les interactions entre lesparticules et les cellules et liquides pulmonaires. L’évaluation di-recte de la dose chez l’humain est de toute évidence impossible,même si l’on disposait de méthodes de mesure des particules dansplusieurs échantillons biologiques d’origine pulmonaire commeles crachats, le liquide de lavage broncho-alvéolaire et les prélève-ments biopsiques ou autopsiques (Bignon, Sébastien et Bientz,1979). Ces méthodes ont été utilisées à un certain nombre de fins:fournir des informations sur les mécanismes de rétention, validerdes informations sur l’exposition, étudier le rôle de plusieurs typesde poussières dans le développement pathogénique (par exemple,l’exposition à des fibres de type amphibole ou chrysotile dansl’asbestose ou l’exposition au quartz par rapport à l’exposition aucharbon dans la PH) et contribuer au diagnostic.

Ces mesures directes n’offrent toutefois qu’un tableau instanta-né de la rétention au moment de l’échantillonnage et ne permet-tent pas au chercheur de reconstituer les données relatives à ladose. De nouveaux modèles dosimétriques semblent prometteursà cet égard (Katsnelson et coll., 1994; Smith, 1991; Vincent etDonaldson, 1990); ils ont été conçus pour évaluer la dose à partird’informations sur l’exposition en tenant compte de la probabilitéde déposition et de la cinétique des différents processus de clai-rance. On a récemment intégré à ces modèles la notion intéres-sante de nocivité des polluants (Vincent et Donaldson, 1990);cette notion prend en compte la réactivité spécifique des particu-les déposées, chacune d’elles étant considérée comme une sourced’entités toxiques diffusant dans le milieu pulmonaire. Dans le casdes particules de quartz, par exemple, on peut imaginer quecertains sites superficiels pourraient constituer la source de dérivésoxygénés actifs. Les modèles mis au point selon ces axes pour-raient également être affinés pour tenir compte de la grandevariabilité interindividuelle de la clairance alvéolaire générale-ment observée. Ce phénomène a été documenté expérimentale-ment avec l’amiante, les animaux à taux de rétention élevé pré-sentant un risque accru de développer une asbestose (Bégin, Masséet Sébastien, 1989).

Jusqu’ici, les modèles en question étaient utilisés exclusivementen médecine expérimentale. Ils pourraient cependant être utilesaux épidémiologistes (Smith, 1991). La plupart des études épidé-miologiques analysant la relation exposition-réponse reposent sur«l’exposition cumulée», c’est-à-dire un index d’exposition obtenuen intégrant dans le temps la concentration estimée des poussièresen suspension dans l’air à laquelle avaient été exposés des tra-vailleurs (produit intensité x durée). L’emploi de l’exposition cu-mulée a toutefois certaines limites. Les analyses basées sur cetindex supposent implicitement que la durée et l’intensité ont deseffets équivalents sur le risque (Vacek et McDonald, 1991).

L’utilisation de modèles dosimétriques très élaborés pourraitpeut-être expliquer une observation fréquemment rencontrée dansl’épidémiologie des pneumoconioses, à savoir «les différences con-sidérables d’une population de travailleurs à l’autre»; ce phéno-mène a été particulièrement net avec l’asbestose (Becklake, 1991)et la PH (Attfield et Morring, 1992). En mettant en relation laprévalence de la maladie avec l’exposition cumulée, on a observéde grandes différences de risques (jusqu’à cinquante fois) entrecertaines catégories professionnelles. L’origine géologique du char-bon (qualité du charbon) a fourni une explication partielle à laPH, les gisements de qualité supérieure (charbon à teneur élevéeen carbone, comme l’anthracite) étant associés à un risque plusgrand. Le phénomène reste inexpliqué dans le cas de l’asbestose.Les incertitudes quant à la justesse de la courbe exposition-réponse influent, théoriquement au moins, sur les résultats, mêmeavec les normes d’exposition actuelles.

De façon plus générale, la mesure de l’exposition demeureindispensable à l’évaluation du risque et à l’établissement de limi-tes d’exposition. L’utilisation des nouveaux modèles dosimétriquespourra améliorer l’évaluation du risque lié aux pneumoconioses;son but ultime est d’augmenter le degré de protection assuré parles limites d’exposition (Kriebel, 1994).

Les caractéristiques physico-chimiquesdes particules de poussières fibrogènesLa toxicité spécifique de chaque type de poussière, liée aux carac-téristiques physico-chimiques des particules (y compris les caracté-ristiques les plus subtiles telles que les caractéristiques de surface),constitue probablement la notion la plus importante qui s’estprogressivement imposée au cours des vingt dernières années. Autout début des recherches, on ne faisait pas de distinction entre lesdiverses «poussières minérales». Par la suite, on a introduit descatégories génériques: amiante, charbon, fibres inorganiques arti-ficielles, phyllosilicates et silice. Mais cette classification s’est mon-trée trop imprécise pour tenir compte du grand nombre d’effetsbiologiques observés. On a recours aujourd’hui à une classifica-tion minéralogique plus précise: c’est ainsi que l’on distingue lesdivers types minéralogiques d’amiante: chrysotile (groupe serpen-tine), amosite, crocidolite et trémolite (groupe amphibole). En cequi concerne la silice, on fait généralement une distinction entre lequartz (de loin le plus abondant), les autres cristaux polymorpheset les variétés amorphes. Dans l’industrie charbonnière, les char-bons de qualité supérieure et inférieure doivent être traités séparé-ment, car il est établi que le risque de PH, et surtout le risque defibrose massive progressive, est beaucoup plus grand en cas d’ex-position aux poussières provenant des mines de charbon de quali-té supérieure.

Mais la classification minéralogique connaît elle aussi des limi-tes. Il existe des arguments, tant expérimentaux qu’épidémiologi-ques (prenant en considération les «différences considérables d’unepopulation de travailleurs à l’autre»), qui suggèrent que la toxicitéintrinsèque d’un type minéralogique particulier de poussières peutêtre modulée en agissant sur les caractéristiques physico-chimi-ques des particules. Cela pose la délicate question de la significa-tion toxicologique de chacun des nombreux paramètres pouvantservir à décrire une particule de poussière ou un nuage de pous-sières. Au niveau particulaire, plusieurs paramètres peuvent êtreenvisagés: chimie stérique, structure cristalline, forme, masse volu-mique, taille, surface, chimie de surface et charge superficielle. Onatteint un degré de complexité plus élevé avec les nuages depoussières du fait des variations de ces paramètres (par exemple,la granulométrie et la composition des poussières mixtes).

La taille des particules et leur chimie de surface ont été les deuxparamètres les plus étudiés pour expliquer l’effet de modulation.Comme nous l’avons vu, les mécanismes de rétention varient avecla taille. Mais la taille peut, elle aussi, moduler la toxicité in situ,comme en témoignent de nombreuses études animales et in vitro.

Dans le domaine des fibres minérales, la taille était un facteurjugé si important que c’est sur elle que reposait une théoriepathogénétique. Celle-ci attribuait la toxicité des particules fibreu-ses (naturelles aussi bien qu’artificielles) à la forme et à la taille desparticules et ne laissait aucun rôle à la composition chimique.Dans le cas des fibres, le facteur taille exige que l’on tiennecompte de leur longueur et de leur diamètre; une matrice bidi-mensionnelle devrait être utilisée pour la définition de leur granu-lométrie, les plages utiles étant de 0,03 à 2,0 µm pour le diamètreet de 0,3 à 300 µm pour la longueur (Sébastien, 1991). En inté-grant les résultats de nombreuses études, Lippman (1988) a assi-gné un index de toxicité à plusieurs cellules de cette matrice. On agénéralement tendance à croire que les fibres longues et fines sontles plus dangereuses. Comme les normes actuellement utilisées enhygiène industrielle sont basées sur un examen au microscope

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optique, elles négligent les fibres les plus fines. S’il y a un certainintérêt théorique à évaluer la toxicité spécifique de chaque cellulede la matrice, cet intérêt est limité en pratique par le fait quechaque type de fibre est associé à une granulométrie spécifiquequi demeure relativement uniforme. Pour les particules compac-tes telles que le charbon et la silice, on ignore s’il est possibled’attribuer un rôle spécifique aux différentes sous-fractions granu-lométriques des particules déposées dans le compartiment alvéo-laire des poumons.

Des théories pathogéniques plus récentes émises dans le do-maine des poussières minérales font intervenir des sites chimi-ques actifs (ou fonctionnalités) présents à la surface des particu-les. La naissance d’une particule par division de la substancemère provoque la rupture hétérolytique ou homolytique de cer-taines liaisons chimiques. Ce qui se passe au cours de la ruptureet des recombinaisons ou réactions ultérieures avec les moléculesde l’air atmosphérique ou les molécules biologiques relève de lachimie de surface des particules. En ce qui concerne les particu-les de quartz, par exemple, plusieurs fonctionnalités chimiquesparticulièrement intéressantes ont été décrites: ponts siloxanes,groupes de silanols, groupements partiellement ionisés et radi-caux à base de silicone.

Ces fonctionnalités peuvent amorcer des réactions de type acide-base et oxydoréduction (redox) sur lesquelles l’attention n’a étéattirée que récemment (Dalal, Shi et Vallyathan, 1990; Fubini etcoll., 1990; Pézerat et coll., 1989; Kamp et coll., 1992; Kennedyet coll., 1989; Razzaboni et Bolsaitis, 1990). On a maintenant lapreuve que les particules porteuses de radicaux en surface peu-vent induire la formation de composés oxygénés réactifs, mêmeen milieu cellulaire. Il n’est pas certain que toute la productiondes composés oxygénés soit imputable aux radicaux de surface.On a émis l’hypothèse que ces sites peuvent déclencher l’activa-tion de cellules pulmonaires (Hemenway et coll., 1994). D’autressites peuvent participer à l’activité membranolytique des particu-les cytotoxiques par des réactions telles que l’attraction ionique oula formation de liaisons hydrogènes ou hydrophobes (Nolan etcoll., 1981; Heppleston, 1991).

A partir du moment où l’importance de la chimie de surface aété reconnue en tant que facteur déterminant de la toxicité despoussières, plusieurs tentatives ont été faites pour modifier lessurfaces naturelles des particules de poussières minérales afin deréduire leur toxicité, comme l’avaient montré les modèles expéri-mentaux.

On a constaté que l’adsorption d’aluminium sur des particulesde quartz réduit leur potentiel fibrogène et facilite la clairancealvéolaire (Dubois et coll., 1988). L’administration de N-oxyde depolyvinylpyridine (PVPNO) a également eu un effet prophylacti-que (Goldstein et Rendall, 1987; Heppleston, 1991). Plusieursautres procédés de modification ont été utilisés: polissage, traite-ment thermique, attaque à l’acide et adsorption de moléculesorganiques (Wiessner et coll., 1990). Des particules de quartzfraîchement concassé ont présenté une activité de surface extrê-mement importante (Kuhn et Demers, 1992; Vallyathan et coll.,1988). Il est intéressant de noter que chaque modification de la«surface fondamentale» a entraîné une diminution de la toxicitédu quartz (Sébastien, 1990). La pureté superficielle de plusieursvariétés naturelles de quartz pourrait être responsable de certainesdifférences observées dans leur toxicité (Wallace et coll., 1994). Ilexiste des arguments en faveur de l’hypothèse selon laquelle l’im-portance de la surface de quartz non contaminée est un paramè-tre important (Kriegseis, Scharmann et Serafin, 1987).

La multiplicité des paramètres entrant en ligne de compte, ainsique leur distribution dans le nuage de poussières ouvrent un trèsgrand nombre de possibilités de description de la concentrationdans l’air: concentration pondérable, concentration numérique,concentration en surface et concentration par fractions granulo-

métriques. C’est dire qu’il est possible de définir de nombreuxindices d’exposition et nécessaire d’évaluer la signification toxico-logique de chacun d’eux. Les normes actuellement utilisées enhygiène industrielle reflètent cette multiplicité. Pour l’amiante,elles reposent sur la concentration numérique des particules fi-breuses dans une plage granulométrique donnée. Pour la silice etle charbon, elles sont basées sur la concentration pondérale desparticules respirables. Certaines normes ont également été établiespour les cas d’exposition à des mélanges de particules contenantdu quartz. Aucune norme n’est fondée sur les propriétés de sur-face.

Les mécanismes biologiques induisantles lésions fondamentalesLes pneumoconioses sont des fibroses pulmonaires interstitiellesdiffuses ou nodulaires. La réaction fibreuse implique une activa-tion des fibroblastes pulmonaires (Goldstein et Fine, 1986), ainsique la production et le métabolisme des composants du tissuconjonctif (collagène, élastine et glycosaminoglycanes). On estimequ’elle correspond à un stade tardif de cicatrisation d’une lésionpulmonaire (Niewoehner et Hoidal, 1982). Même si plusieursfacteurs, essentiellement liés aux caractéristiques de l’exposition,peuvent moduler la réponse pathologique, il est intéressant denoter que chaque type de pneumoconiose se caractérise par cequ’il est possible d’appeler une lésion fondamentale. L’alvéolitefibrosante qui se développe autour des voies respiratoires périphé-riques constitue la lésion fondamentale de l’exposition à l’amiante(Bégin et coll., 1992). Le nodule silicotique est la lésion fondamen-tale de la silicose (Ziskind, Jones et Weil, 1976), tandis que la PHsimple est formée de macules et de nodules (Seaton, 1983).

La pathogenèse des pneumoconioses est généralement présen-tée comme une cascade d’événements qui se succèdent ainsi:alvéolite alvéolaire macrophagique, information par les cytokinesdes cellules inflammatoires, lésion oxydative, prolifération et acti-vation des fibroblastes et métabolisme du collagène et de l’élas-tine. L’alvéolite alvéolaire macrophagique est une réaction carac-térisée à la rétention de poussières minérales fibrosantes (Rom,1991). L’alvéolite se définit comme une augmentation du nombrede macrophages alvéolaires activés qui libèrent d’importantesquantités de médiateurs: oxydants, chimiotaxines, facteurs decroissance des fibroblastes et protéases. Les chimiotaxines attirentles granulocytes neutrophiles et, avec les macrophages, elles peu-vent libérer des oxydants susceptibles de léser les cellules épithélia-les alvéolaires. Les facteurs de croissance des fibroblastes gagnentl’interstitium où ils induisent la réplication des fibroblastes etaugmentent la production de collagène.

La cascade commence lors de la première déposition des parti-cules dans les alvéoles. Avec l’amiante, par exemple, la lésionpulmonaire initiale survient presque immédiatement après l’expo-sition au niveau des bifurcations des canaux alvéolaires. Chez lesanimaux de laboratoire, une heure d’exposition environ suffitpour provoquer la fixation active des fibres par les cellules épithé-liales de type I (Brody et coll., 1981). En quarante-huit heures, unnombre accru de macrophages alvéolaires s’accumule au niveaudes sites de déposition. En cas d’exposition chronique, ce proces-sus peut induire une alvéolite fibrosante péribronchiolaire.

On ne connaît pas le mécanisme exact par lequel les particulesdéposées entraînent une lésion biochimique primaire du revête-ment alvéolaire, d’une cellule spécifique ou d’un de ses organites.Il est possible que des réactions biochimiques extrêmement rapi-des et complexes induisent la formation de radicaux libres, uneperoxydation des lipides et une déplétion de certains types demolécules protectrices des cellules essentielles. On a démontré queles particules minérales peuvent se comporter comme des subs-trats catalytiques dans la production de radicaux hydroxyle etsuperoxyde (Guilianelli et coll., 1993).

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Au niveau cellulaire, on dispose d’un peu plus d’informations.Après déposition dans les alvéoles, les très fines cellules épithélia-les de type I sont facilement lésées (Adamson, Young et Bowden,1988). Les macrophages et d’autres cellules inflammatoires sontattirés par la lésion et la réponse inflammatoire est amplifiée parla libération de métabolites de l’acide arachidonique tels que lesprostaglandines et les leucotriènes, accompagnée d’une expositionde la membrane basale (Holtzman, 1991; Kuhn et coll., 1990;Englen et coll., 1989). A ce stade de la lésion primaire, l’architec-ture pulmonaire se désorganise en générant un œdème interstitiel.

Au cours du processus inflammatoire chronique, la surface desparticules de poussières et les cellules inflammatoires activées libè-rent dans les voies respiratoires inférieures d’importantes quanti-tés de composés oxygénés réactifs. L’agression oxydative des pou-mons entraîne des effets détectables sur le système de défenseantioxydant (Heffner et Repine, 1989), avec expression d’enzymesantioxydantes comme la superoxyde dismutase, les glutathion pe-roxydases et la catalase (Engelen et coll., 1990). Ces facteurs setrouvent dans le tissu pulmonaire, le liquide interstitiel et leshématies circulantes. Le nature des enzymes antioxydantes peutdépendre du type de poussière fibrogène (Janssen et coll., 1992).On sait que les radicaux libres sont des médiateurs des lésionstissulaires et de la maladie (Kehrer, 1993).

La fibrose interstitielle résulte d’un processus de réparation. Denombreuses théories ont été avancées pour expliquer la mise enœuvre d’un tel processus; c’est l’interaction entre les macrophageset des fibroblastes qui a reçu le plus d’attention. Les macrophagesactivés sécrètent une série de cytokines proinflammatoires: TNF,IL-1, «transforming growth factor» (facteur de croissance trans-formant) et «platelet-derived growth factor» (facteur de croissanced’origine plaquettaire). Ils produisent également de la fibronec-tine, glycoprotéine de la surface cellulaire qui exerce une attrac-tion chimique et qui, dans certaines conditions, se comportecomme un stimulant de la croissance des cellules mésenchymateu-ses. Quelques auteurs estiment que certains facteurs sont plusimportants que d’autres. Par exemple, on a émis l’hypothèse quele TNF joue un grand rôle dans la pathogenèse de la silicose.Chez des souris de laboratoire, on a pu montrer que les anticorpsanti-TNF inhibent presque complètement la déposition du colla-gène après l’instillation de silice (Piguet et coll., 1990). On aégalement attribué un grand rôle à la libération du facteur decroissance d’origine plaquettaire et du facteur de croissance trans-formant dans la pathogenèse de l’asbestose (Brody, 1993).

Malheureusement, la plupart des théories impliquant les ma-crophages et les fibroblastes ont tendance à ignorer l’équilibrepotentiel entre les cytokines fibrogènes et leurs inhibiteurs (Kelley,1990). En effet, le déséquilibre qui apparaît entre les agents oxy-dants et antioxydants, les protéases et les antiprotéases, les méta-bolites de l’acide arachidonique, les élastases et les collagénases,ainsi que les déséquilibres entre les diverses cytokines et les fac-teurs de croissance seraient à l’origine du remodelage de la com-posante interstitielle aboutissant aux différentes formes de pneu-moconioses (Porcher et coll., 1993). Dans les pneumoconioses,l’équilibre se déplace nettement vers la prédominance des effetslésionnels des cytokines.

Comme les cellules de type I sont incapables de se diviser à lasuite de la lésion primaire, la barrière épithéliale est remplacéepar des cellules de type II (Lesur et coll., 1992). Il semble que sicette réparation épithéliale est efficace et que les cellules régéné-rantes de type II ne subissent pas d’autre agression, le risque defibrogenèse est peu probable. Dans certaines conditions, la répa-ration par les cellules de type II est excessive et aboutit à uneprotéinose alvéolaire. Ce processus a été parfaitement mis enévidence après exposition à la silice (Heppleston, 1991). Onignore l’importance de l’influence des altérations des cellules épi-théliales sur les fibroblastes. Il semble donc que la fibrogenèse

débute dans les zones qui sont le siège d’une importante lésionépithéliale, car les fibroblastes se répliquent, puis se différencientet sécrètent davantage de collagène, de fibronectine et d’autrescomposants de la matrice extracellulaire.

Il existe une littérature abondante sur la biochimie des diffé-rents types de collagène formés dans les pneumoconioses(Richards, Masek et Brown, 1991). Le métabolisme de ces colla-gènes et leur stabilité dans les poumons sont des éléments impor-tants de la fibrogenèse. Il en est probablement de même pour lesautres composants du tissu conjonctif lésé. Le métabolisme ducollagène et de l’élastine est particulièrement impliqué dans laphase de cicatrisation, car ces protéines sont indispensables à lastructure et à la fonction des poumons. On a également démontréque les troubles de la synthèse de ces protéines permettent dedéterminer si un emphysème ou une fibrose se développe aprèsune lésion pulmonaire (Niewoehner et Hoidal, 1982). Au cours dela maladie, des mécanismes tels que l’augmentation de l’activitétransglutaminase pourraient favoriser la formation de masses pro-téiques stables. Dans certaines lésions fibreuses de la PH, la frac-tion protéique représente un tiers des lésions, le reste étant com-posé de poussières et de phosphate de calcium.

Si l’on ne considère que le métabolisme du collagène, plusieursstades de fibrose sont possibles, dont certains sont potentiellementréversibles, alors que d’autres ont une évolution progressive. On adémontré expérimentalement qu’à moins d’une exposition consi-dérable les lésions initiales peuvent régresser et qu’il est alors peuprobable que s’installe une fibrose irréversible. Dans l’asbestose,par exemple, plusieurs types de réactions pulmonaires ont étédécrits (Bégin, Cantin et Massé, 1989): réaction inflammatoiretransitoire sans lésion, réaction avec faible rétention et cicatricesfibreuses limitées aux voies respiratoires distales, réaction inflam-matoire majeure entretenue par le maintien de l’exposition et lafaible élimination des fibres les plus longues.

On peut conclure de ces études que l’exposition aux particulesde poussières fibrogènes peut déclencher divers processus biochi-miques et cellulaires complexes qui interviennent dans les lésionspulmonaires et leur réparation. Les modalités d’exposition, lescaractéristiques physico-chimiques des particules de poussières etune éventuelle susceptibilité individuelle semblent être les facteursdéterminants de l’équilibre délicat régnant entre ces différentsprocessus. Les caractéristiques physico-chimiques déterminerontle type de lésion fondamentale finale. Les modalités de l’exposi-tion semblent conditionner la succession des événements. Certainsfaits paraissent indiquer que dans la plupart des cas d’expositionrelativement peu importante, la réaction pulmonaire peut se limi-ter à l’apparition de lésions non progressives, sans incapacité detravail ni invalidité.

La surveillance médicale et le dépistage ont toujours fait partiede la stratégie préventive des pneumoconioses. Dans ce contexte,la possibilité de déceler des lésions précoces est intéressante.L’amélioration des connaissances physiopathologiques a permis lamise au point de plusieurs marqueurs biologiques (Borm, 1994) etla sophistication et l’utilisation de techniques d’investigation pul-monaire «non classiques», telles que la mesure de la clairance desdépositions de diéthylènetriamine pentacétique marqué au tech-nétium 99 (99Tc-DTPA) pour évaluer l’intégrité de l’épithéliumpulmonaire (O’Brodovich et Coates, 1987) et le balayage pulmo-naire quantitatif au gallium 67 pour apprécier l’activité inflamma-toire (Bisson, Lamoureux et Bégin, 1987).

Plusieurs marqueurs biologiques ont été envisagés dans le do-maine des pneumoconioses: les macrophages de l’expectoration,les facteurs de croissance sériques, le procollagène sérique detype III, les antioxydants érythrocytaires, la fibronectine, l’élastaseleucocytaire, la métalloendopeptidase neutre et les peptides d’élas-tine plasmatiques, les hydrocarbures volatils de l’air expiré et lalibération de TNF par les monocytes du sang périphérique. Les

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marqueurs biologiques sont théoriquement très intéressants, maisil faudra encore de nombreuses études pour évaluer précisémentleur signification. Cet effort de validation sera très exigeant, car ilfaudra que les chercheurs réalisent des études épidémiologiquesprospectives. Cet effort a été fait récemment pour la sécrétion deTNF par les monocytes du sang périphérique dans la PH. LeTNF s’est avéré être un marqueur intéressant de la progression dela PH (Borm, 1994). Outre les aspects scientifiques du rôle desmarqueurs biologiques dans la physiopathologie des pneumoco-nioses, il convient d’examiner soigneusement d’autres questionsliées à l’utilisation de ces marqueurs (Schulte, 1993), à savoir lespossibilités de prévention, le retentissement sur la médecine dutravail et les problèmes éthiques et légaux.

L’évolution et les complicationsdes pneumoconiosesAu cours des premières décennies de ce siècle, la pneumoconioseétait considérée comme une maladie entraînant l’invalidité dessujets jeunes et une mort prématurée. Dans les pays industriels,elle est désormais considérée comme une simple anomalie radio-logique, sans incapacité fonctionnelle ou invalidité (Sadoul, 1983).Cependant, deux constatations s’opposent à ce tableau optimiste.Premièrement, même si la pneumoconiose reste une maladie rela-tivement silencieuse et asymptomatique en cas d’exposition limi-tée, il faut savoir qu’elle peut évoluer vers des formes plus sévèreset invalidantes. Les facteurs influant sur cette progression sontextrêmement importants à envisager dans le cadre de l’étiopatho-genèse de la maladie. En second lieu, on a désormais la preuveque certaines pneumoconioses peuvent retentir sur l’état généralet favoriser l’apparition d’un cancer pulmonaire.

La nature chronique et progressive de l’asbestose a été docu-mentée, de la lésion infraclinique initiale jusqu’à l’asbestose clini-que (Bégin, Cantin et Massé, 1989). Les techniques modernesd’investigation pulmonaire (LBA, TDM, scintigraphie pulmonaireau gallium 67) ont révélé que l’inflammation et les lésions étaientprésentes en permanence dès l’exposition et jusqu’au développe-ment de la maladie clinique, en passant par la phase de latence ouinfraclinique. On a rapporté (Bégin et coll., 1985) que 75% dessujets sans asbestose clinique ayant une scintigraphie au gal-lium 67 positive évoluaient vers une asbestose clinique diffuse enquatre ans. Chez l’humain et les animaux de laboratoire, l’asbes-tose peut s’aggraver après le diagnostic de la maladie et la cessa-tion de l’exposition. Il est très probable que l’histoire de l’exposi-tion précédant le diagnostic soit un élément majeur de l’évolution.Certaines données expérimentales militent en faveur de la notiond’une asbestose non progressive associée à une exposition induc-trice légère et à l’arrêt de l’exposition au moment du diagnostic(Sébastien, Dufresne et Bégin, 1994). En supposant qu’il peut enêtre de même chez l’humain, il serait de première importance dedéterminer avec précision la métrologie de l’«exposition induc-trice légère». Malgré tous les efforts de dépistage au sein despopulations de travailleurs exposés à l’amiante, cette informationfait toujours défaut.

On sait parfaitement que l’exposition à l’amiante peut entraî-ner un risque majeur de cancer du poumon. Bien que l’on ad-mette que l’amiante est cancérogène en soi, on a longtemps dé-battu pour savoir si le risque de cancer pulmonaire chez lestravailleurs de l’industrie de l’amiante était lié à l’exposition àl’amiante ou à la fibrose pulmonaire (Hughes et Weil, 1991).Cette question n’a pas encore été résolue.

Grâce à l’amélioration continuelle des conditions de travaildans l’industrie minière moderne, la PH est aujourd’hui une ma-ladie qui ne concerne pratiquement que des mineurs retraités. Sila PH simple est une maladie asymptomatique et sans effets évi-dents sur la fonction pulmonaire, la fibrose massive progressive(FMP) est un état beaucoup plus sévère, comportant des altéra-

tions importantes de la structure pulmonaire, une atteinte de lafonction respiratoire et une diminution de l’espérance de vie. Denombreuses études ont essayé d’identifier les facteurs déterminantl’évolution vers la FMP (rétention importante de poussières dansles poumons, qualité du charbon, infection mycobactérienne oustimulation immunologique). Une théorie unificatrice a été propo-sée (Vanhee et coll., 1994), basée sur une inflammation alvéolairecontinue et sévère avec activation des macrophages alvéolaires etproduction importante de composés oxygénés réactifs, de facteurschimiotactiques et de fibronectine. Les autres complications de laPH sont l’infection mycobactérienne, le syndrome de Caplan et lasclérodermie. Il n’existe aucune preuve de l’augmentation durisque de cancer pulmonaire chez les houilleurs.

La forme chronique de la silicose résulte d’une exposition,mesurée en décennies plutôt qu’en années, à des poussières respi-rables contenant généralement moins de 30% de quartz. Maisdans les cas d’exposition non contrôlée à des poussières riches enquartz (antécédents d’exposition par sablage, par exemple), desformes aiguës et accélérées peuvent apparaître en quelques moisseulement. Les cas aigus et accélérés présentent un risque particu-lièrement élevé de complication par la tuberculose (Ziskind, Joneset Weil, 1976). Il est également possible d’observer une évolution,avec apparition de lésions de grande taille oblitérant les structurespulmonaires, que l’on appelle silicose compliquée ou FMP.

Quelques études ont été consacrées à l’évolution de la silicoseen fonction de l’exposition et ont donné des résultats contradictoi-res quant aux relations entre l’évolution et l’exposition, avant etaprès la survenue des troubles (Hessel et coll., 1988). Infante-Ri-vard et coll. (1991) ont récemment étudié les facteurs pronostiquesinfluant sur la survie des patients silicotiques au bénéfice de pres-tations d’invalidité. Les patients présentant uniquement de petitesopacités sur leur radiographie pulmonaire, sans dyspnée, sansexpectoration et sans bruits anormaux à l’auscultation, avaientune survie comparable à celle des témoins. La survie des autrespatients était inférieure. Enfin, il faut noter que la relation entresilice, silicose et cancer du poumon a récemment suscité desinquiétudes. Des arguments ont été avancés pour et contre lepotentiel cancérogène intrinsèque de la silice (Agius, 1992). Celle-ci peut renforcer l’effet de puissants cancérogènes ambiants, no-tamment de la fumée du tabac, en agissant comme un activateurpeu puissant de la cancérogenèse ou en perturbant leur élimina-tion. De plus, il se peut que le processus pathologique associé à lasilicose ou y conduisant comporte un risque accru de cancer dupoumon.

De nos jours, l’évolution et les complications des pneumoconio-ses pourraient être considérées comme un problème majeur sousl’angle de leur prise en charge médicale. L’emploi des techniquesclassiques d’investigation pulmonaire a été amélioré afin de per-mettre un diagnostic précoce de la maladie (Bégin et coll., 1992),c’est-à-dire à un stade où la pneumoconiose se limite à ses signesradiologiques, sans incapacité fonctionnelle ni invalidité. Dans unavenir proche, il est probable que l’on disposera d’une batterie demarqueurs biologiques permettant la mise en évidence de stadesencore plus précoces de la maladie. La question de savoir s’il fautautoriser un travailleur chez qui l’on a diagnostiqué une pneumo-coniose — ou chez qui l’on a confirmé ce diagnostic à un stadeprécoce — à continuer d’exercer sa profession a longtemps préoc-cupé les responsables de la santé au travail. Cette question plutôtdélicate comporte des aspects éthiques, sociaux et scientifiques. Sil’on dispose d’une littérature scientifique abondante sur l’induc-tion de la pneumoconiose, les informations concernant son évolu-tion et utilisables par les décideurs sont peu nombreuses et relati-vement contradictoires. Quelques tentatives ont été faites pourétudier le rôle de variables telles que l’histoire de l’exposition,l’accumulation de poussières et l’état de santé lors des premièresmanifestations. Les relations entre ces différentes variables com-

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pliquent encore le problème. Des recommandations ont été émi-ses pour le dépistage et la surveillance médicale des travailleursexposés aux poussières minérales (Wagner, 1998). Des pro-grammes sont déjà ou vont être mis en œuvre dans ce sens; il estévident qu’ils profiteraient grandement de l’amélioration des con-naissances scientifiques sur l’évolution de la maladie et, en parti-culier, sur la relation entre l’exposition et les caractéristiques de larétention.

DiscussionUne véritable masse d’informations a été apportée par de nom-breuses disciplines scientifiques pour étayer l’étiopathogenèse despneumoconioses. La principale difficulté consiste désormais à ras-sembler les éléments épars du puzzle pour les intégrer dans lesmécanismes conduisant aux lésions fondamentales des pneumoco-nioses. Sans cette intégration indispensable, nous continuerons àavoir d’une part un petit nombre de lésions fondamentales, etd’autre part un très grand nombre de réactions biochimiques etcellulaires.

Jusqu’ici, les connaissances étiopathogéniques ont peu influen-cé les pratiques de l’hygiène industrielle, malgré la volonté mar-quée des hygiénistes de travailler en utilisant des limites d’exposi-tion ayant une certaine signification biologique. Ils ont intégrédeux notions importantes à leur pratique: la sélection granulomé-trique des particules de poussières respirables et la corrélationentre la toxicité et le type de poussières. Cette corrélation aconduit à quelques limites spécifiques pour chaque type de pous-sières. L’évaluation quantitative du risque, étape indispensabledans l’établissement des limites d’exposition, est un exercice com-pliqué, et, cela, pour plusieurs raisons, notamment le grand nom-bre d’indices d’exposition possibles, le manque d’informations surl’exposition antérieure, la difficulté rencontrée avec les modèlesépidémiologiques comportant de multiples indices et la difficulté àestimer la dose à partir des informations sur l’exposition. Leslimites d’exposition actuelles, parfois extrêmement imprécises,sont probablement suffisamment basses pour assurer une protec-tion correcte. Les différences dans la relation exposition-réponseobservées d’une population de travailleurs à l’autre reflètent ce-pendant nos carences dans la maîtrise du phénomène.

L’apport de nouvelles connaissances sur la cascade d’événe-ments physiopathologiques aboutissant à l’installation d’une pneu-moconiose n’a pas modifié l’approche classique de la surveillancedes travailleurs, mais elle a considérablement contribué à faciliterle diagnostic médical de la maladie (pneumoconiose) à un stadeprécoce, alors que la maladie n’a qu’un retentissement limité surla fonction respiratoire. Ce sont précisément les sujets qui sontencore aux premiers stades de la maladie qu’il faut identifier etsoustraire à toute nouvelle exposition importante afin d’éviter, parune surveillance médicale appropriée, que l’affection ne devienneinvalidante.

• LA SILICOSESILICOSE

John E. Parkeret Gregory R. Wagner

La silicose est une maladie pulmonaire fibrosante provoquée parl’inhalation et la rétention de poussières renfermant de la silicelibre et la réaction pulmonaire à ces poussières. Bien que l’on enconnaisse la cause, la prévalence de cette maladie respiratoireprofessionnelle grave, mutilante et parfois mortelle, continue àêtre importante dans le monde entier. La silice (dioxyde de sili-cium) est le principal composant de l’écorce terrestre. L’exposition

professionnelle à des particules de silice de taille respirable (dia-mètre aérodynamique compris entre 0,5 et 5 µm) est associée àl’exploitation des mines, minières et carrières, aux travaux deforage, au percement de galeries et de tunnels et au sablage(projection d’abrasifs contenant du quartz). L’exposition à la siliceprésente également des risques pour les tailleurs de pierre, lespotiers, les fondeurs et les ouvriers manipulant de la silice concas-sée ou des matériaux réfractaires. L’exposition à la silice étantextrêmement répandue et le sable siliceux un élément bon marchéet polyvalent dans de nombreux procédés de fabrication, desmillions de travailleurs dans le monde courent le risque de con-tracter cette maladie dont on ne connaît pas la prévalence réelle.

DéfinitionLa silicose est une affection respiratoire professionnelle résultantde l’inhalation de poussières de dioxyde de silicium, communé-ment appelé silice, sous forme cristalline (généralement du quartz),mais aussi sous d’autres formes cristallines importantes, par exem-ple la cristobalite et la tridymite. Ces formes sont égalementdésignées sous l’appellation de «silice libre» pour les distinguer dessilicates. La teneur en silice des différentes formations rocheuses,telles que le grès, le granit ou l’ardoise, varie de 20% à près de100%.

Les travailleurs des professionset branches à haut risqueBien que la silicose soit une maladie ancienne, de nouveaux cascontinuent à être déclarés tant dans les pays développés qu’endéveloppement. Au début de ce siècle, la silicose était une causemajeure de morbidité et de mortalité. Les travailleurs sont au-jourd’hui encore exposés aux poussières de silice dans un grandnombre de professions; si les techniques mises en œuvre ne sontpas assorties d’un contrôle rigoureux de l’empoussiérage, il peuten résulter une exposition à des concentrations de particules bienplus dangereuses que celles rencontrées dans les ateliers non mé-canisés. Chaque fois que l’on s’attaque à l’écorce terrestre et quel’on utilise ou traite des roches ou du sable siliceux, il y a un risquerespiratoire potentiel pour les travailleurs. On continue à rappor-ter des cas de silicose dans des branches et des professions quin’étaient pas reconnus auparavant comme des zones à risque, cequi dénote la présence ubiquitaire de la silice. En fait, en raisondu temps de latence et de la chronicité de cette affection — quipeut apparaître et progresser même après la cessation de l’exposi-tion —, des travailleurs actuellement exposés pourront fort bienne pas présenter de troubles avant le siècle prochain. Dans denombreux pays, les mines, minières et carrières, les travaux engaleries, les fonderies et les travaux de sablage présentent toujoursun risque majeur d’exposition à la silice et des épidémies desilicose continuent à se produire, même dans les pays développés.

Les formes de silicose— Histoire de l’expositionet descriptions anatomocliniquesOn décrit habituellement des formes chroniques, accélérées etaiguës de la silicose. Ces expressions anatomocliniques de la mala-die correspondent à des différences en termes d’intensité de l’ex-position, de période de latence et d’évolution. La forme chroniqueou classique succède habituellement à une ou plusieurs décenniesd’exposition à des poussières respirables contenant du quartz etelle peut évoluer vers une fibrose massive progressive (FMP). Laforme accélérée succède à une exposition plus courte et plusintense et évolue plus rapidement. Quant à la forme aiguë, ellepeut apparaître à la suite d’une exposition brève et intense à defortes concentrations de poussières respirables ayant une teneurélevée en silice, et, cela, pendant une durée qui se mesure en moisplutôt qu’en années.

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La silicose chronique constitue la forme classique de cette affec-tion; elle peut être asymptomatique ou provoquer une dyspnéed’effort qui s’aggrave insidieusement ou de la toux (souvent impu-tée à tort au vieillissement). Elle se traduit par des anomaliesradiologiques à petites (<10 mm) opacités arrondies prédominantdans les lobes supérieurs. L’anamnèse révèle souvent une périoded’exposition précédant de quinze années ou plus l’apparition despremiers symptômes. Sur le plan anatomopathologique, la formechronique se caractérise par la présence de nodules silicotiques.La lésion consiste en une zone centrale acellulaire, entourée debandes de fibres collagènes hyalinisées à disposition concentrique,elles-mêmes entourées de tissu conjonctif cellulaire contenant desfibres de réticuline. La silicose chronique peut évoluer vers uneFMP (parfois appelée silicose compliquée), même après le retraitde l’exposition aux poussières siliceuses.

La fibrose massive progressive est plus susceptible d’entraîner unedyspnée d’effort. Cette forme de maladie se caractérise par desopacités nodulaires de plus de 1 cm sur les radiographies pulmo-naires et généralement par une chute de la DLCO (capacité dediffusion du monoxyde de carbone), une diminution de la pres-sion de l’oxygène dans le sang artériel au repos et à l’effort et unimportant syndrome restrictif en spirométrie ou à la mesure duvolume pulmonaire. Une déformation de l’arbre bronchique peutégalement provoquer une obstruction des voies respiratoires etune toux productive. Des infections bactériennes récidivantes,comparables à celles observées dans la dilatation des bronches,peuvent se produire. La survenue d’un amaigrissement et l’appa-rition de cavernes au sein des opacités de grande taille doit fairesuspecter une tuberculose ou une autre infection mycobacté-rienne. Le pneumothorax est une complication pouvant menacerle pronostic vital, car la fibrose pulmonaire peut gêner la réexpan-sion pulmonaire. Au stade terminal, on observe habituellementune insuffisance respiratoire hypoxique avec cœur pulmonaire.

La silicose accélérée peut apparaître après des expositions plusintenses de durée plus brève (cinq à dix ans). Les symptômes, lesanomalies radiologiques et les mesures physiologiques sont lesmêmes que ceux observés dans la forme chronique. La détériora-tion de la fonction pulmonaire est plus rapide et de nombreuxtravailleurs atteints de la forme accélérée peuvent présenter unesurinfection mycobactérienne. La silicose accélérée s’accompagnesouvent d’une maladie auto-immune, sclérodermie ou sclérosesystémique. La progression des anomalies radiologiques et destroubles fonctionnels peut être extrêmement rapide en cas demaladie auto-immune associée à la silicose.

Une silicose aiguë peut se développer après une exposition mas-sive à la silice allant de quelques mois à deux ans. Une dyspnéemajeure, un affaiblissement et un amaigrissement sont des symp-tômes inauguraux fréquents. Les images radiologiques de comble-ment alvéolaire diffus diffèrent de celles obtenues dans les formesplus chroniques de silicose. On a décrit les mêmes anomalieshistologiques que dans la protéinose alvéolaire pulmonaire et desanomalies extrapulmonaires (rénales et hépatiques) ont parfois étésignalées. L’aggravation rapide vers une insuffisance respiratoirehypoxique grave est l’évolution habituelle.

La tuberculose peut compliquer toutes les formes de silicose,mais le risque est maximal chez les patients atteints d’une formeaiguë ou accélérée. L’exposition à la silice seule, même en l’ab-sence de silicose, peut également prédisposer à cette infection.M. tuberculosis est d’ordinaire le germe responsable, mais des my-cobactéries atypiques s’observent également.

Même en l’absence de silicose radiologique, les travailleursexposés à la silice peuvent présenter d’autres maladies associées àune exposition professionnelle aux poussières, telle qu’une bron-chite chronique avec emphysème associé. Ces anomalies sont liéesà de nombreuses expositions aux poussières minérales, y comprisaux poussières contenant de la silice.

La pathogenèse et l’associationà la tuberculoseLa pathogenèse exacte de la silicose n’est pas bien connue, maisde nombreux arguments militent en faveur d’une interaction en-tre les macrophages alvéolaires pulmonaires et les particules desilice déposées dans les poumons. Les caractéristiques de surfacedes particules de silice semblent favoriser l’activation des macro-phages. Ces cellules libèrent alors des facteurs chimiotactiques etdes médiateurs de l’inflammation qui induisent une nouvelle ré-ponse cellulaire faisant intervenir les leucocytes polynucléaires, leslymphocytes et d’autres macrophages. Il se produit une libérationde facteurs stimulant les fibroblastes qui favorisent la hyalinisationet la déposition du collagène. La lésion silicotique anatomopatho-logique qui en résulte est le nodule hyalin qui comprend unepartie centrale acellulaire contenant de la silice libre entourée devolutes de collagène et de fibroblastes, et une partie périphériqueactive composée de macrophages, de fibroblastes, de plasmocyteset aussi de silice libre, comme le montre la figure 10.14.

On ne connaît pas précisément les propriétés des particules desilice qui induisent la réponse pulmonaire décrite ci-dessus, maisles caractéristiques de surface peuvent jouer un rôle important. Lanature et la portée de la réponse biologique sont généralementliées à l’intensité de l’exposition; toutefois, il semble de plus enplus évident que la silice fraîchement concassée peut être plustoxique que des poussières siliceuses plus anciennes, cet effet étant

Figure 10.14 • Nodule silicotique typique(coupe microscopique)

Avec l’aimable autorisation du docteur V. Vallyathan.

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