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tions soulèvent plusieurs interrogations. Tout d’abord, nous ne pouvons pas expliquer pourquoi quatre observations de pédérose ont été observées en 1 mois d’hiver par le Centre antipoison de Marseille, alors qu’aucun autre cas similaire n’avait été colligé auparavant par ce service pourtant spécialisé dans les envenimations. De plus, les circonstances ont été bien différentes de ce qui est classiquement décrit en milieu tropical (clusters rapportés en fin de saison chaude et humide, le soir lorsque les insectes sont attirés par des lumières dans des jardins ou de terrasses, à l’extérieur des habitations) [13]. On peut dès lors se demander si les modifications climatiques en cours ne sont pas impliquées dans la survenue de ces observations originales dans notre pays et ce d’autant plus que des perturbations climatiques ont été à l’origine d’épidé- mies de pédérose dans des régions auparavant épargnées sur d’autres continents [8]. À noter que la patiente marseillaise de la seconde observation (tableau I) a consulté 13 mois plus tard le centre antipoison pour signaler qu’elle avait été confrontée une fois de plus début mars 2012 à la présence de plusieurs Paederus à son domicile, mais qu’elle s’était bien gardée de les manipuler pour ne pas être irritée à nouveau. Cette dame a pu préciser que ce phénomène était uniquement hivernal puis- qu’elle n’avait plus observé de tels insectes depuis février 2011. Enfin, il faut insister sur le fait qu’il ne faut pas confondre la pédérose avec les dermatites similaires observées en été après un contact dans la nature avec un autre coléoptère fréquent en Provence, la cantharide officinale (Lytta vesicatoria) de la famille des méloïdés. Cette belle espèce, aux élytres luisants d’un vert irisé aux reflets mordorés, est capable en cas de danger d’excréter par des pores spécifiques une substance riche en cantharidine, terpénoïde au fort pouvoir vésicant [2]. Ce phénomène est volontairement déclenché pour éloigner les prédateurs alors que la libération de pédérine par les Paederus est la conséquence d’une libération passive lors d’un écrase- ment ou d’une pression [2]. Cette dernière notion explique que dans les zones de forte endémie (Afrique équatoriale), on conseille de ne jamais écraser un insecte posé sur soi, mais d’effectuer un simple balayage, ou mieux, de souffler dessus pour le décrocher sans le léser [1]. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Vanhecke C, Malvy D, Guevart E, Laloge V, Ezzedine K. Dermatite à Paederus : étude rétrospective de 74 cas survenus en 2008 à Conakry, Guinée. Ann Dermatol Venereol 2010;137:189-93. [2] Mammino JJ. Paederus dermatitis, an outbreak on a medical mission boat in the Amazon. J Clin Aesthet Dermatol 2011;4(11):44-6. [3] Rahmah E, Norjaiza MJ. An outbreak of Paederus dermatitis in a primary school, Terengganu, Malaysia. Malays J Pathol 2008;30:53-6. [4] Gnanaraj P, Venugopal V, Kuzhal Mozhi M, Pandurangan CN. An outbreak of Paederus dermatitis in a suburban hospital in South India: a report of 123 cases and review of literature. J Am Acad Dermatol 2007;57:297- 300. [5] Assaf M, Nofal E, Nofal A, Assar O, Azmy A. Paederus dermatitis in Egypt: a clinicopathological and ultrastructural study. J Eur Acad Dermatol Venereol 2010;24:1197-201. [6] Narasimhalu CR, Murali A, Kannan R, Srinivasan N. Blister beetle dermatitis. J Indian Med Assoc 2010;108(11):781-2. [7] Mbonile L. Acute haemorrhagic conjunctivitis epidemics and outbreaks of Paederus keratoconjunctivitis (Nairobi red eyes) and dermatitis. S Afr Med J 2011;101(8):541-3. [8] Alva-Davalos V, Laguna-Torres VA, Huaman A, Olivos R, Chavez M, Garcia C, Mendoza N. Epidemic dermatitis by Paederus irritans in Piura, Perú at 1999, related to El Niño phenomenon. Rev Soc Bras Med Trop 2002;35:23-8. Geneviève Drouet, Mathieu Glaizal, Corinne Schmitt, Morgane Kervégant, Lucia Tichadou, Luc de Haro Hôpital Salvator, Centre antipoison, 13009 Marseille, France Correspondance : Luc de Haro, hôpital Salvator, Centre antipoison, 249, boulevard Sainte- Marguerite, 13009 Marseille, France. [email protected] Reçu le 8 février 2012 Accepté le 10 avril 2012 Disponible sur internet le 7 juin 2012 ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.04.012 Appendagite : un diagnostic différentiel d’abdomen chirurgical aigu Epiploic appendagitis: A differential diagnosis of acute abdominal pain needing surgery Nous publions deux cas d’appendagite pris en charge dans un service d’accueil des urgences (SAU). Reconnaître cette mala- die, qui peut mimer un abdomen chirurgical aigu et dont le diagnostic pose quelques difficultés, permet d’éviter une chi- rurgie inutile. Le traitement est toujours conservateur et les complications exceptionnelles. Une prise en charge ambula- toire sous couverture antalgique est préconisée. Observations Cas clinique n o 1 Une femme de 60 ans, aux antécédents d’appendicectomie et de surpoids, a été adressée au SAU par son médecin traitant pour une suspicion de sigmoïdite. La patiente souffrait depuis 6 jours d’une douleur d’apparition spontanée en fosse iliaque gauche accompagnée de nausées. On notait à l’admission : une pression artérielle à 155/ 80 mmHg, une fréquence cardiaque à 64 bpm, une fréquence respiratoire à 20 cycles par minute, une SpO2 en air ambiant à 357 Lettres à la rédaction tome 42 > n83 > mars 2013

Appendagite : un diagnostic différentiel d’abdomen chirurgical aigu

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tions soulèvent plusieurs interrogations. Tout d’abord, nous nepouvons pas expliquer pourquoi quatre observations depédérose ont été observées en 1 mois d’hiver par le Centreantipoison de Marseille, alors qu’aucun autre cas similairen’avait été colligé auparavant par ce service pourtant spécialisédans les envenimations. De plus, les circonstances ont été biendifférentes de ce qui est classiquement décrit en milieu tropical(clusters rapportés en fin de saison chaude et humide, le soirlorsque les insectes sont attirés par des lumières dans desjardins ou de terrasses, à l’extérieur des habitations) [1–3].On peut dès lors se demander si les modifications climatiquesen cours ne sont pas impliquées dans la survenue de cesobservations originales dans notre pays et ce d’autant plusque des perturbations climatiques ont été à l’origine d’épidé-mies de pédérose dans des régions auparavant épargnées surd’autres continents [8]. À noter que la patiente marseillaise dela seconde observation (tableau I) a consulté 13 mois plus tardle centre antipoison pour signaler qu’elle avait été confrontéeune fois de plus début mars 2012 à la présence de plusieursPaederus à son domicile, mais qu’elle s’était bien gardée de lesmanipuler pour ne pas être irritée à nouveau. Cette dame a pupréciser que ce phénomène était uniquement hivernal puis-qu’elle n’avait plus observé de tels insectes depuis février 2011.Enfin, il faut insister sur le fait qu’il ne faut pas confondre lapédérose avec les dermatites similaires observées en été aprèsun contact dans la nature avec un autre coléoptère fréquent enProvence, la cantharide officinale (Lytta vesicatoria) de lafamille des méloïdés. Cette belle espèce, aux élytres luisantsd’un vert irisé aux reflets mordorés, est capable en cas dedanger d’excréter par des pores spécifiques une substance richeen cantharidine, terpénoïde au fort pouvoir vésicant [2]. Cephénomène est volontairement déclenché pour éloigner lesprédateurs alors que la libération de pédérine par les Paederus

est la conséquence d’une libération passive lors d’un écrase-ment ou d’une pression [2]. Cette dernière notion explique quedans les zones de forte endémie (Afrique équatoriale), onconseille de ne jamais écraser un insecte posé sur soi, maisd’effectuer un simple balayage, ou mieux, de souffler dessuspour le décrocher sans le léser [1].

tome

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

Références[1] Vanhecke C, Malvy D, Guevart E, Laloge V, Ezzedine K. Dermatite à

Paederus : étude rétrospective de 74 cas survenus en 2008 à Conakry,Guinée. Ann Dermatol Venereol 2010;137:189-93.

[2] Mammino JJ. Paederus dermatitis, an outbreak on a medical missionboat in the Amazon. J Clin Aesthet Dermatol 2011;4(11):44-6.

[3] Rahmah E, Norjaiza MJ. An outbreak of Paederus dermatitis in a primaryschool, Terengganu, Malaysia. Malays J Pathol 2008;30:53-6.

[4] Gnanaraj P, Venugopal V, Kuzhal Mozhi M, Pandurangan CN. An outbreakof Paederus dermatitis in a suburban hospital in South India: a report of

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123 cases and review of literature. J Am Acad Dermatol 2007;57:297-300.

[5] Assaf M, Nofal E, Nofal A, Assar O, Azmy A. Paederus dermatitis in Egypt:a clinicopathological and ultrastructural study. J Eur Acad DermatolVenereol 2010;24:1197-201.

[6] Narasimhalu CR, Murali A, Kannan R, Srinivasan N. Blister beetledermatitis. J Indian Med Assoc 2010;108(11):781-2.

[7] Mbonile L. Acute haemorrhagic conjunctivitis epidemics and outbreaksof Paederus keratoconjunctivitis (Nairobi red eyes) and dermatitis. S AfrMed J 2011;101(8):541-3.

[8] Alva-Davalos V, Laguna-Torres VA, Huaman A, Olivos R, Chavez M, Garcia C,Mendoza N. Epidemic dermatitis by Paederus irritans in Piura, Perú at 1999,related to El Niño phenomenon. Rev Soc Bras Med Trop 2002;35:23-8.

Geneviève Drouet, Mathieu Glaizal, Corinne Schmitt,Morgane Kervégant, Lucia Tichadou, Luc de Haro

Hôpital Salvator, Centre antipoison, 13009 Marseille, France

Correspondance : Luc de Haro,hôpital Salvator, Centre antipoison, 249, boulevard Sainte-

Marguerite, 13009 Marseille, [email protected]

Reçu le 8 février 2012Accepté le 10 avril 2012

Disponible sur internet le 7 juin 2012

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservéshttp://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.04.012

Appendagite : un diagnosticdifférentiel d’abdomenchirurgical aiguEpiploic appendagitis: A differential diagnosisof acute abdominal pain needing surgery

Nous publions deux cas d’appendagite pris en charge dans unservice d’accueil des urgences (SAU). Reconnaître cette mala-die, qui peut mimer un abdomen chirurgical aigu et dont lediagnostic pose quelques difficultés, permet d’éviter une chi-rurgie inutile. Le traitement est toujours conservateur et lescomplications exceptionnelles. Une prise en charge ambula-toire sous couverture antalgique est préconisée.

Observations

Cas clinique no 1Une femme de 60 ans, aux antécédents d’appendicectomie etde surpoids, a été adressée au SAU par son médecin traitantpour une suspicion de sigmoïdite. La patiente souffrait depuis6 jours d’une douleur d’apparition spontanée en fosse iliaquegauche accompagnée de nausées.On notait à l’admission : une pression artérielle à 155/80 mmHg, une fréquence cardiaque à 64 bpm, une fréquencerespiratoire à 20 cycles par minute, une SpO2 en air ambiant à

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97 %, la patiente était apyrétique. L’examen clinique a mis enévidence une douleur de la fosse iliaque gauche avec unedéfense localisée et une douleur à la décompression, signantune irritation péritonéale. Les orifices herniaires étaient libres, iln’existait pas de syndrome occlusif, le reste de l’examenclinique était sans particularité. La biologie sanguine (NFS,plaquettes, ionogramme, urée, créatinine, C-reactive protein

[CRP], bilan hépatique, lipase) a trouvé des valeurs dans leslimites de la normale, sans syndrome inflammatoire (6970 leu-cocytes/mm3, CRP à 4 mg/L). Une tomodensitométrie abdo-minopelvienne avec injection de produit de contraste iodé(figure 1 coupe A) réalisée au SAU, montre une inflammationde la graisse péritonéale adjacente au côlon gauche avecrehaussement périphérique, sans épaississement pariétalcolique, sans diverticulose colique.

Figure 1

Tomodensitométrie abdominopelvienne avec injection deproduit de contraste iodé en coupe axialeMasse de densité graisseuse intrapéritonéale, adjacente au côlon gauche, délimitée

par un anneau périphérique rehaussé par le produit de contraste, correspondant à

une appendagite (flèches blanches). Coupe A : cas no 1. Coupe B : cas no 2.

Après avis chirurgical, le diagnostic d’appendagite a été retenu.La patiente a quitté les urgences au décours de la prise en charge,sous surveillance ambulatoire simple par le médecin traitant.Devant la persistante des douleurs (EVA chiffrée à 05/10), unecouverture antalgique de pallier 1 (paracétamol et anti-inflam-matoires non stéroïdiens [AINS]) et 2 (tramadol) a été prescrite.Il n’y a pas eu de complication ultérieure, les douleurs ayantcédées complètement 48 heures après la prise en charge auxurgences.

Cas clinique no 2Un homme de 36 ans, sans antécédent a ressenti une douleurde fosse iliaque gauche, d’apparition brutale, depuis 48 heures.Il a consulté initialement son médecin traitant. Une échogra-phie abdominale réalisée en ambulatoire a montré unehyperéchogénicité de la graisse péritonéale adjacente à la faceantérieure du côlon gauche, un oedème localisé, un épaississe-ment pariétal colique gauche non chiffré, une douleur aupassage de la sonde en fosse iliaque gauche. Le radiologuea conclu à un aspect échographique évocateur de sigmoïdite etle médecin traitant a adressé le patient au SAU pour sa prise encharge.À l’admission au SAU on notait : une pression artérielle à 148/77 mmHg, une fréquence cardiaque à 77 bpm, une fréquencerespiratoire à 18 cycles par minute, une SpO2 à 98 % en AA, lepatient était apyrétique. L’examen clinique a trouvé une dou-leur en fosse iliaque gauche avec une défense localisée, sansdouleur à la décompression. L’EVA était chiffrée à 07/10. Lesorifices herniaires étaient libres, il n’existait pas de syndromeocclusif, pas de nausées ni de vomissements. Le reste del’examen était sans particularité. Le patient a reçu un traite-ment antalgique par voie intraveineuse comprenant du para-cétamol et du tramadol. La biologie sanguine (NFS, plaquettes,ionogramme, urée, créatinine, CRP, bilan hépatique, lipase) atrouvé un syndrome inflammatoire (hyperleucocytose à11 410/mm3, CRP augmentée à 61 mg/L). Un examen tomo-densitométrique abdominopelvien avec injection de produit decontraste (figure 1 coupe B) a montré un épaississement de lagraisse péritonéale adjacente à la face antérieure du côlongauche, avec rehaussement périphérique de produit decontraste, sans épaississement pariétal colique, il a conclu àune appendagite. Le patient est sorti des urgences au décoursde la prise en charge, l’EVA ayant été chiffrée à 02/10, untraitement par antalgiques de pallier 1 (paracétamol et AINS) aété prescrit. L’évolution à 7 jours a montré une régression desdouleurs et l’absence de complication.

Discussion

Les appendices épiploïques (AE) sont des formations grais-seuses, sous péritonéales, de petites tailles (0,5 à 5 cm delongueur, 1 à 2 cm de largeur), contenant des vaisseaux et de lagraisse. Chaque frange épiploïque a un caractère pédiculé etcontient une artère et une veine [1], sa vascularisation est

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terminale et des éléments lymphatiques peuvent êtreprésents. Leur nombre est d’environ une centaine, leurs fonc-tions physiologiques et leur rôle propre sont encore méconnus[2]. Ils sont répartis le long du cadre colique, et sont absents durectum, leurs localisations sont, par ordre de fréquence, lacharnière rectosigmoïdienne (57 %), la région iléo-ccale(26 %), le côlon ascendant (9 %), le côlon transverse (6 %)et le côlon descendant (2 %) [3].Le caractère pédiculé des AE favorise la torsion sur leur axe,conduisant à une thrombose des vaisseaux, une ischémie puisune nécrose. Une thrombose veineuse des vaisseaux proprespeut également survenir de novo et induire les mêmesphénomènes d’ischémie puis de nécrose de l’AE. Ces deuxphénomènes entraînent une diffusion de l’inflammation à lagraisse péritonéale adjacente. En cas de torsion de l’AE ou dethrombose veineuse de novo, l’appendagite est dite primaire.Si l’inflammation de l’AE résulte de la diffusion d’une inflam-mation d’organes voisins (en cas d’appendicite ou de diverti-culite par exemple), l’appendagite est dite secondaire [3].Le pic d’incidence de l’appendagite se situe chez les hommesentre 40 et 60 ans [2]. Une étude française rétrospective en2008 a trouvé des images d’appendagite sur 1,3 % des tomo-densitométries abdominopelviennes effectués en urgencespour des douleurs abdominales [4]. L’âge moyen dans cettesérie était de 55 ans. Les caractéristiques épidémiologiques del’appendagite restent cependant mal définies. En effet, laprévalence de l’appendagite est sous-évaluée, en raison dunombre de cas sous diagnostiqués [2] et des appendagitessurvenant chez des adultes jeunes ont également été rap-portées [3,5–7].Le tableau clinique montre au premier plan, dans la majoritédes cas, une douleur abdominale prédominant en fosse iliaquegauche, mais des douleurs localisées en fosse iliaque droites oudiffuses peuvent exister [2]. La localisation préférentielles desAE sur la charnière rectosigmoïdienne pourrait expliquer laprédominance des douleurs en fosse iliaque gauche. Des nau-sées, des vomissements ainsi qu’un fébricule peuvent êtreégalement présents. En raison de l’adhésion péritonéale del’appendice infarci, des signes cliniques d’irritation péritonéalepeuvent être notés : défense localisée, douleur à la décom-pression abdominale, augmentation de la douleur à la mobi-lisation, à la toux forcée ou à l’inspiration profonde. Le tableauclinique peut mimer une diverticulite mais aussi une appendi-cite, une cholécystite, une grossesse extra-utérine ou unetorsion d’annexe.La biologie effectuée aux urgences peut révéler un syndromeinflammatoire biologique avec hyperleucocytose et augmenta-tion modérée de la CRP. Il n’existe aucun marqueur biologiquespécifique de l’appendagite et les examens sont le plus souventdans les limites de la normale. Une étude rétrospective de2009 ne trouve une hyperleucocytose que dans 4 cas sur les12 appendagites étudiées, les 8 autres cas d’appendagites

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ayant une biologie dans les limites de la normale [2]. Dansla majorité des cas, devant ce tableau associant douleur defosse iliaque gauche, signes d’irritation péritonéale et biologienormale, le diagnostic d’appendagite n’est que très rarementévoqué. Le choix des examens paracliniques au SAU s’orientevers l’échographie ou la tomodensitométrie (TDM) abdomino-pelviennes afin d’éliminer les diagnostics différentiels telsqu’une sigmoïdite ou une appendicite, la torsion d’annexeou une grossesse extra-utérine.En imagerie par échographie ou par TDM, l’appendice épiploï-que n’est pas visible chez le sujet sain. Il ne peut se discernerque s’il est délimité par du liquide intrapéritonéal suffisammentabondant. En cas d’appendagite, l’échographie abdominalerévèle une masse intrapéritonéale, ovoïde, bien délimitée etnon compressible en regard de la zone douloureuse abdomi-nale. Ces signes sont cependant non-spécifiques et l’échogra-phie ne permet pas toujours d’éliminer un diagnosticdifférentiel. L’échographie n’est donc pas l’examen deréférence dans l’appendagite de par sa faible sensibilité etspécificité [4]. La TDM abdominopelvienne avec injection deproduite de contraste iodé est l’examen de référence dansl’appendagite, les signes sont maintenant bien codifiés etpermettent un diagnostic de certitude. La TDM montre unemasse de densité graisseuse, intrapéritonéale, accolée au côlonadjacent, bien délimitée par un anneau de densité plus élevée(1 mm d’épaisseur), représentant une ligne d’épaississementinflammatoire de la séreuse péritonéale. Une hyperdensitécentrale peut être distinguée, correspondant à la visualisationdu thrombus veineux. Ces éléments permettent un diagnostictomodensitométrique de certitude. Outre le respect des critèrestomodensitométriques, le diagnostic demande l’absenced’éléments radiographiques d’autres causes inflammatoires(appendicite, diverticulite, cholécystite), permettant d’éliminerune appendagite secondaire [4]. Le diagnostic est tomodensi-tométrique et le rôle du médecin urgentiste est d’orienter lepatient vers les examens d’imagerie adaptés afin d’éliminertout diagnostic différentiel. Le piège étant de méconnaîtreune appendagite secondaire, résultant de l’inflammationd’un organe voisin. En effet, le traitement de l’appendagitesecondaire réside dans le traitement propre de la maladieresponsable de l’inflammation initiale (cholécystite, appendi-cite, sigmoïdite).Le traitement de l’appendagite est toujours conservateur, lesdouleurs régressent dans une durée maximale de sept jours etla TDM se normalise à six mois [8]. Les complications à typed’occlusion intestinale ou d’abcès sont exceptionnelles. L’or-ientation d’un patient ayant une appendagite au SAU se faitdonc vers une prise en charge ambulatoire simple, sous cou-verture antalgique. Un examen clinique minutieux et uneconnaissance de cette maladie par le médecin permet de nepas commettre d’erreur diagnostique conduisant à un traite-ment chirurgical inutile [9].

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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

Références[1] Oriot P, Danse E, Thys F. Appendagite, une entité à connaître avant

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appendagites in a 24-year-old woman. Am J Emerg Med 2008;26:838.[8] Singh A, Gervais D, Han P. CT appearance of acute appendagitis. AJR

2004;183:1303-7.[9] Ammar H, Looney SC, Malani A. Epiploic appendagitis. Lancet 2009;

373:2054.

Étienne Kras, Alain Brun, Benoit Bertrand, Stephane Luigi

Centre hospitalier de Martigues, SMUR, service d’accueil desurgences, 13500 Martigues, France

Correspondance : Étienne Kras, Centre hospitalier de Martigues,SMUR, service d’accueil des urgences, 3, boulevard des

Rayettes, 13500 Martigues, [email protected]

Reçu le 24 mars 2012Accepté le 23 avril 2012

Disponible sur internet le 14 juin 2012

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservéshttp://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.04.015

Cause inhabituelle de thromboseveineuse profonde unilatéraled’origine urologiqueUnusual cause of unilateral deep veinthrombosis from urinary bladder

Figure 1

Urétéro-hydronéphrose bilatérale

L’obstruction veineuse iliaque associée simultanément à unedistension vésicale est un phénomène peu courant. Cependant,la responsabilité de cette rétention urinaire dans le développe-ment d’une thrombose veineuse du membre inférieur estencore plus rare.

Observation

Un homme de 58 ans a été admis pour un oedème du membreinférieur droit apparu lors de la marche évoquant par son aspectun premier épisode de thrombose veineuse profonde (TVP). Il adécrit un épisode similaire spontanément résolutif troissemaines plus tôt. Il était actif physiquement, sans obésité.Hormis un éthylisme sevré, il n’avait aucun antécédent demaladie thromboembolique veineuse, néoplasique ou autre,ni personnel ni familial. À l’examen, un oedème douloureux dupied à la hanche affectait effectivement le membre inférieurdroit. La jambe était oedémateuse, plutôt tiède. Il n’y avait niérythème, ni cordon induré, ni souffrance cutanée. On n’a pasnoté de perte du ballant du mollet et le test de Homans étaitnégatif. Aucune anomalie évidente n’a été découverte au coursde l’examen abdominal initial et le toucher rectal n’identifiaitaucune hypertrophie de prostate. Le patient ne s’est plaint ni designe fonctionnel urinaire ni de douleur abdominale. L’écho-graphie Doppler veineuse a révélé une thrombose de la veinepoplitée droite étendue jusqu’à la veine fémorale communeconfirmée à la tomodensitométrie (TDM) ainsi qu’un importantglobe vésical. Sur le plan biologique, les tests de laboratoire deroutine sont revenus normaux, hormis une augmentation del’urée et de la créatinine (clairance Cockcroft = 47 mL/min, lacréatinine = 149 mmol/L) qui ont continué à croître malgré unehydratation abondante. Le taux sérique d’antigène spécifiquede la prostate était normal (1,69 ng/mL, normale < 4 ng/mL).Quant à la TDM abdominopelvienne, elle a révélé une impor-tante urétéro-hydronéphrose bilatérale, plus marquée à droite,(figures 1–3) et une distension marquée de la vessie respon-sable d’une compression de la veine iliaque droite et la veinecave inférieure (figures 4–6).

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